La raison d’État

De Baripedia

La pensée sociale d'Émile Durkheim et Pierre BourdieuAux origines de la chute de la République de WeimarLa pensée sociale de Max Weber et Vilfredo ParetoLa notion de « concept » en sciences-socialesHistoire de la discipline de la science politique : théories et conceptionsMarxisme et StructuralismeFonctionnalisme et SystémismeInteractionnisme et ConstructivismeLes théories de l’anthropologie politiqueLe débat des trois I : intérêts, institutions et idéesLa théorie du choix rationnel et l'analyse des intérêts en science politiqueApproche analytique des institutions en science politiqueL'étude des idées et idéologies dans la science politiqueLes théories de la guerre en science politiqueLa Guerre : conceptions et évolutionsLa raison d’ÉtatÉtat, souveraineté, mondialisation, gouvernance multiniveauxLes théories de la violence en science politiqueWelfare State et biopouvoirAnalyse des régimes démocratiques et des processus de démocratisationSystèmes Électoraux : Mécanismes, Enjeux et ConséquencesLe système de gouvernement des démocratiesMorphologie des contestationsL’action dans la théorie politiqueIntroduction à la politique suisseIntroduction au comportement politiqueAnalyse des Politiques Publiques : définition et cycle d'une politique publiqueAnalyse des Politiques Publiques : mise à l'agenda et formulationAnalyse des Politiques Publiques : mise en œuvre et évaluationIntroduction à la sous-discipline des relations internationalesIntroduction à la théorie politique

"La raison d’État" désigne un principe de gouvernance selon lequel l'État a le droit et l'obligation de prendre des décisions qui sont dans l'intérêt suprême du pays, même si ces décisions sont contraires à d'autres considérations, telles que les lois morales, religieuses, ou internationales. Dans la pratique, la raison d'État a souvent été utilisée pour justifier des actions qui, dans d'autres circonstances, seraient considérées comme immorales ou illégales. Par exemple, un gouvernement pourrait justifier la déclaration de guerre, l'espionnage ou la suspension de certaines libertés civiles au nom de la raison d'État.

La raison d’État joue un rôle crucial en science politique, notamment dans l'analyse des décisions prises par un gouvernement ou un chef d'État. Les études en science politique cherchent à comprendre les motivations derrière les actions politiques, et le concept de raison d'État peut aider à expliquer pourquoi certains choix sont faits. La science politique examine comment la raison d’État influence les stratégies de politique étrangère, la gestion des crises, les décisions de guerre et de paix, les politiques intérieures, et d'autres aspects de la gouvernance. Les chercheurs peuvent analyser comment la raison d'État est invoquée pour justifier certaines actions et quelles sont les implications pour la démocratie, les droits de l'homme, l'éthique et le droit international. De plus, le concept de raison d’État est lié à d'autres théories en science politique, telles que le réalisme et le néoréalisme, qui suggèrent que les États agissent principalement en fonction de leurs intérêts de sécurité nationale. Cependant, il y a un débat continu sur jusqu'à quel point un État peut ou doit aller pour préserver ses intérêts, et comment équilibrer cela avec d'autres obligations et valeurs, telles que le respect des droits de l'homme et des normes internationales. C'est pourquoi la raison d’État reste un sujet d'étude important en science politique, pour comprendre à la fois les actions passées et pour éclairer les discussions sur la meilleure façon de gérer les défis politiques actuels et futurs.

Qu’est-ce que la raison d’État ?[modifier | modifier le wikicode]

La raison d'État est un concept qui permet aux pouvoirs publics de prendre des mesures exceptionnelles, qui pourraient être en dehors du cadre juridique habituel, pour répondre à des situations extraordinaires ou des menaces à la sécurité nationale. En théorie, ce concept est destiné à protéger les intérêts supérieurs de l'État et du peuple. Dans la pratique, cependant, il est sujet à controverse et à débat, car il peut être utilisé pour justifier des actions qui violent les droits de l'homme, les normes internationales, ou les principes démocratiques. Par exemple, en période de guerre ou de crise nationale grave, un gouvernement peut invoquer la raison d'État pour justifier des mesures telles que la déclaration de la loi martiale, la suspension de certaines libertés civiles, ou la prise de mesures d'urgence qui seraient autrement illégales.

L'idée de raison d'État implique qu'en certaines circonstances, l'État ou une autre entité politique institutionnelle peut agir de manière qui déroge au droit commun pour protéger l'intérêt suprême du pays. Ce concept est généralement invoqué dans des situations de crise ou d'urgence nationale, où l'État estime qu'il doit prendre des mesures extraordinaires pour préserver la sécurité, la stabilité, ou d'autres intérêts essentiels. Cependant, la possibilité pour un État de déroger au droit commun dans certaines circonstances ne signifie pas qu'il peut le faire sans restriction ou contrôle. Dans la plupart des systèmes juridiques, il y a des mécanismes de contrôle et d'équilibre qui sont destinés à empêcher les abus de pouvoir et à assurer que toute dérogation au droit commun est proportionnée, nécessaire et conforme à certaines normes minimales. Par exemple, les constitutions de nombreux pays prévoient des dispositions spéciales pour les situations d'urgence qui permettent certaines dérogations temporaires aux droits et libertés normalement garantis. Cependant, ces dispositions exigent généralement que les mesures prises soient proportionnées à la gravité de la situation, et qu'elles soient levées dès que la situation d'urgence est terminée. De plus, dans les systèmes démocratiques, les décisions prises au nom de la raison d'État peuvent être soumises à un examen judiciaire, et peuvent être contestées devant les tribunaux si elles sont jugées inconstitutionnelles ou contraires au droit international.

La raison d'État est un concept qui s'applique dans des circonstances exceptionnelles, lorsqu'il est jugé nécessaire de déroger au droit commun et potentiellement aux libertés publiques pour protéger l'intérêt suprême de l'État. Dans une démocratie, l'utilisation de la raison d'État doit être soigneusement contrôlée et limitée. Elle ne devrait être invoquée que dans des situations véritablement exceptionnelles, et non comme une pratique courante ou une routine. Si elle était utilisée de manière régulière ou arbitraire, cela pourrait mettre en danger l'état de droit et les principes démocratiques. C'est pourquoi, même dans des situations d'urgence, les démocraties cherchent à maintenir des mécanismes de contrôle et d'équilibre pour garantir que l'usage de la raison d'État respecte certaines limites. Cela peut inclure des exigences constitutionnelles, un examen judiciaire, et la transparence et la responsabilité devant le public et le parlement. Cela dit, l'application de la raison d'État reste un sujet complexe et délicat qui suscite des débats philosophiques, politiques et juridiques. Les décisions prises au nom de la raison d'État peuvent avoir des conséquences profondes et durables, et il est donc crucial de les aborder avec prudence et discernement.

Le concept de raison d'État peut impliquer un dépassement de certaines normes habituelles en matière de légalité, de normalité et de logique. Détaillons ces points:

  • Dépassement de la légalité : La raison d'État peut amener à déroger aux lois habituelles en vigueur. Par exemple, dans une situation d'urgence, un gouvernement pourrait invoquer la raison d'État pour suspendre certaines lois ou droits.
  • Dépassement du normal : La raison d'État concerne des situations exceptionnelles, et non la routine ou la normalité de la gouvernance. Les actions prises en vertu de la raison d'État sont censées être extraordinaires et temporaires.
  • Dépassement de ce qui est logique : La raison d'État peut parfois impliquer des actions qui peuvent sembler illogiques ou contradictoires selon les normes habituelles. Par exemple, un État peut choisir de prendre des mesures qui sont contraires à ses propres lois ou principes, ou qui vont à l'encontre de ses engagements internationaux, si ces mesures sont considérées comme nécessaires pour protéger l'intérêt supérieur de l'État.

Même si la raison d'État peut entraîner un dépassement de ces normes, il est important de noter que dans les systèmes démocratiques, il existe généralement des contrôles et des limites pour empêcher les abus de pouvoir et préserver l'État de droit. La raison d'État ne donne pas carte blanche au gouvernement pour agir comme il le souhaite, mais doit être utilisée avec prudence et discernement, et dans le respect des principes fondamentaux de la démocratie et des droits de l'homme.

L'état d'exception est un terme souvent utilisé de manière interchangeable avec la raison d'État. Il renvoie à une situation dans laquelle le gouvernement déroge au droit commun, souvent en réponse à une urgence ou une crise. L'étude de l'état d'exception pourrait se concentrer sur des questions telles que : Quelles sont les conditions qui déclenchent un état d'exception ? Comment les gouvernements justifient-ils l'invocation de la raison d'État ou la déclaration d'un état d'exception ? Quels sont les effets sur la société et les droits de l'homme ? Quels sont les mécanismes de contrôle et de limitation de l'usage de la raison d'État ?

Les événements et la réponse du gouvernement américain aux attaques du 11 septembre 2001 peuvent servir d'exemple pour étudier la raison d'État. Les mesures prises par le gouvernement américain après ces attaques démontrent plusieurs aspects de la raison d'État en action.

  • Dépassement de la légalité : En réponse aux attaques, le Congrès américain a adopté le USA PATRIOT Act, une loi qui a étendu les pouvoirs des agences de renseignement et d'application de la loi pour surveiller et enquêter sur les activités terroristes. Certaines dispositions de cette loi ont été critiquées pour leur atteinte potentielle aux libertés civiles garanties par la Constitution américaine.
  • Dépassement du normal : La déclaration de la "guerre contre le terrorisme" par le président George W. Bush et l'invasion de l'Afghanistan (et plus tard de l'Irak) étaient des actions extraordinaires prises en réponse à une situation exceptionnelle.
  • Dépassement de ce qui est logique : Certaines décisions prises dans le cadre de la "guerre contre le terrorisme", comme l'établissement du camp de détention de Guantánamo et l'utilisation de techniques d'interrogatoire avancées (considérées par beaucoup comme de la torture), peuvent sembler illogiques ou contraires aux principes habituels du droit et de l'éthique.

Ces actions, prises au nom de la sécurité nationale, ont suscité de nombreux débats sur le rôle de l'État, la protection des libertés civiles et les limites de la raison d'État. Les répercussions de ces décisions continuent d'être ressenties et débattues à ce jour. Cela fait du 11 septembre 2001 et de ses conséquences un exemple particulièrement pertinent pour l'étude de la raison d'État.

La notion de "raison d'État" est souvent liée à celle d'"état d'exception". Dans les deux cas, on évoque un état d'action qui dépasse le cadre du droit commun et de la normalité, souvent en réponse à une situation d'urgence ou de crise exceptionnelle. Un "état d'exception" est généralement déclaré lorsque les circonstances sont jugées si graves que les règles habituelles ne peuvent pas s'appliquer efficacement. Il permet à l'État d'agir de manière extraordinaire pour répondre à la situation. Cela pourrait inclure des mesures telles que la suspension de certaines libertés civiles, la déclaration de la loi martiale, ou l'adoption de lois d'urgence. La "raison d'État" peut être invoquée comme justification de ces actions exceptionnelles, sur la base de la nécessité de protéger l'intérêt suprême de l'État et du peuple. Cependant, bien que ces concepts soient étroitement liés, ils ne sont pas nécessairement identiques. L'état d'exception est généralement un mécanisme formel qui est déclaré selon certaines procédures juridiques et qui a des implications juridiques spécifiques. La raison d'État, en revanche, est un concept plus large qui peut justifier une variété d'actions extraordinaires, qu'un état d'exception formel soit déclaré ou non. Il est également important de noter que, bien que ces concepts permettent à l'État d'agir de manière exceptionnelle, ils ne donnent pas un chèque en blanc pour agir sans restrictions ni contrôles. Dans les systèmes démocratiques, il existe généralement des mécanismes pour limiter et contrôler l'usage de la raison d'État et l'invocation de l'état d'exception, afin de prévenir les abus de pouvoir et de préserver les droits fondamentaux.

La raison d'État peut être interprétée comme une forme de "raisonnabilité" dans le sens où elle cherche à protéger l'intérêt suprême de la nation, surtout lorsqu'elle est confrontée à une crise ou une menace existentielle. Cependant, cela ne signifie pas nécessairement que toutes les actions prises au nom de la raison d'État sont automatiquement "raisonnables" au sens courant du terme.

