Lutte antiterroriste et refondation des relations transatlantiques

De Baripedia

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, la lutte antiterroriste est devenue une priorité absolue des agendas politiques des grandes puissances occidentales, redéfinissant en profondeur les dynamiques des relations internationales. Dans ce contexte, les relations transatlantiques, souvent considérées comme le pilier de la sécurité mondiale, ont été simultanément renforcées et mises à l’épreuve. Alors que les États-Unis ont rapidement adopté une posture interventionniste globale, les pays européens ont dû concilier leurs propres intérêts nationaux avec des impératifs stratégiques communs. Cette refondation des relations transatlantiques s’inscrit dans un cadre complexe, où les enjeux sécuritaires se mêlent à des divergences politiques, économiques et culturelles.

La lutte contre le terrorisme, à travers des instruments variés – de la coopération militaire à l’échange de renseignements en passant par la diplomatie multilatérale –, a profondément remodelé l’architecture des relations internationales. Les alliances traditionnelles ont été redéfinies, tandis que de nouvelles coalitions se sont formées, souvent marquées par des déséquilibres de pouvoir et des tensions latentes. Dans ce cadre, la coopération transatlantique a illustré des dynamiques contradictoires : une volonté commune de prévenir et de combattre les menaces terroristes, mais également des différends sur les moyens et les stratégies à adopter.

Par ailleurs, cette refondation des relations transatlantiques a également révélé des fractures au sein même des blocs occidentaux. L’intervention en Irak en 2003 a notamment exposé des divergences profondes entre les États-Unis et certains alliés européens, remettant en question la solidité de l’alliance atlantique. De même, l’évolution des priorités américaines vers l’Asie-Pacifique et les critiques européennes sur la surveillance de masse menée par les agences américaines ont alimenté des tensions persistantes. Toutefois, ces défis ont également permis de poser les bases d’une coopération réajustée, mieux adaptée aux menaces hybrides et aux nouvelles réalités géopolitiques du XXIᵉ siècle.

La lutte antiterroriste, loin de se limiter à une dimension sécuritaire, est devenue un prisme à travers lequel se réorganisent les relations transatlantiques. L’analyse de cette dynamique met en lumière les interactions entre impératifs de sécurité, stratégies nationales et enjeux globaux. Comprendre ces évolutions est essentiel pour saisir les transformations du système international contemporain et les défis qui en découlent pour la gouvernance mondiale.

L’ONU : le Conseil de Sécurité

Le rôle historique du Conseil de Sécurité dans la sécurité collective

Créé en 1945 par la Charte des Nations unies, le Conseil de sécurité est investi d’un mandat central : assurer la paix et la sécurité internationales en prévenant et en réglant les conflits entre États. Son rôle repose sur deux piliers fondamentaux : la diplomatie préventive et l’autorisation d’actions coercitives, y compris l’usage de la force militaire, dans des situations menaçant la stabilité mondiale. Composé de quinze membres, dont cinq permanents dotés du droit de veto, le Conseil incarne le mécanisme principal de sécurité collective, un concept visant à garantir que toute atteinte à la paix soit perçue comme une menace pour la communauté internationale dans son ensemble.

Pendant la guerre froide et les décennies suivantes, les activités du Conseil de sécurité se sont principalement concentrées sur les guerres entre États et les conflits armés menaçant l’équilibre géopolitique. Des missions de maintien de la paix ont été déployées dans divers contextes, comme au Moyen-Orient, en Afrique subsaharienne ou dans les Balkans, pour surveiller les cessez-le-feu, protéger les populations civiles et stabiliser les zones de conflit. Les enjeux liés aux acteurs non étatiques, tels que les groupes terroristes, étaient rarement abordés, car le terrorisme était perçu comme une problématique relevant de la souveraineté des États, traitée au niveau national ou régional.

Avant les attentats du 11 septembre 2001, le Conseil de sécurité n’avait qu’un rôle marginal dans la lutte contre le terrorisme. Des résolutions avaient été adoptées pour condamner certains actes terroristes spécifiques, comme les détournements d’avions dans les années 1970 ou les attentats de Lockerbie en 1988, mais ces initiatives restaient limitées dans leur portée. La perception dominante voyait le terrorisme comme une question criminelle plutôt que comme une menace directe à la paix mondiale, ce qui réduisait l’implication du Conseil dans ce domaine.

Le rôle historique du Conseil de sécurité était donc marqué par une vision strictement interétatique de la sécurité internationale. Cette approche s’est révélée inadaptée face à l’émergence de menaces asymétriques et transnationales, telles que le terrorisme globalisé. Les attentats du 11 septembre ont révélé les lacunes de ce modèle, en forçant le Conseil à revoir ses priorités et à redéfinir les contours de son action. Ce tournant marque un élargissement de son champ d’intervention pour inclure des menaces non traditionnelles, redéfinissant ainsi le concept même de sécurité collective.

Cette transformation, amorcée dans les années 1990 avec les interventions en Somalie ou en ex-Yougoslavie, s’est accélérée après les attaques de 2001, témoignant de l’évolution nécessaire des institutions internationales face à un environnement géopolitique en mutation.

Le 11 septembre : une redéfinition des priorités sécuritaires

Les attentats du 11 septembre 2001 ont profondément bouleversé la conception des menaces pesant sur la sécurité internationale. Pour la première fois, une attaque terroriste de cette ampleur a été perçue comme une agression directe non seulement contre un État, mais contre la paix mondiale elle-même. Ces événements ont mis en évidence la vulnérabilité des puissances globales face à des acteurs non étatiques capables de mobiliser des ressources transnationales et de frapper au cœur des centres économiques et politiques mondiaux.

Dès le lendemain des attaques, le Conseil de sécurité des Nations unies a été saisi par les États-Unis, témoignant de la gravité de la situation et de l’urgence d’une réponse internationale coordonnée. La résolution 1368, adoptée le 12 septembre 2001, reflète cette prise de conscience collective. Elle condamne fermement les attentats, les qualifiant de "menace à la paix et à la sécurité internationales", et affirme le droit des États à se défendre individuellement ou collectivement contre ces actes. Cette résolution marque un précédent en inscrivant la lutte contre le terrorisme dans le cadre des obligations internationales de maintien de la paix.

