« La pensée sociale de Max Weber et Vilfredo Pareto » : différence entre les versions

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| en = Intellectual legacy of Max Weber and Vilfredo Pareto in social theory
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| es = El pensamiento social de Max Weber y Vilfredo Pareto
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| département = [[Département de science politique et relations internationales]]
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| professeurs = [[Rémi Baudoui]]  
| de = Das soziale Denken von Max Weber und Vilfredo Pareto
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|[[Introduction à la science politique]]
|[[La pensée sociale d'Émile Durkheim et Pierre Bourdieu]] ● [[Aux origines de la chute de la République de Weimar]] ● [[La pensée sociale de Max Weber et Vilfredo Pareto]] ● [[La notion de « concept » en sciences-sociales]] ● [[Histoire de la discipline de la science politique : théories et conceptions]] ● [[Marxisme et Structuralisme]] ● [[Fonctionnalisme et Systémisme]] ● [[Interactionnisme et Constructivisme]] ● [[Les théories de l’anthropologie politique]] ● [[Le débat des trois I : intérêts, institutions et idées]] ● [[La théorie du choix rationnel et l'analyse des intérêts en science politique]] ● [[Approche analytique des institutions en science politique]] ● [[L'étude des idées et idéologies dans la science politique]] [[Les théories de la guerre en science politique]] ● [[La Guerre : conceptions et évolutions]] [[La raison d’État]] ● [[État, souveraineté, mondialisation, gouvernance multiniveaux]] ● [[Les théories de la violence en science politique]] ● [[Welfare State et biopouvoir]] ● [[Analyse des régimes démocratiques et des processus de démocratisation]] ● [[Systèmes Électoraux : Mécanismes, Enjeux et Conséquences]] ● [[Le système de gouvernement des démocraties]] ● [[Morphologie des contestations]] ● [[L’action dans la théorie politique]] ● [[Introduction à la politique suisse]] ● [[Introduction au comportement politique]] ● [[Analyse des Politiques Publiques : définition et cycle d'une politique publique]] ● [[Analyse des Politiques Publiques : mise à l'agenda et formulation]] ● [[Analyse des Politiques Publiques : mise en œuvre et évaluation]] ● [[Introduction à la sous-discipline des relations internationales]] ● [[Introduction à la théorie politique]]
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Max Weber et Vilfredo Pareto sont inscrits dans le champ sociologique et philosophique dans lesquels surgissent les questions sur le politique.  
Max Weber et Vilfredo Pareto ont marqué profondément le domaine sociologique et philosophique, contribuant à l'émergence des questions relatives à la politique.  
 
Pour arriver à analyser la question du politique, il a fallu d’abord s’interroger sur la question de l’analyse de la société. L’Homme est un être social, cela signifie que l’enjeu fondamental et la compréhension des relations entre les individus au sein de la société. Nos sociétés modernes nous confrontent à un autre paradoxe qui est celui d’une société faite d’individualités.  
Pour explorer efficacement la question de la politique, il est indispensable d'examiner d'abord les fondements de l'analyse sociétale. En tant qu'êtres sociaux, l'interaction et la compréhension des relations entre individus au sein de la société sont des éléments clés pour nous. Cependant, nos sociétés modernes posent un paradoxe intrigant : elles sont composées d'individualités. Lorsque nous examinons l'individu en tant qu'entité sociale, nous nous intéressons à la gestion de ses interactions avec autrui. Il est impossible de dissocier le domaine social des conditions politiques qui le régissent. Cette perspective révèle comment la sociologie peut mener à la science politique. En sociologie politique, l'accent est mis sur les comportements politiques de l'individu. Suite à l'introduction par Durkheim du concept de fait social et de gouvernementalité en tant que postulat scientifique, nous sommes amenés à nous pencher sur la question de la régulation sociale. L'aspect politique de la société est incontournable. Pour établir une société harmonieuse et engendrer un sens collectif, il est impératif de comprendre comment le pouvoir est structuré, ainsi que de s'interroger sur la notion de démocratie.
En s’intéressant à l’être social, on s’intéresse à la façon dont il gère ses relations avec les autres. On ne peut plus séparer le social des conditions politiques dans lesquelles il est géré. Cela permet de comprendre comment la sociologie nous amène vers la science politique. Dans la sociologie politique, on s’intéresse aux comportements politiques de l’individu.  
Dès lors que [[Les approches en sciences politiques de Durkheim à Bourdieu|Durkheim]] a posé le fait social et la gouvernementalité comme un postulat scientifique, il faut s’interroger sur la régulation sociale. La dimension politique de la société est omniprésente. Pour faire société et produire un sens collectif, nous devons nous intéresser à la manière dont le pouvoir se construit ainsi qu’à la notion de démocratie.  


Qui dit société, dit organisation politique. Quand on regardait avant les sociétés traditionnelles, on ne pouvait voir que des individus sans fait politique. Aujourd’hui, on sait que toute société à une dimension politique, quelle que soit la nature de la société. Ainsi, on peut admettre que le politique organise les sociétés.
Société rime avec organisation politique. Dans le passé, lors de l'observation des sociétés traditionnelles, il semblait n'y avoir que des individus dépourvus de politiques spécifiques. Cependant, nous savons aujourd'hui que toute société comporte une dimension politique, indépendamment de sa nature. On peut donc postuler que la politique façonne les sociétés. L'organisation politique découle d'une interaction entre les domaines social et politique. Il y a néanmoins des sociétés où le caractère politique s'évanouit, cédant sa place à un autre type de pouvoir. Ce phénomène entraîne un passage d'un système régulateur à un système de relations basé sur la force et la violence. Par conséquent, nous sommes invités à réfléchir sur les bases politiques d'une société qui vise à instaurer des relations en se basant sur une logique de coercition. À partir de cette analyse, les sociologues concèdent que la société est une structure fondamentalement basée sur la politique. Il est donc naturel que la sociologie se penche sur le domaine politique. C'est la raison pour laquelle l'oeuvre de Max Weber et Vilfredo Pareto suscite notre intérêt, car ils se sont penchés sur les formes de gouvernance des groupes sociaux ainsi que sur les comportements politiques.
Le système d’organisation politique relevé d’une interaction entre le social et le politique. Cependant, il existe des sociétés où l’essence du politique disparaît, cela se produit au profit d’un autre pouvoir en passant d’un système de régulation à un système de relations basé sur la force et la violence. Dès lors, nous sommes amenés à nous interroger sur les fondements politiques d’une société qui ont pour vocation à établir des rapports dans une logique coercitive.
En partant de cette analyse, les sociologues admettent que la société est une organisation fondée sur le politique. Il est donc logique que du point de vue de la sociologie on s’intéresse au politique. On comprend alors pourquoi Max Weber et Vilfredo Pareto vont nous intéresser, c’est parce qu’ils s’interrogent sur les formes de gouvernement des groupes sociaux ainsi que sur les comportements politiques.
= Max Weber : 1864 - 1920 =
= Max Weber : 1864 - 1920 =


[[File:Max Weber 1894.jpg|thumb|Max Weber.]]
== La vie de Max Weber ==
Max Weber est né le 21 avril 1864 à Erfurt, en Allemagne, au sein d'une famille aisée et influente. Son père, Max Weber Sr., était un homme d'affaires prospère et politique engagé, tandis que sa mère, Helene Fallenstein, était issue d'une famille bourgeoise cultivée. Weber a grandi dans un environnement intellectuel stimulant et a été encouragé à poursuivre ses intérêts académiques dès son plus jeune âge. Après avoir terminé ses études secondaires, Weber a entrepris des études de droit à l'Université de Heidelberg en 1882. Cependant, il a également suivi des cours de philosophie, d'histoire et d'économie politique, ce qui a grandement influencé son développement intellectuel. Il a poursuivi ses études à l'Université de Berlin, où il a été exposé aux idées de grands penseurs tels que Wilhelm Dilthey et Heinrich Rickert.


== La vie de Max Weber ==
En 1889, Weber a achevé sa thèse de doctorat intitulée "L'histoire des sociétés commerciales au Moyen Âge". C'était le point de départ de sa carrière universitaire et de son intérêt croissant pour la sociologie. La thèse démontrait déjà les prémices de son approche méthodologique, combinant une analyse rigoureuse des faits historiques avec une compréhension des facteurs économiques, juridiques et culturels qui ont façonné les sociétés médiévales. Au cours des années suivantes, Weber a occupé divers postes académiques et a continué à développer ses idées sociologiques. Il a enseigné à l'Université de Berlin et a publié des ouvrages importants tels que "L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme" (1904-1905) et "Économie et société" (1922). Ces travaux ont jeté les bases de la sociologie moderne et ont fait de Weber l'une des figures clés de cette discipline. L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme est considérée comme l'une des œuvres les plus influentes de Weber. Dans cet ouvrage, il examine les liens entre la religion protestante, en particulier le calvinisme, et l'émergence du capitalisme moderne. Weber soutient que les valeurs et les croyances religieuses ont joué un rôle crucial dans la formation du capitalisme en encourageant l'accumulation de richesses et en valorisant le travail acharné. En plus de ses travaux académiques, Weber a également été actif politiquement. Il a été membre du Parti libéral allemand et a occupé des postes administratifs dans le gouvernement. Cependant, ses opinions politiques et ses positions critiques à l'égard du nationalisme allemand lui ont valu des critiques et des difficultés. Max Weber a connu des périodes de maladie mentale tout au long de sa vie, qui ont souvent interrompu son travail. Il est mort de la grippe espagnole en 1920 à l'âge de 56 ans. Malgré sa vie relativement courte, l'œuvre de Weber a eu une influence significative sur le développement des sciences sociales et continue d'être largement lue et citée aujourd'hui.  
Weber est issu d’une famille d’entrepreneurs capitalistes ayant développé une vision cosmopolite à travers les dimensions du droit et de l’économie. Il effectue des études de droit et d'économie et écrit une thèse sur les sociétés commerciales au Moyen Âge en 1889.  
   