Il y a plusieurs facteurs qui peuvent influencer si une action prise au nom de la raison d'État est considérée comme raisonnable :

  1. Proportionnalité : Les actions prises au nom de la raison d'État sont-elles proportionnées à la menace ou à la crise qu'elles visent à combattre ? Sont-elles le minimum nécessaire pour atteindre l'objectif visé ?
  2. Nécessité : Les actions étaient-elles absolument nécessaires ? Y avait-il d'autres options qui auraient pu être tout aussi efficaces, mais moins intrusives ou moins dommageables pour les droits et libertés ?
  3. Efficacité : Les actions ont-elles été efficaces pour atteindre l'objectif visé ? Ont-elles réussi à résoudre la crise ou à combattre la menace ?
  4. Respect des principes démocratiques et des droits de l'homme : Les actions ont-elles été prises dans le respect des principes démocratiques fondamentaux et des normes internationales des droits de l'homme ?

En fin de compte, la question de savoir si la raison d'État est "raisonnable" est largement subjective et peut dépendre de la manière dont ces facteurs sont pesés. C'est un sujet qui est souvent au centre des débats politiques et philosophiques.

Généalogie de la raison d’État[modifier | modifier le wikicode]

La question de l'état d'exception, ou de la suspension de certaines normes démocratiques dans des situations exceptionnelles, est un sujet de débat philosophique, politique et juridique intense. En effet, comment justifier qu'une démocratie, un système qui valorise la règle de droit et le respect des droits de l'homme, puisse temporairement suspendre ces principes au nom d'un intérêt supérieur ?

Pour comprendre ce paradoxe, il peut être utile de regarder la généalogie de la raison d'État et l'état d'exception. Le concept de raison d'État est profondément ancré dans l'histoire politique et philosophique de l'Occident. Il remonte au moins à la période de la Renaissance et des guerres de religion en Europe, où des philosophes comme Niccolò Machiavel et Jean Bodin ont commencé à articuler l'idée qu'un souverain pourrait parfois devoir agir en dehors des normes habituelles de la morale et du droit pour préserver l'État.

L'idée d'un état d'exception a été plus tard formalisée par des juristes et des théoriciens politiques, qui ont reconnu que les constitutions et les systèmes de droit peuvent parfois être insuffisants pour faire face à des crises extraordinaires. Cette idée a été mise en avant par des penseurs comme Carl Schmitt, qui a affirmé que le souverain est celui qui a le pouvoir de décider de l'état d'exception. Cependant, la justification de l'état d'exception ne signifie pas que la démocratie est complètement abandonnée ou que les principes démocratiques sont sans importance. Au contraire, l'idée est que la démocratie elle-même est menacée dans ces situations exceptionnelles, et que des mesures extraordinaires sont nécessaires pour la préserver. De plus, même dans un état d'exception, il est généralement reconnu qu'il y a des limites à ce que l'État peut faire, et que certaines normes fondamentales de respect des droits de l'homme et de l'état de droit doivent être maintenues. Cela dit, il y a un réel risque que l'état d'exception et la raison d'État puissent être abusés pour justifier des violations des droits de l'homme ou un glissement vers l'autoritarisme. C'est pourquoi il est crucial que leur utilisation soit soigneusement contrôlée et limitée, et qu'il y ait des mécanismes pour garantir la responsabilité et le contrôle démocratique.

En situation d'urgence ou de crise, la suspension temporaire de certaines normes démocratiques ou l'extension des pouvoirs de l'État peut donner lieu à une zone grise, un "no man's land" juridique où les garanties habituelles peuvent ne plus s'appliquer. C'est précisément pour cette raison que l'invocation d'un état d'exception est généralement entourée de procédures formelles et de contrôles. Dans de nombreux pays, par exemple, la constitution prévoit les circonstances dans lesquelles un état d'urgence peut être déclaré, la durée pendant laquelle il peut durer, et les pouvoirs spécifiques que le gouvernement peut exercer pendant cette période. Il peut également y avoir des exigences pour l'approbation parlementaire, la notification à des organismes internationaux, ou le contrôle judiciaire. Cependant, même avec ces contrôles, il y a toujours un risque que l'état d'exception puisse être abusé ou prolongé indûment, conduisant à un affaiblissement de l'État de droit et des libertés civiles. Par conséquent, la vigilance démocratique, le contrôle judiciaire et la surveillance des droits de l'homme sont essentiels pour garantir que l'État d'exception ne devienne pas la norme et que la démocratie puisse être rétablie dès que les circonstances le permettent.

L'état d'exception, bien qu'il soit souvent invoqué dans le but de protéger la démocratie et l'État contre une menace grave, implique une suspension temporaire ou un assouplissement de certaines normes, règles et procédures démocratiques. Cela crée un espace de "flou", où les limites et les garanties habituelles sont moins claires. C'est un état d'ambiguïté, où l'État, dans le but de préserver l'ordre et la sécurité, peut être perçu comme s'élevant au-dessus de la démocratie qu'il est censé protéger. Cette situation est lourde de risques, notamment le risque que les pouvoirs de l'État ne soient étendus au-delà de ce qui est nécessaire, ou que l'état d'exception ne soit prolongé indûment. C'est pourquoi il est crucial d'avoir des mécanismes de contrôle et de responsabilité robustes pour encadrer l'usage de l'état d'exception. Cela peut inclure des exigences constitutionnelles ou légales, des contrôles judiciaires, une surveillance parlementaire et une surveillance par les médias et la société civile. De plus, même dans un état d'exception, il est généralement reconnu que certaines normes fondamentales de respect des droits de l'homme et de l'état de droit doivent être maintenues. Cela inclut le droit à un procès équitable, l'interdiction de la torture, et le droit à la vie, entre autres. Ces droits ne peuvent pas être suspendus, même dans des situations d'urgence. Enfin, il est important de se rappeler que l'état d'exception est censé être temporaire et limité à la durée de la crise ou de la menace qui l'a motivé. Une fois la crise passée, l'État doit revenir à un fonctionnement normal et restaurer pleinement les normes et les procédures démocratiques.

La raison d'État est profondément ancrée dans la théorie politique et sa compréhension nécessite une réflexion sur les concepts politiques clés et les contextes historiques et contemporains. De plus, comme les actions prises au nom de la raison d'État peuvent avoir des conséquences majeures pour les droits de l'homme, la démocratie et l'État de droit, elles suscitent souvent un débat politique intense. La théorie politique offre de nombreux outils pour comprendre et analyser la raison d'État. Par exemple, elle peut aider à clarifier les valeurs et les intérêts en jeu, à évaluer les justifications pour des actions particulières, et à comprendre les risques et les conséquences potentielles. Elle peut également fournir un cadre pour comparer les différentes approches de la raison d'État dans différents contextes nationaux et internationaux. En outre, la raison d'État ne peut pas être comprise isolément des conditions politiques spécifiques d'un moment donné. Les décisions prises au nom de la raison d'État sont souvent influencées par les réalités politiques du moment, y compris les préoccupations en matière de sécurité, les défis économiques, les pressions sociales et politiques, et les normes et valeurs dominantes. Les débats sur la raison d'État sont donc souvent liés à des questions plus larges sur la nature et la direction de la politique et de la société. En fin de compte, la question de la raison d'État nous amène à réfléchir aux principes fondamentaux de la politique et de la gouvernance, tels que l'équilibre entre la sécurité et les libertés, la nature et les limites de la souveraineté, et le rôle de l'État dans la protection du bien commun.

Machiavel (1469 - 1627) : Conceptualisation de la raison d'État[modifier | modifier le wikicode]

Article détaillé : La Renaissance italienne.
Son portrait posthume par Santi di Tito, au Palazzo Vecchio de Florence.

L'un des aspects fondamentaux de la pensée politique de Niccolò Machiavel, souvent condensé dans l'expression "la fin justifie les moyens". Dans son ouvrage le plus célèbre, "Le Prince", Machiavel soutient que pour atteindre et maintenir le pouvoir, les dirigeants doivent être prêts à agir de manière qui, dans d'autres contextes, pourrait être considérée comme immorale. Cependant, il est important de noter que Machiavel ne préconise pas le rejet complet de la morale. Au lieu de cela, il souligne que la morale conventionnelle peut parfois entrer en conflit avec les exigences de la politique. Par exemple, un dirigeant peut avoir besoin de recourir à la tromperie ou à la force pour protéger l'État. Dans ce contexte, ces actions peuvent être justifiées si elles contribuent à une fin supérieure, telle que la stabilité politique ou la sécurité de l'État. Cela rejoint l'idée de la "raison d'État", qui suggère que dans certaines circonstances exceptionnelles, l'État peut être justifié à prendre des mesures qui dérogent au droit commun ou aux normes habituelles. Cependant, comme Machiavel le reconnaît lui-même, cela présente un défi éthique et politique complexe, car il peut être difficile de déterminer quand une telle action est réellement justifiée et jusqu'où elle peut aller. La pensée de Machiavel a été l'objet de nombreux débats et interprétations au fil des siècles. Certains critiques voient en lui un cynique qui prône l'amoralité, tandis que d'autres le considèrent comme un réaliste pragmatique qui reconnaît simplement les dilemmes et les défis de la politique. Quoi qu'il en soit, ses idées ont eu une influence profonde sur la théorie politique et continuent d'alimenter les discussions sur des questions comme la raison d'État.

Machiavel a souvent été associé à l'idée de ruse ou de tromperie comme outil stratégique dans la politique. Dans "Le Prince", il suggère que les dirigeants, lorsqu'ils agissent pour le bien de l'État, peuvent être amenés à utiliser la dissimulation ou la manipulation pour atteindre leurs objectifs. La ruse, dans ce contexte, peut être comprise comme une forme d'intelligence stratégique, où un individu ou un groupe détient une information que les autres n'ont pas, et utilise cette asymétrie d'information à son avantage. Cela peut impliquer de tromper les adversaires, de déguiser les véritables intentions ou de manipuler les perceptions pour gagner un avantage stratégique. Cependant, il est important de noter que pour Machiavel, l'utilisation de la ruse n'est pas une fin en soi, mais un moyen de parvenir à des fins plus larges, comme la stabilité de l'État et la protection du bien commun. De plus, bien que Machiavel puisse sembler soutenir un certain niveau de tromperie ou de manipulation dans la politique, il avertit également que les dirigeants doivent agir avec prudence et sagesse, et maintenir la confiance et le respect de leurs sujets autant que possible.

Dans la perspective machiavélienne, la tactique – et notamment la capacité à agir en dehors des normes établies lorsque cela est nécessaire pour atteindre un objectif plus grand – est considérée comme une composante essentielle de l'art politique. C'est en grande partie ce que Machiavel entend par l'affirmation que "la fin justifie les moyens". En d'autres termes, pour Machiavel, la réussite politique nécessite parfois des actions qui, en dehors du contexte politique, pourraient être considérées comme contraires à la morale conventionnelle ou à la loi. L'exigence ultime pour le dirigeant, dans ce cadre de pensée, est le bien-être et la stabilité de l'État. Cependant, il est important de noter que cette vision de la politique, bien qu'elle puisse parfois sembler pragmatique, soulève également des questions éthiques et morales importantes. Elle souligne la nécessité d'un équilibre entre la poursuite des objectifs politiques et le respect des normes éthiques et juridiques. De plus, elle souligne l'importance de la responsabilité et de la transparence dans l'exercice du pouvoir. Machiavel lui-même n'était pas insensible à ces défis. Dans ses écrits, il reconnaît que le pouvoir politique, s'il est mal utilisé, peut conduire à la tyrannie et à l'injustice. Par conséquent, bien qu'il puisse sembler soutenir l'idée que la fin justifie les moyens, il souligne également l'importance de la prudence, de la sagesse et de la retenue dans l'exercice du pouvoir.

Bien que Machiavel n'utilise pas explicitement le terme de "raison d'État", ses écrits décrivent un concept similaire. Pour lui, la priorité première d'un dirigeant est le maintien du pouvoir et la stabilité de l'État. Par conséquent, il peut être nécessaire d'adopter des comportements ou des méthodes qui ne sont pas conformes aux principes démocratiques traditionnels ou qui peuvent même sembler immoraux. Cela dit, Machiavel ne plaide pas pour l'autoritarisme ou le despotisme. Il ne suggère pas non plus que les dirigeants devraient être libres de faire ce qu'ils veulent sans aucune contrainte ou responsabilité. En fait, il met en garde contre l'utilisation abusive du pouvoir et insiste sur la nécessité d'une gouvernance sage et prudente. Il suggère également que les dirigeants doivent toujours se comporter de manière à gagner le respect et la confiance de leurs sujets, car le soutien populaire est crucial pour la stabilité et le succès à long terme. La philosophie de Machiavel soulève des questions importantes sur le pouvoir, l'éthique et la gouvernance. Bien qu'elle puisse parfois sembler cynique ou amoral, elle met en lumière les défis inhérents à la politique et la nécessité d'un équilibre délicat entre l'idéalisme et le réalisme, entre la morale et l'efficacité.

