Les ruptures du 11 septembre 2001
Le terrorisme ou les terrorismes ? De quelques considérations épistémologiques ● Sécurité nationale et lutte antiterroriste : l’exemple de l’Amérique latine ● Internationalisation des luttes et émergence du terrorisme international ● Relations internationales et lutte contre le terrorisme international ● Les États-Unis et le nouvel ordre international ● Géopolitique du Moyen-Orient ● Les ruptures du 11 septembre 2001 ● Al-Qaida ou la « géopolitique du terrorisme radical » ● Lutte antiterroriste et refondation des relations transatlantiques ● Le Printemps arabe contre le terrorisme : enjeux et perspectives ● Le « homegrown jihadism » : comment prévenir la catastrophe terroriste ?
Le 11 septembre 2001 marque un tournant majeur dans l’histoire contemporaine, un événement si emblématique qu’il redéfinit les dynamiques internationales et bouleverse les perceptions du XXIᵉ siècle. En frappant les tours du World Trade Center à New York et le Pentagone à Washington, les attentats orchestrés par Al-Qaïda symbolisent une rupture profonde, tant sur le plan géopolitique que culturel et sécuritaire. Ce jour tragique n’est pas seulement une attaque contre les États-Unis, mais un acte de portée mondiale, remettant en question les certitudes et les équilibres hérités de la fin de la Guerre froide.
Dans cette optique, le « 11/09 » (ou « 9/11 » en anglais) est souvent présenté comme un point de bascule entre deux périodes historiques. Certains historiens et analystes, à l’instar de Daniel Martin, considèrent cet événement comme la conclusion symbolique du XXᵉ siècle et l’ouverture brutale du XXIᵉ :
« La tragédie du 11 septembre marque la fin d'une période commencée en 1989 avec la chute du mur de Berlin et l'effondrement de l'Empire Soviétique. Nous savions déjà que nos ennemis traditionnels étaient devenus des partenaires et que nos alliés s'étaient transformés en concurrents féroces. Nous sommes rentrés brutalement dans l'ère de la guerre terroriste et criminelle. »
Ces mots soulignent la fermeture d’une parenthèse historique, celle d’une décennie marquée par l’espoir d’un « nouvel ordre mondial ». Après la fin de la bipolarité Est-Ouest et l’effondrement de l’Union soviétique, le monde semblait s’engager sur la voie d’une coopération internationale élargie, portée par la suprématie américaine et une mondialisation accélérée. Cependant, le 11 septembre vient briser cette illusion : il révèle un monde fracturé, où les menaces ne proviennent plus d’États rivaux, mais d’acteurs non étatiques capables de frapper au cœur des puissances les mieux armées.
L’attaque marque également une rupture dans la manière de concevoir la sécurité et la guerre. Elle inaugure une ère où les conflits ne sont plus seulement interétatiques, mais asymétriques, complexes, et souvent invisibles. Les enjeux ne se limitent plus aux rivalités économiques ou territoriales ; ils incluent désormais des défis immatériels tels que le terrorisme transnational, la radicalisation idéologique, et les cyberattaques.
Enfin, le 11 septembre 2001 bouleverse les relations internationales et introduit une redéfinition des priorités stratégiques. Sous l’impulsion des États-Unis, la « guerre contre le terrorisme » devient un paradigme dominant, redessinant les alliances et légitimant des interventions militaires controversées en Afghanistan puis en Irak. Loin d’instaurer la paix, cette réponse contribue à l’instabilité durable de régions entières, tout en amplifiant les tensions entre le monde occidental et les sociétés musulmanes.
Cet événement apparaît donc comme un prisme révélateur des contradictions du monde contemporain. Il met fin aux rêves d’un XXIᵉ siècle de paix et de prospérité universelle, tout en annonçant un siècle marqué par des menaces diffuses et globalisées, où les équilibres hérités du passé s’effacent au profit d’un ordre incertain.
Les continuités du 11/09[modifier | modifier le wikicode]
Le World Trade Center comme cible[modifier | modifier le wikicode]
Le choix du World Trade Center comme cible des attentats du 11 septembre 2001 s’inscrit dans une continuité historique et symbolique remontant aux années 1980. Ces tours jumelles, emblèmes de Manhattan et symboles du triomphe économique des États-Unis, représentaient bien plus qu’une prouesse architecturale. Leur destruction visait à porter un coup direct au cœur de la puissance américaine, tant sur le plan matériel que sur le plan idéologique.
Une cible hautement symbolique[modifier | modifier le wikicode]
Depuis leur inauguration dans les années 1970, les Twin Towers du World Trade Center incarnaient la puissance du modèle économique libéral américain et l’hégémonie des États-Unis sur la scène mondiale. Situées au cœur de Manhattan, elles dominaient l’horizon new-yorkais, devenant un symbole universel du triomphe du capitalisme. Leur architecture audacieuse et leur stature imposante reflétaient l’aspiration américaine à repousser les limites de l’ingénierie et de la modernité. Dans un contexte de compétition architecturale, où chaque gratte-ciel cherchait à surpasser le précédent, les tours jumelles affirmaient la supériorité de l’économie américaine en tant que moteur du développement mondial.
Ces édifices n’étaient pas seulement un point de repère physique, mais également un lieu d’activité économique intense. Le World Trade Center était le cœur névralgique des affaires internationales, concentrant des sièges d’entreprises majeures et des institutions financières d’envergure. À ce titre, il incarnait à la fois l’identité économique des États-Unis et leur projection culturelle à travers le monde.
Détruire ces tours allait bien au-delà d’un acte de violence physique : cela revenait à frapper le symbole même de l’Amérique triomphante. L’attaque était un message adressé non seulement aux États-Unis, mais également au reste du monde, pour exposer la vulnérabilité d’une puissance perçue comme invincible. En ciblant les Twin Towers, les auteurs des attentats cherchaient à humilier les États-Unis sur plusieurs plans :
- Économique : Les tours représentaient l’épicentre du capitalisme mondial, une attaque contre elles était une attaque contre le système économique international.
- Culturel : Elles symbolisaient l’image d’une Amérique moderne, ambitieuse et prospère, un modèle auquel aspirait une grande partie du monde.
- Idéologique : Leur destruction était une déclaration de rejet de l’ordre international dominé par les valeurs occidentales, incarnées par les États-Unis.
Le choix du World Trade Center comme cible s’inscrit ainsi dans une stratégie soigneusement élaborée, visant à maximiser l’impact symbolique de l’attaque. Ce n’était pas un hasard que les Twin Towers aient déjà été visées en 1993. Dès cette époque, Ramzi Yousef et ses complices considéraient ces bâtiments comme des cibles emblématiques, susceptibles d’envoyer un message retentissant à l’Amérique et à ses alliés.
Dans une lettre envoyée après l’attentat de 1993, Yousef affirmait :
« Cette action a été réalisée en réponse au soutien politique, économique et militaire des États-Unis à Israël, l’État du terrorisme, et aux autres régimes dictatoriaux dans la région. [...] Les citoyens américains doivent comprendre que leurs civils tués ne valent pas mieux que ceux qui sont tués par les armes et le soutien américains. »
Ces déclarations soulignent l’importance du symbolisme dans le choix de la cible. Les Twin Towers représentaient une Amérique perçue comme arrogante et oppressive, et leur destruction visait à briser cette image, tout en suscitant un effet de terreur globale.
En 2001, le choix de frapper à nouveau le World Trade Center confirmait cette dimension symbolique, tout en amplifiant son impact grâce à une planification et une exécution encore plus spectaculaires. Par l’effondrement des tours retransmis en direct dans le monde entier, Al-Qaïda parvint à transformer l’attaque en un acte de communication planétaire, consolidant ainsi la charge émotionnelle et idéologique de leur acte.
Ainsi, les Twin Towers n’étaient pas seulement des édifices : elles étaient le cœur battant d’une hégémonie mondiale, et leur destruction visait à remettre en question cette suprématie, à exposer ses failles et à annoncer une nouvelle ère marquée par des confrontations asymétriques.
Les prémices : l’attentat de 1993[modifier | modifier le wikicode]
Avant les événements tragiques de 2001, le World Trade Center avait déjà été ciblé par une attaque de grande ampleur, révélant sa vulnérabilité en tant que symbole majeur de la puissance américaine. Le 26 février 1993, un camion contenant 680 kg d'explosifs au nitrate explosa dans le parking souterrain de la tour Nord, provoquant une détonation d’une violence extrême. Six personnes furent tuées, et 1 042 autres blessées. L'explosion creusa un cratère impressionnant de 30 x 60 mètres, traversant cinq niveaux de sous-sol, et interrompit le fonctionnement des tours pendant plusieurs mois.
