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= Definir la ciencia política: un reto intelectual =
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Selon Harold Lasswell, dans son ouvrage de 1936 intitulé "Politics: Who Gets What, When, How", la science politique se définit par qui obtient quoi, quand et comment.<ref>Lasswell, Harold Dwight, 1902- Politics; who gets what, when, how. New York, London, Whittlesey house, McGraw-Hill book Co. [c1936] (OCoLC)576783700</ref> En d'autres termes, il s'agit de l'éternelle lutte au sein de la société pour le contrôle des ressources rares. Ces conflits, entre individus et entre groupes sociaux, sont engendrés par la volonté de se répartir les ressources d'une société inévitablement limitées. Cette perspective met l'accent sur les conflits relatifs à la redistribution des ressources rares dans une société.
Según Harold Lasswell, en su libro de 1936 Politics: Who Gets What, When, How, la ciencia política se define por quién consigue qué, cuándo y cómo.<ref>Lasswell, Harold Dwight, 1902- Politics; who gets what, when, how. New York, London, Whittlesey house, McGraw-Hill book Co.[c1936] (OCoLC)576783700</ref> En otras palabras, es la eterna lucha dentro de la sociedad por el control de unos recursos escasos. Estos conflictos, entre individuos y entre grupos sociales, se generan por el deseo de repartir los recursos de una sociedad inevitablemente limitada. Esta perspectiva se centra en los conflictos relacionados con la redistribución de los recursos escasos en una sociedad.


Robert E. Goodin, dans "The State of the Discipline, The Discipline of the State" publié en 2009, voit la politique comme l'utilisation limitée du pouvoir social, présentée comme l'essence du politique.<ref>Goodin, R 2009, 'The State of the Discipline, The Discipline of the State', in Robert E. Goodin (ed.), Oxford Handbook of Political Science, Oxford University Press, Oxford, pp. 3-57.</ref> Le concept central ici est la notion de pouvoir, un sujet largement exploré en sciences sociales. Selon Max Weber, le pouvoir de A sur B est la capacité de A à faire faire à B quelque chose que B n'aurait pas fait sans l'intervention de A. Cette définition générale renvoie à la capacité d'influencer d'autres individus, groupes ou États en contraignant leur comportement. Un des intérêts de cette définition est de montrer que le pouvoir est relationnel. Selon Goodin, le pouvoir peut prendre de nombreuses formes, mais il est toujours limité, car même les plus puissants ne peuvent pas imposer leur volonté aux dominés par la contrainte. Le pouvoir est donc multidimensionnel, mais toujours contraint, et la science politique a pour tâche de rendre compte de ces relations de pouvoir à différents niveaux.
Robert E. Goodin, en "The State of the Discipline, The Discipline of the State" publicado en 2009, ve la política como el uso limitado del poder social, presentado como la esencia de la política.<ref>Goodin, R 2009, "The State of the Discipline, The Discipline of the State", en Robert E. Goodin (ed.), Oxford Handbook of Political Science, Oxford University Press, Oxford, pp. 3-57.</ref> El concepto central aquí es la noción de poder, un tema ampliamente explorado en las ciencias sociales. Según Max Weber, el poder de A sobre B es la capacidad de A para obligar a B a hacer algo que B no habría hecho sin la intervención de A. Esta definición general se refiere a la capacidad de influir en otros individuos, grupos o Estados limitando su comportamiento. Uno de los intereses de esta definición es mostrar que el poder es relacional. Según Goodin, el poder puede adoptar muchas formas, pero siempre es limitado, porque ni siquiera los más poderosos pueden imponer su voluntad a los dominados mediante la coacción. El poder es, por tanto, multidimensional, pero siempre limitado, y la tarea de la ciencia política es dar cuenta de estas relaciones de poder a diferentes niveles.


Goodin propose également une autre définition selon laquelle la science politique est la discipline de l'État. Ici, l'État est compris comme un ensemble de normes, d'institutions et de relations de pouvoir. En termes de normes, l'histoire de l'État moderne est étroitement liée à la démocratie libérale, avec des normes spécifiques telles que la séparation des pouvoirs, la compétition politique, la participation politique individuelle et la responsabilité politique des élus envers les électeurs. L'État est aussi un ensemble d'institutions, qui incarnent différentes formes du politique. L'État serait ainsi le lieu privilégié des rapports de pouvoir entre individus, entre groupes.
Goodin también propone otra definición, según la cual la ciencia política es la disciplina del Estado. Aquí, el Estado se entiende como un conjunto de normas, instituciones y relaciones de poder. En cuanto a las normas, la historia del Estado moderno está estrechamente vinculada a la democracia liberal, con normas específicas como la separación de poderes, la competencia política, la participación política individual y la responsabilidad política de los representantes elegidos ante el electorado. El Estado es también un conjunto de instituciones que encarnan diferentes formas de política. El Estado es, por tanto, el lugar privilegiado de las relaciones de poder entre individuos y entre grupos.


Au cours du XXe siècle, la science politique a connu un processus d'autonomisation significatif, se distinguant ainsi de disciplines connexes, en particulier l'histoire. Historiquement, la science politique était largement considérée comme une sous-discipline de l'histoire, puisqu'elle se basait largement sur l'étude de l'histoire des institutions, des idées politiques et des mouvements sociaux. Cependant, au fur et à mesure de l'évolution de la discipline au XXe siècle, la science politique a commencé à développer ses propres approches méthodologiques, ses cadres théoriques et ses domaines d'application. L'un des facteurs clés de cette autonomisation a été le développement de méthodologies quantitatives et l'application de la théorie des jeux, de la théorie de la rationalité et d'autres concepts issus de la psychologie et de l'économie pour analyser le comportement politique. Ces avancées méthodologiques ont permis à la science politique de s'éloigner des méthodes d'étude narrative de l'histoire, pour devenir une discipline plus analytique et orientée vers les données. De plus, la science politique a progressivement élargi son champ d'étude pour inclure une gamme plus large de phénomènes politiques, y compris l'analyse du comportement électoral, l'étude des processus de décision au sein des institutions politiques et la compréhension des dynamiques de pouvoir internationales. Enfin, la création de départements de science politique indépendants dans les universités et la publication de revues spécialisées ont renforcé l'identité de la discipline en tant que domaine distinct de la recherche académique.
Au cours du XXe siècle, la science politique a connu un processus d'autonomisation significatif, se distinguant ainsi de disciplines connexes, en particulier l'histoire. Historiquement, la science politique était largement considérée comme une sous-discipline de l'histoire, puisqu'elle se basait largement sur l'étude de l'histoire des institutions, des idées politiques et des mouvements sociaux. Cependant, au fur et à mesure de l'évolution de la discipline au XXe siècle, la science politique a commencé à développer ses propres approches méthodologiques, ses cadres théoriques et ses domaines d'application. L'un des facteurs clés de cette autonomisation a été le développement de méthodologies quantitatives et l'application de la théorie des jeux, de la théorie de la rationalité et d'autres concepts issus de la psychologie et de l'économie pour analyser le comportement politique. Ces avancées méthodologiques ont permis à la science politique de s'éloigner des méthodes d'étude narrative de l'histoire, pour devenir une discipline plus analytique et orientée vers les données. De plus, la science politique a progressivement élargi son champ d'étude pour inclure une gamme plus large de phénomènes politiques, y compris l'analyse du comportement électoral, l'étude des processus de décision au sein des institutions politiques et la compréhension des dynamiques de pouvoir internationales. Enfin, la création de départements de science politique indépendants dans les universités et la publication de revues spécialisées ont renforcé l'identité de la discipline en tant que domaine distinct de la recherche académique.


James Duesenberry, économiste de renom, souligne les différentes perspectives que l'économie et la sociologie adoptent lorsqu'elles étudient les comportements humains : « l’économie ne parle que de la façon dont les individus font des choix, la sociologie ne parle que du fait qu’ils n’ont aucun choix à faire ».<ref>Duesenberry, 1960, p. 233</ref> En économie, l'accent est mis sur l'idée que les individus sont des agents rationnels qui font des choix en fonction de leurs préférences et des contraintes qui leur sont imposées, comme le revenu ou le temps. Cela s'appuie sur le concept de l'homme économique ou "homo economicus", un individu hypothétique qui cherche toujours à maximiser son utilité ou son bien-être en faisant des choix rationnels en fonction des informations disponibles. D'autre part, la sociologie se penche davantage sur le contexte social et culturel dans lequel les individus sont placés, et comment ces environnements façonnent leurs comportements et leurs options de vie. En d'autres termes, la sociologie met souvent en lumière comment les structures sociales limitent ou déterminent les choix individuels. Par exemple, une personne née dans une certaine classe sociale peut avoir des opportunités différentes de celles d'une personne née dans une autre classe sociale, ce qui peut limiter ses choix en matière d'éducation, d'emploi ou même de mode de vie. Ainsi, Duesenberry illustre la tension entre l'individualisme méthodologique, qui est typique de l'économie, et le holisme méthodologique, qui est plus caractéristique de la sociologie. Il est important de noter que ce sont deux approches complémentaires pour comprendre les comportements humains et les sociétés, et qu'elles offrent chacune des insights uniques et précieux.
James Duesenberry, un reputado economista, destaca las diferentes perspectivas que adoptan la economía y la sociología a la hora de estudiar el comportamiento humano: "la economía sólo habla de cómo los individuos toman decisiones, la sociología sólo habla de cómo no tienen opciones que tomar". <ref>Duesenberry, 1960, p. 233</ref> En economía, se hace hincapié en la idea de que los individuos son agentes racionales que toman decisiones en función de sus preferencias y de las restricciones que se les imponen, como los ingresos o el tiempo. Esto se basa en el concepto de hombre económico u "homo economicus", un individuo hipotético que siempre busca maximizar su utilidad o bienestar tomando decisiones racionales basadas en la información disponible. La sociología, en cambio, se interesa más por el contexto social y cultural en el que se sitúan los individuos, y cómo estos entornos moldean su comportamiento y sus opciones vitales. En otras palabras, la sociología suele destacar cómo las estructuras sociales limitan o determinan las opciones individuales. Por ejemplo, una persona nacida en una determinada clase social puede tener diferentes oportunidades que otra nacida en otra clase social, lo que puede limitar sus opciones en términos de educación, empleo o incluso estilo de vida. De este modo, Duesenberry ilustra la tensión entre el individualismo metodológico, propio de la economía, y el holismo metodológico, más característico de la sociología. Es importante señalar que se trata de dos enfoques complementarios para comprender el comportamiento humano y las sociedades, y que cada uno de ellos ofrece perspectivas únicas y valiosas.


Ce que dit Duesenberry met en évidence deux conceptions contrastées de l'humain dans la sociologie et l'économie néoclassique. D'une part, la sociologie tend à avoir une conception de l'homme "sursocialisé", où le comportement des individus est largement déterminé par les forces sociales externes. En d'autres termes, dans ce modèle, l'individu est largement influencé par la structure sociale dans laquelle il vit. Cela peut inclure des facteurs comme les normes culturelles, les rôles sociaux, les attentes sociales et les institutions sociales. Dans cette optique, l'individu a une marge de manœuvre limitée pour agir en dehors des attentes et des contraintes sociales. D'autre part, l'économie néoclassique tend à avoir une conception de l'homme "sous-socialisé", où l'individu est vu comme opérant de manière relativement indépendante des influences sociales. Dans ce modèle, l'individu est principalement considéré comme un agent économique rationnel qui cherche à maximiser son bien-être personnel en faisant des choix rationnels en fonction de l'information disponible. Les interactions sociales sont souvent vues comme des transactions économiques, où les individus échangent des biens et des services pour maximiser leur utilité. Ces deux conceptions contrastées de l'homme mettent en lumière la tension entre l'individualisme et le collectivisme dans l'analyse des comportements humains. Elles soulignent également l'importance de considérer à la fois les facteurs individuels et sociaux dans la compréhension des comportements et des sociétés humaines.
Lo que dice Duesenberry pone de relieve dos concepciones contrapuestas de lo humano en la sociología y la economía neoclásicas. Por un lado, la sociología tiende a tener una concepción del ser humano "supersocializado", en la que el comportamiento de los individuos viene determinado en gran medida por fuerzas sociales externas. En otras palabras, en este modelo, el individuo está influido en gran medida por la estructura social en la que vive. Esto puede incluir factores como las normas culturales, los roles sociales, las expectativas sociales y las instituciones sociales. Desde esta perspectiva, el individuo tiene un margen limitado para actuar al margen de las expectativas y restricciones sociales. Por otra parte, la economía neoclásica tiende a tener una visión "infrasocializada" del hombre, en la que se considera que el individuo actúa con relativa independencia de las influencias sociales. En este modelo, el individuo es visto principalmente como un agente económico racional que busca maximizar el bienestar personal tomando decisiones racionales basadas en la información disponible. Las interacciones sociales suelen considerarse transacciones económicas, en las que los individuos intercambian bienes y servicios para maximizar su utilidad. Estas dos concepciones opuestas del ser humano ponen de relieve la tensión entre individualismo y colectivismo en el análisis del comportamiento humano. También ponen de relieve la importancia de considerar tanto los factores individuales como los sociales a la hora de comprender el comportamiento humano y las sociedades.


