Introduction au comportement politique

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L'étude du comportement politique va bien au-delà de l'observation des actions manifestes. Elle comprend également l'examen des attitudes, des croyances, des valeurs et des opinions politiques. Ces aspects plus subjectifs et parfois moins visibles du comportement politique sont tout aussi importants que les comportements politiques plus évidents, comme le vote ou la participation à des manifestations.

Le terme "comportement politique" pourrait sembler restrictif, car il évoque des actions observables et concrètes. Cependant, dans le domaine des sciences politiques, ce terme est généralement utilisé pour désigner un champ d'étude beaucoup plus large, qui inclut non seulement les actions, mais aussi les pensées, les attitudes, les croyances, les opinions et les valeurs liées à la politique. En effet, ces éléments plus abstraits sont cruciaux pour comprendre la politique et le fonctionnement des sociétés. Par exemple, les valeurs politiques d'un individu, bien qu'elles ne se traduisent pas toujours par des actions concrètes, peuvent influencer sa perception des politiques, des partis et des candidats, et orienter ses décisions politiques futures. De même, les opinions et les croyances politiques d'une personne, même si elles ne sont pas exprimées par des actions, peuvent avoir un impact significatif sur son alignement politique et son soutien à différentes causes.

Champs d'étude dans le Comportement Politique : Une Vue d'Ensemble[modifier | modifier le wikicode]

Le comportement politique peut être largement classé en deux catégories : le comportement politique conventionnel et le comportement politique non conventionnel. Ces deux types de comportements sont caractérisés par différentes formes de participation politique.

Le comportement politique conventionnel[modifier | modifier le wikicode]

Le comportement politique conventionnel, aussi appelé comportement électoral, se focalise principalement sur les actions et les décisions des électeurs lors des élections. Ce domaine d'étude comprend deux aspects principaux : la participation électorale et les choix de vote.

  • Participation électorale : Il s'agit d'examiner qui choisit de participer aux élections et qui choisit de s'abstenir, ainsi que les raisons de ces choix. Les facteurs qui peuvent influencer la participation électorale comprennent l'âge, le niveau d'éducation, le statut socio-économique, l'engagement civique, le sentiment d'efficacité politique, l'intérêt pour la politique, et bien d'autres. Des facteurs institutionnels, tels que la facilité de vote et le type de système électoral, peuvent également jouer un rôle.
  • Choix de vote : Ce domaine explore pour qui ou pour quoi les gens votent. Cela peut être influencé par des facteurs tels que l'idéologie politique, l'appartenance à un groupe, l'évaluation du gouvernement ou des candidats en place, les questions de politique spécifiques, et les perceptions de la compétence des candidats, parmi d'autres choses.

En combinant ces deux aspects - qui vote et comment ils votent - les chercheurs peuvent avoir une image plus complète du comportement électoral. Cette information peut ensuite être utilisée pour comprendre les tendances électorales, prédire les résultats des élections, et informer les efforts pour augmenter la participation électorale et l'engagement civique.

L'étude du comportement électoral, qui est une facette importante du comportement politique, se concentre principalement sur ces trois questions fondamentales : qui vote, comment ils votent et pourquoi ils votent de cette façon.

  • Qui vote : Cela consiste à examiner les caractéristiques des électeurs, telles que l'âge, le sexe, le niveau d'éducation, la classe socio-économique, la race ou l'origine ethnique, et d'autres facteurs démographiques. Cela peut également impliquer l'examen des facteurs institutionnels qui peuvent influencer la participation, comme les lois sur l'inscription des électeurs, le type de scrutin, etc.
  • Comment ils votent : Cela implique de regarder pour qui ou pour quoi les gens votent. Par exemple, votent-ils pour un parti politique particulier, un candidat spécifique, ou en fonction d'un enjeu spécifique ?
  • Pourquoi ils votent de cette façon : C'est l'étape où les chercheurs tentent d'expliquer les motivations derrière les choix de vote des individus. Cela peut inclure l'examen des attitudes et des croyances politiques, des affiliations partisanes, des perceptions des candidats et des enjeux, des conditions économiques, et d'autres facteurs.

L'étude de ces trois questions peut aider à comprendre non seulement les résultats d'une élection spécifique, mais aussi les tendances électorales plus larges, le fonctionnement de la démocratie, et comment divers facteurs peuvent influencer le processus électoral. Comme son nom l’indique, le comportement électoral fait référence aux élections donc on étudie le comportement aux élections, qui vote, qui vote, pour quel parti et pour quel candidat.

La Suisse est unique en ce sens qu'elle pratique un système de démocratie directe, où les citoyens ont le pouvoir de voter non seulement sur les représentants politiques, mais aussi sur les politiques publiques spécifiques, les propositions de loi et les réformes politiques. Cela ajoute une autre dimension à l'étude du comportement électoral. Bien que les élections représentatives (c'est-à-dire le vote pour les candidats ou les partis politiques) soient le type de vote le plus couramment étudié en termes de comportement électoral, l'analyse de la démocratie directe, comme les votations populaires en Suisse, peut apporter des perspectives uniques et précieuses. En appliquant les méthodes d'étude du comportement électoral aux votations populaires, les chercheurs peuvent obtenir des informations précieuses sur la manière dont les citoyens interagissent avec des questions politiques spécifiques et directes, fournissant ainsi une image plus complète du paysage politique suisse et de la démocratie directe en action.

Le comportement politique non-conventionnel[modifier | modifier le wikicode]

L'étude du comportement politique non conventionnel se concentre sur les types d'engagement politique qui se situent en dehors des canaux traditionnels tels que le vote ou le militantisme au sein d'un parti. Deux exemples majeurs de cela sont la politique contestataire et les nouveaux mouvements sociaux.

L'action collective représente un aspect majeur du comportement politique non conventionnel. Elle englobe toute forme d'activité dans laquelle les individus se réunissent pour atteindre un objectif commun, souvent lié à la défense d'intérêts partagés ou à la promotion d'un changement social ou politique. L'action collective peut prendre de nombreuses formes, des manifestations publiques aux grèves, en passant par les campagnes de sensibilisation en ligne. Elle peut impliquer une organisation formelle, comme un syndicat ou un groupe de défense des droits, ou elle peut être une mobilisation plus spontanée de citoyens autour d'un problème ou d'une cause spécifique. L'étude de l'action collective en tant que composante du comportement politique cherche à comprendre comment et pourquoi ces formes de mobilisation se produisent. Elle examine des questions comme : Qu'est-ce qui incite les individus à participer à l'action collective ? Comment les groupes d'action collective se forment-ils et comment fonctionnent-ils ? Quels facteurs contribuent au succès ou à l'échec d'une action collective ?

La politique contestataire est un sous-ensemble spécifique de l'action collective qui se concentre sur la contestation de l'ordre existant et la promotion du changement. Elle représente une forme d'engagement politique qui va au-delà du système politique conventionnel et qui cherche à exercer une pression sur les structures de pouvoir pour provoquer des changements. La politique contestataire implique souvent des groupes qui se mobilisent autour d'une revendication spécifique ou d'un ensemble de revendications. Ces revendications sont généralement présentées aux responsables politiques, tels que le gouvernement, le parlement ou d'autres décideurs, dans le but d'attirer leur attention et d'influencer leur action.

La politique contestataire est un concept très large qui englobe une multitude de formes d'actions collectives. Les groupes engagés dans la politique contestataire cherchent souvent à susciter des changements en utilisant des tactiques qui vont au-delà des voies traditionnelles de la participation politique. Voici quelques formes que la politique contestataire peut prendre :

  • Mouvements sociaux : Ce sont des groupes organisés de personnes qui se rassemblent autour d'un intérêt ou d'une cause commune. Les mouvements sociaux peuvent avoir une grande variété d'objectifs, des droits de l'homme à la protection de l'environnement, et ils peuvent utiliser une variété de tactiques pour atteindre ces objectifs.
  • Révoltes et révolutions : Ces formes d'actions collectives sont souvent plus radicales et peuvent impliquer des tentatives directes de renverser un gouvernement ou un système politique. Elles peuvent être violentes ou non violentes, et elles peuvent être largement soutenues par le public ou limitées à un petit groupe d'activistes.
  • Guerres civiles : Dans certains cas, la politique contestataire peut dégénérer en conflit armé à grande échelle. Les guerres civiles sont généralement le résultat de désaccords profonds et insolubles sur le pouvoir politique, l'identité nationale, les droits de l'homme, ou d'autres questions clés.
  • Terrorisme : C'est une forme extrême de politique contestataire qui utilise la violence pour créer un climat de peur et atteindre des objectifs politiques. Il est important de noter que le terrorisme est généralement considéré comme illégal et immoral par la communauté internationale.
  • Activisme communautaire : C'est une forme de mobilisation politique qui se concentre sur des problèmes spécifiques à une communauté particulière. Les activistes communautaires travaillent souvent à résoudre des problèmes locaux en organisant des citoyens, en influençant les politiques publiques et en fournissant des services directs. Cet activisme peut englober une grande variété de problèmes, y compris, mais sans s'y limiter, le logement, l'éducation, la santé et l'environnement.
  • Organisation de base : Cette forme d'engagement politique se concentre sur la mobilisation des citoyens ordinaires pour qu'ils participent plus activement à la vie politique. Cela peut impliquer des activités telles que le porte-à-porte, les campagnes téléphoniques, la collecte de fonds et la formation politique. L'idée est de renforcer la participation politique à la base et d'encourager un plus grand nombre de personnes à s'engager dans le processus politique.
  • Création de médias alternatifs : Dans un monde de plus en plus dominé par les grandes entreprises de médias, la création de médias alternatifs offre une façon pour les groupes marginalisés de faire entendre leur voix. Cela peut impliquer la création de journaux, de stations de radio, de chaînes de télévision, de sites web, de podcasts ou d'autres formes de médias qui offrent des perspectives et des informations différentes de celles fournies par les médias traditionnels. Les médias alternatifs peuvent jouer un rôle crucial dans la diffusion d'informations, la mobilisation des soutiens et la contestation du discours dominant.
  • Grèves : Une grève est une action collective dans laquelle un groupe de travailleurs cesse de travailler pour exprimer leur mécontentement et faire pression pour le changement. Les grèves peuvent être utilisées pour exiger des augmentations de salaire, de meilleures conditions de travail, la reconnaissance syndicale, ou pour d'autres revendications liées au travail. Elles peuvent être particulièrement efficaces car elles perturbent directement la production ou la prestation de services, exerçant une pression économique sur les employeurs. Les grèves peuvent aussi être menées par des étudiants, comme on l'a vu avec les grèves pour le climat récentes menées par des jeunes du monde entier.

Chacune de ces formes de politique contestataire a ses propres dynamiques, défis et conséquences potentielles. L'étude de ces différents types d'actions peut aider les chercheurs, les responsables politiques et le public à mieux comprendre comment les mouvements sociaux et les conflits politiques se développent et comment ils peuvent être résolus.

Les "nouveaux mouvements sociaux" représentent un tournant crucial dans la façon dont les citoyens s'engagent dans des actions contestataires. Ces mouvements diffèrent significativement des mouvements sociaux classiques, comme les syndicats, à travers leurs thèmes, leurs structures organisationnelles et leurs techniques de mobilisation. Premièrement, en termes de thèmes et d'objectifs, ces nouveaux mouvements sociaux ont une portée plus large et se concentrent souvent sur des questions sociétales, culturelles et politiques. Par exemple, le mouvement écologiste se bat pour la protection de l'environnement et la lutte contre le changement climatique. De son côté, le mouvement des droits des LGBTQ+ se consacre à la promotion de l'égalité des droits et à l'acceptation sociale. Deuxièmement, ces mouvements ont généralement des structures organisationnelles moins formelles et plus décentralisées que les mouvements sociaux traditionnels. Ils peuvent être dépourvus de dirigeants clairement définis ou de structures organisationnelles officielles. Cette décentralisation peut leur permettre de s'adapter plus rapidement et de manière plus créative à l'évolution des conditions et des défis. Enfin, les techniques de mobilisation de ces nouveaux mouvements sociaux ont été transformées par l'avènement des médias sociaux et d'autres technologies numériques. Ils ont la capacité de mobiliser des partisans à une échelle plus large et plus efficace que jamais auparavant. Les campagnes en ligne, les manifestations virtuelles et d'autres formes de mobilisation numérique sont désormais des outils couramment utilisés.

La mobilisation au sein de ces nouveaux mouvements sociaux se distingue par son recours à des formes d'action non conventionnelles. Ces actions sortent du cadre des canaux institutionnels habituels tels que le vote ou la récolte de signatures pour des référendums ou des initiatives. Elles cherchent à attirer l'attention du public, à susciter le débat et à exercer une pression pour le changement politique.

  • Manifestations : Les manifestations sont une forme courante d'action politique non conventionnelle. Les citoyens se rassemblent en public pour exprimer leur soutien ou leur opposition à une politique particulière. Ces événements sont souvent hautement visibles et peuvent attirer l'attention des médias, contribuant ainsi à sensibiliser le public et à faire pression sur les responsables politiques.
  • Boycotts : Les boycotts sont une autre forme d'action politique non conventionnelle. Ils impliquent le refus d'acheter des produits ou des services dans le but de protester contre les actions d'une entreprise ou d'un gouvernement. Les boycotts peuvent être un moyen efficace d'exercer une pression économique et de pousser à un changement de comportement ou de politique.
  • Sit-ins : Un sit-in est une forme de protestation non violente où les individus occupent un espace pour exprimer leur opposition à une certaine politique ou pratique. En refusant de bouger, les participants aux sit-ins attirent l'attention sur leur cause et peuvent perturber le fonctionnement normal d'un lieu, que ce soit un bureau gouvernemental, un restaurant, une université, etc. Les sit-ins ont été un outil majeur de protestation durant le mouvement des droits civiques aux États-Unis dans les années 1960 et continuent d'être utilisés par divers mouvements sociaux aujourd'hui.

Ces formes d'action non conventionnelles jouent un rôle crucial dans la démocratie moderne. Elles permettent aux citoyens de s'exprimer et de se mobiliser en dehors des structures institutionnelles traditionnelles, offrant des voies supplémentaires pour influencer le cours de la politique et du changement social.

Le comportement politique conventionnel incarne l'implication citoyenne par le biais de canaux institutionnels. Cela comprend la participation aux élections, la signature de pétitions ou la collecte de signatures pour lancer des initiatives ou des référendums. Ces actions constituent l'expression traditionnelle de l'implication politique. Elles engagent les mécanismes officiels que le système politique a mis en place pour permettre aux citoyens d'exprimer leurs opinions et de participer à la prise de décision. Cependant, tous les citoyens ne se limitent pas à ces formes d'expression politique. Pour certains, ces canaux institutionnels peuvent sembler insuffisants pour exprimer pleinement leurs revendications ou atteindre leurs objectifs politiques. C'est ici qu'intervient le comportement politique non conventionnel. Le comportement politique non conventionnel se manifeste lorsque les citoyens sortent des cadres institutionnels traditionnels pour se faire entendre. Les manifestations, les grèves, les occupations, ou encore les boycotts font partie de cette catégorie d'actions. Ces tactiques sont souvent employées lorsque les citoyens ressentent le besoin de souligner des problèmes non résolus, de susciter le débat et d'exercer une pression plus directe pour un changement politique. Ces deux types de comportements jouent des rôles cruciaux dans une société démocratique. Les actions conventionnelles permettent le fonctionnement régulier des institutions démocratiques. En parallèle, les actions non conventionnelles peuvent mettre en lumière des problèmes plus profonds, stimuler la discussion et catalyser le changement politique.

Questions Fréquentes dans l'Étude du Comportement Politique[modifier | modifier le wikicode]

L'étude du comportement politique, que ce soit en Suisse ou à l'étranger, peut se concentrer sur plusieurs questions clés.

  • L'effet de l'âge sur la participation politique : Plusieurs études ont démontré que l'âge a un effet significatif sur la participation politique. Cet effet n'est pas seulement dû au vieillissement, mais aussi au parcours de vie de l'individu et à son appartenance à une certaine génération. La question se pose alors : comment ces facteurs influencent-ils le comportement électoral ? Qu'est-ce qui incite certaines personnes âgées à voter davantage ou moins que d'autres ? Ce sont là des questions clés pour comprendre comment l'âge et le parcours de vie influencent la participation politique.
  • L'engagement dans les mouvements sociaux : Une autre question cruciale dans l'étude du comportement politique concerne l'engagement dans les mouvements sociaux. Pourquoi certaines personnes choisissent-elles de s'engager dans ces mouvements, tandis que d'autres ne le font pas ? Est-ce que certains individus sont plus enclins à l'engagement dans l'action collective que d'autres ? Et si oui, quels sont ces traits ou facteurs individuels qui prédisposent certains individus à s'engager dans l'action collective et dans les mouvements sociaux ?
  • Les déterminants individuels du comportement électoral : Pour comprendre les tendances de vote et les variations d'une élection à l'autre, les chercheurs étudient les déterminants individuels du comportement électoral. Cela comprend des facteurs tels que l'âge, la classe sociale, l'éducation, le genre, la religion, l'origine ethnique et les valeurs politiques. L'objectif est d'identifier des régularités et des motifs dans le comportement de vote. Par exemple, quelles sont les caractéristiques personnelles qui font qu'un individu est plus susceptible de voter pour un parti conservateur plutôt que pour un parti progressiste ? Comprendre ces déterminants individuels peut aider à prédire les résultats des élections et à cibler les efforts de mobilisation des électeurs.
  • L'essor des partis populistes de droite en Europe : Une autre question clé dans l'étude du comportement politique est l'essor des partis populistes de droite en Europe. Ces partis, comme l'Union Démocratique du Centre (UDC) en Suisse, ont gagné du terrain dans de nombreux pays. Quels facteurs expliquent cet essor ? Les causes sont-elles les mêmes dans différents pays ou chaque pays a-t-il sa propre dynamique ? Les chercheurs cherchent à déceler des régularités qui pourraient aider à comprendre cette tendance politique et à anticiper son évolution future.
  • L'influence de l'engagement associatif sur l'intégration des étrangers : L'engagement dans des associations est souvent considéré comme un facteur favorisant l'intégration sociale et politique des étrangers. Des chercheurs comme Marco Giugni et Matteo Gianni tentent de vérifier cette hypothèse en étudiant l'effet de l'engagement associatif sur le niveau et le type d'intégration des étrangers résidant en Suisse. Ils cherchent à déterminer si l'insertion associative peut constituer un modèle efficace d'intégration pour ces populations.
  • L'impact des modèles de citoyenneté sur la mobilisation des immigrés : D'un pays à l'autre, les modèles de citoyenneté varient grandement. Certains pays privilégient le droit du sol (la nationalité est déterminée par le lieu de naissance), tandis que d'autres se basent sur le droit du sang (la nationalité est déterminée par celle des parents). De plus, certains pays ont des politiques d'intégration plus libérales que d'autres. Ces variations peuvent-elles avoir un impact sur le niveau de mobilisation politique des immigrés ? Cette question fait l'objet de recherches internationales visant à évaluer l'effet des différents modèles de citoyenneté sur l'engagement politique des immigrés.
  • L'influence des campagnes électorales et des médias sur la formation des opinions avant une élection ou une votation : Il s'agit ici d'une perspective dynamique où l'on se concentre sur comment les électeurs forment leur opinion avant un vote ou une élection. Le rôle des campagnes électorales et des médias dans ce processus est crucial. Certaines personnes peuvent avoir une opinion préconçue et savoir dès le début pour qui ou pour quoi elles vont voter, de sorte que la campagne électorale n'a que peu d'influence sur leur décision finale. Dans ce cas, les campagnes électorales agiraient principalement comme des confirmations des croyances existantes. Cependant, dans d'autres cas, les campagnes peuvent jouer un rôle considérable dans la formation de l'opinion. Par exemple, elles peuvent informer les électeurs sur des enjeux dont ils n'avaient pas connaissance auparavant, elles peuvent mettre en évidence des aspects spécifiques de la personnalité des candidats ou elles peuvent changer la perception des électeurs sur des questions clés. Dans ce contexte, les médias jouent également un rôle crucial. Par leur couverture des campagnes, ils peuvent influencer l'agenda public et, par conséquent, les questions qui sont jugées importantes par les électeurs. De plus, par leur manière de présenter les candidats et les enjeux, ils peuvent également influencer les perceptions des électeurs. Dans l'ensemble, l'étude de l'influence des campagnes électorales et des médias sur la formation des opinions est un domaine complexe et multidimensionnel du comportement politique.

Nous allons laisser de côté le comportement politique non-conventionnel et nous focaliser sur le comportement politique conventionnel.

Trois Modèles Dominants d'Explication du Comportement de Vote[modifier | modifier le wikicode]

Le domaine de l'étude du comportement électoral compte trois grandes théories traditionnelles qui ont vu le jour au début du XXe siècle ou au cours de sa première moitié. Ces théories ont donc plus d'un demi-siècle d'existence, ce qui justifie leur qualification de "classiques" dans le domaine de l'explication du vote. Cela dit, avec le temps, des modèles plus récents ont émergé pour expliquer le comportement électoral. Néanmoins, il est crucial de commencer par comprendre ces théories classiques car elles continuent d'être des références majeures pour comprendre le vote.

Le domaine du comportement politique est relativement récent, sa naissance étant intimement liée à la disponibilité des données. Les sondages d'opinion, qui ont fait leur apparition entre les années 1920 et 1940, ont permis une approche plus individualisée de l'étude du comportement politique. Avant cela, l'étude se basait principalement sur des données agrégées, telles que les résultats d'élections ou de votations par canton ou par commune. On examinait donc la distribution des résultats au niveau communal ou cantonal. L'absence de données de sondage pour une longue période a limité la possibilité d'étudier le comportement politique à un niveau individuel, c'est-à-dire d'examiner chaque individu de manière distincte. Cette situation explique pourquoi le champ d'étude du comportement politique, tel que nous le connaissons aujourd'hui, a vu le jour relativement tardivement, principalement à partir des années 1945 et 1950.

Le Modèle Socio-Structurel[modifier | modifier le wikicode]

Article détaillé : Modèle sociologique.
Paul Lazarsfeld.

La première grande école d'explication du vote est communément appelée l'École de Columbia. Elle tire son nom de l'Université de Columbia, où plusieurs chercheurs, dont le célèbre Paul Lazarsfeld, ont développé cette approche.

L'École de Columbia est connue pour sa théorie de l'influence sociologique sur le comportement électoral, qui a été développée dans les années 1940 et 1950. Paul Lazarsfeld et ses collègues se sont penchés sur la manière dont les relations sociales et les appartenances à des groupes sociaux peuvent influencer le choix de vote d'un individu. Dans leur perspective, le vote n'est pas une décision isolée prise par un individu indépendant, mais il est fortement influencé par l'appartenance à des groupes tels que la famille, les amis, les collègues de travail et les communautés religieuses. En d'autres termes, les gens sont souvent influencés par les opinions politiques et les comportements de vote de ceux qui les entourent. L'une des études les plus célèbres réalisées par l'École de Columbia est "The People's Choice" (Le choix du peuple), qui a analysé le comportement électoral lors de l'élection présidentielle américaine de 1940. Cette étude a révélé que les gens étaient plus susceptibles d'être influencés par des "leaders d'opinion" au sein de leurs groupes sociaux respectifs, et que ces leaders jouaient un rôle clé dans la formation de l'opinion publique.

Paul Lazarsfeld et ses collègues de l'École de Columbia ont réalisé une étude remarquable et innovante sur le comportement électoral, qui s'est concentrée sur un comté spécifique dans l'État de l'Ohio. Bien que son échantillon géographique ait été limité, l'approche méthodologique de Lazarsfeld a été extrêmement détaillée et rigoureuse. L'étude a utilisé une méthode d'enquête longitudinale, également connue sous le nom d'enquête panel, dans laquelle les mêmes personnes ont été interrogées à plusieurs reprises sur une certaine période. Plus précisément, Lazarsfeld a réalisé six vagues d'enquêtes, permettant ainsi d'observer comment les opinions et le comportement électoral des individus ont évolué dans le temps.

Cette approche a offert des perspectives précieuses sur la dynamique du comportement électoral qui n'aurait pas pu être saisie par une enquête ponctuelle. En effet, la possibilité de suivre les mêmes individus tout au long du temps a permis d'observer les changements d'opinion et les facteurs qui les influencent. De plus, l'étude longitudinale a permis de distinguer les changements dans le temps (effets de période) des différences entre les individus (effets de cohorte) et les changements qui se produisent à mesure que les gens vieillissent (effets d'âge). Malgré les limites géographiques de l'étude, les travaux de Lazarsfeld ont posé les bases pour des recherches ultérieures en comportement électoral, et la méthode d'enquête panel est devenue une technique standard dans les sciences sociales.