   
Il va articuler la question du politique et de la société en s’interrogeant sur la société Prusse qui est structurellement très rigide. Il enseignera entre autres le droit et l’économie politique à Fribourg (1894) tandis que son œuvre se reconstruira autour de la question de l’entrepreneuriat qu’il place comme une valeur fondamentale dans l’économie en politique.  
Max Weber a joué un rôle clé dans le développement de la sociologie politique en examinant de près la structure de la société prussienne, qui était notoirement rigide et hiérarchisée. Il a mis l'accent sur la manière dont le pouvoir est structuré et exercé dans la société, et a développé des concepts tels que la "domination" et le "charisme" pour aider à expliquer ces dynamiques. Weber a enseigné à l'Université de Fribourg à partir de 1894, où il a donné des cours sur le droit et l'économie politique. Il a été particulièrement influent dans le développement de l'économie politique comme discipline académique, en mettant l'accent sur l'importance de l'entrepreneuriat et du comportement économique en général dans la compréhension de la structure et du fonctionnement de la société. Selon Weber, l'entrepreneuriat est une valeur fondamentale de l'économie politique car il représente l'innovation, le risque et la création de valeur, des éléments essentiels à la croissance économique et au progrès social. Cette perspective a eu une influence significative sur la manière dont l'économie politique est étudiée et comprise, et continue d'influencer la recherche et la politique dans ce domaine aujourd'hui. Weber a également été préoccupé par les effets de la bureaucratisation et de la rationalisation sur la société, des processus qu'il a vus comme des caractéristiques du capitalisme moderne. Il a craint que ces tendances ne conduisent à une "cage d'acier" de rationalité qui pourrait entraver la liberté et l'individualité humaine. C'est un autre aspect de sa pensée qui reste pertinent dans les débats sociologiques contemporains.  
   
   
Il publie de nombreuses études de droit et d’économie, mais aussi d’histoire. En 1910, il participe à la société allemande de sociologie. Il deviendra un opposant fort au régime prussien et représentant d’un courant démocratique. En 1918, il obtient la chair de sociologique à l’Université de Munich. Il mourra en 1920 à 56 ans.
En plus de ses travaux sur le droit et l'économie, Max Weber a également publié un certain nombre d'études importantes en histoire, ce qui démontre l'étendue de ses intérêts intellectuels. Il a été un membre fondateur de la Société allemande de sociologie en 1910, qui a joué un rôle clé dans l'établissement de la sociologie comme discipline académique en Allemagne. Politiquement, Weber était un critique du régime prussien et un ardent défenseur de la démocratie. Il était particulièrement préoccupé par la centralisation du pouvoir et l'autoritarisme, et a milité pour une plus grande participation démocratique et pour les droits civiques. En 1918, Weber a été nommé à la chaire de sociologie à l'Université de Munich, une position qu'il a occupée jusqu'à sa mort. C'est pendant cette période qu'il a écrit certains de ses travaux les plus influents, y compris "Economie et société", qui a été publié à titre posthume.


== Rationalité et domination ==  
== Rationalité et domination ==  
Weber va s’interroger dans ''Économie et Société'' publié en 1921 la question du pouvoir et de la domination. Weber explique que la société fonctionne de façon rationnelle. Pour cela, il va élaborer une double interrogation :
"Economie et Société" est probablement le travail le plus complet de Weber et l'un de ses derniers. Il a été publié à titre posthume en 1921, et il y traite de nombreux sujets, dont les formes de pouvoir et de domination dans la société. Selon Weber, le pouvoir est la capacité d'un individu ou d'un groupe d'individus d'imposer sa volonté, même en face de la résistance. La domination, en revanche, est une forme spécifique de pouvoir dans laquelle les individus se soumettent volontairement à l'autorité d'un autre parce qu'ils croient en sa légitimité.
*'''rationalité''' : est-ce que les comportements politiques sont rationnels et qu’est-ce qui les dicte ?
 
*'''pouvoir bureaucratique''' : comment se construit un État moderne et comment a-t-il besoin de mettre en place une bureaucratie quel ? Quel est le lien entre politique et bureaucratie ?
Max Weber a accordé une grande importance à la rationalité dans sa compréhension de la société. Il a avancé l'idée que le monde moderne est de plus en plus caractérisé par la "rationalité légale", où les actions et les comportements sont guidés par des règles, des lois et des réglementations plutôt que par des traditions, des émotions ou des croyances irrationnelles. Cette rationalité se manifeste dans de nombreux aspects de la société moderne, notamment dans le comportement politique et la structure de l'État.
 
C’est une analyse politique sur la question des pouvoirs qui lui permet de distinguer trois formes de domination légitime :
# Rationalité: Pour Weber, les comportements politiques sont largement rationnels dans la mesure où ils sont guidés par des calculs d'intérêts, par l'anticipation des conséquences des actions et par l'adoption de moyens efficaces pour atteindre des objectifs déterminés. Cependant, la rationalité de Weber n'est pas une rationalité parfaite ou pure; elle reconnaît que les individus peuvent avoir des informations imparfaites et que leurs actions peuvent être influencées par des facteurs non rationnels.
*'''domination statuaire''' : on obéit à l’ordre légalement arrêté et aux supérieurs qu’il désigne. L’individu consent d’adhérer à un appareil dans un ordonnancement de règles de droit socialement accepté. Il postule qu’on arrive à construire une base commune rationnelle impersonnelle. L’impersonnalité de l’ordre est une forme politique bien développée, car il y a d’autres formes beaucoup plus importantes. Ces formes de domination relèvent d’un système rationnel accepté socialement qui fait fonctionner le dispositif ;
# Pouvoir bureaucratique: Weber voyait la bureaucratie comme une caractéristique essentielle de l'État moderne. Selon lui, un État moderne efficace nécessite une bureaucratie pour administrer ses lois et réglementations de manière cohérente et équitable. La bureaucratie est également nécessaire pour fournir les services publics dont dépend la société moderne. Weber a souligné que la bureaucratie moderne est caractérisée par une hiérarchie de l'autorité, une division du travail, des règles écrites et des relations impersonnelles. Pour lui, le lien entre politique et bureaucratie est donc essentiel pour le fonctionnement de l'État moderne.
*'''domination traditionnelle''' : on obéit à la personne qui est détenteur du pouvoir au nom de la tradition.  La tradition forme et institut le système politique dans lequel les individus sont. En d'autres termes, la domination est exercée par une personne qui détient le pouvoir, comme un monarque par exemple ;
 
*'''domination charismatique''' : on obéit au chef en vertu de la confiance  personnelle en sa révélation, son héroïsme ou sa valeur exemplaire ; ce système sociétal se construit à un moment donné autour d’une personne.
Cependant, Weber était également conscient des dangers potentiels de la bureaucratie, notamment le risque d'"enfermement" dans une "cage d'acier" de rationalité qui pourrait éroder la liberté individuelle et la créativité. Il a souligné que, bien que la bureaucratie soit nécessaire pour la gestion efficace de l'État moderne, elle doit être équilibrée par d'autres formes d'autorité et de contrôle social pour prévenir l'excès de bureaucratie.
 
Selon Weber, la domination légale repose sur la validité des conceptions suivantes :
Weber a identifié trois sources distinctes de légitimité pour le pouvoir et la domination : la légalité, la tradition et le charisme.
#tout droit peut être établi rationnellement par le pacte ou l’octroi : même dans un système rationnel il y a une part de subjectivité dans les processus de décisions publiques. Il s'interroge sur les modes de domination en particulier la domination légale qui renvoie à la domination de la rationalité ;
 
#tout droit est dans son essence incosmos de règles abstraites, normalement décidées intentionnellement ;
# La domination légale ou rationnelle-légale : cela fait référence au concept de "domination statuaire". Dans ce type de domination, l'obéissance est accordée aux règles légalement établies et aux personnes qui les appliquent. Cette forme de domination est typique des sociétés modernes où le pouvoir politique est exercé par le biais d'un système légal rationnel et impersonnel.
#le détenteur légal du pouvoir, lors qu’il statue, obéit pour sa part à l’ordre impersonnel par lequel il oriente ses dispositions. Ce qui fait société, c'est la contractualisation des relations. Celui qui donne un ordre le fait sur un rapport fondé sur la fonction et la domination ;
# La domination traditionnelle : dans ce type de domination, l'autorité est accordée sur la base de la tradition et des coutumes établies. Les individus obéissent à un dirigeant non pas en raison de règles écrites ou de lois, mais parce qu'ils croient que c'est ainsi que les choses ont toujours été faites. Ce type de domination est souvent associé à des formes plus anciennes de gouvernement, comme la monarchie.
#celui qui obéit n’obéit que comme membre du groupe, et seulement « au droit ». Obéir à un ordre ce fait dans ce système de gestion collective.
# La domination charismatique : ce type de domination est basé sur l'attrait personnel et le charisme du leader. Les individus suivent le leader non pas en raison de règles ou de traditions, mais parce qu'ils sont personnellement attirés par sa vision ou ses qualités personnelles. Cette forme de domination peut être instable, car elle dépend fortement de la personne du leader et peut disparaître à sa mort ou si son charisme s'estompe.
 
Il faut une direction administrative bureaucratique afin que ces sociétés puissent édicter des règles techniques et des normes. En tant qu’individu, on doit intégrer ces normes pour faire partie et vivre au sein de la société.  
Chacune de ces formes de domination a ses propres forces et faiblesses, et Weber a soutenu que les sociétés réelles sont souvent caractérisées par une combinaison de ces trois types de domination.
 
La direction administrative bureaucratique se compose de fonctionnaires individuels qui doivent remplir une fonction sociale qui doit être assumée dans un dispositif administratif bureaucratique. Pour endosser la mission, il faut se dépersonnaliser. Ainsi, les fonctionnaires sont personnellement libres, mais ils n’obéissent qu’aux devoirs objectifs de leur fonction dans une hiérarchie, avec des compétences et en vertu d’un contrat.
La domination légale, ou rationnelle-légale, est le type de domination qui caractérise la plupart des sociétés modernes, où le pouvoir est exercé par le biais d'un système de lois et de règles impersonnelles et rationnelles.
 