Marx met en évidence la tension entre la capacité des individus à façonner leur propre histoire et les contraintes imposées par les conditions sociales et historiques existantes : « les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas arbitrairement dans les conditions choisies par eux, mais dans les conditions directement données et héritées du passé. La tradition de toutes les générations mortes pèse d’un poids très lourd sur le cerveau des vivants. Et quand même il semble occupé à se transformer, eux et les choses à créer quelque chose de tout à fait nouveau, c’est précisément à ces époques de crise révolutionnaires qu’ils évoquent craintivement les esprits du passé, qu’ils leur emprunte leurs noms, leurs mots d’ordre, leurs costumes pour apparaitre sur la nouvelle scène de histoire sous ce déguisement respectable et avec ce langage emprunté ».<ref>Karl Marx (trad. R. Cartelle et G. Badia), éd. sociales, coll. Classiques du marxisme, 1972, chap. Les origines du coup d'État du 2 Décembre, p. 161</ref>  
Marx subraya la tensión entre la capacidad de los individuos para forjar su propia historia y las limitaciones impuestas por las condiciones sociales e históricas existentes: "Los hombres hacen su propia historia, pero no la hacen arbitrariamente en condiciones elegidas por ellos, sino en condiciones que les vienen dadas directamente y heredadas del pasado. La tradición de todas las generaciones muertas pesa sobre el cerebro de los vivos. E incluso cuando parece ocupada en transformarse a sí misma, a ellos y a las cosas para crear algo totalmente nuevo, es precisamente en estos momentos de crisis revolucionaria cuando evocan temerosamente a los espíritus del pasado, cuando toman prestados de ellos sus nombres, sus consignas, sus trajes para aparecer en el nuevo escenario de la historia con este respetable disfraz y con este lenguaje prestado." <ref>Karl Marx (trad. R. Cartelle y G. Badia), ed. sociales, coll. Classiques du marxisme, 1972, cap. Les origines du coup d'état du 2 Décembre, p. 161</ref>.


Marx reconnaît que les individus jouent un rôle actif dans la création de leur propre histoire. Cependant, il soutient que ce processus n'est pas arbitraire, mais est fortement influencé par les conditions sociales et historiques données et héritées du passé. La deuxième partie de la citation met en évidence la manière dont les individus se tournent souvent vers le passé pendant les périodes de changement et de révolution. Même lorsqu'ils cherchent à créer quelque chose de nouveau, ils ont souvent recours à des références historiques, empruntant des noms, des mots d'ordre et des costumes du passé. Cela, selon Marx, montre à quel point le passé pèse lourdement sur le présent, même dans les moments de transformation radicale. En somme, Marx voit l'histoire non pas comme un simple produit des actions humaines, mais comme une interaction complexe entre l'agence individuelle et les structures sociales et historiques. Il souligne la manière dont le passé informe et limite les possibilités de changement dans le présent.  
Marx reconnaît que les individus jouent un rôle actif dans la création de leur propre histoire. Cependant, il soutient que ce processus n'est pas arbitraire, mais est fortement influencé par les conditions sociales et historiques données et héritées du passé. La deuxième partie de la citation met en évidence la manière dont les individus se tournent souvent vers le passé pendant les périodes de changement et de révolution. Même lorsqu'ils cherchent à créer quelque chose de nouveau, ils ont souvent recours à des références historiques, empruntant des noms, des mots d'ordre et des costumes du passé. Cela, selon Marx, montre à quel point le passé pèse lourdement sur le présent, même dans les moments de transformation radicale. En somme, Marx voit l'histoire non pas comme un simple produit des actions humaines, mais comme une interaction complexe entre l'agence individuelle et les structures sociales et historiques. Il souligne la manière dont le passé informe et limite les possibilités de changement dans le présent.  


La citation de Marx illustre l'interaction complexe entre l'agence individuelle - c'est-à-dire la capacité des individus à agir de manière autonome et à prendre des décisions - et les structures sociales et institutionnelles dans lesquelles ils se trouvent. Ces structures peuvent inclure des institutions politiques et économiques, des normes culturelles, des structures de classe, des contraintes environnementales, et plus encore. La tension décrite par Marx est celle entre la liberté et la détermination : d'une part, les individus sont libres de prendre des décisions et d'agir ; d'autre part, les possibilités d'action qui s'offrent à eux sont façonnées et limitées par des structures qui sont souvent hors de leur contrôle et qui sont en grande partie le produit de l'histoire. Par exemple, un individu peut choisir de travailler dur pour réussir économiquement, mais son succès dépendra également de facteurs structurels tels que l'éducation et les opportunités économiques disponibles, l'origine sociale et économique, le contexte politique et économique plus large, et d'autres facteurs qui sont en grande partie déterminés par l'histoire et la société dans laquelle il vit. De plus, ces structures ne sont pas seulement des contraintes, elles façonnent également la manière dont les individus perçoivent et interprètent le monde, influençant ainsi leurs aspirations, leurs motivations et leur conception de ce qui est possible ou souhaitable. Marx nous rappelle que si les individus font l'histoire, ils le font dans des conditions qui ne sont pas de leur propre choix, mais qui sont héritées du passé.
La cita de Marx ilustra la compleja interacción entre la agencia individual -es decir, la capacidad de los individuos para actuar de forma autónoma y tomar decisiones- y las estructuras sociales e institucionales en las que se encuentran. Estas estructuras pueden incluir instituciones políticas y económicas, normas culturales, estructuras de clase, limitaciones medioambientales, etc. La tensión que describe Marx es la que existe entre la libertad y la determinación: por un lado, los individuos son libres de tomar decisiones y actuar; por otro, las posibilidades de acción que se les abren están moldeadas y limitadas por estructuras que a menudo escapan a su control y que son, en gran medida, producto de la historia. Por ejemplo, un individuo puede elegir trabajar duro para alcanzar el éxito económico, pero su éxito también dependerá de factores estructurales como la educación disponible y las oportunidades económicas, el entorno social y económico, el contexto político y económico más amplio y otros factores que están determinados en gran medida por la historia y la sociedad en la que vive. Además, estas estructuras no son sólo limitaciones, sino que también configuran la forma en que los individuos perciben e interpretan el mundo, influyendo en sus aspiraciones, motivaciones y concepción de lo que es posible o deseable. Marx nos recuerda que si los individuos hacen historia, lo hacen en condiciones que no son de su propia elección, sino heredadas del pasado.


= Des origines antiques aux théories modernes =
= Des origines antiques aux théories modernes =

Version du 24 juin 2023 à 15:08

La pensée sociale d'Émile Durkheim et Pierre BourdieuAux origines de la chute de la République de WeimarLa pensée sociale de Max Weber et Vilfredo ParetoLa notion de « concept » en sciences-socialesHistoire de la discipline de la science politique : théories et conceptionsMarxisme et StructuralismeFonctionnalisme et SystémismeInteractionnisme et ConstructivismeLes théories de l’anthropologie politiqueLe débat des trois I : intérêts, institutions et idéesLa théorie du choix rationnel et l'analyse des intérêts en science politiqueApproche analytique des institutions en science politiqueL'étude des idées et idéologies dans la science politiqueLes théories de la guerre en science politiqueLa Guerre : conceptions et évolutionsLa raison d’ÉtatÉtat, souveraineté, mondialisation, gouvernance multiniveauxLes théories de la violence en science politiqueWelfare State et biopouvoirAnalyse des régimes démocratiques et des processus de démocratisationSystèmes Électoraux : Mécanismes, Enjeux et ConséquencesLe système de gouvernement des démocratiesMorphologie des contestationsL’action dans la théorie politiqueIntroduction à la politique suisseIntroduction au comportement politiqueAnalyse des Politiques Publiques : définition et cycle d'une politique publiqueAnalyse des Politiques Publiques : mise à l'agenda et formulationAnalyse des Politiques Publiques : mise en œuvre et évaluationIntroduction à la sous-discipline des relations internationales

La ciencia política, tal y como la conocemos hoy, es de hecho una disciplina relativamente joven. Su desarrollo como campo de estudio académico diferenciado se remonta aproximadamente a un siglo atrás. Sin embargo, los fundamentos del pensamiento político pueden encontrarse en obras filosóficas y literarias muy anteriores.

La tradición del pensamiento político occidental hunde sus raíces en la antigua Grecia, con pensadores como Platón y Aristóteles. Sus escritos sobre temas como la justicia, el poder, la autoridad, el papel del Estado, la ciudadanía y la gobernanza sentaron las bases del pensamiento político. Estas ideas fueron desarrolladas y enriquecidas a lo largo de los siglos por pensadores como Maquiavelo, Hobbes, Locke, Rousseau, Montesquieu, Marx y muchos otros. Sin embargo, no fue hasta el siglo XX cuando la ciencia política surgió como un campo académico por derecho propio, con sus propias instituciones, revistas académicas y métodos de investigación. Esto coincidió con un movimiento hacia un enfoque más empírico y científico del estudio de la política, caracterizado por el uso de métodos cuantitativos y una especial atención a la sistematización y verificación de las teorías.

Hoy en día, la ciencia política es una disciplina diversa que abarca una gran variedad de subcampos, como la teoría política, la política comparada, las relaciones internacionales, las políticas públicas, la administración pública y las políticas de género, por nombrar sólo algunos. Sin embargo, a pesar de esta diversidad, todos los politólogos comparten un interés común por comprender los fenómenos políticos.

Definir la ciencia política: un reto intelectual

Según Harold Lasswell, en su libro de 1936 Politics: Who Gets What, When, How, la ciencia política se define por quién consigue qué, cuándo y cómo.[1] En otras palabras, es la eterna lucha dentro de la sociedad por el control de unos recursos escasos. Estos conflictos, entre individuos y entre grupos sociales, se generan por el deseo de repartir los recursos de una sociedad inevitablemente limitada. Esta perspectiva se centra en los conflictos relacionados con la redistribución de los recursos escasos en una sociedad.

Robert E. Goodin, en "The State of the Discipline, The Discipline of the State" publicado en 2009, ve la política como el uso limitado del poder social, presentado como la esencia de la política.[2] El concepto central aquí es la noción de poder, un tema ampliamente explorado en las ciencias sociales. Según Max Weber, el poder de A sobre B es la capacidad de A para obligar a B a hacer algo que B no habría hecho sin la intervención de A. Esta definición general se refiere a la capacidad de influir en otros individuos, grupos o Estados limitando su comportamiento. Uno de los intereses de esta definición es mostrar que el poder es relacional. Según Goodin, el poder puede adoptar muchas formas, pero siempre es limitado, porque ni siquiera los más poderosos pueden imponer su voluntad a los dominados mediante la coacción. El poder es, por tanto, multidimensional, pero siempre limitado, y la tarea de la ciencia política es dar cuenta de estas relaciones de poder a diferentes niveles.

Goodin también propone otra definición, según la cual la ciencia política es la disciplina del Estado. Aquí, el Estado se entiende como un conjunto de normas, instituciones y relaciones de poder. En cuanto a las normas, la historia del Estado moderno está estrechamente vinculada a la democracia liberal, con normas específicas como la separación de poderes, la competencia política, la participación política individual y la responsabilidad política de los representantes elegidos ante el electorado. El Estado es también un conjunto de instituciones que encarnan diferentes formas de política. El Estado es, por tanto, el lugar privilegiado de las relaciones de poder entre individuos y entre grupos.

Au cours du XXe siècle, la science politique a connu un processus d'autonomisation significatif, se distinguant ainsi de disciplines connexes, en particulier l'histoire. Historiquement, la science politique était largement considérée comme une sous-discipline de l'histoire, puisqu'elle se basait largement sur l'étude de l'histoire des institutions, des idées politiques et des mouvements sociaux. Cependant, au fur et à mesure de l'évolution de la discipline au XXe siècle, la science politique a commencé à développer ses propres approches méthodologiques, ses cadres théoriques et ses domaines d'application. L'un des facteurs clés de cette autonomisation a été le développement de méthodologies quantitatives et l'application de la théorie des jeux, de la théorie de la rationalité et d'autres concepts issus de la psychologie et de l'économie pour analyser le comportement politique. Ces avancées méthodologiques ont permis à la science politique de s'éloigner des méthodes d'étude narrative de l'histoire, pour devenir une discipline plus analytique et orientée vers les données. De plus, la science politique a progressivement élargi son champ d'étude pour inclure une gamme plus large de phénomènes politiques, y compris l'analyse du comportement électoral, l'étude des processus de décision au sein des institutions politiques et la compréhension des dynamiques de pouvoir internationales. Enfin, la création de départements de science politique indépendants dans les universités et la publication de revues spécialisées ont renforcé l'identité de la discipline en tant que domaine distinct de la recherche académique.

James Duesenberry, un reputado economista, destaca las diferentes perspectivas que adoptan la economía y la sociología a la hora de estudiar el comportamiento humano: "la economía sólo habla de cómo los individuos toman decisiones, la sociología sólo habla de cómo no tienen opciones que tomar". [3] En economía, se hace hincapié en la idea de que los individuos son agentes racionales que toman decisiones en función de sus preferencias y de las restricciones que se les imponen, como los ingresos o el tiempo. Esto se basa en el concepto de hombre económico u "homo economicus", un individuo hipotético que siempre busca maximizar su utilidad o bienestar tomando decisiones racionales basadas en la información disponible. La sociología, en cambio, se interesa más por el contexto social y cultural en el que se sitúan los individuos, y cómo estos entornos moldean su comportamiento y sus opciones vitales. En otras palabras, la sociología suele destacar cómo las estructuras sociales limitan o determinan las opciones individuales. Por ejemplo, una persona nacida en una determinada clase social puede tener diferentes oportunidades que otra nacida en otra clase social, lo que puede limitar sus opciones en términos de educación, empleo o incluso estilo de vida. De este modo, Duesenberry ilustra la tensión entre el individualismo metodológico, propio de la economía, y el holismo metodológico, más característico de la sociología. Es importante señalar que se trata de dos enfoques complementarios para comprender el comportamiento humano y las sociedades, y que cada uno de ellos ofrece perspectivas únicas y valiosas.

Lo que dice Duesenberry pone de relieve dos concepciones contrapuestas de lo humano en la sociología y la economía neoclásicas. Por un lado, la sociología tiende a tener una concepción del ser humano "supersocializado", en la que el comportamiento de los individuos viene determinado en gran medida por fuerzas sociales externas. En otras palabras, en este modelo, el individuo está influido en gran medida por la estructura social en la que vive. Esto puede incluir factores como las normas culturales, los roles sociales, las expectativas sociales y las instituciones sociales. Desde esta perspectiva, el individuo tiene un margen limitado para actuar al margen de las expectativas y restricciones sociales. Por otra parte, la economía neoclásica tiende a tener una visión "infrasocializada" del hombre, en la que se considera que el individuo actúa con relativa independencia de las influencias sociales. En este modelo, el individuo es visto principalmente como un agente económico racional que busca maximizar el bienestar personal tomando decisiones racionales basadas en la información disponible. Las interacciones sociales suelen considerarse transacciones económicas, en las que los individuos intercambian bienes y servicios para maximizar su utilidad. Estas dos concepciones opuestas del ser humano ponen de relieve la tensión entre individualismo y colectivismo en el análisis del comportamiento humano. También ponen de relieve la importancia de considerar tanto los factores individuales como los sociales a la hora de comprender el comportamiento humano y las sociedades.