En assimilant le terrorisme à une atteinte équivalente à celle posée par des conflits armés interétatiques, la résolution 1368 établit une nouvelle norme. Ce changement paradigmatique justifie l’usage de la force pour répondre à des attaques terroristes, légitimant ainsi des actions militaires contre des groupes non étatiques. Cette redéfinition des priorités sécuritaires marque une rupture avec le rôle traditionnel du Conseil, centré sur les conflits entre États, et ouvre la voie à une approche plus globale des menaces transnationales.

La réaction du Conseil de sécurité au 11 septembre a non seulement permis de coordonner une réponse immédiate, mais elle a également redéfini les contours de la sécurité collective. En élargissant son champ d’intervention, le Conseil a établi un cadre juridique et politique pour des actions futures contre le terrorisme. Ce modèle a été réutilisé pour traiter d’autres crises, mais il a également soulevé des questions complexes sur les limites de l’usage de la force, les enjeux de souveraineté et les tensions entre sécurité collective et droits humains.

Le 11 septembre a marqué le début d’une transformation durable des priorités sécuritaires internationales. Le terrorisme, auparavant considéré comme un problème criminel, est désormais intégré au cœur des préoccupations stratégiques de l’ONU et de ses États membres. Ce changement a engendré une série de réformes et d’initiatives, notamment la mise en place du Comité contre le terrorisme en 2001, renforçant ainsi le rôle de l’ONU dans la coordination de la lutte contre les menaces transnationales.

Les attentats du 11 septembre ont inauguré une ère où le terrorisme est perçu comme une menace globale nécessitant une réponse collective. Le Conseil de sécurité a joué un rôle central dans cette transition, mais les défis et contradictions de cette redéfinition des priorités restent au cœur des débats sur la gouvernance sécuritaire mondiale.

Le tournant doctrinal : terrorisme et guerre

L’assimilation du terrorisme à une forme de guerre représente un changement radical dans la doctrine du Conseil de sécurité. Historiquement, les Nations unies étaient centrées sur la prévention et la gestion des conflits interétatiques, considérant la guerre comme un affrontement entre des États souverains. Cependant, les attentats du 11 septembre 2001 ont conduit à une redéfinition de ces paradigmes. En qualifiant ces actes de "guerre", le président George W. Bush a posé les bases d’une interprétation élargie du concept de menace à la paix et à la sécurité internationales, incitant le Conseil à adopter une posture plus proactive.

Ce tournant doctrinal a été entériné par les résolutions adoptées après le 11 septembre, notamment la résolution 1368. En assimilant les attaques terroristes à une agression armée, le Conseil de sécurité a ouvert la voie à l’usage de la force militaire contre des groupes non étatiques, tels qu’Al-Qaïda et ses affiliés. Cette évolution a permis de légitimer des interventions militaires internationales, comme celle menée en Afghanistan en 2001, sous le prétexte de la légitime défense collective, conformément à l’article 51 de la Charte des Nations unies.

La redéfinition du terrorisme comme une menace globale a mobilisé la communauté internationale dans une guerre contre une entité diffuse, sans frontières précises. Le Conseil de sécurité a ainsi contribué à l’élaboration d’un cadre normatif pour lutter contre le terrorisme, renforçant la coopération en matière de renseignement, de financement et de sanctions ciblées. Cette approche a permis de créer une dynamique internationale de lutte contre le terrorisme, mais elle a également exposé des divergences dans l’interprétation et l’application de ces normes.

Ce tournant doctrinal a néanmoins soulevé des questions complexes, notamment sur les limites des prérogatives du Conseil de sécurité. L’élargissement de son champ d’intervention à des menaces non conventionnelles, comme le terrorisme, a parfois été perçu comme une ingérence dans les affaires intérieures des États. Les débats sur la souveraineté, exacerbés par des crises telles que l’intervention en Irak en 2003, ont mis en lumière les tensions entre la nécessité de protéger la sécurité collective et le respect de l’autonomie des nations.

En assimilant le terrorisme à une guerre, le Conseil de sécurité a transformé la nature de son action, passant d’une gestion des conflits traditionnels à une lutte contre des menaces transnationales complexes. Cette évolution a permis de mieux répondre aux défis posés par les groupes terroristes, mais elle a également introduit des ambiguïtés sur la distinction entre les actes de guerre et les actes criminels, ainsi que sur les modalités d’intervention autorisées par le droit international.

Ce tournant doctrinal a marqué une étape cruciale dans l’évolution des responsabilités du Conseil de sécurité, redéfinissant son rôle face aux menaces contemporaines. Toutefois, cette transformation soulève encore aujourd’hui des interrogations sur l’équilibre à trouver entre efficacité opérationnelle, respect de la souveraineté des États et légitimité des actions entreprises au nom de la sécurité collective.

Les réponses internationales face aux crises terroristes

Les attentats du 11 septembre 2001 ont instauré un précédent qui a façonné les réponses internationales face aux crises terroristes ultérieures. Le cadre normatif établi par le Conseil de sécurité, notamment à travers la résolution 1368, a permis de mobiliser rapidement la communauté internationale pour condamner et répondre aux actes terroristes, tout en autorisant des actions coercitives dans des contextes spécifiques. Ce modèle a été réemployé face à d’autres attaques de grande ampleur, illustrant la volonté de construire une réponse collective aux menaces transnationales.

Les attentats de Bali en 2002, perpétrés par Jemaah Islamiyah, un groupe affilié à Al-Qaïda, ont représenté un test pour la coopération internationale en matière de lutte contre le terrorisme en Asie du Sud-Est. Le Conseil de sécurité a rapidement condamné ces actes et encouragé une coordination régionale renforcée, soutenue par des partenaires mondiaux. Ce cas a mis en évidence l’importance d’une approche multilatérale, combinant sanctions internationales, assistance technique et partage de renseignements pour prévenir de futures attaques.

L’attaque tchétchène contre un théâtre à Moscou en 2002 a révélé les tensions inhérentes à la lutte contre le terrorisme sur la scène internationale. Bien que cet événement ait été largement condamné par la communauté internationale, la Russie a catégoriquement refusé toute forme d’ingérence étrangère, affirmant que le conflit tchétchène relevait de sa souveraineté nationale. Cette position illustre les limites du cadre universel établi après le 11 septembre, où des interprétations divergentes du terrorisme, combinées à des enjeux politiques et géopolitiques, compliquent la mise en œuvre d’une réponse unifiée.