Pour que la domination bureaucratique se réalise, il faut instaurer un principe de nomination des fonctionnaires qui domine. La nomination par contrat, par conséquent la sélection ouverte, est essentielle à la bureaucratie moderne. Dans la bureaucratie, l’étendue de la qualification professionnelle est en constante progression. La rétribution fixe est normale : porte une réflexion sur la rémunération des fonctionnaires afin qu’ils occupent la fonction de la manière la plus optimale possible. Pour le fonctionnaire  bureaucratique , la fonction est la profession principale.
Pour Weber, cette forme de domination est basée sur plusieurs principes fondamentaux:
 
L’administration bureaucratico-monocratique est une forme de domination bureaucratique qui incite à des comportements caractéristiques. La tendance est celle du nivellement dans l’intérêt du recrutement universel de ceux qui sont les plus qualifiés dans leur spécialité. D'autre part, il y a une tendance à la ploutocratisation dans l’intérêt de la formation spécialisée la plus longue possible, mais c’est un risque évident de concentration des pouvoirs. C'est un système dans lequel domine l’impersonnalité la plus formaliste.
# Tout droit peut être établi rationnellement : Pour Weber, la légalité découle de l'accord mutuel ou du consentement, généralement exprimé à travers un contrat ou un pacte. Cependant, il reconnait que même dans un système rationnel, il y a une part de subjectivité dans les processus de décision.
# Un droit est en essence un ensemble de règles abstraites : Ces règles sont généralement décidées de manière intentionnelle et sont conçues pour guider le comportement dans une variété de situations.
# Le détenteur légal du pouvoir doit lui-même obéir à l'ordre impersonnel : Même ceux qui sont en position d'autorité sont tenus de suivre les règles et les lois du système. Cela garantit que l'autorité est exercée de manière équitable et prévisible.
# Celui qui obéit, obéit à la loi : Dans un système de domination légale, les individus obéissent aux lois et aux règles, et non pas à une personne ou à une autorité en particulier. Cela garantit que l'obéissance est accordée à l'ordre impersonnel du système, plutôt qu'à la volonté arbitraire d'un individu.
 
Ces principes forment la base de la domination légale telle que Weber la conçoit, et ils soulignent le rôle central que joue la rationalité dans l'organisation et le fonctionnement des sociétés modernes.
 
Weber a mis en avant l'idée que la bureaucratie est un élément crucial des sociétés modernes, particulièrement dans le cas de la domination légale ou rationnelle. Cette bureaucratie est caractérisée par un ensemble de caractéristiques spécifiques :
 
# La spécialisation des tâches : chaque bureaucrate ou fonctionnaire a un rôle spécifique à jouer et une zone de compétence clairement définie.
# Hiérarchie de l'autorité : les bureaucraties sont organisées de manière hiérarchique, avec des niveaux clairs de subordination et de supervision.
# Règles et procédures formelles : les bureaucraties fonctionnent selon un ensemble de règles et de procédures écrites qui définissent comment les tâches doivent être effectuées et les décisions prises.
# Relations impersonnelles : dans une bureaucratie, les interactions entre les fonctionnaires et les citoyens sont impersonnelles, basées sur des rôles plutôt que sur des relations personnelles.
# Emploi basé sur les compétences : les postes dans une bureaucratie sont souvent attribués sur la base des compétences et des qualifications, plutôt que sur la base de relations personnelles ou de favoritisme.
# Séparation entre le rôle de fonctionnaire et la vie personnelle : les bureaucrates sont censés agir en fonction de leurs rôles officiels et non en fonction de leurs préférences ou sentiments personnels.
 
Ces caractéristiques permettent à la bureaucratie de fonctionner efficacement et de manière prévisible, ce qui est essentiel pour le bon fonctionnement d'une société moderne. Cependant, Weber a également noté que la bureaucratie peut parfois être excessivement rigide et inflexible, ce qui peut entraver l'innovation et l'adaptation au changement.
 
Max Weber a soutenu que pour exercer leur rôle efficacement, les bureaucrates doivent agir de manière dépersonnalisée, c'est-à-dire qu'ils doivent mettre de côté leurs préférences et leurs sentiments personnels et agir uniquement en fonction des règles et des procédures officielles. Cette dépersonnalisation est importante pour plusieurs raisons. Premièrement, elle garantit que les décisions et les actions sont basées sur des règles objectives et non sur des préférences personnelles ou des favoritismes. Cela contribue à l'équité et à la prévisibilité du système bureaucratique. Deuxièmement, la dépersonnalisation aide à maintenir une certaine distance entre le bureaucrate en tant qu'individu et son rôle en tant que représentant de l'État ou de l'organisation. Cela peut aider à prévenir les conflits d'intérêts et à assurer que le bureaucrate agit dans l'intérêt de l'organisation plutôt que dans son propre intérêt. Cependant, il convient de noter que cette dépersonnalisation peut aussi avoir des inconvénients. Par exemple, elle peut conduire à une bureaucratie rigide et inflexible qui est incapable de s'adapter aux circonstances changeantes ou de répondre de manière sensible et humaine aux besoins des citoyens.
 
Weber a identifié plusieurs éléments essentiels pour le bon fonctionnement d'une bureaucratie, dont : 
 
# La nomination par contrat : Dans une bureaucratie efficace, les fonctionnaires sont nommés sur la base d'un contrat, qui définit clairement leurs rôles et responsabilités. Cela favorise la transparence et assure que les postes sont attribués sur la base de la compétence plutôt que du favoritisme ou du népotisme.
# La qualification professionnelle : Les bureaucraties modernes exigent un niveau de compétence professionnelle de plus en plus élevé. Les postes sont souvent attribués en fonction de l'expérience et des qualifications, et une formation continue peut être nécessaire pour maintenir et améliorer ces compétences.
# La rémunération fixe : Pour Weber, une rémunération fixe est essentielle pour garantir que les fonctionnaires sont motivés à faire leur travail efficacement et honnêtement. Cette rémunération doit être suffisamment élevée pour dissuader la corruption et favoriser l'intégrité.
# La fonction comme profession principale : Pour beaucoup de fonctionnaires, leur rôle au sein de la bureaucratie est leur principale profession. Cela signifie qu'ils sont entièrement engagés dans leur travail et sont prêts à consacrer le temps et l'énergie nécessaires pour le faire correctement.
 
Ces éléments aident à créer une bureaucratie qui est capable de gérer efficacement les affaires de l'État ou de l'organisation, tout en minimisant les risques de corruption ou d'abus de pouvoir.
 
La bureaucratie monocratique selon Weber est un type de bureaucratie est caractérisé par une centralisation du pouvoir et une formalisation rigoureuse des procédures et des rôles.
 
# Le nivellement par le recrutement universel : Weber soutenait que les bureaucraties devraient chercher à recruter les personnes les plus qualifiées pour chaque rôle, quelles que soient leurs origines. Cela peut conduire à une sorte de "nivellement", où la compétence professionnelle est valorisée au-dessus d'autres critères comme l'origine sociale ou la richesse.
# La tendance à la ploutocratisation : Toutefois, Weber a également noté que la nécessité d'une formation spécialisée peut conduire à une certaine "ploutocratisation", où ceux qui ont les moyens de suivre une formation longue et coûteuse ont un avantage. Cela peut potentiellement conduire à une concentration du pouvoir entre les mains d'une élite éduquée.
# L'impersonnalité formelle : Enfin, Weber a souligné que les bureaucraties sont caractérisées par une forte impersonnalité. Les décisions sont prises sur la base de règles formelles et de procédures standardisées, plutôt que sur la base de relations personnelles ou de préférences subjectives.
 
Ces caractéristiques peuvent aider à garantir que la bureaucratie fonctionne de manière efficace et équitable. Cependant, elles peuvent aussi présenter des risques, comme la concentration excessive du pouvoir et la rigidité bureaucratique.


== Éthique protestante et capitalisme ==
== Éthique protestante et capitalisme ==
[[File:Die protestantische Ethik und der 'Geist' des Kapitalismus original cover.jpg|thumb|Die protestantische Ethik und der 'Geist' des Kapitalismus original cover.]]
[[File:Die protestantische Ethik und der 'Geist' des Kapitalismus original cover.jpg|thumb|Die protestantische Ethik und der 'Geist' des Kapitalismus original cover.]]
   
   
Weber attribue un rôle central aux faits religieux dans la constitution des civilisations et dans la généalogie de la rationalité occidentale. Il tente de montrer le processus de fonctionnarisation des sociétés. Ainsi il admet que la fonctionnarisation de la société est à l’origine des sociétés contemporaines occidentales. Elle imprime l’ensemble de de notre existence, la complexification de la vie social amenant l’État à gérer de plus en plus loin la société. C’est une extension de la rationalité qui s’entend pour gérer les enjeux croissants de la société. L’intensité des dispositifs de gestion est étendue et sans limites.  
Max Weber considérait la religion comme une force majeure dans la formation des sociétés et dans le développement de la rationalité occidentale. Par exemple, dans son ouvrage majeur "L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme", Weber fait valoir que les valeurs du protestantisme, en particulier celles du calvinisme, ont joué un rôle crucial dans le développement du capitalisme moderne. En outre, Weber a vu la "fonctionnarisation" de la société - c'est-à-dire l'augmentation du rôle de l'État et de la bureaucratie dans la gestion de la vie sociale - comme une tendance clé dans le développement des sociétés occidentales modernes. Selon Weber, cette tendance est liée à la complexification de la vie sociale et à l'expansion de la rationalité en tant que principe organisateur de la société. Cette "fonctionnarisation" s'accompagne d'une extension de la portée et de l'intensité des dispositifs de gestion de la société. En d'autres termes, à mesure que la société devient plus complexe, l'État et la bureaucratie sont appelés à jouer un rôle de plus en plus grand dans la gestion de tous les aspects de la vie sociale. Cependant, Weber était également conscient des dangers potentiels de cette tendance. Il a mis en garde contre le risque de ce qu'il appelait "la cage d'acier" de la rationalité, où la bureaucratie et la rationalité pourraient devenir si omniprésentes qu'elles en viendraient à entraver la liberté individuelle et à étouffer la créativité et l'innovation.  