Marx subraya la tensión entre la capacidad de los individuos para forjar su propia historia y las limitaciones impuestas por las condiciones sociales e históricas existentes: "Los hombres hacen su propia historia, pero no la hacen arbitrariamente en condiciones elegidas por ellos, sino en condiciones que les vienen dadas directamente y heredadas del pasado. La tradición de todas las generaciones muertas pesa sobre el cerebro de los vivos. E incluso cuando parece ocupada en transformarse a sí misma, a ellos y a las cosas para crear algo totalmente nuevo, es precisamente en estos momentos de crisis revolucionaria cuando evocan temerosamente a los espíritus del pasado, cuando toman prestados de ellos sus nombres, sus consignas, sus trajes para aparecer en el nuevo escenario de la historia con este respetable disfraz y con este lenguaje prestado." [4].

Marx reconnaît que les individus jouent un rôle actif dans la création de leur propre histoire. Cependant, il soutient que ce processus n'est pas arbitraire, mais est fortement influencé par les conditions sociales et historiques données et héritées du passé. La deuxième partie de la citation met en évidence la manière dont les individus se tournent souvent vers le passé pendant les périodes de changement et de révolution. Même lorsqu'ils cherchent à créer quelque chose de nouveau, ils ont souvent recours à des références historiques, empruntant des noms, des mots d'ordre et des costumes du passé. Cela, selon Marx, montre à quel point le passé pèse lourdement sur le présent, même dans les moments de transformation radicale. En somme, Marx voit l'histoire non pas comme un simple produit des actions humaines, mais comme une interaction complexe entre l'agence individuelle et les structures sociales et historiques. Il souligne la manière dont le passé informe et limite les possibilités de changement dans le présent.

La cita de Marx ilustra la compleja interacción entre la agencia individual -es decir, la capacidad de los individuos para actuar de forma autónoma y tomar decisiones- y las estructuras sociales e institucionales en las que se encuentran. Estas estructuras pueden incluir instituciones políticas y económicas, normas culturales, estructuras de clase, limitaciones medioambientales, etc. La tensión que describe Marx es la que existe entre la libertad y la determinación: por un lado, los individuos son libres de tomar decisiones y actuar; por otro, las posibilidades de acción que se les abren están moldeadas y limitadas por estructuras que a menudo escapan a su control y que son, en gran medida, producto de la historia. Por ejemplo, un individuo puede elegir trabajar duro para alcanzar el éxito económico, pero su éxito también dependerá de factores estructurales como la educación disponible y las oportunidades económicas, el entorno social y económico, el contexto político y económico más amplio y otros factores que están determinados en gran medida por la historia y la sociedad en la que vive. Además, estas estructuras no son sólo limitaciones, sino que también configuran la forma en que los individuos perciben e interpretan el mundo, influyendo en sus aspiraciones, motivaciones y concepción de lo que es posible o deseable. Marx nos recuerda que si los individuos hacen historia, lo hacen en condiciones que no son de su propia elección, sino heredadas del pasado.

Des origines antiques aux théories modernes

L'École d'Athènes de Raffaello Sanzio, 1509, représentant Platon (à gauche) et Aristote (à droite).

La Grèce antique, et en particulier le 5ème siècle avant notre ère, est souvent considérée comme le berceau de la pensée politique occidentale. Pendant cette période, connue sous le nom d'Âge d'or d'Athènes, de nombreux concepts politiques fondamentaux ont été développés et débattus.

Dans la Grèce antique, la politique était une préoccupation centrale de la philosophie. Les penseurs de cette époque se sont concentrés sur l'analyse des idées et des idéaux politiques, explorant les propriétés des différents systèmes politiques, s'interrogeant sur l'essence de la citoyenneté, le rôle et l'action des gouvernements, ainsi que l'intervention de l'État dans les affaires publiques et la politique étrangère.

Deux figures emblématiques de cette époque sont Platon et Aristote. Platon, dans son ouvrage "La République", a exploré les questions de justice, d'égalité et de la meilleure forme de gouvernement. Son élève Aristote, dans sa "Politique", a examiné les différentes formes de gouvernement, la citoyenneté, et la nature de la communauté politique. Ces écrits ont jeté les bases de la pensée politique occidentale et ont eu une influence considérable sur le développement ultérieur de la science politique.

Platon, philosophe grec de l'Antiquité (427-347 avant JC), est souvent considéré comme l'un des pères fondateurs de la science politique. Sa célèbre œuvre, "La République", est un texte majeur non seulement pour la philosophie, mais aussi pour la pensée politique. Dans "La République", Platon propose une typologie des différents régimes politiques. Il distingue notamment la monarchie (qu'il appelle "royauté"), l'aristocratie, la timocratie (gouvernement fondé sur l'honneur), l'oligarchie, la démocratie et la tyrannie. Chaque régime est évalué en fonction de sa justice et de son efficacité. En plus de cette typologie, Platon offre aussi une vision de ce qu'il considère comme l'État idéal. Pour lui, une société juste est celle dans laquelle chaque individu remplit la fonction qui lui convient le mieux. Selon sa célèbre théorie des trois classes, la société doit être divisée en gouvernants (les "gardiens"), auxiliaires (les "guerriers") et producteurs (les artisans et agriculteurs). La contribution de Platon à la science politique ne se limite pas à la République. Dans d'autres œuvres, comme "Les Lois", il continue d'explorer les questions relatives à l'organisation politique et sociale. Ses idées ont eu une profonde influence sur la pensée politique occidentale et continuent d'être étudiées et débattues par les politologues contemporains.

Aristote (384-322 avant JC) est un autre penseur majeur de la Grèce antique et un contributeur essentiel à la science politique. Son ouvrage "La Politique" est un texte fondamental de la pensée politique, dans lequel il aborde de nombreuses questions qui restent centrales dans la discipline à ce jour. A la différence de Platon, Aristote adopte une approche empirique et inductive dans l'étude des affaires politiques. Au lieu de commencer par des idées abstraites et de déduire des conclusions à partir de celles-ci, Aristote préfère observer les sociétés existantes et en tirer des leçons. Il est connu pour avoir étudié 158 constitutions de cités grecques pour comprendre la nature et les avantages de différents systèmes politiques. Dans "La Politique", Aristote propose également sa propre typologie des régimes politiques, qu'il divise en six formes: la monarchie, l'aristocratie, la polity (un mélange d'aristocratie et de démocratie), la tyrannie, l'oligarchie et la démocratie. Chacune de ces formes est analysée en termes de ses avantages et de ses inconvénients, et Aristote argumente en faveur de la polity comme étant la meilleure forme de gouvernement. En outre, Aristote est célèbre pour sa conception de la politique comme étant fondamentalement liée à la question du bien-être humain. Selon lui, le but de la cité (polis) est de permettre à ses citoyens de mener une bonne vie. Cette vision de la politique a eu une influence durable sur la pensée politique occidentale.

Durant la période de la Grèce antique, deux thèmes majeurs se sont cristallisés qui continuent à occuper une place centrale dans le domaine de la science politique :

  1. Les Formes Institutionnelles du Politique : Cette question examine les différents types d'arrangements institutionnels qui structurent le domaine politique. Cela comprend les différentes formes de gouvernement, les systèmes électoraux, la division des pouvoirs, les relations entre le gouvernement et les citoyens, etc. Dans la Grèce antique, les penseurs politiques tels qu'Aristote ont analysé une variété de constitutions de cités-états pour comprendre leurs caractéristiques et leurs fonctionnements.
  2. L'Évaluation des Formes Institutionnelles : Ce thème est lié à la question normative de savoir quelles sont les meilleures formes de gouvernement ou d'organisation politique. Cela implique souvent une réflexion sur les valeurs politiques et éthiques, comme la justice, la liberté, l'égalité, etc. Par exemple, Platon dans sa République a proposé une vision idéale de la cité-état, tandis qu'Aristote a argumenté en faveur de la polity (un mélange d'aristocratie et de démocratie) comme étant la meilleure forme de gouvernement.

Ces deux thèmes se retrouvent de façon récurrente dans les débats et les recherches en science politique contemporaine, bien qu'avec de nouvelles nuances et des approches méthodologiques différentes.

Le renouveau des idées pendant la Renaissance

La période médiévale était fortement influencée par la pensée chrétienne et la théorie de la loi naturelle. Cette dernière suppose l'existence d'une loi universelle, découlant de la transcendance divine, qui dicterait la conduite humaine et les principes de justice. Selon cette perspective, l'État ou la cité devrait structurer ses institutions et sa gouvernance en conformité avec cette loi naturelle.

Cependant, les changements philosophiques et intellectuels associés à la Renaissance marquèrent une rupture avec cette tradition. À partir de cette époque, la pensée politique commença à se tourner vers une vision plus humaniste et plus séculaire, centrée sur l'homme plutôt que sur la divinité. Les penseurs politiques se mirent à explorer de nouvelles conceptions du pouvoir, de la souveraineté et de l'État, marquant une nouvelle phase dans l'évolution de la science politique.

Machiavel (1469 - 1527) est connu pour son traité politique "Le Prince", qui explore les questions de la légitimité des régimes politiques et des dirigeants. Il est souvent considéré comme un précurseur de l'école réaliste, qui a donné lieu à la théorie réaliste des relations internationales au XXe siècle. En rupture avec la pensée chrétienne dominante de l'époque, qui voyait la morale comme une fin en soi, Machiavel envisage la morale également comme un moyen pour atteindre des fins politiques. Selon lui, la morale peut être utilisée comme un instrument pour réaliser certaines finalités politiques. Cette vision instrumentaliste de la morale marque une rupture significative avec les conceptions précédentes, et a eu une influence profonde sur la pensée politique ultérieure.

Jean Bodin (1529 - 1596) est principalement connu pour être un théoricien de la souveraineté étatique. Dans son œuvre majeure "Les six livres de la République", il expose la nature de l'État, qui selon lui se définit par la notion de souveraineté. Pour Bodin, la souveraineté est l'attribut fondamental de l'État, qui détient le pouvoir ultime et indépendant sur son territoire et sa population. Cette conception de la souveraineté a profondément influencé la théorie politique et est à la base de notre compréhension moderne de l'État-nation.

L'époque des Lumières a marqué une période d'effervescence intellectuelle et de contributions majeures à la théorie politique. D'éminents philosophes et penseurs tels que Hobbes, Locke, Hume et Smith ont jeté les bases de nombreuses notions fondamentales dans la tradition anglo-saxonne de la science politique. Thomas Hobbes (1588 - 1679), dans son ouvrage "Le Léviathan", a développé une théorie sur l'absolutisme et le contrat social, proposant que les individus acceptent de céder une partie de leur liberté à un souverain en échange de la sécurité. John Locke (1632 - 1704), souvent considéré comme le père du libéralisme, a développé dans ses "Deux traités du gouvernement" une théorie du gouvernement fondée sur le consentement des gouvernés, et a posé les bases de la théorie des droits naturels. David Hume (1711 - 1776) a, quant à lui, contribué à la théorie politique en examinant les fondements de la société et de la gouvernance, en particulier dans ses "Essais sur le commerce". Adam Smith (1723 - 1790) est surtout connu pour son œuvre "La Richesse des nations", dans laquelle il a formulé la théorie de l'économie de marché et le concept de la "main invisible". Enfin, Alexander Hamilton (1755 - 1804) est l'un des Pères fondateurs des États-Unis et a joué un rôle déterminant dans l'élaboration de la Constitution américaine et la définition du système de gouvernement américain. Ces penseurs ont apporté des perspectives diverses et complémentaires sur des sujets tels que le rôle de l'État, la nature des droits individuels, l'organisation de l'économie et la structure du gouvernement, qui continuent d'influencer la science politique contemporaine.

Charles-Louis de Secondat, Baron de La Brède et de Montesquieu (1689 - 1755), généralement connu sous le nom de Montesquieu, est l'un des philosophes français les plus influents dans le domaine de la science politique. Dans son ouvrage "De l'Esprit des Lois", publié en 1748, il a formulé des idées essentielles sur la structuration du pouvoir politique dans une société. Montesquieu a proposé une division du pouvoir politique en trois branches distinctes : le pouvoir législatif (qui fait les lois), le pouvoir exécutif (qui exécute les lois) et le pouvoir judiciaire (qui interprète et applique les lois). Cette idée, connue sous le nom de théorie de la séparation des pouvoirs, a eu un impact considérable sur la conception des institutions politiques modernes, en particulier dans les systèmes démocratiques. Selon Montesquieu, la séparation des pouvoirs vise à prévenir les abus de pouvoir et à garantir les libertés individuelles, en établissant un système de contrôle et d'équilibre ("checks and balances") entre les différents pouvoirs. La théorie de la séparation des pouvoirs a notamment influencé la rédaction de la Constitution des États-Unis et reste aujourd'hui un principe fondamental du droit constitutionnel dans de nombreux pays.

Fin du XVIIIème - XIXème : Une période de transition

La fin du XVIIIe siècle et le XIXe siècle ont vu l'émergence de plusieurs penseurs importants qui ont grandement influencé la théorie sociale et la science politique. Ils ont élaboré des théories complexes sur la structure de la société, la nature du pouvoir, les relations entre individus et groupes, et d'autres aspects du fonctionnement de la société.

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La période de la fin du XVIIIe siècle au XIXe siècle a vu la naissance de plusieurs penseurs influents au Royaume-Uni, en France, en Allemagne ou encore en Italie. Ces penseurs ont joué des rôles importants dans le développement de la philosophie politique, économique et sociale. Leur travail a influencé divers domaines, y compris la sociologie, la philosophie et la science politique.

