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= L’École du droit naturel moderne =
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{{Article détaillé|Les problèmes juridico-politiques de la conquête II}}


Au temps moderne, une nouvelle conception du droit naturel se développe qui conçoit le droit comme un ensemble de principes fondamentaux dont le droit positif devrait être directement dérivé.  
Au temps moderne, une nouvelle conception du droit naturel se développe qui conçoit le droit comme un ensemble de principes fondamentaux dont le droit positif devrait être directement dérivé.  

Version du 29 novembre 2023 à 12:25


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L'évolution du droit et la formation de l'État moderne représentent un processus complexe et multicouche, intimement lié à l'histoire et à la culture des sociétés. L'État moderne, tel que nous le connaissons, a commencé à se former il y a environ trois siècles, marquant un tournant majeur dans la gestion du pouvoir politique. Cette période a été caractérisée par la centralisation du pouvoir, la délimitation claire des frontières nationales, et l'établissement d'institutions gouvernementales structurées. Parallèlement, le droit public a émergé comme un domaine juridique distinct, régissant les relations entre l'État et ses citoyens ainsi que les fonctions de l'État lui-même, y compris le droit constitutionnel, administratif, fiscal et pénal.

En contraste avec le droit public, le droit privé possède des racines beaucoup plus anciennes, remontant à plus de 2000 ans. Il traite des relations entre individus et couvre des domaines tels que le droit des contrats, le droit des biens, le droit de la famille et le droit des successions. Une grande partie de ce droit privé moderne tire ses principes du droit romain, qui a établi des fondements et des concepts juridiques toujours pertinents aujourd'hui. Par exemple, le concept de contrat, central dans le droit privé, trouve son origine dans les pratiques et les théories juridiques romaines.

Le droit international, bien qu'ayant des origines anciennes, a connu une expansion significative au cours des derniers siècles. Il s'est développé en réponse à la complexité croissante des relations internationales et du commerce mondial. Ce domaine du droit, qui régit les relations entre les États et les organisations internationales, continue d'évoluer face à des défis mondiaux comme les changements climatiques et les droits de l'homme. Un exemple marquant de l'évolution du droit international est la création de l'Organisation des Nations Unies après la Seconde Guerre mondiale, établissant des normes internationales pour la paix, la sécurité et la coopération.

L'unification du droit suisse à la fin du XIXe et au début du XXe siècle offre un exemple concret de la manière dont les systèmes juridiques peuvent s'harmoniser. Eugène Huber, un juriste suisse, a joué un rôle crucial dans ce processus. S'inspirant des codes et traditions juridiques suisses qui avaient évolué sur des millénaires, Huber a réussi à unifier les différents systèmes juridiques cantonaux en Suisse. Son travail a abouti à la création du Code civil suisse, devenu un modèle de codification juridique influençant d'autres pays.

L'évolution du droit et la formation de l'État moderne reflètent donc les influences historiques, culturelles et sociales à travers les âges. Le droit public, privé et international est le fruit de cette évolution, montrant comment les systèmes juridiques s'adaptent et se développent en réponse aux besoins changeants des sociétés.

L'influence des grandes traditions formatrices du droit

La législation privée suisse est un amalgame fascinant de traditions juridiques historiques qui remontent à près de deux millénaires. Ces traditions ont été soigneusement tissées ensemble pour former les fondements des systèmes juridiques modernes du pays, une synthèse illustrée de manière emblématique par l'élaboration du Code civil et du Code des obligations en 1912. Ces documents législatifs ont marqué un tournant dans l'histoire juridique suisse, symbolisant une étape significative dans l'unification et la modernisation du droit dans le pays.

L'influence du droit romain sur la législation suisse est indéniable. Hérité de l'Empire romain, ce système juridique a introduit des concepts fondamentaux tels que les contrats, la propriété, et les obligations, qui sont des piliers du droit privé moderne. Ces idées, initialement formulées dans les lois romaines, ont été adaptées pour répondre aux besoins contemporains, mais leur essence reste profondément enracinée dans les principes romains. À côté du droit romain, le droit germanique a également joué un rôle crucial dans la formation du système juridique suisse. Originaire des tribus germaniques, cette tradition mettait l'accent sur les coutumes et les pratiques locales, particulièrement en matière de propriété et de relations familiales. Le droit germanique, avec son approche plus centrée sur la communauté et les coutumes locales, a offert un contrepoint essentiel aux formalismes du droit romain. Le droit canonique, issu de la tradition chrétienne, a également influencé la législation suisse. Bien que son rôle soit principalement religieux, le droit canonique a régi des aspects importants de la vie civile, comme le mariage. Son influence est un rappel de l'importance historique de la religion dans la formation du droit européen. Enfin, l'école du droit moderne en Suisse représente l'évolution des traditions juridiques anciennes en réponse aux réalités contemporaines. Cette école est le produit d'une adaptation et d'une intégration des principes du droit romain, germanique et canonique, refaçonnés pour répondre aux défis sociaux, économiques et politiques du monde moderne. Cette tradition est un témoignage de la capacité du système juridique suisse à évoluer et à intégrer harmonieusement diverses influences historiques.

En somme, la législation privée suisse est le résultat d'une fusion unique de différentes traditions juridiques, une combinaison qui a créé un système juridique riche en histoire et adapté aux exigences du monde contemporain. Le Code civil et le Code des obligations, élaborés en 1912, incarnent cette synthèse, illustrant comment la Suisse a réussi à créer un cadre juridique cohérent et efficace en intégrant ces divers héritages.

Le droit romain

Rome s’étend sur une période de 1000 ans du Vème siècle avant Jésus-Christ au Vème siècle après Jésus-Christ. L’Empire romain a développé un système cohérent qui va s’appliquer à tous les citoyens romains et hommes libres de l’Empire. Cette période encapsule l'ascension, l'apogée et le déclin de la Rome antique. C'est une ère qui a vu Rome évoluer d'une petite cité-état à un empire colossal s'étendant sur trois continents. Au cours de cette période millénaire, l'un des accomplissements les plus significatifs de Rome fut le développement de son système juridique. Ce système, qui a émergé progressivement, a finalement constitué un ensemble de règles et de normes cohérentes applicables à tous les citoyens romains ainsi qu'aux hommes libres vivant dans l'Empire. Ce cadre juridique a été crucial pour la gestion d'un empire aussi vaste et diversifié. Ce système juridique romain a été caractérisé par des innovations telles que le concept de droit civil, qui régit les relations entre les citoyens, et le droit des gens, concernant les relations entre les nations et les peuples. Ces concepts ont grandement influencé les systèmes juridiques modernes, en particulier dans les nations suivant la tradition du droit civil. L'un des aspects les plus remarquables du droit romain était son application universelle au sein de l'Empire. Indépendamment de la diversité ethnique et culturelle des peuples conquis, le droit romain a offert un cadre commun qui a aidé à intégrer et à administrer efficacement ces territoires divers. Cette universalité a également contribué à l'expansion de l'influence romaine bien au-delà de ses frontières politiques et a servi de fondement à l'élaboration ultérieure des systèmes juridiques dans de nombreuses parties de l'Europe et du monde méditerranéen. L'Empire romain a également vu l'émergence de figures juridiques importantes, telles que les juristes, qui ont interprété, développé et enseigné le droit. Leurs écrits et leurs enseignements ont formé la base de ce qui deviendra plus tard le Corpus Juris Civilis sous l'empereur Justinien au VIe siècle après Jésus-Christ, une compilation qui a fortement influencé le développement du droit occidental. L'histoire de Rome sur cette période de mille ans est non seulement celle d'une expansion territoriale et d'une puissance militaire, mais aussi celle d'une contribution exceptionnelle au domaine du droit. Le système juridique romain, avec ses principes d'universalité et d'équité, a jeté les bases de la pratique juridique dans le monde occidental, et son héritage perdure dans les systèmes juridiques contemporains.

Le droit romain, qui a formé la base de nombreux systèmes juridiques contemporains, se distingue par ses deux caractéristiques principales, chacune jouant un rôle crucial dans le développement et la sophistication de ce système juridique ancien.

D'une part, le droit romain a une forte composante doctrinale et coutumière, qui a été soigneusement transposée par écrit, connue sous le terme de "ius". Cette tradition écrite était fondamentalement basée sur l'interprétation et l'analyse des juristes romains, dont le travail a façonné et affiné le droit au fil du temps. Ces juristes, tels que Gaius, Ulpian, et Justinien, ont non seulement interprété les lois existantes mais ont également développé des principes juridiques qui ont influencé la pratique du droit bien au-delà de l'époque romaine. Leur influence est particulièrement évidente dans la compilation du Corpus Juris Civilis sous l'empereur Justinien au VIe siècle. En plus de la doctrine, le droit coutumier romain, constitué des coutumes et pratiques des citoyens de Rome, a été progressivement codifié, permettant une application uniforme et systématique du droit à travers l'Empire. D'autre part, les décisions de l’Empereur et les actions des organes de la République ont joué un rôle essentiel dans l'évolution du droit romain. Sous l'Empire, les empereurs avaient le pouvoir d'émettre des édits et des décrets qui avaient force de loi. Ces déclarations impériales, ou "constitutiones", pouvaient modifier ou établir de nouvelles normes juridiques, jouant un rôle crucial dans la réponse aux besoins changeants de l'Empire. Avant l'époque impériale, pendant la République, les institutions telles que le Sénat et les assemblées du peuple avaient également un impact significatif sur la création du droit. Les lois adoptées par ces organes, appelées "leges", constituaient une autre composante fondamentale du cadre juridique.

L'interaction entre la tradition écrite et doctrinale et les décisions impériales et républicaines a créé un système juridique riche et dynamique. Ce système a non seulement gouverné la vie quotidienne dans l'Empire romain, mais a aussi posé les jalons pour l'évolution du droit occidental. Les principes et structures développés dans le droit romain, comme le concept de contrat, les droits de la propriété, et les fondements du droit pénal, continuent d'exercer une influence profonde sur les systèmes juridiques modernes, en particulier ceux suivant la tradition du droit civil. Cette héritage romain est un témoignage de la capacité du droit à s'adapter et à évoluer, tout en conservant une continuité et une cohérence à travers les siècles.