Dans ''L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme'' (1904-1905), Weber s’interroge sur le rapport entre rationalité et religion. Il tente d’établir si et dans quelle mesure des influences religieuses ont pris part à l’élaboration qualitative et à l’expansion quantitative de l’esprit du capitalisme ainsi qu’à la construction des systèmes politiques. Il cherche à comprendre comment les effets d’ensemble influencent la société. Ainsi, il émet l’hypothèse que la religion serait une pensée de la rationalité, elle serait deux choses à la fois à savoir un obstacle et un stimulant.
Dans ''L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme'' (1904-1905), Weber examine l'influence de certaines idées religieuses, en particulier celles associées au protestantisme ascétique, sur le développement du capitalisme moderne. Il soutient que l'éthique protestante a promu des valeurs telles que l'économie, le travail acharné, la discipline et l'auto-contrôle, qui ont contribué à l'essor du capitalisme. En effet, il a proposé que l'idée protestante de la "vocation" ou du "calling" a conduit les individus à chercher à réussir dans leur travail professionnel, ce qui a stimulé l'activité économique. Mais Weber a également souligné que la religion peut aussi être un obstacle à la rationalité et à l'activité économique. Par exemple, certaines croyances religieuses peuvent décourager l'accumulation de richesses ou promouvoir des valeurs qui sont en conflit avec l'éthique capitaliste. En explorant ces idées, Weber a cherché à comprendre comment les "effets d'ensemble" - c'est-à-dire l'influence combinée de divers facteurs sociaux, économiques et religieux - ont façonné le développement de la société. Il a utilisé cette approche pour éclairer non seulement l'émergence du capitalisme, mais aussi d'autres aspects de la modernité, tels que la bureaucratie et la rationalisation de la vie sociale.
Au fond, le capitalisme est une logique d’investissement territoriale afin de dégager de la valeur. Ce serait une disposition des hommes à conduire leur existence selon des voies spécifiques qui provient d’un processus rationnel. Pour Weber le capitalisme a eu besoin de la religion, car, selon sa thèse sans la religion le capitalisme n’aurait pu existe. Il va se concentrer sur la relation entre la religion et le capitalisme en se focalisant sur le protestantisme en tant que doctrine religieuse ainsi que sur son lien avec le capitalisme.
   
   
Pour Weber la « ''doctrine calviniste de la prédestination'' » est fondée sur la théorie de l’élu, c’est l’idée qu’il y a ceux qui sont reconnus par dieu et les damnés qui sont réprouvés. Il dégage un problème de la théorie calviniste qui est une dimension de l’insupportable puisque du vivant de l’individu il lui est impossible de savoir s’il est reconnu ou réprouvé. Dans cette fatalité de l’élection, il y a cette part de l’insupportable qui pousse l’Homme à trouver les propres voies de sa réalisation de sa reconnaissance.
Pour lui, le capitalisme n'est pas seulement un système économique, mais aussi un mode de vie caractérisé par une certaine éthique de travail, une discipline et une rationalité. Dans "L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme", Weber soutient que l'essor du capitalisme en Occident n'aurait pas été possible sans l'influence du protestantisme, en particulier du calvinisme. Selon lui, l'éthique protestante a promu des valeurs telles que le travail acharné, la frugalité et la responsabilité individuelle, qui ont encouragé l'accumulation de capital et l'investissement productif. L'idée clé ici est celle de la "vocation" ou du "calling" protestant. Selon Weber, les protestants croyaient que chacun avait une vocation spécifique donnée par Dieu, et que le succès dans cette vocation était un signe de salut. Cette croyance a encouragé les gens à travailler dur et à réussir dans leur travail, ce qui a stimulé l'activité économique. Cependant, Weber ne prétend pas que le protestantisme soit la seule cause de l'essor du capitalisme. Il reconnaît également l'importance d'autres facteurs, comme le développement de la technologie et du commerce. Mais pour lui, le rôle de la religion a été crucial pour créer les conditions culturelles et éthiques nécessaires à l'émergence du capitalisme.
   
   
Pour résoudre cette problématique de l’insupportable, l’Homme doit se donner l’illusion subjective de sa propre sujétion. Il faut qu’il fabrique une anticipation qui passe par un comportement.  
Dans le calvinisme, la doctrine de la prédestination soutient que Dieu a décidé avant la création du monde qui serait sauvé (les élus) et qui serait condamné (les réprouvés). Cette croyance  peut être source d'angoisse, car on ne peut jamais être certain de son statut d'élu. Selon Weber, cette incertitude aurait conduit les calvinistes à chercher des signes de leur élection dans leur vie quotidienne. L'un de ces signes était la réussite dans le monde, en particulier dans le travail. Par conséquent, les calvinistes étaient incités à travailler dur et à réussir, non pas pour gagner leur salut (ce qui, selon la doctrine de la prédestination, était impossible), mais pour obtenir une assurance de leur élection. Cela a conduit à l'éthique du travail calviniste, qui valorisait le travail acharné, la discipline et la frugalité. Ces valeurs, selon Weber, ont joué un rôle crucial dans l'émergence du capitalisme moderne.
   
   
Dans le protestantisme calviniste, l’Homme doit travailler beaucoup parce que c’est une valeur positive qui reflète la capacité à travailler pour dieu. Le travail n’assure pas la salvation, cependant l’activité professionnelle va donner le sentiment de pouvoir acheter son salut. Plus l’individu œuvre à son salut plus il a de chance de ne pas être réprouvé.
Il est important de noter que dans le calvinisme, on ne peut pas "gagner" son salut par des œuvres, puisque le salut est déjà prédestiné par Dieu. Cependant, le succès dans le travail et dans la vie professionnelle est perçu comme un signe possible que l'on est parmi les élus. En conséquence, les croyants calvinistes sont encouragés à travailler dur et à réussir dans leur vocation donnée par Dieu. Cela ne garantit pas le salut, mais peut donner à l'individu une assurance subjective de son élection. C'est ce que Weber appelle "l'éthique protestante" - un ensemble de valeurs qui valorise le travail acharné, la frugalité, et la responsabilité individuelle. Selon Weber, cette éthique protestante a été l'un des principaux moteurs de l'émergence du capitalisme. En promouvant le travail et l'efficacité économique comme des valeurs morales, elle a contribué à créer une culture favorable à l'accumulation de capital et à l'investissement productif.
   
   
Cela aboutit à un fait de société qui fabrique un type de comportement qui donne au travail une valeur permettant de se sauver dans le cadre d’une logique ascétique. La production de valeur au sens capitaliste est réinvestie dans le système. Ainsi la fabrication d’une société de rationalité se structurerait à partir d’une interprétation religieuse qui est le protestantisme ayant pour résultat de produire un enrichissement important non pas personnel, mais vis-à-vis de dieu.  
Selon l'analyse de Max Weber, l'éthique protestante, en particulier dans sa forme calviniste, a joué un rôle crucial dans la formation de l'esprit du capitalisme. Dans le calvinisme, le travail acharné et la frugalité ne sont pas seulement des vertus, ils sont considérés comme des preuves de l'élection divine. Par conséquent, l'accumulation de richesses grâce au travail et à l'épargne est vue comme un signe de faveur divine. Cependant, cette richesse n'est pas destinée à être dépensée de manière extravagante, car cela serait contraire à la vertu de frugalité. Au lieu de cela, elle doit être réinvestie, créant ainsi un cycle d'accumulation de capital. Ce cycle, selon Weber, a contribué à l'émergence du capitalisme moderne. C'est une interprétation de la manière dont des idées et des croyances religieuses peuvent influencer le développement économique et social. Cependant, il est important de noter que Weber ne suggère pas que le protestantisme est la seule cause du capitalisme, mais plutôt qu'il a fourni un ensemble de valeurs qui ont facilité son développement.  
   
   
Cette théorie se construit en opposition au concept de jouissance. En engageant le travail de production de la valeur, l’individu crée et accumule le capital en plus d’avoir une approche puritaine de l’existence permettant de rencontrer Dieu. Ce qui est intéressant est que cette démonstration est crédible dans le cadre de son processus de détermination.
Weber met en lumière le contraste entre l'éthique protestante et ce qu'il appelle "l'esprit du traditionalisme". Dans les sociétés traditionnelles, selon Weber, les gens travaillent pour vivre. Une fois qu'ils ont gagné assez pour satisfaire leurs besoins et désirs immédiats, ils cessent de travailler. En d'autres termes, le travail est un moyen d'atteindre un certain niveau de confort et de jouissance. En revanche, dans l'éthique protestante telle que Weber la décrit, le travail n'est pas simplement un moyen d'atteindre un certain niveau de confort matériel. Au contraire, le travail est une fin en soi. Il est valorisé non seulement pour les richesses qu'il produit, mais aussi en tant que preuve de l'élection divine et comme moyen de glorifier Dieu. Par conséquent, la richesse accumulée n'est pas destinée à la jouissance ou à la consommation excessive, mais doit être réinvestie dans le travail. Cette approche du travail et de l'accumulation de richesses, selon Weber, est l'un des facteurs qui ont favorisé le développement du capitalisme moderne. Le capitalisme requiert un investissement constant et l'accumulation de capital, deux comportements encouragés par l'éthique protestante.


== Le métier politique ==  
== Le métier politique ==  
[[Fichier:Max Weber 1917.jpg|thumb|Max Weber en 1917.]]
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Dans ''Politik als Beruf'' publié en 1919, Weber distingue deux façons de faire de la politique à savoir '''« pour » la politique''' qui le « but de sa vie », le « pour » a une dimension de don de soi-même et '''« de » la politique''' comme source de revenus, c’est vivre grâce à la politique. Cette nuance est fondamentale, car ces deux façons de faire de la politique ne se rejoignent pas nécessairement. Si on vit de la politique, une dimension éthique s’effondre. Cette opposition confronte un but existentiel et un but utilitariste.
 
Weber, dans "Politik als Beruf" (La politique comme vocation), fait une distinction entre "vivre pour" la politique et "vivre de" la politique. Vivre "pour" la politique signifie que la politique est un appel personnel, une vocation au sens le plus profond. Les individus qui vivent "pour" la politique sont motivés par leurs convictions et leurs idéaux, et ils sont souvent prêts à faire des sacrifices personnels pour les réaliser. La politique est pour eux un objectif en soi, et non un moyen d'atteindre d'autres objectifs. C'est une activité qu'ils poursuivent par passion et par engagement, et non pour le gain matériel. D'autre part, vivre "de" la politique signifie gagner sa vie en participant à la politique. Les individus qui vivent "de" la politique peuvent être des professionnels de la politique, tels que des politiciens, des consultants, des lobbyistes, etc. Pour ces personnes, la politique peut être moins un appel qu'un moyen de gagner sa vie. Ils peuvent être motivés moins par des idéaux que par des intérêts personnels ou matériels. Ces deux approches ne sont pas nécessairement mutuellement exclusives. Un individu peut être motivé à la fois par des convictions profondes et par le désir de gagner sa vie. Cependant, Weber souligne que ces deux motivations peuvent parfois entrer en conflit, et que la tension entre elles peut créer des dilemmes éthiques pour les individus engagés dans la politique.
 