  • Adam Smith (1723-1790) : Connu comme le père de l'économie moderne, Smith a établi les bases de l'économie de marché et de la division du travail. Dans son ouvrage "La Richesse des Nations", il a établi le principe de "la main invisible" qui guide les marchés libres.
  • David Ricardo (1772-1823) : Ricardo est un économiste influent, surtout connu pour sa théorie de la valeur-travail et sa théorie des avantages comparatifs, qui est toujours la base de la plupart des arguments en faveur du libre-échange. Son œuvre la plus connue est "Des principes de l'économie politique et de l'impôt".
  • John Stuart Mill (1806-1873) : Mill est l'un des plus grands penseurs du libéralisme. Il a défendu la liberté individuelle contre l'interférence de l'État dans son ouvrage "De la liberté". Il a également contribué à la théorie utilitariste, affirmant que les actions doivent être jugées en fonction de leur utilité ou de leur capacité à produire le bonheur.
  • Auguste Comte (1798-1857) : Considéré comme le père de la sociologie, Comte a introduit le concept de positivisme, qui préconise l'utilisation de la méthode scientifique pour comprendre et expliquer le monde social.
  • Alexis de Tocqueville (1805-1859) : Tocqueville est surtout connu pour son analyse de la démocratie américaine dans son ouvrage "De la démocratie en Amérique". Il a également été un observateur perspicace des tendances sociales et politiques de son époque, y compris la montée de l'égalité et du despotisme démocratique.
  • Herbert Spencer (1820-1903) : Spencer a eu une influence significative a défendu une philosophie de "laissez-faire" sociale et économique et est connu pour avoir appliqué la théorie de l'évolution de Darwin à la société humaine, concept souvent résumé par la phrase "la survie du plus apte".
  • Émile Durkheim (1858-1917) : Durkheim est un autre père fondateur de la sociologie. Il a insisté sur l'importance des institutions sociales et a introduit des concepts tels que le fait social, l'anomie et la solidarité sociale. Son travail a jeté les bases de la sociologie fonctionnaliste.
  • Karl Marx (1818-1883) : Marx est l'un des penseurs les plus influents de l'histoire moderne. En collaboration avec Friedrich Engels, il a développé le marxisme, une théorie critique du capitalisme et de la société de classe. Ses travaux, dont "Le Manifeste du parti communiste" et "Le Capital", ont posé les bases du socialisme et du communisme, et ont influencé une grande variété de disciplines, y compris la science politique, la sociologie et l'économie.
  • Max Weber (1864-1920) : Weber est considéré comme l'un des fondateurs de la sociologie moderne. Ses travaux ont abordé un large éventail de sujets, y compris la bureaucratie, l'autorité, la religion et le capitalisme. Son concept d'"éthique de conviction" et d'"éthique de responsabilité" est encore largement utilisé dans l'analyse politique. Son ouvrage "L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme" est souvent cité comme une étude de référence sur l'influence de la religion sur le développement économique.
  • Vilfredo Pareto (1848-1923) : Économiste et sociologue italien, Pareto est surtout connu pour ses travaux sur la distribution des richesses et sa théorie des élites. Il a introduit le concept de "l'optimum de Pareto" en économie, qui stipule qu'un état est optimal si aucune amélioration ne peut être réalisée sans aggraver la situation d'un individu.
  • Gaetano Mosca (1858-1941) : Également un théoricien des élites, Mosca a souligné l'idée que, dans toute société, une minorité organisée gouvernera toujours une majorité désorganisée. Son ouvrage le plus célèbre, "La Classe Politique", détaille cette théorie.
  • Robert Michels (1876-1936) : Sociologue italien d'origine allemande, Michels est connu pour sa "théorie de l'oligarchie de fer". Dans son livre "Les partis politiques", il soutient que toutes les formes d'organisation, démocratiques ou non, aboutissent inévitablement à l'oligarchie, en raison des tendances bureaucratiques inhérentes à toute organisation.

XIXème : Période classique de la théorie sociale

La période classique de la théorie sociale au XIXe siècle a vu émerger un certain nombre de nouvelles perspectives sur la société et l'histoire humaine. Parmi les plus influentes, on peut citer le matérialisme historique de Karl Marx et Friedrich Engels, qui proposait une vision déterministe de l'histoire fondée sur la lutte des classes et le développement des forces productives. Selon Marx et Engels, l'histoire humaine est essentiellement une histoire de conflit de classes, dans laquelle les structures économiques déterminent en grande partie les structures politiques et idéologiques de la société. Dans cette perspective, l'histoire se développe de manière linéaire et progressive, chaque mode de production (esclavage, féodalisme, capitalisme) étant remplacé par le suivant à la suite de contradictions internes et de conflits de classes. Cette conception déterministe et progressiste de l'histoire a joué un rôle clé dans la philosophie politique de Marx et Engels, qui envisageaient la fin du capitalisme et l'avènement du socialisme et du communisme comme des étapes inévitables de l'histoire humaine. Ces idées ont eu une influence profonde et durable sur la théorie sociale et politique, bien que leurs implications et leur validité continuent d'être débattues aujourd'hui.

Face à ces visions déterministes et souvent très théoriques de la société, une série de travaux empiriques a commencé à émerger dans la seconde moitié du XIXe siècle. Ces travaux ont cherché à examiner les réalités sociales de manière plus concrète et détaillée, en se basant sur l'observation directe et l'analyse de données empiriques. Cela a conduit à l'émergence de nouvelles disciplines telles que la sociologie, initiée par des figures comme Émile Durkheim en France, qui a insisté sur l'importance de l'étude systématique des faits sociaux. En parallèle, en Allemagne, Max Weber a développé une approche compréhensive de la sociologie, cherchant à comprendre les actions individuelles et les processus sociaux du point de vue des acteurs eux-mêmes. Ces travaux empiriques ont souvent remis en question les grands récits déterministes de l'histoire et de la société, en montrant la complexité et la variabilité des phénomènes sociaux. Ils ont souligné l'importance des contextes historiques et culturels spécifiques, ainsi que la possibilité de multiples trajectoires de développement social et politique. Cela a marqué une rupture importante avec les approches antérieures et a jeté les bases de nombreuses branches contemporaines des sciences sociales, y compris la science politique. Il a également ouvert la voie à une variété de nouvelles méthodologies, de l'ethnographie à l'analyse statistique, qui sont maintenant des outils standard dans la recherche sociale et politique.

En réaction à la tendance déterministe, de nombreux chercheurs ont commencé à entreprendre des études descriptives détaillées des institutions politiques. C'est durant cette période que Woodrow Wilson, qui allait devenir le 28e président des États-Unis, a écrit "The State: Elements of Historical and Practical Politics". Dans cet ouvrage, Wilson a offert une étude profonde des institutions politiques, construisant une typologie des régimes politiques basée sur leur structure et leurs pratiques institutionnelles. Cela reflète une approche empirique et comparative de la science politique, cherchant à comprendre les systèmes politiques en fonction de leurs caractéristiques spécifiques et de leur contexte historique. Cette démarche peut être vue comme une reprise moderne des typologies classiques élaborées par Platon et Aristote, mais avec un accent plus prononcé sur l'observation directe et l'analyse détaillée. Cela a représenté une contribution importante à l'évolution de la science politique en tant que discipline autonome, soulignant la valeur de l'étude systématique des institutions politiques pour comprendre le fonctionnement des systèmes politiques.

Woodrow Wilson était non seulement le 28ème président des États-Unis, mais aussi un éminent universitaire et politologue. Avant d'entrer en politique, Wilson a enseigné à l'Université de Princeton, où il a été reconnu pour ses travaux importants en science politique. L'une des contributions les plus notables de Wilson à la discipline a été son approche institutionnelle de l'étude de la politique. Il a plaidé pour une attention particulière à l'analyse des institutions politiques en tant qu'éléments clés de tout système politique. De plus, il a souligné l'importance de la politique pratique, soulignant la nécessité pour les chercheurs de comprendre comment les institutions politiques fonctionnent réellement dans la pratique, et pas seulement en théorie. Durant son mandat en tant que président, durant la période de la Première Guerre mondiale, Wilson a été en mesure de mettre en pratique certaines de ses idées politiques. Sa présidence a été marquée par de nombreuses réformes progressistes, et il est notamment connu pour son rôle dans la création de la Ligue des Nations après la Première Guerre mondiale, une institution conçue pour promouvoir la paix et la coopération internationale.

Max Weber et Émile Durkheim ont tous deux apporté d'importantes contributions à la théorie sociologique, abordant des thèmes de modernisation, de développement économique et social, et de démocratisation. Max Weber est surtout connu pour son concept d'éthique protestante et de l'esprit du capitalisme, qui fait valoir que la rationalisation, ou le processus d'adoption de modes de pensée et de comportement rationnels et efficaces, a été un facteur clé du développement du capitalisme moderne. Il a également exploré la bureaucratie et le concept d'autorité rationnelle-légale, qui sont au cœur de la gouvernance moderne. Émile Durkheim, quant à lui, est considéré comme l'un des fondateurs de la sociologie moderne. Il est célèbre pour sa théorie du fait social, qui fait valoir que les phénomènes sociaux existent indépendamment des individus et influencent leur comportement. Durkheim a également exploré les thèmes de la modernisation et du changement social, notamment à travers son étude du suicide et de la religion. En bref, Weber et Durkheim ont tous deux contribué à notre compréhension des processus de modernisation et de changement social, y compris le développement économique et politique.

Le processus de modernisation, par exemple, reste un sujet clé de recherche et de débat, en particulier en ce qui concerne les questions de développement et de démocratisation. Les chercheurs continuent d'examiner comment les sociétés changent à mesure qu'elles deviennent plus "modernes", comment ces changements affectent la gouvernance et la politique, et quels sont les meilleurs moyens de faciliter un développement économique et politique positif. De même, le développement social et économique reste une préoccupation majeure pour les politologues. Les chercheurs étudient des questions telles que la manière dont la croissance économique affecte les inégalités sociales, comment les politiques gouvernementales peuvent soutenir le développement, et comment les changements sociaux, tels que ceux liés à la migration ou au changement climatique, affectent la politique. Enfin, la démocratisation est également un domaine d'étude important en science politique. Les chercheurs examinent comment et pourquoi les démocraties émergent, se stabilisent ou échouent, et quelles stratégies peuvent soutenir la transition vers la démocratie et son maintien. Ces questions sont particulièrement pertinentes dans le contexte actuel, où de nombreux pays à travers le monde sont confrontés à des défis liés à la gouvernance démocratique.

L'approche scientifique de la science politique s'est considérablement développée au fil du temps. Elle se caractérise par une rigueur accrue dans l'analyse des phénomènes politiques, une logique plus cohérente dans les arguments présentés, et une prédominance de l'approche inductive par rapport aux suppositions préalables sur la nature humaine, comme c'était le cas pendant le Moyen Âge. Cette approche inductive repose sur l'observation empirique et l'analyse de données pour formuler des hypothèses et des théories. Au lieu de partir de théories préétablies sur la nature humaine ou la structure de la société, les chercheurs observent les comportements et les événements politiques, recueillent des données et utilisent ces informations pour élaborer des théories qui expliquent les phénomènes observés. Cela ne signifie pas que la science politique est dénuée de débats théoriques ou philosophiques. Au contraire, ces débats sont cruciaux pour orienter la recherche empirique et pour interpréter les résultats. Cependant, l'accent mis sur l'approche empirique et inductive a contribué à renforcer le caractère scientifique de la discipline. De plus, l'utilisation de méthodes quantitatives, telles que les statistiques et les modèles économétriques, ainsi que l'accessibilité croissante des données, ont également contribué à l'avancement de la science politique en tant que discipline scientifique. Ces outils permettent aux chercheurs de tester leurs hypothèses de manière rigoureuse et de fournir des preuves empiriques pour soutenir leurs arguments.

L'utilisation de la méthode comparative en science politique a commencé à prendre de l'ampleur au cours du XXe siècle. Cette méthode permet aux chercheurs d'analyser et de comparer les systèmes politiques, les régimes, les politiques et les processus dans différents contextes nationaux et internationaux. Cependant, pendant une grande partie de ce siècle, l'utilisation de cette méthode était encore à ses débuts et n'était pas toujours systématique. L'approche comparative vise à identifier des ressemblances et des différences entre les cas étudiés pour tenter d'expliquer pourquoi certains phénomènes politiques se produisent. Par exemple, elle peut aider à comprendre pourquoi certains pays réussissent à instaurer une démocratie stable, tandis que d'autres n'y parviennent pas. Au fil du temps, la méthode comparative s'est développée et a gagné en sophistication. Elle est devenue plus systématique, notamment avec le développement de techniques statistiques qui permettent de comparer un grand nombre de cas en même temps. Malgré cette évolution, il est important de noter que la méthode comparative présente des défis. Elle nécessite une connaissance approfondie des contextes spécifiques de chaque cas étudié, et il peut être difficile de contrôler toutes les variables qui pourraient influencer les résultats. De plus, les chercheurs doivent faire attention à ne pas tirer des conclusions trop générales à partir d'un nombre limité de cas.

Une grande partie de la science politique traditionnelle s'est concentrée sur l'étude des institutions formelles du gouvernement, telles que les parlements, les tribunaux, les constitutions et les administrations publiques. Ces études ont souvent adopté une approche descriptives, légale et formelle, se concentrant sur la structure, la fonction et l'organisation de ces institutions. Cependant, il est important de noter que le champ de la science politique a évolué et s'est élargi de manière significative au cours des dernières décennies. Aujourd'hui, les chercheurs en science politique ne se limitent pas à l'étude des institutions formelles du gouvernement. Ils s'intéressent également à une variété d'autres phénomènes politiques, tels que le comportement électoral, les mouvements sociaux, la politique de l'identité, la gouvernance mondiale, la politique comparative, les conflits internationaux, et bien plus encore. De plus, les méthodologies utilisées en science politique ont également évolué. Au lieu de se concentrer uniquement sur une approche descriptive, de nombreux chercheurs en science politique utilisent aujourd'hui des méthodes de recherche plus diversifiées, y compris des approches quantitatives, qualitatives, mixtes et de modélisation formelle. En somme, bien que l'étude des institutions formelles du gouvernement reste une partie importante de la science politique, le champ s'est considérablement élargi et diversifié, reflétant une gamme beaucoup plus large de sujets d'intérêt et de méthodologies de recherche.