L'étude menée par Lazarsfeld sur les élections présidentielles de 1940 aux États-Unis était révolutionnaire à bien des égards. Il n'était pas tant intéressé par la prédiction des résultats du scrutin, comme cela est souvent le cas dans les sondages d'opinion modernes, mais plutôt par la compréhension des motivations qui poussaient les électeurs à choisir un parti plutôt qu'un autre. Dans cette perspective, Lazarsfeld n'a pas cherché à prévoir l'issue de l'élection, mais a plutôt cherché à expliquer a posteriori pourquoi certains électeurs ont voté pour le parti républicain et d'autres pour le parti démocrate. Son objectif principal était donc d'explorer et de comprendre les facteurs qui influencent le choix des électeurs. Cela représentait une approche novatrice et plus nuancée de l'étude du comportement électoral. Plutôt que de simplement chercher à prédire le résultat sur la base de données démographiques ou socio-économiques, Lazarsfeld a voulu comprendre les facteurs sous-jacents et plus profonds qui motivent le choix de vote d'un individu. C'est une approche qui est toujours largement utilisée aujourd'hui dans le domaine de la science politique.

Pour synthétiser, les résultats de l'étude de Lazarsfeld ont donné naissance au modèle socio-structurel, aussi connu sous le nom de modèle de Columbia. Comme son nom l'indique, ce modèle souligne l'influence considérable des facteurs socio-structurels sur le comportement de vote. L'une des conclusions fondamentales de l'étude est que "la pensée politique d'une personne est un reflet de sa condition sociale. Les caractéristiques sociales déterminent les préférences politiques". Ce modèle d'explication du vote possède un caractère profondément déterministe, qui pourrait être résumé par l'idée que "dites-moi qui vous êtes socialement, et je vous dirai comment vous votez". Selon cette approche, les individus ont une idée très claire de leur choix de vote bien avant le jour de l'élection. De plus, ce choix est considéré comme étant très stable dans le temps, du fait que l'insertion sociale d'un individu reste relativement constante. Ainsi, la stabilité du vote est due à la stabilité de l'insertion sociale de l'individu.

Dans le modèle de Columbia, les facteurs qui déterminent le vote sont principalement les caractéristiques socio-démographiques ou socio-structurelles. Ces caractéristiques incluent le statut socio-économique, qui se traduit par le niveau d'éducation, le revenu et la classe sociale de l'individu. La religion et le lieu de résidence sont également considérés comme des facteurs clés dans la détermination du comportement de vote dans ce modèle. Ainsi, selon le modèle de Columbia, chaque élément sociostructurel joue un rôle spécifique dans le comportement de vote.

  • Le statut socio-économique : Le niveau d'éducation, le revenu et la classe sociale ont tous une influence significative sur le comportement de vote. Par exemple, les personnes ayant un niveau d'éducation plus élevé sont généralement plus susceptibles de participer aux élections et de s'engager politiquement. De même, certaines recherches suggèrent que les personnes appartenant à des classes socio-économiques plus élevées sont plus susceptibles de voter pour des partis politiques conservateurs ou de droite, tandis que les personnes issues de classes socio-économiques plus basses ont tendance à voter pour des partis de gauche ou progressistes.
  • La religion : La religion peut également avoir une influence significative sur le comportement de vote. Les convictions religieuses peuvent façonner les valeurs et les attitudes politiques d'une personne, ce qui peut à son tour influencer son choix de parti ou de candidat. Par exemple, aux États-Unis, les électeurs chrétiens évangéliques sont plus susceptibles de voter pour le parti républicain, tandis que les électeurs juifs sont généralement plus enclins à soutenir le parti démocrate.
  • Le lieu de résidence : Le lieu de résidence peut également influencer le comportement de vote. Les personnes vivant dans des zones urbaines ont tendance à avoir des vues politiques plus libérales ou progressistes, tandis que celles vivant dans des zones rurales sont généralement plus conservatrices. Cela peut être lié à une variété de facteurs, y compris les différences dans l'économie locale, les niveaux d'éducation et la diversité démographique.

Dans ce modèle de Columbia, le vote d'une personne est fortement influencé par les caractéristiques sociostructurelles du groupe auquel elle appartient. Donc, si nous connaissons ces caractéristiques - comme le statut socio-économique, la religion, et le lieu de résidence - et si ces facteurs sont complémentaires, nous pouvons prédire de manière assez précise le choix de vote d'une personne. En d'autres termes, le vote est fortement prédéterminé, il y a une prédisposition substantielle au vote basée sur les caractéristiques du groupe auquel un individu appartient. C'est ce qu'on appelle la préstructuration du vote. Les décisions de vote sont fortement ancrées dans l'identité sociale et économique de l'individu, façonnées par les caractéristiques du groupe auquel il appartient.

Ce modèle d'explication du vote a une connexion étroite avec la littérature sur les clivages sociaux. L'idée ici est que si un clivage social est très marqué et que les individus s'identifient fortement à l'un ou l'autre côté de ce clivage, alors la connaissance des caractéristiques individuelles de cette personne sur cette dimension spécifique peut fournir un indice significatif de son comportement de vote. Par exemple, si un individu s'identifie fortement à un clivage religieux qui oppose les catholiques et les protestants, connaître cette appartenance religieuse peut offrir une prédiction relativement précise de la manière dont cette personne va voter.

En Suisse, historiquement, les affiliations religieuses ont joué un rôle significatif dans la définition des comportements de vote. Dans les cantons catholiques, une claire dichotomie existait entre ceux qui pratiquaient assidûment leur religion et ceux qui étaient plus laïques. Bien que la plupart des habitants de ces cantons se considéraient comme catholiques, la différence dans la pratique religieuse se traduisait souvent par des choix de vote distincts. Les pratiquants tendaient généralement à soutenir le Parti Démocrate Chrétien (PDC), tandis que les laïcs avaient tendance à voter pour le Parti Libéral Radical. Bien sûr, ce n'était pas une règle absolue, mais une tendance générale. Dans les cantons non catholiques, la division était différente, elle se faisait entre les catholiques et les protestants. Les catholiques avaient tendance à soutenir le PDC, tandis que les protestants étaient plus enclins à soutenir le Parti Radical ou le Parti Socialiste, et plus récemment l'Union Démocratique du Centre (UDC).

Le Modèle Psychosociologique[modifier | modifier le wikicode]

Article détaillé : Modèle psychosociologique.

La deuxième grande école d'explication du vote, aussi connue sous le nom de modèle de Michigan, a été développée par l'Université de Michigan, qui a réalisé les premiers sondages d'opinion à l'échelle nationale aux États-Unis. Ce modèle est né d'une enquête approfondie sur le comportement électoral des Américains, qui a fourni de nouvelles perspectives sur la manière dont les individus prennent leurs décisions électorales. Contrairement à Lazarsfeld qui a basé ses recherches sur un seul comté dans l'Ohio, l'Université du Michigan a élargi son champ d'étude en menant les premières enquêtes d'opinion scientifiques sur les élections présidentielles à l'échelle nationale. Ces efforts ont ensuite conduit à la création du projet des études électorales américaines, qui est toujours supervisé par l'Université du Michigan à ce jour. Ce projet a permis de collecter des données précieuses sur les tendances électorales à travers tout le pays, offrant une vision beaucoup plus large des dynamiques électorales aux États-Unis.

L'école de Michigan considère l'identification partisane, qui est le sentiment d'un individu d'être proche ou aligné avec un certain parti politique, comme le facteur déterminant du comportement électoral. Cette approche se distingue nettement de l'école de Columbia, qui met l'accent sur les facteurs sociodémographiques. Selon l'école de Michigan, il est plus important de comprendre les orientations psychosociologiques individuelles de chaque électeur que de se concentrer sur le groupe social ou démographique auquel il appartient. L'identification partisane représente un lien psychologique entre l'électeur et le parti politique. Il peut s'agir d'une identification forte, où l'électeur se sent profondément aligné avec un parti particulier, ou d'une identification plus faible, où l'électeur se sent généralement en accord avec un parti mais est ouvert à d'autres options. Cette identification est influencée par une variété de facteurs, y compris les croyances et les valeurs personnelles de l'électeur, ses expériences passées, son environnement social et sa perception des partis politiques.

L'identification partisane, selon l'école de Michigan, est comprise comme un attachement affectif à un parti politique. Cet attachement n'est pas nécessairement basé sur des politiques spécifiques ou des positions idéologiques, mais plutôt sur un sentiment d'appartenance et d'alignement avec l'image et les valeurs générales que le parti représente. Cela signifie que l'identification partisane peut être résiliente, même si un individu n'est pas en accord avec chaque position politique ou chaque candidat du parti. Ce sentiment d'appartenance peut être influencé par une variété de facteurs, y compris la socialisation politique (par exemple, si les parents s'identifient fortement à un parti, l'enfant peut aussi le faire), l'adhésion à des groupes sociaux ou démographiques spécifiques alignés avec le parti, ou les perceptions et expériences personnelles de l'individu. De plus, cette identification partisane peut jouer un rôle clé dans le processus de prise de décision lors d'une élection. Les électeurs peuvent utiliser leur identification partisane comme un "raccourci" pour évaluer les candidats et les enjeux, se fiant à leur affiliation partisane pour les guider dans le vote. Cela peut également conduire à une plus grande stabilité dans le comportement électoral, car les individus sont susceptibles de voter pour le même parti à travers différentes élections.

Selon l'École de Michigan, l'identification partisane est fortement influencée par la socialisation politique familiale. En d'autres termes, les préférences politiques des parents peuvent être transmises aux enfants, ce qui peut entraîner une identification partisane précoce qui reste relativement stable tout au long de la vie. La socialisation politique au sein de la famille peut inclure des conversations politiques, la participation aux élections en famille, ou simplement l'exposition aux opinions politiques des parents. Ces expériences peuvent amener les enfants à s'identifier à un parti politique spécifique et à adopter des valeurs et des croyances politiques similaires à celles de leurs parents. Cependant, il est important de noter que bien que l'identification partisane soit souvent stable, elle n'est pas immuable. Les individus peuvent changer d'identification partisane en réponse à des changements majeurs dans la politique ou dans leur vie personnelle, bien que ces changements soient généralement moins fréquents que la stabilité. En outre, certains facteurs tels que l'éducation, les expériences professionnelles et la participation à des groupes sociaux en dehors de la famille peuvent également influencer l'identification partisane.

Le modèle de Michigan met un fort accent sur la stabilité des préférences politiques, notamment grâce à l'identification partisane. Ce lien fort et souvent durable avec un parti politique spécifique est censé influencer les comportements de vote tout au long de la vie d'un individu. Selon ce modèle, une fois qu'une personne s'est identifiée à un parti politique, cette identification tend à influencer non seulement pour qui elle vote, mais aussi comment elle interprète les informations politiques et comment elle perçoit les candidats et les enjeux politiques. Par exemple, une personne qui s'identifie fortement à un parti politique peut être plus susceptible d'accorder du crédit aux positions de ce parti et de ses candidats, même lorsqu'elle est confrontée à des informations contradictoires.

Dans le modèle de Michigan, l'identification partisane joue un rôle central dans le comportement électoral. Il est perçu comme un "raccourci cognitif" ou une "heuristique", ce qui signifie qu'il aide les électeurs à simplifier le processus de prise de décision dans le contexte politique souvent complexe et surchargé d'informations. En d'autres termes, une fois qu'une personne s'identifie à un parti, elle n'a pas nécessairement besoin de passer beaucoup de temps à analyser chaque position politique, chaque candidat ou chaque question à l'ordre du jour. Au lieu de cela, l'identification partisane fournit un cadre simplifié qui guide les préférences et les décisions politiques de l'individu. L'identification partisane peut affecter non seulement le choix de vote, mais aussi la façon dont les individus perçoivent et interprètent les informations politiques. Par exemple, les individus peuvent avoir tendance à interpréter les informations de manière à renforcer leurs croyances existantes et à soutenir leur parti préféré. Cette tendance est souvent appelée "biais de confirmation".

L'identification partisane agit comme un filtre ou un raccourci d'information (aussi appelé "heuristique") qui aide les individus à naviguer dans l'océan complexe d'informations politiques. En raison du manque de temps, de ressources, ou tout simplement de l'énorme quantité d'informations à traiter, tous les électeurs ne peuvent pas être constamment informés et faire une évaluation détaillée de chaque question politique. C'est ici que l'identification partisane entre en jeu. Par exemple, si un individu s'identifie comme démocrate ou républicain, il est probable qu'il adoptera les points de vue et les positions politiques qui sont généralement associés à ce parti, même s'il ne comprend pas entièrement les détails de chaque question. De même, un individu peut utiliser son identification partisane pour évaluer de nouvelles informations politiques, en acceptant plus facilement les informations qui sont conformes à la ligne de son parti et en rejetant celles qui ne le sont pas. Ce n'est pas forcément une mauvaise chose - ces raccourcis peuvent être très utiles pour aider à faire face à la complexité de la politique moderne. Cependant, ils peuvent aussi parfois conduire à des erreurs ou à des biais de jugement, en faisant ignorer des informations importantes ou en enfermant l'électeur dans des bulles d'information qui renforcent ses croyances existantes.

Bien que l'identification partisane soit la clé de voûte du modèle de Michigan, d'autres variables sont également prises en compte. Le modèle de Michigan distingue les influences à long terme (telles que l'identification partisane) des influences à court terme (telles que les perceptions des candidats et les enjeux politiques actuels) sur le comportement de vote. L'identification partisane, qui est le facteur clé du modèle de Michigan, est considérée comme une influence à long terme car elle est généralement acquise tôt dans la vie et reste relativement stable au fil du temps. Comme nous l'avons mentionné précédemment, elle est transmise de génération en génération par le biais de la socialisation politique, et elle guide le comportement électoral des individus tout au long de leur vie. D'autre part, les perceptions des candidats et les enjeux politiques actuels sont des influences à court terme. Ces facteurs peuvent changer au cours d'une campagne électorale et influencer le choix d'un électeur à un moment donné. Par exemple, une controverse entourant un candidat ou une question politique urgente peut faire fluctuer les intentions de vote. Cependant, bien que ces facteurs à court terme puissent influencer le comportement de vote, le modèle de Michigan soutient que l'identification partisane reste l'influence la plus forte. Les facteurs à court terme peuvent modifier le choix d'un électeur, mais ils le font généralement dans le cadre de son identification partisane. Par exemple, un électeur peut être plus susceptible de changer d'avis sur un candidat ou un enjeu politique s'il est déjà faiblement attaché à son parti.

Le modèle de Michigan présente l'identification partisane comme le facteur prédominant influençant le comportement électoral, avec les attitudes sur des questions spécifiques ou des candidats servant de facteurs secondaires qui peuvent entraîner des variations à court terme. Cela ne signifie pas que les attitudes sur les questions spécifiques ou les candidats ne sont pas importantes, mais plutôt que dans la plupart des cas, elles sont éclipsées par l'identification partisane. Par exemple, un électeur qui s'identifie fortement à un parti est susceptible de continuer à voter pour ce parti même si certaines de ses positions sur des questions spécifiques ou ses candidats ne correspondent pas parfaitement à ses préférences personnelles. Cependant, si l'écart entre les préférences de l'électeur et celles de son parti devient trop grand, ou si un enjeu particulier devient extrêmement important pour lui, il est possible que cet électeur choisisse de voter contre son parti habituel. C'est ce qui est généralement considéré comme l'exception à la règle de la stabilité de l'identification partisane. En somme, le modèle de Michigan met l'accent sur la continuité et la stabilité dans le comportement électoral, tout en reconnaissant que des changements peuvent se produire en raison d'événements spécifiques ou de l'évolution des attitudes des électeurs sur des questions ou des candidats spécifiques.

Le Modèle du Choix Rationnel[modifier | modifier le wikicode]

Article détaillé : L’acteur rationnel.

L'École du choix rationnel, aussi connue sous le nom de théorie du choix rationnel, est étroitement associée à Anthony Downs, qui a développé beaucoup de ses idées fondamentales alors qu'il travaillait à l'Université de Rochester. Downs a publié "An Economic Theory of Democracy" en 1957, où il a présenté un modèle économique du comportement politique. Selon lui, tout comme les consommateurs sur un marché, les électeurs et les partis politiques prennent des décisions rationnelles en fonction de leurs intérêts. Les électeurs voteraient pour le parti ou le candidat qui maximiserait leurs bénéfices (par exemple, en adoptant des politiques qui correspondent le mieux à leurs préférences), et les partis politiques se positionneraient de manière à attirer le plus grand nombre d'électeurs possible.

Cette approche a été largement adoptée et développée dans les sciences politiques et économiques, et a conduit à de nombreuses recherches sur le comportement électoral, la formation des partis politiques, la prise de décision politique et d'autres aspects de la politique. C'est un modèle très différent de ceux proposés par les Écoles de Columbia et de Michigan, car il ne se concentre pas sur des facteurs socio-démographiques ou psychologiques, mais sur des décisions rationnelles basées sur l'intérêt personnel.

La théorie du choix rationnel d'Anthony Downs a eu une influence considérable non seulement sur la science politique, mais aussi sur d'autres domaines des sciences sociales. L'idée centrale est que les individus agissent de manière rationnelle pour maximiser leurs propres intérêts. En d'autres termes, ils font des choix en fonction de ce qu'ils estiment être le meilleur pour eux. Dans son livre "An Economic Theory of Democracy", Downs a appliqué cette théorie au comportement électoral, soutenant que les électeurs votent pour le parti ou le candidat qui, selon eux, apportera le plus de bénéfices. Les partis politiques, à leur tour, cherchent à maximiser leur soutien en adaptant leurs politiques pour plaire à la majorité des électeurs. Cependant, la théorie du choix rationnel a également été utilisée pour analyser une multitude d'autres comportements et institutions politiques. Par exemple, elle a été utilisée pour étudier la formation de coalitions gouvernementales, le fonctionnement des bureaucraties, la création de règles et de réglementations, et bien plus encore.

Dans le modèle de l'École du choix rationnel, ce n'est pas le profil de l'électeur qui détermine son vote, mais plutôt ses propres évaluations des candidats ou des partis politiques en fonction de ses intérêts personnels. Les électeurs sont considérés comme des agents rationnels qui votent pour maximiser leur utilité, c'est-à-dire qu'ils choisissent le candidat ou le parti qui, selon eux, est le plus susceptible de promouvoir leurs intérêts. Ainsi, au lieu de se concentrer sur les caractéristiques démographiques ou les attitudes psychosociologiques, l'École du choix rationnel s'intéresse à la manière dont les électeurs évaluent les partis et les candidats en fonction de leurs propres intérêts. Cela pourrait impliquer une évaluation de leurs politiques, de leur performance passée, de leur probabilité de succès, et d'autres facteurs. L'École du choix rationnel introduit également la notion d'électeur calculateur. Dans ce modèle, l'électeur est considéré comme une personne qui pèse le pour et le contre de chaque option avant de faire son choix. Cela signifie que le vote n'est pas nécessairement une décision émotionnelle ou irrationnelle, mais plutôt le résultat d'un calcul rationnel des avantages et des inconvénients de chaque option.

Le modèle du choix rationnel, contrairement aux modèles de Columbia et de Michigan, se concentre sur la prise de décision individuelle plutôt que sur les facteurs socio-démographiques ou psychologiques. Selon ce modèle, le comportement électoral n'est pas nécessairement prédéterminé, mais est plutôt le résultat de calculs de coûts-bénéfices réalisés par l'individu. Dans cette perspective, les électeurs sont perçus comme des acteurs rationnels qui évaluent les coûts et les avantages de chaque option avant de prendre leur décision. C'est ce qu'on appelle l'approche "utilitariste" du vote. Les individus analysent les différentes options de vote disponibles et choisissent celle qui, selon eux, maximisera leur utilité ou leur satisfaction. Cela signifie que le vote n'est pas nécessairement lié à l'identité sociale ou psychologique de l'individu, mais est plutôt le résultat d'un processus de prise de décision rationnelle. Dans ce modèle, comprendre le comportement de vote nécessite de comprendre les calculs de coûts-bénéfices que chaque individu effectue. Ce processus peut varier considérablement d'un individu à l'autre, rendant le comportement de vote moins prévisible que dans les modèles de Columbia ou de Michigan.

L'école du choix rationnel postule que les électeurs effectuent un calcul coûts-bénéfices avant de prendre une décision de vote. Les bénéfices peuvent être perçus comme l'ensemble des avantages que l'électeur attend d'un parti ou d'un candidat. Cela peut inclure des politiques spécifiques qui sont bénéfiques pour l'électeur, ou des valeurs et des principes que l'électeur partage avec le parti ou le candidat. Les coûts, quant à eux, peuvent être perçus comme tout ce qu'un électeur pourrait perdre en votant pour un parti ou un candidat spécifique. Cela peut inclure des politiques qui sont préjudiciables à l'électeur, ou un désaccord avec les valeurs ou les principes du parti ou du candidat. Les coûts peuvent également comprendre le temps et l'énergie nécessaires pour s'informer sur les partis et les candidats, ainsi que pour aller voter. L'électeur, en tant qu'homopoliticus dans ce modèle, est donc supposé agir de manière rationnelle, cherchant à maximiser son utilité en minimisant les coûts et en maximisant les bénéfices de son vote. C'est une application de la logique de l'homo economicus, l'individu rationnel dans le domaine économique, à la sphère politique. Il est important de noter que cette approche suppose que les individus sont capables de faire des calculs coûts-bénéfices précis et de prendre des décisions rationnelles sur la base de ces calculs, une hypothèse qui peut être contestée.

L'école du choix rationnel repose sur plusieurs postulats clés, parmi lesquels :

  • Les électeurs connaissent leurs propres préférences : Selon ce postulat, chaque électeur a une compréhension claire et précise de ses propres intérêts et valeurs. Pour faire des choix éclairés, les électeurs sont supposés rechercher activement des informations et évaluer les différentes options politiques disponibles.
  • Les électeurs sont capables de calculer les coûts et les bénéfices : Ce postulat suppose que chaque électeur est capable d'identifier et d'évaluer les coûts et les bénéfices associés à chaque option de vote. De plus, il suppose que les électeurs sont capables de faire des calculs rationnels pour déterminer quelle option maximise leur utilité.
  • Les électeurs sont autonomes dans leur prise de décision : Selon ce postulat, les décisions de vote des électeurs sont principalement influencées par leurs propres calculs rationnels, plutôt que par des influences extérieures. Les électeurs ne sont pas supposés être influencés de manière significative par la propagande des partis politiques, le contexte social ou culturel, les pressions familiales ou les préjugés personnels.

Ces postulats représentent un idéal de comportement électoral rationnel. Cependant, ils sont souvent critiqués pour leur manque de réalisme. En réalité, de nombreux électeurs peuvent manquer de temps, de ressources ou de compétences pour rechercher des informations et effectuer des calculs coûts-bénéfices complexes. De plus, il est clair que l'environnement social, culturel et familial peut avoir une influence significative sur le comportement de vote.

Limitations des Modèles Classiques d'Explication du Vote[modifier | modifier le wikicode]

Ces trois modèles, bien qu'ayant de nombreuses limites et imperfections, constituent un fondement essentiel dans l'étude du comportement politique. Il existe une abondante littérature dédiée à leur critique, leur modification et leur correction. Ainsi, malgré leurs défauts, ces modèles sont incontournables dans l'analyse du comportement électoral, et constituent le point de départ à partir duquel on peut commencer à penser de manière plus approfondie en utilisant des modèles plus récents et plus sophistiqués.

Quelles sont les lacunes de ces modèles classiques ? Il y en a plusieurs et nous allons nous concentrer sur les principales.

Affaiblissement des Facteurs Explicatifs Centraux[modifier | modifier le wikicode]

De manière empirique, les recherches menées dans les années 1970, 1980 et 1990 n'ont pas réellement confirmé l'importance significative des facteurs sociologiques et psychosociologiques dans la détermination du comportement électoral. Les hypothèses avancées par l'École de Columbia et l'École de Michigan, qui postulaient qu'il était possible d'expliquer de manière précise le vote d'un individu en se basant sur ses caractéristiques sociales et son identification partisane, n'ont pas été soutenues par ces études. Le pouvoir explicatif de ces modèles s'est avéré limité. Bien qu'ils puissent apporter quelques éclaircissements, leur portée reste modeste.