Bien que les structures principales aient résisté, les dégâts matériels et psychologiques furent considérables. Selon l’architecte du World Trade Center, l’effondrement de la tour Nord aurait été inévitable si le camion avait été positionné plus près des fondations. Cet attentat démontra non seulement les lacunes en matière de sécurité des infrastructures américaines, mais aussi l'attrait du World Trade Center comme cible pour des attaques à forte résonance symbolique.
Les revendications et motivations[modifier | modifier le wikicode]
L’attentat de 1993 fut orchestré par un groupe d’extrémistes islamistes dirigé par Ramzi Yousef, un militant formé en ingénierie. Leur objectif était clair : semer la terreur et infliger des pertes massives. Le plan initial visait à faire s’effondrer la tour Nord sur la tour Sud, entraînant une destruction en cascade et un bilan humain catastrophique. Bien que cet objectif n’ait pas été atteint, l’attaque marqua un précédent dans l’histoire du terrorisme moderne et posa les bases des attaques futures contre les États-Unis.
Dans une lettre envoyée au New York Times après l’attentat, Ramzi Yousef et ses complices revendiquèrent l’attaque, exposant leurs motivations politiques :
« Nous, le cinquième bataillon de l’Armée de libération, déclarons notre responsabilité pour l’explosion sur le bâtiment mentionné. Cette action a été réalisée en réponse au soutien politique, économique et militaire des États-Unis à Israël, l’État du terrorisme, et aux autres régimes dictatoriaux dans la région.
Les citoyens américains doivent comprendre que leurs civils tués ne valent pas mieux que ceux qui sont tués par les armes et le soutien américains. Ils sont responsables des actions de leur gouvernement et doivent questionner les crimes que ce dernier commet contre d’autres peuples. Sinon, ils — les Américains — deviendront les cibles de nos opérations, susceptibles de les anéantir. »
Ces propos soulignaient le rejet radical des politiques étrangères des États-Unis, notamment leur soutien à Israël et leur implication dans les affaires des pays du Moyen-Orient. Le groupe cherchait à exercer une pression sur l’opinion publique américaine pour qu’elle remette en question les actions de son gouvernement. Cet attentat marquait donc un tournant : il introduisait une dimension idéologique où le terrorisme devenait un outil de communication politique et un moyen de mobiliser une base idéologique plus large.
Une continuité idéologique et stratégique[modifier | modifier le wikicode]
L’attentat de 1993 annonçait déjà les événements du 11 septembre 2001 par le choix de la cible, les revendications et les motivations des auteurs. Les Twin Towers, emblèmes de l’hégémonie économique et culturelle américaine, représentaient un enjeu stratégique central pour les groupes islamistes radicaux. Ramzi Yousef et ses complices, en visant ces édifices iconiques, exprimaient une vision globale et asymétrique de la confrontation, où les antagonismes ne se limitaient plus aux rivalités entre nations, mais opposaient des idéologies et des conceptions du monde diamétralement opposées.
Les motivations exprimées par les auteurs de l’attentat de 1993 soulignaient déjà cette logique. Dans une lettre revendiquant l’attaque, Ramzi Yousef déclarait :
« Cette action a été réalisée en réponse au soutien politique, économique et militaire des États-Unis à Israël, l’État du terrorisme, et aux autres régimes dictatoriaux dans la région. [...] Les citoyens américains doivent comprendre que leurs civils tués ne valent pas mieux que ceux qui sont tués par les armes et le soutien américains. »
Ce rejet radical des politiques américaines, perçues comme oppressives et partiales, s’articulait autour d’un discours dénonçant l’ordre international dominé par les États-Unis et leur ingérence au Moyen-Orient. Ces revendications reflétaient une volonté d’exposer la vulnérabilité des États-Unis tout en utilisant les Twin Towers comme un symbole de l’oppression perçue.
Le 11 septembre 2001 amplifie cette continuité stratégique et idéologique, tant par l’ampleur des destructions que par la sophistication de l’opération. Contrairement à l’attentat de 1993, qui avait échoué à provoquer l’effondrement des tours, les attaques de 2001 atteignent un niveau de destruction sans précédent, entraînant des pertes humaines massives et une onde de choc mondiale.
Les moyens employés en 2001 témoignent également d’une montée en puissance dans la stratégie de confrontation. Là où l’attentat de 1993 se limitait à l’utilisation d’un camion piégé, les attaques de 2001 mobilisent des avions détournés, transformés en armes de destruction massive, et tirent parti des failles de la sécurité aérienne internationale. Ce changement de méthode traduit une sophistication accrue et une volonté de maximiser l’impact médiatique et psychologique de l’opération.
La destruction des Twin Towers en 2001, diffusée en direct à une audience mondiale, transforme l’attaque en un acte de communication global. L’objectif n’est plus seulement de provoquer des dégâts matériels ou des pertes humaines, mais aussi de diffuser un message idéologique clair : l’hégémonie américaine, bien que dominante, peut être défiée et frappée au cœur même de sa puissance.
Ces deux attaques s’inscrivent dans une logique cohérente de confrontation avec les États-Unis. Le choix récurrent du World Trade Center comme cible souligne sa portée symbolique en tant que cœur du système économique mondial. En visant ce lieu à deux reprises, les attaquants cherchaient non seulement à infliger des dommages matériels, mais aussi à ébranler la confiance des Américains dans leur sécurité intérieure et leur suprématie mondiale.
Le 11 septembre 2001 apparaît ainsi comme l’aboutissement d’une stratégie développée sur plusieurs années, initiée avec l’attentat de 1993. Si ce premier événement avait révélé les failles de la sécurité américaine, il avait aussi servi de test pour des opérations futures, à la fois sur le plan logistique et stratégique. L’évolution entre 1993 et 2001 reflète une montée en intensité, où chaque attaque s’inscrit dans un processus d’escalade visant à fragiliser l’Amérique tout en affirmant un rejet radical de l’ordre international qu’elle représente.
En ce sens, les attentats de 1993 et 2001 ne peuvent être compris comme des événements isolés, mais comme les jalons d’une guerre asymétrique et idéologique, où les symboles de la puissance américaine deviennent les cibles privilégiées d’un rejet globalisé de l’hégémonie occidentale.
Des attentats par des avions de ligne[modifier | modifier le wikicode]
L’idée d’utiliser des avions civils comme armes destructrices n’était pas nouvelle à l’aube du 11 septembre 2001. Elle s’inscrit dans une continuité stratégique qui précède de plusieurs années les événements tragiques de ce jour. Le cas le plus connu avant le 11 septembre est celui du projet avorté de 1995 conçu par Ramzi Yousef, l’architecte du premier attentat contre le World Trade Center en 1993. Ce plan, surnommé « Opération Bojinka », visait à faire exploser simultanément 11 avions de ligne appartenant à des compagnies américaines reliant l’Asie à la Californie. Si ce projet avait abouti, il aurait causé près de 4 000 morts en 48 heures, marquant une escalade spectaculaire dans l’utilisation de l’aviation civile à des fins terroristes.
Des précédents historiques : détournements et menaces[modifier | modifier le wikicode]
Avant même que l'Opération Bojinka ne soit élaborée, le détournement d’avions était une méthode bien connue et déjà utilisée par divers groupes terroristes. Cette tactique exploitait la vulnérabilité des systèmes de sécurité aérienne, qui, dans les années 1970 et 1980, n’étaient pas préparés à faire face à des attaques organisées et imprévisibles.
Un exemple précoce et significatif de cette stratégie est celui de l’Armée Rouge japonaise, une organisation d’extrême gauche qui recourait à des armes blanches, notamment des sabres, pour prendre le contrôle d’appareils en vol. Ces détournements mettaient en lumière l’impréparation des autorités face à des actions rapides, menées par des militants déterminés. Ces événements soulignaient déjà les dangers d’une exploitation terroriste de l’aviation civile comme moyen de pression politique ou idéologique.
Un autre précédent marquant est survenu en décembre 1994 avec le détournement d’un Airbus d’Air France par des moudjahidin du Groupe Islamique Armé (GIA) à Alger. L’objectif des terroristes allait au-delà du détournement classique : ils cherchaient à transformer l’avion en une arme de destruction massive. Plusieurs scénarios ont été envisagés, parmi lesquels faire exploser l’appareil au-dessus de Paris ou le précipiter sur un monument symbolique, tel que la Tour Eiffel.
Grâce à une intervention décisive du GIGN à Marseille, l’opération terroriste fut déjouée, et les assaillants furent neutralisés avant de pouvoir mener leur plan à bien. Cet événement illustra non seulement la montée en sophistication des attaques aériennes, mais aussi la convergence entre les détournements d’avions et une volonté de maximiser l’impact symbolique des attentats.