Fin du XIXème début du XXème : Une ère de changements

C'est au début du XXe siècle que la science politique s'est véritablement professionnalisée et est devenue une discipline autonome. Plusieurs facteurs ont contribué à cette évolution. Premièrement, la fondation d'organisations professionnelles, comme l'American Political Science Association (APSA) en 1903, a joué un rôle crucial. Ces organisations ont contribué à standardiser la pratique de la science politique, à établir des normes éthiques pour la recherche et à promouvoir la diffusion des travaux de recherche à travers des conférences et des publications. Deuxièmement, le développement des programmes de doctorat en science politique dans les universités a contribué à former une nouvelle génération de chercheurs professionnels. Ces programmes ont fourni un cadre pour une formation systématique en théorie politique, méthodes de recherche, et dans les divers sous-domaines de la discipline. Troisièmement, l'évolution de la science politique a été stimulée par l'introduction de nouvelles méthodes de recherche, notamment des approches quantitatives basées sur les statistiques. Ces méthodes ont permis aux chercheurs d'examiner des questions politiques avec un degré de rigueur et de précision sans précédent. Enfin, la science politique a également bénéficié du soutien de diverses fondations et agences de financement, qui ont contribué à financer la recherche et à promouvoir le développement de la discipline. C'est grâce à ces développements que la science politique est devenue une discipline universitaire distincte, dotée de son propre corps de connaissances, de méthodes de recherche et de normes professionnelles.

La science politique en tant que discipline académique distincte a pris racine principalement aux États-Unis au début du 20e siècle. La création en 1880 de la première école doctorale à la Columbia University de New York marque le début de l'institutionnalisation de la science politique en tant que champ d'étude autonome aux États-Unis. Cette étape a été cruciale pour établir la science politique en tant que domaine d'étude universitaire distinct. L'American Political Science Association (APSA) a ensuite été fondée en 1903. L'APSA est devenue une organisation clé pour les politologues, en fournissant une plateforme pour le partage et la diffusion des recherches, ainsi qu'un espace pour le développement professionnel et la collaboration entre chercheurs. Ces étapes ont non seulement permis à la science politique de se distinguer des autres disciplines, mais ont également jeté les bases pour le développement ultérieur de la discipline, tant en termes de recherche théorique que d'application pratique. Aujourd'hui, la science politique est un domaine dynamique et diversifié qui aborde une vaste gamme de questions liées au pouvoir, à la gouvernance et aux relations internationales

Selon l'historien britannique Edward Augustus Freeman, "History is past politics, and politics is present history"[5] Cette citation souligne l'étroite relation entre la science politique et l'histoire. En effet, la science politique peut être considérée comme une branche de l'histoire qui se concentre sur l'analyse des systèmes politiques, des institutions et des processus politiques, tandis que l'histoire peut fournir un contexte précieux pour comprendre les origines et l'évolution de ces systèmes et processus. Cependant, une différence clé entre les deux disciplines réside dans leur orientation temporelle. Alors que l'histoire se concentre sur l'étude du passé, la science politique se concentre principalement sur le présent et le futur. Elle examine les tendances et les modèles contemporains dans la politique et essaie de faire des prévisions ou de fournir des recommandations politiques pour l'avenir. C'est pourquoi on dit souvent que "la politique est l'histoire présente". Néanmoins, bien que les deux disciplines aient des orientations temporelles différentes, elles sont intimement liées et se renforcent mutuellement. Une compréhension approfondie de l'histoire peut enrichir notre compréhension de la politique contemporaine, tandis que l'étude de la politique contemporaine peut nous aider à interpréter et à comprendre l'histoire.

L'approche de la science politique diffère de celle de l'histoire en termes de généralisation. Tandis que l'histoire se concentre sur l'unicité de chaque événement et de ses circonstances spécifiques, la science politique vise à établir des théories et des modèles qui peuvent être appliqués à divers contextes et moments. Cela ne signifie pas que la science politique néglige les détails spécifiques ou le contexte d'un événement ou d'un phénomène. Au contraire, elle utilise ces détails pour identifier des tendances, des modèles ou des facteurs qui peuvent expliquer une variété de phénomènes politiques. L'un des principaux objectifs de la science politique est de créer des théories qui peuvent être généralisées, testées et validées dans différentes conditions. Cela permet de comprendre les mécanismes qui sous-tendent les phénomènes politiques et de prédire comment ces phénomènes peuvent évoluer dans le futur. Par exemple, les théories de la science politique peuvent nous aider à comprendre pourquoi certains pays sont plus démocratiques que d'autres, comment les institutions politiques influencent le comportement des citoyens et des dirigeants, ou quels sont les facteurs qui peuvent mener à la guerre ou à la paix entre les nations. De cette manière, la science politique complète l'histoire en fournissant des cadres conceptuels pour comprendre les processus politiques à grande échelle, tout en bénéficiant des insights historiques pour éclairer ces cadres.

Les approches formelles, légales et descriptives dans la science politique ont certaines limites :

  • Description sur explication : Les approches descriptives fournissent souvent une vue détaillée des événements, des institutions ou des processus politiques, mais elles peuvent manquer d'explications approfondies sur pourquoi et comment ces phénomènes se produisent.
  • Dépendance de la loi et des institutions formelles : L'analyse juridique et institutionnelle est cruciale pour comprendre le fonctionnement des systèmes politiques. Cependant, elles peuvent négliger les influences non institutionnelles ou non légales sur le comportement politique, comme les normes sociales, les pressions économiques, les dynamiques de pouvoir informelles, etc.
  • Faible utilisation de l'analyse comparative : L'analyse comparative est un outil puissant pour la recherche en science politique car elle permet d'identifier les tendances, les modèles et les facteurs qui sont constants à travers différents contextes politiques. Cependant, dans les premiers stades de la discipline, cette approche était moins utilisée, limitant ainsi la capacité à généraliser les résultats de la recherche.
  • Manque d'approches empiriques : Bien que la science politique se soit de plus en plus tournée vers les méthodes empiriques, elles n'étaient pas aussi répandues dans les premières étapes de la discipline. Cela signifie que certaines théories ou hypothèses n'ont pas été rigoureusement testées par des données empiriques, ce qui peut limiter leur validité et leur fiabilité.

Cependant, la science politique a beaucoup évolué depuis ses débuts et a intégré de nouvelles méthodologies, y compris des approches empiriques plus sophistiquées, l'analyse comparative systématique et l'attention portée aux facteurs non institutionnels dans le comportement politique.roche empirique. L’analyse comparée demeure à un état embryonnaire, peu développée encore.

Selon la devise de l’époque : la science politique se concentre sur la période contemporaine et l’histoire sur le passé. cette devise illustre bien la distinction classique entre la science politique et l'histoire. L'histoire, en général, s'intéresse à la compréhension exhaustive et détaillée des événements, des personnes, des idées et des contextes passés. Elle cherche à décrire et à expliquer le passé dans toute sa complexité et sa spécificité. Les historiens se concentrent souvent sur les événements uniques et les contextes spécifiques, en s'efforçant de comprendre le passé pour lui-même, plutôt que de chercher à tirer des généralisations ou des théories. La science politique, en revanche, s'intéresse principalement à l'étude du pouvoir et des systèmes politiques dans le présent et l'avenir. Elle se concentre sur des concepts tels que l'État, le gouvernement, la politique, le pouvoir, l'idéologie, etc. Au lieu de s'intéresser uniquement à l'étude détaillée de cas spécifiques, la science politique cherche à développer des théories et des modèles qui peuvent être généralement applicables à divers contextes et périodes. Cela dit, il est important de noter que la science politique et l'histoire ne sont pas mutuellement exclusives. Les politologues peuvent tirer des leçons précieuses de l'histoire pour comprendre les tendances et les modèles dans les phénomènes politiques, tandis que les historiens peuvent utiliser des outils et des concepts de la science politique pour analyser le passé. Les deux disciplines se complètent et s'enrichissent mutuellement.

L'École de Chicago : Vers une approche comportementale

L'école de Chicago est célèbre pour avoir fait progresser la sociologie avec l'adoption d'une méthodologie empirique et quantitative pour étudier les comportements humains dans leur environnement urbain. C'est cette tradition qui a inspiré la révolution comportementale en science politique dans les années 1950 et 1960. La révolution comportementale a marqué un tournant majeur dans la science politique. Au lieu de se concentrer principalement sur les institutions et les structures formelles du gouvernement, les chercheurs ont commencé à s'intéresser davantage à l'étude des comportements individuels et des processus politiques informels. Ils ont commencé à recueillir des données empiriques par le biais de sondages, d'entretiens et d'autres méthodes de recherche pour comprendre comment les gens participent à la politique, comment ils prennent leurs décisions politiques, comment ils interagissent avec le système politique, etc. Cette nouvelle approche a permis d'enrichir considérablement notre compréhension de la politique. Elle a également introduit de nouvelles méthodes et techniques de recherche dans la discipline, comme l'analyse statistique, l'utilisation de modèles formels et de théories du choix rationnel, et l'adoption de cadres comparatifs plus systématiques.

L'École de Chicago a été une force majeure pour promouvoir une nouvelle approche de la science politique. Charles Merriam, qui a joué un rôle clé dans la création de l'École de Chicago, a fait valoir que la science politique devait s'éloigner de son orientation historique et juridique traditionnelle pour se concentrer davantage sur l'analyse empirique des comportements politiques. Dans son manifeste de 1929, Merriam a plaidé en faveur d'une approche "scientifique" de la science politique qui serait axée sur la collecte et l'analyse de données empiriques. Il a également soutenu que les chercheurs en science politique devaient adopter une approche interdisciplinaire, en incorporant des idées et des méthodes d'autres disciplines, comme la psychologie, la sociologie et l'économie.

L'École de Chicago est devenue connue pour son application des méthodes empiriques et quantitatives à l'étude des comportements politiques. Par exemple, ses chercheurs ont utilisé des enquêtes et des sondages pour étudier les attitudes politiques et les comportements de vote, et ils ont adopté une approche comparative pour analyser les systèmes politiques de différents pays. L'influence de l'École de Chicago a été profonde et durable. Elle a jeté les bases de la "révolution comportementale" qui a transformé la science politique dans les années 1950 et 1960. Et bien que l'approche comportementale ait elle-même été critiquée et modifiée depuis lors, de nombreux principes de l'École de Chicago continuent d'influencer la manière dont la science politique est pratiquée aujourd'hui.

Harold Lasswell, Leonard White et Quincy Wright ont été des figures clés de l'École de Chicago, apportant chacun une contribution significative à l'évolution comportementaliste de la science politique. Harold Lasswell, connu pour son travail sur les modèles de communication, a analysé le rôle des médias et de la propagande dans la société, développant notamment le modèle "Qui dit quoi, à qui, par quel canal, avec quel effet". Cette contribution a eu un impact significatif sur les études de communication et de politique. Leonard White, pionnier de l'étude de l'administration publique, a contribué à transformer ce domaine en une discipline universitaire à part entière, son travail historique sur l'administration publique aux États-Unis restant une référence essentielle. Enfin, Quincy Wright, spécialisé en relations internationales, a réalisé des travaux comme "A Study of War", où il a tenté de comprendre scientifiquement les causes de la guerre et les conditions de la paix. Ce travail a influencé la manière dont les relations internationales sont étudiées, mettant en avant l'importance de l'analyse empirique et comparative. Ensemble, ces chercheurs ont façonné la science politique, en se concentrant particulièrement sur l'étude empirique et comportementale des processus politiques.

L'École de Chicago s'est particulièrement intéressée à l'étude des comportements politiques. Dans cette perspective, deux objets d'étude ont été particulièrement mis en avant : les comportements de vote et la mobilisation sociale en politique. L'étude des comportements de vote cherche à comprendre les facteurs qui influencent la façon dont les individus votent lors des élections. Cette recherche s'intéresse à un large éventail de facteurs, notamment les attitudes politiques, les affiliations partisanes, les préférences en matière de politiques, l'influence des médias, ainsi que des facteurs sociodémographiques tels que l'âge, le genre, la race, la classe sociale et l'éducation. L'étude de la mobilisation sociale en politique, quant à elle, se concentre sur les processus par lesquels les individus et les groupes s'engagent dans l'action politique. Cette recherche explore les motivations des individus à participer à la politique, les tactiques et stratégies utilisées par les groupes pour mobiliser leurs membres et soutenir leurs causes, et les structures sociales et institutionnelles qui facilitent ou entravent la mobilisation politique. Ces deux domaines d'étude ont permis de mieux comprendre le comportement politique des individus et des groupes, et ont contribué à façonner la science politique telle que nous la connaissons aujourd'hui.

En 1939, Harold Lasswell a co-publié une étude intitulée "World Revolutionary Propaganda: A Chicago Study", qui examinait l'impact de la Grande Dépression de 1929 sur les capacités de mobilisation politique des chômeurs dans la ville de Chicago.[6] La Grande Dépression, qui a commencé avec le krach boursier de 1929, a eu un impact économique dévastateur aux États-Unis et ailleurs, entraînant un chômage massif et des difficultés financières pour de nombreuses personnes. Cette étude de Lasswell visait à comprendre comment ces circonstances économiques difficiles avaient influencé la capacité des personnes au chômage à s'engager dans des activités politiques. L'étude a utilisé une approche innovante pour son époque, combinant des méthodes quantitatives et qualitatives pour comprendre les comportements politiques. Elle a également contribué à établir l'École de Chicago comme un centre important pour l'étude des comportements politiques, et a contribué à jeter les bases de la révolution comportementale en science politique qui a suivi.