La mise en forme du droit romain aux alentours du Vème siècle représente un moment clé dans l'histoire du droit occidental. Cette période a vu la codification officielle des lois et des principes juridiques romains, un processus crucial pour la préservation et la transmission de l'héritage juridique romain. L'un des événements les plus significatifs de cette période fut la codification du droit sous l'empereur Théodose II en 438. Le Code de Théodose, ou "Codex Theodosianus", a été une réalisation majeure. Il a rassemblé et organisé les édits, les décrets et les lois promulgués par les empereurs romains depuis le règne de Constantin Ier. Cette codification a été essentielle pour unifier et clarifier le droit romain, qui s'était développé de manière considérable et parfois désordonnée au cours des siècles précédents. Le Codex Theodosianus a eu un impact durable non seulement dans l'Empire romain d'Orient, où Théodose régnait, mais aussi dans l'Empire romain d'Occident. Il a servi de référence juridique pour les empereurs et les cours de justice, et a influencé le développement ultérieur du droit dans l'Empire byzantin ainsi que dans les royaumes barbares qui ont succédé à l'Empire romain en Occident.

La codification du droit sous Théodose II a été une étape cruciale dans la transition du droit romain d'un système principalement basé sur la tradition et la coutume à un système plus formellement structuré et codifié. Cette transformation a permis une meilleure compréhension et application des lois romaines, et a jeté les bases pour d'autres efforts de codification, notamment le Corpus Juris Civilis commandé par l'empereur Justinien au VIe siècle. La codification du droit romain au Vème siècle, en particulier sous Théodose II, a marqué une étape importante dans l'histoire du droit. Elle a permis de préserver l'héritage juridique romain et de le transmettre aux générations futures, influençant de manière significative les systèmes juridiques occidentaux contemporains.

La chute de l'Empire romain d'Occident en 476 marque un tournant historique majeur, non seulement du point de vue politique et social, mais également en termes de développement juridique. Alors que l'Empire d'Occident s'effondrait, l'Empire romain d'Orient, connu plus tard sous le nom d'Empire byzantin, continuait de prospérer. C'est dans ce contexte que l'Empereur Justinien Ier, un des empereurs les plus influents de l'Empire byzantin, a entrepris une des initiatives juridiques les plus ambitieuses de l'histoire : la création du Code de Justinien. Règnant au VIe siècle, Justinien a vu l'importance de réformer et de systématiser le droit romain qui, à cette époque, était dispersé en de nombreux textes, édits, et décrets souvent contradictoires ou obsolètes. Entre 529 et 534, lui et son équipe de juristes, sous la direction de Tribonien, ont entrepris de compiler, réviser et organiser ces lois. Cette œuvre monumentale a abouti à la création du Corpus Juris Civilis, ou "Corps de Droit Civil", un ensemble de travaux comprenant le Code (Codex), le Digeste (Digesta ou Pandectae), les Institutes (Institutiones) et les Novelles (Novellae Constitutiones).

Le Codex Justinianus a rassemblé les constitutions impériales existantes. Le Digeste a été une compilation d'opinions et de décisions de juristes romains renommés. Les Institutes ont servi de manuel d'introduction au droit pour les étudiants, et les Novelles ont inclus les nouvelles lois promulguées après 534. L'importance du Code de Justinien réside dans sa systématisation du droit romain et son impact durable sur le développement juridique en Europe. Il a servi de base au droit civil dans de nombreux pays européens et a influencé les systèmes juridiques à l'échelle mondiale. Même après la chute de Constantinople en 1453, le Corpus Juris Civilis a continué à être étudié et utilisé comme référence juridique en Europe occidentale, jouant un rôle clé dans la Renaissance juridique et la formation des systèmes juridiques modernes. Ainsi, tandis que l'Empire romain d'Occident s'effondrait, l'héritage du droit romain était préservé et revitalisé dans l'Empire byzantin. Le Code de Justinien est un témoignage de la persévérance et de la résilience de l'héritage juridique romain, et il reste l'une des contributions les plus significatives à la théorie et à la pratique du droit dans l'histoire mondiale.

Suite à la chute de l'Empire romain d'Occident, une réforme majeure du droit romain a été entreprise dans l'Empire romain d'Orient, plus tard connu sous le nom d'Empire byzantin. Sous la direction de l'empereur Justinien au VIe siècle, cette réforme a conduit à la création du Corpus Juris Civilis, ou le Code Justinien, qui représente un effort monumental dans la préservation et la systématisation du droit romain. Le Corpus Juris Civilis commence avec le Codex Justinianus, qui rassemble les constitutions impériales - essentiellement les décisions et édits de l'empereur. Cette compilation remplace le Code Théodosien antérieur et centralise toutes les lois impériales depuis l'époque de l'empereur Hadrien. Ce codex était destiné à offrir un accès clair et structuré aux lois de l'Empire, facilitant ainsi leur compréhension et leur application. Ensuite, le Digeste, ou Pandectes, constitue une partie cruciale du Corpus. Il s'agit d'une vaste compilation d'extraits issus de plus de 1500 livres écrits par les jurisconsultes de la Rome classique. Cette section forme la doctrine juridique et représente la sagesse cumulée et les interprétations des juristes romains. Le Digeste a servi de guide pour les juges et les avocats, leur fournissant une ressource détaillée pour l'interprétation et l'application du droit. Pour les étudiants en droit, les Institutes offraient un manuel élémentaire, présentant les principes fondamentaux et les structures du droit romain de manière accessible. Les Institutes jouaient un rôle vital dans l'éducation juridique, assurant la transmission des connaissances juridiques aux générations futures. Enfin, les Novelles, ou Nouvelles Lois, complétaient le Corpus en incluant les lois promulguées par Justinien après la rédaction du Codex. Ces textes reflétaient les changements et les adaptations nécessaires du droit pour répondre aux besoins contemporains de l'Empire byzantin. Le Corpus Juris Civilis a eu un impact profond et durable sur le développement du droit dans le monde occidental. Sa compilation a non seulement préservé l'héritage juridique de la Rome antique mais a aussi posé les bases du droit civil dans de nombreux pays européens. L'influence du Corpus s'étend bien au-delà de l'Empire byzantin, car ses principes et sa méthodologie ont été adoptés et adaptés dans divers systèmes juridiques au fil des siècles. Le travail de Justinien a ainsi assuré la pérennité de la sagesse juridique romaine, la rendant accessible et pertinente pour les générations futures.

C'est au début du deuxième millénaire que les textes de Justinien ont commencé à influencer de manière significative le monde juridique médiéval occidental. Après la chute de l'Empire romain d'Occident et durant les périodes subséquentes, y compris le Haut Moyen Âge, une grande partie de l'Europe occidentale a perdu le contact direct avec l'héritage juridique de la Rome antique. Cependant, cette situation a commencé à changer autour du 11ème et 12ème siècle. La renaissance du 12ème siècle, une période de renouveau intellectuel et culturel en Europe occidentale, a joué un rôle crucial dans la redécouverte des textes de Justinien. Les universités, qui ont commencé à émerger dans des villes comme Bologne en Italie, ont été des centres pour l'étude et l'enseignement du droit romain. L'Université de Bologne, en particulier, est devenue un centre de référence pour les études juridiques. Les érudits tels qu'Irnerius et ses successeurs, connus sous le nom des Glossateurs, ont analysé, commenté et enseigné le Corpus Juris Civilis, contribuant à sa diffusion dans l'Europe médiévale. Cette période a vu la traduction, l'interprétation et l'adaptation des textes de Justinien pour qu'ils répondent aux besoins juridiques et sociaux de l'époque. Les juristes médiévaux ont intégré des éléments du droit romain dans les systèmes juridiques locaux, un processus qui a grandement influencé le développement du droit civil européen. Cette intégration a contribué à la formation des premiers systèmes juridiques nationaux en Europe, comme le droit canonique de l'Église catholique et les divers droits coutumiers régionaux. Le début du deuxième millénaire a marqué une période de redécouverte et de réintégration du droit romain dans l'Europe occidentale, avec les textes de Justinien jouant un rôle central dans ce processus. Cette influence a jeté les bases des systèmes juridiques modernes en Europe et a contribué de manière significative à l'histoire du droit occidental.

Le droit germanique

Les conquêtes des tribus germaniques au Vème siècle représentent une période de transformation significative pour le territoire de l'ancien Empire romain. Alors que ces peuplades, telles que les Francs, les Burgondes et d'autres, pénétraient et s'établissaient sur le territoire romain, elles ont apporté avec elles leurs propres systèmes juridiques et coutumes. Cette période marque l'émergence d'une tradition juridique distincte : le droit germanique.

Les tribus germaniques, contrairement à l'approche romaine centralisée et codifiée du droit, se basaient principalement sur des coutumes orales et des règles tribales. Lorsqu'ils ont envahi et colonisé différentes parties de l'Empire romain, ils ont maintenu leurs propres lois. Par exemple, la loi des Francs (connue sous le nom de Lex Salica) et la loi des Burgondes (Lex Burgundionum) étaient des ensembles de lois spécifiques à ces peuples. Ces lois régissaient les aspects de la vie quotidienne et la résolution des conflits au sein de leurs communautés. En parallèle, les populations romaines sous la domination germanique ont continué à vivre selon les lois romaines. Cette coexistence de systèmes juridiques distincts a mené à une dualité légale sur de nombreux territoires : le droit germanique pour les conquérants et le droit romain pour les populations autochtones.

Avec le temps, en entrant en interaction avec la civilisation romaine, les peuples germaniques ont commencé à mettre par écrit leurs coutumes, souvent en utilisant le latin, la langue de l'érudition et de l'administration à cette époque. Cette formalisation écrite des coutumes germaniques a été une étape importante dans l'évolution de leur système juridique. Elle a non seulement permis de préserver ces coutumes pour les générations futures, mais a également facilité leur intégration avec des éléments du droit romain. Cette période de l'histoire européenne est donc caractérisée par une interaction culturelle et juridique complexe, où les traditions romaines et germaniques se sont influencées mutuellement. L'adoption de l'écriture latine pour documenter les lois germaniques est un exemple de cette synthèse. Au fil du temps, cette fusion des traditions juridiques a contribué à la formation des systèmes juridiques européens modernes, mêlant des éléments du droit romain et germanique.

Dans l'Empire romain, particulièrement autour du bassin méditerranéen, le droit romain avait une portée et une application vastes, s'étendant sur tout l'Empire. Cette universalité du droit romain contraste fortement avec l'approche adoptée par les tribus germaniques, où le droit avait un caractère nettement plus personnel. Le droit romain, avec ses systèmes codifiés et ses principes universels, était conçu pour s'appliquer uniformément à tous les citoyens de l'Empire, indépendamment de leur origine ethnique ou de leur statut social. Cette approche visait à créer une base juridique commune et à faciliter l'administration d'un empire aussi vaste et diversifié. Le droit romain régissait divers aspects de la vie, allant du droit privé (comme le droit de la famille et le droit des contrats) au droit public (y compris le droit administratif et pénal). Sa portée englobait tout le bassin méditerranéen, reflétant l'étendue géographique et l'influence culturelle de l'Empire romain. En revanche, les tribus germaniques pratiquaient des lois personnelles. Chaque tribu, qu'il s'agisse des Francs, des Burgondes, des Visigoths ou d'autres, avait son propre ensemble de lois et de coutumes qui régissait la vie de ses membres. Ces lois étaient généralement transmises oralement et reflétaient les traditions et les valeurs spécifiques de chaque tribu. Contrairement au droit romain, les lois germaniques n'étaient pas conçues pour s'appliquer de manière universelle, mais étaient plutôt adaptées aux particularités de chaque groupe.