Dans la perspective de Machiavel, l'action politique peut parfois nécessiter de dépasser les cadres traditionnels de la loi et de la morale pour atteindre les objectifs les plus importants, comme la stabilité de l'État. C'est là que la notion de "raison d'État" se connecte à sa philosophie. Machiavel reconnaît que la politique, en particulier à un niveau élevé comme celui du dirigeant d'un État, peut impliquer des dilemmes complexes où le respect strict des règles et des normes peut entrer en conflit avec les exigences pratiques du pouvoir et de la survie de l'État. Cela ne signifie pas pour autant que Machiavel préconise un rejet total de la loi ou de la morale, mais plutôt qu'il considère ces aspects comme faisant partie d'un ensemble plus large de considérations qui doivent être prises en compte dans la prise de décisions politiques. Cependant, cela soulève aussi des questions importantes sur les limites de l'action politique et la tension entre les impératifs de la réalité politique et les idéaux démocratiques et éthiques. Ces questions, qui sont au cœur des débats sur la raison d'État, restent pertinentes et contestées aujourd'hui.

Giovanni Botero (1544 - 1617) : Contribution à la conceptualisation de la raison d'État[modifier | modifier le wikicode]

Giovanni Botero.

Giovanni Botero est un personnage clé dans le développement du concept de "raison d'État". Né en 1544 dans le Piémont, en Italie, il a été un diplomate, un prêtre jésuite et un écrivain influent sur des sujets allant de l'économie à la géographie et à la politique. Son œuvre la plus célèbre, "Della ragion di Stato" (De la raison d'État), publiée pour la première fois en 1589, a joué un rôle crucial dans la formulation de ce concept. Dans ce traité, Botero explique que la survie et le succès de l'État dépendent d'une combinaison de prudence, de politique et de morale. Il affirme que les dirigeants doivent parfois agir en fonction de considérations pragmatiques qui peuvent dépasser les normes juridiques ou éthiques traditionnelles. Cependant, contrairement à Machiavel, Botero insiste sur le fait que la raison d'État doit toujours être guidée par des principes chrétiens et moraux. Pour lui, la véritable raison d'État est celle qui sert le bien commun et qui est conforme à la loi divine. Ainsi, bien que Botero et Machiavel puissent tous deux être vus comme des contributeurs importants à la théorie de la raison d'État, ils offrent des perspectives différentes sur la relation entre la politique, la morale et le pouvoir. Ces perspectives ont eu une influence profonde sur la pensée politique et continuent d'informer les débats actuels sur des questions comme la raison d'État et l'éthique en politique.

Giovanni Botero a été l'un des premiers penseurs à se concentrer sur la construction et l'efficacité du pouvoir d'État. Il s'est intéressé à la manière dont les États peuvent se développer et maintenir leur puissance, en particulier par le biais de l'économie et de la démographie. Pour Botero, la puissance d'un État ne dépendait pas seulement de la taille de son territoire ou de son armée, mais aussi de la richesse et du bien-être de sa population. Il a donc été l'un des premiers à souligner l'importance des facteurs économiques et sociaux dans le renforcement du pouvoir d'État. Dans le cadre de la raison d'État, Botero a soutenu que les dirigeants devaient prendre des décisions pragmatiques pour assurer la survie et la prospérité de leurs États. Cela pouvait parfois nécessiter des actions qui dépassaient les normes juridiques ou éthiques traditionnelles. Cependant, contrairement à Machiavel, Botero a également insisté sur l'importance des principes moraux et chrétiens dans la gouvernance, affirmant que la véritable raison d'État devait toujours servir le bien commun et respecter la loi divine. Cette combinaison de pragmatisme politique et d'engagement moral a fait de la pensée de Botero une influence majeure sur la théorie politique, et son concept de raison d'État reste pertinent pour les discussions contemporaines sur le pouvoir, l'éthique et la gouvernance.

Giovanni Botero, en tant que prêtre jésuite, a incorporé des principes théologiques dans sa conception de la raison d'État. Pour lui, l'exercice du pouvoir, y compris l'application de la raison d'État, devrait être guidé par les principes et les enseignements de la foi chrétienne. Botero a affirmé que les dirigeants, en particulier ceux qui exercent un pouvoir exceptionnel en vertu de la raison d'État, ont le devoir de respecter la parole de Dieu et de suivre ses commandements. Ils doivent s'efforcer de réaliser les objectifs divins pour l'humanité, ce qui signifie promouvoir le bien commun, maintenir la justice et la paix, et protéger les faibles et les vulnérables. Dans cette perspective, la raison d'État ne peut pas être utilisée comme une excuse pour agir de manière arbitraire ou injuste. Au contraire, elle doit toujours être utilisée d'une manière qui est compatible avec la loi divine et qui favorise le bien-être de la communauté. C'est une vision de la raison d'État qui diffère de celle de Machiavel et d'autres théoriciens politiques plus séculiers. Elle met l'accent sur la responsabilité morale et spirituelle des dirigeants et sur l'importance de la foi et de la vertu dans la politique. Cette vision a influencé le développement ultérieur de la théorie politique, en particulier au sein de la tradition de la philosophie politique chrétienne.

Giovanni Botero et Niccolò Machiavel ont des perspectives différentes sur la raison d'État en relation avec la moralité. Machiavel est souvent interprété comme mettant de côté les considérations morales traditionnelles au profit d'un pragmatisme politique, selon lequel la fin (la stabilité et le succès de l'État) justifie les moyens. Son approche est parfois qualifiée d'amorale dans le sens où elle ne se conforme pas à la moralité conventionnelle. Botero, en revanche, insiste sur l'importance de la moralité, spécifiquement de la moralité chrétienne, dans la politique. Pour lui, la raison d'État n'est pas une excuse pour agir de manière immorale ou injuste, mais un principe qui doit être appliqué d'une manière qui est en accord avec les commandements de Dieu et qui favorise le bien-être de la communauté. Ainsi, même si les deux hommes sont d'accord sur le fait que les dirigeants peuvent parfois devoir prendre des mesures exceptionnelles pour protéger et renforcer leur État, ils diffèrent sur la question de savoir dans quelle mesure ces actions doivent être limitées par la morale et l'éthique.

Pour lui, l'application de la raison d'État doit toujours être guidée par des principes moraux, en particulier ceux dérivés de la foi chrétienne. Le pouvoir politique, même lorsqu'il est exercé de manière exceptionnelle en vertu de la raison d'État, n'est pas une fin en soi, mais un moyen d'atteindre les objectifs divins pour l'humanité. Cela signifie que, bien que les dirigeants puissent parfois devoir prendre des mesures qui semblent aller à l'encontre de la moralité conventionnelle ou des lois existantes, ces mesures peuvent être justifiées si elles sont en accord avec les commandements de Dieu et si elles favorisent le bien-être de la communauté.

La conception de Botero de la raison d'État sert en quelque sorte de réponse à la vision de Machiavel. Alors que Machiavel se concentre sur l'efficacité politique et le pragmatisme, mettant de côté les considérations morales traditionnelles, Botero met l'accent sur le rôle crucial de la moralité, en particulier de la moralité chrétienne, dans la gouvernance. Botero soutient que le vrai pouvoir et l'autorité proviennent de Dieu, et donc ceux qui gouvernent doivent suivre les commandements et les enseignements de Dieu. Si un dirigeant fait cela, alors il peut justifier l'utilisation de la raison d'État dans des circonstances exceptionnelles. Dans cette vision, la raison d'État n'est pas une excuse pour agir de manière amorale ou injuste, mais un principe qui doit être utilisé en accord avec les enseignements divins. C'est une perspective qui contraste fortement avec celle de Machiavel, et cela reflète les différences plus larges dans leur pensée politique.

Pour Botero, l'usage de la raison d'État est une extension du devoir du prince envers Dieu et le bien-être de son peuple. Il soutient que le prince, en utilisant la raison d'État, peut parfois devoir dépasser les lois ou les normes conventionnelles pour atteindre les objectifs supérieurs qui lui sont assignés par Dieu. Il est important de préciser que pour Botero, l'usage de la raison d'État n'est pas une licence pour l'immoralité ou l'injustice. Au contraire, le prince doit toujours chercher à agir conformément aux principes moraux et éthiques dérivés de la foi chrétienne, même lorsqu'il agit de manière exceptionnelle. Cette vision de la raison d'État comme un outil au service de la volonté divine et du bien commun est une caractéristique distinctive de la pensée politique de Botero, et elle offre un contraste intéressant avec les approches plus séculières et pragmatiques de la raison d'État.

Botero est l'un des premiers penseurs à développer une théorie de l'État moderne et à explorer les conditions d'application de la raison d'État. Il est préoccupé par la question de savoir comment construire et maintenir un État puissant et efficace qui peut répondre aux défis et aux crises sans compromettre les principes moraux fondamentaux. Pour Botero, la raison d'État est un instrument essentiel à la disposition du prince pour gérer ces situations exceptionnelles. Cependant, son utilisation doit toujours être guidée par une compréhension profonde de la volonté divine et des besoins de la communauté. Il suggère également que l'État moderne doit être organisé de manière à faciliter l'application efficace et éthique de la raison d'État. Cela implique une structure de gouvernance solide, une administration compétente, et une population qui est à la fois bien gouvernée et moralement vertueuse. En somme, la vision de Botero de la raison d'État est profondément enracinée dans sa conception plus large de l'État moderne et de ses exigences. Cela fait de lui une figure importante dans le développement de la théorie politique moderne.

Botero propose que la raison d'État peut être invoquée en temps de crise grave, notamment lors de guerres civiles. Ces situations exceptionnelles peuvent menacer l'existence même de l'État et la stabilité de la société, nécessitant des mesures extraordinaires pour restaurer l'ordre et la paix. Botero suggère que dans de tels cas, le prince peut être obligé d'outrepasser les lois ordinaires ou les normes éthiques conventionnelles pour préserver l'État et ses citoyens. Cependant, même dans ces circonstances extrêmes, le prince n'est pas libéré de toute contrainte morale. Au contraire, ses actions doivent toujours être guidées par les principes divins et viser le bien-être de la communauté. Ainsi, pour Botero, la raison d'État n'est pas une licence pour l'arbitraire ou l'injustice, mais un principe qui peut justifier des actions extraordinaires dans des circonstances extraordinaires, toujours avec le respect des commandements de Dieu et la promotion du bien commun comme objectifs ultimes.

Le paradoxe de Botero est qu’il légitime l’action du prince sur le religieux, mais en même temps il est prêt à définir comme moral des actes qui n’ont rien d’humain. Ce paradoxe est l'un des aspects les plus controversés de la pensée de Botero. D'une part, il insiste sur le fait que la raison d'État doit toujours être guidée par des principes moraux et théologiques. D'autre part, il reconnaît que l'application de la raison d'État peut parfois nécessiter des actions qui, dans d'autres contextes, seraient considérées comme immorales ou inhumaines. Botero semble résoudre ce paradoxe en soutenant que la nécessité exceptionnelle – comme celle qui peut survenir lors d'une guerre civile ou d'une autre crise grave – peut justifier des actions qui seraient autrement inacceptables. Il considère que dans de telles situations, le bien commun et la survie de l'État peuvent exiger des mesures extraordinaires, même si elles impliquent une certaine souffrance ou un préjudice. Cependant, il est important de noter que pour Botero, même dans ces circonstances extrêmes, le prince n'est pas exempt de toute contrainte morale. Il doit toujours chercher à minimiser le préjudice causé et à agir conformément à la volonté divine, telle qu'il la comprend. C'est une approche qui peut sembler paradoxale, mais qui est cohérente avec sa vision de l'État et de la morale politiques.

En partant d’un apriori conceptuel limité, le prince est moral alors il peut appliquer la raison d’État. Si le prince est fondamentalement immoral, il peut dès lors user de la raison d’État l’utilisant pour assouvir ses propres intérêts au nom de Dieu. C'est une préoccupation importante concernant la théorie de Botero de la raison d'État. En effet, il existe un risque qu'un prince immoral puisse détourner la notion de raison d'État pour justifier des actions qui servent ses propres intérêts plutôt que le bien commun. Il pourrait, par exemple, prétendre agir au nom de la volonté divine ou de la préservation de l'État, tout en poursuivant en réalité des objectifs égoïstes ou tyranniques. C'est un problème qui se pose dans toutes les théories politiques qui autorisent une certaine flexibilité ou discrétion dans l'application des règles morales ou juridiques. Comment s'assurer que cette latitude ne sera pas abusée ? Comment garantir que les dirigeants resteront fidèles aux principes éthiques fondamentaux et ne se serviront pas de la raison d'État comme prétexte pour le pouvoir arbitraire ? Botero, comme beaucoup d'autres penseurs politiques, tente de résoudre ce problème en insistant sur la nécessité d'un contrôle moral et religieux rigoureux sur le prince. Selon lui, le prince doit être profondément conscient de ses devoirs envers Dieu et la communauté, et doit toujours chercher à servir le bien commun plutôt que ses propres intérêts. Cependant, il reste une question ouverte de savoir comment cela peut être assuré en pratique, surtout en l'absence de mécanismes de contrôle démocratique efficaces.