Cette opposition confronte un but existentiel et un but utilitariste. Le but existentiel, dans ce contexte, se réfère à l'approche de ceux qui vivent "pour" la politique. Ces personnes voient la politique comme une vocation, quelque chose qui donne un sens et un but à leur vie. Ils sont motivés par des convictions profondes et sont souvent prêts à faire des sacrifices pour réaliser leurs idéaux politiques. Le but utilitariste, d'autre part, se réfère à l'approche de ceux qui vivent "de" la politique. Pour ces personnes, la politique est un moyen d'atteindre une fin, en l'occurrence un moyen de gagner sa vie. Ils peuvent être motivés par des considérations matérielles et personnelles plutôt que par des convictions idéologiques ou éthiques.
   
   
Weber interroge dans les sociétés modernes la fonction de l’homme politique. Idéalement l’homme politique doit être économiquement indépendant des revenus que l’activité politique pourrait lui procurer.
Max Weber, pour qu'un homme politique puisse agir de manière éthique et indépendante, il devrait être financièrement indépendant. Autrement dit, il ne devrait pas dépendre des revenus que la politique pourrait lui procurer. Cette idée est basée sur la crainte que la dépendance économique à l'égard de la politique puisse créer des conflits d'intérêts et influencer les décisions d'un homme politique. Weber affirmait que si une personne vivait "de" la politique (c'est-à-dire qu'elle tirait son revenu principal de son activité politique), il pourrait y avoir un risque qu'elle agisse plus dans son propre intérêt financier que dans l'intérêt du public. Cependant, Weber reconnaissait que cette indépendance financière n'est pas toujours possible. Dans de nombreux cas, les hommes politiques sont rémunérés pour leur travail, car il est nécessaire de permettre à ceux qui ne sont pas déjà économiquement indépendants de participer à la politique.
   
   
Au fond, tout système démocratique est fondamentalement compliqué parce qu’évidemment le système politique fonctionne sur des règles et des normes en opposant ceux qui peuvent faire de la politique de ce qui ne peut pas faire de la politique. C’est un paradoxe qui ne permet qu’aux riches de faire de la politique, ainsi les Hommes politiques se recrutent de façon « ploutocratique » (du grec « ploutos » : richesse). La politique doit être faite par des personnes ayant un capital important pour se consacrer à la politique.  
Weber parle d'un paraxose de la démocratie moderne. D'un côté, la démocratie est supposée être un système politique qui permet à tous les citoyens de participer et d'avoir une voix égale. C'est le principe d'égalité démocratique. D'un autre côté, la réalité pratique de la politique signifie souvent que ceux qui ont les moyens financiers et le temps - c'est-à-dire les riches - sont plus capables de participer activement à la politique, que ce soit en se présentant à des postes politiques, en finançant des campagnes ou en influençant les politiques par d'autres moyens. Cela peut conduire à une situation dans laquelle la politique est dominée par une "ploutocratie", un gouvernement par les riches, où ceux qui ont des ressources financières sont surreprésentés et ont une influence disproportionnée. Cela contredit le principe d'égalité démocratique et peut potentiellement mener à une politique qui sert davantage les intérêts des riches, aux dépens des moins bien lotis. Ce paradoxe soulève des questions importantes sur l'équité et la représentativité dans la démocratie moderne.
 
Weber a reconnu ce paradoxe dans la politique démocratique. Dans une société idéale, l'activité politique devrait être ouverte à tous, indépendamment de leur statut économique. Cependant, dans la pratique, la participation politique exige souvent du temps, des ressources et de l'énergie que seuls ceux qui sont déjà économiquement stables peuvent se permettre. En conséquence, la classe politique tend à être dominée par ceux qui ont des ressources financières importantes, ce que Weber décrit comme une "ploutocratie". Cette situation risque de fausser les priorités politiques en faveur des intérêts des plus riches et d'exclure les voix et les besoins des moins privilégiés. Cela a conduit à des débats sur la façon dont la démocratie peut être rendue plus équitable et inclusive. Certaines propositions comprennent le financement public des campagnes politiques, la mise en place de quotas pour assurer la représentation de différents groupes socio-économiques, et l'encouragement à la participation des citoyens ordinaires à la politique par le biais de structures telles que les assemblées citoyennes et les jurys de citoyens.
 
Weber souligne le dilemme fondamental au cœur de la politique moderne. Si l'on ne rémunère pas suffisamment les politiciens, le risque est que seuls ceux qui ont déjà une richesse considérable puissent se permettre de participer activement à la politique. Cela pourrait mener à une forme de ploutocratie, où le pouvoir est concentré entre les mains de ceux qui ont de l'argent. D'un autre côté, si l'on offre une rémunération généreuse pour le travail politique, cela pourrait attirer des personnes intéressées par la politique principalement pour les avantages financiers qu'elle peut offrir, plutôt que pour le service public. Cela pourrait conduire à une professionnalisation de la politique, où les politiciens sont plus préoccupés par leur carrière et leur revenu personnel que par l'intérêt général. C'est donc une question complexe et délicate à laquelle les sociétés démocratiques modernes sont confrontées. Comment équilibrer la nécessité d'attirer des personnes compétentes et dévouées à la politique, tout en évitant une trop grande influence de l'argent et en veillant à ce que la politique reste axée sur le service public ? Weber ne propose pas de solution simple, mais souligne l'importance de ce dilemme et invite à une réflexion approfondie sur ces questions.  
   
   
Il s’interroge aussi sur comment construire un recrutement non fondé sur l’argent. Pour cela  il postule que la politique doit être un espace de rémunération. D’un côté, il y a le risque de la ploutocratie, de l’autre le danger est de voir l’Homme politique faire du politique un métier.  
Weber reconnaît que la professionnalisation de la politique peut entraîner des problèmes. S'il est nécessaire d'avoir des politiciens qualifiés qui ont une connaissance et une expérience approfondies de la politique, l'excès de professionnalisation peut menacer la démocratie en éloignant la politique des citoyens ordinaires. La politique pourrait alors devenir une sorte de "club fermé" réservé aux professionnels, rendant difficile pour les gens ordinaires de comprendre, d'influencer ou de participer à la politique. Cela pourrait à son tour conduire à un sentiment d'aliénation et de cynisme envers la politique, et potentiellement affaiblir la démocratie. De plus, si les partis politiques deviennent trop puissants et trop institutionnalisés, ils peuvent également devenir des obstacles à l'innovation et au changement politiques. Ils peuvent devenir plus préoccupés par leur propre survie et leur pouvoir que par le service du bien public. Weber ne suggère pas que la professionnalisation de la politique soit entièrement mauvaise, mais il met en garde contre les dangers potentiels d'une professionnalisation excessive et d'une institutionnalisation des partis politiques. Il souligne la nécessité d'un équilibre entre la compétence professionnelle et l'engagement civique, entre l'efficacité des partis politiques et leur responsabilité envers le public.
   
   
Savoir si le politique relève d’un métier est une question centrale pour Weber. Il pointe ainsi du doigt la difficulté de la politique c’est-à-dire que c’est un ensemble de rivalités qui affaiblit la démocratie. Si la politique est un métier, cela induit un ensemble de savoir et de compétence. Le problème est l’institutionnalisation de la politique alors que le fondement de la démocratie est le peuple. L’un des dangers principaux est de faire du parti politique une structure inhérente à la société.
Max Weber, en analysant le rôle et la nature de la politique, a abordé la question de la démagogie. Pour lui, la démagogie est un danger potentiel dans toute démocratie. Un démagogue est un leader politique qui cherche à gagner du soutien en manipulant les émotions, les préjugés et les ignorances des gens, souvent par le biais de discours enflammés et de promesses irréalistes. La démagogie est donc une forme de manipulation politique qui exploite les sentiments populaires pour obtenir le pouvoir, plutôt que de chercher à servir le bien public. Weber a mis en garde contre la démagogie en raison de son potentiel à fausser le processus démocratique. Les démagogues peuvent exploiter les craintes et les préjugés des gens pour gagner du pouvoir, ce qui peut mener à des politiques qui sont en réalité contraires aux intérêts du peuple. De plus, la démagogie peut miner la confiance du public envers les institutions politiques. Si les politiciens font constamment des promesses irréalistes pour gagner du soutien, les gens peuvent devenir cyniques et désillusionnés par la politique, ce qui peut à son tour affaiblir la démocratie. Weber, en tant que sociologue et politologue, a insisté sur la nécessité d'une politique responsable, qui se base sur une compréhension rationnelle des problèmes et qui vise le bien-être de la société dans son ensemble. Il a préconisé une approche de la politique qui respecte l'intelligence du public et qui évite la manipulation émotionnelle.
   
   
Weber questionne ces contradictions en pointant le risque de la démagogie. Depuis qu’il existe des démocraties, le « démagogue » a été le type du chef politique en occident. La démagogie moderne fait usage du discours qu’il manie avec habileté en particulier les discours électoraux.
Max Weber a mis en évidence certaines des pratiques que les politiciens peuvent utiliser pour maintenir leur pouvoir, notamment par le biais de la bureaucratie. Selon lui, l'une des principales méthodes est l'utilisation de la bureaucratie pour contrôler et influencer l'administration de l'État.
 
# Contrôle bureaucratique: Les politiciens peuvent utiliser la bureaucratie pour influencer les politiques et les décisions. Ils peuvent nommer des bureaucrates loyaux à des postes clés, contrôler l'information et les ressources, et utiliser la bureaucratie pour mettre en œuvre leurs politiques.
# Clientélisme et patronage: Les politiciens peuvent également utiliser des méthodes de patronage pour maintenir leur pouvoir. Cela peut prendre la forme de distribution de ressources ou de faveurs à des individus ou des groupes spécifiques en échange de leur soutien politique.
# Stratégie de division: Une autre méthode couramment utilisée est de diviser les opposants pour les affaiblir. Cela peut impliquer de jouer sur les divisions existantes ou de créer de nouvelles divisions pour empêcher l'opposition de s'unir contre eux.
# Propagande et manipulation de l'information: Les politiciens peuvent également utiliser la propagande et la manipulation de l'information pour influencer l'opinion publique et maintenir leur pouvoir. Cela peut impliquer la diffusion de fausses informations, la déformation des faits, ou l'utilisation de discours démagogiques pour gagner le soutien du public.
 
Ces pratiques peuvent être néfastes pour la démocratie et l'État de droit, car elles peuvent conduire à la corruption, à l'inégalité, et à la concentration du pouvoir entre les mains de quelques individus ou groupes.
 