L'École de Chicago a marqué un tournant important dans l'histoire de la science politique en introduisant une approche plus empirique et rigoureuse de l'étude des comportements politiques. Plutôt que de se concentrer uniquement sur les institutions politiques ou les grands événements historiques, cette approche met l'accent sur l'importance des attitudes et des comportements individuels dans le processus politique. En utilisant des méthodes de recherche plus sophistiquées et rigoureuses, notamment des enquêtes et des analyses statistiques, l'École de Chicago a été capable de produire des connaissances plus précises et nuancées sur le comportement politique. Cela a permis d'améliorer la compréhension de divers phénomènes politiques, allant de la mobilisation politique des chômeurs pendant la Grande Dépression à la dynamique du vote dans les élections modernes. Ainsi, l'École de Chicago a joué un rôle essentiel dans la professionnalisation et l'autonomisation de la science politique en tant que discipline académique, en prouvant qu'une véritable avancée dans la connaissance politique est possible grâce à des études empiriques rigoureuses.

La période post-comportementale (1950 - 1960) : Nouveaux défis et orientations

La révolution comportementale (behavioral revolution) des années 1950 et 1960 marque un changement significatif dans la manière dont la science politique est étudiée et comprise. Cette révolution est caractérisée par une attention accrue portée au comportement des individus et des groupes dans le contexte politique, plutôt que sur les structures et les institutions formelles. Les chercheurs en science politique ont commencé à utiliser des méthodes empiriques pour étudier comment les individus perçoivent, interprètent et réagissent aux stimuli politiques. Cela comprenait des enquêtes d'opinion, des analyses de contenu des médias, et des études sur les comportements de vote, entre autres. Une des conséquences de cette révolution a été le développement de la théorie du choix rationnel, qui part du principe que les individus agissent de manière à maximiser leur propre bénéfice. Cette théorie est devenue un outil majeur pour l'analyse des comportements politiques. Cette période a également vu l'émergence de nouvelles approches de la politique comparée et des relations internationales, qui ont également bénéficié de l'utilisation de méthodes empiriques et quantitatives pour étudier les comportements politiques.

La révolution comportementale a marqué une transformation majeure dans l'étude de la science politique. Elle a été caractérisée par deux idées principales :

  • L'élargissement des objets de la science politique : Les tenants de cette révolution ont contesté la vision traditionnelle qui limitait la science politique à l'étude des institutions formelles de gouvernement. Ils ont cherché à dépasser cette limitation en intégrant l'étude des procédures informelles et des comportements politiques des individus et des groupes, tels que les partis politiques. Ces procédures informelles peuvent inclure des processus de formulation de nouvelles politiques publiques, qui impliquent souvent la consultation de groupes d'intérêt organisés tels que les syndicats et d'autres associations de la société civile. Ces processus, bien que non institutionnalisés, jouent un rôle clé dans la politique et peuvent être décrits comme des institutions informelles.
  • La volonté de rendre la science politique plus scientifique : Les tenants de la révolution comportementale ont remis en question l'approche empirique qui n'est pas éclairée par la théorie. Ils ont prôné un raisonnement théorique rigoureux et systématique, qui peut être testé par des études empiriques. Cette approche a conduit à l'établissement et au test d'hypothèses théoriques, en utilisant des méthodes quantitatives et qualitatives.

La révolution comportementale a eu un impact majeur sur la science politique, en élargissant son champ d'étude et en insistant sur une approche plus rigoureuse et scientifique.

La période d'après-guerre a été marquée par une expansion significative et une diversification de la recherche en science politique. Les relations internationales, par exemple, sont devenues une sous-discipline majeure, se concentrant sur les phénomènes de guerre, de paix et de coopération à l'échelle mondiale. Simultanément, la politique comparée a émergé comme un champ d'étude essentiel, offrant une perspective comparative sur les systèmes politiques et les institutions du monde entier. L'attention portée aux institutions politiques spécifiques aux États-Unis a également augmenté, ce qui a permis une analyse plus approfondie de ce système particulier. De nouvelles sous-disciplines sont apparues, élargissant encore le spectre de la science politique. Les études de sécurité, par exemple, ont commencé à se concentrer sur les défis et les stratégies liés à la sécurité nationale et internationale. Par ailleurs, les relations économiques internationales ont été identifiées comme un domaine d'étude crucial, jetant un pont entre la politique et l'économie à une échelle globale. Enfin, l'étude du comportement politique a pris une importance croissante, avec un accent mis sur la compréhension des actions et des comportements des individus et des groupes dans le contexte politique. En somme, cette période d'après-guerre a marqué un tournant dans la science politique, approfondissant sa nature multidisciplinaire et élargissant sa portée pour comprendre les complexités de la politique.

L'Université du Michigan a joué un rôle majeur dans la promotion de l'approche comportementale en science politique pendant la période d'après-guerre. Son département de science politique a mis l'accent sur les études empiriques et a favorisé une culture scientifique dans l'étude de la politique. En particulier, le Center for Political Studies de l'Université du Michigan a été un pionnier dans la recherche sur le comportement politique. Le centre est célèbre pour avoir lancé l'American National Election Studies (ANES), une étude longitudinale qui recueille des données sur les comportements de vote, les opinions politiques et les attitudes des citoyens américains depuis 1948. Cette étude a fourni des données précieuses pour comprendre comment et pourquoi les individus participent à la vie politique. L'accent mis par l'Université du Michigan sur l'étude empirique du comportement politique a contribué à déplacer le champ de la science politique au-delà de l'analyse purement institutionnelle et juridique pour inclure une compréhension plus profonde de la façon dont les acteurs individuels et les groupes se comportent dans le contexte politique.

Deux publications majeures de cette période, qui symbolisent pleinement cette révolution comportementale, sont "Political Man: The Social Bases of Politics" par Seymour Martin Lipset, sorti en 1960[7], et "The Civic Culture: Political Attitudes and Democracy in Five Nations" par Gabriel Almond et Sidney Verba, publié en 1963.[8] Ces deux ouvrages ont été très influents et ont marqué la période de la révolution comportementale dans la science politique. "Political Man: The Social Bases of Politics" de Seymour Martin Lipset a été publié en 1960 et est devenu un classique dans le domaine de la sociologie politique. Lipset utilise une approche empirique pour examiner les conditions sociales et économiques qui contribuent à la stabilité démocratique. Il s'intéresse notamment aux facteurs tels que le niveau de développement économique, le système d'éducation, la religion, le statut social et d'autres facteurs sociaux pour comprendre les modèles de comportement politique. "The Civic Culture: Political Attitudes and Democracy in Five Nations" est un ouvrage publié en 1963 par Gabriel Almond et Sidney Verba. Ce livre présente une analyse comparative des cultures politiques dans cinq pays (États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Italie et Mexique) et propose le concept de "culture civique" pour expliquer la stabilité démocratique. Almond et Verba soutiennent que la culture politique d'un pays, qui se reflète dans les attitudes et les croyances des citoyens envers le système politique, joue un rôle crucial dans le fonctionnement et la stabilité de la démocratie. Ces deux ouvrages reflètent l'accent mis par la révolution comportementale sur l'étude des attitudes, des croyances et des comportements des individus pour comprendre la politique.

La révolution comportementale a marqué un tournant significatif dans la discipline de la science politique en accentuant l'importance des théories dans l'analyse et la compréhension des phénomènes politiques. Cette réorientation vers une approche plus théorique a permis d'introduire de nouveaux concepts et outils d'analyse, enrichissant ainsi le champ de la discipline. L'un des principaux impacts de cette révolution a été le renforcement des arguments théoriques dans l'analyse politique. Au lieu de se baser uniquement sur des observations descriptives et des suppositions, les chercheurs ont commencé à formuler des hypothèses et des théories plus solides pour expliquer les comportements politiques. Cela a conduit à des débats plus nuancés et à une compréhension plus profonde des processus politiques. En outre, la révolution comportementale a également introduit une sophistication accrue de la théorie politique. Avec l'adoption d'une approche plus scientifique, les chercheurs ont pu développer des modèles théoriques plus complexes et précis pour expliquer une grande variété de comportements et de phénomènes politiques. Enfin, et peut-être surtout, la révolution comportementale a promu une prise en compte plus rigoureuse de la méthode scientifique dans l'étude de la politique. Cela signifie que les chercheurs ont commencé à adopter des méthodes de recherche plus rigoureuses et systématiques, y compris l'utilisation de statistiques et d'autres outils quantitatifs. Cela a conduit à une plus grande fiabilité et validité des résultats de recherche, renforçant ainsi la crédibilité de la discipline de la science politique dans son ensemble.

La troisième révolution scientifique (1989 - présent) : Le nouveau visage de la science politique

La troisième révolution scientifique de la science politique, qui a commencé dans les années 1970, a eu un impact majeur sur la façon dont la recherche politique est menée aujourd'hui. Cette révolution a introduit des méthodes de recherche plus rigoureuses et systématiques, y compris l'utilisation de statistiques et de modèles mathématiques pour tester des hypothèses et mesurer l'impact de différents facteurs sur les phénomènes politiques. Elle a également encouragé les chercheurs à adopter une approche plus empirique, basée sur l'observation et l'expérience plutôt que sur la théorie pure. La troisième révolution scientifique a également vu une expansion des domaines d'étude de la science politique. Les chercheurs ont commencé à explorer de nouveaux domaines tels que le comportement électoral, la politique comparative, la politique de l'identité, la politique environnementale, et d'autres. Ces nouveaux domaines d'étude ont permis d'élargir considérablement notre compréhension du fonctionnement de la politique et du rôle des facteurs politiques dans la société. Cette révolution a également introduit une plus grande diversité dans la recherche en science politique. Les chercheurs ont commencé à étudier une gamme plus large de contextes politiques et à prendre en compte des perspectives plus diverses. En outre, cette révolution a également encouragé une plus grande collaboration interdisciplinaire, avec des chercheurs en science politique travaillant avec des experts d'autres disciplines pour résoudre des problèmes politiques complexes.

La Théorie du choix rationnel (TCR) est une approche importante et influente dans la science politique qui est principalement inspirée de la théorie économique. Cette théorie suppose que les individus sont des acteurs rationnels qui prennent des décisions en fonction de leurs intérêts personnels, en cherchant à maximiser leur utilité, c'est-à-dire le bénéfice ou le plaisir qu'ils tirent d'une certaine action. Les individus, selon la TCR, pèsent les coûts et les bénéfices de différentes options avant de prendre une décision. Cette évaluation des coûts et des bénéfices peut prendre en compte de nombreux facteurs différents, y compris les conséquences matérielles, le temps, l'effort, les risques et les récompenses émotionnelles et sociales. La TCR sert souvent de "métathéorie" dans la recherche en science politique. Cela signifie qu'elle fournit un cadre général pour comprendre comment et pourquoi les individus prennent certaines décisions politiques. Par exemple, elle peut être utilisée pour analyser des questions telles que le comportement électoral (pourquoi les gens votent-ils comme ils le font?), la formation de coalitions (pourquoi certains partis politiques s'allient-ils avec d'autres?), ou la prise de décision en politique étrangère (pourquoi les pays choisissent-ils de déclarer la guerre ou de signer des traités de paix?).

La troisième révolution scientifique en science politique a mis l'accent sur l'utilisation de raisonnements logiques rigoureux et de méthodes formelles. Dans ce contexte, la théorie du choix rationnel (TCR) est un exemple majeur de cette approche. La TCR, et d'autres approches similaires, commencent souvent par établir un ensemble de postulats ou d'hypothèses de base. Ces postulats sont censés représenter certains aspects fondamentaux du comportement humain ou du système politique. Par exemple, la TCR postule généralement que les individus sont des acteurs rationnels qui cherchent à maximiser leur utilité. À partir de ces postulats de base, les chercheurs déduisent ensuite logiquement un certain nombre de propositions ou d'hypothèses. Par exemple, si on suppose que les individus sont rationnels et qu'ils cherchent à maximiser leur utilité, on pourrait en déduire que les individus seront plus susceptibles de voter s'ils pensent que leur vote aura un impact sur le résultat de l'élection. Ces propositions ou hypothèses sont ensuite testées empiriquement, souvent à l'aide de données quantitatives. Par exemple, un chercheur pourrait recueillir des données sur le comportement électoral et utiliser des techniques statistiques pour tester l'hypothèse que les individus sont plus susceptibles de voter s'ils pensent que leur vote a un impact. Cette approche a l'avantage de fournir des prédictions claires et testables, et elle a contribué à améliorer la rigueur et la précision de la recherche en science politique. Cependant, comme mentionné précédemment, elle a également fait l'objet de critiques, notamment en raison de ses hypothèses simplistes sur le comportement humain.

La théorie des jeux, une branche de la mathématique qui étudie les situations de décision où plusieurs acteurs interagissent, a été intégrée à la science politique dans le cadre de la troisième révolution scientifique. Elle offre un cadre formel pour analyser des situations où le résultat pour un individu dépend non seulement de ses propres choix, mais aussi de ceux des autres. Elle est souvent utilisée dans des contextes politiques pour modéliser des situations de conflit et de coopération, telles que les négociations, les élections, la formation de coalitions et la prise de décisions en politique étrangère. La théorie des jeux se prête bien à la théorie du choix rationnel, car elle part du principe que les acteurs sont rationnels et cherchent à maximiser leur utilité. Cependant, elle va au-delà de la simple maximisation de l'utilité individuelle pour considérer la manière dont les choix des autres acteurs peuvent influencer les résultats. Quant à l'analyse statistique, elle est devenue une méthode de recherche standard en science politique à partir de la troisième révolution scientifique. Les chercheurs utilisent des méthodes statistiques pour analyser des ensembles de données de grande taille et pour tester des hypothèses sur les relations entre différentes variables. L'analyse statistique peut aider à identifier des tendances, à établir des corrélations, à prédire des résultats futurs et à vérifier l'efficacité de différentes politiques. En utilisant ces outils - la théorie des jeux et l'analyse statistique - la science politique a gagné en rigueur, en précision et en capacité à tester et à valider ses théories. Cependant, comme toujours, ces méthodes ont leurs limites et leurs défis, et les chercheurs continuent à débattre de la meilleure façon de les utiliser dans la pratique.