Le détournement de l’Airbus d’Air France en 1994 représente un tournant dans l’histoire des attaques aériennes, car il introduit explicitement l’idée d’utiliser des avions civils non seulement comme moyens de pression, mais comme armes destructrices. Ce précédent, combiné à d’autres événements similaires, a jeté les bases d’une stratégie qui sera pleinement réalisée lors des attentats du 11 septembre 2001.
Ces exemples mettent en évidence une continuité dans l’exploitation des failles de la sécurité aérienne et des symboles emblématiques pour transmettre des messages idéologiques forts. Les détournements d’avions, initialement perçus comme des moyens de négociation, se transforment progressivement en actes spectaculaires destinés à frapper des cibles précises et à maximiser l’impact psychologique et médiatique.
Le passage de ces précédents historiques aux attentats du 11 septembre illustre l’évolution des tactiques terroristes vers des méthodes de plus en plus ambitieuses, où les avions ne sont plus des instruments de transport, mais des armes intégrales dans des stratégies de confrontation asymétrique.
L’apport stratégique et symbolique du 11 septembre[modifier | modifier le wikicode]
L’utilisation d’avions pour perpétrer des attentats n’était pas une nouveauté en soi, mais les événements du 11 septembre 2001 se distinguent par leur ampleur, leur sophistication et leur impact mondial. Ce jour-là, quatre avions civils détournés furent transformés en armes de destruction massive, visant non seulement à provoquer des destructions matérielles sans précédent, mais aussi à frapper des symboles majeurs de la puissance américaine. Les Twin Towers à New York et le Pentagone à Washington, cibles emblématiques, incarnaient respectivement l’hégémonie économique et militaire des États-Unis.
L’ampleur des pertes humaines, avec près de 3 000 morts, et l’effet de surprise des attaques marquèrent un tournant dans l’histoire du terrorisme. Ces événements redéfinirent la perception des menaces globales et exposèrent brutalement la vulnérabilité des infrastructures critiques, même dans des nations considérées comme invulnérables.
Bien que spectaculaires, les attentats du 11 septembre s’inscrivent dans une logique géopolitique et géostratégique bien connue, héritée de la fin de la Guerre froide. Dans un monde marqué par la disparition des grandes rivalités entre États, le terrorisme asymétrique était devenu un moyen privilégié pour des acteurs non étatiques de défier des puissances dominantes.
Les attaques reposaient sur des principes caractéristiques du terrorisme moderne :
- Un impact psychologique maximal : La destruction en direct des Twin Towers, retransmise à une audience mondiale, fut conçue comme un acte de terreur psychologique visant à semer la peur et à déstabiliser non seulement les États-Unis, mais aussi leurs alliés.
- Une portée médiatique globale : En exploitant les médias, les auteurs des attaques ont transformé ces événements en un message idéologique planétaire, défiant l’ordre international dominé par l’Occident.
- La symbolique des cibles : Les Twin Towers, en tant que cœur du capitalisme mondial, et le Pentagone, en tant que centre de la puissance militaire américaine, furent choisis pour maximiser la charge symbolique de l’attaque.
Le 11 septembre n’a pas créé Al-Qaïda, mais il a révélé son existence et sa puissance à une échelle mondiale. Avant cet événement, Al-Qaïda opérait principalement dans l’ombre, avec des attaques localisées ou ciblées. Le 11 septembre permit à l’organisation de se positionner comme un acteur central du terrorisme global, capable de mener des opérations d’une complexité et d’une ampleur inédites.
Les attentats exposèrent brutalement la capacité d’Al-Qaïda à défier l’hégémonie occidentale, non par des moyens militaires conventionnels, mais en exploitant des failles dans les systèmes de sécurité des États-Unis. L’organisation démontra ainsi qu’un acteur non étatique pouvait frapper au cœur des puissances mondiales et imposer une réorientation majeure des priorités sécuritaires internationales.
L’apport stratégique du 11 septembre réside dans l’inversion qu’il opère dans l’histoire du terrorisme. Historiquement, les actes terroristes avaient souvent une portée limitée, tant en termes de dommages matériels que de pertes humaines. Le 11 septembre rompt avec cette tradition : il inaugure une ère où le terrorisme devient global, avec des attaques d’une intensité comparable à des actions militaires, mais menées par des acteurs non étatiques.
Symboliquement, ces attentats redéfinissent également les rapports de force internationaux. En frappant les symboles de la puissance américaine, Al-Qaïda envoya un message clair : même la nation la plus puissante pouvait être atteinte dans son cœur économique, militaire et émotionnel.
En ce sens, le 11 septembre constitue une rupture stratégique et symbolique majeure. Il expose la montée en puissance d’un terrorisme transnational capable de mobiliser des ressources humaines, logistiques et idéologiques sur une échelle globale, tout en redéfinissant la manière dont les États perçoivent et répondent aux menaces asymétriques.
Une inversion dans l’histoire du terrorisme[modifier | modifier le wikicode]
Les attentats du 11 septembre 2001 marquent une rupture profonde dans l’histoire du terrorisme, provoquant une inversion significative dans la manière dont celui-ci est perçu. Historiquement, les actes terroristes avaient tendance à être des violences de faible intensité, conçues pour attirer l’attention sur une cause politique ou idéologique, souvent au moyen d’attaques ciblées et localisées. Ces actes visaient à perturber, à provoquer, mais rarement à infliger des pertes humaines massives ou des destructions d’une ampleur significative.
Le 11 septembre transforme cette logique en redéfinissant les paramètres mêmes du terrorisme. Les attaques de ce jour-là illustrent un passage à une violence globale, à la fois spectaculaire et d’une intensité sans précédent. Al-Qaïda ne cherche plus simplement à attirer l’attention sur ses revendications ; elle vise à provoquer un choc mondial en ciblant des symboles majeurs de la puissance américaine, tout en infligeant des pertes humaines massives. Près de 3 000 morts et des milliards de dollars de destructions témoignent de cette nouvelle approche, où l’impact psychologique et médiatique devient un objectif central.
Le 11 septembre révèle la capacité d’Al-Qaïda à opérer à une échelle globale. Jusqu’alors, l’organisation était connue pour des attaques plus limitées en portée, principalement dans des zones de conflit au Moyen-Orient ou en Afrique. Avec le 11 septembre, Al-Qaïda montre qu’elle est capable de mobiliser des ressources humaines et logistiques sur une échelle transnationale, et de planifier des opérations d’une complexité remarquable.
Cette transformation s’inscrit dans un contexte géopolitique particulier, où la fin de la Guerre froide et l’émergence d’un ordre mondial dominé par les États-Unis avaient laissé peu de place à une contestation étatique traditionnelle. Al-Qaïda s’impose comme un acteur non étatique capable de redéfinir les rapports de force internationaux par des actions asymétriques, ciblant les failles des grandes puissances plutôt que leurs forces.
Le 11 septembre marque également un tournant dans la perception du terrorisme par les États et les sociétés. Ce n’est plus une menace périphérique ou régionale, mais un danger global qui transcende les frontières et peut frapper au cœur des nations les plus puissantes. Cette inversion réside aussi dans la nature des actes eux-mêmes : ce qui était auparavant perçu comme une violence de faible intensité devient un acte de guerre à part entière, conçu pour maximiser les destructions et semer la peur à une échelle mondiale.
En frappant des symboles tels que les Twin Towers et le Pentagone, Al-Qaïda envoie un message clair : les institutions les plus solides et les plus symboliques de la puissance occidentale ne sont pas invulnérables. Cette inversion dans la perception du terrorisme pousse les États à revoir leurs priorités sécuritaires, menant à des réponses drastiques comme la « guerre contre le terrorisme » initiée par les États-Unis, qui a remodelé la géopolitique mondiale.
Si Al-Qaïda existait bien avant 2001, le 11 septembre constitue un moment de révélation. Cette organisation, qui opérait principalement dans l’ombre, apparaît soudainement comme une menace mondiale d’une ampleur inédite. L’attaque expose non seulement la capacité d’Al-Qaïda à mener des opérations complexes, mais aussi son ambition de défier directement l’hégémonie américaine et occidentale.
En redéfinissant la manière dont le terrorisme est perçu, Al-Qaïda modifie également la manière dont il est combattu. Les attentats du 11 septembre obligent les États à adopter de nouvelles approches sécuritaires, combinant surveillance accrue, interventions militaires et coopération internationale renforcée.