L'un des présupposés fondamentaux de l'argument de Botero en faveur de la raison d'État semble être que les citoyens ordinaires peuvent manquer de la rationalité nécessaire pour comprendre et gérer les problèmes complexes auxquels l'État est confronté, en particulier en période de crise ou d'urgence. Selon cette perspective, la raison d'État peut être vue comme un mécanisme permettant de rétablir l'ordre et la rationalité lorsque la population n'est pas en mesure de le faire elle-même. Cela peut impliquer des actions qui semblent "déraisonnables" ou arbitraires à première vue, mais qui sont justifiées par la nécessité de préserver la stabilité et le bien-être de l'État dans son ensemble. Cela dit cette approche a de sérieuses limites. Elle peut facilement être utilisée pour justifier des abus de pouvoir ou pour contourner les principes démocratiques. De plus, elle repose sur une vision plutôt pessimiste de la capacité des citoyens à prendre des décisions éclairées et à participer de manière significative à la gouvernance de leur propre société. Dans ce sens, la théorie de Botero, tout en ayant des implications importantes pour la compréhension de la politique et du pouvoir, doit être abordée avec prudence.

L'idée de raison d'État suggère que dans certaines situations, notamment celles où l'ordre social ou la sécurité de l'État sont menacés, des mesures extraordinaires peuvent être nécessaires. Ces mesures peuvent aller au-delà de ce qui est normalement permis par la loi ou l'éthique conventionnelle. L'objectif est de protéger l'État et ses citoyens contre des menaces importantes. Cependant, il est crucial de souligner que même en cas d'urgence ou de crise, il y a des limites à ce qu'un gouvernement peut justifier au nom de la raison d'État. Par exemple, les droits de l'homme et les principes démocratiques de base ne doivent jamais être violés. De plus, l'usage de la raison d'État doit être temporaire et spécifique à la crise ou à la menace en cours. Une fois que la crise est passée, le gouvernement doit revenir à l'ordre juridique normal. Par ailleurs, l'utilisation de la raison d'État nécessite une grande prudence et un contrôle rigoureux, afin d'éviter les abus de pouvoir. Les dirigeants doivent être tenus responsables de leurs actions et les décisions prises au nom de la raison d'État doivent être transparentes et sujettes à un examen minutieux. Dans une démocratie, cela implique un rôle actif des médias, de la société civile et des institutions de contrôle, comme les tribunaux.

Historiquement, l'état de guerre a été l'un des moments où la raison d'État a été le plus couramment invoquée. Dans ces moments de crise extrême, l'État peut se voir contraint de prendre des mesures extraordinaires pour assurer sa survie. Cela peut impliquer, par exemple, des restrictions temporaires aux libertés civiles, la mobilisation de ressources de manière inhabituelle, ou la mise en œuvre de stratégies militaires qui pourraient autrement être considérées comme inacceptables. L'objectif est toujours de protéger l'État et ses citoyens contre la menace imminente. Cependant, comme mentionné précédemment, même en temps de guerre, il est crucial que les actions entreprises au nom de la raison d'État respectent certains principes fondamentaux, comme le respect des droits de l'homme, la proportionnalité des mesures prises et leur caractère temporaire. De plus, ces actions doivent toujours être sujettes à un examen et à un contrôle rigoureux pour éviter les abus de pouvoir. Enfin, il convient de noter que la raison d'État ne se limite pas aux situations de guerre. Elle peut également être invoquée dans d'autres situations de crise, comme les urgences sanitaires ou les catastrophes naturelles, lorsque l'ordre normal doit être temporairement suspendu pour faire face à la situation.

Pour Giovanni Botero, comme pour de nombreux autres penseurs politiques de son époque, l'armée et la capacité à mener la guerre étaient considérées comme des éléments essentiels du pouvoir et de l'autorité de l'État. C'est aussi à travers la conduite de la guerre que l'État pourrait parfois être amené à exercer la raison d'État, en prenant des décisions exceptionnelles pour assurer sa survie et sa sécurité. Dans le contexte de la guerre, la raison d'État pourrait être invoquée pour justifier des stratégies militaires inhabituelles, l'utilisation de ressources de manière non conventionnelle, voire des actions qui pourraient autrement être considérées comme contraires au droit international. Cependant, il est important de souligner que l'utilisation de la raison d'État dans ce contexte doit toujours être proportionnée, temporaire et respecter les droits fondamentaux des individus, y compris ceux des ennemis. En outre, la capacité à maintenir une armée forte et efficace est souvent considérée comme une manifestation de la puissance de l'État et de sa capacité à protéger ses citoyens, ce qui est aussi un élément important de la raison d'État. Une armée puissante peut dissuader les attaques étrangères, maintenir l'ordre interne et garantir la souveraineté et l'indépendance de l'État.

La raison d’État, dans son évolution, s'est progressivement séparée de sa base théologique pour devenir un concept plus largement associé à la philosophie politique et aux pratiques du pouvoir de l’État. Cette évolution a été influencée par les changements dans la nature des sociétés, l’organisation de l'État et la nature des conflits et des défis auxquels les États sont confrontés. L'application de la raison d’État en tant que forme extraordinaire de gouvernance est généralement justifiée par des situations exceptionnelles, comme les crises, les guerres ou les menaces à la sécurité nationale. Ces situations requièrent souvent des réponses rapides et parfois radicales, qui peuvent dépasser les procédures et les normes habituelles de la gouvernance. Toutefois, l'invocation de la raison d’État doit toujours respecter certaines limites, notamment en termes de respect des droits de l'homme et des principes fondamentaux de la démocratie. Elle ne devrait pas être utilisée comme une excuse pour abuser du pouvoir ou violer les libertés fondamentales, mais plutôt comme un moyen de protéger l'intérêt général dans des situations extraordinaires. Il est également important de noter que l'application de la raison d’État doit toujours être temporaire, et l’État doit revenir à sa gouvernance normale dès que la situation d'urgence est résolue. Dans ce sens, la raison d’État est un outil important pour assurer la survie et la continuité de l'État, mais son utilisation doit être régulée et contrôlée pour éviter les abus.

La raison d'État est une notion qui permet à l'État, dans certaines situations exceptionnelles, d'agir de manière extraordinaire dans l'intérêt supérieur de la nation. Cela peut impliquer de prendre des décisions ou d'adopter des politiques qui dérogent à la norme ou même à la loi, si cela est jugé nécessaire pour protéger la sécurité, la stabilité, ou l'intégrité de la nation. Cependant, comme mentionné précédemment, l'utilisation de la raison d'État doit être temporaire et proportionnée à la situation, et toujours dans le respect des droits fondamentaux des citoyens. Dans une démocratie, l'usage de la raison d'État devrait aussi être soumis à des contrôles et des équilibres pour prévenir les abus de pouvoir. Par ailleurs, la raison d'État ne justifie pas les actions qui sont contraires à la morale ou à l'éthique. En effet, si l'intérêt général peut parfois nécessiter des mesures exceptionnelles, ces dernières doivent toujours respecter les principes fondamentaux de justice et de respect de la dignité humaine. C'est un sujet complexe qui a été largement débattu en philosophie politique et en science politique.

Le concept de raison d'État est intrinsèquement paradoxal. En des circonstances extraordinaires, l'État peut être amené à prendre des mesures qui vont au-delà de la norme juridique et des libertés individuelles pour protéger le bien-être général de la société. Le caractère extraordinaire de ces situations justifierait l'usage de mesures non ordinaires, selon la théorie de la raison d'État. D'un côté, il repose sur l'idée que l'État doit parfois adopter des mesures extraordinaires pour protéger l'intérêt général. Cela peut inclure la suspension temporaire de certaines libertés et droits individuels, dans des circonstances exceptionnelles comme une guerre ou une crise majeure. D'un autre côté, ces mesures extraordinaires peuvent elles-mêmes constituer une menace pour la démocratie et l'état de droit, en créant une situation où l'État agit en dehors des limites habituelles de la loi et du contrôle démocratique. Ce paradoxe est au cœur de nombreux débats en philosophie politique et en droit constitutionnel. Comment peut-on justifier des restrictions aux libertés et droits fondamentaux au nom de l'intérêt général ? Quelles sont les limites de l'action de l'État en situation exceptionnelle ? Comment peut-on assurer un contrôle démocratique et prévenir les abus de pouvoir dans ces situations ? Ces questions sont d'autant plus pertinentes dans le contexte actuel, où de nombreux pays à travers le monde ont dû adopter des mesures exceptionnelles pour faire face à des crises comme la pandémie de COVID-19.

La guerre comme catalyseur de la raison d'État[modifier | modifier le wikicode]

Michel Senellart (1953 - ) : Perspectives contemporaines sur le rôle de la guerre[modifier | modifier le wikicode]

Michel Senellart est un philosophe français contemporain, spécialiste de la philosophie politique et de l'histoire des idées politiques. Sa vision de la raison d’État se concentre beaucoup sur l'idée que l'État a parfois besoin de s'éloigner de la norme pour répondre à des crises majeures, comme la guerre.

Selon Senellart, la raison d’État n’est autre chose qu’une contravention aux raisons ordinaires pour le respect du bien public, ou pour le respect d’une plus grande et universelle raison. Cela signifie que l'État peut parfois être amené à agir de manière contraire aux normes habituelles dans l'intérêt du bien public ou pour respecter une raison plus universelle. La guerre est un exemple typique où la raison d'État peut s'appliquer selon Senellart. En temps de guerre, l'État peut être amené à prendre des mesures extraordinaires pour assurer la sécurité et le bien-être de la nation. Cela pourrait inclure des actions qui, en temps de paix, seraient considérées comme hors de l'ordinaire ou même illégales.

La raison d'État est souvent invoquée dans des situations d'urgence ou de crise où le fonctionnement normal de la démocratie n'est pas suffisant pour répondre à une menace grave pour l'État ou la société. Cela peut comprendre des situations de guerre, de terrorisme, de catastrophe naturelle ou de pandémie. Dans ces situations, le gouvernement peut estimer qu'il est nécessaire de prendre des mesures extraordinaires pour assurer la sécurité, le bien-être et la continuité de la nation. Cela peut impliquer de déroger temporairement à certaines normes ou lois habituelles. Cependant, l'invocation de la raison d'État doit toujours être effectuée avec précaution. La suspension ou la modification des lois ou des droits habituels doit être proportionnelle à la menace, limitée dans le temps et soumise à un contrôle judiciaire pour éviter les abus de pouvoir et préserver l'état de droit et les principes démocratiques.

Scipione Ammirato (1531 - 1601) : La guerre et la raison d'État[modifier | modifier le wikicode]

Scipione Ammirato était un historien italien de la fin du 16ème siècle. Sa vision de la raison d'État est moins connue que celle de penseurs comme Machiavel ou Botero, mais elle reflète l'idée que dans certaines circonstances, le bien-être de l'État pourrait nécessiter des actions extraordinaires, souvent associées à des situations de conflit ou de guerre. En effet, la guerre est un contexte dans lequel les dirigeants sont souvent confrontés à des décisions difficiles qui peuvent nécessiter de déroger aux règles et pratiques normales pour préserver la sécurité et l'intégrité de l'État. C'est dans ce contexte que la notion de raison d'État peut être invoquée pour justifier de telles actions. Dans le contexte de la guerre, l'application de la raison d'État peut prendre plusieurs formes, comme l'imposition de la loi martiale, la restriction des libertés civiles, la réquisition de biens privés, la mobilisation de la population pour l'effort de guerre, etc.

Dans le contexte de conflits avec d'autres nations ou groupes, notamment religieux, la raison d'État peut être invoquée pour justifier certaines actions ou politiques extraordinaires visant à protéger l'intégrité, la sécurité et les intérêts de l'État. L'application de la raison d'État peut prendre de nombreuses formes dans ces contextes, y compris des politiques de sécurité renforcées, des restrictions sur certaines libertés civiles, des efforts diplomatiques extraordinaires, des mesures de défense militaire, etc. Dans certains cas, ces mesures peuvent être controversées, car elles peuvent sembler en contradiction avec certains principes démocratiques ou droits de l'homme.