Ces modèles n'ont pas été aussi performants qu'attendu et ont tendance à perdre en efficacité au fil des années et des décennies. La raison principale de cette diminution de performance réside dans le déclin historique des facteurs explicatifs centraux aux modèles. Par exemple, l'importance de la classe sociale et de la religion dans la détermination du comportement électoral, des facteurs clés dans le modèle de Columbia, a diminué avec le temps. De même, l'importance de l'identification partisane, qui est le pivot du modèle de Michigan, a également connu un déclin. En d'autres termes, les éléments fondamentaux de ces modèles ont perdu en pertinence au fil du temps, réduisant leur capacité à expliquer de manière précise le comportement électoral.

Le déclin de ces facteurs explicatifs du vote peut être attribué à des changements significatifs au sein de la société, comme la transformation de la structure sociale. La société a évolué d'une prédominance du secteur primaire à une dominance des secteurs secondaire et tertiaire. Ce changement de tissu social a eu d'importantes conséquences politiques. La tertiarisation de l'économie a profondément impacté le comportement électoral. Le secteur primaire a rétréci, tout comme le secteur secondaire, et les liens historiques entre, par exemple, la classe ouvrière et certains partis, généralement de gauche, se sont affaiblis. De plus, l'augmentation de la mobilité géographique a conduit à une plus grande mixité sociale et culturelle. Cette diversification a également contribué à affaiblir les liens traditionnels entre certains groupes et partis politiques. Ainsi, les liens qui étaient autrefois prédictifs du comportement électoral sont devenus moins puissants avec le temps, réduisant la précision des modèles de Columbia et de Michigan. Dans l'ensemble, on a observé une diminution des loyautés associées à la classe sociale et à la religion, ainsi qu'une diminution de l'identification à des partis politiques spécifiques. Cette évolution a rendu plus difficile la prédiction du comportement électoral basée uniquement sur ces facteurs, ce qui a eu un impact sur l'efficacité des modèles de Columbia et de Michigan.

Évolution de l'Éducation et son Impact sur le Vote[modifier | modifier le wikicode]

Le deuxième facteur ayant contribué à l'affaiblissement de ces facteurs explicatifs majeurs est le développement de l'éducation. Ce phénomène, parfois qualifié de "révolution de l'éducation", se réfère à l'augmentation considérable du niveau d'éducation dans les sociétés occidentales. Cette évolution a favorisé une plus grande indépendance de pensée et une plus grande autonomie dans la prise de décisions de vote, rendant les électeurs moins captifs et moins liés à leurs affiliations traditionnelles.

L'expansion de l'éducation a profondément transformé les sociétés occidentales dans la seconde moitié du XXe siècle. Cela s'est traduit par une augmentation significative du nombre de personnes ayant accès à l'enseignement secondaire et supérieur. Par conséquent, une part plus importante de la population a acquis des compétences en matière de pensée critique et d'analyse indépendante. Cette "révolution de l'éducation" a eu des conséquences majeures sur le comportement politique et électoral. Dans le cadre du processus de vote, cela signifie que les électeurs sont devenus plus autonomes dans leur prise de décision. Plutôt que de s'appuyer uniquement sur des affiliations traditionnelles, telles que la classe sociale, la religion ou l'identification partisane, ils sont désormais plus susceptibles d'examiner de manière critique les propositions des différents partis politiques et de prendre leurs propres décisions. Cela ne signifie pas nécessairement qu'ils rejetteront systématiquement les positions de leur classe sociale, de leur communauté religieuse ou de leur parti politique préféré, mais plutôt qu'ils ne les suivront pas aveuglément. Ils sont plus susceptibles de peser les avantages et les inconvénients de chaque option et de voter en fonction de ce qu'ils estiment être dans leur meilleur intérêt ou dans l'intérêt de la société en général.

L'accroissement du niveau d'éducation au sein des sociétés occidentales a conduit à une évolution importante du comportement électoral. En effet, les électeurs, grâce à leur capacité accrue d'analyse et de critique, ont pu se défaire, en partie, de l'influence des organisations, des groupes sociaux ou des partis politiques sur leurs décisions de vote. Cela a généré un électorat plus indépendant et autonome dans ses choix. Toutefois, cette indépendance accrue a également entraîné une plus grande volatilité dans le comportement électoral. En d'autres termes, les électeurs sont désormais plus susceptibles de changer de parti d'une élection à l'autre. Ce phénomène contraste avec les comportements de vote plus stables observés dans le passé, lorsque le vote était plus fortement influencé par des facteurs tels que la classe sociale, la religion ou l'identification partisane. Cette volatilité accrue peut être perçue comme un signe de dynamisme au sein de l'électorat, reflétant une capacité accrue à évaluer et à réagir aux propositions des partis politiques et à l'évolution des conditions sociales, économiques et politiques. Cependant, elle peut également rendre les résultats électoraux plus imprévisibles et les majorités gouvernementales plus instables.

Ainsi, l'évolution de l'éducation a contribué à l'érosion de l'influence des facteurs sociologiques et psychosociologiques traditionnels sur le comportement de vote. À leur place, des facteurs plus complexes et nuancés, tels que les convictions politiques individuelles, les préoccupations spécifiques et les évaluations des performances des partis politiques et de leurs candidats, jouent un rôle plus important. Cela rend le comportement de vote plus dynamique et moins prévisible sur la base des seuls facteurs sociodémographiques.

Influence Croissante des Médias Audiovisuels sur le Vote[modifier | modifier le wikicode]

Le troisième facteur clé qui a profondément modifié le comportement électoral est l'ascension des médias audiovisuels, d'abord avec la télévision, et plus récemment avec les médias numériques. Cette évolution a radicalement transformé la nature des campagnes électorales et des processus de votation. Dans ce nouvel environnement médiatique, les électeurs sont moins sous l'influence directe des organisations comme les partis politiques. Ils sont désormais plus exposés et réceptifs à ce qui est diffusé dans les médias, que ce soit par la couverture médiatique des événements politiques, les publicités politiques ou les informations et discussions sur les réseaux sociaux. Cela donne lieu à une nouvelle dynamique dans laquelle les médias jouent un rôle crucial dans la formation de l'opinion publique et l'orientation du vote. Ces changements ont rendu les électeurs plus autonomes dans leur prise de décision, mais aussi plus sensibles aux fluctuations de l'opinion publique telles qu'elles sont reflétées et amplifiées par les médias. Ces transformations rendent le comportement électoral plus complexe à anticiper et à analyser, car elles introduisent de nouveaux facteurs variables et dynamiques qui interagissent de manière complexe avec les facteurs traditionnels tels que la classe sociale, la religion ou l'identification partisane.

En résumé, les partis politiques jouent désormais un rôle moins prédominant dans la communication politique, tandis que les médias et les campagnes politiques, avec leurs impacts à court terme, ont gagné en importance. Les modèles traditionnels, tels que ceux de l'École de Columbia et de l'École de Michigan, mettaient l'accent sur la stabilité du comportement électoral, liant le vote à des facteurs à long terme tels que l'appartenance sociale ou l'identification partisane. Cependant, avec les changements sociétaux, nous voyons que les facteurs à court terme jouent un rôle de plus en plus significatif dans le comportement électoral. Cela ne signifie pas que les facteurs à long terme ont perdu toute leur importance, mais plutôt que leur impact relatif a diminué par rapport aux influences à court terme. De ce fait, l'électorat est devenu plus volatile et les préférences de vote peuvent changer plus rapidement en réponse à des événements spécifiques ou des campagnes médiatiques intensives.

Conception Simplifiée de l'Électorat dans les Modèles Classiques[modifier | modifier le wikicode]

Un autre défaut des modèles classiques d'explication du vote est leur simplification excessive de l'électorat. En effet, ces modèles, bien que prenant en compte les différences individuelles d'un point de vue sociodémographique et parfois psychosociologique, considèrent l'électorat comme homogène. Ils ne tiennent pas compte de l'idée que les individus peuvent varier grandement dans leur relation à la politique. Cela signifie qu'ils ne prennent pas suffisamment en compte la diversité des attitudes politiques, des niveaux d'intérêt pour la politique, des niveaux d'engagement ou de participation politiques, ou encore des modes de consommation de l'information politique. Les individus peuvent être très actifs politiquement, totalement indifférents, ou se situer à n'importe quel point entre ces deux extrêmes. Ils peuvent également être fortement influencés par certains types d'information ou de sources d'information, et moins par d'autres.

Les citoyens présentent des différences marquées dans leur relation à la politique, qui peuvent être particulièrement notables en ce qui concerne leur intérêt pour la politique et leur compétence politique. Il existe une grande variété de niveaux d'engagement : certains citoyens sont extrêmement intéressés par la politique, au point de s'y engager et d'en faire leur carrière, tandis que d'autres se désintéressent totalement de la politique. De même, le niveau de compétence politique varie considérablement. Certains citoyens ont une connaissance approfondie de la politique, comprennent les enjeux, sont informés et maîtrisent les sujets politiques, tandis que d'autres manquent de compétences cognitives ou de motivation pour s'informer, et n'ont donc pas les connaissances nécessaires pour une participation éclairée au vote. L'intérêt pour la politique joue un rôle déterminant dans l'attention accordée à la politique et influence la participation politique. En effet, ceux qui sont intéressés par la politique sont plus susceptibles de participer, tandis que ceux qui ne le sont pas sont plus susceptibles de s'abstenir. Ainsi, la motivation et l'intérêt pour la politique conditionnent non seulement l'attention accordée aux messages politiques, mais aussi le degré de participation politique.

La compétence politique joue également un rôle crucial en conditionnant la capacité des individus à intégrer et à comprendre les messages véhiculés dans l'espace public. Imaginons une campagne d'information bien conçue, avec des arguments clairs venant de la droite comme de la gauche, alimentant des débats riches et instructifs. Si les individus n'ont pas les compétences nécessaires pour comprendre, intérioriser et assimiler ces informations, ces campagnes ne vont pas influencer leur opinion et ne contribueront pas à la formation de leur jugement. En revanche, les personnes ayant une certaine compétence politique seront plus à même de prendre en compte ces informations. Elles seront capables de peser le pour et le contre, essayant de se forger une opinion sur la base des informations qui sont partagées dans l'espace public. Cette capacité à traiter et à comprendre l'information politique est donc essentielle pour une participation politique éclairée et active.

Il est essentiel de noter que l'intérêt pour la politique et la compétence politique, autrement dit, un facteur de motivation et un facteur cognitif, vont conditionner et jouer un rôle crucial dans le processus de formation des opinions des individus. Ce sont ces deux éléments - l'intérêt et la compétence - qui sont devenus des considérations importantes dans l'analyse du comportement électoral. Aujourd'hui, l'approche a changé et les modèles de comportement électoral ne supposent plus un électorat homogène. On essaie plutôt de prendre en compte la diversité et l'hétérogénéité de l'électorat. C'est une reconnaissance du fait que chaque individu a sa propre combinaison unique d'intérêt et de compétence politique, ce qui influence son comportement en matière de vote.

Focalisation Excessive sur les Individus dans l'Analyse du Vote[modifier | modifier le wikicode]

La dernière lacune des modèles classiques, et particulièrement apparente dans l'école du choix rationnel, est l'accent excessif mis sur l'individu. L'école du choix rationnel incarne de manière exemplaire cette focalisation sur l'individu, puisqu'elle postule que l'individu effectue son calcul coûts-bénéfices indépendamment du contexte et de toute influence extérieure. L'individu est placé au centre de ce processus : il collecte des informations, évalue le parti qui lui rapportera le plus et celui qui lui coûtera le plus, et sur cette base, il fait son choix. Un exemple typique de ce processus serait de déterminer quel parti est le plus proche de soi sur une échelle gauche-droite et de voter pour ce parti en fonction de ses intérêts, mais toujours indépendamment du contexte. C'est un modèle qui considère l'individu comme un acteur isolé et autonome dans son processus de décision de vote, sans prendre en compte les diverses influences environnementales et sociales qui pourraient aussi jouer un rôle dans cette décision.

La critique adressée à ces modèles traditionnels, et particulièrement à l'école du choix rationnel, repose sur une focalisation excessive sur les électeurs et leurs caractéristiques individuelles, au détriment d'une considération insuffisante du contexte dans lequel ces individus forment leurs opinions politiques. Cela signifie que ces modèles ne prennent pas suffisamment en compte l'environnement social, économique, culturel et politique dans lequel les électeurs vivent et qui influence significativement leurs attitudes et leurs comportements électoraux.

La critique en question s'applique surtout à l'école du choix rationnel, mais elle concerne également les écoles de Columbia et de Michigan. Pour l'école de Columbia, même si l'individu est supposé voter en fonction des caractéristiques du groupe social auquel il appartient, le groupe en lui-même n'est pas véritablement pris en compte. Il est plutôt reflété uniquement à travers les caractéristiques individuelles de l'électeur, par exemple si celui-ci est ouvrier, s'il est catholique, etc. La position sociale de l'électeur et l'influence des institutions collectives, comme les syndicats pour les travailleurs, ne sont pas suffisamment considérées dans ce modèle. En d'autres termes, ces modèles ne prennent pas pleinement en compte le rôle du contexte social et institutionnel dans lequel l'électeur se situe, et qui peut significativement influencer son comportement de vote.

Même le modèle de Columbia, qui est pourtant un modèle sociologique et qui positionne l'individu au sein de son groupe social, n'a pas pris suffisamment en compte l'importance du rôle joué par le groupe en lui-même. Ce qui est surtout pris en compte sont les caractéristiques sociales de l'individu, plutôt que celles du groupe dans lequel il s'inscrit. Cependant, les opinions individuelles ne se développent pas dans un vide politique, mais au contraire dans un contexte institutionnel et politique spécifique. Ce contexte précis a le potentiel d'influencer de manière significative la façon dont une personne forme ses opinions. Autrement dit, le cadre social, culturel et institutionnel dans lequel un individu évolue joue un rôle déterminant dans la construction de ses idées et de ses comportements politiques.

Les deux éléments clés du contexte que l'on peut mentionner sont l'offre politique et la campagne électorale.

L'offre politique : L'offre et la demande politiques, deux termes souvent utilisés en science politique pour comprendre le comportement électoral.

  • L'offre politique concerne les différents choix disponibles pour les électeurs, notamment les partis politiques, les candidats, les programmes politiques, les idéologies et les agendas politiques. Cette offre peut varier considérablement d'un contexte à l'autre, influençant ainsi la façon dont les individus prennent leurs décisions de vote. Par exemple, si l'offre politique ne représente pas un large éventail d'idéologies politiques ou ne propose pas de solutions satisfaisantes aux problèmes préoccupants les électeurs, cela peut conduire à un désengagement électoral, à une protestation par le vote blanc ou nul, ou à un report de vote vers des partis moins traditionnels.
  • La demande politique, quant à elle, se réfère aux préférences, aux valeurs, aux attentes et aux besoins des électeurs. Ces caractéristiques sont influencées par divers facteurs, notamment sociodémographiques (âge, sexe, niveau d'éducation, profession), psychologiques (attitudes, valeurs, émotions) et contextuels (situation économique, enjeux politiques du moment, etc.).

Dans ce contexte, les partis politiques et les candidats cherchent à façonner leur offre pour répondre au mieux à la demande des électeurs. Lorsqu'il y a une adéquation entre l'offre et la demande politiques, on observe généralement un engagement électoral plus élevé. En revanche, lorsque l'offre politique est en décalage avec la demande des électeurs, cela peut entraîner une insatisfaction, un désengagement ou une volatilité électorale. Ainsi, une compréhension approfondie de ces deux concepts est essentielle pour analyser et comprendre le comportement électoral.

La campagne électorale : Les campagnes électorales ont pris une importance considérable dans la formation de l'opinion électorale. En plus des facteurs sociodémographiques et idéologiques, les messages et les informations diffusés lors d'une campagne électorale peuvent influencer de manière significative les décisions de vote des électeurs. Ces influences de court terme peuvent inclure divers facteurs, tels que :

  • Les débats publics sur des questions politiques clés.
  • La couverture médiatique des candidats et des partis politiques.
  • Les campagnes de publicité politique.
  • Les discours et les positions politiques des candidats.
  • Les événements actuels et les crises qui se produisent pendant la campagne.
  • Les sondages et les prévisions électorales.

Tous ces facteurs peuvent avoir un impact sur la façon dont les électeurs perçoivent les candidats et les partis politiques, et donc influencer leurs décisions de vote. En outre, la volatilité du vote, c'est-à-dire la propension des électeurs à changer leur allégeance politique d'une élection à l'autre, a augmenté dans de nombreux pays, ce qui suggère que les influences de court terme, telles que les campagnes électorales, peuvent avoir un impact significatif sur le comportement électoral.

Ces deux éléments sont des parties intégrantes du contexte dans lequel les individus forment leur opinion et prennent leur décision de vote. Par conséquent, il est essentiel de les prendre en compte lors de l'analyse du comportement électoral.

Développements Récents dans la Recherche Électorale[modifier | modifier le wikicode]

Les chercheurs ont cherché à améliorer la précision des modèles électoraux classiques en y intégrant de nouveaux éléments explicatifs. Ces éléments tentent de prendre en compte l'évolution des sociétés modernes et les nouvelles dynamiques qui influencent le comportement électoral. Parmi ces nouveaux facteurs, on peut citer :

  • L'évolution des clivages sociaux : Dans les sociétés modernes, les clivages sociaux ne se limitent plus aux distinctions de classe ou de religion. D'autres clivages, tels que le niveau d'éducation, l'origine ethnique, le genre, l'âge, l'orientation sexuelle, le lieu de résidence (urbain/rural), etc., ont gagné en importance.
  • L'évolution des questions politiques : Les questions politiques qui suscitent l'intérêt des électeurs ont évolué. Des questions telles que l'environnement, l'immigration, le nationalisme, les droits des minorités, etc., ont gagné en importance.
  • L'influence des médias et des nouvelles technologies : L'impact des médias traditionnels et des médias sociaux sur le comportement électoral est devenu un domaine de recherche majeur. Ces médias peuvent influencer l'opinion des électeurs, leur perception des candidats et des partis, et même leur participation électorale.
  • Le rôle des émotions en politique : Les chercheurs ont commencé à prendre en compte le rôle des émotions dans la politique. Les sentiments tels que la peur, la colère, l'espoir, l'enthousiasme, etc., peuvent influencer le comportement électoral des individus.
  • La personnalisation de la politique : La personnalité et l'image des candidats sont devenues des facteurs importants dans le choix des électeurs. Les électeurs peuvent être plus enclins à voter pour un candidat sur la base de sa personnalité ou de son image publique plutôt que sur la base de ses politiques ou de son affiliation partisane.

Ces nouvelles approches ne supplantent pas les modèles classiques, mais les complètent et les enrichissent. Elles reconnaissent que le comportement électoral est complexe et multifactoriel, et qu'il est influencé par une multitude de facteurs qui évoluent avec le temps et le contexte.

Prise en Compte du Contexte dans l'Analyse du Vote[modifier | modifier le wikicode]

Le contexte institutionnel, notamment le système électoral, joue un rôle crucial dans le comportement de vote. Le type de système électoral, qu'il soit majoritaire, proportionnel ou un mixte des deux, a un impact significatif sur les stratégies de vote des électeurs, ainsi que sur les tactiques des partis politiques. Dans un système majoritaire, où le candidat ou le parti avec le plus de votes remporte la totalité des sièges dans une circonscription, les électeurs peuvent être amenés à voter stratégiquement pour éviter le "gaspillage" de leur vote. Ils peuvent ainsi décider de voter pour un candidat ou un parti qui a plus de chances de gagner, même s'il ne représente pas leur premier choix. De même, les partis politiques peuvent choisir de se concentrer sur certaines circonscriptions où ils pensent avoir plus de chances de remporter des sièges. En revanche, dans un système proportionnel, où les sièges sont répartis en fonction du pourcentage de votes reçus par chaque parti, les électeurs ont plus de liberté pour voter selon leurs véritables préférences, car ils savent que leur vote contribuera à l'obtention d'un siège, même pour un petit parti. De même, les partis politiques peuvent se permettre de présenter des candidats dans une variété de circonscriptions, car chaque vote compte pour l'attribution des sièges. Ainsi, le contexte institutionnel est un facteur essentiel à considérer lors de l'analyse du comportement électoral, car il façonne les incitations et les stratégies des électeurs et des partis politiques.

La polarisation du système politique est un autre élément contextuel qui influence le comportement de vote. Dans un système fortement polarisé, où les partis politiques proposent des politiques nettement différentes et prennent des positions opposées sur divers enjeux, les électeurs ont une gamme plus large de choix. Cette diversité peut stimuler l'engagement politique et faciliter la prise de décision des électeurs, car les distinctions claires entre les partis peuvent rendre plus évident pour qui voter. Inversement, dans un système politique consensuel où il y a peu de différences idéologiques ou politiques entre les partis, les électeurs peuvent avoir plus de mal à distinguer les partis et à décider pour qui voter. Ce manque de différenciation peut réduire l'engagement politique et augmenter l'incertitude ou l'indécision des électeurs. En outre, la polarisation peut également affecter la dynamique des campagnes électorales. Dans un environnement polarisé, les partis peuvent mener des campagnes plus conflictuelles et axées sur les enjeux, ce qui peut à son tour influencer la manière dont les électeurs perçoivent les partis et font leur choix. En somme, le degré de polarisation d'un système politique peut avoir des implications significatives pour le comportement électoral.

La fragmentation du système de parti est un autre aspect contextuel crucial qui peut influencer le comportement de vote. La fragmentation fait référence au nombre de partis politiques significatifs dans un système politique. Dans un système de parti fortement fragmenté, où il y a de nombreux partis politiques qui ont tous une chance raisonnable de gagner des sièges ou d'exercer une influence, les électeurs ont une plus grande variété de choix. Cela peut permettre une représentation plus nuancée des opinions politiques et des préférences des électeurs. Cependant, cela peut également rendre le paysage politique plus complexe et plus difficile à naviguer pour les électeurs. Inversement, dans un système de parti moins fragmenté, généralement caractérisé par un ou deux partis dominants, le choix des électeurs est plus limité. Alors que cela peut rendre le choix électoral plus simple, il peut aussi conduire à une représentation politique moins complète ou à une insatisfaction des électeurs qui se sentent mal représentés par les options disponibles. La fragmentation du système de parti peut également influencer la dynamique de la campagne électorale et la stratégie des partis. Par exemple, dans un système hautement fragmenté, les partis peuvent être plus enclins à former des alliances ou des coalitions et à cibler des segments spécifiques de l'électorat.

La campagne électorale et la couverture médiatique sont deux facteurs cruciaux qui influencent le comportement de vote. Elles sont particulièrement pertinentes dans les modèles modernes de recherche électorale. La campagne électorale elle-même est un moment où les partis et les candidats présentent leurs positions sur diverses questions, tentent de convaincre les électeurs de leur compétence et de la pertinence de leurs propositions, et critiquent souvent leurs adversaires. La campagne électorale est donc un moment de forte influence potentielle sur l'opinion des électeurs, à la fois en ce qui concerne leur évaluation des candidats et des partis et leur sentiment d'engagement envers le processus politique. Les médias jouent un rôle important dans la transmission des informations sur la campagne aux électeurs. Ils sont responsables de la couverture des déclarations des candidats, des débats politiques, des sondages, des controverses et des incidents de campagne. La manière dont les médias couvrent la campagne peut influencer la perception qu'ont les électeurs de la pertinence, de la crédibilité et de l'attractivité des différents candidats et partis. En outre, les médias peuvent également influencer la manière dont les électeurs perçoivent les questions importantes de la campagne. Par exemple, si les médias se concentrent fortement sur certaines questions, comme l'économie ou l'immigration, les électeurs peuvent percevoir ces questions comme étant plus importantes que d'autres, ce qui peut influencer leur comportement de vote. Dans l'ensemble, la campagne électorale et la couverture médiatique sont deux facteurs contextuels clés qui peuvent avoir une influence significative sur la formation de l'opinion des électeurs et sur leur comportement de vote.