Les attentats du 11 septembre représentent une inversion radicale dans l’histoire du terrorisme. Ils transforment une violence autrefois perçue comme locale et limitée en une menace globale, capable de bouleverser l’ordre mondial. Cette rupture, à la fois stratégique et symbolique, marque l’entrée dans une nouvelle ère de confrontation asymétrique, où les acteurs non étatiques redéfinissent les règles du jeu géopolitique.
Les ruptures du 11/09[modifier | modifier le wikicode]
La « guerre asymétrique »[modifier | modifier le wikicode]
Les attentats du 11 septembre 2001 représentent une attaque asymétrique d’une intensité et d’une rapidité inédites. Dans un laps de temps extrêmement court, moins de deux heures et trente minutes, quatre avions de ligne détournés ont été utilisés comme armes pour cibler des symboles clés de la puissance américaine. Cette série d’attaques, méthodiquement planifiées, a provoqué un choc mondial, tant par son ampleur que par sa brutalité.
Chronologie des événements[modifier | modifier le wikicode]
- 8 h 46 : Le vol 11 d’American Airlines, un Boeing 767, percute la tour Nord du World Trade Center, entre le 93ᵉ et le 99ᵉ étage. L’impact, suivi d’une explosion massive de kérosène, embrase plusieurs étages, y compris le hall d’entrée situé sur West Street.
- 9 h 03 : Le vol 175 de United Airlines, également un Boeing 767, s’encastre dans la tour Sud entre le 77ᵉ et le 85ᵉ étage. L’incendie s’intensifie, produisant une épaisse fumée qui atteint les étages supérieurs.
- 9 h 37 : Le vol 77 d’American Airlines, un Boeing 757, s’écrase sur le mur ouest du Pentagone à Washington D.C. Moins de 20 minutes plus tard, la zone d’impact est évacuée avant l’effondrement partiel du bâtiment.
- 9 h 58 : La tour Sud du World Trade Center s’effondre en seulement dix secondes, entraînant la mort de tous ceux qui s’y trouvaient, y compris des secouristes.
- 10 h 00 : Le vol 93 d’United Airlines, un Boeing 757, s’écrase près de Pittsburgh, en Pennsylvanie. Les passagers, ayant compris la situation, ont affronté les terroristes, empêchant l’appareil d’atteindre sa cible.
- 10 h 28 : La tour Nord du World Trade Center s’effondre à son tour.
Ces événements entraînent un bilan humain dramatique : 2 985 morts, comprenant 265 passagers des quatre avions, 125 civils et militaires au Pentagone, 343 pompiers, 23 policiers, et des milliers de travailleurs et visiteurs dans les tours du World Trade Center. Plus de 62 nationalités sont représentées parmi les victimes, reflétant l’impact mondial de cette tragédie.
Une contraction de l’histoire[modifier | modifier le wikicode]
Les attentats du 11 septembre 2001 se caractérisent par la rapidité extrême des événements, créant une véritable « contraction de l’histoire ». En l’espace de moins de trois heures, quatre attaques coordonnées ont bouleversé le cours de la géopolitique mondiale, provoquant un choc d’une intensité inégalée. Cette soudaineté a non seulement amplifié l’impact psychologique des attentats, mais a également accentué l’incrédulité face à l’impensable devenu réalité.
L’effet de surprise et la simultanéité des attaques ont déjoué les systèmes de défense les plus avancés, révélant une vulnérabilité insoupçonnée des grandes puissances. Cette temporalité accélérée a transformé les attentats en une expérience quasi surréaliste pour ceux qui les ont vécus directement ou par le biais des médias. En quelques heures, les spectateurs ont été confrontés à une succession d’images d’une violence inédite : des avions percutant les tours, des incendies massifs, et enfin l’effondrement spectaculaire des Twin Towers.
Jean Baudrillard, dans Amérique, souligne l’importance de l’image dans la culture américaine, un aspect central pour comprendre l’impact des attentats. La société américaine, profondément façonnée par une culture visuelle omniprésente, a sacralisé l’image comme vecteur de réalité. Ce phénomène explique en partie pourquoi les attentats du 11 septembre ont eu une résonance si puissante, dépassant le cadre des États-Unis pour s’imposer comme un événement global.
Les Twin Towers, le Pentagone et les avions détournés représentaient des symboles majeurs de la puissance américaine. Les voir détruits en temps réel a donné à ces images un caractère iconique et sacré, gravant ces moments dans la mémoire collective mondiale. Baudrillard décrit cette fusion entre réalité et virtualité comme une caractéristique propre à la société américaine, où le symbolisme visuel est souvent aussi puissant, sinon plus, que les faits eux-mêmes.
Ces attentats incarnent la transition de l’impensable à une réalité brutale, rendue universellement tangible par la médiatisation instantanée. Les images des avions percutant les tours et des effondrements successifs ont acquis une dimension quasi mythique, alimentant non seulement le choc émotionnel, mais aussi des débats sur la vulnérabilité des démocraties modernes face aux menaces asymétriques.
Cette contraction de l’histoire illustre comment un événement peut condenser des tensions géopolitiques, des transformations sociales et des bouleversements culturels en un laps de temps extrêmement court. Le 11 septembre 2001, par son déroulement rapide et son intensité visuelle, marque une rupture à la fois temporelle et symbolique, redéfinissant le rapport de la société contemporaine à la violence, à la sécurité et à la représentation du pouvoir.
La fiction devenue réalité[modifier | modifier le wikicode]
Les attentats du 11 septembre 2001 représentent une transition saisissante entre le virtuel et le réel, brouillant les frontières entre ce qui relevait de l’imaginaire apocalyptique et ce qui s’est imposé comme une réalité brutale. Des scénarios jusque-là cantonnés à la fiction — comme l’utilisation d’avions civils détournés pour provoquer des destructions massives — ont été concrétisés avec une efficacité glaçante. Cette réalisation de l’impensable a bouleversé les représentations globales du terrorisme, en introduisant une nouvelle échelle d’intensité et de sophistication dans les attaques.
Ces événements marquent une évolution du terrorisme vers une forme de guerre asymétrique, où des acteurs non étatiques mobilisent des moyens apparemment disproportionnés pour frapper des cibles stratégiques et symboliques. Al-Qaïda, organisation relativement modeste en termes de ressources, a démontré sa capacité à exploiter les vulnérabilités des infrastructures modernes pour infliger des pertes humaines massives et un traumatisme collectif d’ampleur mondiale.
Le concept de « guerre asymétrique » s’applique parfaitement aux attentats du 11 septembre. Cette forme de conflit se caractérise par l’usage de tactiques non conventionnelles pour compenser un déséquilibre de puissance entre les belligérants. En s’attaquant directement aux Twin Towers et au Pentagone, Al-Qaïda a ciblé des symboles clés de l’hégémonie américaine — économique, militaire et culturelle — pour maximiser l’impact psychologique de ses actions.
Contrairement aux conflits traditionnels, où les États s’affrontent directement, cette attaque orchestrée par une organisation non étatique a exposé des failles fondamentales dans les systèmes de sécurité des grandes puissances. Les attentats ont révélé que même la première puissance mondiale pouvait être atteinte au cœur de ses institutions, remettant en question les paradigmes classiques de la sécurité et de la défense.
L’impact des attentats du 11 septembre dépasse largement le cadre de la destruction physique. Ils ont redéfini les priorités stratégiques des États-Unis et de leurs alliés, inaugurant une nouvelle ère de lutte contre le terrorisme globalisé. La « guerre contre le terrorisme », déclenchée dans les mois qui ont suivi, a entraîné une transformation radicale des politiques de sécurité intérieure et extérieure :
- Renforcement des dispositifs de sécurité : Les mesures de contrôle et de surveillance ont été intensifiées à l’échelle mondiale, notamment dans les aéroports et les infrastructures critiques.
- Interventions militaires prolongées : Les guerres en Afghanistan et en Irak, justifiées par la nécessité d’éliminer les sanctuaires terroristes, ont marqué une réorientation majeure de la stratégie militaire américaine.
- Reconfiguration des alliances internationales : La lutte contre le terrorisme a redéfini les relations entre les grandes puissances et leurs partenaires, plaçant la coopération sécuritaire au cœur des priorités diplomatiques.
Les attentats du 11 septembre incarnent également une révolution dans la manière dont les événements tragiques sont perçus et interprétés. En frappant des symboles universels de la modernité et de la puissance, comme les Twin Towers, ces attaques ont imposé une nouvelle réalité où l’imaginaire apocalyptique et la terreur concrète se confondent. Cette fusion entre fiction et réalité a durablement marqué la mémoire collective, faisant du 11 septembre un événement fondateur du XXIᵉ siècle.