La raison d'État est souvent invoquée dans les contextes de tensions internationales et de préparation à la guerre. Il s'agit de prendre des mesures extraordinaires pour protéger la sécurité et les intérêts nationaux, ce qui peut inclure la mobilisation des ressources, l'augmentation de la production militaire, la mise en place de politiques de sécurité renforcées et la coordination des efforts pour anticiper et préparer à une éventuelle guerre. Dans cette perspective, la raison d'État est perçue comme un outil de préparation à la guerre, une sorte de "guerre latente". C'est une manière de réunir les ressources de l'État et de concentrer l'attention sur un objectif commun, à savoir la défense de l'État et de ses intérêts. Cependant, il est important de souligner que l'invocation de la raison d'État pour justifier ces mesures extraordinaires doit toujours être faite de manière transparente, proportionnelle et limitée dans le temps. En outre, elle doit toujours respecter les principes de l'état de droit et les droits fondamentaux des citoyens. De plus, il est préférable d'éviter la guerre si possible, en recourant à la diplomatie, la négociation et la coopération internationale pour résoudre les conflits et les tensions. La guerre devrait toujours être le dernier recours, lorsque toutes les autres options ont été épuisées.

La guerre, étant une situation exceptionnelle, souvent justifie l'utilisation de la raison d'État. C'est une période où la sécurité et l'existence même de l'État peuvent être menacées. De ce fait, des mesures extraordinaires peuvent être mises en œuvre pour protéger et préserver la nation. Il faut toutefois noter que l'usage de la raison d'État, même en temps de guerre, doit être en conformité avec les principes fondamentaux de la démocratie et les normes internationales. Cela signifie que toute action entreprise doit respecter les droits de l'homme, les principes de la justice et les règles de la guerre.

Carl Schmitt (1888 - 1985) : Réévaluation de la relation entre guerre et État[modifier | modifier le wikicode]

Schmitt conseille le gouvernement von Papen (à gauche) et Schleicher (à droite) dans la question constitutionnelle.

Carl Schmitt, un juriste et philosophe politique allemand, a élaboré la théorie du partisan, qui s'intéresse à une forme spécifique de combat - la guérilla, ou la lutte irrégulière. Cette théorie est surtout développée dans son ouvrage "Théorie du partisan" (1962). Selon Schmitt, le partisan est distinct du combattant régulier car il n'opère pas selon les règles conventionnelles de la guerre et n'est pas facilement identifiable. Il est enraciné dans un lieu précis (généralement son territoire local), il est extrêmement mobile, et sa loyauté est plus à une cause qu'à un État. Schmitt voyait l'apparition des partisans comme une transformation significative dans la nature de la guerre. L'impact de cette transformation sur la raison d'État est considérable. Si l'État est conçu pour gérer des conflits entre des entités clairement définies et organisées, comment peut-il gérer le type de conflit asymétrique et irrégulier que le partisan représente ? La question se complique davantage si l'on considère que le partisan peut être interne à l'État - un citoyen qui a pris les armes contre l'État pour une raison ou une autre. Schmitt considère que la figure du partisan remet en cause les catégories traditionnelles du droit de la guerre et oblige à repenser les concepts de souveraineté et d'exception. Ainsi, dans ce cadre, la raison d'État se complexifie puisque la menace ne vient pas uniquement d'acteurs étatiques externes, mais peut également émaner de l'intérieur, ce qui peut justifier des mesures exceptionnelles pour y faire face.

Carl Schmitt a developpé une théorie du "décisionnisme" . Le décisionnisme est une approche de la théorie politique qui met l'accent sur le rôle de la décision individuelle dans les processus politiques. La phrase célèbre de Schmitt "le souverain est celui qui décide de l'exception" exprime cette idée. Elle signifie que le véritable pouvoir politique réside dans la capacité de suspendre l'ordre juridique existant pour faire face à une urgence. Ce pouvoir de décider quand et comment l'ordre juridique normal est suspendu est, selon Schmitt, ce qui définit la souveraineté. Pendant la montée du nazisme, Schmitt a été un supporter actif du régime. Il a affirmé que la prise du pouvoir par Hitler était un exemple de décision souveraine, en suspendant l'ordre constitutionnel de la République de Weimar en 1933. La souveraineté et l'état d'exception a été fortement critiquée, non seulement pour son rôle dans la légitimation du régime nazi, mais aussi pour la façon dont elle peut être utilisée pour justifier des abus de pouvoir.

Selon Carl Schmitt, le souverain, en tant que celui qui décide de l'exception, a le pouvoir de déterminer les moments d'urgence ou de crise qui justifient la suspension de l'ordre juridique normal. Ce pouvoir d'exception pourrait inclure la capacité de déclarer la guerre ou de prendre des décisions extraordinaires pour répondre à des situations de crise. La théorie de la raison d'État et le concept de guerre totale ont été liés aux régimes totalitaires du 20e siècle, notamment ceux de l'Allemagne nazie et de l'Union soviétique de Staline. Dans ces régimes, l'État cherche à contrôler tous les aspects de la vie publique et privée, y compris l'économie, l'éducation, les arts, la religion, les relations personnelles et même les pensées des individus. Le totalitarisme est souvent associé à une mobilisation totale en temps de guerre, où toutes les ressources de la société sont consacrées à l'effort de guerre. Cela peut se faire par la conscription, la régulation de l'industrie et de l'économie, et la restriction des libertés civiles au nom de la sécurité nationale. Dans ce contexte, la raison d'État est souvent invoquée pour justifier des actions qui, en temps de paix, seraient considérées comme des violations des droits de l'homme.

Le totalitarisme est un système politique qui cherche à contrôler tous les aspects de la vie publique et privée, y compris l'expression individuelle et la pensée libre. Dans un régime totalitaire, l'État cherche à monopoliser la vérité et à définir la réalité pour ses citoyens. Les médias d'État sont utilisés pour diffuser la propagande officielle, et toute dissidence ou critique du régime est sévèrement réprimée. Cela peut créer un environnement dans lequel la pensée indépendante et la liberté d'expression sont entravées ou même dangereuses. Les individus peuvent se conformer aux attentes du régime, non seulement par peur des représailles, mais aussi par le conditionnement social et l'endoctrinement. Le totalitarisme est souvent associé à des régimes autoritaires qui sont enracinés dans des idéologies extrêmes et qui cherchent à remodeler la société selon une vision utopique. Cependant, cette tentative de contrôler tous les aspects de la vie sociale et individuelle peut souvent conduire à l'oppression, à la violence et à la déshumanisation.

Carl Schmitt, philosophe politique allemand, a écrit de manière approfondie sur la nature de la politique et du pouvoir. Il a soutenu que la distinction fondamentale en politique est entre "l'ami" et "l'ennemi". Dans ce cadre, l'ennemi n'est pas nécessairement un individu ou un groupe personnellement haï ou méprisé, mais plutôt celui qui se trouve de l'autre côté du conflit politique. Selon Schmitt, le rôle du souverain (le "chef") est de faire cette distinction et de prendre des décisions dans les situations d'exception, comme une guerre ou une crise. Schmitt a soutenu que dans de telles situations, la normalité constitutionnelle peut être suspendue au nom de la préservation de l'État. C'est ce que l'on appelle l'état d'exception.

La vision du conflit dans une perspective théologique nazie, telle qu'elle a été exprimée par Carl Schmitt, est centrée sur la notion d'ami et d'ennemi. Cela implique que les conflits sont inévitables et même nécessaires dans la politique, car ils permettent de définir clairement qui est "ami" et qui est "ennemi". Cette distinction est fondamentale pour l'exercice du pouvoir politique. Dans le contexte du nazisme, cette théorie a été utilisée pour justifier l'agression et l'expansion impérialiste, en identifiant certains groupes (comme les Juifs ou les communistes) comme des "ennemis" de l'État. Le Futurisme était un mouvement artistique et social qui a commencé en Italie au début du XXe siècle, et qui valorisait la vitesse, la technologie, la jeunesse et la violence, en rejetant le passé. Certains futuristes, comme Filippo Tommaso Marinetti, ont soutenu les mouvements fascistes en Italie et ailleurs. Cependant, le futurisme en tant que mouvement était distinct du nazisme et de la théorie politique de Carl Schmitt, même s'ils partageaient certains thèmes de glorification du conflit et du rejet de la tradition.

Carl Schmitt a soutenu que l'essence du politique repose sur la distinction entre ami et ennemi. Pour lui, la guerre, en tant que conflit ultime, est l'expression suprême de cette distinction. C'est dans le contexte de la guerre, ou en tout cas de la possibilité de la guerre, que la nature véritable du politique se manifeste, selon Schmitt. Dans ce cadre, le souverain (ou celui qui exerce le pouvoir politique) est celui qui décide de l'état d'exception, c'est-à-dire qui détermine quand une situation est si grave qu'elle justifie des mesures extraordinaires - y compris la guerre. C'est ce que Schmitt appelle le "décisionnisme".

Actualité de l’état d’exception et de la raison d'État[modifier | modifier le wikicode]

Giorgio Agambe (1942 - ) : Comprendre l'état d'exception[modifier | modifier le wikicode]

Giorgio Agamben .

Giorgio Agamben, un philosophe italien bien connu, a publié un livre intitulé "État d'exception" en 2005 (sa première édition italienne date de 2003). Il examine dans cet ouvrage la notion d'"état d'exception" telle qu'elle a été développée par Carl Schmitt. Agamben analyse comment les États peuvent utiliser l'état d'exception pour suspendre les lois et les droits constitutionnels en situation de crise. Il argumente que, de plus en plus, l'état d'exception est devenu la norme plutôt que l'exception dans les sociétés contemporaines, avec l'extension des pouvoirs de surveillance et de contrôle des gouvernements. Pour Agamben, l'état d'exception est un espace dangereux où le droit est en suspens et où l'autorité gouvernementale agit sans contraintes légales, ce qui peut mener à des abus de pouvoir. Il met en garde contre l'utilisation de cette situation pour restreindre les libertés civiles et les droits de l'homme. C'est un concept puissant et inquiétant qui souligne la tension entre la sécurité et la liberté dans les sociétés modernes. L'ouvrage de Agamben a été largement discuté et débattu, et a eu un impact significatif sur la pensée politique contemporaine.

Agamben émet l'idée que les sociétés contemporaines ont tendance à entrer dans un état d'exception permanent, particulièrement sous le prétexte de la sécurité. L'État d'exception est une situation de crise qui permet à l'État de suspendre les lois et les libertés civiles normalement en vigueur. Agamben suggère que cet état d'exception est de plus en plus utilisé comme un moyen de gouvernance normal, plutôt que comme une réponse exceptionnelle à une crise. Par exemple, dans le contexte de la "guerre contre le terrorisme", les États peuvent invoquer la sécurité nationale pour justifier des mesures qui violent les droits de l'homme et les libertés civiles. Cet état d'exception, selon Agamben, met en danger la démocratie en rendant les citoyens vulnérables aux abus de pouvoir. Il soutient que l'état d'exception révèle une tension fondamentale entre la sécurité et la liberté, une tension qui est au cœur des débats contemporains sur le rôle de l'État dans la société.

Dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, il est affirmé que la liberté est la condition préalable à la sécurité. C'est-à-dire que les individus doivent être libres pour être en sécurité. Cependant, dans le monde contemporain, ce paradigme semble avoir été inversé. De plus en plus, la sécurité est vue comme une condition préalable à la liberté. Cela signifie que les États et les sociétés sont de plus en plus disposés à restreindre les libertés individuelles et collectives au nom de la sécurité. Cela peut être vu dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, par exemple, où les libertés civiles sont souvent restreintes au nom de la sécurité nationale. C'est une évolution inquiétante pour beaucoup, car elle peut potentiellement mener à des abus de pouvoir et à une diminution de la démocratie. Cette tension entre sécurité et liberté est un débat crucial dans la pensée politique contemporaine. La question est de savoir jusqu'où nous sommes disposés à aller pour garantir notre sécurité et si cela en vaut la peine si cela signifie une restriction de nos libertés.

Giorgio Agamben, dans son ouvrage "État d'exception", soutient que dans les sociétés contemporaines, la sécurité est souvent privilégiée par rapport à la liberté. Selon lui, cela mène à ce qu'il appelle un "état d'exception" : un état dans lequel les normes légales régulières sont suspendues au nom de la sécurité. Pour Agamben, ce n'est pas une situation exceptionnelle ou temporaire, mais un état permanent qui est devenu la norme dans de nombreuses sociétés modernes. Il argue que la notion de sécurité est devenue une excuse pour restreindre les libertés et renforcer le pouvoir de l'État, créant ainsi un environnement de contrôle et de surveillance constants. Ce qu'Agamben critique ici, c'est le glissement de la primauté de la liberté vers la primauté de la sécurité dans nos sociétés contemporaines. Il suggère que cela mène à une rationalisation et à une normalisation de l'état d'exception, qui, à son tour, menace les libertés individuelles et collectives. C'est un débat important qui fait écho à de nombreux problèmes contemporains, de la lutte contre le terrorisme à la gestion des crises sanitaires, où la tension entre liberté et sécurité est constamment présente.