Le "spoil system", ou système des dépouilles, est un terme qui a été utilisé pour décrire la pratique politique, notamment aux États-Unis, où les postes publics sont donnés comme récompenses à ceux qui ont soutenu le candidat ou le parti victorieux. Ce système a été très répandu au XIXe siècle, notamment sous l'administration du président Andrew Jackson. Dans un spoil system, le parti au pouvoir peut remplacer une grande partie des fonctionnaires par ses propres partisans, ce qui peut avoir un effet profond sur l'administration du gouvernement. Cela peut conduire à une instabilité et à une inefficacité, car les fonctionnaires peuvent être nommés sur la base de leur loyauté politique plutôt que de leur compétence ou de leur expérience. De plus, cela peut entraîner une corruption généralisée, car ceux qui sont en position de pouvoir peuvent être tentés d'utiliser leurs postes pour leurs propres intérêts plutôt que pour l'intérêt public. Weber, dans sa réflexion sur le rôle de la bureaucratie et la rationalité dans la société moderne, a critiqué ce type de pratique. Il a soutenu que l'administration publique devrait être gérée de manière rationnelle et impersonnelle, avec des fonctionnaires compétents qui sont nommés sur la base de leur mérite plutôt que de leur affiliation politique. Selon Weber, le système de dépouilles est une illustration de la manière dont la politique peut être utilisée pour servir les intérêts particuliers plutôt que le bien commun, ce qui est en contradiction avec l'idée d'une société démocratique et rationnelle.
 
Selon Weber, il y a trois qualités essentielles pour faire de la politique :
 
# La passion : Weber ne voit pas la passion comme un élan irrationnel, mais plutôt comme une passion dans le sens de la dévotion profonde à une cause. C'est l'engagement, l'énergie et la détermination nécessaires pour faire face aux défis de la politique.
# Le sentiment de responsabilité : La politique, surtout lorsqu'elle concerne la gouvernance d'un pays, implique d'énormes responsabilités. Les décisions prises peuvent affecter des millions de personnes, il est donc crucial que ceux qui choisissent de faire de la politique aient un sentiment profond de responsabilité.
# Le coup d'œil : C'est ce que Weber appelle "Augenmass", qui peut être traduit par le sens de la proportion, le jugement ou le discernement. C'est la capacité de comprendre rapidement une situation complexe, de juger de ses implications et de prendre des décisions informées.
 
Enfin, Weber avertit que ces qualités ne doivent pas être séparées, sinon elles peuvent devenir dangereuses. La passion sans responsabilité peut conduire à un fanatisme aveugle, tandis que la responsabilité sans passion peut devenir un formalisme stérile. De même, le coup d'œil sans la passion ou la responsabilité peut devenir une forme de cynisme politique. Il faut donc les trois qualités ensemble pour être un bon politicien.
 
dans son œuvre "Politik als Beruf" (La politique comme vocation), Weber examine la nature de la politique et son interaction avec l'éthique. Il soutient que la politique est intrinsèquement une activité de pouvoir et de violence. Elle est inévitablement liée à la lutte pour le pouvoir et à l'exercice de la force.
 
Cependant, malgré cette réalité, Weber soutient qu'il existe une place pour l'éthique en politique. Il distingue deux types d'éthique qui peuvent guider l'action politique : l'éthique de conviction et l'éthique de responsabilité.
 
# L'éthique de conviction se réfère à des principes moraux absolus auxquels un individu reste fidèle, quelles que soient les conséquences. Les individus qui suivent une éthique de conviction se concentrent sur l'intention plutôt que sur le résultat de leurs actions. L'éthique de conviction est axée sur les principes et les valeurs inébranlables d'un individu. Un individu qui suit une éthique de conviction se concentre sur l'accomplissement de ses devoirs moraux, indépendamment des conséquences de ses actions. C'est une approche de la moralité qui est principalement guidée par les principes absolus et les croyances fermes.
# L'éthique de responsabilité, en revanche, est plus pragmatique. Elle prend en compte les conséquences de l'action et considère que l'individu a une responsabilité envers les résultats de ses actions. L'éthique de responsabilité est centrée sur la prise en compte des conséquences des actions. Un individu qui suit une éthique de responsabilité considère les effets de ses actions sur les autres et prend des décisions en fonction de la façon dont elles affecteront le monde qui l'entoure. C'est une approche de la moralité qui met l'accent sur les conséquences pratiques et réelles des actions.
 
Weber ne privilégie ni l'une ni l'autre, mais il met en garde contre une dépendance excessive à l'égard de l'éthique de conviction en politique. Il soutient que les politiciens doivent être guidés par une éthique de responsabilité, en tenant compte des conséquences de leurs actions, tout en restant fidèles à leurs convictions. Pour Weber, la politique nécessite une combinaison de passion et de jugement éthique, une fusion de l'éthique de conviction et de l'éthique de responsabilité. Selon Weber, un bon politicien doit équilibrer ces deux formes d'éthique. Il doit avoir des convictions fermes et des principes, mais il doit aussi être prêt à prendre des décisions difficiles qui peuvent avoir des conséquences indésirables à court terme, mais qui sont nécessaires pour le bien à long terme.
 
Adolf Eichmann, un haut fonctionnaire nazi responsable de la logistique de l'Holocauste, a utilisé cet argument lors de son procès à Jérusalem en 1961. Il a prétendu qu'il n'était qu'un simple exécutant qui obéissait aux ordres de ses supérieurs, et qu'il n'avait donc pas de responsabilité personnelle dans les crimes commis. C'est un exemple de ce que Hannah Arendt a appelé la "banalité du mal" dans son compte rendu du procès d'Eichmann. Selon Arendt, Eichmann n'était pas un monstre, mais un bureaucrate ordinaire qui s'est contenté d'exécuter des ordres sans réfléchir aux conséquences morales de ses actions. Elle suggère que c'est cette capacité à obéir aveuglément aux ordres et à se démettre de toute responsabilité personnelle qui a rendu l'Holocauste possible. Cette notion de responsabilité est centrale dans l'éthique de la responsabilité de Weber. Selon lui, chacun est responsable de ses actions, même lorsqu'il agit dans le cadre de son rôle professionnel. Il souligne l'importance de la prise de décision consciente et éthique, plutôt que de simplement suivre les ordres sans réfléchir.  
   
   
Ces stratégies politiques mettent en exergue l’instauration de pratiques visant à conserver le pouvoir, c’est ce qu’on appelle spoil-system. Dans le spoil-system, tous les postes fédéraux sont attribués aux partisans du candidat victorieux. Des partis s’opposent les uns aux autres et fabriquent pour chaque campagne électorale un programme en fonction des chances électorales.  
Max Weber, dans son travail, a clairement distingué entre deux types d'éthique, à savoir l'éthique de conviction et l'éthique de responsabilité, et a souligné leurs limites respectives.
 
Cependant, pour faire de la politique, il faut faire preuve de qualités essentielles comme la passion, le sentiment de responsabilité et le coup d’œil.
# L'éthique de conviction se concentre sur les principes moraux et éthiques inébranlables qui guident les actions d'un individu. Une personne agissant selon une éthique de conviction suivra ses principes indépendamment des conséquences de ses actions. La limite de cette éthique réside dans le fait qu'elle peut mener à des actions rigides, inflexibles et dogmatiques qui ne tiennent pas compte des conséquences ou des circonstances changeantes.
# D'autre part, l'éthique de responsabilité met l'accent sur les conséquences des actions d'un individu. Une personne agissant selon une éthique de responsabilité prendra des décisions basées sur les conséquences potentielles et sera prête à en assumer la responsabilité. La limite ici est que cette approche peut mener à un pragmatisme excessif, où la fin justifie les moyens, même si ces moyens violent certains principes éthiques.
Dans le politique qui peut être à la fois une vocation et un métier, Weber cherche les alternatives et à déterminer le rapport qui pourrait exister entre éthique et politique. Il s’interroge  sur l’éthique dans le politique. La politique est violence, elle requiert donc de l’éthique c’est-à-dire un comportement moral. L’éthique est la capacité de se comporter avec une haute valeur morale.
 
Selon Weber, un bon politique doit équilibrer ces deux éthiques. Il doit avoir des convictions fortes et des principes, mais doit aussi être conscient des conséquences de ses actions et être prêt à en assumer la responsabilité.
Il distingue deux éthiques qui coexistent, mais s’opposent :
 
*l’'''éthique de conviction''' : elle est irrationnelle j’agis par conviction ; l’action doit s’engager par conviction qui elle-même garantie la finalité et la réussite. Elle se situe du côté de la foi, c’est une forme d’irrationalité
Weber souligne qu'il est crucial pour un individu de réfléchir de manière critique et consciente à ses actions, plutôt que de se fier uniquement à la rationalité pure ou à des prescriptions collectives. L'éthique, dans cette optique, est une question de choix individuels informés et consciencieux. Il n'est pas suffisant de se conformer aux attentes ou aux normes collectives sans interroger les principes éthiques qui les sous-tendent. De même, il n'est pas suffisant de prendre des décisions basées uniquement sur la rationalité sans prendre en compte les implications éthiques de ces décisions. C'est pourquoi Weber insiste sur la nécessité de concilier l'éthique de conviction, qui est centrée sur les principes moraux personnels, et l'éthique de responsabilité, qui se concentre sur les conséquences des actions. En fin de compte, chaque individu doit faire ses propres choix éthiques en pleine conscience des implications de ces choix.
*l’'''éthique de responsabilité''' : elle découle d’un comportement rationnel, c’est ma responsabilité qui doit engager et guider mon action. Les conséquences de mes actes sont imputables à ma propre action. Je suis responsable au nom de la rationalité de mes actes. En agissant au nom de la responsabilité, il faut prendre des décisions relevant de la rationalité.
Dans le quotidien au sein des sociétés modernes on se retrouve tous à un moment donné dans un processus de décision. Eichmann pour se disculper utilisa l’argument de sa fonction afin d’évacuer toute responsabilité parce qu’il n’avait qu’obéi à des ordres.
Ainsi, Weber perçoit un certain nombre de limites à l’éthique en fonction du but poursuivi :
*'''éthique de conviction''' : forme d’irrationalité (ma conviction, ma foi) ainsi selon l’adage de é, « la fin justifie les moyens » ;
*'''éthique responsabilité''' : forme rationnelle ; je peux mettre en péril le salut de mon âme. Je peux prendre au nom de la rationalité des mesures qui peuvent aller à l’encontre de la morale et de la raison.
Les enjeux éthiques montrent que, quel que soit le dispositif d’action il faut avant tout penser son action, il faut faire des choix en conscience et part de la conscience. La rationalité pure ne peut être acceptable. L’éthique est un choix individuel il n’est pas réductible à une pensée et à des choix collectifs.