Lorsque ces tribus germaniques se sont établies dans les territoires de l'ancien Empire romain, elles ont conservé leurs systèmes juridiques personnalisés. Ce faisant, elles ont créé une situation où différentes communautés au sein du même territoire étaient régies par des systèmes juridiques distincts. Par exemple, un membre d'une tribu germanique serait soumis aux lois de sa tribu, tandis qu'un Romain autochtone continuerait de suivre le droit romain. Cette dualité juridique a eu des implications importantes pour l'organisation sociale et le développement des systèmes juridiques en Europe post-romaine. Ainsi, la coexistence et l'interaction du droit romain universel et des lois personnelles germaniques ont joué un rôle crucial dans le façonnement des traditions juridiques européennes, mélangeant les concepts de droit universel et de droit basé sur l'identité ethnique ou tribale. Cette synthèse historique a posé les bases des systèmes juridiques modernes en Europe, où la tension entre les normes universelles et les droits personnalisés continue d'influencer la pratique et la théorie juridiques.

Le droit canonique

Le droit canon, ou canonique, est un système juridique unique qui joue un rôle central dans l'organisation et la gouvernance de l'Église catholique. Ce système de droit est distinct des systèmes juridiques civils et se concentre spécifiquement sur les aspects internes de l'Église, ainsi que sur la manière dont elle interagit avec ses fidèles et la société en général. Le droit canonique couvre un large éventail de domaines, y compris la constitution et l'organisation de l'Église, les fonctions ecclésiastiques, le statut des membres de l'Église, et la gestion des biens ecclésiastiques. Il réglemente également des aspects tels que les processus liturgiques, les sacrements, et les normes disciplinaires pour le clergé et les laïcs. Ce système juridique est fondé sur un ensemble de principes déontologiques issus de la chrétienté, reflétant les valeurs et les enseignements du christianisme.

Une caractéristique notable du droit canonique est son aspiration à s'étendre à tous les hommes, dans le sens où il vise à guider non seulement la conduite interne de l'Église, mais aussi à influencer la morale et l'éthique dans la société plus large. Bien que son application directe soit limitée aux membres de l'Église catholique, les principes du droit canonique ont souvent eu un impact significatif sur les lois et les normes sociales dans de nombreuses sociétés, en particulier dans les pays à tradition chrétienne.

Le droit canonique a évolué au fil des siècles, s'adaptant aux changements dans la société et au sein de l'Église elle-même. Les conciles œcuméniques, les décrets papaux et les décisions des tribunaux ecclésiastiques ont joué un rôle important dans le développement et l'actualisation du droit canon. L'un des moments les plus significatifs dans l'évolution du droit canonique moderne a été la promulgation du Code de Droit Canonique en 1917, révisé en 1983, qui a systématisé et actualisé les normes juridiques de l'Église catholique.

Le droit canonique est un élément essentiel de la structure et du fonctionnement de l'Église catholique. Il représente une tradition juridique qui, tout en étant distincte des systèmes juridiques civils, a eu une influence considérable sur le développement moral et éthique de nombreuses sociétés à travers le monde.

Premier millénaire

La transition de l'Empire romain d'une entité majoritairement païenne à un empire chrétien est un moment charnière dans l'histoire occidentale, marqué par deux édits importants au IVème siècle.

Le premier tournant crucial est l'Édit de Milan, promulgué en 313 par les empereurs Constantin Ier et Licinius. Cet édit n'était pas une légalisation du christianisme, mais plutôt un décret de tolérance religieuse. Il mettait fin aux persécutions des chrétiens et accordait à toutes les personnes dans l'Empire romain la liberté de pratiquer leur religion. Cet édit a marqué un changement radical dans la politique religieuse de l'Empire, offrant au christianisme un statut légal et la possibilité de se développer et de s'étendre librement. Le deuxième moment décisif est l'Édit de Thessalonique, aussi connu sous le nom de Cunctos populos, promulgué en 380 par l'empereur Théodose Ier. Cet édit a établi le christianisme nicéen comme la religion officielle de l'Empire romain. L'édit proclamait que tous les citoyens romains devaient suivre la foi chrétienne telle qu'interprétée par les évêques de Rome et d'Alexandrie, qui suivaient l'enseignement établi par le Concile de Nicée en 325. Cela a signifié la fin de la diversité religieuse officielle dans l'Empire et l'instauration du christianisme comme religion dominante et exclusivement sanctionnée par l'État.

Ces développements ont eu des conséquences profondes sur l'histoire religieuse, culturelle, et politique de l'Empire romain et de l'Europe en général. La conversion de l'Empire romain à la chrétienté a non seulement changé la dynamique religieuse de l'Empire, mais a également jeté les bases pour la montée du pouvoir de l'Église dans les affaires séculaires, influençant ainsi la formation des systèmes juridiques, politiques et sociaux européens dans les siècles à venir. La transition vers un Empire chrétien a également facilité l'émergence et la consolidation du droit canonique en tant que système juridique influent au sein de l'Église catholique et dans la société européenne.

La conversion de l'Empire romain au christianisme a marqué une transformation radicale dans la structure sociale et politique de l'époque, affectant profondément l'interaction entre l'Église et l'État. Cette intégration du christianisme comme religion officielle de l'Empire, suite à l'édit de Thessalonique en 380, a non seulement renforcé la position de l'Église dans la société romaine, mais a également créé un terrain fertile pour l'influence mutuelle entre le droit romain et les pratiques de l'Église. L'Église, qui auparavant fonctionnait en marge de la structure politique officielle, s'est retrouvée au cœur de la société romaine. Cette intégration a eu plusieurs implications importantes. Tout d'abord, l'Église a commencé à adopter et adapter des éléments du droit romain pour gérer ses propres affaires internes, notamment dans l'administration de ses propriétés et dans la régulation de ses processus internes. Par exemple, les principes du droit romain concernant la propriété et les contrats ont été intégrés dans la gestion des biens de l'Église.

En parallèle, le développement du droit canonique, influencé par les principes juridiques romains, a marqué un pas important dans l'évolution de l'Église. Ce système juridique distinct, tout en étant fondé sur les enseignements chrétiens et les écritures, a reflété plusieurs aspects du droit romain dans sa structure et son application. Le droit canonique est devenu un cadre essentiel pour réguler les affaires internes de l'Église, y compris la discipline cléricale et la pratique des sacrements. En outre, la relation entre l'Église et l'État a pris une nouvelle dimension. Les empereurs romains, bien qu'exerçant une autorité principalement temporelle, ont souvent eu une influence notable sur les questions ecclésiastiques. Inversement, l'Église a commencé à jouer un rôle influent dans les affaires séculaires, guidant non seulement les questions spirituelles, mais aussi influençant les normes sociales et légales. Cette période de l'histoire a donc été caractérisée par une interaction dynamique entre les structures juridiques et administratives romaines et l'Église. Cette synergie a jeté les bases pour le développement futur de l'Europe médiévale, façonnant les structures politiques, sociales et juridiques de l'époque. La conversion de l'Empire au christianisme n'a pas seulement été un changement de croyance religieuse, mais a également engendré une transformation profonde de l'organisation sociale et juridique, dont l'impact se fait encore sentir dans les systèmes juridiques et politiques contemporains.

L'influence du christianisme et du droit romain, suite à la conversion de l'Empire romain, s'est étendue bien au-delà des frontières impériales, impactant également les peuples germaniques qui convergeaient vers et à l'intérieur de l'Empire. Cette période de l'histoire européenne est marquée par une interaction complexe entre les cultures et les systèmes juridiques romains et germaniques, sous l'influence croissante du christianisme. À mesure que les tribus germaniques s'installaient dans les territoires de l'Empire romain, elles entraient en contact étroit avec la civilisation romaine et ses structures juridiques et administratives. En parallèle, la propagation du christianisme, en tant que religion officielle de l'Empire, a commencé à exercer une influence significative sur ces peuples. Les chefs germaniques, souvent en quête de légitimité et de soutien politique, adoptèrent progressivement le christianisme, ce qui a entraîné des changements dans leurs structures sociales et juridiques.

L'adoption du christianisme par les peuples germaniques n'a pas seulement été une transformation religieuse, mais a également impliqué une adaptation de certains aspects du droit romain et de ses principes. Par exemple, les lois germaniques, qui étaient traditionnellement transmises oralement et basées sur des coutumes tribales, ont commencé à être influencées par les concepts juridiques romains, notamment en ce qui concerne l'organisation de la propriété et la gestion des affaires civiles. En outre, l'interaction entre les clercs chrétiens et les élites germaniques a facilité la transmission des connaissances juridiques et administratives romaines. Les clercs, souvent éduqués dans les traditions romaines, ont joué un rôle clé dans l'administration des royaumes germaniques et dans l'élaboration de leurs lois. Cette influence a contribué à l'émergence de systèmes juridiques mixtes dans les royaumes germaniques, combinant des éléments du droit germanique traditionnel avec ceux du droit romain et du droit canonique. Ainsi, l'influence du droit romain et du christianisme s'est étendue bien au-delà des limites de l'Empire romain, façonnant les cultures et les systèmes juridiques des peuples germaniques à la périphérie et à l'intérieur de l'Empire. Cette interaction a joué un rôle crucial dans le développement de l'Europe médiévale, posant les bases pour l'émergence des structures juridiques et politiques modernes.

Le droit canonique, en tant que système juridique de l'Église catholique, s'est développé à partir d'une mosaïque de sources, chacune apportant sa propre influence et perspective. Au cœur de ce système se trouvent les Écritures Saintes, notamment l'Ancien et le Nouveau Testament, qui fournissent les principes fondamentaux et les orientations morales. Ces textes sacrés, au-delà de leur rôle spirituel, offrent des directives sur la conduite et l'organisation au sein de la communauté chrétienne, influençant ainsi les normes canoniques. Un autre pilier du droit canonique réside dans les décisions prises lors des conciles, qui sont des assemblées d'évêques et de théologiens. Ces conciles ont joué un rôle déterminant dans la formation de la doctrine et des canons de l'Église. Par exemple, le Concile de Trente, tenu au XVIe siècle, a apporté des réformes significatives et a édicté de nombreux canons qui ont façonné le droit canonique moderne. Les décrétales papales constituent également une source essentielle du droit canonique. Ces documents, émis par les papes, traitent d'une grande variété de questions, allant de la discipline ecclésiastique à l'administration des sacrements. Les décrétales, par leur nature autoritative, ont souvent servi de références clés dans l'interprétation et l'application du droit canonique.