Reconnaissance de l'Hétérogénéité de l'Électorat[modifier | modifier le wikicode]

Dans les modèles modernes de la recherche électorale, on tient compte de l'hétérogénéité de l'électorat, ce qui représente une rupture significative par rapport aux modèles classiques qui supposaient une homogénéité relative des électeurs. Aujourd'hui, il est largement reconnu que l'électorat est divers et varié, avec des niveaux d'intérêt et de compétence politique très différents parmi les individus.

L'intérêt pour la politique est un facteur clé qui peut influencer le comportement de vote d'un individu. Les électeurs qui sont fortement intéressés par la politique sont susceptibles de s'engager davantage dans le processus politique, de suivre de près les campagnes électorales, de s'informer sur les candidats et les partis, et de participer activement au vote. En revanche, ceux qui ont peu d'intérêt pour la politique peuvent être moins engagés et moins susceptibles de voter. La compétence politique est un autre facteur important. Les électeurs qui ont une bonne connaissance de la politique et une compréhension claire des enjeux sont plus à même de traiter les informations politiques complexes et d'évaluer les candidats et les partis sur la base de critères bien informés. Ceux qui ont moins de compétences politiques peuvent avoir plus de difficulté à comprendre et à évaluer les informations politiques, ce qui peut affecter leur comportement de vote.

La psychologie politique est un champ d'étude interdisciplinaire qui examine comment les processus psychologiques individuels, ainsi que les traits de personnalité, influencent la politique au niveau individuel et collectif. Elle étudie notamment comment les individus forment leurs opinions politiques, comment ils prennent des décisions politiques, et comment leurs valeurs, leurs attitudes et leurs traits de personnalité influencent leur comportement politique. Elle se penche sur un large éventail de sujets, allant des attitudes et des perceptions politiques à la formation des identités politiques, en passant par les effets des émotions sur le comportement politique. Par exemple, la psychologie politique peut étudier comment les peurs ou les préoccupations de sécurité peuvent influencer les attitudes envers les politiques d'immigration, ou comment les valeurs fondamentales d'un individu, comme l'égalité ou la liberté, peuvent façonner son alignement politique.

La psychologie politique s'intéresse également à l'influence des biais cognitifs sur la prise de décision politique. Par exemple, elle peut examiner comment des biais comme l'effet de confirmation (la tendance à chercher et à interpréter des informations qui confirment nos croyances existantes) peuvent influencer les opinions politiques. En mettant l'accent sur les mécanismes psychologiques sous-jacents, la psychologie politique offre une perspective unique sur la politique et le comportement de vote, complétant ainsi les approches plus traditionnelles de la science politique qui se concentrent sur des facteurs tels que les affiliations partisanes, les idéologies ou les facteurs sociodémographiques.

L'idée que le vote d'enjeu est devenu plus important dans les récentes décennies est de plus en plus acceptée dans le domaine de la science politique. Le vote d'enjeu se réfère au comportement de vote basé sur des questions spécifiques ou des problèmes (les "enjeux") que les électeurs considèrent comme importants. Plutôt que de se baser uniquement sur des idéologies politiques globales ou des affiliations de partis, de nombreux électeurs sont désormais plus susceptibles de voter sur la base de positions particulières sur des enjeux spécifiques, comme l'économie, l'environnement, la santé publique, l'immigration, etc. Les électeurs peuvent aussi baser leur vote sur leur perception de la compétence d'un parti ou d'un candidat pour gérer ces enjeux. Par exemple, un électeur peut décider de voter pour un certain parti parce qu'il le perçoit comme étant le plus compétent pour gérer une crise économique ou pour mettre en œuvre des politiques environnementales efficaces. Ce changement vers un vote plus centré sur les enjeux peut être attribué à plusieurs facteurs. Cela peut être dû à l'augmentation de l'accès à l'information, qui permet aux électeurs d'être plus informés et plus engagés sur des questions spécifiques. Cela peut également être lié à l'érosion des loyautés partisanes traditionnelles, à l'individualisation croissante de la politique et à la polarisation autour de certains enjeux spécifiques. Néanmoins, même si le vote d'enjeu est devenu plus courant, les idéologies politiques et les affiliations de partis continuent de jouer un rôle significatif dans le comportement de vote.

La situation en Suisse illustre bien comment le vote d'enjeu peut jouer un rôle majeur dans les élections. L'Union Démocratique du Centre (UDC), qui est connue pour ses positions dures sur l'immigration, a réussi à attirer un grand nombre d'électeurs qui considèrent l'immigration comme un enjeu majeur. L'UDC a réussi à construire une réputation de parti qui s'occupe activement de la question de l'immigration, en proposant des politiques restrictives et en mettant en avant cet enjeu dans ses campagnes électorales. Pour de nombreux électeurs, l'UDC est ainsi perçue comme le parti le plus compétent pour gérer l'enjeu de l'immigration, ce qui explique en partie son succès électoral. Cela montre que, dans certains contextes, des enjeux spécifiques peuvent devenir centraux dans le débat politique et influencer fortement le comportement des électeurs. Les partis qui sont capables de se positionner efficacement sur ces enjeux et de convaincre les électeurs de leur compétence peuvent ainsi bénéficier d'un avantage significatif dans les urnes.

Innovations Méthodologiques dans l'Étude du Comportement de Vote[modifier | modifier le wikicode]

Les modèles explicatifs multiniveaux, également connus sous le nom de modèles hiérarchiques, représentent une avancée méthodologique majeure dans l'étude du comportement électoral. Ces modèles prennent en compte les différentes échelles d'influence sur le comportement des individus, du contexte local au contexte national, en passant par le contexte individuel. Par exemple, un modèle multiniveau pourrait analyser l'effet de caractéristiques individuelles telles que l'âge, le sexe, l'éducation et l'appartenance ethnique sur le comportement électoral, tout en prenant également en compte le rôle du contexte socio-économique local et national, des caractéristiques du système de parti et de l'offre politique. De cette façon, les modèles multiniveaux peuvent nous aider à comprendre comment les influences à différents niveaux interagissent pour façonner le comportement électoral. Ces modèles offrent une flexibilité considérable et permettent d'analyser des données complexes de manière plus précise et nuancée. Ils ont été utilisés pour étudier une gamme de phénomènes politiques, y compris le comportement électoral, la participation politique, les attitudes politiques et bien d'autres. Ainsi, le recours aux modèles hiérarchiques ou explicatifs multiniveaux constitue une innovation significative dans la recherche sur le comportement électoral, permettant une compréhension plus complète et nuancée des facteurs qui influencent le vote.

Les modèles statistiques sont généralement appelés modèles multiniveaux ou modèles hiérarchiques. Ils sont conçus pour prendre en compte la complexité inhérente aux données sociales, qui comportent souvent des structures imbriquées ou hiérarchisées.

Dans le contexte de la recherche sur le comportement électoral, ces modèles peuvent être utilisés pour examiner simultanément l'effet des caractéristiques individuelles (telles que l'âge, le sexe, l'éducation, les croyances politiques, etc.) et l'effet du contexte (par exemple, le système électoral, l'offre politique, la campagne électorale, etc.) sur le choix de vote d'un individu. Ces modèles permettent également d'étudier les interactions entre les facteurs individuels et contextuels. Par exemple, ils peuvent être utilisés pour examiner si l'effet de l'éducation sur le choix de vote varie en fonction du contexte politique dans lequel un individu se trouve. En prenant en compte simultanément les facteurs individuels et contextuels, ainsi que leurs interactions, les modèles multiniveaux offrent une perspective plus riche et plus complète de la formation du choix électoral. Ils peuvent aider à révéler des dynamiques complexes qui pourraient être manquées par des analyses qui considèrent les facteurs individuels et contextuels séparément.

Par exemple, les chercheurs tentent d'illustrer que l'impact de l'identité catholique sur le comportement électoral peut varier en fonction de l'environnement religieux de l'électeur. Autrement dit, l'influence de l'identité catholique sur le vote pourrait être plus ou moins significative selon que l'individu vit dans un canton principalement catholique ou dans un canton avec une diversité religieuse. L'idée sous-jacente est donc d'intégrer à la fois des facteurs individuels, comme l'identité religieuse, et des facteurs contextuels, comme la composition religieuse du canton, dans l'analyse du comportement électoral.

Cet exemple illustre bien comment les modèles multiniveaux peuvent aider à révéler des dynamiques complexes dans le comportement électoral. Dans ce cas, ils permettent de voir comment l'impact de l'appartenance religieuse sur le choix de vote peut varier en fonction du contexte religieux de l'endroit où vit l'individu. Cela signifie que l'effet de l'appartenance religieuse sur le comportement de vote peut être différent dans un contexte où la plupart des gens partagent la même religion (un canton catholique, par exemple) comparé à un contexte où les gens ont différentes religions (un canton religieusement mixte). Cela peut être dû à plusieurs facteurs. Par exemple, dans un canton majoritairement catholique, les individus catholiques peuvent se sentir plus à l'aise pour exprimer leurs valeurs religieuses dans leur vote. D'autre part, dans un canton religieusement mixte, les individus catholiques peuvent être plus susceptibles de voter sur la base d'autres considérations, comme l'idéologie politique ou les questions économiques. C'est un excellent exemple de la manière dont les modèles multiniveaux peuvent nous aider à comprendre les interactions entre les facteurs individuels et contextuels dans la formation du comportement de vote.

Études de Cas : Analyse du Comportement de Vote[modifier | modifier le wikicode]

Étude de Cas 1 : Explication du Vote pour l'UDC[modifier | modifier le wikicode]

Cette étude analyse la composition de l’électorat UDC et l’évolution de cette composition au cours du temps.

Source: Oesch et Rennwald 2010

Le graphique de gauche, qui représente la proportion des électeurs par classe ayant voté pour le Parti socialiste en 2007 (en pourcentage), illustre la composition de l'électorat du Parti socialiste suite aux élections fédérales de 2007. Ces résultats sont basés sur une enquête d'opinion réalisée après ces élections. Comme nous l'avons mentionné précédemment, les études SELECT, qui ont été menées après chaque élection fédérale depuis 1995, fournissent un ensemble de données précieux sur le comportement des électeurs au niveau national en Suisse.

En 2007, le Parti socialiste a obtenu environ 20% des voix, ce qui correspond également à son score moyen. En observant les différentes catégories socioprofessionnelles, on peut voir la différence entre ce score moyen et la proportion des voix obtenues dans chaque catégorie. Cela permet d'identifier quels segments de la population sont plus enclins à voter pour le Parti socialiste, et quels segments sont moins susceptibles de le faire.

En se référant à la dernière ligne, on peut observer qu'une catégorie socioprofessionnelle en particulier a voté massivement pour le PS : les spécialistes socioculturels. Alors que le score moyen du PS est de 20%, il atteint 34% parmi cette catégorie, soit une augmentation de quatorze points de pourcentage. Les spécialistes socioculturels, parfois qualifiés de "nouvelle classe moyenne", regroupent les salariés actifs dans les secteurs de la santé, du social, de l'éducation, de la culture, ainsi que des médias. Il s'agit d'une tranche de la classe moyenne supérieure qui s'est fortement développée en nombre. On pourrait les désigner de manière un peu triviale comme les "bobo", pour "bourgeois bohèmes". Ces individus disposent de ressources relativement conséquentes, mais adhèrent aux valeurs de redistribution de la gauche. Alors que le modèle du choix rationnel les prédisposerait à voter à droite compte tenu de leur situation socioéconomique avantageuse, ils ont tendance à soutenir les programmes de gauche par solidarité sociétale et par adhésion à d'autres valeurs de la gauche comme l'ouverture internationale et la solidarité.

Toutes les autres catégories socioprofessionnelles semblent être en dessous de la moyenne des scores du Parti socialiste, y compris les groupes désignés ici comme les "travailleurs de la production", les "travailleurs des services" et les "employés de bureau". Ces derniers seraient ce que l'on désignait auparavant comme les ouvriers. Les travailleurs de la production sont typiquement des personnes actives dans l'industrie, effectuant des tâches répétitives et disposant de peu d'autonomie dans leur travail. Ces individus ont tendance à voter pour le Parti socialiste moins fréquemment que la moyenne.

La tendance observée indique que les travailleurs de la production, souvent engagés dans des rôles industriels exigeant des tâches répétitives et offrant peu d'autonomie, ont une propension moindre à voter pour le Parti socialiste. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène.

D'abord, le secteur industriel a subi des transformations considérables au cours des dernières décennies, marquées par une automatisation croissante et une délocalisation de la production vers des régions à faible coût de main-d'œuvre. Ces changements ont souvent conduit à une insécurité d'emploi accrue et à un sentiment d'abandon parmi ces travailleurs, qui pourraient se sentir moins représentés par un parti traditionnellement associé à la défense des droits des travailleurs.

De plus, la nature de la classe ouvrière a également évolué. Aujourd'hui, elle comprend un éventail beaucoup plus large de professions et de niveaux de compétences que par le passé. Ce groupe diversifié peut avoir des préférences politiques plus diversifiées et ne pas se sentir uniformément attiré par le Parti socialiste. Ensuite, l'émergence de problèmes sociaux tels que l'immigration et l'identité nationale a également contribué à modifier le paysage politique. Dans certains cas, ces questions ont éclipsé les problèmes économiques traditionnels sur l'agenda politique, ce qui a amené certains travailleurs de la production à se tourner vers des partis de droite ou populistes qui promettent de résoudre ces problèmes. Enfin, l'évolution du discours politique et des priorités du Parti socialiste peut également avoir joué un rôle. Comme indiqué précédemment, le Parti socialiste semble avoir réussi à attirer une proportion importante de "spécialistes socioculturels", un groupe qui possède souvent un niveau d'éducation supérieur et des valeurs plus libérales. Par conséquent, le Parti socialiste peut avoir orienté une partie de sa rhétorique et de son programme pour plaire à ce groupe, éventuellement au détriment de son appel traditionnel auprès des travailleurs de la production.

L'UDC (Union Démocratique du Centre), lors des élections de 2007, a obtenu 28% des voix, un résultat remarquable qui cependant varie grandement selon les catégories socioprofessionnelles. Dans ce contexte, on pourrait affirmer que le modèle de Columbia, qui met l'accent sur les variables sociologiques telles que la classe sociale et l'appartenance à un groupe pour expliquer le comportement électoral, conserve une certaine pertinence. En effet, le score de l'UDC reflète probablement l'influence des facteurs socioprofessionnels sur le comportement de vote. Ce parti a réussi à séduire une diversité de groupes sociaux, reflétant un certain nombre de préoccupations diverses - de l'immigration à l'économie, en passant par la souveraineté nationale. Les variations significatives dans le soutien électoral de l'UDC entre les différentes catégories socioprofessionnelles soulignent l'importance de la position sociale des individus dans la formation de leurs préférences politiques. Cela dit, la force de l'UDC en 2007 ne signifie pas que le modèle de Columbia fournit une explication exhaustive ou définitive du comportement électoral. D'autres facteurs, tels que les préoccupations politiques à court terme, les perceptions des enjeux et des candidats, ainsi que l'effet de la campagne électorale, peuvent également jouer un rôle important. Par ailleurs, les idées et les valeurs individuelles peuvent aussi interagir avec la classe sociale pour influencer les choix électoraux. Bien que le modèle de Columbia puisse encore fournir des informations précieuses sur le vote pour l'UDC en 2007, il est nécessaire de considérer une gamme plus large de facteurs pour comprendre pleinement le comportement électoral.

Le principal soutien de l'UDC lors des élections de 2007 provenait des "petits indépendants", comprenant les agriculteurs, les commerçants, les artisans, et autres travailleurs indépendants qui ne dirigent pas de grandes entreprises. Parfois qualifiés d'"ancienne classe moyenne", ces individus ont massivement soutenu l'UDC. En fait, près de la moitié (44%) des petits indépendants ont voté pour l'UDC, un pourcentage significativement plus élevé que le score général du parti qui était de 28%. Il semble que les petits indépendants se soient identifiés aux positions de l'UDC sur des questions telles que la souveraineté nationale, l'immigration, et peut-être aussi l'autonomie économique. Leur soutien souligne comment la position socio-économique d'un individu et son appartenance à une catégorie professionnelle spécifique peuvent influencer ses préférences politiques. Cependant, il est essentiel de noter que ces individus constituent un des deux bastions majeurs de l'UDC, ce qui suggère que le soutien au parti est distribué de manière diverse et complexe à travers la société suisse.

L'UDC trouve également un fort soutien parmi les travailleurs de la production et des services. Malgré le positionnement de l'UDC en tant que parti de droite sur l'échiquier politique, qui n'est généralement pas associé à la défense des intérêts des travailleurs, elle a réussi à obtenir environ 40% de votes de cette catégorie de travailleurs en 2007, dépassant son score général de 28%. Il est possible de se demander pourquoi une proportion si élevée de travailleurs a choisi de voter pour l'UDC, alors que certains syndicalistes pourraient soutenir que l'UDC ne protège pas suffisamment les travailleurs. Par exemple, on pourrait argumenter que l'UDC ne défend pas les travailleurs contre la concurrence de la main-d'œuvre étrangère, sauf indirectement en prônant des politiques de fermeture des frontières. Cependant, le succès de l'UDC auprès des travailleurs pourrait ne pas être principalement lié à son programme économique. Au lieu de cela, il semble plus plausible que ce soit son programme culturel qui attire ces électeurs. L'UDC plaide pour la fermeture des frontières dans une perspective culturelle, en défendant les traditions et en prônant une certaine fermeture à l'international. Cette position, principalement motivée par des considérations culturelles, identitaires et historiques plutôt qu'économiques, pourrait expliquer la popularité de l'UDC auprès des travailleurs de la production et des services.

Dans une perspective bidimensionnelle de l'espace politique, on peut observer que le succès de l'UDC est largement attribuable à sa position sur l'axe tradition-ouverture plutôt qu'à sa position sur l'axe économique. Sur cet axe, l'UDC ne se différencie pas vraiment du Parti libéral-radical (PLR). Il s'agit là d'une illustration du clivage gagnant-perdant. Dans cette perspective, l'UDC et le PLR peuvent être vus comme représentant les "gagnants" du système actuel en matière économique, en défendant des politiques libérales et pro-marché. Cependant, l'UDC se distingue sur l'axe tradition-ouverture en prenant des positions plus fermées et traditionnelles. Cela signifie que de nombreux électeurs peuvent être attirés par l'UDC non pas à cause de ses positions économiques, qui sont similaires à celles du PLR, mais plutôt à cause de ses positions sur des questions culturelles et identitaires. Cela peut expliquer pourquoi l'UDC a pu attirer une proportion élevée de votes de la part de groupes tels que les travailleurs de la production et des services, qui peuvent se sentir plus menacés par l'ouverture culturelle et sociétale.

Pour résumer, on pourrait dire que ceux qui se sentent "gagnants" de l'ouverture internationale et de la mondialisation sont souvent les spécialistes socioculturels, tandis que les "perdants" perçus sont ceux qui craignent cette ouverture. Ces derniers craignent non seulement une concurrence économique accrue, mais aussi des changements culturels et identitaires. Ces groupes comprennent les petits indépendants, ainsi que les travailleurs de la production et des services. Dans le même temps, l'UDC obtient des scores nettement inférieurs parmi les spécialistes ethniques et socioculturels. C'est en quelque sorte l'effet inverse de ce que l'on observe pour le Parti socialiste. Ces groupes sont souvent plus ouverts à l'international et plus enclins à embrasser la diversité culturelle, ce qui se reflète dans leur tendance à voter pour des partis plus à gauche, comme le Parti socialiste, plutôt que pour des partis plus à droite comme l'UDC.

Le clivage de classe joue toujours un rôle crucial dans le comportement électoral, mais sa nature a évolué au fil du temps. Traditionnellement, ce clivage était perçu comme une opposition entre les ouvriers et le patronat, reflétant les idées de Marx sur le conflit entre le travail et le capital. Pendant une longue période dans l'histoire européenne, nous avons vu une nette divergence de vote entre ces deux groupes, les ouvriers se penchant généralement vers les partis de gauche et le patronat soutenant plutôt les partis de droite. Cependant, ce clivage traditionnel a changé avec le temps et la dynamique du conflit de classe s'est complexifiée. Il ne s'agit plus uniquement d'une opposition entre le travail et le capital, mais plutôt d'une multitude de clivages sociaux, économiques et culturels qui interagissent de manière complexe. Par exemple, comme nous l'avons mentionné plus tôt, des groupes tels que les petits indépendants et les travailleurs de la production et des services ont tendance à soutenir l'UDC, un parti de droite, non pas nécessairement à cause de leurs positions économiques, mais en raison de leurs préoccupations culturelles et identitaires. Cela montre que, même si le clivage de classe reste un facteur important, il doit être analysé en conjonction avec d'autres dimensions sociopolitiques pour comprendre pleinement le comportement électoral contemporain.

Dans de nombreux pays y compris la Suisse, nous avons assisté à un changement dans la manière dont les clivages de classe se manifestent dans le comportement électoral. Ce phénomène est souvent décrit comme un désalignement et un réalignement des électeurs par rapport aux partis politiques. Concrètement, nous avons vu une tendance où les électeurs issus des milieux populaires, qui étaient historiquement alignés avec les partis de gauche, ont commencé à se déplacer vers les partis populistes de droite. Ce mouvement a été observé non seulement en Suisse, mais aussi dans d'autres pays comme la France, l'Autriche, les Pays-Bas et les pays scandinaves. Il existe plusieurs explications possibles à ce phénomène. Certaines personnes suggèrent que ces électeurs sont de plus en plus préoccupés par les questions d'identité culturelle et de souveraineté nationale, des thèmes souvent mis en avant par les partis populistes de droite. D'autres soutiennent que ces électeurs se sentent délaissés par les partis de gauche traditionnels, qui ont tendance à se concentrer davantage sur les questions sociales et économiques. Quelle que soit la raison exacte, il est clair que le paysage politique est en train de changer et que le clivage de classe traditionnel ne peut plus expliquer à lui seul le comportement électoral. Les chercheurs en science politique doivent donc prendre en compte ces nouvelles dynamiques lorsqu'ils analysent les tendances électorales actuelles.

Dans tous ces pays, il est observable qu'un basculement a eu lieu au cours des années 1980 et 1990, avec une proportion significative de travailleurs qui, traditionnellement, votaient pour la gauche, orientant désormais leur vote vers la droite populiste. Il est important de préciser que ce phénomène ne concerne pas tous les travailleurs, mais une part importante d'entre eux. Parallèlement à ce mouvement, nous avons assisté à un renforcement des spécialistes socioculturels, ou la nouvelle classe moyenne, comme bastion du vote de gauche. Ce phénomène se caractérise par des individus avec une situation socioéconomique relativement aisée, qui malgré leur position, tendent à soutenir des idéaux redistributifs et des valeurs généralement associées à la gauche, comme l'ouverture internationale et la solidarité. Cette transformation du paysage électoral est un constat puissant qui se vérifie aussi bien en Suisse que dans d'autres pays. Cette évolution a une incidence profonde sur la politique de ces pays, et elle nécessite une compréhension détaillée pour pouvoir correctement interpréter les tendances électorales actuelles.

Source: Oesch et Rennwald 2010

Le graphique dépeint l'évolution du vote pour l'UDC (Union Démocratique du Centre) entre 1995 et 2007 au sein des classes populaires. En 1995, entre 15% et 20% des travailleurs de services, de la production et des employés de bureau votaient pour l'UDC. Cependant, sur une période d'environ une décennie, nous constatons une augmentation significative de ce chiffre, atteignant des pourcentages de 35% à 40% des votes provenant des travailleurs. Il convient de noter que l'UDC a vu une augmentation de son soutien dans tous les segments de l'électorat au cours des vingt dernières années. Cependant, l'augmentation la plus marquée a été observée parmi l'électorat populaire. Ce phénomène illustre la reformulation du clivage de classe que nous avons discutée précédemment, montrant un changement majeur dans les tendances de vote de ces groupes au fil du temps.

Le clivage de classe demeure pertinent dans le comportement électoral, cependant, sa nature a profondément évolué. Il s'est restructuré en raison de mouvements de désalignement et de réalignement entre les différentes classes sociales et les partis politiques. Le terme "désalignement" se réfère par exemple au phénomène de distanciation progressive des travailleurs par rapport au Parti socialiste ou à la gauche en général, tandis que "réalignement" fait référence à leur attrait croissant pour des partis comme l'UDC. Ce processus de transition des allégeances partisanes en fonction des classes sociales a conduit à un changement dans la nature du clivage de classe. Aujourd'hui, nous parlons d'un "nouveau clivage de classe", qui oppose d'un côté les "gagnants" de la mondialisation, comme les cadres supérieurs et la nouvelle classe moyenne, et de l'autre, ceux qui sont perçus - ou se perçoivent eux-mêmes - comme les "perdants" de la mondialisation. Ces derniers comprennent les classes populaires et l'ancienne classe moyenne, constituée de petits indépendants tels que les artisans, les agriculteurs ou les commerçants.