Le Conseil de sécurité a adopté des stratégies différenciées en fonction des crises. Si certaines situations, comme les attentats de Bali, ont favorisé une coopération multilatérale étroite, d’autres, comme la crise tchétchène, ont souligné les tensions entre la sécurité collective et les principes de souveraineté. Cette variabilité dans les réponses reflète les défis auxquels l’ONU est confrontée pour concilier des intérêts nationaux divergents avec les impératifs d’une gouvernance internationale cohérente.

L’universalisation de la lutte contre le terrorisme s’est heurtée à des résistances, notamment lorsque les États estiment que les actions internationales pourraient interférer avec leurs priorités internes. La notion même de terrorisme varie selon les contextes politiques, rendant difficile l’adoption de solutions uniformes. Ces ambiguïtés soulignent les limites des résolutions onusiennes, souvent perçues comme trop générales ou inadaptées à des réalités locales spécifiques.

Les réponses aux crises terroristes après le 11 septembre témoignent de l’évolution des pratiques internationales. Si l’ONU a renforcé son rôle en tant que plateforme de coordination et de légitimation, les défis liés à la souveraineté, à la diversité des interprétations et à l’efficacité des mesures adoptées montrent qu’une adaptation continue est nécessaire. La coexistence de réponses multilatérales et nationales illustre les tensions persistantes entre coopération internationale et autonomie des États dans la gestion des menaces terroristes.

Ces expériences démontrent que, malgré les avancées significatives en matière de lutte contre le terrorisme, la gouvernance internationale demeure marquée par des contradictions qui reflètent les rapports de force et les priorités divergentes des acteurs étatiques.

Contradictions et défis de la lutte antiterroriste onusienne

L’élargissement du rôle du Conseil de sécurité dans la lutte contre le terrorisme a exacerbé les tensions entre les impératifs de sécurité collective et le principe de souveraineté des États. En assimilant le terrorisme à une menace globale nécessitant une réponse internationale coordonnée, l’ONU a parfois été perçue comme empiétant sur les prérogatives des gouvernements nationaux. Des États comme la Russie ou la Chine ont exprimé des réserves face à des interventions qu’ils considèrent comme des ingérences dans leurs affaires intérieures, révélant les limites de l’universalisation des normes onusiennes dans un contexte où chaque nation interprète différemment la menace terroriste.

Un des défis majeurs réside dans l’absence d’une définition universelle du terrorisme. Ce flou juridique permet à certains États de qualifier de "terroristes" des mouvements d’opposition ou des groupes insurgés, justifiant ainsi des actions militaires ou des politiques répressives. Cette variabilité dans l’interprétation du concept affaiblit la cohérence des actions internationales et peut engendrer des critiques sur l’instrumentalisation du cadre onusien pour servir des agendas politiques nationaux.

L’assimilation du terrorisme à une forme de guerre a permis de légitimer des actions militaires contre des groupes non étatiques, mais elle soulève des questions sur la proportionnalité et la légitimité de ces interventions. En qualifiant les attentats du 11 septembre d’"actes de guerre", les Nations unies ont ouvert la porte à des campagnes militaires comme celles menées en Afghanistan ou en Irak, parfois perçues comme excessives ou mal ciblées. Cet amalgame a également engendré des critiques concernant les dommages collatéraux, les violations des droits humains et les effets à long terme sur la stabilité des régions concernées.

La lutte antiterroriste a mis en évidence des divergences dans les priorités stratégiques des États membres de l’ONU. Si certains pays privilégient une approche multilatérale basée sur la coopération et le renforcement des capacités, d’autres, comme les États-Unis après le 11 septembre, optent pour des réponses unilatérales ou bilatérales, parfois en dehors du cadre onusien. Ces différences de stratégie fragilisent l’unité des efforts internationaux et limitent l’efficacité des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité.

Le cadre juridique mis en place par l’ONU pour lutter contre le terrorisme, bien qu’ambitieux, est parfois critiqué pour son caractère général et ses lacunes dans l’application. Les sanctions ciblées, les listes noires et les mécanismes de suivi manquent souvent de transparence et de mécanismes d’évaluation. De plus, l’absence d’outils contraignants pour obliger les États à se conformer aux résolutions affaiblit leur portée réelle et limite l’impact des initiatives internationales.

Les actions militaires et les sanctions économiques entreprises au nom de la lutte antiterroriste ont parfois eu des conséquences négatives sur les populations civiles, exacerbant les crises humanitaires et alimentant les ressentiments locaux. Ces dilemmes soulignent la nécessité de trouver un équilibre entre l’efficacité opérationnelle et le respect des principes humanitaires. L’absence de mécanismes pour évaluer et limiter les impacts négatifs des réponses antiterroristes constitue un autre défi majeur pour le système onusien.

Les contradictions et défis de la lutte antiterroriste onusienne révèlent la complexité d’adapter un système conçu pour gérer les conflits interétatiques à des menaces asymétriques et transnationales. Pour surmonter ces obstacles, l’ONU doit renforcer ses capacités de coordination, promouvoir une définition claire et consensuelle du terrorisme et intégrer des mécanismes garantissant une meilleure transparence et efficacité dans la mise en œuvre de ses résolutions.

Bien que le Conseil de sécurité ait contribué à poser les bases d’une réponse collective face au terrorisme, il reste confronté à des limites structurelles et politiques qui entravent sa capacité à répondre de manière cohérente et légitime à ces défis contemporains.

Vers une nouvelle gouvernance sécuritaire internationale

Les attentats du 11 septembre 2001 ont marqué une transition vers une gouvernance internationale plus focalisée sur la lutte antiterroriste. Le Conseil de sécurité s’est imposé comme un acteur central, en adoptant une série de résolutions visant à coordonner les efforts internationaux. Ces textes, comme la résolution 1373, ont renforcé la coopération entre États en matière de lutte contre le financement du terrorisme, de partage de renseignements et de sanctions ciblées. Cette centralisation témoigne de la capacité d’adaptation de l’ONU face à des menaces transnationales inédites, tout en soulignant l’importance d’un cadre multilatéral pour gérer des crises dépassant les frontières nationales.