Les attentats du 11 septembre témoignent de l’évolution du terrorisme vers des formes de violence globalisées et hautement symboliques. En matérialisant ce qui semblait relever du domaine de l’impossible, ils ont redéfini les contours de la sécurité internationale et inauguré une nouvelle ère de confrontation asymétrique, où les acteurs non étatiques jouent un rôle central dans la recomposition des rapports de force mondiaux.
Le concept d’événement-monde[modifier | modifier le wikicode]
Les événements du 11 septembre ne peuvent se comprendre sans faire référence aux effets médiatiques. C’est un événement médiatique absolu parce qu’on a les premières images amateurs. Ce sont des images captées et qui vont être immédiatement diffusées suscitant de l’effroi. Les premières images des amateurs montrent l’encastrement des avions dans les tours et sont diffusées avec un très léger différé sur toutes les chaînes de télévision. Les médias sur les lieux saisissent les premiers rescapés surgissant au pied des tours et les mouvements et appels des bras de tous ceux qui se retrouvent bloqués par le feu dans les étages.
Plus encore que dans le cas des Jeux Olympique de Munich en 1972, qui furent un des premiers événements terroristes réellement médiatisé, c’est le spectacle de la mort en direct qui saisit d’effroi le téléspectateur. L’effet panique dépasse la rationalité.
Dans les minutes qui suivent, c’est l’effondrement rapproché des deux tours qui témoigne de la mort irrémédiable de milliers de victimes prisonnières des ruines alors que les caméras filment également la fuite éperdue des passants dans les rues adjacentes. La mort devient un spectacle avec tout le tragique et le pathos.
La couverture médiatique des attentats les propulse immédiatement au statut d’évènement mondial[modifier | modifier le wikicode]
L’évènement est observable sans bande-son ou plutôt avec comme bruit de fond avec des suppliques, des cris et des pleurs distinctement audibles. Avant, les sentiments de révolte et d’injustice, ce sont l’incompréhension, l’effroi, la stupeur et la terreur qui marquent les esprits. La forme de dénégation du « je ne peux y croire » est d’abord l’expression la plus évidente des New-Yorkais, mais aussi des spectateurs impuissants devant leur poste de télévision.
C’est un film catastrophe en grandeur nature. L’évènement entre en ligne avec la culture des films catastrophes des productions hollywoodiennes évoquant irrésistiblement la fiction en ce qu’il dépasse la réalité et notre imaginaire. Le « This is bigger than life » rend compte de ce cauchemar pourtant réel que chacun doit affronter et apprivoiser pour parvenir à continuer de vivre.
La procédure journalistique et télévisuelle est celle du passage en boucle. La répétition fabrique l’icône. Les images iconiques ont des fonctions sociales n’étant pas seulement complaisantes, mais peuvent être subversives. Passées en boucle de manière continue et obsessionnelle, ces images font directement référence à d’autres images-icônes de l’histoire tragique de la nation américaine qui comme elles ne renvoient qu’à de la pure émotion.
Les images remémorent celles de la tentative de fuite par les airs des derniers vietnamiens hissés sur le toit de l’ambassade américaine au moment de l’entrée des Vietminh dans Saïgon, celles de la petite fille nue brûlée au napalm qui court en fuyant la zone des combats, ou encore celles de l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy diffusées également de manière compulsive sur les chaînes de télévision. L’entrée des deux avions dans les façades et les immenses explosions et vol de débris qui ont suivi ne sont pas sans rappeler le travelling de l’image-mouvement sur la limousine présidentielle.
L’individu écrasé par le poids de l’évènement[modifier | modifier le wikicode]
L’irruption abrupte de la mort sans explication évidente écrase chacun de son évidence et rend plus amère la sensation pour reprendre l’expression d’Albert Camus de « l’absurdité de l’existence humaine ». L’évènement est incompréhensible sur le moment n’ayant aucun sens. Il n’y a personne qui peut expliquer que d’une part c’est du terrorisme et d’autre part que cela est l’œuvre d’Al Qaeda.
Les évènements du 11/09 pour reprendre Baudrillard renvoient à « l’évènement absolu, la mère des évènements, à l’évènement pur qui concentre en lui, tous les évènements qui n’ont jamais eu lieu ».
La dramaturgie de l’évènement s’est renforcée au fil du temps dans la mesure où la couverture a été sans précèdent évacuant de l’actualité toute autre nouvelle, elle occupe, comme l’illustre le cas de CNN tout l’espace médiatique en une sorte de pornographie visuelle qui exerce une sorte de fascination morbide par des images qui ne perdent jamais ni de leur fulgurance, ni de leur émotivité ni de leur violence. Pendant de longs mois, la presse écrite demeure à l’unisson de la télévision dans le traitement des évènements du 11/09.
À partir du moment où l’évènement ne peut pas être compris, il ne peut pas être traité. Dans les tours, le call center ne fut pas capable de gérer l’évènement. L’évènement dans sa couverture a une dimension tellement tragique qu’il a une dimension de traumatisme.
La déconstruction du concept de terrorisme[modifier | modifier le wikicode]
Les premiers sentiments d’horreur ont été exacerbés par les révisions déchirantes que les attentats du 11 septembre ont suscitées sur le champ dans le domaine de la perception usuelle du terrorisme et de l’acte terroriste en cette fin du XXème siècle.
Au fond, il va y avoir une déconstruction du concept de terrorisme. La première perte de sens est la question confortable du terrorisme comme un « acte de barbarie civilisée ». Il y a le concept d’innocent. Dans une fatwa de Ben Laden, il n’y a pas d’innocents. Les représentations élémentaires du terrorisme accréditent d’abord communément l’hypothèse que les victimes ne sont jamais réellement choisies au hasard. Dans les Justes, Albert Camus décrit un terrorisme qui d’autorité cherche à épargner les innocents.
Par certaines de ses actions ciblées et spectaculaires, les modes opératoires du terrorisme international des années 1970-1980 ont conforté cette interprétation. L’assassinat d’un juge antiterroriste, d’un policier, d’un garde du corps, d’un patron ou encore d’un haut- fonctionnaire renvoie à la notion d’élite et de sphère en haut de la hiérarchie sociale détentrice des normes et valeurs de la violence légitime.
Le terrorisme est alors renvoyé à un rapport de classe dont on s’exclut et se distancie par son appartenance à la classe moyenne. Selon les circonstances mêmes et les revendications idéologiques des groupes terroristes, tout point commun avec les terroristes aussi minimes soit-il – même religion, mêmes origines sociales et culturelles, de même que le partage d’une partie de leurs analyses jusqu’à l’expression d’une empathie à leur égard – concourt dans une logique du psychisme à se sentir écarté de la menace.
Si le terrorisme est sélectif, le terrorisme lui-même se conçoit comme empathique. Chaque individu peut constater des actes de violence, mais à défaut de sympathie, il y a un détachement. Dès lors que le terrorisme n’est plus sélectif, l’individu est directement concerné.
Le terrorisme : une affaire traditionnelle du « biais d’optimisme »[modifier | modifier le wikicode]
Dans les domaines de la menace, des risques et des catastrophes, les individus face au terrorisme font usage d’un « biais d’optimisme ». Nous sommes dans des sociétés technologiques, le « biais optimiste » est que l’individu doit gérer des situations dans lesquelles il n’a pas la compétence de gestion. Le biais d’optimiste est de faire confiance en une situation qu’on délègue assurant un biais qui permet de faire des choses. Celui-ci leur garantit les moyens d’agir en situation objective d’angoisse et crainte et de construire plus généralement leur existence en toute quiétude affective et sécurité psychique.
Ces représentations élémentaires du terrorisme laissent penser à chacun qu’il possède donc des capacités intellectuelles à contrôler et à éviter toute situation à risque au point de lui permettre d’échapper à toute forme de violence terroriste.
Cette représentation initiale justifie la seconde, celle qui consiste à croire que les terroristes eux- mêmes intègrent, de manière paradoxale cela s’entend, une sorte de code d’honneur : à l’image de la Mafia, il les enjoindrait de ne pas dépasser certaines limites et à proscrire certaines formes de violences comme le font dans les livres d’Épinal les bandits de grands chemins qui de surcroît protègent la veuve, le vieillard et l’orphelin. Les définitions communes du terrorisme des années 1970 ont colporté de manière implicite cet imaginaire.
Elles situent l’acte terroriste du côté d’une pure rationalité liée à des frustrations accumulées sur le plan psychique, économique, politique et culturel. Tout terrorisme qui adopte un brin de valeur et d’honneur situe le terrorisme du côté de la rationalité. La « démarche terroriste » n’impliquerait aucun nihilisme. Elle se situerait dans une gestion raisonnée de l’acte de destruction. Même si le terroriste risque la mort, elle n’est pas une fin en soi, car avec sa propre mort disparaît la capacité de nuisance et d’action.