Le tableau met en évidence l'évolution du vote pour l'UDC au sein de différentes catégories de classes moyennes. Il présente trois segments des classes populaires : les employés de bureau (représentés en gris), les employés de services (en pointillés) et les travailleurs de la production (en noir). Pour ces trois catégories, on note une augmentation significative du pourcentage de personnes qui ont voté pour l'UDC. Bien que l'UDC ait gagné du terrain dans toutes les strates de la population, c'est particulièrement vrai pour les classes populaires.

Ce graphique est une simple disposition d’électeurs sur un espace à deux dimensions.

Source: Oesch et Rennwald 2010b: 276

L'axe horizontal reflète une dimension socio-économique qui peut être interprétée comme étant en faveur de "plus d'État" ou de "plus de marché". Cette dimension est dérivée de deux questions principales posées lors des sondages d'opinion.

  • La première question concerne les dépenses sociales : est-ce que les personnes interrogées sont en faveur d'une augmentation ou d'une diminution des dépenses sociales de la confédération ? Cela peut aider à déterminer si une personne a une inclinaison plus sociale (en faveur de plus d'État) ou libérale (en faveur de plus de marché).
  • La deuxième question se rapporte à la taxation des hauts revenus : les répondants sont-ils pour ou contre une augmentation de la taxation sur les hauts revenus ? Cette question permet de mesurer les attitudes envers la redistribution des richesses, ce qui est une autre façon d'évaluer si une personne est plus orientée vers les politiques de l'État ou du marché.

En combinant les réponses à ces deux questions, on peut obtenir une idée approximative de la position d'une personne sur l'axe socio-économique. Cette dimension socio-économique classifie les individus en fonction de leurs préférences en matière de redistribution des richesses par l'État. Si une personne est "favorable aux dépenses" et "favorable à augmenter les impôts", c'est-à-dire qu'elle soutient une augmentation des dépenses sociales et une taxation plus élevée des hauts revenus, on peut interpréter cela comme des valeurs de gauche. Ces personnes soutiennent généralement une plus grande redistribution des richesses par l'État, ce qui peut se traduire par plus de services publics, des programmes sociaux plus généreux, et une plus grande égalité de revenus. À l'inverse, si une personne est "défavorable aux dépenses" et "défavorable à augmenter les impôts", c'est-à-dire qu'elle est contre une augmentation des dépenses sociales et contre une taxation plus élevée des hauts revenus, on peut interpréter cela comme des valeurs de droite. Ces personnes tendent à soutenir une moindre intervention de l'État dans l'économie, préférant laisser le marché fonctionner librement. Ils soutiennent généralement des taxes plus basses et moins de redistribution des richesses par l'État. Cette dimension socio-économique est donc un moyen utile de comprendre où se situent les gens sur le spectre politique en ce qui concerne les questions économiques.

L'axe vertical est plus lié à la dimension culturelle ou identitaire de la politique, et cela nous aide à comprendre où les gens se situent sur le spectre politique en matière de questions liées à la nationalité, à l'identité nationale et à l'immigration. Si une personne est "favorable à l'adhésion de la Suisse à l'Union européenne" et "favorable à une Suisse qui donne les mêmes chances aux Suisses et aux étrangers", on peut dire que cette personne se situe plus haut sur l'axe, montrant une plus grande ouverture aux influences et à la participation étrangères. Ces individus sont généralement plus progressistes sur les questions d'identité et d'immigration, et peuvent être plus enclins à soutenir des politiques d'inclusion et de diversité. Inversement, si une personne est "favorable à une Suisse qui fait cavalier seul" et "favorable à une Suisse qui privilégie les Suisses par rapport aux étrangers", on peut dire qu'elle se situe plus bas sur l'axe, montrant une position plus protectionniste et nationaliste. Ces individus sont généralement plus conservateurs sur les questions d'identité et d'immigration, et peuvent être plus enclins à soutenir des politiques qui privilégient les citoyens nationaux et limitent l'immigration. Ces deux axes - socio-économique et culturel/identitaire - peuvent se combiner de diverses manières pour former un large éventail de positions politiques. Par exemple, quelqu'un pourrait être économiquement conservateur (favorisant moins de redistribution) tout en étant culturellement progressiste (favorisant l'inclusion des étrangers), ou vice versa.

En regroupant ces sous-groupes par profession et par parti politique, on peut illustrer où ces groupes se situent sur l'axe socio-économique (plus d'État ou plus de marché) et l'axe culturel/identitaire (ouverture à l'international ou fermeture nationale). En calculant la position moyenne de chaque groupe, il est important de garder à l'esprit qu'il s'agit d'une moyenne. Cela signifie qu'elle représente une position "centrale" autour de laquelle les réponses individuelles varient. Cela explique pourquoi, malgré les différences significatives dans les attitudes politiques au sein de chaque groupe, les moyennes peuvent sembler relativement proches du centre du graphique. En analysant ces moyennes, on peut obtenir une idée générale des attitudes politiques dominantes au sein de chaque sous-groupe d'électeurs. Cependant, il est également important de prendre en compte la diversité des opinions au sein de chaque groupe. Par exemple, tous les managers ne sont pas économiquement conservateurs, et tous les spécialistes socioculturels ne sont pas nécessairement progressistes sur les questions d'identité et d'immigration.

L'usage de la position moyenne pour représenter l'orientation politique d'un groupe donne une vue d'ensemble, mais elle peut aussi masquer une diversité d'opinions au sein du même groupe. Cela peut expliquer pourquoi, malgré les différences d'opinions individuelles, ces moyennes peuvent parfois se situer près du centre du graphique. Par exemple, en prenant en compte les spécialistes socioculturels qui votent pour le Parti socialiste (PS) ou l'Union démocratique du centre (UDC), nous pourrions voir que, malgré leur appartenance professionnelle commune, leurs positions moyennes sur ces axes socio-économiques et culturels/identitaires diffèrent en fonction du parti pour lequel ils votent. Quant aux managers, certains peuvent se situer à droite, d'autres à gauche, et certains peuvent être plus ou moins ouverts ou fermés sur l'axe culturel/identitaire. La prise en compte de la moyenne de leurs positions les place près du centre du graphique, reflétant une diversité d'opinions politiques au sein de ce groupe. Ce genre d'analyse met en évidence non seulement les divergences politiques entre les différentes classes professionnelles, mais aussi les divergences au sein de ces classes. C'est un rappel important que, même si certaines tendances générales peuvent être observées, les attitudes politiques sont diverses et variées.

Il semble que le Parti socialiste (PS) ait une base électorale plus diversifiée sur le plan idéologique par rapport à l'Union démocratique du centre (UDC). Cela peut suggérer que le PS regroupe un éventail plus large de vues sur l'échelle économique (de la redistribution à la préférence pour le marché) et sur l'échelle d'ouverture versus tradition. En revanche, l'UDC semble rassembler des électeurs aux valeurs plus similaires, principalement axées sur la défense des traditions et une légère inclination vers les politiques économiques de droite. Cela peut indiquer que l'UDC a une base électorale plus homogène qui partage un ensemble de valeurs communes. La différence entre les ouvriers de la production qui ont voté pour l'UDC par rapport à ceux qui ont voté pour le PS est également très intéressant. Il démontre bien comment les différences de perception et de valeurs peuvent diviser un même groupe socioprofessionnel. Il montre aussi que les préférences politiques ne sont pas nécessairement déterminées par la classe professionnelle seule, mais peuvent également être influencées par d'autres facteurs, tels que les croyances personnelles, l'identité culturelle et la vision du monde.

Il existe un dilemme commun auquel sont confrontés de nombreux partis politiques, en particulier ceux de la gauche traditionnelle comme le Parti socialiste en Suisse. Ces partis ont historiquement soutenu les travailleurs et ont fait la promotion de la redistribution économique et de l'équité sociale. Cependant, avec l'évolution des économies et des sociétés, ils ont aussi gagné le soutien des groupes socioculturels plus éduqués et plus libéraux, qui ont des préférences politiques différentes, en particulier sur les questions de l'immigration et de l'ouverture internationale. Il s'agit donc d'une situation délicate pour le PS, car il doit trouver un équilibre entre ces deux groupes d'électeurs. S'il se tourne trop vers l'un ou l'autre, il risque de perdre le soutien de l'autre groupe. C'est un enjeu important pour le PS et d'autres partis de gauche à travers le monde, car ils naviguent dans cet environnement politique complexe. Ce dilemme est également lié à des tendances plus larges observées dans de nombreux pays occidentaux, où les préférences politiques sont de moins en moins définies par la classe économique et de plus en plus influencées par des questions culturelles et identitaires, comme l'ouverture à l'immigration et à la mondialisation. Cela a entraîné un réalignement politique dans lequel certains travailleurs se sont tournés vers des partis de droite populistes, tandis que les groupes plus éduqués ont soutenu des partis de gauche.

Cette tension entre les différentes factions de l'électorat est un défi majeur pour le Parti socialiste et d'autres partis de gauche traditionnels à travers le monde. S'ils prennent des positions plus libérales sur des questions comme l'immigration et l'intégration européenne, ils risquent de perdre le soutien des travailleurs et des autres groupes qui sont plus sceptiques à l'égard de ces questions. D'un autre côté, s'ils adoptent une position plus stricte sur ces questions, ils risquent d'aliéner les électeurs plus éduqués et plus libéraux qui soutiennent ces politiques. Le défi pour ces partis est donc de trouver un équilibre entre ces différentes préférences. Cela peut impliquer de développer un message qui fait appel à la fois aux travailleurs et aux électeurs plus libéraux, ou de trouver des moyens de répondre aux préoccupations de ces groupes sur des questions spécifiques sans aliéner l'autre groupe. C'est une tâche difficile, et il n'y a pas de solution facile. Ce dilemme est en partie le résultat de changements plus larges dans la politique et la société. Alors que la classe économique était autrefois le principal déterminant du comportement électoral, les questions culturelles et identitaires jouent désormais un rôle beaucoup plus important. Ces tendances, combinées à la mondialisation et à d'autres changements économiques, ont complexifié le paysage politique et créé de nouveaux défis pour les partis traditionnels.

L'UDC (Union Démocratique du Centre) a réussi à construire une base d'électeurs relativement homogène autour de thèmes tels que la souveraineté, l'immigration et la tradition. Ce n'est pas une tâche facile, car, les partis peuvent se retrouver pris entre différentes factions de leur base électorale qui ont des vues divergentes sur ces questions. L'UDC a réussi à maintenir une base d'électeurs relativement cohérente en se concentrant sur des questions qui transcendent les divisions traditionnelles de classe. Par exemple, les questions de souveraineté, d'immigration et de tradition sont susceptibles d'être importantes pour de nombreux électeurs, qu'ils soient ouvriers ou issus de la classe moyenne. Cela suggère que l'Union Démocratique du Centre (UDC) a pu attirer une base électorale diverse en se concentrant sur des questions qui transcendent les lignes traditionnelles de classe ou de métier. C'est un rappel important que les affiliations politiques ne sont pas uniquement définies par des questions économiques, mais qu'elles peuvent aussi être façonnées par des questions d'identité nationale, de souveraineté et de politique migratoire. Ces questions peuvent revêtir une importance particulière dans le contexte de la mondialisation et des changements démographiques. En Suisse, l'UDC a pu exploiter ces préoccupations pour gagner le soutien de divers groupes d'électeurs. Son insistance sur l'indépendance, la souveraineté, la neutralité et une politique migratoire plus stricte semble avoir trouvé un écho auprès de nombreux électeurs, qu'ils soient ouvriers ou issus de la classe moyenne.

Comme on le voit, sur la dimension horizontale, le PS n’a pas trop de soucis parce que l’ensemble de son électorat est relativement homogène sur cette dimension, ils sont tous alignés sur -1 et -1.5 étant tous regroupés presque sur une verticale ce qui veut dire que sur les questions de redistribution, l’électorat PS est homogène. Les ouvriers parce qu’ils sont favorables à une politique redistributive qui sert leurs intérêts et les spécialistes socioculturelles parce qu’ils sont prêts à faire l’effort de solidarité à l’égard des classes moins favorisées.

Cela souligne une tendance importante : au sein du Parti socialiste (PS) suisse, il existe une forte cohésion en ce qui concerne les questions économiques, en particulier sur les questions de redistribution. Les ouvriers sont généralement en faveur d'une plus grande redistribution, car ils peuvent en bénéficier directement. Par ailleurs, les spécialistes socioculturels, bien qu'ils soient généralement plus aisés, sont également en faveur d'une plus grande redistribution. Cela peut être dû à une variété de facteurs, y compris une plus grande sensibilité aux questions d'équité sociale, un engagement envers la solidarité et une volonté d'investir dans des services publics de qualité. Cependant, le PS fait face à un défi plus grand sur l'axe de l'ouverture et de la fermeture, où il y a une plus grande divergence de vues entre les différents segments de son électorat. Cette divergence pourrait poser des défis pour le PS en termes de maintien de la cohésion de la base du parti et de formulation d'un message politique clair et unifié. Bien que ce graphique montre une certaine cohésion au sein du PS sur les questions de redistribution, cela ne signifie pas nécessairement que tous les électeurs du PS sont d'accord sur les détails de la manière dont la redistribution devrait être mise en œuvre. Par exemple, il peut y avoir des divergences d'opinion sur des questions telles que le niveau approprié de la fiscalité, la meilleure façon de fournir des services sociaux ou le rôle du gouvernement dans l'économie.

Malgré les changements dans la structure sociale et les transformations économiques, la classe sociale reste un facteur important pour comprendre le comportement électoral. Cependant, la nature de ce clivage de classe a évolué. Dans le passé, le clivage de classe pouvait être décrit de manière assez simple en termes d'opposition entre les travailleurs et les propriétaires, ou entre les travailleurs manuels et les classes moyennes et supérieures. Cependant, les transformations économiques et sociales ont rendu ce clivage de classe beaucoup plus complexe. Par exemple, des divisions peuvent maintenant être observées entre les travailleurs de différentes industries, entre les travailleurs salariés et les travailleurs indépendants, et entre ceux qui bénéficient de la globalisation et ceux qui se sentent menacés par elle. En même temps, il est important de noter que le clivage de classe ne peut pas expliquer tous les aspects du comportement électoral. D'autres facteurs, tels que les valeurs culturelles, les attitudes envers l'immigration ou l'Union européenne, ou les opinions sur les questions de genre et de diversité, peuvent également jouer un rôle important. En outre, le comportement électoral peut être influencé par des facteurs plus contingents, tels que les questions politiques du moment, la popularité des dirigeants des partis ou les scandales politiques.

Le paysage politique a connu des changements importants ces dernières années, notamment avec l'émergence des "spécialistes socioculturels" comme un groupe de soutien clé pour la gauche. Cela s'explique en partie par les valeurs et les préoccupations propres à ce groupe. Les spécialistes socioculturels, qui comprennent des professions comme les enseignants, les travailleurs sociaux, les professionnels de la santé, les journalistes et les artistes, sont généralement bien éduqués et attachent une grande importance à des valeurs comme l'égalité, la diversité, la justice sociale et la durabilité environnementale. Par conséquent, ils sont souvent en phase avec les priorités et les valeurs de la gauche. En même temps, ce groupe peut également se sentir menacé par certaines des tendances économiques actuelles, comme la précarisation du travail, la stagnation des salaires, l'augmentation des coûts de la vie, en particulier du logement, et les inégalités croissantes. Ces préoccupations peuvent également les rendre plus réceptifs aux messages de la gauche sur des questions comme la protection sociale, la redistribution des richesses et la régulation des marchés.

Le renforcement du clivage entre les gagnants et les perdants supposés de la mondialisation a entraîné une transformation significative du paysage politique. Les classes populaires et l'ancienne classe moyenne, comme les petits entrepreneurs, les artisans, les commerçants et les agriculteurs, qui peuvent se sentir menacées ou laissées pour compte par la mondialisation et les changements économiques, se sont tournées vers des partis comme l'UDC en Suisse. Ces partis tendent à prôner une position plus "nationale", de défense des traditions et d'une certaine forme d'autoritarisme. C'est une tendance que l'on observe non seulement en Suisse, mais aussi dans d'autres pays, où des partis de droite populistes ont réussi à capter une partie de l'électorat qui se sent menacé par les changements économiques et sociaux. Ces partis tendent à mettre l'accent sur des questions comme l'immigration, la souveraineté nationale et le rejet de certaines formes de coopération internationale. Cela dit, il est important de noter que tous les membres de ces groupes ne partagent pas nécessairement ces vues. Comme pour toute catégorie sociale, il y a une diversité d'opinions et de priorités au sein des classes populaires et de l'ancienne classe moyenne. En même temps, la dimension "ouverte - tradition" du clivage politique est devenue de plus en plus importante, reflétant des divergences d'opinion non seulement sur des questions économiques, mais aussi sur des questions de valeurs culturelles et sociales. Cela a ajouté une autre couche de complexité à la politique contemporaine.

Étude de Cas 2 : Analyse du Succès de l'UDC[modifier | modifier le wikicode]

Le vote d'enjeu, ou "issue voting", est une approche de l'analyse du comportement électoral qui met l'accent sur la manière dont les électeurs réagissent à des questions ou des enjeux spécifiques, plutôt que sur leur appartenance à des groupes socio-économiques particuliers. Dans le cas du vote pour l'UDC ou d'autres partis semblables, les enjeux peuvent inclure des questions telles que l'immigration, la souveraineté nationale, la sécurité, la défense des traditions, ou l'opposition à l'intégration européenne. Ces enjeux peuvent avoir une résonance particulière auprès des électeurs qui se sentent menacés ou laissés pour compte par les changements économiques et sociaux, indépendamment de leur position socio-économique spécifique. Cette approche reconnaît que les électeurs sont capables de faire leurs propres évaluations des enjeux politiques et de voter en conséquence. Elle suggère également que le comportement électoral peut être influencé par des campagnes politiques et des messages médiatiques qui mettent l'accent sur certains enjeux plutôt que sur d'autres.

Le vote d'enjeu repose sur l'idée que les électeurs font des choix basés sur des questions spécifiques qui sont importantes pour eux, plutôt que sur une fidélité à long terme à un parti politique particulier ou sur leur appartenance à une classe sociale spécifique. Les enjeux peuvent varier de manière significative d'une élection à l'autre et peuvent également varier en fonction du contexte local, national ou international. Ils peuvent inclure des questions économiques, comme la taxation ou la dépense publique, des questions sociales, comme l'immigration ou les droits des minorités, ou des questions environnementales, comme le changement climatique.

Dans cette approche, on cherche à comprendre quelles sont les questions qui sont les plus importantes pour les électeurs, comment ils se positionnent par rapport à ces questions, et comment ces positions influencent leur vote. Par exemple, un électeur qui considère que la question de l'immigration est le problème le plus important auquel son pays est confronté est plus susceptible de voter pour un parti qui promet de restreindre l'immigration. Les chercheurs qui utilisent cette approche peuvent utiliser des enquêtes d'opinion pour recueillir des informations sur les attitudes des électeurs à l'égard de divers enjeux. Ils peuvent ensuite utiliser ces informations pour construire des modèles qui prédisent le comportement électoral en fonction des positions des électeurs sur ces enjeux. C'est une approche qui reconnaît que le comportement électoral est dynamique et peut changer en réponse aux enjeux actuels. Elle reconnaît également que les électeurs ne sont pas simplement des récepteurs passifs de messages politiques, mais qu'ils sont capables de faire leurs propres évaluations des enjeux et de prendre des décisions en fonction de ces évaluations.

Les électeurs peuvent être influencés par les questions ou problèmes immédiats et actuels qui touchent la société. Ces questions ou enjeux peuvent être très variés et inclure des questions économiques (comme le chômage ou l'inflation), sociales (comme les droits des minorités ou l'égalité des sexes), politiques (comme la corruption ou la transparence gouvernementale), ou environnementales (comme le changement climatique ou la pollution). Il est important de noter que les enjeux qui sont pertinents dans une élection spécifique peuvent varier considérablement en fonction du contexte local, national et international. Par exemple, la question du changement climatique peut être un enjeu majeur dans un pays qui est fortement touché par les effets du changement climatique, mais pas dans un autre pays où ce problème est moins urgent ou visible. En outre, les enjeux peuvent également varier en fonction de l'électorat spécifique. Par exemple, les jeunes électeurs peuvent être plus préoccupés par les questions d'éducation et d'emploi, tandis que les électeurs plus âgés peuvent être plus préoccupés par les questions de retraite et de soins de santé. Ainsi, le vote d'enjeu implique une approche plus dynamique et flexible de la politique, qui reconnaît que les attitudes et les préoccupations des électeurs peuvent changer en réponse aux conditions changeantes de la société et du monde.

Les campagnes électorales sont souvent des moments cruciaux pour mettre en avant des enjeux particuliers. Les partis politiques et les candidats tentent souvent de façonner le débat public en se concentrant sur des questions spécifiques qu'ils estiment être des atouts pour eux ou des faiblesses pour leurs adversaires. En mettant l'accent sur certains enjeux, ils peuvent réussir à modifier le discours public et à orienter l'attention des électeurs vers ces questions. Cette stratégie peut être particulièrement efficace si les électeurs perçoivent que le parti ou le candidat a une position forte, crédible et attrayante sur l'enjeu en question. C'est pourquoi la construction de l'agenda politique et la communication stratégique sont des éléments essentiels de toute campagne électorale réussie. Cependant, il convient de noter que les électeurs ne sont pas simplement des récepteurs passifs de ces messages. Ils évaluent et interprètent activement ces informations à la lumière de leurs propres valeurs, expériences et priorités, ce qui peut également influencer leur comportement de vote.

Le vote d'enjeu met en lumière un aspect dynamique du comportement électoral. Au lieu de se concentrer uniquement sur les affiliations partisanes traditionnelles ou les identités de classe, cette approche cherche à comprendre comment les électeurs réagissent à des questions spécifiques et à des enjeux politiques actuels. Les préférences politiques des individus peuvent changer en fonction de l'importance qu'ils accordent à différents enjeux à différents moments. Par exemple, une personne peut généralement voter pour un parti en particulier en raison de ses croyances sur des questions économiques, mais peut choisir de voter pour un autre parti lors d'une élection spécifique si elle pense que cet autre parti a une meilleure approche sur une question qui lui importe particulièrement à ce moment-là, comme l'environnement ou la santé publique. Cela peut également expliquer pourquoi les électeurs peuvent parfois sembler voter contre leurs intérêts économiques apparents si d'autres questions ou enjeux sont plus importants pour eux. De même, les électeurs peuvent modifier leurs préférences partisanes en réponse à des événements politiques majeurs ou à des crises. Cette perspective offre donc une vision plus flexible et réactive du comportement électoral, qui tient compte des influences à court terme ainsi que des loyautés partisanes à long terme.

Le Vote basé sur les Enjeux[modifier | modifier le wikicode]

Il y a deux grands types d’explications liées aux enjeux.

La première explication est directement dérivée d’un modèle de choix rationnel avec l’électeur qui vote de manière rationnelle faisant un calcul coût – bénéfice. L’idée est que les électeurs vont voter pour le parti qui sont le plus proche d’eux en matière d’enjeu. Les partis qui ont les préférences les plus similaires avec les électeurs sont ceux pour lesquels les électeurs vont voter. Selon ce modèle, les électeurs sont considérés comme des consommateurs politiques qui font des choix de vote basés sur une évaluation des coûts et des avantages. Cela suppose que les électeurs sont bien informés, qu'ils comprennent leurs propres intérêts et qu'ils sont capables d'évaluer correctement les politiques proposées par les différents partis. Ils sont censés choisir le parti ou le candidat dont les positions sont les plus proches de leurs propres préférences ou convictions. Par exemple, un électeur qui estime que la protection de l'environnement est la question la plus importante pour lui cherchera à voter pour le parti ou le candidat qui propose les politiques environnementales les plus fortes ou les plus efficaces.