Selon Agamben, nous vivons maintenant dans une situation où l'état d'exception est devenu la norme, plutôt qu'une occurrence rare et temporaire comme le suggérait Botero. Cette perspective est en accord avec la théorie de Michel Foucault sur la société de surveillance. Foucault a développé la notion de "biopouvoir", où le contrôle exercé par l'État s'étend non seulement à la vie sociale, mais aussi à la vie biologique des individus. Cela implique une surveillance constante et une régulation détaillée des corps et des vies des citoyens. C'est donc un glissement significatif dans la façon dont le pouvoir est exercé par l'État. Ce changement peut être vu comme une menace pour nos libertés individuelles, car le pouvoir de l'État est exercé de manière plus intrusive et omniprésente. En outre, comme Agamben le souligne, la primauté de la sécurité sur la liberté contribue à ce processus, en justifiant l'expansion continue du contrôle et de la surveillance au nom de la protection de la sécurité des individus et de la société dans son ensemble. Il est important de noter que ces perspectives sont fortement débattues dans le domaine académique et politique. Certaines personnes peuvent voir ces développements comme nécessaires et justifiés, tandis que d'autres peuvent les voir comme des atteintes inacceptables à nos libertés individuelles et à nos droits fondamentaux.

La notion que nous sommes entrés dans une ère de "non-droit" et de "nécessité" reflète les préoccupations que de nombreux penseurs, juristes et activistes ont aujourd'hui concernant la manière dont le droit et la démocratie sont utilisés, et parfois contournés, au nom de la sécurité, de l'efficacité ou de la nécessité. La traçabilité et la surveillance sont devenues des éléments omniprésents de notre vie quotidienne, sous-tendant des aspects majeurs de notre économie, de notre gouvernement et de notre société. Ceci est facilité par l'avancement technologique rapide, qui permet un niveau de surveillance et de collecte de données sans précédent. La tension entre la nécessité et le droit est une question centrale de notre époque. Traditionnellement, l'état de droit est un principe fondamental des sociétés démocratiques, garantissant que toutes les actions, y compris celles de l'État, sont soumises à la loi. Cependant, dans de nombreux cas, nous voyons des situations où la "nécessité" est invoquée pour justifier des actions qui, autrement, pourraient être considérées comme contraires aux principes juridiques et démocratiques fondamentaux. Cette tension pose des questions fondamentales sur la nature de nos sociétés et de nos systèmes politiques. Comment équilibrer la sécurité et la liberté ? Qu'est-ce que la démocratie signifie dans une ère de surveillance de masse et de données omniprésentes ? Ce sont des questions complexes auxquelles il n'y a pas de réponses simples, mais le débat et la réflexion sont essentiels pour façonner l'avenir de nos sociétés.

Le concept d'état d'exception décrit par Agamben est précisément celui d'une situation où les lois ordinaires et les droits civils sont suspendus, souvent en réponse à une crise perçue ou à une situation d'urgence. Cet état de choses crée une "zone grise" où les règles normales ne s'appliquent pas et où les pouvoirs de l'État peuvent être étendus de manière significative. Dans ces situations, il y a souvent une tension entre les impératifs de sécurité et les droits et libertés individuels. C'est une question complexe qui n'a pas de réponse facile, car elle nécessite un équilibre entre la protection de la sécurité de l'État et de ses citoyens d'une part, et la sauvegarde des droits et libertés individuels d'autre part.

La séparation des pouvoirs est un principe fondamental qui vise à prévenir l'abus de pouvoir et à maintenir l'équilibre dans l'exercice de l'autorité. Cette séparation permet à chaque pouvoir - législatif, exécutif, judiciaire - de contrôler les autres et de garantir ainsi une forme de réciprocité dans le fonctionnement de l'Etat. Cependant, lorsqu'un état d'exception est déclaré, ces frontières peuvent devenir floues. Les pouvoirs de l'exécutif peuvent être élargis, parfois au détriment des autres pouvoirs, ce qui peut mettre en péril l'équilibre démocratique. Il en résulte souvent une accumulation de pouvoirs entre les mains d'un seul organe ou individu, ce qui peut entraîner une concentration du pouvoir et potentiellement mener à des abus.

Dans un État d'exception, les pouvoirs exécutifs sont souvent renforcés aux dépens des autres branches du gouvernement. Cela peut mener à une situation où l'exécutif peut légiférer sans le contrôle du législatif, par le biais de décrets ou d'ordonnances, et où les pouvoirs de contrôle du judiciaire sont limités. En outre, un état d'exception peut également conduire à l'adoption de réglementations restrictives, souvent justifiées par la nécessité de répondre à une urgence ou à une crise, qui peuvent entraver les droits et libertés individuelles. Ces réglementations peuvent affecter de nombreux aspects de la vie des individus, allant de la liberté de mouvement à la protection de la vie privée. Il est donc essentiel, même en temps de crise, de maintenir les principes fondamentaux de la démocratie et de l'état de droit, et de veiller à ce que toute mesure extraordinaire soit proportionnée, nécessaire et temporaire.

L’application de l‘État d’exception en France est la Première guerre mondiale qui renvoie à un état d’exception ; la préparation de la seconde guerre mondiale en 1938 et en 1939 avec le pacte germano-soviétique qui crée des dissensions dans la politique française, car les communistes souhaitent suivre la position soviétique; la constitution française de 1958, l’article 16 dit qu’en cas de menace sur l’intégrité de la république et de la nation, le président de la République peut prendre tous les pouvoirs nécessaires.Ainsi un article accorde la prise de tous les pouvoirs au nom de l’attaque de l’intégrité du territoire.

L'état d'exception en France a été appliqué dans diverses situations de crise. Pendant la Première Guerre mondiale, le gouvernement français a dû prendre des mesures extraordinaires, notamment la mobilisation générale, la censure et le rationnement, pour soutenir l'effort de guerre. Plus tard, dans les années précédant la Seconde Guerre mondiale, face à une période de grande incertitude et de tension, le gouvernement a entrepris une série de mesures pour renforcer la défense nationale. Ce climat de tension a atteint son paroxysme avec le Pacte germano-soviétique de 1939 qui a provoqué des dissensions au sein du Parti communiste français, certains membres s'opposant à la position officielle du parti en faveur du pacte. En outre, l'article 16 de la Constitution française de 1958 stipule que le président de la République peut exercer des pouvoirs exceptionnels en cas de crise grave. Ces pouvoirs ont été invoqués une seule fois, pendant la crise algérienne en 1961. Dans chaque cas, l'équilibre entre le fonctionnement de la démocratie et le respect des droits et libertés individuels a été mis à l'épreuve.

La Constitution française de 1958, dans son article 16, donne des pouvoirs exceptionnels au Président de la République en cas de crise grave menaçant l'intégrité du territoire ou le fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Cet article a été conçu dans le contexte de la Guerre Froide, et il était destiné à être utilisé dans des circonstances exceptionnelles où le fonctionnement normal de l'Etat serait gravement perturbé. Il a été invoqué une seule fois, pendant la crise algérienne en 1961. L'article 16 confère au président "les pouvoirs les plus étendus", lui permettant de prendre des mesures nécessaires à la défense de la nation. Cependant, il est important de noter que ces pouvoirs ne sont pas illimités. Le Conseil Constitutionnel, selon une décision prise en 1973, a le pouvoir de contrôler l'application de l'article 16 et peut donc mettre fin à l'état d'exception si les conditions ne sont plus réunies.

La Suisse, en tant que pays traditionnellement neutre, a dû faire face à ses propres défis pendant les deux guerres mondiales. Dans le contexte de la Première Guerre mondiale, le 30 août 1914, l'Assemblée fédérale suisse a confié au Conseil fédéral (le gouvernement suisse) le pouvoir illimité pour garantir la sécurité, l'intégrité et la neutralité du pays. Cette décision a été prise dans le but de permettre au gouvernement de prendre rapidement et efficacement les mesures nécessaires pour préserver la Suisse des conséquences du conflit européen qui se déroulait autour d'elle. Il s'agissait clairement d'un exemple d'application de la "raison d'État", où les règles ordinaires de la gouvernance démocratique ont été temporairement suspendues en réponse à une situation extraordinaire. C'est une illustration claire du concept d'état d'exception, bien qu'il ait été exercé dans le but de préserver la neutralité et l'indépendance de la Suisse plutôt que de l'engager dans le conflit.

Le 11 septembre et le retour de la raison d’État[modifier | modifier le wikicode]

Article détaillé : Les ruptures du 11 septembre 2001.

Autorisation de recours à la force militaire de 2001[modifier | modifier le wikicode]

Après les attentats du 11 septembre 2001, le président américain George W. Bush a déclaré que l'intégrité de la nation avait été attaquée. Cette déclaration était basée sur le fait que les attentats terroristes étaient assimilés à un acte de guerre. Dans ce contexte, le président a invoqué le concept de "raison d'État", suggérant qu'une réponse extraordinaire était nécessaire pour faire face à cette situation extraordinaire. Cette réponse a pris la forme de l'"Authorization for Use of Military Force" (AUMF), qui a été votée par le Congrès américain peu de temps après les attaques. L'AUMF a donné au président l'autorité de prendre toutes les "mesures nécessaires et appropriées" contre ceux qu'il déterminerait avoir "planifié, autorisé, commis ou aidé" les attaques du 11 septembre. En outre, l'administration Bush a mis en place des mesures de sécurité intérieure draconiennes, comme le Patriot Act, qui a étendu les pouvoirs du gouvernement en matière de surveillance et d'enquête. Ces mesures, bien que controversées, ont été présentées comme essentielles pour protéger la nation.

Suite aux attentats du 11 septembre 2001, le président George W. Bush a répondu en plaçant la défense de la nation américaine comme une nécessité primordiale. Dans ses discours, il a présenté les agresseurs non pas comme de simples terroristes, mais comme un ennemi comparable à une nation, ce qui a eu pour effet paradoxal d'élever la stature d'Oussama Ben Laden. En effet, en assimilant Al-Qaïda à un État-nation, Bush a implicitement crédité Ben Laden du statut de chef d'État. Cette approche a également justifié une réponse militaire massive, plutôt qu'une approche policière et judiciaire pour faire face à un crime. Cela a conduit à l'invasion de l'Afghanistan et à la Guerre contre le Terrorisme, une campagne militaire à l'échelle mondiale qui a profondément affecté les relations internationales et les politiques intérieures aux États-Unis.

En qualifiant les attaques du 11 septembre 2001 comme un "acte de guerre", George W. Bush a établi une justification pour l'application de la raison d'État. L'acte de guerre est une condition qui autorise l'utilisation de la raison d'État, car il constitue une situation d'exception, une circonstance extraordinaire qui demande des mesures extraordinaires. La raison d'État, dans ce contexte, permet au gouvernement de prendre des décisions et d'agir d'une manière qui pourrait être contraire aux lois et aux principes habituels dans l'intérêt suprême de la nation. Cela pourrait inclure des actions telles que la déclaration de guerre, la mobilisation des forces militaires, l'instauration de mesures de sécurité internes renforcées, et d'autres mesures extraordinaires qui pourraient être perçues comme nécessaires pour assurer la sécurité et l'intégrité de la nation.

Lorsque George W. Bush a qualifié les attaques du 11 septembre 2001 comme un "acte de guerre", il a légitimé, en quelque sorte, Al-Qaïda et son chef, Ben Laden, comme des acteurs de guerre traditionnels. Cette déclaration a, de fait, changé le paradigme de l'application de la raison d'État. Cela a permis à l'administration Bush de justifier l'application de la raison d'État, en prenant des mesures extraordinaires pour la défense de la nation, allant de la guerre en Afghanistan à la mise en place de nouvelles mesures de sécurité intérieure. Cette déclaration a marqué un tournant dans l'histoire contemporaine, en introduisant un nouveau type de conflit - la "guerre contre le terrorisme" - où la frontière entre le droit de la paix et le droit de la guerre devient floue.