En plus de ces sources ecclésiastiques, le droit canonique a été influencé par le droit coutumier à l'échelon régional. Les pratiques et traditions locales de l'Église, lorsqu'elles étaient reconnues par l'autorité ecclésiastique, pouvaient acquérir un statut légal. Ces coutumes locales reflétaient la diversité des pratiques chrétiennes et contribuaient à la richesse du droit canonique. Enfin, l'impact du droit romain, en particulier dans le domaine du droit des obligations, sur le droit canonique est incontestable. L'Église a emprunté et adapté de nombreux principes juridiques romains pour gérer ses propres affaires. Par exemple, les notions romaines de contrat et de propriété ont été intégrées dans la gestion des biens de l'Église et dans la résolution des litiges. En somme, le droit canonique est le résultat d'un processus d'intégration et d'adaptation de diverses sources et influences. De la sagesse des Écritures Saintes aux décisions des conciles, en passant par les décrétales papales, le droit coutumier et les principes du droit romain, chaque élément a contribué à façonner un système juridique qui a joué un rôle crucial dans la gouvernance de l'Église catholique et a exercé une influence profonde sur la société européenne dans son ensemble.

Le droit romain et le droit canonique partagent une caractéristique fondamentale : ils sont tous deux des systèmes de droit écrit. Cette particularité joue un rôle crucial dans la façon dont ces systèmes juridiques ont été développés, transmis et appliqués au fil du temps. Le droit romain, en tant que système juridique de l'Empire romain, a été formalisé et codifié dans divers documents écrits. Ces documents comprenaient des lois, des édits, des décrets et des résolutions émis par les autorités romaines, tels que les empereurs et les assemblées. Des exemples notables de cette codification incluent le Code de Justinien, qui regroupait les lois impériales, le Digeste, une compilation des opinions et décisions des juristes romains, et les Institutes, un manuel pour l'enseignement du droit. Cette formalisation écrite a permis une application cohérente et uniforme du droit à travers le vaste Empire romain. De même, le droit canonique de l'Église catholique est un système de droit codifié. Il se compose de lois et de règlements établis par les autorités ecclésiastiques, notamment les conciles œcuméniques et les papes. Le droit canonique a été systématisé dans divers textes écrits, comme le Code de Droit Canonique, qui organise et présente les normes régissant l'Église. L'écriture de ces lois et règlements a permis une uniformité et une clarté dans leur interprétation et leur application au sein de l'Église à travers le monde. La nature écrite du droit romain et du droit canonique contraste avec les systèmes de droit coutumier, qui sont souvent basés sur des traditions orales et des pratiques non codifiées. L'existence de textes écrits dans ces systèmes juridiques a favorisé la préservation et la diffusion de la connaissance juridique, permettant ainsi une étude plus approfondie et une application plus systématique du droit. Cette caractéristique a également facilité l'évolution et l'adaptation de ces systèmes juridiques en réponse aux changements sociaux, économiques et culturels au fil des siècles.

Fin premier millénaire

À la fin du premier millénaire, l'Europe a connu des changements significatifs dans sa structure sociale et juridique. L'un des aspects les plus remarquables de cette période était la désuétude des anciennes lois, notamment celles héritées de l'Empire romain et des divers peuples germaniques tels que les Burgondes, les Wisigoths et les Francs. Au cours de cette période, la notion de loi écrite, telle qu'elle était comprise et appliquée dans l'Empire romain et chez les peuples germaniques, a commencé à s'estomper. Les codes écrits, qui étaient autrefois la pierre angulaire de l'ordre juridique et social, ont perdu leur prééminence. Cela a été dû en partie à la chute de l'Empire romain d'Occident et à la fragmentation politique qui a suivi, ainsi qu'à l'ascension des royaumes germaniques qui n'avaient pas la même tradition de codification juridique.

Dans ce contexte, l'identité basée sur des affiliations ethniques ou impériales, comme se définir comme romain, burgonde, wisigoth ou franc, a commencé à décliner. À la place, l'identité et l'organisation sociale étaient de plus en plus définies par le lieu de résidence. Les gens s'identifiaient davantage par rapport à leur localité ou région plutôt que par une appartenance ethnique ou nationale. Cette transition a marqué un changement significatif dans la perception de l'ordre social et juridique. En conséquence, le droit coutumier est devenu de plus en plus important. Ce droit était basé sur des traditions et des pratiques locales transmises oralement de génération en génération. Chaque région, voire chaque localité, pouvait avoir ses propres coutumes qui régissaient la vie quotidienne. Ces coutumes étaient souvent flexibles et adaptables, reflétant les besoins et les réalités des communautés locales.

Cette période a également vu l'émergence et la consolidation du féodalisme en Europe, un système où les relations sociales et politiques étaient largement basées sur la tenure de la terre et les relations de vassalité. Le système féodal, avec sa hiérarchie complexe de seigneurs et de vassaux, a également contribué à façonner l'organisation juridique et sociale de l'époque. La fin du premier millénaire a été une période de transition profonde en Europe, marquée par une évolution de l'ordre juridique et social. La désuétude des lois écrites romaines et germaniques et la montée du droit coutumier et du féodalisme ont redéfini la manière dont les sociétés européennes étaient organisées et régies.

L'enracinement du droit coutumier en Europe à la fin du premier millénaire peut être expliqué par une série de changements sociaux et culturels significatifs, survenus à la suite des grandes invasions et de la fusion progressive des peuples germaniques et romains. Ces mouvements migratoires et les interactions qui en ont découlé ont conduit à une redéfinition profonde de l'identité dans de nombreuses régions d'Europe. Durant les grandes invasions, également connues sous le nom de période des migrations, les tribus germaniques telles que les Goths, les Vandales, les Francs et les Lombards ont franchi les frontières de l'Empire romain, s'établissant dans diverses parties de l'Europe. Ces mouvements ont marqué la fin de l'Empire romain d'Occident et ont conduit à la formation de nouveaux royaumes et sociétés dans lesquels les cultures romaine et germanique se sont mêlées. Cette fusion culturelle et sociale a entraîné une redéfinition de l'identité. Plutôt que de s'identifier strictement comme Romains, Burgondes, Wisigoths ou Francs, les gens ont commencé à s'identifier en fonction de leur localité ou de la région dans laquelle ils vivaient. Cette transition a été accompagnée par un glissement des lois écrites romaines et germaniques vers des systèmes juridiques plus localement orientés, fondés sur des coutumes et des traditions orales.

Ces coutumes locales représentaient un mélange de traditions romaines et germaniques, adaptées aux besoins et aux réalités des communautés. Au lieu de s'appuyer sur des codes écrits centralisés, le droit est devenu un ensemble de pratiques et de normes transmises oralement, souvent sous la supervision des autorités locales telles que les seigneurs ou les assemblées communautaires. Cette période a également vu le développement du système féodal, qui a renforcé la localisation de l'identité et du droit. Dans ce système, les liens de fidélité et les relations de vassalité étaient primordiaux, et les règles et les obligations étaient souvent définies par les coutumes de la fief ou de la seigneurie. L'enracinement du droit coutumier à la fin du premier millénaire en Europe est le résultat d'un processus de fusion et de redéfinition de l'identité, suite aux grandes invasions et à l'intégration des peuples germaniques et romains. Cette transformation a façonné de manière indélébile les structures sociales, culturelles et juridiques de l'Europe médiévale.

À la fin du premier millénaire, l'Europe a traversé une période où la notion de droit écrit, héritée des traditions romaines et germaniques, a connu un déclin significatif. Cette époque est souvent associée à une perte de culture savante, notamment en matière de connaissances juridiques. Cette situation a eu des répercussions notables sur le fonctionnement de la justice et l'application du droit. Avec la disparition progressive de l'usage du droit écrit, une grande partie de l'Europe est entrée dans une période où les traditions juridiques établies étaient moins accessibles, moins comprises ou parfois même oubliées. Les juges et les autorités locales, qui jouaient un rôle clé dans l'administration de la justice, manquaient souvent de formation juridique formelle et avaient une connaissance limitée, voire inexistante, du droit romain et germanique. Cette ignorance du droit écrit a conduit à une dépendance accrue vis-à-vis des coutumes locales, qui, bien que pratiques et adaptées à la vie quotidienne, ne bénéficiaient pas toujours de la cohérence et de la rigueur des systèmes juridiques formalisés.

Cependant, le droit canon a échappé à cette tendance. En tant que système juridique de l'Église catholique, le droit canon a continué à être enseigné, développé et appliqué tout au long de cette période. Les clercs et les érudits de l'Église, qui avaient souvent accès à une éducation plus formelle, maintenaient et transmettaient la connaissance du droit canonique. Les universités, qui ont commencé à émerger au Moyen Âge, ont joué un rôle crucial dans la préservation et l'enseignement du droit canonique, ainsi que dans la renaissance des études juridiques en Europe. Le droit canon est resté un bastion de la pensée juridique écrite et structurée pendant une période où les autres formes de droit écrit étaient en déclin. De plus, l'Église catholique, en tant qu'institution influente et répandue, a utilisé son droit canonique pour influencer non seulement les questions religieuses, mais aussi les aspects sociaux et même politiques dans de nombreuses régions d'Europe. En conséquence, le droit canonique a non seulement survécu à cette période de perte culturelle, mais a également joué un rôle clé dans le développement ultérieur du droit européen, en jetant les bases pour la renaissance du droit romain et la formation des systèmes juridiques modernes.

Au cours de cette période de transition juridique en Europe, marquée par un recul du droit écrit romain et germanique, on observe l'émergence d'un droit local, plus adapté aux réalités et aux besoins des communautés spécifiques. Ce développement reflète une adaptation pragmatique aux circonstances changeantes et une réponse aux défis posés par la perte de la culture juridique savante. Dans de nombreux territoires, la loi appliquée était celle de la majorité de la population résidant dans la région. Cela signifie que les normes et les règles juridiques étaient dictées en grande partie par les coutumes et les pratiques prévalentes parmi les habitants locaux. Ce droit local était donc intrinsèquement flexible et varié, reflétant la diversité des traditions et des modes de vie à travers l'Europe.