= Vilfredo Pareto : 1848 - 1923 =
= Vilfredo Pareto : 1848 - 1923 =
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== La vie de Vilfredo Pareto ==  
== La vie de Vilfredo Pareto ==  


Vilfredo Pareto fut directeur de la Compagnie des Chemins de Fer de Rome en 1890, puis il décide de consacrer le reste de sa vie à l’écriture, à la lecture, et aux sciences sociales. Pareto se lance alors dans une croisade solitaire contre l’État et l’étatisme. En 1893, il succède à Léon Walras en tant que professeur d’économie politique à l’Université de Lausanne.
Vilfredo Pareto (1848-1923) était un économiste et sociologue italien, connu pour ses travaux sur la théorie de l'élite et pour l'introduction du concept de distribution de Pareto en économie. Après une carrière réussie en ingénierie et en gestion, Pareto a décidé de se consacrer à l'étude des sciences sociales.
 
Il a commencé à écrire sur l'économie dans les années 1890 et a été nommé professeur d'économie politique à l'Université de Lausanne en Suisse en 1893. Son travail a porté sur un large éventail de sujets, y compris la théorie de l'échange, la théorie du bien-être et les inégalités de revenus.
 
Pareto est surtout connu pour son concept de distribution de Pareto, qui décrit une distribution de richesse inégale dans laquelle une petite proportion de la population détient une grande partie de la richesse totale. Cette idée est souvent résumée par le principe du 80/20, qui stipule que 80 % des effets proviennent de 20 % des causes.
 
En sociologie, Pareto a développé la théorie de l'élite, selon laquelle chaque société est gouvernée par une minorité d'individus, l'élite, qui détient le pouvoir. Il a également mis en avant l'idée de "résidus" et "dérivations", qui sont des concepts clés pour comprendre son analyse des actions humaines et de la dynamique sociale.
 
Vilfredo Pareto était connu pour ses opinions politiques fortement libérales et ses critiques de l'intervention de l'État dans l'économie. Il croyait fermement à la liberté individuelle et à l'autonomie personnelle, et il était sceptique quant à l'efficacité de l'État pour améliorer le bien-être social.
 
Pareto a critiqué ce qu'il considérait comme une tendance croissante à l'étatisme, c'est-à-dire une intervention accrue de l'État dans la vie sociale et économique. Pour lui, l'étatisme conduisait à une inefficacité économique et limitait la liberté individuelle. Il pensait que l'État devrait se limiter à assurer le respect des lois et des contrats et à protéger les citoyens contre la violence et la fraude.
 
Les idées de Pareto ont été reprises par les économistes néolibéraux du 20ème siècle, qui ont également plaidé pour une réduction du rôle de l'État dans l'économie. Cependant, les idées de Pareto sur l'élitisme et la distribution inégale de la richesse sont souvent critiquées pour leur caractère antidémocratique.
 
Après avoir travaillé dans l'industrie et le secteur privé, Vilfredo Pareto a effectué un changement de carrière notable pour se concentrer sur l'académie et la recherche en économie. En 1893, il a repris le poste de Léon Walras, l'un des fondateurs de l'école néoclassique d'économie, à l'Université de Lausanne en Suisse. À Lausanne, Pareto a eu l'occasion de développer ses propres théories économiques et sociales et de contribuer de manière significative à la discipline. Son travail a porté sur des domaines tels que la distribution de la richesse, l'économie du bien-être et la théorie du choix, et ses idées ont eu une influence durable sur l'économie et la sociologie.


== Société et histoire ==
== Société et histoire ==
Dans son ''Traité de sociologie générale'' publié en 1916, Pareto postule que « l’histoire des sociétés humaines est, en grande partie, l’histoire de la succession des aristocraties ». C’est un système fondé sur un ensemble d’acteurs et d’organisations sociales hiérarchiques.
Dans son "Traité de sociologie générale", aussi connu sous le nom de "Mind and Society", Pareto a développé sa théorie de l'élitisme circulaire. Selon cette théorie, le pouvoir dans la société est toujours détenu par une minorité, qu'il appelle l'élite. Il soutient que l'histoire de la société est une constante succession d'élites, où une élite en déplace une autre. Il a distingué deux types d'élites : l'élite gouvernante et l'élite non gouvernante. L'élite gouvernante est celle qui détient directement le pouvoir, tandis que l'élite non gouvernante est constituée d'individus qui ont une influence indirecte sur la société, comme les universitaires, les industriels, etc. Selon Pareto, ces élites ne sont pas stables, elles sont en constant mouvement. Lorsqu'une élite devient inefficace ou incapable de maintenir son pouvoir, elle est remplacée par une nouvelle élite. C'est ce qu'il appelle la "circulation des élites". Cela fait partie de sa vision plus large de la sociologie et de l'économie, où il a cherché à appliquer des méthodes scientifiques et quantitatives à l'étude des phénomènes sociaux.
   
   
Il distingue  trois grandes « classes de faits » qui sont associées :
Pareto croyait que les sociétés passaient par des cycles de transformation et que ces cycles étaient en grande partie guidés par ces trois "classes de faits".
*la crise du sentiment religieux ;
 
*la décadence de l’antique aristocratie ;
# La crise du sentiment religieux : Pareto a observé que les croyances religieuses d'une société ont tendance à s'affaiblir avec le temps. Cela peut conduire à une crise où les anciennes valeurs et traditions sont remises en question, créant un vide qui peut être comblé par de nouvelles idées et institutions.
*l’émergence d’une nouvelle aristocratie.
# La décadence de l'antique aristocratie : Dans ce contexte, l'"aristocratie" peut être comprise comme l'élite au pouvoir à un moment donné. Pareto a noté que ces élites ont tendance à perdre leur vigueur et leur efficacité avec le temps, ce qui peut finalement conduire à leur chute.
# L'émergence d'une nouvelle aristocratie : Pareto a observé que lorsque l'ancienne élite perd son pouvoir, une nouvelle élite émerge pour prendre sa place. Ces nouvelles élites peuvent être constituées d'individus ou de groupes qui étaient auparavant marginalisés ou exclus du pouvoir.
Pour Pareto, la société n’est pas homogène, elle énonce une égalité apparente. C’est un système ou une hiérarchie sociale persiste en présence d’hétérogénéités sociales qui font perdurer la société. La société fonctionne sur des équilibres instables fondés sur des rapports anarchiques. Ainsi on est face à des systèmes sociaux complexes.
 
Ces trois classes de faits sont interconnectées et se renforcent mutuellement, conduisant à un cycle constant de changement et de transformation au sein de la société.
Pareto s’intéresse aux changements fondamentaux qui affectent la société moderne et la démocratie. Il observe plusieurs symptômes qui génèrent des contradictions entre les acteurs :
 
*l’affaiblissement de la souveraineté centrale et le renoncement des facteurs anarchiques ;
Vilfredo Pareto avait une vision plutôt réaliste de la société. Il soutenait que malgré les apparences d'égalité, les sociétés étaient en réalité fondamentalement hétérogènes et hiérarchisées. C'est ce qu'il appelait "l'hétérogénéité sociale". Dans ce système, certains individus ou groupes ont plus de pouvoir, de prestige ou de ressources que d'autres, créant ainsi une structure hiérarchique. Cette hiérarchie n'est pas fixe, mais change constamment en raison de facteurs tels que la compétition pour les ressources, les changements économiques, politiques et culturels. L'équilibre de la société est donc instable, dans le sens où il est constamment en mouvement et en évolution. Cela peut parfois conduire à des tensions et des conflits, car différents groupes luttent pour améliorer leur position dans la hiérarchie sociale. L'idée de Pareto est que cette instabilité est à la fois inévitable et nécessaire pour le progrès et le développement de la société. Les forces conflictuelles peuvent créer des déséquilibres, mais elles peuvent également stimuler l'innovation, le changement et l'adaptation.  
*la progression rapide du "cycle de la ploutocratie démagogique"<ref>Vilfredo Pareto (1891-1929), MYTHES ET IDÉOLOGIES url(texte complet): http://classiques.uqac.ca/classiques/pareto_wilfredo/mythes_ideologies/mythes_ideologies.pdf</ref>.  
   
   
Vilfredo Pareto a fait des observations sur les transformations de la société moderne qui, selon lui, montraient certains signes inquiétants. Il a identifié deux tendances majeures :
# L'affaiblissement de la souveraineté centrale et la montée des forces anarchiques : Pareto a observé que la puissance de l'État central se réduisait dans de nombreux pays, tandis que les forces anarchiques gagnaient du terrain. Cela peut être interprété comme un mouvement vers une plus grande décentralisation et une diffusion du pouvoir, mais Pareto y voyait un signe de l'instabilité croissante de la société.
# La progression rapide du "cycle de la ploutocratie démagogique" : Cette phrase désigne le processus par lequel une élite riche (ploutocratie) utilise la démagogie, c'est-à-dire des appels émotionnels et populistes, pour obtenir le soutien de la population et se maintenir au pouvoir. Pareto a observé que ce cycle devenait de plus en plus courant dans les sociétés modernes, et il l'a considéré comme un signe de déclin démocratique.
Ces observations de Pareto sur les tendances de la société moderne étaient le reflet de ses préoccupations sur l'évolution de la démocratie et sur l'impact de ces tendances sur la stabilité sociale et politique.
== Les élites et le pouvoir ==
== Les élites et le pouvoir ==
Le concept d’élite existe toujours, mais le problème fondamental est que les plus riches veulent garder le pouvoir tandis que les plus pauvres rentrent en conflit avec les plus riches. Un mode de gouvernance démagogique est instauré afin de mener des politiques populistes pour apaiser les masses.
Selon Vilfredo Pareto, les sociétés sont toujours organisées de manière hiérarchique avec une division claire entre une classe dirigeante (élite) et une classe dirigée (le reste de la société). Cette structure est présente indépendamment du type de système politique - que ce soit une démocratie, une monarchie ou une dictature. Pareto soutient que le rôle de la politique est de gérer cette relation entre les classes dirigeantes et les classes dirigées. C'est-à-dire qu'elle doit maintenir l'équilibre social, éviter les conflits majeurs et permettre la coopération entre les différentes strates de la société. Cependant, Pareto a également observé un phénomène qu'il a appelé la "circulation des élites". Selon cette théorie, les élites ne restent pas statiques, mais changent constamment, avec de nouveaux individus ou groupes qui montent dans la hiérarchie sociale pour remplacer les anciens. Il a également noté le danger de la démagogie, où les élites utilisent un discours populiste pour manipuler les masses et maintenir leur position de pouvoir. Cette approche peut créer des tensions sociales et politiques et, à long terme, déstabiliser la société.
   