Cependant, cette réorganisation a également mis en lumière les faiblesses structurelles du système onusien. L’absence d’une définition universelle et consensuelle du terrorisme a fragmenté les efforts, chaque État interprétant différemment les menaces et leurs priorités. De plus, le droit de veto détenu par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité a souvent paralysé les prises de décision, notamment lorsque des intérêts géopolitiques divergent. Ces limites reflètent un déséquilibre entre la volonté d’agir collectivement et les contraintes institutionnelles qui entravent l’efficacité des initiatives internationales.

Pour répondre aux menaces complexes du XXIᵉ siècle, une nouvelle gouvernance sécuritaire doit émerger, intégrant une approche plus inclusive et multidimensionnelle. Cela implique de renforcer la participation des acteurs régionaux et locaux, souvent mieux placés pour comprendre et gérer les dynamiques terroristes sur le terrain. Par ailleurs, la lutte contre le terrorisme ne peut se limiter à une réponse sécuritaire : elle doit inclure des dimensions politiques, économiques et sociales, en abordant les causes profondes des conflits, telles que les inégalités, l’exclusion ou les tensions ethniques.

La réforme des mécanismes onusiens apparaît indispensable pour améliorer la gouvernance sécuritaire. Une meilleure coordination entre le Conseil de sécurité, les agences spécialisées de l’ONU, les organisations régionales et la société civile est nécessaire pour créer une réponse plus cohérente et efficace. De plus, le développement d’outils technologiques pour surveiller et analyser les réseaux terroristes, tout en respectant les droits humains, pourrait renforcer les capacités des États à prévenir les attaques et à limiter leur impact.

Les menaces transnationales évoluent rapidement, avec l’essor de nouvelles formes de terrorisme liées au cyberespace, aux armes non conventionnelles et aux crises environnementales. La gouvernance sécuritaire internationale doit anticiper ces défis et s’adapter aux changements constants de l’environnement global. Cela implique de mettre en place des mécanismes flexibles et proactifs, capables de répondre efficacement à des situations imprévues tout en préservant la légitimité et la transparence des actions entreprises.

Un défi majeur pour la nouvelle gouvernance sécuritaire réside dans la conciliation entre les exigences de la lutte antiterroriste et le respect des droits fondamentaux. Les politiques antiterroristes ont parfois été critiquées pour avoir violé des libertés civiles ou alimenté des discriminations. L’ONU devra promouvoir un cadre normatif qui privilégie la sécurité humaine, en intégrant des mécanismes de surveillance et de responsabilité pour limiter les abus et restaurer la confiance des populations.

La réorganisation des priorités sécuritaires après le 11 septembre a jeté les bases d’une gouvernance internationale plus intégrée, mais elle reste inachevée. Pour relever les défis du XXIᵉ siècle, il est impératif d’établir une vision collective qui transcende les intérêts nationaux et privilégie des solutions durables et inclusives. L’ONU, en tant que plateforme unique de coopération multilatérale, joue un rôle clé dans ce processus, mais son succès dépendra de sa capacité à évoluer face à un monde de plus en plus fragmenté et interconnecté.

La gouvernance sécuritaire internationale doit s’adapter aux défis transnationaux complexes tout en restant fidèle aux principes fondateurs des Nations unies : la paix, la coopération et le respect des droits de l’homme. Cela nécessite un engagement renouvelé des États membres pour réformer les institutions et répondre efficacement aux menaces globales, tout en préservant la légitimité et l’équilibre du système multilatéral.

La légitime défense

Le tournant du 11 septembre : reconnaissance de la légitime défense

Créé en 1945 par la Charte des Nations unies, le Conseil de sécurité a pour mission première de maintenir la paix et la sécurité internationales. Sa raison d’être repose sur le principe de sécurité collective, selon lequel toute atteinte à la paix mondiale doit être traitée comme une préoccupation commune, nécessitant une réponse collective. En s’appuyant sur le droit international public, le Conseil a historiquement privilégié des approches diplomatiques et consensuelles pour prévenir et résoudre les conflits, cherchant à éviter les escalades militaires par le dialogue et la médiation.

Les principaux outils à la disposition du Conseil de sécurité incluent l’adoption de résolutions contraignantes, l’imposition de sanctions économiques, et le déploiement de missions de maintien de la paix. Ces mécanismes visent à désamorcer les tensions entre États et à stabiliser les régions en crise. En règle générale, le Conseil s’est efforcé de promouvoir des solutions multilatérales, en s’appuyant sur la coopération internationale pour résoudre les différends, plutôt que de légitimer des actions unilatérales.

Jusqu’aux attentats du 11 septembre 2001, le Conseil de sécurité rejetait largement l’idée de légitime défense comme base pour des interventions militaires unilatérales, considérant que celles-ci pourraient compromettre la paix mondiale. La Charte des Nations unies prévoit certes, à son article 51, le droit des États à la légitime défense en cas d’agression armée, mais ce droit était conçu comme une mesure exceptionnelle, devant être immédiatement signalée au Conseil, qui restait le principal garant de la légitimité des actions entreprises.

Le Conseil de sécurité a historiquement concentré ses efforts sur la gestion des conflits interétatiques, en cherchant à prévenir les guerres entre nations et à établir des cessez-le-feu dans des contextes de guerre ouverte. Des exemples notables incluent les interventions en Corée, au Moyen-Orient ou dans les Balkans. Les menaces non conventionnelles, comme le terrorisme, étaient considérées comme relevant principalement des États, et non comme des priorités nécessitant une intervention directe de l’ONU.

Cette approche, centrée sur les conflits traditionnels entre États, a révélé ses limites à mesure que des menaces asymétriques et transnationales, comme le terrorisme globalisé, sont apparues. Les attentats du 11 septembre ont mis en lumière l’inadéquation de ce modèle face à des acteurs non étatiques capables de frapper au cœur des puissances mondiales, forçant le Conseil de sécurité à réévaluer son rôle et ses priorités.