Si, par exemple, une personne est favorable à une limitation de l'immigration, il est probable qu'elle vote pour un parti qui soutient des politiques restrictives en matière d'immigration. Pour modéliser cette situation, on peut utiliser des échelles pour évaluer les positions des individus et des partis politiques sur divers enjeux. Une fois ces positions établies, il est alors possible de calculer une "distance" entre l'électeur et chaque parti en fonction de leurs positions respectives sur les enjeux. Ensuite, cette distance peut être utilisée pour estimer la probabilité qu'un électeur vote pour un certain parti, la probabilité étant généralement plus élevée pour les partis qui sont plus proches de l'électeur sur l'échelle des enjeux.

Dans ce modèle, les positions politiques sont représentées dans un espace multidimensionnel, où chaque dimension représente un enjeu politique (par exemple, l'immigration, l'économie, l'environnement, etc.). Les électeurs et les partis politiques sont placés dans cet espace en fonction de leurs positions sur ces enjeux. Ensuite, on suppose généralement que les électeurs vont voter pour le parti le plus proche d'eux dans cet espace, c'est-à-dire le parti dont les positions sur les différents enjeux sont les plus proches de leurs propres positions. Cela permet d'obtenir des prédictions quantitatives sur le comportement électoral. Par exemple, si un électeur se trouve à une certaine distance d'un parti sur l'échelle de l'immigration, on peut calculer la probabilité qu'il vote pour ce parti en se basant sur cette distance.

Le modèle de proximité est un concept majeur en théorie du choix électoral. Il postule que le comportement électoral d'un individu est largement influencé par la proximité entre ses propres vues politiques et celles d'un parti ou d'un candidat sur les enjeux qui sont importants pour cet électeur. En d'autres termes, selon le modèle de proximité, un électeur est plus susceptible de voter pour le parti ou le candidat dont les positions politiques sont les plus proches des siennes, sur les questions qu'il juge importantes. Cette "distance" entre l'électeur et le parti peut être mesurée sur divers enjeux ou dimensions politiques, comme l'économie, l'environnement, l'immigration, etc. Ainsi, plus un parti est "proche" des opinions personnelles de l'électeur sur des enjeux qui lui tiennent à cœur, plus la probabilité que cet électeur vote pour ce parti est élevée, selon le modèle de proximité.

La deuxième hypothèse, étroitement liée à la première, est que les électeurs ont tendance à voter pour le parti qui est perçu comme étant le plus compétent ou le plus engagé sur l'enjeu qu'ils considèrent comme le plus important. C'est ce qu'on appelle le vote basé sur l'enjeu. Selon cette théorie, ce ne sont pas nécessairement les positions des électeurs et des partis sur différents enjeux qui sont décisives, mais plutôt la perception de quel enjeu est actuellement le plus important dans le pays, et quel parti est considéré comme étant le plus capable de gérer cet enjeu. Cela signifie que ce n'est pas tant la position des électeurs et des partis sur différents enjeux qui compte, mais plutôt l'identification de l'enjeu le plus crucial à un moment donné dans le pays. C'est aussi la question de savoir quel parti est associé à cet enjeu, quel parti a acquis au fil des années une réputation d'acteur actif et compétent sur cet enjeu, capable de le gérer et de trouver des solutions. Si cet enjeu devient particulièrement saillant parmi la population, le parti en question pourra en tirer un avantage électoral.

Ce concept est connu sous le nom de "propriété de l'enjeu" ("issue ownership"). En effet, chaque parti essaie de développer sa réputation et ses compétences autour de certains enjeux spécifiques. Par exemple, pour les Verts, c'est le développement de leur réputation de compétence sur les questions environnementales. Pour les socialistes, il s'agit de mettre en avant leur compétence en matière de politique sociale et de redistribution. Pour le PLR, le but est de renforcer leur compétence en matière de politique économique. Quant à l'UDC, leur objectif est de développer des compétences en matière d'immigration, de sécurité et de politique européenne.

Le concept de "propriété de l'enjeu" ("issue ownership") est un aspect essentiel de la politique moderne et du positionnement stratégique des partis politiques. Il repose sur l'idée que chaque parti politique cherche à être associé à des enjeux spécifiques qui sont perçus comme étant importants pour les électeurs. L'idée est de créer une association mentale entre le parti et l'enjeu de telle sorte que lorsque les électeurs pensent à cet enjeu, ils pensent également au parti. Les Verts, par exemple, ont construit leur identité politique autour des questions environnementales. Ils ont cherché à se positionner comme les champions de l'environnement et de la durabilité, et ont fait des efforts pour s'assurer que ces questions soient associées à leur image de marque. En conséquence, les électeurs qui sont particulièrement préoccupés par les questions environnementales penseront probablement aux Verts lorsqu'ils voteront. Le Parti socialiste, d'autre part, a longtemps été associé à la défense des droits des travailleurs et à la redistribution des richesses. Ils ont cultivé une image de défenseurs des classes populaires et de promoteurs de l'égalité sociale. Ainsi, les électeurs qui sont préoccupés par les inégalités sociales et économiques, ou qui sont favorables à une politique de redistribution, sont plus susceptibles de voter pour le Parti socialiste. Le PLR, en revanche, a cherché à se positionner comme le parti de l'économie, mettant l'accent sur les questions de politique économique, de libéralisme et de libre marché. Les électeurs qui sont préoccupés par ces questions sont plus susceptibles de voter pour le PLR. Enfin, l'UDC s'est positionné comme le parti de l'immigration, de la sécurité et de la politique européenne. Les électeurs qui considèrent ces questions comme étant d'une importance particulière sont plus susceptibles de voter pour l'UDC.

La réputation de compétence d'un parti politique sur un certain enjeu, ou sa "propriété de l'enjeu", est généralement stable et difficile à modifier. Cette stabilité découle de plusieurs facteurs. Premièrement, la réputation de compétence d'un parti sur un enjeu donné est souvent le résultat de longues années, voire de décennies, de travail et d'engagement sur cet enjeu. Un parti qui a régulièrement et constamment défendu une certaine position sur un enjeu, ou qui a fait de cet enjeu une partie centrale de son programme politique, a généralement réussi à convaincre les électeurs de sa compétence en la matière. Changer cette perception chez les électeurs prend du temps. Deuxièmement, les partis politiques sont généralement réticents à changer radicalement leur position sur un enjeu, car cela pourrait être perçu comme de l'opportunisme ou de l'inconstance, ce qui pourrait aliéner leur base d'électeurs. C'est pourquoi ils ont tendance à adhérer à des positions et des enjeux de longue date. Cependant, lorsque l'importance perçue d'un certain enjeu augmente parmi les électeurs - peut-être en raison d'événements d'actualité ou de changements sociaux ou économiques - un parti qui a une forte réputation de compétence sur cet enjeu peut en bénéficier électoralement. Par exemple, si l'enjeu de l'environnement devient soudainement beaucoup plus important pour les électeurs, il est probable que les partis écologistes verront leur soutien augmenter.

En 2015, au cœur de la crise migratoire, le sujet de l'immigration et des réfugiés a dominé le débat politique en Suisse, tout comme dans de nombreux autres pays européens. Cela a profité à l'Union démocratique du centre (UDC), qui avait longtemps fait de la limitation de l'immigration un de ses principaux axes politiques. En raison de sa position ferme sur la question et de sa réputation de parti ayant des solutions, même si certaines personnes les considéraient comme simplistes, à la question de l'immigration, l'UDC a pu attirer un grand nombre d'électeurs préoccupés par la crise migratoire. Même sans une campagne électorale intense, l'UDC a réussi à faire valoir son point de vue, car le sujet était constamment présent dans l'actualité. Cela a probablement contribué à leur victoire électorale en octobre 2015.

Source: Nicolet and Sciarini (2010: 451)

Ce graphique provient d'une enquête menée après les élections fédérales de 2007 en Suisse. Dans cette enquête, nous avons systématiquement suivi une certaine méthodologie. Premièrement, nous avons demandé aux répondants d'identifier le problème le plus important auquel la Suisse est confrontée à ce moment-là. C'était une question ouverte, permettant aux gens de répondre librement. Par la suite, nous avons regroupé ces réponses en différentes catégories pour faciliter l'analyse. Ensuite, nous avons posé une question de suivi : "Selon vous, quel parti est le plus à même de résoudre le problème X que vous avez identifié ?". Cela nous a permis de comprendre quel parti les électeurs associaient à la capacité de résoudre les problèmes spécifiques qu'ils avaient identifiés. Dans une autre section du questionnaire, nous avons demandé aux répondants pour quel parti ils avaient voté lors des élections. En combinant ces trois éléments d'information - le problème le plus important, le parti considéré comme le plus compétent pour résoudre ce problème et le vote effectif - nous pouvons comprendre comment les perceptions des problèmes et des compétences du parti ont influencé le comportement de vote.

Ce graphique comprend l'ensemble des personnes interrogées, soit 1716 personnes. Ces individus ont tous participé aux élections et ont choisi un parti. Sur la première ligne du tableau, nous avons réparti les réponses à la première question, qui était ouverte. Pour 35% des répondants, l'immigration, la sécurité et l'intégration des réfugiés étaient les problèmes les plus importants. Pour 16% des personnes, c'était l'environnement. Pour 31% des répondants, leur principale préoccupation concernait l'économie et l'état de la sécurité sociale. Si on additionne ces pourcentages, on n'atteint pas 100%. La raison en est simple : il y a d'autres problèmes importants que les répondants ont mentionnés, mais qui ne sont pas inclus dans ce tableau.

La deuxième ligne du tableau se concentre sur le parti que les répondants estiment le plus compétent pour résoudre le problème qu'ils ont identifié. Ces pourcentages sont calculés sur la base des personnes qui ont répondu. Par exemple, sur les 35% qui ont identifié "l'immigration" comme un problème majeur, une bonne partie, soit 27%, a indiqué que l'UDC (Union démocratique du centre) ou le PS (Parti socialiste) était le plus compétent pour le résoudre. Plus précisément, 75% des personnes qui ont cité "l'immigration" comme un problème majeur estiment que l'UDC est le plus compétent pour s'attaquer à ce problème. Enfin, sur la dernière ligne, nous examinons ce que ces personnes ont réellement voté. Par exemple, 17% des 1716 personnes qui ont répondu ont déclaré avoir voté pour l'UDC, car ils considèrent que ce parti est le plus compétent pour gérer l'immigration, qui est leur problème principal.

Ces données ne fournissent pas nécessairement une preuve directe d'un lien de causalité entre le problème identifié, la perception de la compétence d'un parti pour le résoudre, et le vote réel. Cependant, elles indiquent une corrélation entre ces éléments. Plus précisément, elles montrent que l'importance de l'enjeu "immigration" et la perception de la compétence de l'UDC pour le traiter pourraient avoir influencé le vote en faveur de l'UDC. Cela ne signifie pas que tous ceux qui ont identifié l'immigration comme un problème majeur et ont considéré l'UDC comme compétent dans ce domaine ont voté pour l'UDC, mais il est probable qu'il existe une certaine tendance ou influence dans cette direction.

L'Union Démocratique du Centre (UDC), avec son discours populiste et son accent sur des questions telles que l'immigration, l'indépendance nationale et la sécurité, a eu une influence marquée sur la politique suisse au cours des deux dernières décennies. Cela a suscité beaucoup de recherches et d'analyses, tant au niveau national qu'international, pour comprendre comment et pourquoi l'UDC a gagné en influence et comment cela a changé le paysage politique suisse. Ces recherches ont examiné divers aspects, notamment les stratégies électorales de l'UDC, sa communication et sa rhétorique, ainsi que le contexte socio-économique plus large dans lequel elle a réussi à prospérer.

Exploitation du Potentiel Électoral[modifier | modifier le wikicode]

Premièrement, la position socioprofessionnelle ou de classe a été identifiée comme un facteur clé influençant le vote pour l'UDC. Certaines classes sociales peuvent se sentir plus attirées par le discours de l'UDC, particulièrement celles qui se sentent menacées par l'immigration ou la mondialisation. Deuxièmement, les enjeux spécifiques, notamment l'immigration, jouent un rôle majeur. L'UDC a réussi à se positionner comme le parti le plus compétent pour gérer les questions d'immigration, de sécurité et de souveraineté nationale. Lorsque ces questions deviennent saillantes dans le débat public, l'UDC en bénéficie, car une part significative des électeurs perçoit ce parti comme le plus à même de traiter ces problématiques. Ces deux facteurs, combinés à d'autres éléments tels que la communication efficace du parti et son utilisation habile de la rhétorique populiste, contribuent à expliquer la montée et le succès de l'UDC dans le paysage politique suisse. Un troisième type d’explication fait référence aux stratégies du parti et aux effets de ces stratégies en termes de mobilisation.

L'UDC a su utiliser de puissantes stratégies de mobilisation pour toucher son électorat et l'encourager à voter. Même si nous n'analysons pas directement ces stratégies, nous pouvons observer leurs effets manifestes à travers les résultats des élections et les données des sondages. Un aspect crucial de la réussite de l'UDC réside dans sa capacité à galvaniser et mobiliser efficacement son électorat. L'impact de cette mobilisation peut être clairement observé dans l'augmentation du soutien pour l'UDC au fil des années, ce qui témoigne de l'efficacité de leurs stratégies. Par exemple, l'UDC a su susciter l'enthousiasme de ses électeurs en se concentrant sur des enjeux importants et actuels, tels que l'immigration et la sécurité, et en proposant des solutions simples et directes à ces problèmes. De plus, le parti a réussi à maintenir une communication constante avec son électorat, à la fois durant les campagnes électorales et en dehors, renforçant ainsi son soutien. Même si l'analyse des méthodes spécifiques employées par l'UDC pour atteindre cet objectif dépasse le cadre de cette discussion, il est clair que leur capacité à mobiliser efficacement leurs électeurs a joué un rôle crucial dans leur succès continu.

La question « pour quel parti avez-vous voté » est fondamentale pour comprendre les tendances électorales. Cependant, il existe d'autres méthodes pour recueillir des informations sur les préférences politiques sans se limiter uniquement au vote réel. Par exemple, une approche consiste à demander aux participants de noter leur degré de sympathie pour différents partis politiques sur une échelle de 1 à 10. Cela permet de comprendre non seulement le choix électoral des personnes, mais aussi leur proximité idéologique avec les autres partis. Une autre mesure consiste à demander aux participants s'ils se considèrent proches d'un parti particulier, même s'ils ne votent pas toujours pour ce parti. Cela peut révéler des affinités partisanes qui ne se traduisent pas nécessairement par un vote lors des élections. Il est également possible de poser des questions sur les attitudes des participants à l'égard des questions politiques spécifiques pour déterminer leur alignement idéologique. Par exemple, leur opinion sur des questions telles que l'immigration, l'économie, l'environnement, peut indiquer vers quel parti ils sont susceptibles de pencher. Ces approches fournissent une image plus nuancée des préférences partisanes, offrant ainsi une compréhension plus riche et plus complexe des comportements électoraux.

Le fait de se concentrer uniquement sur le choix électoral d'un individu peut limiter notre compréhension de ses préférences politiques globales. Si une personne dit qu'elle a voté pour l'UDC, cela ne nous donne pas d'informations sur sa disposition envers les autres partis. Par exemple, cette personne aurait pu être également encline à voter pour le PLR, mais a finalement choisi l'UDC. De la même façon, une personne qui a voté pour les Verts pourrait avoir également considéré le Parti Socialiste comme une option viable. Une fois qu'elle a déclaré avoir voté pour les Verts, nous perdons toute information sur ses autres préférences potentielles. C'est pourquoi il est utile d'utiliser des mesures complémentaires pour explorer les préférences partisanes, comme évoqué précédemment. En demandant aux gens d'évaluer leur sympathie pour différents partis sur une échelle, ou de dire s'ils se sentent proches de plus d'un parti, on peut obtenir une image plus complète de leur paysage politique personnel. Cela peut aider à révéler des nuances dans leurs préférences et à identifier des tendances qui ne sont pas immédiatement apparentes à travers le vote.

Ce que nous faisons est d'employer une méthode qui interroge sur tous les partis. Cette méthode est nommée la mesure de probabilité de vote. Dans l'enquête, nous proposons une échelle de 0 à 10, demandant aux gens d'évaluer la probabilité qu'un jour ils voteraient pour un certain parti. La même question est posée pour tous les principaux partis politiques, ce qui donne une perspective comparative. Ainsi, nous avons des informations non seulement sur le parti que la personne a choisi, mais aussi sur les autres partis qu'elle n'a pas choisis. Cela permet de comparer les partis de manière beaucoup plus détaillée que la simple question du "choix électoral".

Après avoir demandé à tous les participants à l'enquête quelle est leur probabilité de voter un jour pour les principaux partis présents dans leur canton par exemple, nous pouvons alors calculer la probabilité moyenne de voter pour un parti spécifique. C'est assez simple, cela implique juste de sommer et de moyenner les probabilités. On additionne les scores de chaque répondant et on divise par le nombre total de répondants. Ce que nous obtenons, c'est la probabilité moyenne de voter pour un parti, ce qui peut être considéré comme le potentiel électoral du parti. Cette opération peut être réalisée pour chaque parti séparément.

Ensuite, en utilisant ces données, on peut calculer ce qu'on appelle le taux de concrétisation ou le taux d'exploitation du potentiel électoral. Ce calcul se fait en créant un simple ratio entre la force électorale réelle d'un parti, c'est-à-dire le pourcentage de voix que le parti a reçu, et son potentiel électoral, tiré de l'enquête, qui est la probabilité moyenne de voter pour ce parti. Le taux ainsi obtenu donne une mesure de la capacité des partis à transformer leur potentiel électoral en soutien réel.

Potentiel Électoral des Partis et Probabilité Moyenne de Vote[modifier | modifier le wikicode]

Commençons par le potentiel électoral mesuré dans les enquêtes, autrement dit la probabilité moyenne de voter pour l’un ou l’autre parti.

Source: Données Selects (mes calculs (M. Sciarini), N=4064-4261)

Ce graphique, basé sur des enquêtes réalisées à la suite des élections fédérales de 1995, 1999, 2003, 2007 et 2011, illustre la probabilité moyenne de voter pour chaque parti, c'est-à-dire le potentiel électoral de chaque parti. Il est évident que pour tous les partis, le potentiel électoral est beaucoup plus élevé que leur force électorale réelle.

Considérons l'exemple des Verts : ils ont un potentiel électoral de 44%, ce qui signifie qu'en moyenne, dans l'ensemble de l'échantillon, la probabilité qu'un individu vote pour les Verts est de 4,4 sur 10. En termes de pourcentage, cela représente 44%. Cependant, à la fin de 2015, les Verts n'obtiennent réellement que 7% ou 8% des votes. C'est l'exemple le plus flagrant de l'écart entre le potentiel électoral et la performance électorale effective d'un parti. Il est important de souligner que la large différence entre le potentiel électoral et les votes réels obtenus par les Verts peut être expliquée par deux facteurs. Le premier est que ce graphique prend en compte l'ensemble de l'électorat, y compris ceux qui ne votent pas. Parmi ceux-ci, nombreux sont les jeunes qui ont une préférence pour les Verts. L'attrait des Verts pour les jeunes gonfle donc leur potentiel électoral, mais ne se traduit pas en votes, car les jeunes ont tendance à voter moins souvent. Le second facteur est la concurrence entre les Verts et le Parti Socialiste. Ces deux partis se disputent une grande partie du même électorat potentiel, mais au bout du compte, les électeurs ont tendance à voter plus souvent pour le Parti Socialiste que pour les Verts.

Il y a deux points importants à retenir. Tout d'abord, bien que le potentiel de vote soit nettement supérieur au vote effectif, les deux sont fortement corrélés. En effet, la corrélation entre le potentiel de vote et le vote effectif au niveau individuel est de 0,8 voire 0,9, ce qui montre une relation très étroite. Deuxièmement, bien que le potentiel de vote fluctue légèrement d'une enquête à l'autre, il ne change pas de manière significative. Il y a eu une certaine baisse du potentiel pour les socialistes, mais ils ont réussi à récupérer une partie de celui-ci en 2011. D'après ces mesures, les deux partis de gauche, les Verts et le Parti socialiste, ont le potentiel électoral le plus élevé.

Le principal point à retenir de ce graphique concerne l'UDC. Comme on peut le voir, leur potentiel électoral est stable et relativement faible, ne dépassant jamais 40%. Cela signifie que le potentiel électoral de l'UDC est à la fois assez stable et parmi les plus faibles de tous les partis ici considérés, y compris les partis plus récents tels que le BBD et les Verts libéraux. Ce que nous pouvons conclure de cette analyse, c'est que la réussite de l'UDC ne peut pas être attribuée à une croissance de son potentiel électoral - en fait, ce potentiel est resté constant et a même légèrement diminué en 2011 par rapport à 2007. L'élément clé à retenir ici est que le potentiel de l'UDC ne s'est pas accru et reste relativement faible. C'est plutôt surprenant lorsqu'on compare cela à la trajectoire électorale ascendante marquée de l'UDC.

Taux d'Exploitation du Potentiel Électoral[modifier | modifier le wikicode]

Ce graphique illustre le taux de concrétisation du potentiel. Autrement dit, c’est le ratio entre la force électorale et le potentiel du parti.

*mes calculs = M. Sciarini

Ce que nous observons ici est une augmentation significative et constante du taux de concrétisation de l'UDC. En 1995, 1999, 2003, et même en 2011, l'UDC a su améliorer presque systématiquement sa capacité à mobiliser son électorat potentiel. C'est cette capacité qui explique largement le succès de l'UDC. Il ne s'agit pas d'une augmentation de la popularité de l'UDC au sein de l'électorat - le parti demeure à peu près aussi populaire qu'il l'était il y a vingt ans, c'est-à-dire, pas très populaire. Cependant, les électeurs qui envisagent de voter pour l'UDC le font beaucoup plus souvent que pour les autres partis. Le taux de concrétisation des autres partis dépasse à peine les 40%, et même moins de 20% pour les Verts, ce qui contraste fortement avec ce que l'on observe pour l'UDC.

En effet, l'ascension de l'UDC au cours des deux dernières décennies peut principalement être attribuée à son habileté grandissante à mobiliser ses électeurs, bien que son électorat potentiel soit resté relativement constant. L'UDC semble avoir réussi à galvaniser ses "amis" pour qu'ils votent pour lui plus régulièrement ou en plus grand nombre, même si le nombre global de ses "amis" n'a pas augmenté. Il est clair que le parti a réussi à mobiliser efficacement son électorat potentiel et à le convertir en votes effectifs. Cela montre aussi l'importance de la mobilisation des électeurs dans la réussite d'un parti politique.

Comparaison de l'Ouverture Électorale[modifier | modifier le wikicode]

Ces dernières années, plusieurs pays en Europe ont connu une montée significative des partis populistes. Ce phénomène est souvent attribué à une variété de facteurs économiques, sociaux et politiques.

Sciarini ouverture comparative élections au Parlement européen de 2014.png

Ce tableau cherche à montrer les analogies qu’il y a entre les familles de parti. Il y a une tendance générale à travers l'Europe vers une montée du populisme, comme le montrent ces chiffres. Les partis populistes de droite ont gagné en popularité dans de nombreux pays, souvent en mettant l'accent sur des thèmes tels que l'immigration, le nationalisme et l'opposition à l'intégration européenne. Ces chiffres soulignent la montée du populisme à travers l'Europe, où de nombreux partis populistes de droite ont réussi à capter une part importante des votes. Voici un peu plus de contexte sur chacun de ces partis :

  • Le Front National (FN) en France, maintenant connu sous le nom de Rassemblement National, est un parti d'extrême droite dirigé par Marine Le Pen. Il a remporté 25% des voix aux élections européennes de 2014. Le parti est surtout connu pour ses positions dures sur l'immigration et le nationalisme.
  • Le Parti de la liberté en Autriche, dirigé par Heinz-Christian Strache à l'époque, a remporté 20% des voix aux élections européennes de 2014. Le parti s'est prononcé contre l'immigration et l'islam et a plaidé pour une Autriche souveraine.
  • Le UKIP au Royaume-Uni a remporté 28% des voix aux élections européennes de 2014. Le parti, principalement connu pour son soutien à la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne (Brexit), a capitalisé sur le mécontentement à l'égard de l'UE et les préoccupations concernant l'immigration.
  • Le mouvement Cinq Étoiles en Italie a remporté 21% des voix aux élections européennes de 2014. Bien qu'il soit plus difficile à classer sur l'échelle politique traditionnelle, le parti s'est opposé à l'establishment politique et a soutenu des initiatives populistes telles que le revenu de base universel.
  • Le Parti populaire danois a remporté 27% des voix aux élections européennes de 2014. Il a fait campagne sur des questions d'immigration et de souveraineté nationale.
  • Le Parti pour la liberté aux Pays-Bas, dirigé par Geert Wilders, a remporté 13% des voix. Le parti est connu pour ses positions anti-islam et anti-immigration.
  • En Suède, le parti des Démocrates de Suède a remporté près de 10% des voix aux élections européennes de 2014. C'est un parti nationaliste de droite qui s'oppose à l'immigration et prône le conservatisme social.