Ce nouveau droit local combinait souvent des éléments des anciennes législations romaines et germaniques. Bien que la connaissance détaillée de ces systèmes juridiques ait diminué, leurs influences persistaient sous forme de fragments intégrés dans les coutumes locales. Par exemple, certains principes du droit romain, tels que ceux relatifs à la propriété ou aux contrats, pouvaient se mêler à des pratiques juridiques germaniques, notamment en ce qui concerne le droit familial et la résolution des conflits. En outre, ces systèmes juridiques locaux étaient caractérisés par une capacité d'innovation et d'adaptation. Les solutions à des problèmes juridiques spécifiques étaient souvent créées au cas par cas, sans se référer nécessairement à un code écrit ou à un précédent établi. Cela a permis une grande souplesse dans l'administration de la justice, mais a également conduit à un manque d'uniformité et de prévisibilité dans l'application du droit. Cette période, bien qu'elle représente une sorte de recul par rapport à la formalisation juridique de l'Empire romain, a été essentielle dans la formation de systèmes juridiques adaptés aux réalités médiévales de l'Europe. L'émergence de ce droit local a posé les bases pour le développement ultérieur des systèmes juridiques nationaux et régionaux en Europe, mélangeant des influences historiques avec des innovations adaptées aux contextes locaux.

Au cours de la période médiévale, particulièrement après la chute de l'Empire romain d'Occident, le droit européen a connu une transformation notable avec l'émergence d'un nouveau droit élaboré principalement à l'échelle locale. Ce droit, contrairement aux systèmes juridiques romain et germanique antérieurs, ne se présentait plus sous une forme écrite formalisée, mais prenait plutôt la forme d'un droit coutumier local. Ce droit coutumier local était fondé sur des traditions et des pratiques qui étaient transmises oralement et appliquées par les communautés. Il reflétait les réalités sociales, économiques et culturelles spécifiques de chaque région ou localité. Par conséquent, ce droit était extrêmement varié à travers l'Europe, chaque communauté ayant ses propres coutumes qui régissaient les aspects de la vie quotidienne, tels que la propriété, le mariage, l'héritage, et la résolution des conflits. Le manque d'uniformité et la nature non écrite de ce droit coutumier présentaient à la fois des avantages et des inconvénients. D'un côté, il permettait une grande flexibilité et une adaptation aux circonstances locales spécifiques. De l'autre, il pouvait conduire à une certaine incertitude juridique et à des différences marquées dans l'application de la justice d'une région à l'autre.

Durant cette période, le droit coutumier local est devenu le système juridique dominant dans de nombreuses parties de l'Europe. Les systèmes de droit écrit formel, tels que le droit romain, étaient largement inaccessibles ou oubliés en dehors des cercles savants, principalement conservés dans les monastères ou les institutions ecclésiastiques. Par conséquent, pour la majorité de la population, le droit coutumier local était le principal, voire le seul, système juridique pertinent. Cette prédominance du droit coutumier a continué jusqu'à la renaissance des études juridiques et du droit romain dans les universités médiévales, en particulier à partir du 11ème et 12ème siècle. La réapparition du droit romain et l'émergence des universités ont joué un rôle crucial dans la formation des bases des systèmes juridiques modernes en Europe. Néanmoins, l'influence du droit coutumier local est restée importante et continue d'influencer les systèmes juridiques dans de nombreuses régions.

À l'époque médiévale, après l'effondrement de l'Empire romain d'Occident et durant les périodes de migrations et d'installation des peuples germaniques, les systèmes juridiques romain et germanique n'ont pas complètement disparu, mais leur accessibilité et leur influence directe sur la vie quotidienne ont considérablement diminué. Ces droits, surtout le droit romain, existaient principalement sous forme de documents écrits qui étaient conservés dans les bibliothèques, en particulier celles des monastères et des institutions ecclésiastiques.

Durant cette période, l'Europe a connu une sorte de déclin dans la connaissance et l'utilisation active du droit romain. Les textes juridiques romains, tels que ceux compilés dans le Corpus Juris Civilis de Justinien, étaient souvent inaccessibles à la majorité de la population, y compris à de nombreux juges et administrateurs locaux. Ces textes étaient principalement préservés dans les bibliothèques monastiques où ils étaient étudiés par une petite élite de clercs et d'érudits. Cependant, cette conservation a été cruciale pour la transmission de la connaissance juridique romaine à travers les siècles. De même, le droit germanique, bien qu'il ait été codifié dans certains cas (comme les Lois des Burgondes ou la Lex Salica des Francs), n'était pas aussi largement répandu ou accessible que le droit coutumier local. Ces textes germaniques étaient également souvent conservés dans des contextes monastiques ou dans les cours royales, et leur application était limitée par rapport au droit coutumier local plus immédiatement pertinent pour la vie quotidienne des gens.

La situation a commencé à changer avec la Renaissance des XIIe et XIIIe siècles, lorsque les universités en Europe, comme celle de Bologne en Italie, ont commencé à redécouvrir et à enseigner le droit romain. Cette renaissance juridique a conduit à une revitalisation de l'étude du droit romain et a posé les bases pour le développement ultérieur des systèmes juridiques en Europe. Ainsi, bien que les droits germanique et romain aient été relégués dans une certaine mesure aux bibliothèques pendant cette période, leur préservation dans ces centres de savoir a été essentielle pour leur redécouverte et leur influence sur les systèmes juridiques européens ultérieurs.

Début du deuxième millénaire

Glossateurs : XIIème siècle – XIIIème siècle

Le XIIème et XIIIème siècle ont marqué une période cruciale dans l'histoire du droit européen avec la redécouverte et l'étude du droit justinien à l'Université de Bologne. Cette période est particulièrement notable pour l'émergence des glossateurs, des juristes et des universitaires qui ont joué un rôle central dans la renaissance du droit romain. À Bologne, une des premières et des plus influentes universités médiévales, les glossateurs ont commencé à étudier de manière approfondie le Corpus Juris Civilis, un ensemble de textes juridiques élaborés à Constantinople sous l'empereur Justinien au VIe siècle. Ces textes, qui comprenaient le Code, le Digeste, les Institutes et les Novelles, formaient une compilation exhaustive du droit romain. Bien que ces textes aient été préservés pendant des siècles, c'est seulement à cette période que leur étude systématique a été relancée. Les glossateurs ont non seulement redécouvert ces textes anciens, mais ils ont également entrepris de les commenter et de les expliquer. Leur travail consistait à rédiger des "gloses" ou des commentaires marginaux qui clarifiaient, interprétaient et étendaient le texte original. Cette méthode d'étude a permis de rendre le droit justinien plus accessible et applicable aux situations contemporaines.

Leur approche a marqué un changement significatif dans la manière de résoudre les conflits juridiques. Au lieu de s'appuyer uniquement sur des coutumes traditionnelles, qui pouvaient parfois être arbitraires ou contraires à la raison, les glossateurs ont promu une approche plus rationnelle et systématique. Ils analysaient chaque cas spécifique, cherchant à en extraire une solution qui était non seulement conforme aux textes juridiques, mais aussi logique et équitable. L'influence des glossateurs et leur travail sur le Corpus Juris Civilis ont eu un impact profond sur le développement du droit en Europe. Ils ont posé les bases pour une compréhension plus profonde et une application plus systématique du droit romain, ce qui a finalement conduit à l'émergence de la tradition du droit civil en Europe. Leur héritage se perpétue dans les systèmes juridiques modernes, où l'analyse rationnelle et la référence aux textes juridiques fondamentaux restent des aspects centraux de la pratique juridique.

Les glossateurs, avec leur travail minutieux et novateur sur le Corpus Juris Civilis au XIIe et XIIIe siècle, sont souvent considérés comme les pères de la jurisprudence européenne. Leur influence sur le droit et la méthodologie juridique en Europe a été profonde et durable, marquant un tournant décisif dans l'histoire du droit occidental. En redécouvrant et en commentant les textes du droit romain, les glossateurs ont non seulement préservé un héritage juridique précieux, mais ont également révolutionné la manière de penser et de pratiquer le droit en Europe. Leur approche méthodique et analytique a permis une compréhension plus profonde et une interprétation plus systématique des lois. En fournissant des commentaires détaillés et des clarifications sur des textes juridiques complexes, ils ont rendu le droit romain accessible et applicable aux situations contemporaines. Leur travail a contribué à la formation d'une tradition juridique européenne qui valorisait l'analyse rationnelle, la référence à des textes écrits, et l'application systématique de principes juridiques. Cette tradition a été cruciale dans le développement de ce que l'on appelle aujourd'hui le système de droit civil, qui prédomine dans une grande partie de l'Europe et qui a influencé d'autres systèmes juridiques à travers le monde. Les glossateurs ont également jeté les bases de la jurisprudence, en établissant des méthodes pour interpréter la loi et résoudre les litiges. Leur influence se fait sentir non seulement dans la manière dont le droit est enseigné et étudié dans les universités, mais aussi dans la pratique quotidienne du droit. Ainsi, en faisant revivre et en enrichissant le droit romain, les glossateurs ont non seulement préservé un patrimoine juridique, mais ont également contribué à façonner le cadre de la pensée et de la pratique juridique dans l'Europe moderne. Leur héritage continue d'être une pierre angulaire de la jurisprudence européenne.

L'activité des glossateurs à l'Université de Bologne au XIIe et XIIIe siècle a eu un rayonnement considérable, attirant des étudiants de toute l'Europe désireux d'étudier le droit romain. Bologne, grâce à ces érudits, est devenue un centre majeur de l'enseignement juridique et a joué un rôle crucial dans la diffusion du savoir juridique à travers le continent. La méthode d'enseignement des glossateurs, basée sur une analyse approfondie et une interprétation rigoureuse des textes du droit romain, était révolutionnaire pour l'époque. Les étudiants étaient attirés non seulement par la richesse du contenu enseigné, mais aussi par la méthode pédagogique qui favorisait une compréhension approfondie et critique des principes juridiques. Les glossateurs enseignaient comment appliquer les principes du droit romain aux cas concrets, une compétence très recherchée à une époque où le droit coutumier local prédominait.

Les étudiants venus à Bologne pour étudier avec les glossateurs provenaient de diverses régions d'Europe, ce qui a contribué à la formation d'un réseau international de juristes formés dans la tradition du droit romain. Ces étudiants, une fois retournés dans leurs pays d'origine, ont diffusé les connaissances acquises et ont souvent joué un rôle important dans le développement et la réforme des systèmes juridiques locaux. Ils ont également contribué à la création de nouvelles écoles de droit et à la propagation de l'enseignement juridique à travers l'Europe. L'impact de l'Université de Bologne et des glossateurs s'est donc étendu bien au-delà de l'Italie. Leur influence a été un facteur déterminant dans la renaissance du droit romain en Europe et a posé les bases pour le développement ultérieur du système de droit civil. L'Université de Bologne, grâce à ces enseignements, est restée un modèle pour les établissements d'enseignement juridique pendant des siècles et continue d'être reconnue aujourd'hui comme un des berceaux de l'éducation juridique moderne.