Lorsqu'un État est confronté à une situation d'urgence ou à un danger imminent, il peut être amené à invoquer ce que l'on appelle la "raison d'État" ou l'état d'exception pour prendre des mesures extraordinaires afin de protéger la sécurité et l'intégrité de la nation. Cependant, ces mesures extraordinaires peuvent parfois s'écarter des principes traditionnels de l'État de droit, ce qui peut soulever des questions importantes sur l'équilibre entre la sécurité et les libertés individuelles. En effet, dans de tels cas, il peut y avoir une tendance à favoriser les actions d'urgence et la réponse à la menace immédiate, parfois aux dépens des protections juridiques normales et des garanties de procédure. Cela peut conduire à une situation où les règles normales du droit public sont mises de côté au nom de la gestion de l'urgence. Cette situation peut être source de tension et de débats, car elle met en jeu les valeurs fondamentales de la démocratie et de l'État de droit, comme le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le 9 novembre 2001, Stephen John Byers déclarait « c’est un très bon jour pour faire ressortir et passer en douce toutes les mesures que nous devons prendre[1] ».Cette déclaration met en évidence un point de tension important dans les situations d'urgence ou d'exception. En réponse à une crise, les gouvernements peuvent être tentés de faire passer rapidement des mesures qui pourraient, dans des circonstances normales, faire l'objet d'un débat public approfondi et de contrôles démocratiques. Dans certains cas, ces mesures peuvent inclure des lois ou des réglementations qui limitent les libertés individuelles, augmentent les pouvoirs de l'État ou modifient d'autres aspects de la gouvernance et de l'ordre public. Bien que ces mesures puissent être justifiées par la gravité de la situation, elles soulèvent des questions importantes sur la transparence, la responsabilité et le respect des principes démocratiques. Il est crucial que même dans les situations d'urgence, les gouvernements s'efforcent de maintenir l'État de droit, de respecter les droits de l'homme et de s'engager de manière transparente avec le public. En outre, les mesures prises en réponse à une situation d'urgence devraient être proportionnées, nécessaires et sujettes à un examen régulier pour s'assurer qu'elles restent appropriées et justifiées.

Les attentats du 11 septembre 2001 ont conduit à une série de changements significatifs dans les législations et politiques, en particulier aux États-Unis, mais aussi à l'échelle internationale. Le besoin perçu de protéger les citoyens contre de futures attaques terroristes a conduit à l'adoption de mesures qui, dans certains cas, ont restreint les libertés civiles et modifié les normes en matière de vie privée, de surveillance et de droits de l'homme. L'une des réponses les plus controversées à ces attaques a été l'adoption du USA PATRIOT Act aux États-Unis, qui a élargi les pouvoirs de surveillance du gouvernement américain dans le but de prévenir le terrorisme. Bien que ces mesures aient été prises dans le but déclaré de protéger la sécurité nationale, elles ont également suscité de vives inquiétudes concernant leur impact sur les libertés civiles et le respect de la vie privée. Dans ce contexte, le débat démocratique peut être confronté à des défis. Il est important que même en temps de crise, la transparence, la responsabilité et le respect des droits de l'homme soient maintenus. Il s'agit d'un délicat équilibre à trouver entre la protection de la sécurité nationale et la préservation des principes démocratiques fondamentaux.

USA PATRIOT Act : Implications pour la raison d'État[modifier | modifier le wikicode]

Le USA PATRIOT Act (Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism Act) est une loi américaine qui a été promulguée peu de temps après les attentats terroristes du 11 septembre 2001. américaine, en particulier en ce qui concerne les lois sur l'immigration, la sécurité nationale, la surveillance et l'application de la loi. Son objectif déclaré était de "déjouer et punir les actes de terrorisme aux États-Unis et dans le monde entier, d'améliorer l'application de la loi pour détecter et prévenir le terrorisme, et pour d'autres objectifs". Certaines des dispositions les plus controversées du Patriot Act concernent la collecte d'informations et la surveillance. La loi a permis aux agences de renseignement de collecter un large éventail d'informations, y compris des données sur les transactions financières, les communications par courrier électronique et téléphone, et a donné aux autorités fédérales une plus grande capacité à suivre et intercepter les communications. Cette loi a grandement élargi les pouvoirs des agences de sécurité et de renseignement américaines en matière de surveillance, d'investigation et de poursuite des crimes de terrorisme. Les dispositions de cette loi touchent à une grande variété de questions, allant de la surveillance électronique à l'immigration, en passant par le financement du terrorisme.

Une des dispositions controversées du USA PATRIOT Act permet la détention indéfinie d'étrangers soupçonnés d'être liés à des activités terroristes. Les autorités américaines ont le pouvoir de détenir une personne sur la base de simples soupçons et peuvent le faire pour une durée indéterminée, sans inculpation ni procès. De plus, la définition du terrorisme et de l'activité terroriste a été élargie pour englober de nombreux actes criminels non violents et les associations lâches avec des groupes soupçonnés d'activités terroristes. Cette définition élargie a été critiquée pour sa potentielle utilisation abusive.

Le système "Carnivore", precuseur de l'USA PATRIOT Act était un système de surveillance de l'Internet mis en place par le FBI au début des années 2000. Mis en place à la fin des années 1990 et utilisé principalement dans les années 2000, il permettait au FBI de surveiller les courriels et les activités en ligne de personnes spécifiquement ciblées dans le cadre d'enquêtes criminelles ou de sécurité nationale. Il a été conçu pour surveiller les communications par courrier électronique et les activités en ligne de personnes spécifiquement ciblées dans le cadre d'enquêtes criminelles ou de sécurité nationale. Le système fonctionnait en étant installé directement sur le réseau de l'Internet Service Provider (ISP) de la personne ciblée. Il pouvait alors filtrer toutes les communications entrantes et sortantes de cette personne. Le système était techniquement un dispositif de capture de paquets, c'est-à-dire un logiciel capable d'intercepter et d'inspecter les "paquets" de données qui circulent sur un réseau informatique. "Carnivore" était installé directement sur le réseau de l'Internet Service Provider (ISP) de la personne ciblée, où il pouvait filtrer toutes les communications entrantes et sortantes de cette personne. Le FBI a déclaré avoir abandonné l'utilisation de "Carnivore" en 2005, bien que des rapports ultérieurs suggèrent que des outils de surveillance similaires continuent d'être utilisés.

En termes juridiques, le terrorisme est généralement défini par la commission d'actes violents ou dangereux dans le but d'influencer ou d'affecter le gouvernement par intimidation ou contrainte. Cela peut également inclure les actes commis en représailles à des opérations menées par le gouvernement. Cette définition est assez large et peut potentiellement couvrir une variété d'actes criminels. Par exemple, cela pourrait inclure non seulement des actes de violence physique, comme les attentats à la bombe ou les attaques armées, mais aussi des actes de cyber-terrorisme qui perturbent les systèmes informatiques du gouvernement.

L'ennemi est déclaré Hors la loi – Carl Schmitt fournit à Giorgio Agamben les catégories d'une critique fondamentale de Guantanamo.

La prison de Guantanamo Bay : Un symbole de la raison d'État en action[modifier | modifier le wikicode]

La prison de Guantanamo Bay, située sur un territoire cubain loué par les États-Unis, est devenue un symbole controversé de l'application de la raison d'État dans le contexte de la lutte contre le terrorisme. Suite aux attentats du 11 septembre 2001, les États-Unis ont commencé à y détenir des personnes considérées comme des "combattants ennemis illégaux" en relation avec Al-Qaïda, les talibans ou d'autres groupes terroristes. L'objectif déclaré était d'obtenir des informations de ces détenus pour prévenir d'autres attaques terroristes. Cependant, le fait que ces individus étaient détenus hors du territoire principal des États-Unis soulevait des questions juridiques complexes concernant leur statut légal et leurs droits. Les critiques ont soutenu que la détention de ces personnes à Guantanamo constituait une violation des lois internationales sur les droits de l'homme, notamment les Conventions de Genève. Les méthodes d'interrogation employées à Guantanamo, souvent décrites comme de la torture, ont également été l'objet de vives critiques. En outre, de nombreux détenus ont été retenus pendant de nombreuses années sans inculpation ni jugement, ce qui a suscité des préoccupations quant à la violation du droit à un procès équitable. Ainsi, Guantanamo est devenu un exemple marquant de la façon dont la raison d'État a été invoquée pour justifier des mesures extraordinaires dans le contexte de la guerre contre le terrorisme.

La prison de Guantanamo Bay, située sur une base militaire américaine à Cuba, a été qualifiée de "no man's land" juridique. Il s'agit d'un territoire qui, bien qu'étant sous contrôle américain, n'est pas considéré comme faisant partie des États-Unis au sens propre. Cela a permis au gouvernement américain d'argumenter que les détenus à Guantanamo n'étaient pas éligibles aux protections constitutionnelles normalement accordées aux individus sur le sol américain. Cette situation a créé une zone grise juridique qui a été utilisée pour justifier des pratiques de détention et d'interrogation controversées. Les critiques soutiennent que cela a permis au gouvernement américain d'éviter les protections juridiques traditionnelles, telles que le droit à un procès équitable, le droit à un avocat et la protection contre les traitements cruels et inhumains. Cet état de "no man's land" juridique a été critiqué pour avoir facilité la création d'un système où la raison d'État prévaut sur les droits de l'homme et les principes du droit international. Ainsi, Guantanamo est devenu un symbole du débat sur l'équilibre entre la sécurité nationale et les droits individuels dans la lutte contre le terrorisme.

La situation de la prison de Guantanamo a créé une complexité juridique unique. La base militaire sur laquelle la prison est située est techniquement sur le territoire cubain, mais elle est contrôlée par les États-Unis en vertu d'un traité de location à long terme. Le gouvernement américain a maintenu que, puisque la base de Guantanamo est située à l'extérieur du territoire américain, les détenus qui y sont détenus ne bénéficient pas des protections constitutionnelles auxquelles ils auraient droit s'ils étaient détenus sur le sol américain. Cette position a été contestée par des avocats, des défenseurs des droits de l'homme et d'autres, qui soutiennent que les détenus de Guantanamo devraient bénéficier de ces protections. C'est précisément cette complexité et cette incertitude juridiques qui ont conduit certains à qualifier Guantanamo de "no man's land" juridique, un espace où les règles normales du droit semblent ne pas s'appliquer. Cela a soulevé des questions sérieuses sur l'équilibre entre les impératifs de la sécurité nationale et le respect des droits de l'homme et des normes du droit international.

La désignation des détenus de Guantanamo a été un sujet de controverse majeure depuis l'ouverture de la prison. Le gouvernement américain a affirmé que les détenus sont des "combattants ennemis illégaux", un terme qui n'est pas reconnu par les Conventions de Genève, qui définissent les règles internationales pour le traitement des prisonniers de guerre. Le terme "combattant ennemi illégal" a été critiqué par de nombreux juristes et défenseurs des droits de l'homme, qui soutiennent que cette désignation est utilisée pour contourner les obligations des États-Unis en vertu des Conventions de Genève et d'autres normes internationales en matière de droits de l'homme. En effet, les détenus de Guantanamo n'ont pas les mêmes droits que les prisonniers de guerre (qui ont droit à un certain nombre de protections en vertu des Conventions de Genève), les prisonniers de droit commun (qui ont droit à un procès et à une représentation juridique) ou les prisonniers politiques (qui peuvent bénéficier de protections supplémentaires en vertu du droit international). La position du gouvernement américain a été contestée devant les tribunaux, et bien que certaines pratiques aient été modifiées en réponse à ces contestations, la situation globale de Guantanamo reste un sujet de controverse.

L'administration Bush, dans sa lutte contre le terrorisme, a créé une nouvelle catégorie de détenus : les "combattants ennemis illégaux". Cela signifie qu'ils n'étaient ni considérés comme des prisonniers de guerre, qui sont protégés par les Conventions de Genève, ni comme des criminels de droit commun, qui ont droit à un procès devant un tribunal civil. En tant que "combattants ennemis illégaux", ces détenus étaient essentiellement en dehors de la protection du droit international et du droit américain, ce qui permettait au gouvernement américain de les détenir indéfiniment sans inculpation ni jugement. Cela a également permis aux interrogateurs d'employer des techniques d'interrogatoire agressives qui seraient autrement interdites. Cette approche a été largement critiquée pour avoir violé les principes fondamentaux des droits de l'homme et de l'état de droit. Bien que certaines des politiques les plus controversées aient été modifiées par la suite, la question du statut et des droits des détenus de Guantanamo reste un sujet de débat.