Le 11 septembre renverse cette analyse. Des individus ont pensé l’acte de violence jusqu’au bout incluant la mort. Le nihilisme est extrêmement dérangeant pour la vision rassurée du terrorisme classique. Les notions consacrées d’ « asymétrie » ou encore d’ « armes du faible » ont conforté cette représentation d’une capacité limitée de nuire en tant que telle de l’action terroriste.
Le 09/11 : La remise en cause de tous les biais d’optimisme ? L’impensé de la violence terroriste en ville[modifier | modifier le wikicode]
L’Occident moderne depuis Descartes, a fait de la technique tant le moyen de domestiquer notre environnement immédiat que le mode en soit pour l’homme d’agir sur la matière et son univers au nom de son habileté et son intelligence propre. L'image de la ville que la Guerre froide a léguée à notre inconscient collectif jusqu’au 11/09 est celle d’un territoire sécurisé à la fois par un no man’s land de barbelés, de champs de mines et de missiles.
L’opinion publique des pays occidentaux s’est caractérisée par un refoulement de la ville comme territoire spécifique de menaces stratégiques. Le sentiment d’appartenir à un monde protégé parce que civilisé a justifié dans l’opinion publique la relégation du terrorisme au rang d’épiphénomène décrit comme la rançon nécessaire et obligée à la modernité.
Le territoire américain par les dispositifs consacre en matière de lutte antiterroriste ne pouvait que se vivre comme une île particulièrement protégée de tout acte terroriste majeur. Aux États-Unis, le sentiment de sécurité collectif était d’autant plus fort que depuis l’intervention du Royaume-Uni à Washington en 1812, les Américains n’avaient jamais été directement touchés sur le territoire continental.
La fin du statut de « l’innocence » face à une menace absolue[modifier | modifier le wikicode]
Les attentats du 11 septembre ont fait voler en éclats toutes les représentations qui nous rassuraient sur notre destin propre. Pour le philosophe Jacques Derrida, il s’agit d’un « événement majeur de l’histoire », car il est le premier signal de la terreur absolue dans laquelle est projeté le monde moderne par des « forces anonymes, absolument imprévisibles et incalculables ». On est désormais tous projetés dans un monde d’insécurité relevant de la déconstruction du concept de terrorisme.
Le 11/09 procède de la déconstruction du concept de terrorisme que revendique le philosophe. Le nombre important de victimes scelle la révision de l’interprétation terroriste. Le 11/09 se hisse bien au-delà de Pearl Harbor dont les pertes humaines ont été trois fois moindres.
L’asymétrie des moyens n’est plus la garantie de dommages limités. La notion « d’armes du faible » n’est pas antinomique avec la notion de violence illimitée. Les victimes ne relèvent plus de la définition politique, elles peuvent être de tous bords, de tous âges, de toutes confessions et de tous milieux sociaux.
Ben Laden, dans l’interview accordée à la chaîne ABC en mai 1998 rappelle qu’il n’a pas en ce qui concerne les Américains à faire de différence entre militaire et civil dans la mesure où ils sont tous des cibles. Dans l’islam il y a une interdiction de tuer et notamment de musulman. Les appels par les lieutenants de Ben Laden aux populations musulmanes leur conseillant de quitter les centres des villes américaines pour ne pas s’exposer aux représailles d’Al-Qaida a rajouté au sentiment de menace permanente et globale.
De nouveaux concepts stratégiques[modifier | modifier le wikicode]
La guerre contre le terrorisme[modifier | modifier le wikicode]
La transformation du discours politique de Al-Qaeda et le 11 septembre est une véritable rupture. L’étude sémantique du vocabulaire désormais employé témoigne du séisme que représente le 11/09.
Depuis la base aérienne d’Offut sur laquelle s’est posé Air Force One, le président Georges W. Bush donne le ton en lançant dans sa conférence de presse de quinze heures le célèbre « nous sommes en guerre ». L’utilisation de ce terme est très dangereux parce que la guerre est régulée par des traités dans un système de relations internationales étant le privilège dévolu aux États-Nations depuis le traité de Westphalie. En disant « nous sommes en guerre », George Bush va fabriquer une rupture entre la vision du terrorisme et la guerre. Il met Ben Laden au niveau d’un partenaire militaire.
Cette affirmation estompe à jamais ce qui fondait la distinction théorique entre guerre et terrorisme. Depuis le XIXème siècle, le terrorisme a toujours été défini comme un substitut à la guerre, mais jamais comme un acte de guerre. La guerre par opposition au terrorisme n’existe, comme l’a signifié Clausewitz, que dans la relation et l’adéquation entre la fin politique [Der Zweck] et le but de la guerre [Das Ziel]. Elle est la continuation de la diplomatie et de la politique par d’autres moyens. Elle présuppose une intervention inscrite dans l'espace dans le temps déterminée du conflit et de la sortie de la guerre.
Sur le plan juridique, elle est codifiée par le droit international de la guerre et le droit humanitaire des conventions de Genève et de La Haye.
L’émergence d’un discours de la guerre[modifier | modifier le wikicode]
Le 12/09 Georges W. Bush déclare que « les attaques délibérées et meurtrières qui ont été menées hier contre notre pays étaient plus que des actes de terreur. Elles étaient des actes de guerre ». Bush déplace les frontières entre terrorisme et guerre. Il met à mal tant la définition usuelle de la guerre que celle du terrorisme. George Bush va engager l’État-Nation contre le terrorisme situant le terrorisme comme une affaire internationale consacrant Ben Laden comme un interlocuteur militaire.
Le paradoxe est ce qui fonde l’acte terroriste qui est une attaque-surprise sans déclaration de guerre à l’encontre de cibles majoritairement civiles devenant par la force des mots un acte militaire en forme de déclaration de guerre.
Le 16/09, Bush évoque la « première guerre du XXIème siècle » L’emploi du mot « guerre » instaure Ben Laden comme l’adversaire et légitime paradoxalement le combat de Ben Laden même s’il incarne le Mal contre la lutte pour le Bien que doit engager la nation américaine dans la guerre contre le terrorisme. C’est une redéfinition de la politique américaine sur la guerre.
Ben Laden et Bush deviennent deux métonymies pour faire indifféremment référence à la guerre. La « stratégie Ben Laden » annonce donc une riposte d’ordre militaire.
C’est ce que confirme le secrétaire d’État Colin Powell lorsqu’il proclame dès le 13/09 que « dans certains cas, la guerre peut être une action militaire, mais elle peut aussi être une action économique, politique, diplomatique ou financière ». Le 11 septembre a renversé la donne géopolitique. Les États-Unis qui étaient dans une vision impériale autistique vont tout d’un coup redevenir une puissance agressive ou volontariste sur le plan des relations internationales et aussi en termes d’action. On va réutiliser les instruments mêmes de la puissance américaine.
La guerre n’existe que parce qu’elle va pouvoir s’arrêter. Elle s’inscrit dans le cadre des relations internationales. Faire la guerre est avoir conscience d’une certaine forme de force qui va pouvoir imposer à l’ennemi un retour à une certaine forme de relations diplomatiques. Ce qui est important lorsqu’on engage la guerre est de pouvoir sortir de la guerre. George Bush va effacer la frontière de la guerre. La déclaration de guerre va le projeter ailleurs que sur le territoire américain.
Un discours de la guerre repris in extenso par les médias[modifier | modifier le wikicode]
L’agression qualifiée de premier « Pearl Harbor terroriste » du XXIème siècle permet aux médias de signifier que par leur échelle de destruction, les attentats kamikazes ne peuvent plus être qualifiés d’actes terroristes, mais d’actes guerriers. Le célèbre « War on Terror » fleurit au bas des écrans de CNN.
Pour Edward W. Saïd, l’absence de volonté de différenciation par la grande majorité de l’opinion a justifié la mobilisation patriotique sans discernement. Les médias vont intégrer les paroles de George Bush, mais sans pouvoir les contester.
En Allemagne, Jürgen Habermas s’est alarmé de la décision prise de déclarer la guerre au terrorisme dans la mesure où cela lui a donné de fait une légitimité politique. Il s’est inquièté de la possible perte de légitimité des gouvernements démocratiques en raison de la lutte menée contre un adversaire inconnu.
Les attentats du 11 septembre ont obligé à repenser la notion de terrorisme soulevant un paradoxe : ils ont facilité sa reconstruction, même si au demeurant sa redéfinition demeure toujours sujette à caution tant elle semble être déterminée par un ensemble de certitudes qui dénient la notion d’indétermination du risque pourtant consubstantielle à l’essence même du terrorisme. Il y a un recentrement de la question du terrorisme par la guerre qui ne nécessite plus les moyens de la lutte antiterroriste.