La troisième révolution scientifique en science politique a eu un impact majeur sur toutes les facettes de la discipline, y compris les méthodes de recherche qualitatives. En réponse à la rigueur et à la précision apportées par les méthodes quantitatives, les chercheurs utilisant des méthodes qualitatives ont cherché à renforcer leurs propres approches. Par exemple, ils ont travaillé à développer des cadres plus systématiques pour la collecte et l'analyse de données qualitatives, et à améliorer la transparence et la reproductibilité de leurs recherches. Ils ont également cherché à intégrer des éléments de rigueur statistique dans leur travail, par exemple en utilisant des méthodes de codage pour analyser systématiquement des textes ou des entretiens. De plus, les chercheurs qualitatifs ont également mis l'accent sur les avantages uniques de leurs méthodes. Par exemple, ils soulignent que la recherche qualitative peut fournir une compréhension plus profonde et plus nuancée des phénomènes politiques, en se concentrant sur le contexte, l'interprétation et le sens. Ils ont également défendu le rôle de la recherche qualitative dans la génération de nouvelles théories et dans l'étude de phénomènes qui sont difficiles à mesurer ou à quantifier. De cette manière, la pression des méthodes quantitatives et de la théorie du choix rationnel a effectivement conduit à un renforcement de la recherche qualitative en science politique. Cela a contribué à un équilibre plus sain entre les méthodes qualitatives et quantitatives dans la discipline, et a encouragé une approche plus intégrative qui valorise la contribution de chaque méthode à la compréhension du politique.

L'influence de la troisième révolution scientifique a eu un impact étendu sur tous les domaines de la science politique, y compris la recherche qualitative. De nombreux ouvrages majeurs ont été écrits pour répondre à ces changements, illustrant comment les chercheurs ont cherché à renforcer la rigueur et la systématicité de la recherche qualitative. Par exemple, "Designing Social Inquiry: Scientific Inference in Qualitative Research" de King, Keohane et Verba en 1994, est un ouvrage clé qui a mis en avant une approche de la recherche qualitative axée sur des principes de rigueur scientifique similaires à ceux de la recherche quantitative.[9] Brady et Collier ont pris le relais en 2004 avec "Rethinking Social Inquiry: Diverse Tools, Shared Standards", qui plaide pour une complémentarité entre les méthodes quantitatives et qualitatives afin d'approfondir la compréhension des phénomènes sociaux. Ils ont également présenté divers outils et techniques pour améliorer la qualité de la recherche qualitative.[10] Poursuivant dans la même veine, George et Bennett ont publié en 2005 "Case Studies and Theory Development", un ouvrage qui fournit des stratégies pour utiliser les études de cas pour développer et tester des théories en science politique.[11] Enfin, en 2007, Gerring a ajouté à ce corpus avec "Case Study Research: Principles and Practices", qui offre un guide complet pour la recherche basée sur les études de cas.[12] Ces travaux montrent comment la recherche qualitative en science politique a répondu et évolué face à la troisième révolution scientifique. Ils soulignent l'importance d'une approche rigoureuse et systématique de la recherche qualitative tout en reconnaissant les forces uniques de cette méthode.

Pour conclure cette revue générale, nous pouvons simplifier certains de ces paradigmes importants en une seule idée. En effet, chaque approche peut être résumée par un adage qui capture bien les contributions de la théorie du behavioralisme et du choix rationnel :

  • Le béhaviorisme, ou behavioralisme, s'intéresse aux actions et au comportement des individus plutôt qu'à la simple structure institutionnelle. En suivant le principe de "ne vous contentez pas de regarder les règles formelles, regardez ce que les gens font réellement", le behavioralisme met l'accent sur l'observation et l'étude des actions réelles des individus et des groupes, en tenant compte à la fois des règles formelles et informelles qui guident ces actions. Il a joué un rôle majeur dans le déplacement de l'analyse politique vers une compréhension plus profonde des comportements individuels et de groupes.
  • La théorie du choix rationnel, quant à elle, se fonde sur le principe que "les individus sont motivés par le pouvoir et l'intérêt". Elle soutient que les individus prennent des décisions en fonction de leurs intérêts personnels et cherchent à maximiser leur utilité. En suivant cette ligne de pensée, la théorie du choix rationnel a permis de formaliser l'analyse des actions politiques et de prédire les comportements en se basant sur le postulat de la rationalité.

Ces deux paradigmes ont apporté des contributions significatives à la science politique et continuent de façonner notre compréhension du comportement politique. Cependant, il est également important de noter que chaque paradigme a ses limites et qu'une compréhension complète des phénomènes politiques nécessite souvent une combinaison de différentes approches et méthodes. En plus du behavioralisme et de la théorie du choix rationnel, deux autres grandes écoles de pensée en science politique sont le systémisme et le structuralisme-fonctionnalisme. Le systémisme opère selon le principe que "tout est connecté, les rétroactions sont essentielles". Cette philosophie souligne l'interdépendance de tous les éléments d'un système politique. Il met l'accent sur l'importance des rétroactions qui, en créant des résultats, sont réintégrées dans les nouvelles demandes adressées au système politique, influençant ainsi sa dynamique et son évolution. D'autre part, le structuralisme-fonctionnalisme est guidé par l'idée que "la forme s'adapte à la fonction". Cette perspective postule que les fonctions des institutions politiques déterminent leurs formes. C'est un cadre utile pour comprendre comment les institutions politiques se développent et changent pour répondre aux besoins et aux demandes de la société.

Enfin, l'institutionnalisme est une autre école de pensée importante en science politique, qui opère selon le principe que "les institutions comptent". En effet, une branche entière de cette école, connue sous le nom d'institutionnalisme historique, s'est développée autour de cette idée. L'institutionnalisme historique se concentre sur l'importance des institutions dans la détermination des résultats politiques, en mettant l'accent sur leur rôle en tant que règles du jeu qui façonnent les comportements politiques, et sur la manière dont elles évoluent et changent avec le temps.

Le récit que nous venons de parcourir correspond à ce que Almond a défini comme la "perspective progressiste-éclectique" de l'histoire de la science politique.[13] Cette perspective, qui peut être considérée comme le courant dominant de la science politique, reconnaît la valeur de plusieurs approches différentes dans la discipline. Elle met l'accent sur le progrès scientifique réalisé à travers l'intégration d'éléments provenant de différentes écoles de pensée, y compris le behavioralisme, la théorie du choix rationnel, le systémisme, le structuralisme-fonctionnalisme et l'institutionnalisme. Selon cette perspective, chaque approche apporte des outils et des perspectives uniques qui, ensemble, contribuent à une compréhension plus complète des phénomènes politiques.

Cette "perspective progressiste-éclectique" n'est pas universellement acceptée, mais elle est largement acceptée par ceux qui adhèrent à sa définition de la connaissance et de l'objectivité, qui est basée sur la séparation des faits et des valeurs, et l'adhésion à des normes de preuve empirique.

L'idée de "progressiste" se réfère à l'engagement envers l'idée de progrès scientifique, qui se manifeste à la fois par une accumulation quantitative de connaissances - en termes du volume de connaissances accumulées au fil du temps - et par une amélioration qualitative de la rigueur et de la précision de ces connaissances.

L'aspect "éclectique" de la perspective décrit une approche non hiérarchique et intégrative du pluralisme. Cela signifie qu'aucune approche ou école de pensée n'est considérée comme supérieure aux autres. Toutes les perspectives et méthodologies sont accueillies et peuvent contribuer à la somme totale de la connaissance dans cette vision dominante de la science politique. Par conséquent, des approches telles que la théorie du choix rationnel et l'institutionnalisme peuvent produire des travaux qui s'intègrent bien dans cette perspective progressiste-éclectique.

Ces résumés représentent l'évolution de la discipline en décrivant les différentes révolutions et classifications. Ils illustrent également le développement des méthodes au fil du temps :

Histoires alternatives de la discipline

Bien que la "perspective progressiste-éclectique" soit largement acceptée, il est important de noter qu'il existe d'autres écoles de pensée qui offrent des histoires alternatives de la science politique. Ces perspectives peuvent différer sur des questions clés, comme l'importance relative des différentes approches ou l'évolution de la discipline au fil du temps. Elles peuvent également mettre l'accent sur différents aspects de la science politique, ou interpréter différemment les mêmes événements ou tendances. Ces histoires alternatives contribuent à la richesse et à la diversité de la science politique en tant que discipline.

Les courants contestataires : Antiscience et post-science

Il existe des courants de pensée en science politique qui rejettent l'idée que la discipline est intrinsèquement scientifique et progressiste. Certains courants postmodernistes et post-structuralistes, par exemple, peuvent remettre en question l'idée que la science politique peut être une entreprise purement objective ou neutre. Ils suggèrent que toutes les connaissances sont enracinées dans des contextes culturels, sociaux et historiques spécifiques, et que la soi-disant "objectivité" peut souvent masquer des formes de pouvoir et de domination. D'autres courants, comme le féminisme ou la théorie critique, peuvent également rejeter l'idée du progrès linéaire en science politique. Ils pourraient souligner que les avancées dans la connaissance ne profitent pas toujours également à tous, et que certaines voix ou perspectives peuvent être marginalisées dans le processus. Ces courants offrent une critique importante de l'orthodoxie dominante en science politique, et ils ont contribué à stimuler un débat et une réflexion importants sur la nature de la connaissance et de la recherche en science politique.

L'antiscience : Une critique du scientisme

La position "antiscience" en science politique est généralement associée à des penseurs comme Claude Lévi-Strauss. Cette perspective critique la division weberienne entre faits et valeurs et remet en question l'idée que nous pouvons objectiver la réalité sociale. De plus, elle rejette le behavioralisme et, plus généralement, le positivisme, qui cherche à étudier les phénomènes politiques de manière causale et empirique.

Pour ceux qui adoptent une perspective antiscience, l'introduction de méthodes scientifiques en science politique est non seulement illusoire, mais elle peut aussi nuire à notre compréhension de la dynamique sociale. Ils suggèrent que l'accent mis sur la rigueur empirique et l'objectivité peut obscurcir les complexités et les nuances de la vie sociale et politique, et réduire ces phénomènes à des éléments triviaux ou simplistes.

Il est important de noter que bien que cette position soit critique à l'égard des méthodes scientifiques traditionnelles, elle n'est pas nécessairement contre toute forme de recherche ou d'analyse. Au contraire, beaucoup de ceux qui adoptent une position antiscience soutiennent des formes alternatives de recherche, qui mettent l'accent sur l'interprétation, le contexte et la signification.

Claude Lévi-Strauss défend une approche de la science sociale qui soit à la fois humaniste et engagée. Cette approche envisage une collaboration intime et passionnée avec les grands philosophes et les grandes philosophies pour discuter et comprendre le sens des idées centrales de la science politique. Pour Lévi-Strauss, la science sociale doit viser à interpréter les phénomènes sociaux plutôt qu'à simplement les expliquer de manière mécanique ou causale.

Selon lui, la méthode scientifique, lorsqu'elle est appliquée aux sciences sociales, peut créer une illusion de précision et d'objectivité qui masque la complexité et la subjectivité des phénomènes sociaux. Au lieu de cela, il soutient une approche qui valorise le contexte, le sens et la perspective humaine. Cette vision rejette l'idée que la science politique doit nécessairement suivre le modèle des sciences naturelles, et elle propose une vision alternative de ce que pourrait être une science sociale authentiquement humaniste et engagée.

La post-science : Vers une nouvelle compréhension de la réalité

La position "post-science" est souvent associée à certains courants de pensée constructivistes et postmodernistes. Elle se situe dans une perspective post-behavioriste et post-positiviste.

Parmi les figures emblématiques de ce courant, on trouve le philosophe Jacques Derrida, qui a introduit l'idée de "déconstruction". Cette approche critique et analytique remet en question les structures de pensée et les catégories conceptuelles traditionnellement acceptées. Pour Derrida, la déconstruction vise à révéler les sous-entendus, les suppositions et les contradictions souvent ignorées qui sous-tendent nos discours et nos compréhensions habituelles.

Dans le contexte de la science politique, une approche post-scientifique pourrait remettre en question les hypothèses et les méthodes de la recherche conventionnelle. Elle pourrait suggérer, par exemple, que les catégories et concepts traditionnels de la science politique sont culturellement spécifiques et historiquement contingents, plutôt que universels ou objectifs. Elle pourrait également remettre en question l'idée que la recherche politique peut être menée de manière neutre ou objective, en soulignant comment les chercheurs sont toujours situés dans des contextes politiques, culturels et historiques spécifiques.

La position post-scientifique, tout comme la position anti-scientifique, rejette la dichotomie classique entre les jugements de faits et les jugements de valeurs. Cette approche adopte une posture critique, affirmant que toute analyse ou interprétation est inévitablement teintée par les valeurs et les présupposés de celui qui l'entreprend. Les adeptes de cette école de pensée appellent à la fin du positivisme, c'est-à-dire de l'idée que les affirmations doivent être soutenues par des preuves empiriques pour être considérées comme valides. Ils contestent l'idée que la vérification empirique doit être l'unique critère de validité dans les sciences humaines. Plutôt que de chercher à établir des vérités objectives incontestables, les tenants de cette approche cherchent à révéler les différentes perspectives et interprétations possibles d'un phénomène. Ils soutiennent que la recherche en sciences humaines doit nécessairement tenir compte du contexte social, culturel et historique, ainsi que des valeurs et des présupposés du chercheur. Cette position invite à une réflexion plus approfondie sur la manière dont la connaissance est produite et utilisée en science politique.

Chaque perspective théorique est inextricablement liée à des choix fondamentaux qui structurent la manière dont nous appréhendons et étudions le monde. Ces choix concernent l'ontologie, l'épistémologie et la méthodologie:

  • L'ontologie se rapporte à notre compréhension de la nature du monde social et politique, à ce qui "est". Elle englobe un ensemble de postulats et d'affirmations qu'une approche théorique spécifique fait sur la nature de la réalité sociale. Cela inclut des questions sur ce qui existe réellement et sur l'entité ou l'unité de base qui constitue le politique ou l'objet d'analyse en science politique.
  • L'épistémologie concerne ce que nous pouvons connaître du monde social et politique. Elle explore les limites et les possibilités de notre connaissance, en se posant des questions sur la nature et la validité de la connaissance que nous pouvons acquérir.
  • Enfin, la méthodologie fait référence aux procédures que nous utilisons pour acquérir cette connaissance. Elle détermine les outils, techniques et approches que nous employons dans notre recherche, et guide la manière dont nous collectons, analysons et interprétons nos données.