Le rôle traditionnel du Conseil de sécurité, ancré dans le droit international et orienté vers la prévention des guerres entre nations, a été profondément remis en question par l’émergence de nouvelles formes de conflits. Cette évolution marque un tournant dans la manière dont l’ONU conçoit et gère les menaces pesant sur la paix et la sécurité internationales.

Le passage au concept de guerre préemptive

Les attentats du 11 septembre 2001 ont marqué un tournant dans la gouvernance internationale, révélant l’ampleur des menaces asymétriques que représente le terrorisme transnational. Ces événements ont bouleversé l’équilibre traditionnel du système onusien, où la priorité était donnée à la prévention des conflits interétatiques et à la construction de la paix. Face à l’urgence d’une réponse internationale, le Conseil de sécurité a été contraint d’adapter ses principes fondateurs pour prendre en compte cette nouvelle forme de menace globale.

Adoptée le 12 septembre 2001, la résolution 1368 marque une étape clé dans l’évolution de la gouvernance onusienne. Le Conseil de sécurité y reconnaît explicitement le droit inhérent à la légitime défense individuelle ou collective, tel qu’énoncé à l’article 51 de la Charte des Nations unies. Cette reconnaissance, bien que conforme aux dispositions juridiques existantes, représente une rupture doctrinale majeure, car elle légitime une réponse militaire à une attaque terroriste, un acte traditionnellement traité comme un problème de sécurité intérieure ou de justice criminelle.

En reconnaissant le principe de légitime défense dans le cadre des attentats du 11 septembre, le Conseil de sécurité a implicitement validé la légitimité de la guerre menée par les États-Unis contre les talibans en Afghanistan. Ce paradoxe est frappant : alors que l’ONU est historiquement conçue pour favoriser la construction de la paix et la résolution diplomatique des conflits, elle cautionne, par cette résolution, une réponse militaire unilatérale. Ce basculement témoigne de la difficulté à concilier les principes de paix et de sécurité dans un contexte où les menaces asymétriques remettent en question les cadres traditionnels.

La reconnaissance de la légitime défense dans ce contexte pose également la question de l’extension de ce concept. Jusqu’alors, la légitime défense était associée à des agressions armées directes entre États. Dans le cas du 11 septembre, il s’agit d’un acte terroriste perpétré par un groupe non étatique, ce qui modifie radicalement l’interprétation de l’agression armée. Ce changement de paradigme légitime l’usage de la force contre des acteurs non étatiques, mais soulève également des interrogations sur les limites et les implications de cette nouvelle interprétation.

En élargissant le champ d’application de la légitime défense, le Conseil de sécurité a non seulement réagi à une menace immédiate, mais a également redéfini les règles du jeu de la gouvernance internationale. Ce tournant a permis une mobilisation rapide contre le terrorisme, mais il a également introduit des ambiguïtés juridiques et politiques. Par exemple, la légitimation de la guerre en Afghanistan par les États-Unis, sans autorisation formelle du Conseil, a créé un précédent qui risque de fragiliser l’autorité onusienne à l’avenir.

La résolution 1368 a ainsi ouvert une ère où la légitime défense devient un outil central dans la lutte contre le terrorisme, tout en modifiant les priorités de l’ONU. Ce tournant, bien qu’essentiel pour répondre à une menace urgente, a également révélé les tensions entre les principes de la Charte des Nations unies et les réalités contemporaines des menaces transnationales. Il a posé les bases d’une gouvernance internationale plus flexible, mais aussi plus controversée, où l’équilibre entre sécurité collective et respect des principes onusiens reste à définir.

La reconnaissance de la légitime défense après le 11 septembre reflète l’évolution nécessaire de la gouvernance onusienne face à des menaces asymétriques. Cependant, cette adaptation a introduit des paradoxes et des défis qui continuent de façonner les débats sur le rôle du Conseil de sécurité dans la régulation des conflits et la préservation de la paix mondiale.

La redéfinition technique de l’agression et de la réponse militaire

Pour justifier une réponse militaire, une réflexion technique sur la nature des actes terroristes s’impose. Par exemple, un avion civil utilisé comme arme contre des cibles civiles ou militaires devient une "arme par destination". Cette requalification permet de légitimer une riposte militaire au nom de la légitime défense, bien que l’acte initial ne corresponde pas à une agression armée traditionnelle. Cette interprétation élargie des notions de menace et de légitime défense a néanmoins des implications profondes sur la gouvernance internationale.

Les contradictions et risques liés à la reconnaissance de la légitime défense

La reconnaissance de la légitime défense par le Conseil de sécurité entraîne plusieurs contradictions. D’une part, bien que les États-Unis aient agi en Afghanistan sous couvert de ce principe, ils n’ont pas sollicité d’autorisation explicite du Conseil de sécurité pour intervenir, agissant de manière unilatérale. Cela met en lumière une tension entre les actions menées au nom de la légitime défense et l’autorité collective du Conseil de sécurité. D’autre part, en tolérant ces interventions, le Conseil prend le risque d’encourager les États à agir de manière indépendante, sans s’en référer au cadre onusien, ce qui affaiblit son rôle de régulateur de la paix mondiale.

Le défi de maintenir l’autorité du Conseil de sécurité

En reconnaissant la légitime défense, le Conseil de sécurité a élargi les bases juridiques de l’intervention militaire contre le terrorisme, mais au prix d’un affaiblissement de sa propre autorité. Ce paradoxe reflète la difficulté pour l’ONU de concilier la lutte contre des menaces asymétriques avec son mandat de maintenir la paix. Le risque est que les États, s’appuyant sur le précédent du 11 septembre, justifient des interventions unilatérales au nom de la légitime défense, contournant ainsi l’ONU et remettant en cause le système multilatéral.

Le législateur international

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Il va y avoir une production de textes importants. Après le 11 septembre, le Conseil de Sécurité est devenu une sorte de législateur international. La résolution 1373[1] prise le 28 septembre 2001 établit de nouvelles règles de prévention contre le terrorisme avec des mesures nouvelles :

  • contrôle et lutte contre le financement du terrorisme : pour arrêter le terrorisme, il faut contrôler les logiques de financement qui sont derrières ;
  • lutte contre les appuis passifs et actifs ;
  • définition du terrorisme comme des crimes graves punissables.