Une théorie du nouveau terrorisme[modifier | modifier le wikicode]
Le terrorisme international a définitivement disparu et nous serions entrés dans une nouvelle ère du terrorisme qui serait une ère globalisée parce que le discours de Al Qaeda est d’abord un discours d’une globalisation du terrorisme. Il y a un nouveau terrorisme qui nécessite des réponses militaires.
Le 11/09 a bousculé l’idée de la seule action groupusculaire circonscrite dans l’espace et dans le temps en raison de capacités limitées de nuisance et de l’enjeu territorial de la lutte à mener. Il s’agit d’interventions minutieusement préparées qui jouent du temps et de l’espace pour cibler des objectifs et frapper vigoureusement. L’asymétrie des moyens du terrorisme jusque-là vécue comme une faiblesse relève désormais de la force par sa capacité à déjouer par la ruse toutes les barrières dressées contre lui.
Les spécialistes du terrorisme ont consacré la notion de « Low Tech » par opposition au terrorisme « High Tech » pour caractériser le mode opératoire du 11/09. Le « Low Tech » recouvre également la « productivité » forte de ce type d’attentat à savoir un coût « d’investissement » faible en termes d’infrastructure et logistique, avoisinant les centaines de milliers de dollars pour un montant global de dommages estimé aujourd’hui à plus de sept milliards de dollars.
Un terrorisme qui se joue efficacement de la « société du spectacle »[modifier | modifier le wikicode]
Le situationnisme est un courant qui dit que le monde est entré dans une telle modernité qu’on ne peut le remettre en cause parce qu’on est rentré dans une société du spectacle[1][2].
Al-Qaida joue de l’impact médiatique que sa terreur occasionne. Il a une maitrise des médias très maitrisée. Al Qaeda va très vite comprendre l’importance des médias dans la diffusion de ses idées et la diffusion de la terreur. Cela va permettre de tenir les médias. La stratégie est celle d’une communication par les médias. Ben Laden est présenté comme un héros qui le relie à la dimension prophétique de Mahomet. Il y a l‘émergence d’un pouvoir symbolique qui se construit contre l’occident et l’impérialisme américain.
La médiatisation est fondée sur une opposition sémantique. Il n’y a pas de revendication immédiate de Al Qaeda le 11 septembre. Il y a un vide qui rend les choses encore plus terribles parce qu’on ne comprend pas et progressivement Al Qaeda entre en scène. Un important glissement stratégique s’opère au détriment de l’acte purement militaire au profit de la destruction de cibles à forte dimension symbolique. Tout ce qui est au niveau des représentations faites sens et symbole de l’occidentalisation comme processus technique, social, culturel et politique peut être élevés au rang de cible la ville est devenue une bastille à occuper ou à frapper dans son organisation et sa production.
De nouvelles modalités de lutte[modifier | modifier le wikicode]
Selon les confessions [non confirmées] d’un combattant d’Al-Qaida capturé en Afghanistan, le détournement d’un avion civil pour le précipiter sur un réacteur nucléaire avait déjà été envisagé. Cela va obliger les États occidentaux à réfléchir à de nouvelles modalités de sécurisation des transports aériens.
D’autre part, ma fabrication à partir de déchets radioactifs d’une « bombe radiologique » appelée encore « bombe sale » est jugée de l’ordre du possible par les experts du domaine. Al-Qaida a déjà tenté de se procurer des données techniques quant à la fabrication des armes nucléaires et des armes chimiques. De nouvelles menaces apparaissent.
Une nouvelle organisation de l’action terroriste[modifier | modifier le wikicode]
La menace traumatique est qu’une forme de terrorisme nouveau est en train d’émerger prenant une forme structurelle nouvelle. La redéfinition du terrorisme à l’heure d’Al-Qaida intègre les formes inédites que ce dernier a bâties dans l’organisation de la terreur.
Les réseaux de résistance constitués par les français sous l’occupation allemande ou encore ceux du FLN, pendant la « guerre d’Algérie », se présentaient sous forme d’organisations pyramidales, hiérarchisées fonctionnant sur un modèle centre-périphérie destiné à couvrir tous les territoires potentiels d’actions coup de poing et de conflits potentiels. L’identification des membres de chaque cellule et des contacts entre les groupements, obtenue le plus souvent par l’usage régulier de la torture, permettait de remonter jusqu’aux responsables. L’arrestation des chefs militaires et politiques était définie comme une priorité́ pour mieux décapiter l’ensemble d’un réseau subversif.
Il y a un mimétisme de la modernité d’aujourd’hui par le terrorisme d’aujourd’hui. Le multinational vont créer des cellules autonomes sur leur territoire. Un système pyramidal est un système trop lourd et trop peu efficace. La multinational fonctionne sur un modèle d’horizontalité voulant avoir un point qui comprenne comment cela fonctionne et ensuite est rendu automne chaque cellule productive pour être adaptée au territoire qu’elle exploite. Il faut autonomiser la structure qui va s’insérer et s’adapter aux conditions de développement. Le système d’horizontalité fait qu’il y une fonctionnement autonome.
Le réseau Al-Qaida, de dimension internationale, bien que comprenant un centre névralgique – celui de ses chefs politiques et militaires – existe d’abord par un système d’a-centralité que confère la structuration des différentes branches divisées pour chacune d’entre elles en cellules autonomes nommées « anqud » [grappes de raisin]. Les contacts entre cellules et supérieurs sont strictement limités au point que personne ne peut appréhender l’espace entier de son réseau et de ses ramifications.
C’est la même chose pour la structure d’Al Qaeda qui a été pensé comme une structure très actuelle puisque c’est un système qui n’est pas central. Derrière, il y a une autonomisation absolue des cellules. Al Qaeda va se vendre comme une marque. Une structure émet des ordres, mais en même tant n’a pas prétention à structurer un champ de violence verticale absolue. Lorsqu’un groupe terroriste veut faire un attentat, il suffit qu’il se revendique d’Al Qaeda pour que ce soit Al Qaeda. Dans la lutte contre Al Qaeda, des difficultés nouvelles apparaissent. Ce sont des potentialité de violence qui peuvent apparaitre dans n’importe quel contexte, n’importe où, et dans d’importe quelles conditions. Dans Al Qaeda, il y a une dimension moderne de la structure qui renvoie à notre société occidentale.
Les acquis stratégiques de la nébuleuse[modifier | modifier le wikicode]
La structure d’Al Qaeda est une conception en forme de nébuleuse. Opter pour l’expression de « nébuleuse » plutôt que de celle de « réseau » à propos d’Al-Qaida rend compte de la complexité des systèmes d’action, de décision et de financement. Au-delà d’une doctrine très générale fixée sous la forme des fatwas et des appels incessants au jihad, il n’existe donc pas de véritable chaîne organique de responsabilités ou d’autorités pour agir.
L’initiative d’action demeure décentrée, autonomisée et entremêlée à la fois par les motivations supérieures des fatwas et des enjeux géostratégiques plus locaux et contextualisés. Il n’y a plus d’espace de responsabilité hiérarchisé. Les choses sont très complexes, ce n’est pas simplement une violence globalisée, mais il y a des revendications globales qui peuvent rencontrer le concept de globalisation ou qui peuvent s’opposer. Des mouvements extrêmement violents vont réfuter Al Qaeda parce qu’Al Qaeda peut être dangereux pour eux-mêmes.
Les attentats de Madrid montrent qu’on est dans un nouveau schéma. Il n’y a pas de relation directe entre espace et temps de l’action. La préparation d’un attentat peut mobiliser des énergies très éloignées du théâtre réel des opérations. « Les opérationnels » peuvent être sur place ou venir également d’un territoire étranger. L’absence de revendication immédiate des actes terroristes par le mouvement surajoute à cette sensation d’insécurité perçue par un adversaire plus caché et enfoui que directement visible, reconnu et même accrédité.
La guerre préemptive[modifier | modifier le wikicode]
Comme on entre dans la guerre, des concepts militaires vont se constituer engageant une nouvelle guerre moderne. Cela consiste à dire qu’il faut étudier le djihad international et faire la guerre au terrorisme dans les pays porteurs du terrorisme. Cela va permettre l’émergence des guerres préemptives.
Par l’importance des destructions matérielles et du nombre des victimes, les attentats du 11/09 ont défié les représentations conventionnelles de l’action terroriste. Le combat présent du nouveau terrorisme comme celui des antiterroristes se décrit plus comme celui d’une véritable guerre moderne. Pour la puissance américaine, le combat sans merci à promouvoir contre les réseaux d’un jihad internationalisé justifie la lutte contre les bases arrières installées dans des États accommodants. Cela va permettre de redéfinir une géopolitique au Moyen-Orient pour contenir les Rogue State et les faire tomber.