En somme, ces trois dimensions sont intimement liées et façonnent la manière dont nous concevons et menons notre recherche en science politique. Chaque approche théorique fait des choix distincts dans ces trois domaines, ce qui donne lieu à une diversité d'approches et de perspectives en science politique.

En ce qui concerne la nature de la réalité, ou ce qui "est", il existe en effet une distinction majeure entre les postmodernes et le courant dominant progressiste-éclectique. Le courant progressiste-éclectique adopte généralement une ontologie objective. Cela signifie qu'ils considèrent que la réalité existe indépendamment de nos perceptions ou de nos interprétations. Ils soutiennent que nous pouvons observer et étudier cette réalité à travers une recherche empirique rigoureuse, et qu'elle existe en dehors de nos constructions mentales ou sociales. Les postmodernes, en revanche, adoptent souvent une ontologie plus subjective ou constructiviste. Ils soutiennent que la réalité est socialement construite, et qu'elle est façonnée par nos perceptions, nos interprétations et nos discours. Pour eux, la réalité n'existe pas indépendamment de nos conceptions ou de notre langue, et ne peut donc pas être étudiée de manière objective ou indépendante. Cela conduit à une approche très différente de la recherche, qui met l'accent sur l'interprétation, la critique et la déconstruction des discours sociaux et politiques.

Pour les postmodernistes, la réalité et sa représentation sont intimement liées. Selon eux, notre compréhension du monde est intrinsèquement façonnée par la façon dont nous le représentons, que ce soit à travers le langage, la culture, l'art ou d'autres formes de discours social. Ils soutiennent que ces représentations ne sont pas simplement des reflets passifs de la réalité, mais qu'elles jouent un rôle actif dans la construction de notre réalité. Pour les postmodernistes, il n'y a pas de distinction claire entre la réalité objective et notre représentation subjective de celle-ci. Au lieu de cela, notre compréhension de la réalité est constamment construite et re-construite à travers nos interactions sociales et nos discours culturels. Ils s'intéressent donc à la façon dont les représentations et les discours façonnent notre compréhension du monde politique, et à la manière dont ces constructions peuvent être déconstruites et critiquées.

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Ce tableau résume la position ontologique, épistémologique et méthodologique caractéristique de l’école postmoderne.

En ce qui concerne l'épistémologie, la perspective postmoderne souligne l'incertitude et le scepticisme. Plutôt que de chercher à établir des vérités absolues ou des faits indiscutables, les postmodernistes soutiennent que notre connaissance est toujours conditionnée par notre perspective et nos cadres de référence culturels et sociaux. Ils contestent donc l'idée que nous puissions atteindre une connaissance objective ou universelle. Cela signifie que, pour les postmodernistes, le savoir n'est jamais "fixe" ou "définitif". Au lieu de cela, notre compréhension du monde est constamment en évolution, à mesure que nous interagissons avec d'autres et que nous nous engageons dans de nouveaux discours et pratiques culturelles. Cette perspective défie l'idée que le savoir peut être défini uniquement par des preuves empiriques ou des tests scientifiques, et soutient que notre compréhension de la réalité est toujours façonnée par notre contexte social et culturel.

Selon la perspective postmoderne, toutes les connaissances sont intrinsèquement subjectives, dépendant du point de vue individuel de chaque chercheur ou observateur. Cette subjectivité entraîne nécessairement une diversité d'interprétations et de compréhensions du monde social et politique. De plus, le postmodernisme met l'accent sur l'importance de déconstruire les discours dominants. L'objectif n'est pas simplement d'accepter ces discours comme des vérités établies, mais de les examiner de manière critique et de remettre en question leurs hypothèses sous-jacentes et leurs effets de pouvoir. En particulier, les postmodernistes cherchent à faire entendre les voix dissonantes ou marginalisées qui sont souvent exclues ou négligées par les discours dominants. Ils soutiennent que ces voix ont une valeur et une légitimité égales dans l'analyse politique et doivent être intégrées dans la conversation académique. En somme, le postmodernisme met en avant une approche critique de la science politique, qui valorise la diversité des perspectives et s'engage activement à contester et à remettre en question les discours et les structures de pouvoir établis.

Les opposants à l'éclectisme : Néomarxistes et théoriciens du choix rationnel

Certains courants de la science politique rejettent l'éclectisme, c'est-à-dire le pluralisme dans le choix des théories et des méthodes. Ces courants, souvent plus dogmatiques, estiment qu'il y a une ou quelques approches théoriques ou méthodologiques qui sont supérieures aux autres et qui devraient être prédominantes dans la discipline. Par exemple, certains défenseurs de la théorie du choix rationnel soutiennent que cette approche, qui utilise des modèles économiques pour expliquer le comportement politique, est la plus précise et la plus utile pour comprendre la politique. Ils critiquent l'éclectisme pour son manque de rigueur et de cohérence théorique. De même, certains chercheurs qualitatifs critiquent l'éclectisme pour son accent sur les méthodes quantitatives et sa négligence des méthodes qualitatives. Ils estiment que l'analyse qualitative, qui se concentre sur l'interprétation et le contexte, offre une compréhension plus profonde et plus nuancée de la politique que ne le permettent les méthodes quantitatives. Ainsi, bien que l'éclectisme soit une caractéristique clé de la perspective progressiste-éclectique, il est loin d'être universellement accepté en science politique. Certaines écoles de pensée préfèrent une approche plus unifiée et plus spécifique à la discipline.

Les néomarxistes : Une perspective radicalement différente

Les néomarxistes sont un courant de la science politique qui s'appuie sur les idées de Karl Marx, mais qui cherche à les moderniser et à les adapter au monde contemporain. Leur objectif est d'utiliser les concepts et les théories marxistes pour comprendre et critiquer la politique contemporaine.

Selon les néomarxistes, la vérité de la science sociale a été découverte et élaborée par Karl Marx au XIXème siècle. Ils estiment que Marx a découvert les lois fondamentales du capitalisme et de la lutte des classes, qui sont toujours pertinentes pour comprendre la politique aujourd'hui. Cependant, les néomarxistes ne sont pas des marxistes orthodoxes. Ils ne se contentent pas de répéter les idées de Marx, mais cherchent à les développer et à les étendre. Par exemple, des auteurs néomarxistes comme Nico Poulantzas et Robert Cox ont cherché à incorporer des idées de la sociologie, de la théorie politique et des études internationales dans leur analyse marxiste. Ainsi, tout en restant fidèles à l'engagement de Marx envers une analyse critique du capitalisme, les néomarxistes cherchent à développer une interprétation plus riche et plus nuancée de la politique, qui tient compte des changements dans la structure du capitalisme et dans la nature de la lutte des classes depuis l'époque de Marx.

Les néomarxistes adhèrent à l'idée que les lois sociétales dévoilées par Marx représentent une vision intégrée des processus historiques, économiques, sociaux et politiques, ainsi que du comportement humain au sein de ces structures. Ils croient que ces éléments forment un tout indivisible, et que l'histoire suit une trajectoire évolutive unidirectionnelle. Cette vision se fonde sur la conviction que les structures économiques, notamment le système capitaliste, déterminent en grande partie les dynamiques sociales et politiques. De plus, elle présuppose que le cours de l'histoire est largement déterminé par des conflits de classe et des forces matérielles, qui poussent la société vers une certaine direction. C'est en ce sens que l'interprétation néomarxiste de la politique et de l'histoire est à la fois holistique et orientée vers le futur : elle considère que tous les aspects de la société sont interconnectés, et qu'ils évoluent ensemble vers une certaine destination historique, souvent conçue comme l'avènement d'une société post-capitaliste plus égalitaire.

La perspective néomarxiste est déterministe dans le sens où elle fait écho à la conception marxiste d'un antagonisme de classe inhérent au mode de production capitaliste. Selon cette perspective, cette tension de classe est destinée à entraîner l'effondrement du système de classe et à déclencher une révolution communiste. De ce fait, il y a un rejet de l'éclectisme, car l'idéologie néomarxiste suggère qu'il est difficile, voire impossible, d'intégrer de nouvelles idées ou perspectives qui ne correspondent pas à ce cadre théorique prédéterminé. En d'autres termes, cette approche donne peu de place à l'innovation ou à l'apport de nouvelles idées qui ne sont pas en phase avec les principes marxistes fondamentaux.

La perspective néomarxiste, en se concentrant principalement sur les conflits de classe et les forces économiques, peut négliger d'autres facteurs explicatifs importants en science politique. Par exemple, elle peut ne pas prendre suffisamment en compte le rôle des institutions politiques, qui peuvent structurer le comportement politique de manière indépendante des forces économiques. De plus, elle peut minimiser l'importance de facteurs identitaires comme l'ethnicité et le nationalisme, qui peuvent avoir une influence profonde sur la politique même en l'absence de conflits de classe clairs. Enfin, cette perspective peut aussi négliger le rôle du système international, en se concentrant plutôt sur les dynamiques internes des pays. Cela peut limiter sa capacité à expliquer les politiques étrangères et les relations internationales.

Les théories néomarxistes peuvent avoir du mal à expliquer des phénomènes comme le soutien du Parti social-démocrate allemand (SPD) pour les crédits de guerre en 1914. Selon la théorie de Marx, la classe ouvrière internationale devrait s'unir contre le système capitaliste plutôt que de se diviser sur des lignes nationales. Pourtant, dans cet exemple historique, nous voyons que le SPD, qui représentait la classe ouvrière en Allemagne, a choisi de soutenir l'effort de guerre de son propre pays plutôt que de s'opposer à la guerre au nom de la solidarité internationale de la classe ouvrière. Cela met en évidence certaines limites des théories néomarxistes. Il peut y avoir de nombreux facteurs, comme le nationalisme, qui peuvent pousser les travailleurs à agir de manière contraire aux prédictions de la théorie de Marx. Cela suggère qu'une compréhension complète de la politique nécessite d'examiner un large éventail de facteurs et de forces, et pas seulement les conflits de classe et les dynamiques économiques.

Les théoriciens du choix rationnel : Une approche axée sur l'individu

Les théoriciens du choix rationnel sont un groupe important dans le domaine de la science politique, et ils tirent leurs origines et leurs méthodes de l'économie. La théorie du choix rationnel est basée sur l'idée que les individus agissent toujours de manière à maximiser leur propre avantage ou leur propre utilité. Dans le contexte politique, cela signifie que les acteurs politiques - qu'il s'agisse de votants, de législateurs, de partis politiques, etc. - prennent leurs décisions en fonction de leurs intérêts personnels et de la façon dont ils perçoivent que différentes options pourraient les aider à atteindre leurs objectifs. Cette approche est souvent utilisée pour modéliser le comportement politique et pour expliquer un large éventail de phénomènes politiques, allant du vote à la formation des coalitions gouvernementales. Les théoriciens du choix rationnel utilisent souvent des outils mathématiques et statistiques sophistiqués, comme la théorie des jeux, pour élaborer et tester leurs modèles.

Les pionniers de la théorie du choix rationnel dans le domaine de la science politique, tels que Kenneth Arrow, Anthony Downs et Mancur Olson, ont été parmi les premiers à appliquer les méthodes et les modèles économiques à l'analyse des phénomènes politiques après la Seconde Guerre mondiale. Kenneth Arrow, un économiste de renom, a développé le fameux "théorème d'impossibilité" qui démontre les limites inhérentes à toute procédure de vote collective. Anthony Downs, dans son livre influent "An Economic Theory of Democracy", a établi un cadre pour comprendre le comportement des électeurs et des partis politiques comme étant guidé par l'auto-intérêt. De son côté, Mancur Olson, dans "La logique de l'action collective", a analysé pourquoi et quand les gens choisissent de participer à des actions collectives, telles que les syndicats ou les mouvements sociaux. Ces chercheurs ont jeté les bases de l'application de la théorie du choix rationnel à la science politique, et leur travail continue d'influencer la discipline à ce jour.

L'approche de la théorie du choix rationnel cherche à développer une théorie unifiée de la science politique. Elle procède par déduction à partir d'axiomes ou de postulats dérivés de l'économie. Parmi ces postulats fondamentaux, l'individu est considéré comme un homo economicus : un être rationnel qui est principalement motivé par l'intérêt personnel. Cet individu effectue constamment des calculs de coûts et de bénéfices dans le but de maximiser sa satisfaction. Ces postulats donnent naissance à des hypothèses qui sont ensuite soumises à des tests empiriques pour vérifier leur validité. Ainsi, la théorie du choix rationnel offre un cadre théorique strict et cohérent pour expliquer et prédire le comportement humain dans le domaine politique.

La théorie du choix rationnel est également reconnue pour sa parcimonie, car elle vise à expliquer la politique avec un nombre minimal d'axiomes et de postulats. Elle affiche une ambition universelle, cherchant à expliquer tous les phénomènes politiques. De plus, elle soutient que les théories spécifiques qu'elle génère pour des domaines précis peuvent être intégrées dans une théorie plus globale de la politique. En d'autres termes, elle aspire à créer un cadre théorique complet et englobant, capable de couvrir l'ensemble des phénomènes politiques à travers des principes simples et universels.

Dans cette optique, on peut constater que la théorie du choix rationnel rejette le pluralisme (ou l'éclectisme) en faveur d'une structure hiérarchique, en insistant sur la prééminence de son modèle. En d'autres termes, les théoriciens du choix rationnel tendent à voir leur approche comme supérieure, en affirmant qu'elle peut fournir une explication unifiée et universelle des phénomènes politiques. C'est donc dans cette perspective qu'ils contredisent le principe de l'éclectisme, qui valorise la coexistence et l'interaction de diverses théories et approches. En outre, la théorie du choix rationnel se présente comme une rupture majeure, considérant que tout ce qui l'a précédée est de l'ordre du préscientifique. En d'autres termes, elle propose une vision qui remet en question les approches antérieures, les qualifiant de moins rigoureuses ou moins systématiques dans leur méthodologie, et donc moins "scientifiques" en comparaison.

Anexos

Referencias

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