La résolution 1377[2] du 12 novembre 2001 stipule que tous les États membres de l’Organisation des Nations Unies conformément à la Charte des Nations Unies doivent lutter contre le fléau du terrorisme.

Principe de déterritorialisation

La résolution 1390 du 16 février 2002 :

« Décide que tous les États doivent prendre les mesures ci-après à l’égard d’Oussama ben Laden, des membres de l’organisation Al-Qaida ainsi que des talibans et autres personnes, groupes, entreprises et entités associes figurant sur la liste établie en application des résolutions 1267 (1999) et 1333 (2000), qui doit être mise à jour périodiquement par le Comité créé en application du paragraphe 6 de la résolution 1267 (1999), ci-après dénommé « le Comité » :

Rappelle que tous les États membres sont tenus d’appliquer intégralement la résolution 1373 (2001), y compris en ce qui concerne tout membre des talibans ou de l’organisation Al-Qaida et les personnes, groupes, entreprises et entités associés aux talibans ou à l’organisation Al-Qaida, qui participent au financement d’actes de terrorisme, les organisent, les facilitent, les préparent, les exécutent ou leur apportent leur soutien; »

Il y a une perception renouvelée que ce nouveau terrorisme est efficace parce qu’il a une véritable logistique. Le Conseil de sécurité exige la lutte contre un réseau mondial à partir de la constitution d’une réponse globale justifiant un principe de déterritorialisation de l’action antiterroriste. Ce sont les États modernes qui ont construit le paradigme sécuritaire pour se protéger eux-mêmes et pour se protéger de ce type de menace et l’action antiterroriste est limitée par le fait que chaque État peut agir dans la limite de ses frontières. Cela pose le problème de l’efficacité comme chacun ne gère que chez lui. Les difficultés sont que de dire « quel est le droit international » apparaît logique, mais « qui l’applique » reste ici sans réponse claire.

Les États-Unis : de nouvelles législations

Le Patriot Act

Après les attentats du 11 septembre, les États-Unis prennent de nouvelles mesures antiterroristes. À partir du moment où ils ont construit leur dispositif de lutte antiterrorisme, ils vont se retourner contre les européens. Le dispositif de la lutte antiterroriste est très contraignant parce qu’il vient d’une puissance hégémonique qui dit les conditions du passage aux autres. Toutes les grandes questions qui vont se poser autour de la perte des libertés civiques et publiques en Europe ont pour origine les conditions mêmes dans lesquelles la lutte se construit.

Le 26 octobre 2001 est adopté l’USA Patriot Act qui est une loi qui donne de nouveaux pouvoirs à la police et aux renseignements. Les autorités peuvent arrêter et retenir, pour une période non déterminée des étrangers soupçonnés d’être en relation avec des groupes terroristes. Apparaît le fait qu’on est en dehors d’un dispositif traditionnel. Est mis en place d’une surveillance du Net avec un système « carnivore » du FBI qui est un contrôle de tous les systèmes informationnels. L’USA Patriot Act va offrir des capacités extraordinaires d’enquêter. Est stipulé que les délits sont considérés comme terroristes s’ils sont « faits sciemment dans le but d’influencer ou d’affecter le gouvernement par intimidation ou contrainte [...] ou dans le cadre de représailles vis-à-vis d’opérations conduites par le gouvernement ».

Le renforcement de l’exécutif

L’Executive Order du 13 novembre 2001 met en place des tribunaux militaires d’exception qui sont chargés de juger les étrangers suspects de participation ou de soutien au terrorisme avec l’absence de possibilité de recours, la détention secrète et illimitée, sans avoir le droit à un avocat. Plus de 1200 personnes sont arrêtées sur seule base de leurs origines qu’elles soient arabe, musulmane ou d’ascendance sud asiatique. Entre 1999 et 2000, l’Anti-Terrorism Task qui est la Force antiterroriste a convoqué et interrogé 5000 étrangers sur la base de leur nationalité. En contradiction avec les conventions internationales, des étrangers sont renvoyés dans leurs pays malgré les risques encourus.

La surveillance électronique et le cyber terrorisme

Les notions de cyberguerre et cyberterrorisme deviennent centrales dans la sécurité intérieure des États-Unis. Tom Ridge, secrétaire d’État à la Sécurité intérieure, déclare que son ministère va « surveiller internet pour déceler tout signe éventuel d’attaque terroriste, de cyberterrorisme, de piratage et de guerre de l’information opérée entre les États ». Cela s’accentue avec des méthodes de filtrages selon des logiques logarithmiques.

Aucune distinction n’est faite entre « virtuel » et « physique ». Avec le Cyber Security Enhancement Act qui impose aux fournisseurs d’accès leur collaboration. Le Total Information Awareness permet de croiser des différentes banques de données afin de lutter contre le terrorisme. Le Département de la justice s’octroie le droit de poursuivre les pirates informatiques, quel que soit leur nationalité et le lieu du délit.

Guantanamo

Des détenus de Guantánamo au Camp X-Ray. 11 janvier 2002.

Guantanamo est la fabrication d’une zone de non-droit. C’est une base navale américaine louée au gouvernement cubain qui échappe à tout contrôle judiciaire des cours américaines. Guantanamo n’a pas d’existence juridique parce qu’il est sur le territoire cubain. Les prisonniers n’ont pas d’existence juridique disparaissant dans un non-droit juridique sans procès, charge, ni avocat et tribunal et surtout sans statut. Comme ce n’est pas une guerre, les prisonniers ne peuvent être qualifiés de « prisonniers de guerre ». On invente un lieu sans existence légale où les prisonniers ne peuvent contester leur incarcération et ne bénéficient pas du statut de prisonniers de guerre qui permet de faire valoir les droits garantis par la troisième convention de Genève. Comme il n’y a pas de process et d’existence légale, les prisonniers peuvent être détenus pour une durée indéterminée.

Le pouvoir exécutif s’accorde ainsi des pouvoirs extraordinaires qui s’opposent au droit international.

Patriot Act II

Le Patriot Act II est constitué en 2003 dans la continuité du Patriot Act I renforçant les pouvoirs de l’exécutif au détriment du judiciaire et renforçant la mise en place d’un état d’exception. Les nouveautés sont la facilitation de l’expulsion de non-citoyens, l’extension du champ de l’application de la peine de mort, de nouveaux moyens à la police et aux services de renseignements comme les écoutes téléphoniques et informatiques.