Conciliateurs : XIVème siècle – XVème siècle

Au XIVe et XVe siècle, l'influence des enseignements des glossateurs et l'intégration progressive du droit romain dans la pratique juridique européenne ont continué à évoluer, notamment à travers le rôle des conciliateurs. Ces conciliateurs, souvent des professeurs et des juristes, ont joué un rôle crucial dans la fusion du droit romain avec les systèmes juridiques locaux, notamment dans des régions comme l'Italie.

Les conciliateurs, en poursuivant le travail entamé par les glossateurs, ont cherché à appliquer les principes du droit romain dans la résolution de cas juridiques concrets. Face à des situations où le droit local, souvent basé sur des coutumes ou des traditions germaniques, se révélait insuffisant, les conciliateurs se tournaient vers le droit romain pour trouver des solutions plus adaptées et rationnelles. Cette démarche a conduit à ce que l'on pourrait appeler une "romanisation" des droits locaux, surtout en Italie. Les conciliateurs, en intégrant des éléments du droit romain dans la pratique juridique, ont contribué à enrichir et à sophistiquer les systèmes juridiques locaux. Le droit romain, avec sa structure logique, ses concepts élaborés et son approche systématique, offrait un cadre juridique plus complet pour traiter une variété de questions juridiques.

Ce processus a marqué une étape importante dans l'évolution du droit en Europe. En fusionnant les principes du droit romain avec les coutumes locales, les conciliateurs ont aidé à créer des systèmes juridiques plus unifiés et cohérents. Cette synthèse a également contribué à la formation des bases des systèmes juridiques modernes en Europe, qui combinent souvent des éléments de droit romain avec des traditions juridiques locales. Le rôle des conciliateurs dans les XIVe et XVe siècles a été essentiel dans la propagation et l'application pratique du droit romain en Europe. Leur travail a permis non seulement de combler les lacunes des systèmes juridiques locaux, mais a également joué un rôle crucial dans l'harmonisation et la modernisation du droit européen.

L’humanisme juridique : XVIème siècle – XVIIème siècle

Au XVIème et XVIIème siècle, l'Europe a connu un mouvement intellectuel important connu sous le nom d'humanisme juridique. Ce mouvement a marqué un tournant dans la manière d'aborder et de comprendre le droit romain, se distinguant des méthodes des glossateurs et des conciliateurs des siècles précédents.

L'humanisme juridique se caractérisait par un retour aux sources originales du droit romain, en se concentrant particulièrement sur le sens et l'esprit du droit tel qu'établi dans le Corpus Juris Civilis de l'empereur Justinien. Les humanistes juridiques cherchaient à comprendre le droit romain dans sa forme la plus pure, en se débarrassant des couches d'interprétations et de commentaires accumulées au fil des siècles par les glossateurs et les conciliateurs. Cette approche impliquait une étude directe et approfondie des textes originaux du droit romain, en s'éloignant des interprétations médiévales pour se rapprocher d'une compréhension plus authentique et historique du droit. Les humanistes juridiques mettaient l'accent sur la philologie, l'étude critique des textes, pour redécouvrir le sens original et l'intention derrière les lois et les principes établis par Justinien et d'autres sources romaines.

L'humanisme juridique a également favorisé une perspective plus large dans l'étude du droit, en intégrant des connaissances historiques, philosophiques et culturelles. Cette approche holistique a permis de situer le droit romain dans un contexte culturel et historique plus large, enrichissant ainsi la compréhension juridique et favorisant une interprétation plus nuancée et éclairée des textes. Le mouvement de l'humanisme juridique a eu un impact significatif sur le développement du droit en Europe. Il a non seulement contribué à une meilleure compréhension du droit romain, mais a également influencé la pratique juridique, l'enseignement du droit et la formation des systèmes juridiques modernes. En revenant aux sources du droit romain, les humanistes juridiques ont aidé à établir un fondement solide pour l'étude et la pratique du droit, qui continue d'influencer la pensée juridique contemporaine.

L'intégration du droit romain en Europe occidentale

L'intégration du droit romain en Europe occidentale au cours du deuxième millénaire s'est déroulée en plusieurs phases distinctes, chacune contribuant de manière significative à la renaissance et à l'évolution de la jurisprudence européenne. Au XIIème et XIIIème siècle, l'Université de Bologne est devenue le centre d'un mouvement intellectuel remarquable avec l'émergence des glossateurs. Ces érudits ont entrepris de rétablir et d'étudier le Corpus Juris Civilis, une compilation exhaustive du droit romain élaborée sous l'empereur Justinien. Leur travail méticuleux a non seulement revitalisé l'étude du droit romain, mais a également posé les fondements de la jurisprudence européenne moderne. Par exemple, Irnerius, l'un des premiers glossateurs, a été instrumental dans l'analyse et l'interprétation des textes juridiques romains, apportant un éclairage essentiel à leur compréhension. Le XIVème et XVème siècle ont vu l'apparition des conciliateurs, qui ont joué un rôle crucial dans l'intégration du droit romain dans la pratique juridique quotidienne. Les conciliateurs ont utilisé les principes et les solutions du droit romain pour combler les lacunes des systèmes juridiques locaux, souvent fondés sur des coutumes et des traditions moins formalisées. Cette démarche a conduit à une "romanisation" des droits locaux, notamment en Italie, où les conciliateurs ont contribué à enrichir et à sophistiquer la pratique juridique. Au XVIème et XVIIème siècle, l'humanisme juridique a marqué un retour aux origines du droit romain, en cherchant à comprendre ces textes juridiques sans se fier aux annotations et interprétations antérieures des glossateurs et des conciliateurs. Les humanistes juridiques, tels que Andrea Alciato, ont adopté une approche philologique et historique, visant à saisir le sens originel et l'intention derrière les lois romaines. Cette période a été caractérisée par une étude plus critique et contextualisée du droit romain, influençant profondément la manière dont le droit était enseigné et pratiqué. Ces différentes phases ont ensemble façonné la renaissance et le développement du droit romain en Europe occidentale, influençant de manière indélébile la trajectoire de la jurisprudence européenne. Elles ont permis non seulement de préserver un héritage juridique précieux, mais ont également jeté les bases pour les systèmes juridiques modernes qui combinent les principes du droit romain avec les réalités contemporaines.

La dynamique de la relation entre le droit romain et les coutumes locales en Europe médiévale et au début de l'époque moderne est complexe et fascinante. Bien que le droit romain ait semblé disparaître ou du moins reculer significativement après la chute de l'Empire romain d'Occident, il a continué à exercer une influence subtile à travers les coutumes locales qui avaient absorbé certains de ses principes. Avec la renaissance du droit romain, initiée par les travaux des glossateurs à l'Université de Bologne et poursuivie par les conciliateurs et les humanistes juridiques, ce droit antique a progressivement regagné du terrain en Europe, particulièrement dans les régions du sud qui avaient une forte héritage romain. Dans ces régions, le droit romain a commencé à réintégrer la pratique juridique, souvent en remplaçant ou en modifiant les systèmes de droit local qui s'étaient développés au cours des siècles précédents.

Cet effet était particulièrement marqué dans des pays comme l'Italie, l'Espagne et le Portugal, où l'héritage romain était profondément enraciné. Dans ces régions, la "romanisation" des systèmes juridiques locaux s'est accélérée au fur et à mesure que les principes du droit romain étaient redécouverts et réintégrés. Ces principes offraient un cadre juridique plus cohérent et systématique que les coutumes locales souvent fragmentées et variées. En Italie, par exemple, le retour du droit romain a entraîné une transformation significative des pratiques juridiques locales. Les juristes formés à Bologne et dans d'autres centres universitaires ont commencé à appliquer les enseignements du droit romain dans la résolution des litiges et la formulation de nouvelles lois. De même, en Espagne, le droit romain a influencé la compilation des "Siete Partidas", un code juridique majeur du XIIIe siècle. Le droit romain, tout en semblant disparaître après la chute de l'Empire romain d'Occident, a survécu et a été préservé à travers les coutumes locales. Avec la renaissance juridique initiée au Moyen Âge et se poursuivant à la Renaissance, il a regagné une place prééminente, en particulier dans les pays du sud de l'Europe, où il a remplacé ou transformé les systèmes juridiques locaux existants. Ce processus a été un élément clé dans la formation des systèmes juridiques modernes de l'Europe.

La France, avant la promulgation du Code civil en 1804, présentait un paysage juridique divisé, reflet de la complexité historique et culturelle du pays. Cette division était particulièrement marquée entre le sud et le nord du pays, chacun ayant une approche distincte en matière de droit et de tradition juridique. Dans le sud de la France, l'influence du droit romain a été particulièrement forte. La renaissance du droit romain, amorcée dès le Moyen Âge, a conduit à un déclin progressif des coutumes locales qui étaient enracinées dans la tradition romaine. Cette région, ayant conservé un héritage direct de l'Empire romain, a vu le droit romain réintégré et enseigné dans les universités. L'université d'Orléans, par exemple, était un centre important pour l'étude du droit romain en France. Cette tradition juridique romaine, avec ses principes et sa méthodologie sophistiqués, a été privilégiée et a progressivement supplanté les coutumes locales dans le sud. En revanche, dans le nord de la France, la situation était différente. L'arrivée et le développement du droit romain étaient souvent perçus comme une menace pour les traditions juridiques locales, qui étaient davantage influencées par le droit germanique. Face à cette influence croissante du droit romain, on assiste à un mouvement pour mettre par écrit les coutumes germaniques. Ce mouvement des coutumiers médiévaux visait à préserver les traditions juridiques locales en les codifiant.

Les coutumiers médiévaux, tels que le "Coutumier de Normandie" ou le "Coutume de Paris", ont joué un rôle crucial dans la documentation et la formalisation des pratiques juridiques locales. Ces textes ne faisaient pas seulement office de compilations de coutumes; ils représentaient également un effort pour systématiser et rationaliser les pratiques juridiques traditionnelles. Bien que ces coutumiers aient été influencés par le droit romain à certains égards, ils ont principalement cherché à retranscrire et à préserver les coutumes germaniques de manière individuelle. La dualité juridique en France, avec le droit romain dominant dans le sud et les coutumes germaniques dans le nord, a persisté jusqu'à la promulgation du Code civil français en 1804. Le Code civil, connu sous le nom de Code Napoléon, a cherché à unifier le système juridique français en intégrant et en rationalisant les éléments des deux traditions juridiques. Cette codification a marqué un moment clé dans l'histoire juridique française, en créant un cadre juridique uniforme pour tout le pays.