La guerre contre le terrorisme peut s’appliquer contre des États soutenant le terrorisme, mais également contre ceux détenant des armes de destruction massive ou susceptible de transférer tout ou une partie de ces moyens à des groupuscules terroristes. La guerre préemptive est profondément ancrée dans l’idéologie individualiste et libertarienne de la démocratie américaine. C’est l’idée selon laquelle l’action préalable relève de la légitime défense en matière de conflit potentiel, marque l’histoire de la première puissance mondiale.
Le concept la légitime défense est posée comme un droit moral qui reposerait tout autant sur la défense des droits de l’homme que sur l’efficacité sociale et culturelle du modèle démocratique. Apparaît le concept de la capacité à intervenir qui appliquée à l’encontre des guerres de subversion ou de rébellion, elle a permis de justifier l’usage de la force militaire sur bien des continents, dans bien des aires régionales comme l’Amérique centrale, le Sud-Est asiatique ou encore l’Afrique centrale. Le bombardement des villes Libyennes en 1986 par les forces américaines a souligné la permanence de cette vision de la guerre préemptive. L’après 11/09 s’ouvre comme une ère de renouvellement de ce principe de guerre conforté par la suprématie militaire de l’hyperpuissance des États-Unis.
L’application de la guerre préemptive après le 11 septembre[modifier | modifier le wikicode]
Le contentieux avec l’Irak a offert au gouvernement américain, l’opportunité de consacrer la notion d’État-voyou, [Rogue States], soit une nation hors la loi qui par sa politique intérieure comme extérieure représente une réelle menace pour ses voisins et le reste du monde. Dans le cadre de la première guerre du golf, il s’agit de contraindre Saddam Hussein. Avec la deuxième guerre du golf, on décide de faire tomber le régime. La dénonciation d’armes de destructions massives comme les liens affirmés entre le régime baasiste de Saddam Hussein et le terrorisme international ont été les arguments utilisés pour justifier l’usage de la force militaire dans une guerre préemptive de légitime défense.
Le schéma de l’action diplomatique est inversé. Elle n’est plus un préalable nécessaire pour la recherche des solutions pacifiques. D’autre part, le recours à la force relève pour les États-Unis de sa légitimité et ne saurait souffrir d’aucune contestation au niveau des relations diplomatiques multilatérales. Il n’y a pas de diplomatie.
Un état de guerre permanente[modifier | modifier le wikicode]
La question à se poser est celle de savoir si ne nous serions pas rentré, avec ce modèle qui consiste à dire que le terrorisme est une guerre, dans une guerre permanente. Les évolutions du terrorisme contemporain et les bouleversements de ses modes opératoires rapportés aux évolutions géostratégiques de l’hyperpuissance américaine permettent de comprendre l’état de guerre permanent dans lequel le monde est aujourd’hui entré.
Du statut de l’exception la guerre antisubversive se perçoit comme un phénomène banal, ou pour le dire autrement s’apparente à un risque ordinaire de la modernité telle que le définit le sociologue Antony Giddens. Ce qui était exceptionnel devient de l’ordre de la normalité.
La notion de guerre post-moderne[modifier | modifier le wikicode]
Certains auteurs ont théorisé le concept de guerre post-moderne. Elle est moderne dans le sens que c’est un état de guerre qui s’efforce de rendre compte de ce changement de paradigme qui rassemble dans une même catégorie de pensée, d’une part, guerre et terrorisme ; et de l’autre « pacification démocratique » et redéploiement géoéconomiques. Ce sont des guerres paradoxales conduites au nom des droits de l’homme se présentant sous l’aspect d’un conflit éclair destiné à épargner les populations civiles et limiter les pertes humaines militaires.
La première guerre préemptive depuis les attentats du 11/09 est le conflit irakien qui confirme les évolutions opérées par la guerre post-moderne. La destruction systématique des réseaux de communication et des infrastructures techniques qui est un préalable obligé avant toute avancée des forces terrestres. C’est une guerre technologique qui consiste à détruire le système informationnel de l’ennemi. La « désorganisation du territoire » a pour objet de « fixer » l’adversaire sur des positions défensives pour mieux faciliter l’avancée rapide des troupes au sol. Cependant, les succès stratégiques immédiats ne peuvent masquer l’échec politique de l’entreprise. Depuis l’établissement de la pax americana, jamais la solution démocratique n’a semblé aussi éloignée. L’Irak est le théâtre d’un ensemble de guérillas qui revendiquent le pouvoir et dénoncent l’absence de légitimité des instances publiques et administrations mises en place par la coalition. Avec le temps, les troupes de libération sont perçues comme des troupes d’occupation.
L’usage de la force dans le cadre de la guerre préemptive a affaibli les règles internationales et diplomatiques instituées depuis la création de l’ONU. L’abandon des règles de gouvernance mondiale mises en œuvre dans le cadre du Conseil de Sécurité a ouvert la voie à la multiplication de conflits. Il y a un dispositif généralement d’affaiblissement des instruments de la gouvernance mondiale qui est inquiétant. Le premier XXIème siècle est le temps des guerres durables. Depuis le 11 septembre, nous vivons avec l’étrange sensation qu’il n’existe plus de véritable sanctuaire à l’abri de la barbarie humaine.
Annexes[modifier | modifier le wikicode]
- Weinstein, N. (1989) Optimistic biases about personal risks. Science. [Online] 246 (4935), 1232–1233.
- Weinstein, N. D. (1980) Unrealistic optimism about future life events. Journal of Personality and Social Psychology. [Online] 39 (5), 806–820.
- ARTE. “Terrorisme, Raison D'État (1/2) | ARTE.” YouTube, Arte, 12 Mar. 2019, www.youtube.com/watch?v=r6F9DShho50.
- ARTE. “Terrorisme, Raison D'État (2/2) | ARTE.” YouTube, YouTube, 12 Mar. 2019, www.youtube.com/watch?v=83fRNSkiIsA.
Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]
- Gilbert Achcar, Le choc des barbaries. Terrorismes et désordre mondial, Bruxelle, 2002
- Pascal Boniface, Les leçons du 11 septembre, Paris, Puf, 2001
- Jacques Derrida et Jürgen Habermas, Le « concept » du 11 septembre, Paris, Galilée, 2003
- Francis Fukuyama, The End of History and the Last Man, New-York, The Free Press, 1992
- Eric de La Maisonneuve, Jean Guellec (coordonné par), Un monde à repenser, 11 septembre 2001, Paris, Economica, 2001
- Sous La direction de Sylvie Kaufmann), 11 septembre un an après, L’aube, Le Monde ;
- Bernard Lewis, Que s’est-il passé ? , Paris, Gallimard, 2002
- Bernard Lewis, L’Islam en crise, Paris, Gallimard, 2003
- Olivier Roy, L’échec de l’Islam politique, Paris, Seuil, 1992 ; L’Islam mondialisé, Paris, Seuil, 2002 ;
- « Le terrorisme entre stratégie, psychiatrie et mise en scène », Critique, avril 2004.
- J. Richards. 2010. The Art and Science of Intelligence Analysis. ‘Ch 3: From the Third Reich to Al Qaeda: Changing Intelligence Targets, Evolving Challenge’, pp. 49-71.
- ‘9/11 Commission Report. Ch 11: Foresight - and Hindsight’, pp. 339-360.
- A. Zegart. ‘September 11 and the Adaptation Failure of U.S. Intelligence Agencies.’ International Security 29, no. 4 (Spring 2005), pp 78-111.
- P.R. Pillar. ‘A Scapegoat is not a Solution.’ New York Times. 4 June 2004.
- J. Rovner. ‘Why Intelligence Isn’t to Blame for 9/11.’ MIT Security Studies Program. Nov. 2005, pp. 1-3.
- P.R. Pillar. ‘Good Literature and Bad History: The 9/11 Commission’s Tale of Strategic Intelligence.’ INS 21/6. (2006), pp. 1022-1044.
- D. Byman. ‘Strategic Surprise and the Sept 11 Attacks.’ Annual Review of Political Science. 2005, pp. 145-170.
Cours[modifier | modifier le wikicode]
Références[modifier | modifier le wikicode]
- ↑ Ouvragde La société du spectacle de Guy Debord en libre accès sur Les Classiques des Sciences Sociales http://classiques.uqac.ca/contemporains/debord_guy/societe_du_spectacle/spectacle.html#
- ↑ Guy Debord, un regard radical sur notre société, Nathalie Crom (Télérama) http://www.telerama.fr/livre/guy-debord-un-regard-radical-sur-notre-societe,95039.php