Il permet aussi d’appliquer des mesures jusque là réservées aux étrangers aux citoyens américains comme le retrait de la citoyenneté américaine. Le retrait de la citoyenneté signifie qu’on introduit une personne dans du non-droit en créant des individus qui n’ont plus d’existence légale sur la planète.

L’Europe : vers une sécurité européenne antiterroriste

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La coopération transatlantique après le 11/09

Il y a un renforcement du dispositif sécuritaire aux États-Unis qui va se transférer vers l’Europe à travers le transfert des données passager, la sécurité portuaire et des cargos et le passeport biométrique. La question est de savoir si cela est une coopération ou un rapport de force coopératif ?

Le 21 septembre 2004, le vol 919 United Airlines Londres – Washington est détourné par la sécurité américaine et obligé de se poser dans le Maine. Le chanteur Cat Stevens converti à l ‘Islam sous le nom de Yusuf Islam est interrogé et renvoyé en Grande-Bretagne.

Le principe du Passenger name record [PNR] est le prélèvement et le traitement des données de passagers des compagnies aériennes avant l’embarquement par la sécurité étasunienne avec la coopération transatlantique entre les États-Unis et l’Union européenne. Cela passe par l’échange des fichiers informatiques sur les transferts des passagers. Ce dispositif est mis en place par les autorités américaines malgré les réticences de l’Union européenne s’expliquant par les questions de liberté publique. La coopération sécuritaire États-Unis – Union européenne sur les trois dossiers cités se produit dans un contexte de tensions et rapports de force. C’est le « si vous n’obtempérez pas, plus aucun avion français et/ou européen ne pourra se poser sur les pistes américaines ».

Les autorités américaines réquisitionnent l’aide européenne sécuritaire. L’Europe accepte avec réticences dans un domaine ou sa sécurité est encore faible et peu coordonnée. Les négociateurs européens ont souvent été pris de court ou dépassés par la réalité des enjeux et des coordinations. Les autorités américaines sont réquisitionnées l’aide européenne. Les européens ont accepté des conditions restrictives de liberté pour les enjeux sécuritaires des États-Unis.

Dans la tradition de la démocratie moderne, ce qui fonde la sécurité est la liberté. Si les individus sont libres et égaux, c’est une condition pour la sécurité des individus, c’est-à-dire la capacité de pouvoir penser leur sécurité. Le renversent conceptuel est de dire que c’est la sécurité qui fonde la liberté. Au fond, la liberté ne peut être qu’issue de la sécurité. C’est un principe d’exclusion qui est un élément inquiétant pour l’avenir de nos démocraties.

Le transfert des données passager

En novembre 2001, le Congrès américain adopte le Transportation Security Act [TSA]. Les autorités douanières obtiennent l’accès aux données recueillies par les compagnies aériennes à destination des États-Unis ou transitant sur son sol avec la possibilité offerte de croiser les listings de passagers avec ceux du FBI et de la CIA et des données ouvertes allant de l’âge, l’identité jusqu’aux préférences alimentaires. L’objectif est de préfiltrer les passagers à partir du Computer Assisted Passenger Prescreening System [-CAPPS II] afin d’évaluer le risque comportemental terroriste.

Des injonctions ont été faites aux compagnies européennes d’accepter le transfert des données sous peine d’amendes fortes et de non-autorisation d’atterrissage, voire d’interdiction de la compagnie. Les compagnies sont dans l’obligation d’accepter et enfreignent ainsi la législation communautaire. L’Union Européenne est obligée d’accepter et de négocier un accord intérimaire avant de passer un accord définitif.

La sécurité portuaire et des cargos

L’hypothèse est qu’il y a 16 millions de containers par an qui circulent aux États-Unis. Dans la globalisation il y a un système massif de transfert de containers. La question est de savoir ce qui se passerait si les terroristes utilisaient une arme de destruction massive placée dans un container à destination des États-Unis.

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Est mis en place le Container Security Initiative [CSI]. Tous les containers à destination des États-Unis doivent être inspectés avant leur arrivée sur le sol américain. Cela pose des problèmes de contrôle, c’est pourquoi le contrôle des containers doit se faire au départ, mais non pas à l’arrivée. Le contrôle des containers se fait sur le territoire européen, mais par des douaniers américains. Dans la liste du CSI, une liste de ports est inscrite afin d’éviter l’encombrement des inspections sur le territoire américain. La procédure vise à identifier les containers à risque, les inspecter, au besoin les séparer voire les interdire. Il y a une obligation d’adresser les descriptifs des containers aux douanes américaines 24 heures avant le départ.

Au départ, des négociations bilatérales ont été engagées entre États-Unis et chaque pays européens puis un accord est signé en décembre 2003 avec l’Union européenne prévoyant la présence d’inspecteurs des douanes américaines dans les ports européens et la transmission des informations 24 heures avant le départ des containers. Un accord opérationnel est mis en place dès 2004 pour les ports de Rotterdam, du Havre, d’Anvers, de Göteborg, de La Spezia, de Gênes, de Felixstone, de Hambourg, de Bremerhaven, mais aussi d’Algésiras.

Le passeport biométrique

En mai 2002 est adopté par le Congrès le Enhanced Border Security et le Visa Entry Reform Act. L’initiative est partie des États-Unis et les européens vont l’adopter par la suite, mais de façon consensuelle. Ce sont des mesures pour mieux contrôler les frontières en procédant à une restructuration des agences concernées et en poursuivant le développement de nouvelles technologies de surveillance frontalière. C’est aussi une obligation contenue dans le Patriot Act I que les citoyens de 27 pays pour la plupart européens se rendent aux États-Unis avec un passeport sécurisé contenant des données biométriques. Est mis en place à partir du 30 septembre 2004 le programme US-Visit qui prévoit que tout visiteur aux États-Unis se voit prit en photo numérique et scannée ses empreintes digitales.

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Les engagements de l’Union européenne sont en pleine concordance avec les efforts américains. Après le 11 septembre, les européens envisagent l’introduction d’éléments biométriques dans les passeports. Le 13 décembre 2004 est Adopté par le Conseil des ministres des Affaires Étrangères un règlement rendant obligatoire dans les 18 mois la mise en œuvre de passeports contenant des supports de stockage avec photo faciale.