XVème siècle – XVIème siècle

Au XVème et XVIème siècle, un développement significatif dans le domaine du droit s'est produit en France : la rédaction des coutumes locales sous l'égide du pouvoir souverain. Ce processus faisait partie d'un effort plus large pour systématiser et formaliser les lois et pratiques juridiques qui variaient grandement d'une région à l'autre.

Sous le règne de Louis XI, et plus tard sous François Ier, le pouvoir royal a entrepris une initiative pour compiler et codifier les coutumes locales. Cette démarche était motivée par le désir d'apporter une certaine cohérence et uniformité au paysage juridique fragmenté de la France. Chaque localité ou province était invitée à rédiger sa coutume, c'est-à-dire à formaliser par écrit les lois et pratiques qui avaient traditionnellement été transmises oralement et appliquées de manière informelle. Le processus de rédaction des coutumes impliquait souvent la collecte, l'examen et la standardisation des pratiques juridiques locales. Cela signifiait que, pour la première fois, des régions entières de la France disposaient de documents écrits décrivant leurs lois et procédures juridiques. Cependant, bien que cette initiative ait contribué à un certain degré d'organisation et de clarification du droit, elle a également maintenu la diversité juridique à travers le pays, chaque région conservant ses propres coutumes spécifiques.

Il a fallu attendre la promulgation du Code civil en 1804, sous Napoléon Bonaparte, pour qu'une loi unique et uniforme soit appliquée à tous les citoyens français. Le Code civil, aussi connu sous le nom de Code Napoléon, a rationalisé et unifié le droit français, remplaçant les multiples coutumes locales par un seul ensemble cohérent de lois. Ce code a été une réalisation majeure dans l'histoire juridique, non seulement pour la France mais aussi pour de nombreux autres pays, car il a influencé le développement du droit dans le monde entier. Le XVème et XVIème siècle en France ont été marqués par une importante étape de codification des coutumes sous l'autorité royale, préparant le terrain pour l'unification ultérieure et la standardisation du droit français avec le Code civil de 1804.

L'émergence des universités en Europe au Moyen Âge a marqué un tournant dans le développement et la diffusion du droit canon et du droit romain, les transformant en véritables "droits savants". Ces établissements d'enseignement ont joué un rôle crucial dans la préservation, l'étude et la propagation de ces systèmes juridiques, contribuant à leur raffinement et à leur sophistication. L'Université de Bologne, fondée au XIe siècle, est devenue un centre majeur pour l'étude du droit et a acquis une renommée particulière pour son enseignement du droit canon et du droit romain. Bologne était, à bien des égards, le cœur de l'apogée du droit canon et du renouveau du droit romain en Europe. Concernant le droit canon, l'université de Bologne a été un centre d'étude et de développement important. Le droit canon, qui régit les affaires internes de l'Église catholique, a été systématisé et enseigné de manière approfondie dans cette université. Les juristes et théologiens de Bologne ont contribué à l'interprétation, à l'élaboration et à l'application du droit canon, influençant ainsi la pratique et l'administration de l'Église dans toute l'Europe.

En parallèle, l'Université de Bologne a également été le berceau du mouvement des glossateurs qui ont redécouvert et commenté le Corpus Juris Civilis. Ce mouvement a marqué la renaissance du droit romain en Europe occidentale. Les glossateurs, par leur analyse minutieuse et leurs commentaires détaillés, ont permis de revitaliser et de clarifier le droit romain, le rendant ainsi accessible et applicable aux réalités contemporaines. Les universités ont donc été essentielles dans la transformation du droit canon et du droit romain en disciplines académiques, élevant leur étude au rang de science juridique. Ces "droits savants" ont non seulement enrichi la connaissance juridique en Europe, mais ont également jeté les bases des systèmes juridiques modernes. L'apogée de ces disciplines juridiques à l'Université de Bologne a influencé la pensée juridique et la pratique du droit bien au-delà de l'Italie, façonnant l'évolution du droit en Europe pendant des siècles.

Au milieu du XIIe siècle, un événement majeur dans l'histoire du droit canonique s'est produit avec la compilation du "Décret de Gratien", également connu sous le nom d'édit de Gratien. Gratien, un moine et juriste, a entrepris la tâche ambitieuse de rassembler et d'organiser l'ensemble du droit canonique existant en un seul recueil. Le Décret de Gratien a marqué une étape fondamentale dans le développement du droit canonique en consolidant une multitude de sources canoniques disparates, telles que les décrétales papales, les canons des conciles, et les écrits des Pères de l'Église. Avant l'œuvre de Gratien, le droit canonique était dispersé dans de nombreux documents différents, rendant son étude et son application compliquées. En regroupant toutes ces sources en un seul ouvrage systématique, Gratien a créé un outil pédagogique et juridique d'une valeur inestimable.

Le Décret de Gratien s'est rapidement imposé comme une référence dans les universités et les cours ecclésiastiques à travers l'Europe. Il a été largement adopté comme un manuel d'enseignement et un guide pour la pratique juridique au sein de l'Église. L'organisation de Gratien et sa méthode de conciliation des textes contradictoires ont grandement facilité la compréhension du droit canonique et ont aidé à standardiser son application. L'influence du Décret de Gratien a été telle qu'il est devenu le fondement du système juridique de l'Église catholique jusqu'à la codification ultérieure du droit canonique au XXe siècle. Son œuvre a joué un rôle crucial dans la formation de la tradition juridique canonique et a eu un impact significatif sur le développement du droit en général. Le Décret de Gratien reste une œuvre fondamentale dans l'étude historique du droit canonique.

En 1582, un développement majeur dans l'histoire du droit canonique s'est produit avec la publication du "Corpus Juris Canonici". Ce recueil a représenté une compilation exhaustive du droit canonique, englobant les textes et les décrets depuis le "Décret de Gratien" jusqu'à cette période. Le "Corpus Juris Canonici" n'était pas simplement une réédition du "Décret de Gratien", mais plutôt une collection complète qui incluait le Décret lui-même ainsi que de nombreuses autres sources juridiques canoniques qui avaient été établies depuis. Cette compilation comprenait les décrétales papales postérieures à Gratien, ainsi que d'autres documents et décisions importants de l'Église. L'importance du "Corpus Juris Canonici" réside dans sa capacité à fournir une vue d'ensemble cohérente et organisée de la législation de l'Église catholique. En rassemblant toutes ces sources en un seul ensemble, le "Corpus Juris Canonici" a facilité l'étude, l'enseignement et l'application du droit canonique. Cela a été particulièrement important dans un contexte où l'Église cherchait à affirmer son autorité et à clarifier ses lois pendant la période de la Contre-Réforme.

La publication du "Corpus Juris Canonici" a également eu un impact significatif sur le développement ultérieur du droit canonique. En fournissant un référentiel juridique stable et complet, il a contribué à standardiser la pratique juridique au sein de l'Église catholique et a servi de fondement aux réformes et aux adaptations ultérieures du droit canonique. Le "Corpus Juris Canonici" est resté l'autorité canonique standard de l'Église catholique jusqu'au XXe siècle, lorsque le Code de Droit Canonique de 1917 a été promulgué, représentant une nouvelle codification du droit canonique.

L’École du droit naturel moderne

Au temps moderne, une nouvelle conception du droit naturel se développe qui conçoit le droit comme un ensemble de principes fondamentaux dont le droit positif devrait être directement dérivé.

Les auteurs de l’école du droit naturel moderne recherchent par l’étude rationnelle et critique de la nature humaine les principes fondateurs. Ce sont des principes évidemment à partir desquels ils pourraient déduire toutes les autres règles. En d’autres termes, ces auteurs recherchent par une étude critique de la nature humaine les principes à partir desquels ils pourront déduire un certain nombre de règles.

Le personnage principal de cette école est Hugo de Groot dit Grotius publiant en 1625 De jure belli ac Pacis, un traité sur la paix et la guerre en faisant le père du droit international. Dans De jure belli ac Pacis est définie la puissance souveraine. Grotius la définit comme celle « dont les actes sont indépendants de tout autre pouvoir supérieur et ne peuvent être annulés par aucune autre volonté humaine ».

Les États, dans leur collaboration, doivent trouver un moyen de s’autolimiter dans leurs relations c’est pourquoi ils se doivent d’accepter l’idée d’une société légiférée par le droit qui limite les puissances souveraines.

La seule force du droit détient un pouvoir coercitif qui puise sa notoriété dans la nature de l’homme, il est impliqué par l’existante de l’homme. Pour Grotius, dieu ne peut pas davantage rendre bon ce qui est mauvais, ce qui est contraire à une société. Le droit naturel indépendant de la volonté divine est applicable à tous les hommes.

Ce droit naturel indépendant de la nature de dieu est invariable comme la nature l’est elle-même. C’est un droit universel applicable à tous les hommes c’est un idéal supérieur des principes supérieurs de justice qui devraient s’imposer à toute autorité, il est immuable.

L’un de ces principes est « Pacta sunt Servanda » permet d’établir la charpente du droit naturel, c’est-à-dire la reconnaissance de la parole donnée.

Grotius sera le premier qui formule ces principes universels, mais les bases du droit naturel moderne ce sera Samuel Pufendorf (1632 – 1694) qui va énoncer un système juridique rationnel autonome basé sur l’observation et la déduction.

Parmi les disciples de cette école qui va se développer essentiellement en Allemagne, il y a Christian Wolf (1679 – 1754) qui va définir les principes du droit naturel de façon précise et complète en appliquant la méthode scientifique et les déductions strictes et détaillées de toute règle de droit afin d’établir un système cohérent de règles de droit. Sa conception du droit en tant que système logique et scientifique va marquer la pratique du droit de l’Europe continentale. Sa méthode aura des influences sur les systèmes judiciaires en suivant une déduction logique fondée sur un ordre fondamental.

Dans le sillage de cette école du droit naturel se situent les philosophes du contrat asocial notamment Rousseau et Locke qui pensent que le gouvernement légitime est le produit du consentement volontaire de tous les hommes libres. Pour Locke, c’est « l’accord volontaire qui donne le pouvoir aux gouvernements pour le bien fait de leurs sujets ». Ces bienfaits sont la protection des droits naturels des individus qui consentent aux gouvernements afin de les défendre : ce sont le droit à la vie, à la propriété, à la sécurité qui deviendront les droits de l’homme puis les droits fondamentaux. En d’autres termes, c’est les droits issus d’un consentement artificiel que le gouvernement doit protéger.

Avant les codifications du XVIIIème, le droit continental est constitué du droit romain, du droit canon, des droits germaniques aussi dit « droit coutumier », mais aussi par l’apport des droits issus de l’école du droit naturel moderne.

L’influence de l’école du droit naturel moderne est fondée sur le principe d’égalité entre les individus. Ce principe d’égalité va se retrouver dans le droit privé, mais également dans le droit public avec le principe de la reconnaissance de cette égalité dans les constitutions qui se développent à partir du XVIIIème siècle aux États-Unis et sur le continent européen.