Ces résultats témoignent de la montée du populisme de droite en Europe, avec des thèmes communs de l'opposition à l'immigration, de scepticisme à l'égard de l'UE et de rejet de l'establishment politique. La montée du populisme de droite et des partis politiques similaires à l'Union Démocratique du Centre (UDC) n'est pas un phénomène limité à la Suisse. Dans de nombreux pays européens, on observe une tendance similaire. Par exemple, en France, le Rassemblement National (anciennement Front National) a gagné en popularité au cours des dernières décennies. Ce parti, qui prône le nationalisme, l'anti-immigration et le scepticisme à l'égard de l'Union européenne, a connu un succès significatif dans les urnes. De même, en Autriche, le Parti de la liberté (FPÖ), qui partage de nombreuses caractéristiques avec l'UDC, a été un acteur majeur de la politique autrichienne au cours des dernières années. Il a fait partie du gouvernement de coalition de 2017 à 2019. Au Royaume-Uni, le UK Independence Party (UKIP) et plus récemment le Brexit Party ont remporté un soutien significatif avec un programme de rejet de l'Union européenne, de contrôle de l'immigration et de protection des intérêts britanniques. Tous ces partis ont réussi à mobiliser un électorat qui se sent délaissé par les partis traditionnels, et qui est préoccupé par des questions telles que l'immigration, la souveraineté nationale et la mondialisation. C'est un phénomène qui a des implications significatives pour la politique européenne et qui est susceptible de continuer à jouer un rôle important dans les années à venir.

Sciarini 2015 ouverture comparative élections parlementaires nationale.png

Les résultats électoraux peuvent varier considérablement en fonction du type d'élection. Il y a plusieurs raisons à cela. Premièrement, il y a la question de la participation. En général, la participation aux élections européennes est nettement plus faible que celle aux élections nationales. Cela peut favoriser les partis politiques avec un électorat dévoué et motivé, comme c'est souvent le cas des partis populistes. Deuxièmement, les enjeux des élections peuvent jouer un rôle important. Les élections européennes portent souvent sur des questions de souveraineté nationale et d'intégration européenne, des thèmes qui sont au cœur de l'agenda des partis populistes. Par conséquent, ces partis peuvent avoir plus de succès aux élections européennes qu'aux élections nationales. Troisièmement, il y a le facteur du système électoral. Par exemple, en France, le système électoral pour les élections législatives est un scrutin majoritaire à deux tours, ce qui peut rendre plus difficile pour les partis minoritaires d'obtenir des sièges. Au contraire, les élections européennes sont organisées selon un système de représentation proportionnelle, ce qui favorise une plus grande diversité de partis. Ces facteurs, parmi d'autres, peuvent expliquer pourquoi un parti comme le Front National en France peut obtenir des résultats très différents d'une élection à l'autre..

Les élections européennes sont souvent considérées comme des élections de "deuxième ordre" car elles ont tendance à attirer moins d'attention et à avoir un taux de participation plus faible que les élections nationales majeures, comme les élections législatives ou présidentielles. En raison de cette perception, les électeurs peuvent être plus enclins à utiliser leur vote pour exprimer leur mécontentement à l'égard du gouvernement en place, au lieu de se concentrer sur les enjeux spécifiques de l'élection européenne. Cela peut souvent se traduire par un soutien accru pour les partis d'opposition ou les partis populistes, ce qui pourrait expliquer certaines des performances exceptionnelles du Front National et d'autres partis similaires lors des élections européennes. Cependant, bien qu'elles soient parfois perçues comme moins importantes, les élections européennes peuvent néanmoins avoir un impact significatif, notamment en influençant la composition du Parlement européen et en façonnant les politiques et les décisions à l'échelle de l'UE. Par conséquent, il est crucial de ne pas minimiser leur importance.

Les partis populistes ou "mécontents" peuvent bénéficier d'un soutien plus fort lors des élections de deuxième ordre, comme les élections européennes. Les électeurs peuvent être plus enclins à exprimer leur mécontentement envers le gouvernement en place ou à exprimer des points de vue plus radicaux qu'ils ne le feraient dans le cadre d'élections nationales majeures. Cependant, il est également important de noter que le succès de ces partis lors d'élections majeures nationales, avec les exemples du FPE en Autriche, du Cinque Stelle en Italie, et du Parti populaire au Danemark, montre qu'il s'agit d'un phénomène politique significatif qui va au-delà des seules élections de deuxième ordre. Cela peut être indicatif de sentiments plus larges de mécontentement, de frustration ou d'aliénation parmi certains segments de la population, qui peuvent être attirés par les discours et les politiques de ces partis. Il est donc essentiel pour les chercheurs, les décideurs politiques et les observateurs de prendre en compte ces tendances lorsqu'ils analysent le paysage politique actuel.

Étude de Cas 3 : Influence du Sexe et de l'Âge sur la Participation Politique[modifier | modifier le wikicode]

L'analyse de la participation électorale est une autre facette de l'étude du comportement électoral. Dans l'ordre des choses, l'acte de participation précède le choix électoral. Par conséquent, il est crucial de comprendre en premier lieu les raisons pour lesquelles les électeurs décident ou non de se rendre aux urnes avant d'examiner leurs préférences de vote. De manière logique, l'objectif initial est de déchiffrer qui participe aux élections, qui s'abstient et pour quelles raisons, avant de s'intéresser aux partis ou candidats pour lesquels ils votent.

Analyse comparative[modifier | modifier le wikicode]

Sciarini 2015 taux de participation aux élections et votations fédérales 1.png

Ce premier graphique illustre l'évolution du taux de participation aux élections et aux votations fédérales en Suisse de 1919 à 2015. En d'autres termes, il représente le pourcentage de la population éligible qui a voté lors des élections et votations fédérales depuis la fin de la Première Guerre mondiale.

Le graphique montre une baisse significative de la participation à la fois aux élections (indiquées en rouge) et aux votations (indiquées en noir). Après la Première Guerre mondiale, la participation aux élections était de 80% mais a décliné constamment jusqu'à atteindre un creux de moins de 45% en 1995. Pour les votations, la participation était plus faible et plus variable, mais nous observons une tendance similaire entre les années 1940 et 1970, culminant à une participation moyenne de 40% à la fin des années 1970.

Pour les élections, le taux de participation correspond à celui de l'élection de l'année en cours. Par contre, pour les votations, le taux représente la moyenne de la participation sur l'ensemble des votations qui se sont déroulées durant une période de quatre ans. En Suisse, les votations fédérales ont lieu quatre fois par an. Ainsi, pour obtenir le taux de participation sur une période de quatre ans, il faut calculer la moyenne de participation durant cette période. C'est cette méthodologie qui permet de tracer et de comparer ces deux courbes.

On observe une tendance à la baisse de la participation électorale qui a atteint son point le plus bas dans les années 1990 pour les élections, puis une légère remontée depuis 1995, avec une stabilisation lors des trois derniers scrutins. Ainsi, pour l'élection du 18 octobre 2015, le taux de participation était d'environ 43,8%, similaire aux élections de 2011 et 2007 où il était un peu en dessous de 48%. Concernant les votations, le taux de participation se stabilise également autour de 43% lors des trois dernières périodes observées.

La participation électorale est un indicateur essentiel de l'engagement civique et de la santé démocratique d'une société. Une forte participation est généralement interprétée comme un signe de légitimité du gouvernement élu et de confiance dans le système politique. De même, une faible participation peut indiquer un mécontentement à l'égard des options politiques disponibles, une méfiance à l'égard du système politique, ou un manque d'intérêt pour la politique. Dans le contexte suisse, nous avons observé une tendance générale à la baisse de la participation électorale tout au long du XXe siècle, avec un point bas atteint dans les années 1990. Cette tendance peut être attribuée à un certain nombre de facteurs. L'un d'eux peut être le sentiment parmi certains électeurs que leurs voix n'ont pas d'impact significatif sur les résultats des élections. Cela peut être particulièrement le cas dans un système politique consensuel comme celui de la Suisse, où les principaux partis sont souvent amenés à gouverner ensemble dans des coalitions. En outre, les changements sociaux, tels que l'urbanisation et l'augmentation du temps de travail, peuvent également contribuer à la baisse de la participation électorale. Les individus peuvent se sentir déconnectés de leur communauté locale et donc moins enclins à participer au processus électoral. Cependant, depuis 1995, nous avons observé une légère augmentation de la participation électorale, suivie d'une stabilisation lors des trois derniers scrutins. Cela pourrait être interprété comme un signe de regain d'intérêt pour la politique, peut-être stimulé par des questions politiques d'importance nationale ou par des campagnes efficaces pour encourager la participation électorale. Par rapport aux élections, le taux de participation aux votations - où les citoyens sont appelés à se prononcer directement sur des questions spécifiques - a également connu une tendance à la baisse, mais s'est stabilisé autour de 43% lors des trois dernières périodes observées. Cela pourrait indiquer que, bien que la participation électorale ait diminué, l'engagement des citoyens à l'égard de questions politiques spécifiques reste relativement stable.

L’image générale qui se dégage est une forte baisse de la participation et la question que l’on doit se poser est de savoir d’où vient cette forte baisse de la participation.

Nous allons nous concentrer sur deux facteurs qui peuvent nous aider à comprendre la participation politique qui sont deux facteurs qui permettent d’expliquer la participation et l’abstention, ce sont deux facteurs assez fondamentaux que sont le sexe et l’âge. Le sexe et l'âge sont deux facteurs déterminants lorsqu'il s'agit d'analyser le comportement électoral et la participation politique. Voici une analyse succincte de ces deux éléments :

  • Sexe : Historiquement, les différences de participation entre les sexes ont été significatives dans de nombreux pays, bien que cette tendance ait changé au fil du temps. Dans le passé, les hommes étaient généralement plus susceptibles de voter que les femmes, mais cette tendance s'est estompée dans de nombreux contextes, et dans certains pays, les femmes sont maintenant plus susceptibles de voter que les hommes. Cependant, il existe toujours des différences significatives dans le choix du parti ou les préférences politiques entre les hommes et les femmes.
  • Âge : La participation électorale varie souvent considérablement selon les groupes d'âge. En règle générale, les jeunes adultes sont moins susceptibles de voter que leurs aînés, bien que cette tendance puisse varier en fonction du contexte politique et de l'importance perçue de l'élection. Les personnes plus âgées ont généralement une plus grande expérience de la politique, une plus grande stabilité résidentielle et sont plus susceptibles d'avoir des liens avec des organisations communautaires ou politiques, ce qui peut les encourager à voter.

Ces deux facteurs peuvent se combiner de différentes façons pour influencer le comportement électoral. Par exemple, les jeunes femmes peuvent avoir des taux de participation différents de ceux des femmes plus âgées, ou des hommes du même âge. Il est important de considérer ces interactions lors de l'analyse de la participation électorale.

Sciarini 2015 taux de participation aux élections fédérales de 1995 à Genève.png

Ces chiffres de participation aux élections fédérales spécifiques au canton de Genève sont particulièrement précieux pour une analyse détaillée des comportements électoraux. Le fait que ces données soient réelles, plutôt que basées sur des sondages ou des enquêtes, donne une image plus précise et fiable de la participation électorale. Depuis 1995, le canton de Genève a pris l'initiative de recueillir et d'archiver numériquement les données sur la participation de tous ses citoyens. Cela permet une observation directe de l'évolution de la participation électorale au fil du temps. Il serait intéressant d'examiner ces chiffres en détail pour identifier des tendances ou des changements dans le comportement des électeurs. On peut analyser ces données en fonction de divers facteurs tels que l'âge, le sexe, le lieu de résidence, la profession, le niveau d'éducation, etc. pour avoir une compréhension plus approfondie des facteurs qui influencent la participation électorale. Ces données pourraient également être utiles pour évaluer l'efficacité de diverses initiatives visant à augmenter la participation électorale.

La courbe de participation représentée pour les élections fédérales de 1995 ressemble à un exemple classique, presque parfait, de ce à quoi on s'attendrait. Elle offre une représentation réaliste de la participation électorale dans la population. C'est une illustration vivante de la participation électorale en action, démontrant clairement comment elle varie selon différents groupes d'âge ou d'autres catégories démographiques. L'interprétation de cette courbe peut révéler des tendances importantes en matière de participation électorale. Par exemple, elle pourrait indiquer quels groupes d'âge sont les plus susceptibles de voter, ou quels segments de la population pourraient nécessiter davantage de sensibilisation ou d'éducation à l'importance du vote.

Cette courbe est idéale pour démontrer la tendance de la participation électorale en fonction de l'âge. Au moment où les jeunes atteignent l'âge de 18 ans et acquièrent le droit de vote, on constate un pic de participation plus élevé que dans la tranche d'âge de 20 à 25 ans. Cette augmentation peut s'expliquer par l'enthousiasme de l'exercice d'un nouveau droit. La courbe montre ensuite une forme de "U". Le creux de la participation est situé entre 20 et 29 ans, après quoi la participation augmente presque linéairement avec l'âge jusqu'à atteindre un pic entre 65 et 69 ans. Au-delà de cet âge, la participation commence à diminuer assez considérablement. Cela montre une tendance intéressante selon laquelle les personnes d'âge moyen et les personnes âgées sont plus susceptibles de participer aux élections que les jeunes adultes. Cela peut s'expliquer par plusieurs facteurs, tels que l'augmentation de l'intérêt pour la politique avec l'âge, une plus grande stabilité dans la vie qui donne plus de temps pour la participation civique, ou une conscience accrue de l'importance du vote. À l'inverse, la baisse de la participation chez les personnes très âgées peut être attribuée à des facteurs tels que les problèmes de santé ou la difficulté d'accès aux bureaux de vote.

Sciarini 2015 taux de participation aux élections fédérales de 2015 à Genève.png

Si nous réexaminons les mêmes données pour l'année 2015, nous observons une courbe similaire à celle de 1995, avec le même mouvement général. La chute initiale de la participation est cependant un peu moins prononcée, et le taux de participation ne tombe pas en dessous de celui des plus jeunes comme c'était le cas dans le graphique précédent. Cela est principalement dû à la manière dont les groupes d'âge ont été regroupés dans ce graphique : alors que dans le graphique précédent, nous avions des catégories d'âge allant jusqu'à 90 ans et plus, dans ce graphique, toutes les personnes âgées de 85 ans et plus sont regroupées dans une seule et même catégorie. Cela a pour effet de relever la moyenne du taux de participation, car il est généralement admis que les personnes âgées ont tendance à voter plus régulièrement que les groupes d'âge plus jeunes. Cependant, l'aspect général de la courbe reste le même, montrant une participation initialement élevée parmi les jeunes qui viennent d'acquérir le droit de vote, une baisse parmi les jeunes adultes, puis une augmentation constante avec l'âge jusqu'à un pic dans la vieillesse, avant de redescendre parmi les personnes très âgées.

Une tendance intéressante se dégage de ces deux graphiques. Auparavant, le pic de participation était atteint entre 65 et 75 ans pour les hommes. Cependant, en 2015, le sommet de la participation a été atteint chez les hommes âgés de 75 à 79 ans et chez les femmes âgées de 70 à 74 ans. Il semble donc qu'il y ait une tendance à voter de plus en plus tard dans la vie, ce qui serait cohérent avec l'augmentation de l'espérance de vie. En vieillissant, les gens restent en meilleure santé et plus actifs, ce qui leur permet de rester engagés et de continuer à voter plus longtemps qu'auparavant. Cela suggère que l'âge a un impact significatif sur le taux de participation aux élections. Cela peut s'expliquer par le fait que les personnes âgées ont souvent plus de temps libre pour s'informer et s'engager dans le processus politique, et qu'elles sont également plus susceptibles de ressentir l'impact des politiques gouvernementales sur leur vie quotidienne. En outre, le vote est parfois perçu comme un devoir civique, un sentiment qui peut se renforcer avec l'âge.

Les graphiques montrent une tendance claire en ce qui concerne la différence de participation entre les sexes. Que ce soit en 1995 ou en 2015, les jeunes femmes ont tendance à participer plus que les jeunes hommes. Après l'âge de 20 à 24 ans, où les taux de participation des hommes et des femmes sont presque identiques, la différence de participation entre les sexes tend à augmenter avec l'âge. Cet écart est particulièrement prononcé chez les personnes les plus âgées. Par exemple, chez les personnes âgées de 85 à 89 ans, le taux de participation est d'environ 40% chez les femmes, contre plus de 30% chez les hommes. Chez les personnes de 85 ans et plus, l'écart est encore plus grand, avec un taux de participation de 40% chez les femmes contre plus de 55% chez les hommes. Il peut y avoir plusieurs explications à cette différence. Les femmes peuvent être plus susceptibles que les hommes de s'engager dans le processus politique et de voter. Il est également possible que les hommes soient plus susceptibles de s'abstenir de voter en raison de divers facteurs, tels que des perceptions négatives de la politique ou un manque de confiance dans le système politique. Il peut également y avoir des facteurs socioculturels à l'œuvre, avec des attitudes différentes envers le vote et la participation politique entre les sexes.

Ces graphiques montrent que l'âge et le sexe sont deux facteurs clés dans la participation électorale. Tandis que la différence de participation entre les hommes et les femmes est minime chez les jeunes électeurs, cet écart tend à augmenter avec l'âge. La participation électorale augmente généralement avec l'âge, un schéma qui se reflète chez les hommes et les femmes. Cependant, l'écart de participation entre les sexes s'élargit à mesure que les groupes d'âge augmentent. Cela peut suggérer que les facteurs socioculturels ou les conditions de vie, qui peuvent varier avec l'âge, jouent un rôle dans cette divergence. Il est également intéressant de noter que, bien que les taux de participation augmentent avec l'âge, ce n'est pas toujours le cas. Par exemple, chez les femmes, la participation tend à atteindre son sommet entre 70 et 74 ans, puis à diminuer légèrement. Cette analyse souligne l'importance de prendre en compte les deux facteurs - l'âge et le sexe - lors de l'étude des comportements électoraux. Il ne suffit pas de regarder l'un sans tenir compte de l'autre, car ils interagissent clairement pour influencer le taux de participation électorale.

Nous allons maintenant essayer d’expliquer pourquoi il y a cette différence de participation en fonction de l’âge d’une part et en fonction du sexe d’autre part.

Influence du Genre sur la Participation Politique[modifier | modifier le wikicode]

Il y a d’abord des facteurs de type sociostructurel qui ont historiquement expliqué le différentiel de participation entre homme et femme.

Le premier facteur sociostructurel est la moindre intégration sociale et professionnelle de femmes. Cette théorie suggère qu'une intégration sociale et professionnelle accrue entraîne une plus grande participation politique. L'intégration sociale peut inclure un sentiment d'appartenance à une communauté, la capacité de comprendre et de participer à la vie sociale de cette communauté, et l'engagement dans des activités qui aident à renforcer les liens sociaux au sein de la communauté. L'intégration professionnelle, quant à elle, peut inclure des facteurs tels que l'emploi stable, l'accès à l'éducation et la formation, et la possibilité de progresser professionnellement. Le fait que les femmes étaient historiquement moins intégrées socialement et professionnellement que les hommes (en raison de facteurs tels que l'emploi du temps familial, les attentes sociétales et les inégalités professionnelles) aurait eu un impact sur leur engagement politique. Selon cette perspective, l'intégration sociale et professionnelle des femmes était limitée, ce qui pourrait expliquer en partie pourquoi elles étaient moins susceptibles de participer à la politique. C'est un point de vue qui met en évidence l'importance de l'égalité des genres dans tous les domaines de la vie, y compris dans le monde du travail et la vie sociale, afin de promouvoir une participation politique plus équilibrée.

Il est vrai que les femmes ont une espérance de vie généralement plus longue que celle des hommes, ce qui signifie qu'elles sont plus susceptibles de se retrouver veuves à un certain moment de leur vie. L'isolement social qui peut découler du veuvage peut potentiellement limiter la participation politique. En effet, la perte du conjoint peut entraîner une réduction des interactions sociales et une diminution de l'exposition à diverses opinions politiques, deux facteurs qui peuvent à leur tour réduire l'intérêt et l'engagement envers la politique. De plus, les veuves peuvent également être confrontées à des difficultés économiques, ce qui pourrait les rendre moins susceptibles de participer activement à la vie politique. Ces facteurs socio-structurels pourraient expliquer pourquoi les femmes, et en particulier les femmes âgées, participent moins à la politique.

En 2015, dans la catégorie des veufs, il y a 80% de femmes et 20% d’hommes. Dans la population, en général, il y a 51% de femmes et 49% d’hommes alors que dans le veuvage, il y a 80% de femmes et de 20% d’hommes. Cela explique en partie ce décrochage parce que le veuvage est un facteur puissant d’isolement social. Cette disparité, avec un nombre beaucoup plus élevé de femmes veuves que d'hommes, est sans doute due à la différence d'espérance de vie entre les sexes. Les femmes vivent en moyenne plus longtemps que les hommes, ce qui signifie qu'elles sont plus susceptibles de survivre à leur conjoint et de devenir veuves. L'isolement social qui découle souvent du veuvage peut être un obstacle à la participation politique. Les individus qui sont socialement isolés ont moins d'occasions d'interagir avec d'autres personnes et d'être exposés à différentes idées et opinions politiques, ce qui peut réduire leur intérêt pour la politique et leur volonté de participer à des élections. Il est important de souligner que cette situation peut être exacerbée pour les femmes âgées, qui sont déjà confrontées à d'autres formes d'exclusion sociale. Ces obstacles structurels peuvent rendre plus difficile la participation politique active de ces femmes, contribuant à l'écart de participation.

Si on est veuf, on a tendance à être plus isolé, on n’a plus de conjoint, on a des enfants qui ont quitté la maison et cet isolement social contribue à un abstentionnisme politique. le veuvage et l'isolement social qui en découle peuvent avoir un impact significatif sur la participation politique. Comme souligné, ce phénomène affecte plus souvent les femmes, en raison de leur espérance de vie plus longue.

Si on ajuste les données pour équilibrer le nombre de veufs et de veuves, on pourrait probablement observer une réduction de l'écart de participation entre les hommes et les femmes. Cela pourrait indiquer que le veuvage et l'isolement social sont des facteurs importants contribuant à l'écart de participation politique entre les sexes chez les personnes âgées. Autre explication des facteurs de type socioculturels et plus précisément la persistance des modèles traditionnels du rôle des femmes. Cela est presque indépendamment des facteurs sociostructurels qui est le fait qu’il y ait eu pendant très longtemps ce maintien du modèle classique de la vision de la femme dans la société et du rôle de la femme dans la société dans l’espace privé et dans l’espace public qui a eu pour effet de réduire le taux de participation des femmes par rapport aux hommes.

En Suisse, le droit de vote aux femmes a été accordé très tardivement par rapport à d'autres pays. Au niveau fédéral, ce droit n'a été accordé qu'en 1971, bien après la plupart des autres pays occidentaux. Dans certains cantons plus conservateurs, les femmes ont dû attendre encore plus longtemps pour obtenir le droit de vote au niveau cantonal. C'est le cas du canton d'Appenzell Rhodes-Intérieures, qui n'a accordé le droit de vote aux femmes qu'en 1991, suite à une décision de la Cour fédérale. Ce retard dans l'obtention du droit de vote a probablement eu un impact sur la participation politique des femmes, en particulier des femmes plus âgées. Leur intégration dans le processus politique a été retardée, et elles ont eu moins de temps pour s'habituer à l'idée de voter et pour développer les habitudes et les compétences liées à la participation politique. C'est probablement l'une des raisons pour lesquelles la participation des femmes est plus faible que celle des hommes, en particulier chez les personnes âgées.