En matière de lutte antiterroriste, apparaît que d’une certaine façon, les attentats du 11 septembre ont un impact presque à l’échelle planétaire, mais avec pour point de départ le concept de sécurité aux États-Unis. Il y a un concept de sécurité élargie dont l’objet fondamental est de conserver l‘efficacité du système économique. La sécurité est importante, mais elle ne doit pas entraver le fonctionnement du dispositif. L’objet est de permettre au dispositif économique de fonctionner, mais qui offre des contrôles à distance et sectoriels permettant de partager les coûts et participant à une culture commune de la sécurité. Il n’y a aucune raison que la coopération entre les États-Unis et l’Union européenne soit amenée à se réduire.

Sécurité interne dans l’Union européenne

À partir du moment où le modèle de la lutte antiterroriste a été fondé sur le déplacement de la question de la lutte avec la protection de l’État nation sur le territoire national, mais aussi dans l’extérieur, dans la doctrine de la sécurité, il y a un passage progressif de l’intérieur vers l’extérieur.

Dans le terrorisme d’Al Qaida, il y a l’intégration des dimensions globales. Une partie des acteurs du 11 septembre avait séjourné en Europe. Pour mieux prévenir les risques, déplacer les lieux de la sécurisation, le concept de la sécurité élargie permettant de gagner du temps par rapport à la perception de la menace aux États-Unis, mais aussi d’éviter la paralysie économique sur place aux États-Unis par le déploiement d’une sécurité qui ralentirait l’activité des échanges et des importations. Le « contrôle à distance » s’offre aussi comme un partage des coûts entre grandes puissances offrant les conditions de constitution d’une solidarité entre États-Unis et l’Union européenne dans le marché de la sécurité. La coopération entre États-Unis et Union européenne est donc appelée à se poursuivre et s’intensifier dans la lutte antiterroriste.

L’exemple de la coopération États-Unis – Union européenne : le cas de l’Afghanistan

« Le terrorisme est un véritable défi pour le monde et pour l’Europe. Le Conseil européen a décidé que la lutte contre le terrorisme sera plus que jamais un objectif prioritaire de l’Union Européenne »

— Conseil Européen du 21 septembre 2001.

La sécurité européenne vise donc aujourd’hui à une sécurité inter-États dans le cadre de l’Union européenne, une sécurité solidariste entre États se voulant unifiée en articulant sécurité intérieure et sécurité extérieure. La doctrine européenne de sécurité vise donc « l’intérieur » de ses frontières, mais à partir de la gestion « extérieure ». Comme pour les États-Unis, pour l’Union européenne, sécurité intérieure et sécurité extérieure vont de pair.

« La lutte contre le terrorisme continuera d’être un objectif prioritaire de l’Union Européenne et un des principaux volets de sa politique extérieure. La solidarité et la coopération internationales constituent des instruments essentiels pour combattre ce fléau »

— Conseil Européen de juin 2002.

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Constitution d’une coalition armée sous responsabilité des États-Unis pour combattre les talibans en Afghanistan

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Dans le cadre de la coopération entre les États-Unis et l’Union européenne, les États européens acceptent d’envoyer des troupes en Afghanistan sous la bannière de l’OTAN. L’OTAN intègre la lutte antiterroriste.

Du côté européen est mise en œuvre la Politique européenne en matière de sécurité et de défense [PESD] dont le but est de renforcer les capacités militaires européennes. Le problème de la PESD est qu’elle dépend de l’OTAN mettant en exergue une contradiction entre la volonté européenne de créer un organisme de défense et la méthode étasunienne incarnée dans l’OTAN. Il y a des conflits de gestion, mais l’enjeu est sur la définition d’outils collectifs qui permettent d’articuler défense intérieure et défense extérieure. Pour l’instant, la PESD dépend de l’OTAN en Afghanistan.

Annexes

Bibliographie

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  • (Sous la direction de Karine Bannelier, Olivier Corten, théodore Christakis, Barbara Delcourt), Le droit international face au terrorisme, Paris, Editions Pedone, 2002 ;
  • Duncan Campbell, Surveillance électronique planétaire, Paris, Allia, 2003 ;
  • Général Etienne Copet, Prévenir le pire. Eviter les catastrophes terroristes, Paris, Michalon, 2003 ;
  • Michel Delebarre, Quelle coopération internationale pour lutter contre le terrorisme ?,rapport de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée Nationale, rapport 176, juillet 2004 ;
  • (sous la direction de Michel Fortmann, Alex Macleod et Stéphane Roussel), Vers des périmètres de sécurité ? La gestion des espaces continentaux en Amérique du Nord et en Europe, Québec, Athéna, 2003 ;
  • (Sous la direction de Alex Macleod), Lutte antiterroriste et relations transtlantiques, Bruxelles, Bruylant, 2006 ;
  • (sous la direction de Arthur Paecht, Les relations transatlantiques. De la tourmente à l’apaisement ?, Paris, PUF, 2003 ;
  • Olivier Hassid, La société vulnérable. Criminalité, terrorisme et insécurité en Europe, Paris, Le Félin, 2006 ;
  • La lutte contre le terrorisme, les normes du Conseil de l’Europe, Conseil de l’Europe, février 2004. ;
  • Les Cahiers de la Sécurité intérieure, Reconstruire la sécurité après le 11 septembre, INHES, décembre 2004 ;
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  • Jean-Claude Paye, La fin de l’Etat de droit. La lutte antiterroriste de l’état d’exception à la dictature, Paris, 2004, La Dispute ;
  • Fernando Reinares (sous la direction de), European Democracies against Terrorism, Governmental policies and intergovernmental cooperation, Abington, Ashgate Publishing, 2001 ;
  • "Comment L'obsession Sécuritaire Fait Muter La démocratie." Comment L'obsession Sécuritaire Fait Muter La Démocratie, Par Giorgio Agamben (Le Monde Diplomatique, Janvier 2014). N.p., n.d. Web. 15 Sept. 2014. <http://www.monde-diplomatique.fr/2014/01/AGAMBEN/49997>.

Références

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