Par exemple, à Genève, on appliquait le droit romain, concernant la construction on se referait à la coutume de Paris, mais aussi avant la réforme le droit canonique influençait certains domaines. Avec le développement de l’école du droit naturel moderne, on retrouve dans ce droit appliqué à Genève ses principes.

À cela s’ajoute le droit national, c’est-à-dire les lois impériales pour le Saint Empire Romain Germanique, pour Genève les statuts adoptés par le souverain genevois, pour les cantons les règlements est les chartes adoptées qui représentent le droit national.

Cette influence de l’école du droit naturel moderne va être le mouvement de codification soit l’élaboration des premiers codes. Ce sont dans les États de l’Allemagne que s’élabore les premiers codes,l’Autriche met sur pied un Code civil en 1811, en 1786 un code pénal et en 1788 un code pénal de procédure. La Prusse élabore un code qui a plusieurs parties en 1894. Le Code pénal français date de 1791, le Code civil français de 1804 et le code du commerce de 1807.

Cette notion de codification et de code ressemble aux codes actuels. La notion moderne du code implique la formulation du droit sous forme de règles générales et abstraites, il ne s’agit plus de compiler. Ces règles de droit sont ordonnées selon un plan systématique c’est-à-dire par matières et présentées sous forme d’articles. Le code pris dans son ensemble constitue un système c’est-à-dire un ensemble de règles considérées qui font sa cohérence. Enfin, ces codes résultent d’une promulgation officielle de l’autorité souveraine et s’appliquent à l’ensemble des habitants soumis à cette puissance souveraine s’appliquant à tous les habitants.

C’est ainsi que ces codes qui se développent depuis la fin du XVIIIème siècle vont intégrer dans leurs dispositions les règles contenues par ces quatre grandes traditions : droit romain, droit germanique,droit canonique et école du droit naturel moderne.

La législation civile suisse appliquée depuis 1912 comprend le Code civil et le code des obligations adopté par le législateur fédéral s’est inspiré de ces grandes traditions. Ainsi, on peut arbitrairement considérer que la tradition germanique influence plutôt le droit de la famille ainsi que le droit des successions et les droits réels, quant à la tradition canonique elle influence aussi le droit de la famille, la tradition du droit romain influence les droits réels et le droit des obligations, tandis que l’école du droit naturel moderne va promouvoir les droits fondamentaux et notamment le principe d’égalité tandis que Wolf va influencer la systématisation juridique et par là même le mouvement de codification et l’élaboration des constitutions.

Le common law et les règles d’equity

Common law

Le Common Law ne considère que les pays anglo-saxons et ne touche pas l’Europe continentale.

L’Angleterre du premier millénaire fait partie de l’Empire romain subissant des invasions germaniques des Saxons, des angles et de jutes. Dans ces royaumes qui vont se développer dans les îles britanniques tout comme en Europe continentale, les peuplades germaniques vont mettre par écrit leur coutume dans leurs propres langues.

L'armée anglaise encaisse la charge de la cavalerie normande lors de la bataille de Hastings.

En 1066, Guillaume le Conquérant envahit l’Angleterre et la soumet après la bataille de Hastings. Il proclame le maintien du droit germanique en vigueur ainsi que les cours de justice qui avaient été mises sur pied. En d’autres termes, il envahit, mais décide de maintenir le système en place.

Parallèlement au maintien du droit germanique et de leur cour de justice, Guillaume le Conquérant va créer de nouvelles juridictions pour les différentes régions de l’Angleterre à laquelle il va mettre à la tête des seigneurs. Petit à petit, les nouvelles juridictions vont remplacer les anciennes, cependant elles vont toujours appliquer le droit coutumier. À partir du XIIème siècle, le roi va régulièrement envoyer des représentants pour assister aux procès dans les différentes parties de son royaume et contrôler que la justice soit bien rendue.

Les juges itinérants sont très bien vus et appréciés, car leurs décisions sont au-dessus des querelles locales et des pressions. Les décisions prises sont plus impartiales que les décisions des cours seigneuriales.

Cette justice va finir par se détacher de la cour du roi devenant assurée par des délégués qui vont s’installer à Westminster ou ils vont discuter des coutumes locales et des différentes sanctions données dans les divers procès auxquels ils ont été confrontés dans le royaume. Ainsi ils retiennent les meilleures solutions et écartent les solutions infondées. Ainsi ils vont unifier le droit coutumier.

En même temps, ils commencent à appliquer le principe de s’en tenir à la chose jugée et de respecter les décisions jugées antérieurement. Ils adoptent une attitude de respect vis-à-vis des choses jugées antérieurement.

Au cours du XIIIème siècle est établie le Common Law. Afin de ménager les justices territoriales dont on craignait les révoltes,les juges royaux n’augmentaient que très lentement les compétences des juridictions royales.

La justice royale va se cantonner à trois domaines qui relèvent de la compétence du roi et de son autorité s’appliquant sur tout le royaume :

  • finance royale : cour de l’Échiquier
  • propriété foncière : cour des Plaids commun
  • affaires criminelles contre l’État : cour du Bancs

Pour affirmer son pouvoir et aussi pour améliorer ses revenus, le roi va chercher à étendre sa juridiction au-delà de ces trois domaines avec le soutien populaire. La justice royale disposait d’officiers royaux pour imposer par la force les sentences.

Le développement de ces domaines a été rendu possible grâce aux procédures pour saisir les juridictions royales de Westminster.

En cas de litige il est essentiel de trouver un writ applicable en l’espèce afin de donner satisfaction au demandeur. Le fait de ne pas donner satisfaction est une désobéissance à un ordre royal. Le défendeur peut venir aussi expliquer à une cour royale pourquoi il estime ne pas obéir à une injonction reçue.

Le writ est un ordre de donner raison à celui qui donne la justice royale, par ce writ va se développer tout une série de justices royales au préjudice des justices seigneuriales.

Le système de writ à l’origine adapté à chaque cas précis va devenir des formules stéréotypées que le chancelier délivre moyennant finance sans examiner le cas préalablement. C'est pour la justice royale est un excellent moyen afin d’attirer un grand nombre de litiges, de voir sa trésorerie améliorée et ainsi cette manière de faire va provoquer l’opposition des barons qui sont de seigneurs féodaux qui vont voir leur cour de justice délaissée au profit des cours royales. Cette justice seigneuriale va s’opposer à la pratique du chancelier, qui par le writ, détournait de la justice seigneuriale des litiges qui n’entraient pas dans la catégorie des finances, de la propriété foncière et dans les affaires criminelles contre l’État.

Après une période conflit, on arrive à une solution avec le statut de Westminster qui va ménager les intérêts et du roi et des seigneurs féodaux. Le chancelier ne peut créer de nouveaux writs, mais peut délivrer des writs dans des cas similaires. Cependant on va aussi y faire rentrer de nombreux cas dans le cas de writ existant par l’application du principe de similitude.

C’est ainsi que s’est développé sur la base des writs le Common Law. En cas de litige, il est essentiel de trouver applicable un writ en l’espèce. De cette façon les cours royales tout au long du Moyen Âge vont acquérir la plénitude de juridictions restant finalement les seules à exercer la justice tandis que les cours ecclésiastiques ne vont statuer que pour des affaires touchant le mariage ou le personnel de l’église.

Avec la pratique du cas semblable, les justices seigneuriales vont disparaître. Ce sont les juges des cours royales de Westminster qui ont créé le Common Law, ces juges sont des juges professionnels à la différence des collègues du continent ils ne sont pas formés à l’université. Ces juges sont avant tout des praticiens qui sont formés comme plaideur, le précédent judiciaire a toujours été indispensable pour la défense des intérêts qui leur ont été confiés.

Le fait de pouvoir rappeler au tribunal qu’il a déjà tranché un litige dans tel sens donne à l’avocat le meilleur moyen de gagner son procès. Ainsi, le Common Law est essentiellement un droit jurisprudentiel établi sur la jurisprudence, car le juge a l’obligation de trancher selon les règles établies par le précédent judiciaires.

Equity

Au cours des XIVème et XVème siècles, le Common Law devient trop limité. L’évolution de l’économie et des sociétés fait émerger de nouveaux domaines que le Common Law ne peut régler. Dès lors les justiciables vont faire appel au roi en mettant en avant le caractère exceptionnel de leur démarche. Le roi est au fond une “fontaine de justice”.

Le roi ne va pas juger selon le droit, mais selon sa conscience, c’est-à-dire en equity. La cour du chancelier qui exerçait cette compétence au nom du roi n‘était pas limitée à la rigidité de la procédure du Common Law qui faisait échouer de nombreux litiges pour des vices de forme.

La procédure d’equity n’était pas non plus un remède au Common Law, mais créait de nouveaux outils plus souples et plus adaptés aux besoins des parties. Ainsi, la cour de la chancellerie devint très populaire et les litiges portés devant elle se firent de plus en plus nombreux au grand dam des juges du Common Law qui voyaient leurs revenus baisser considérablement.

Une période de conflit s’est de nouveau ouverte entre les juges du Common Law et ceux de l’equity qui donne finalement lieu à un compromis. En cas de conflit entre la justice de Westminster et la justice du chancelier, on décide que c’est l’equity qui l’emporte. Pour que la question soit réglée définitivement, il faudra attendre le XVIIIème siècle et le regroupement en une juridiction supérieure des cours royales de justice, de la cour de Westminster et de la cour du chancelier, où les deux sources de droit purent être utilisées conjointement et indifféremment. En cas de conflit, c’est toujours l’equity qui l’emportait.

Les droits continentaux sont des droits codifiés, mais, en Angleterre, cette notion de code est totalement inconnue. Le siècle des Lumières et la Révolution française avec sa codification des règles de droit ont provoqué un tournant dans les pays continentaux, tournant ignoré totalement par l’Angleterre, dont les juristes continuent à invoquer des décisions judiciaires remontant aussi loin que le XVIIIème siècle.

Le droit anglo-saxon n’a pas subi l’influence du droit romain parce que c‘est un droit judiciaire. C’est ainsi que les pays qui appliquent le système anglo-américain font de la jurisprudence une véritable source formelle du droit, car le juge doit rechercher avant tout si un cas identique n’aurait pas été tranché antérieurement. S’il existe un précèdent, le juge est obligé de l’appliquer. Inversement, si le juge tranche un cas nouveau, sa décision oblige pour l’avenir tous les juges de même rang ou de rang inférieur. Cette règle du précédent conduit à la formation d’un système juridique jurisprudentiel appelé le Case Law, qui est le droit formulé dans les affaires judiciaires.

Annexes

Références