Le canton d'Appenzell Rhodes-Intérieures a été le dernier canton en Suisse à accorder le droit de vote aux femmes, et cela ne s'est produit qu'en 1991, sous la pression d'un arrêt de la Cour fédérale. Cette dernière a déclaré que le refus d'accorder le droit de vote aux femmes dans le canton était en violation de la Constitution fédérale, qui stipule l'égalité des droits entre les hommes et les femmes. Cette situation est une illustration frappante de la façon dont les normes sociales et politiques peuvent différer considérablement d'une région à l'autre au sein d'un même pays. Il est important de noter que même si les femmes ont obtenu le droit de vote au niveau fédéral en Suisse en 1971, il a fallu encore vingt ans pour que ce droit soit pleinement reconnu dans l'ensemble du pays. C'est un rappel de la manière dont le changement social et politique peut être un processus lent et parfois conflictuel.

Quelles sont les conséquences de cet octroi tardif du droit de vote aux femmes et en quoi est-ce que cela a pu avoir une conséquence sur le taux de participation encore aujourd’hui ?

L'impact de l'acquisition tardive du droit de vote pour les femmes en Suisse, en particulier dans certains cantons, ne doit pas être sous-estimé. L'accession au droit de vote est souvent considérée comme un rite de passage dans la vie adulte, et pour les femmes de certaines générations en Suisse, cette étape n'est venue que tardivement. Les femmes qui n'ont pas obtenu le droit de vote jusqu'à plus tard dans leur vie ont manqué de nombreuses années de socialisation politique qui sont normalement une partie importante de l'âge adulte. Cette socialisation politique peut inclure des choses comme le suivi des élections, la discussion des questions politiques avec des amis et des collègues, et la participation à des organisations ou des groupes politiques. Sans cette socialisation politique, ces femmes ont pu être moins enclines à participer à la vie politique lorsqu'elles ont finalement obtenu le droit de vote. Cela peut aider à expliquer pourquoi, dans les statistiques de participation électorale, nous voyons une participation plus faible chez les femmes âgées en Suisse.

L'accès tardif au droit de vote a empêché ces femmes d'acquérir de l'expérience et de se familiariser avec les processus politiques au même âge que leurs homologues masculins. Ce retard a sans doute contribué à leur désengagement ou à leur participation moindre à la politique. On peut même imaginer que cet effet institutionnel se conjugue avec l’effet sociostructurel de la grande fréquence des femmes veuves. En effet, l'isolement social résultant du veuvage pourrait se combiner avec le manque d'expérience politique individuelle pour contribuer à un désengagement politique accru parmi les femmes âgées. Si ces femmes s'étaient auparavant fiées à leur mari pour obtenir des informations et des conseils sur la politique, leur participation pourrait diminuer après le décès de leur mari. Cela souligne l'importance de l'autonomie politique et de l'éducation civique pour toutes les personnes, indépendamment de leur sexe. Il est crucial que chacun puisse développer sa propre compréhension des questions politiques et s'engager de manière autonome dans le processus politique.

L'intersection de ces facteurs - le veuvage et l'obtention tardive du droit de vote - peut jouer un rôle important dans le désengagement politique des femmes âgées en Suisse. L'histoire du droit de vote des femmes en Suisse est unique et reflète une évolution sociale et politique plus large qui a conduit à une inclusion politique plus complète. Néanmoins, l'héritage de l'exclusion politique persiste et se manifeste dans les taux de participation des élections. Les femmes âgées en Suisse, qui ont obtenu le droit de vote plus tard dans leur vie, peuvent avoir eu moins d'occasions d'acquérir une expérience politique et d'engagement citoyen, ce qui peut expliquer pourquoi elles se désengagent du processus politique à un rythme plus élevé que les hommes du même âge. De plus, l'impact du veuvage sur l'isolement social et donc sur la participation politique ne doit pas être sous-estimé. Cela renforce la nécessité de politiques publiques et d'interventions ciblées visant à encourager l'engagement politique des populations vulnérables, y compris les femmes âgées.

La thèse révisionniste sur la participation politique des femmes offre une perspective nouvelle et critique sur les facteurs traditionnels d'analyse. Elle suggère que les explications classiques de la participation des femmes peuvent ne plus être suffisantes pour comprendre les tendances actuelles de la participation politique des femmes. Dans le contexte moderne, plusieurs changements structurels ont été observés qui ont influencé la participation politique des femmes. Les femmes sont devenues plus présentes dans le monde du travail, plus éduquées et plus engagées dans la sphère publique. Ces transformations peuvent conduire à une modification de la relation entre le sexe, l'âge et la participation politique. La thèse révisionniste suggère que la structure de la participation des femmes aux élections a changé et que nous devons examiner d'autres facteurs pour comprendre la participation politique des femmes aujourd'hui. Ces facteurs peuvent comprendre le niveau d'éducation, la participation à la main-d'œuvre, l'indépendance économique, le mariage et la maternité, entre autres.

Au cours des dernières décennies, l'intégration sociale et professionnelle des femmes s'est considérablement accrue, ce qui a eu un impact significatif sur leur participation politique. En premier lieu, l'augmentation de l'éducation des femmes a renforcé leur intégration sociale. Les femmes ont aujourd'hui accès à tous les niveaux d'éducation, y compris l'enseignement supérieur, ce qui leur offre une meilleure connaissance et compréhension des enjeux politiques. Deuxièmement, l'augmentation de la participation des femmes à la main-d'œuvre a également renforcé leur intégration sociale et professionnelle. Aujourd'hui, de plus en plus de femmes travaillent à temps plein et occupent des postes de direction. Cela leur a donné une plus grande autonomie économique, ce qui a renforcé leur capacité à participer à la politique. Troisièmement, les changements dans le rôle des femmes au sein de la famille ont également contribué à leur intégration sociale et professionnelle. Avec l'augmentation du nombre de femmes qui travaillent, le modèle traditionnel de la femme au foyer a été remis en question. De plus, avec l'augmentation des divorces et des familles monoparentales, de plus en plus de femmes assument des rôles de chefs de famille, ce qui peut également augmenter leur participation politique. Tous ces facteurs ont contribué à un "effet de rattrapage" où les femmes ont rattrapé les hommes en termes de participation politique. Cependant, il est important de noter que malgré ces progrès, des disparités persistent. Par exemple, les femmes sont toujours sous-représentées dans les positions de leadership politique et les obstacles structurels à la participation politique des femmes, comme le sexisme et la discrimination, existent toujours.

La montée des femmes dans la sphère professionnelle a des implications politiques significatives. Historiquement, les femmes ont été largement exclues de la vie politique et leur taux de participation politique a été plus faible que celui des hommes. Cependant, avec leur intégration croissante dans le monde du travail et leur participation accrue à la vie sociale, les femmes ont acquis une plus grande autonomie économique et sociale. Ceci, à son tour, a stimulé leur engagement et leur participation à la politique. En outre, l'entrée des femmes dans le monde du travail a également changé la dynamique de la vie familiale et domestique, avec une répartition plus égale des responsabilités domestiques entre les hommes et les femmes. Cela a également libéré du temps et de l'énergie pour les femmes, qui peuvent être consacrés à la participation politique. Les femmes sont plus intégrées socialement et professionnellement qu’avant, elles sont donc aussi plus intégrées politiquement qu’elles ne l’étaient avant et elles finissent par rattraper les hommes.

Selon cette thèse révisionniste, le fossé du genre (« gender gap ») en termes de participation politique aurait disparu. bien que de nombreux pays ont observé une diminution significative de l'écart entre les sexes en termes de participation politique, des différences persistent encore dans certains pays, y compris la Suisse. Dans de nombreux pays développés, y compris les États-Unis, les pays scandinaves, la France et l'Allemagne, l'écart de genre en termes de participation politique a diminué de manière significative au cours des dernières décennies. Cela est en grande partie dû à une combinaison de facteurs, notamment l'évolution des attitudes sociétales, l'amélioration de l'accès à l'éducation pour les femmes, une intégration accrue des femmes dans le monde du travail, ainsi que des efforts politiques délibérés pour augmenter la représentation des femmes en politique. L'écart entre les sexes en termes de participation politique ne se limite pas seulement à voter lors des élections. Il s'étend également à d'autres aspects de la participation politique, tels que le fait de se présenter aux élections, d'occuper des postes de direction politiques, d'être actif dans les partis politiques, et de participer à des mouvements sociaux et à des manifestations.

En Suisse, bien qu'il y ait eu une augmentation de la participation des femmes aux élections, il y a encore un écart entre les sexes en termes de représentation politique. Par exemple, les femmes sont sous-représentées dans les postes de leadership politiques, et moins de femmes sont élues aux postes politiques par rapport aux hommes.

Selon les enquêtes, il n'y a plus d'écart de participation entre les hommes et les femmes lors des votations fédérales en Suisse. Cependant, un léger écart persiste lors des élections, avec une participation légèrement inférieure chez les femmes. En Suisse, bien que le processus de rattrapage et de convergence soit en cours, il n'est pas encore totalement achevé. Il est possible que ce processus de rattrapage soit également influencé par le fait que l'impact du facteur institutionnel - l'octroi tardif du droit de vote aux femmes - s'atténue avec le temps. En effet, la proportion de femmes qui ont atteint l'âge adulte sans avoir le droit de vote diminue progressivement.

En Suisse, comme dans de nombreux autres pays, la participation des femmes aux élections a considérablement augmenté au fil du temps. Cela peut être attribué à un certain nombre de facteurs, notamment une plus grande égalité des sexes, une intégration sociale et professionnelle plus forte des femmes et une plus grande sensibilisation et éducation en matière politique. Il est également vrai que l'effet du droit de vote tardif des femmes en Suisse est en train de s'estomper avec le temps, car de plus en plus de femmes ont acquis le droit de vote dès leur majorité. Cela signifie que les femmes qui sont arrivées à l'âge adulte sans le droit de vote sont de moins en moins nombreuses, et que cet effet institutionnel historique a moins d'influence sur les tendances actuelles de la participation électorale. Cependant, il existe toujours un certain écart de participation entre les hommes et les femmes lors des élections en Suisse, bien que cet écart se réduise progressivement. De plus, il est crucial de continuer à travailler pour éliminer les obstacles qui empêchent encore certaines femmes de participer pleinement à la vie politique et sociale.

Les femmes qui ont été touchées par l'absence de droit de vote lorsqu'elles ont atteint leur majorité sont de plus en plus rares, et par conséquent, l'impact institutionnel va progressivement s'atténuer et finalement disparaître. Il existe encore des disparités, par exemple à Genève, où l'écart de participation entre les hommes et les femmes est presque négligeable. Bien qu'il reste une différence, elle est vraiment très minime. L'existence de ce faible écart de participation entre les hommes et les femmes à Genève suggère que la socialisation politique des femmes s'est considérablement améliorée au fil du temps. Cela peut être attribué à plusieurs facteurs, comme une plus grande intégration sociale et professionnelle des femmes, et une disparition progressive de l'impact institutionnel lié au fait que le droit de vote a été accordé aux femmes plus tardivement qu'aux hommes.

Analyse de l'Effet de l'Âge sur la Participation Politique[modifier | modifier le wikicode]

L'âge en tant que variable démographique peut encapsuler plusieurs facteurs qui contribuent à expliquer les différences de comportement, y compris en matière de participation politique. Derrière la variable « âge », il y a différents types de mécanismes.

Il y a trois principaux effets d’âge :

  • Effets de cohorte : Les personnes nées à différentes époques ont vécu des expériences historiques et sociales distinctes qui peuvent façonner leur comportement tout au long de leur vie. Par exemple, une personne qui a grandi pendant une période de bouleversements politiques majeurs peut être plus politiquement active à l'âge adulte que quelqu'un qui n'a pas eu cette expérience.
  • Effets du cycle de vie : Les priorités et les responsabilités des gens changent à mesure qu'ils vieillissent, ce qui peut influencer leur niveau d'engagement politique. Par exemple, les personnes plus âgées, qui sont souvent à la retraite et ont plus de temps libre, peuvent être plus susceptibles de voter que les jeunes adultes qui sont occupés par leur carrière et leur famille.
  • Effets de période : Ces effets se réfèrent à des événements particuliers qui surviennent à un moment précis dans le temps et qui peuvent affecter toutes les personnes vivantes, indépendamment de leur âge ou de la cohorte à laquelle elles appartiennent. Par exemple, un événement majeur comme une guerre, une crise économique ou une élection très polarisée peut mobiliser ou démobiliser les gens politiquement, quel que soit leur âge. Dans le contexte de la participation politique, un effet de période pourrait être observé si, par exemple, une élection particulièrement controversée ou un référendum sur un enjeu majeur entraînait une augmentation de la participation électorale pour toutes les tranches d'âge. Ces effets de période, lorsqu'ils sont pris en compte avec les effets de cohorte et du cycle de vie, peuvent aider à donner une image plus complète et nuancée de la manière dont l'âge influence la participation politique.

Le Cycle de Vie et l'Effet du Vieillissement Biologique[modifier | modifier le wikicode]

L'âge dans le contexte du parcours de vie a des implications profondes pour l'engagement politique. Il faut cependant préciser que ce ne sont pas les âges en eux-mêmes qui déterminent le niveau d'engagement politique, mais plutôt les rôles et les responsabilités associés à chaque étape de la vie. Par exemple, une personne de 20 ans, souvent en train de suivre des études ou de commencer une carrière, peut avoir moins de temps ou de ressources pour s'engager politiquement. De plus, elle peut ne pas se sentir totalement intégrée dans la société en raison de son manque d'expérience ou de responsabilités familiales et professionnelles. À l'inverse, une personne de 40 ans, qui a probablement une carrière établie, peut être mariée et avoir des enfants. Ces éléments peuvent favoriser une plus grande intégration sociale, ce qui, à son tour, peut mener à un engagement politique accru. Cette intégration peut être alimentée par des réseaux sociaux plus vastes, une exposition à une plus grande diversité d'opinions politiques, et un sentiment accru de responsabilité envers la communauté.

L'expérience politique - ou la compétence politique - est un autre facteur important qui peut influencer la participation politique des individus. Ce n'est généralement pas un ensemble de compétences que l'on acquiert du jour au lendemain, mais plutôt quelque chose qui se développe progressivement avec le temps, à mesure que l'on acquiert de l'expérience et des connaissances sur le système politique. En général, plus on vieillit, plus on a l'occasion de se familiariser avec les enjeux politiques et de comprendre leur impact sur notre vie quotidienne. Cela peut stimuler l'intérêt pour la politique et, par conséquent, la volonté de participer à des élections ou d'autres formes d'engagement politique. En d'autres termes, l'âge peut contribuer à augmenter notre capacité à comprendre la politique et à y participer activement.

L'âge peut avoir des impacts contrastés sur la participation politique. D'une part, avec le temps, les gens gagnent en expérience et en connaissance, ce qui peut stimuler leur engagement politique. D'autre part, le vieillissement peut aussi entraîner des problèmes de santé et un isolement social accru, ce qui peut limiter la capacité ou la volonté de participer à la vie politique. À mesure que les gens vieillissent, ils peuvent être confrontés à diverses difficultés, telles que des problèmes de santé qui limitent leur mobilité ou leur capacité à participer pleinement à la vie sociale. De plus, la retraite et la perte de proches peuvent également entraîner un sentiment d'isolement et une diminution de l'intégration sociale, ce qui peut à son tour réduire l'engagement politique. C'est donc une interaction complexe entre l'âge, l'expérience, l'intégration sociale et la santé qui détermine le niveau de participation politique d'un individu. Cette relation multidimensionnelle peut expliquer pourquoi la participation politique tend à augmenter avec l'âge, mais peut également diminuer chez les personnes très âgées.

L'Effet de Génération ou l'Effet de Cohorte[modifier | modifier le wikicode]

L'effet de cohorte, aussi appelé effet générationnel, fait référence à l'influence des événements historiques et culturels vécus par une génération spécifique à un moment précis de son développement. Les personnes nées au même moment partagent une expérience commune qui peut influencer de manière significative leur comportement et leurs attitudes, y compris leur participation politique. Par exemple, une génération qui a grandi pendant une période de guerre ou de bouleversements sociaux majeurs peut avoir une vision très différente de la politique et de l'engagement civique par rapport à une génération qui a grandi pendant une période de stabilité relative. Ces expériences communes peuvent avoir un impact durable sur les attitudes et les comportements politiques.

L'effet de cohorte ou effet générationnel se base sur l'idée que les événements majeurs qui surviennent pendant notre jeunesse ou notre adolescence ont un impact durable sur notre comportement, y compris notre engagement politique. Par exemple, les personnes qui ont vécu Mai 68 en France ont été profondément marquées par cette période de protestation et de changement social. Cet événement a pu influencer leur perception de la politique, leur niveau d'engagement et leur comportement électoral pour le reste de leur vie. Ils pourraient être plus enclins à participer à des manifestations politiques, à voter pour des candidats progressistes, ou à soutenir des causes sociales ou politiques spécifiques. De la même manière, les personnes qui ont vécu la Seconde Guerre Mondiale, la Guerre Froide, la chute du mur de Berlin, ou d'autres événements historiques majeurs peuvent également avoir des attitudes et des comportements politiques distincts qui sont influencés par ces expériences. Par conséquent, pour comprendre la participation politique, il est nécessaire de prendre en compte non seulement l'âge d'un individu, mais aussi les événements historiques qui ont façonné son expérience et ses attitudes politiques.

Le sentiment du devoir civique et l'importance de voter semblent avoir évolué au fil des générations. Les générations plus âgées, qui ont grandi à une époque où les droits civiques étaient souvent durement gagnés, peuvent considérer le vote non seulement comme un droit, mais aussi comme une obligation essentielle. Par contre, les générations plus jeunes, qui ont grandi dans une époque de plus grande stabilité politique et où le droit de vote est souvent tenu pour acquis, peuvent ne pas ressentir le même sens du devoir civique. De plus, ils peuvent se sentir détachés des structures politiques traditionnelles et préférer s'engager politiquement de manières différentes, par exemple par le biais des médias sociaux ou du militantisme.

L'âge avancé peut entraîner une baisse de la participation politique pour diverses raisons. Il peut s'agir de problèmes de santé limitant la capacité à se rendre aux bureaux de vote ou à s'engager activement dans les activités politiques, ou encore de l'isolement social. De plus, les personnes âgées peuvent parfois se sentir déconnectées des problèmes politiques actuels, ce qui pourrait également réduire leur motivation à participer. Cependant, il est également important de noter que beaucoup de personnes âgées restent politiquement actives et engagées. Elles peuvent avoir plus de temps libre pour suivre l'actualité politique et participer à diverses activités liées à la politique. De plus, avec l'avancée des technologies numériques et l'accessibilité croissante de l'information, de plus en plus de personnes âgées sont en mesure de rester impliquées dans la politique malgré les obstacles physiques potentiels. Enfin, il convient de souligner que même si l'âge peut avoir un impact sur la participation politique individuelle, les tendances générales de participation sont également influencées par une variété d'autres facteurs, comme la confiance dans les institutions politiques, le niveau d'éducation, l'intérêt pour la politique, et les caractéristiques du système électoral lui-même.

L'Effet de Période sur la Participation Politique[modifier | modifier le wikicode]

L'effet de période, aussi parfois appelé effet d'époque, fait référence à l'impact des événements et des conditions sociétales qui se produisent à un moment donné et qui peuvent influencer tous les groupes d'âge et toutes les cohortes de manière similaire. Par exemple, une crise économique majeure, une guerre, une élection particulièrement controversée, un mouvement social d'ampleur, ou une pandémie mondiale (comme le COVID-19) peuvent tous être considérés comme des facteurs de période. Ces événements ont le potentiel de changer les attitudes et les comportements politiques indépendamment de l'âge ou de la cohorte d'une personne. Dans le contexte de la participation politique, l'effet de période pourrait se manifester de plusieurs façons. Par exemple, pendant une crise économique majeure, les gens de tous âges et de toutes cohortes peuvent être plus susceptibles de participer à la politique pour exprimer leur mécontentement ou soutenir les politiques de changement. De même, lors d'élections très polarisées ou controversées, les taux de participation peuvent augmenter à travers tous les groupes d'âge et de cohortes.

L'effet de période dans le contexte politique suisse à partir de 1995, est un exemple illustratif de comment les changements globaux dans le climat politique d'une nation peuvent influencer la participation électorale de l'ensemble de sa population, indépendamment de l'âge ou de la cohorte. La politisation croissante et la polarisation de la politique suisse ont créé un environnement plus compétitif et conflictuel, poussant davantage de personnes à participer activement à la politique. La perception d'enjeux plus importants et plus clairement définis a probablement incité davantage de personnes à voter, car elles peuvent ressentir que leur voix a un impact plus significatif sur les résultats. De plus, l'effet de période peut également être renforcé par les changements dans la communication politique et l'accès à l'information. Avec l'essor des médias sociaux et des plateformes de nouvelles en ligne, l'engagement politique peut être plus accessible et immédiat, ce qui peut également contribuer à une augmentation de la participation électorale.

Différenciation entre l'Effet d'Âge, l'Effet de Cohorte et l'Effet de Période[modifier | modifier le wikicode]

Distinguer l'effet d'âge, l'effet de cohorte et l'effet de période peut être un véritable défi en sciences sociales, notamment en politique. Ces trois effets sont souvent entrelacés et peuvent se renforcer mutuellement, ce qui rend difficile leur distinction claire dans l'analyse d'une seule enquête ou élection.

L'effet d'âge est lié à l'évolution personnelle et à l'expérience, l'effet de cohorte est influencé par les événements sociopolitiques qui se sont produits pendant la jeunesse d'un individu, et l'effet de période est le reflet de l'impact d'événements ou de tendances larges et générales qui influencent toutes les générations simultanément. Tous ces effets peuvent avoir un impact sur les attitudes et les comportements politiques d'un individu. Par exemple, une personne née dans les années 60 pourrait avoir des attitudes politiques différentes de celle née dans les années 80 (effet de cohorte), mais leur comportement électoral pourrait également changer à mesure qu'ils vieillissent (effet d'âge). De plus, les événements politiques majeurs peuvent influencer le comportement de vote de tous les âges et cohortes (effet de période). Par conséquent, pour distinguer ces effets, il est souvent nécessaire de réaliser des études longitudinales, qui suivent les mêmes individus ou groupes d'individus sur de longues périodes. De telles études peuvent aider à isoler l'effet de l'âge, de la cohorte et de la période en contrôlant les autres variables.

L'identification précise des effets d'âge, de cohorte et de période nécessite des séries temporelles de longue durée. Ces types de données permettent aux chercheurs d'observer les mêmes individus ou groupes d'individus sur une longue période, leur permettant de suivre les changements dans les attitudes et comportements politiques au fil du temps. Avec une série temporelle de longue durée, les chercheurs peuvent essayer de contrôler ou d'ajuster pour les effets de cohorte et de période, afin de mieux isoler et comprendre l'effet d'âge. De même, ils peuvent également essayer de contrôler l'effet d'âge pour mieux comprendre l'effet de cohorte et de période. Par exemple, ils peuvent comparer les attitudes politiques des individus nés à différentes époques mais à un âge similaire, ou ils peuvent comparer les attitudes des individus du même groupe d'âge à différents moments. Cependant, même avec des séries temporelles de longue durée, il peut être difficile de distinguer parfaitement ces effets en raison de leur nature entrelacée. Néanmoins, ces types de données fournissent un outil précieux pour étudier et comprendre les influences complexes sur les attitudes et comportements politiques.

Il est essentiel d'apprécier la complexité des études sur la participation politique. Alors que les facteurs tels que l'âge et le sexe sont certainement importants et ont été démontrés avoir des impacts significatifs sur la participation politique, il y a beaucoup d'autres variables à prendre en compte. Ces variables peuvent inclure l'éducation, le revenu, l'emploi, la race, l'ethnie, la religion, l'emplacement géographique, l'orientation politique, la satisfaction avec le gouvernement, la confiance dans les institutions politiques, l'intérêt pour la politique, et plus encore. Chacune de ces variables peut interagir avec les autres de manière complexe, influençant la participation politique d'une manière qui peut être difficile à prédire sans un modèle détaillé. De plus, il est également important de noter que la participation politique elle-même peut prendre de nombreuses formes, allant du vote aux manifestations, en passant par l'activisme en ligne ou le bénévolat pour une campagne politique. Ainsi, tout en reconnaissant le poids des facteurs tels que l'âge et le sexe, il est également crucial d'adopter une approche multidimensionnelle pour comprendre la participation politique, une qui tient compte de la variété des facteurs qui peuvent l'influencer et des différentes formes qu'elle peut prendre.

Annexes[modifier | modifier le wikicode]

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Références[modifier | modifier le wikicode]