Le terme "guerre contre la terreur" implique un conflit armé, ce qui suggère que ceux qui sont capturés en y participant seraient normalement considérés comme des prisonniers de guerre. Cependant, l'administration Bush a décidé de ne pas suivre cette ligne de raisonnement, préférant qualifier ces détenus de "combattants ennemis illégaux". Cette décision a conduit à une situation où, bien qu'ils soient capturés dans le cadre de ce qui est appelé une guerre, ils ne bénéficient pas des protections normalement accordées aux prisonniers de guerre en vertu du droit international. En fait, cette situation illustre l'un des nombreux défis posés par la guerre contre le terrorisme. Dans une guerre conventionnelle, les frontières, les combattants et les objectifs sont généralement clairement définis. Cependant, dans la guerre contre le terrorisme, ces éléments sont souvent flous ou non définis. Par exemple, le "terrain de bataille" n'est pas limité à une zone géographique spécifique, mais s'étend à l'échelle mondiale. Les "combattants ennemis" peuvent être des citoyens de presque tous les pays, y compris ceux qui sont en paix avec les États-Unis. Et parce que le terrorisme est une tactique plutôt qu'une entité identifiable, il n'y a pas d'ennemi clairement défini à vaincre pour mettre fin à la guerre. Ces facteurs contribuent tous à la complexité et à la controverse entourant la guerre contre le terrorisme et le traitement des détenus de Guantanamo.

La création de la prison de Guantanamo est un exemple notable de l'utilisation de l'extraterritorialité pour échapper aux contraintes juridiques normales. En plaçant la prison hors du territoire des États-Unis, l'administration américaine a cherché à la mettre hors de portée des cours américaines, et donc de l'application des lois américaines sur le traitement des prisonniers.

En 2004, la Cour suprême des États-Unis a statué dans l'affaire Rasul c. Bush que les tribunaux américains avaient compétence pour examiner les demandes d'habeas corpus présentées par les détenus de Guantanamo. Cela signifiait que, contrairement à ce que prétendait l'administration Bush, les détenus de Guantanamo avaient le droit de contester la légalité de leur détention devant les tribunaux américains. L'affaire Rasul v. Bush en 2004 a marqué un tournant, en déclarant que les détenus de Guantanamo avaient le droit de contester leur détention devant les tribunaux américains. Cette décision a élargi les droits des détenus, leur permettant d'avoir un certain niveau de protection juridique. Cependant, l'administration Bush a réagi en 2006 en faisant adopter la Military Commissions Act, qui tentait de limiter l'accès des détenus aux tribunaux. En 2008, la Cour suprême a réaffirmé les droits des détenus dans l'affaire Boumediene v. Bush, déclarant que les détenus de Guantanamo avaient le droit constitutionnel d'habeas corpus. Concernant le terme "combattant irrégulier", c'est une terminologie controversée que l'administration Bush a utilisée pour justifier le traitement des détenus de Guantanamo. Elle a été critiquée par beaucoup comme une tentative de contourner les protections prévues par les lois internationales, notamment la Convention de Genève.

La question de savoir si la "parenthèse" de l'État d'exception aux États-Unis, enclenchée suite aux attaques du 11 septembre, est terminée, est complexe et sujet à débat. L'état d'exception, dans le contexte de la sécurité nationale, a permis l'adoption de mesures extraordinaires, telles que le USA PATRIOT Act, l'ouverture de la prison de Guantanamo, et une surveillance accrue des communications électroniques, parmi d'autres. Plusieurs de ces mesures sont encore en place, même si elles ont été révisées et débattues. Par exemple, la prison de Guantanamo est toujours opérationnelle, même si le nombre de détenus a été réduit et que plusieurs présidents américains ont promis sa fermeture. De même, bien que le USA PATRIOT Act ait expiré en 2015, plusieurs de ses dispositions ont été renouvelées sous d'autres formes législatives. De plus, la menace du terrorisme continue d'influencer la politique américaine et internationale, et le cadre légal de la "guerre contre le terrorisme" a des implications durables. Par conséquent, bien qu'il y ait eu des changements significatifs depuis le 11 septembre 2001, il est difficile de dire que l'état d'exception est complètement fini. Il est important de noter que ce sujet fait l'objet de nombreux débats parmi les juristes, les politologues et les chercheurs en études de sécurité. Il n'y a donc pas de consensus définitif sur la question.

Même après la fin de l'administration de George W. Bush, certaines mesures prises dans le sillage du 11 septembre sont restées en place. Barack Obama, bien qu'il ait promis de fermer la prison de Guantanamo lors de sa campagne présidentielle en 2008, n'a pas réussi à tenir cette promesse pendant ses deux mandats. De plus, des programmes de surveillance de masse révélés par Edward Snowden en 2013 ont montré que le gouvernement américain continuait à surveiller les communications de ses citoyens et d'autres personnes à travers le monde. Cela soulève la question de savoir si ces mesures exceptionnelles sont devenues la norme, et si la notion d'état de droit a été modifiée ou compromise à la suite du 11 septembre. Ces questions sont encore débattues parmi les chercheurs, les politiciens et les défenseurs des droits civiques. L'état d'exception, tel que conceptualisé par Giorgio Agamben, peut devenir permanent et changer la nature de la relation entre l'état et ses citoyens. Il est important de souligner que l'équilibre entre la sécurité et la liberté est une question complexe et contestée. Les décisions prises au nom de la sécurité nationale peuvent avoir des conséquences durables sur les libertés civiles, et l'évaluation de ces décisions nécessite un examen attentif et un débat public.

L'Union européenne a adopté une approche différente par rapport à la gestion du terrorisme. Plutôt que de s'appuyer sur des mesures unilatérales, elle a cherché à harmoniser les législations de ses États membres. Cela a impliqué la création d'un cadre juridique commun pour la définition du terrorisme et la mise en place de mesures de lutte contre le terrorisme. En 2002, l'Union européenne a adopté une décision-cadre sur la lutte contre le terrorisme, qui définit des infractions liées au terrorisme et prévoit des sanctions pénales pour ces infractions. Cette décision-cadre a été modifiée plusieurs fois pour s'adapter à l'évolution de la menace terroriste. De plus, l'Union européenne a mis en place divers instruments pour faciliter la coopération entre les États membres dans la lutte contre le terrorisme. Par exemple, elle a créé Europol, l'agence de l'Union européenne pour la coopération des services répressifs, qui facilite l'échange d'informations et la coordination des actions entre les forces de police des États membres.

Les programmes de "restitutions extraordinaires" et les "vols secrets" de la CIA qui ont été révélés au grand jour dans les années 2000 sont des exemples marquants de la façon dont certains droits fondamentaux et libertés publiques peuvent être contournés dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. La restitution extraordinaire est le transfert secret d'une personne d'un pays à un autre sans recours à un processus judiciaire formel. Cela a souvent conduit à des situations où des individus ont été détenus sans inculpation, ont été privés de leurs droits juridiques fondamentaux et, dans certains cas, ont été soumis à la torture ou à des traitements inhumains et dégradants. Les vols secrets de la CIA, souvent appelés "vols de la torture", sont utilisés pour transporter ces personnes entre différents sites de détention à travers le monde. Il a été révélé que plusieurs pays, y compris certains pays européens, ont collaboré avec ces programmes, soit en permettant l'utilisation de leur espace aérien et de leurs aéroports pour ces vols, soit en participant à la détention et à l'interrogatoire des individus. Ces pratiques sont clairement en contradiction avec les principes de l'État de droit et le respect des droits de l'homme, et elles ont suscité de vives critiques et controverses. De plus, elles ont soulevé des questions importantes sur la responsabilité et la transparence des gouvernements dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Annexes[modifier | modifier le wikicode]

  • Bouaziz, Franck. "À La Une – Critique De La Raison D’Etat." Le Nouvel Economiste. N.p., 9 Feb. 2011. url: http://www.lenouveleconomiste.fr/critique-de-la-raison-detat-9130/
  • À propos de État d’exception, Homo sacer de Giorgio Agamben, Sidi Askofaré « À propos de État d'exception, Homo sacer de Giorgio Agamben », L'en-je lacanien1/2004 (no 2), p. 193-205.
  • Botero, Giovanni. Della Ragion Di Stato Libri Dieci. In Roma: Presso Vincenzio Pellagallo, 1590.
  • Machiavelli, Niccolò, Jean-Louis Fournel, Jean-Claude Zancarini, and Giorgio Inglese. De Principatibus = Le Prince. Paris: Presses Universitaires De France, 2000.
  • Nuccio, Oscar. Giovanni Botero: Politica E Precettistica Economica Del Medievalismo Controriformistico. Sassari: Gallizzi, 1992.
  • Senellart, Michel. Machiavélisme Et Raison D'Etat: XIIe-XVIIIe Siècle ; Suivi D'un Choix De Textes. Paris: Presses Universitaires De France, 1989.
  • Senellart, Michel. Les Arts De Gouverner: Du Regimen Médiéval Au Concept De Gouvernement. Paris: Ed. Du Seuil, 1995.
  • "Comment L'obsession Sécuritaire Fait Muter La démocratie." Comment L'obsession Sécuritaire Fait Muter La Démocratie, Par Giorgio Agamben (Le Monde Diplomatique, Janvier 2014). N.p., n.d. Web. 15 Sept. 2014. <http://www.monde-diplomatique.fr/2014/01/AGAMBEN/49997>.
  • ARTE. “Terrorisme, Raison D'État (1/2) | ARTE.” YouTube, Arte, 12 Mar. 2019, www.youtube.com/watch?v=r6F9DShho50.
  • ARTE. “Terrorisme, Raison D'État (2/2) | ARTE.” YouTube, YouTube, 12 Mar. 2019, www.youtube.com/watch?v=83fRNSkiIsA.
  • TORRISI Céline, « Raison d’état », dans : Nicolas Kada éd., Dictionnaire d'administration publique. FONTAINE, Presses universitaires de Grenoble, « Droit et action publique », 2014, p. 409-410. URL : https://www.cairn.info/dictionnaire-d-administration-publique--9782706121371-page-409.htm
  • LAZZERI Christian, « Le gouvernement de la raison d’Etat », dans : Christian Lazzeri éd., Le pouvoir de la raison d’État. Paris cedex 14, Presses Universitaires de France, « Recherches politiques », 1992, p. 91-134. DOI : 10.3917/puf.lazze.1992.01.0091. URL : https://www.cairn.info/le-pouvoir-de-la-raison-d-etat--9782130445890-page-91.htm
  • TARANTO Domenico, « Le discours de la raison d'État », dans : Alain Caillé éd., Histoire raisonnée de la philosophie morale et politique. Paris, La Découverte, « Hors collection Sciences Humaines », 2001, p. 255-264. DOI : 10.3917/dec.caill.2001.01.0255. URL : https://www.cairn.info/histoire-raisonnee-de-la-philosophie-morale-et-pol--9782707134219-page-255.htm
  • DARDOT Pierre, LAVAL Christian, « Chapitre 6. Raison d’État, souveraineté et gouvernementalité », dans : , Dominer. Enquête sur la souveraineté de l’État en Occident, sous la direction de DARDOT Pierre, LAVAL Christian. Paris, La Découverte, « Sciences humaines », 2020, p. 303-358. URL : https://www.cairn.info/dominer--9782348042140-page-303.htm
  • BONNET Stéphane, « Botero machiavélien ou l'invention de la raison d'Etat », Les Études philosophiques, 2003/3 (n° 66), p. 315-329. DOI : 10.3917/leph.033.0315. URL : https://www.cairn.info/revue-les-etudes-philosophiques-2003-3-page-315.htm
  • NEMO Philippe, « Chapitre 2. Machiavel. L’émergence de la « raison d’État » », dans : , Histoire des idées politiques aux Temps modernes et contemporains. sous la direction de NEMO Philippe. Paris cedex 14, Presses Universitaires de France, « Quadrige », 2013, p. 45-70. URL : https://www.cairn.info/histoire-des-idees-politiques-aux-temps-modernes--9782130627333-page-45.htm
  • GOYARD-FABRE Simone, « Chapitre 2 - De l’État à la raison d’État », dans : , Philosophie politique. XVIe-XXe siècle : modernité et humanisme, sous la direction de GOYARD-FABRE Simone. Paris cedex 14, Presses Universitaires de France, « Droit fondamental », 1987, p. 55-76. URL : https://www.cairn.info/philosophie-politique--9782130401766-page-55.htm
  • DELMAS-MARTY Mireille, « Quand l'Europe raisonne la raison d'État », Revue Projet, 2011/5 (n° 324 - 325), p. 16-23. DOI : 10.3917/pro.324.0004. URL : https://www.cairn.info/revue-projet-2011-5-page-16.htm

Références[modifier | modifier le wikicode]

  1. Steve Byers, ministre du Commerce anglais du gouvernement de Tony Blair avait envoyé un courrier une heure après le drame « C'est un très bon jour pour faire ressortir et passer en douce toutes les mesures que nous devons prendre. » p. 549