   
Selon Pareto, l’organisation politique est toujours et nécessairement hiérarchique repartie entre classes gouvernantes et classe gouvernée. La fonction du politique est de gérer ce rapport entre classe gouvernante et classe gouvernée.
Pareto envisage l'élite comme un groupe d'individus qui ont réussi dans divers domaines de la société - que ce soit la politique, l'économie, les arts, les sciences, etc. Ils détiennent une certaine influence ou un pouvoir qui les distingue du reste de la population. Selon Pareto, l'élite n'est pas forcément un groupe homogène. Elle peut comprendre différentes sous-catégories d'élites, par exemple l'élite politique, l'élite économique, l'élite intellectuelle, etc., chacune ayant ses propres intérêts, valeurs et modes de fonctionnement. Pareto soutient également que l'élite est intrinsèquement inégalitaire. En d'autres termes, elle est structurellement distincte du reste de la société et a tendance à défendre ses propres intérêts, souvent au détriment du principe d'égalité. C'est une des raisons pour lesquelles il avertit du risque de tension et de conflit entre l'élite et les masses. Pareto ne voit pas nécessairement cette inégalité comme négative. Pour lui, l'existence d'une élite est une caractéristique inévitable de toute société et peut même être bénéfique dans certains cas, en favorisant la compétition, l'innovation et le progrès.
   
   
La définition de l’élite d’après Pareto est quiconque qui réussit dans une branche quelconque. Les individus qui forment l’élite se constituent en tant que classe privilégiée étrangère à tout principe d’égalité, car cela irait à l’encontre de la gestion de son pouvoir et de ses intérêts.
Vilfredo Pareto a divisé l'élite en deux catégories distinctes : l'élite gouvernante et l'élite non gouvernante. L'élite gouvernante est constituée de ceux qui détiennent directement le pouvoir politique, tels que les politiciens, les hauts fonctionnaires, les juges, les militaires de haut rang, et d'autres qui ont une influence directe sur la prise de décision politique. Cette élite est souvent en position de faire des lois, de définir les politiques publiques et de diriger l'administration. L'élite non gouvernante, quant à elle, est constituée de ceux qui ont une influence indirecte sur la prise de décision politique, tels que les entrepreneurs, les intellectuels, les artistes, les universitaires, les médias influents, et d'autres acteurs de la société civile. Bien que cette élite ne détienne pas directement le pouvoir politique, elle peut avoir une grande influence sur l'opinion publique et sur le cadre de la politique en général. Cette distinction est importante pour Pareto car elle montre que le pouvoir dans la société n'est pas détenu uniquement par ceux qui occupent des postes officiels de pouvoir politique. Il y a aussi un pouvoir diffus qui est exercé par ceux qui influencent l'opinion publique, les valeurs culturelles, les normes sociales, et d'autres aspects de la vie sociale.
   
   
Il distingue aussi une dichotomie plus subtile au sein de l’élite elle-même qui est séparée entre élite non gouvernementale et élite gouvernementale
Pareto a postulé que pour une élite pour devenir et rester une classe dirigeante, elle doit avoir ces trois aptitudes :
 
Le concept d’élite politique est postulé par la classe dirigeante selon trois critères :
# Aptitude à prendre le pouvoir : C'est la capacité d'une élite à saisir et à exercer le pouvoir politique. Cela pourrait se faire par une variété de moyens, y compris mais sans s'y limiter, les élections, les coups d'État, la révolution, l'héritage, ou d'autres formes de transition du pouvoir. Cette aptitude dépend en grande partie de l'efficacité avec laquelle une élite peut naviguer dans la structure politique existante et exploiter les opportunités qui s'y présentent.
*'''aptitude à prendre le pouvoir''' : la manière dont se construit la démarche pour accéder au pouvoir
# Aptitude à la légitimité : C'est la capacité d'une élite à justifier son pouvoir aux yeux du public. La légitimité peut être obtenue de plusieurs façons, par exemple en s'appuyant sur des idéologies, des mythes, des traditions religieuses ou morales, ou d'autres formes de discours qui contribuent à créer un consensus social autour du droit de l'élite à gouverner. L'élite peut également chercher à gagner la légitimité en démontrant sa compétence dans la gouvernance, en fournissant des biens publics, ou en répondant aux demandes et aux besoins du public.
*'''aptitude à la légitimité''' : construction de la légitimée à travers une idéologie, la mise en place de mythes, en faisant appel à la morale et à la religion afin d’élaborer un concept de mobilisation
# Aptitude à conserver le pouvoir : C'est la capacité d'une élite à maintenir sa position de pouvoir une fois qu'elle a réussi à l'obtenir et à le légitimer. Cela pourrait impliquer une variété de stratégies, y compris la manipulation des règles politiques, l'utilisation de la force ou de la coercition, l'achat de soutien par la corruption ou le clientélisme, la construction de coalitions avec d'autres groupes puissants, ou d'autres formes de manoeuvres politiques.
*'''aptitude à conserver le pouvoir'''  
 
Ces aptitudes ne sont pas nécessairement présentes en égale mesure au sein de toutes les élites. Certaines élites peuvent être plus habiles dans un domaine que dans un autre, et leur succès en tant que classe dirigeante dépendra en grande partie de la façon dont elles naviguent dans ces défis.
Ainsi, l’élite ne s’organise pas sur un principe d’égalité, mais de domination qu’elle cherche à pérenniser à travers des processus de passations et d’alliances. La classe dirigeante est marquée par le principe de l’habilité, c’est-à-dire par le concept de réseau. On observe alors un tempérament politique qui cherche à acquérir les moyens du pouvoir. Quoi qu’il en soit la conquête du pouvoir reste une épreuve de force.
 
Selon Pareto, l'élite, ou la classe dirigeante, s'organise non pas sur la base de l'égalité, mais sur la base de la domination. Elle cherche à maintenir cette domination par divers moyens, notamment par la transmission du pouvoir au sein de son propre groupe (par exemple, par l'héritage ou le parrainage) et par la formation d'alliances avec d'autres groupes puissants. Le principe de l'habilité, est crucial dans cette perspective. Cela signifie que les membres de l'élite sont souvent connectés par un réseau de relations sociales, économiques et politiques qui leur permet de consolider et d'étendre leur pouvoir. Ils peuvent utiliser ce réseau pour partager des ressources, échanger des informations, coordonner leurs actions et soutenir mutuellement leurs intérêts. En fin de compte, la conquête et le maintien du pouvoir sont souvent vus par Pareto comme une "épreuve de force" - un combat constant pour le contrôle des ressources, de l'influence et de l'autorité. Cela peut impliquer une variété de tactiques, allant de la compétition politique ouverte à la manipulation subtile des structures et des normes sociales.
   
   
En interrogeant le fait social, Pareto explore les comportements et politiques qui permettent de réinterroger la société.
Vilfredo Pareto, dans son analyse du fait social, s'intéresse particulièrement aux dynamiques de pouvoir et aux mécanismes de dominance dans la société. Il explore notamment comment les comportements et les politiques individuels et collectifs peuvent influencer, maintenir ou modifier ces dynamiques. Il voit la société comme un système complexe de relations interpersonnelles et intergroupes, où le pouvoir et l'influence sont constamment négociés et réorganisés. Pareto est particulièrement connu pour son analyse de l'élite - la petite minorité de personnes qui détiennent une grande partie du pouvoir dans la société. Il a examiné comment cette élite maintient sa position dominante et comment elle peut être défiée ou remplacée par d'autres groupes. En ce sens, Pareto offre une perspective précieuse pour comprendre les mécanismes sous-jacents à l'inégalité sociale, à la stratification et au changement social.


= Annexes =
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*Vilfredo Pareto (1891-1929), MYTHES ET IDÉOLOGIES url (texte complet): http://classiques.uqac.ca/classiques/pareto_wilfredo/mythes_ideologies/mythes_ideologies.pdf


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La pensée sociale d'Émile Durkheim et Pierre BourdieuAux origines de la chute de la République de WeimarLa pensée sociale de Max Weber et Vilfredo ParetoLa notion de « concept » en sciences-socialesHistoire de la discipline de la science politique : théories et conceptionsMarxisme et StructuralismeFonctionnalisme et SystémismeInteractionnisme et ConstructivismeLes théories de l’anthropologie politiqueLe débat des trois I : intérêts, institutions et idéesLa théorie du choix rationnel et l'analyse des intérêts en science politiqueApproche analytique des institutions en science politiqueL'étude des idées et idéologies dans la science politiqueLes théories de la guerre en science politiqueLa Guerre : conceptions et évolutionsLa raison d’ÉtatÉtat, souveraineté, mondialisation, gouvernance multiniveauxLes théories de la violence en science politiqueWelfare State et biopouvoirAnalyse des régimes démocratiques et des processus de démocratisationSystèmes Électoraux : Mécanismes, Enjeux et ConséquencesLe système de gouvernement des démocratiesMorphologie des contestationsL’action dans la théorie politiqueIntroduction à la politique suisseIntroduction au comportement politiqueAnalyse des Politiques Publiques : définition et cycle d'une politique publiqueAnalyse des Politiques Publiques : mise à l'agenda et formulationAnalyse des Politiques Publiques : mise en œuvre et évaluationIntroduction à la sous-discipline des relations internationalesIntroduction à la théorie politique

Max Weber et Vilfredo Pareto ont marqué profondément le domaine sociologique et philosophique, contribuant à l'émergence des questions relatives à la politique.

Pour explorer efficacement la question de la politique, il est indispensable d'examiner d'abord les fondements de l'analyse sociétale. En tant qu'êtres sociaux, l'interaction et la compréhension des relations entre individus au sein de la société sont des éléments clés pour nous. Cependant, nos sociétés modernes posent un paradoxe intrigant : elles sont composées d'individualités. Lorsque nous examinons l'individu en tant qu'entité sociale, nous nous intéressons à la gestion de ses interactions avec autrui. Il est impossible de dissocier le domaine social des conditions politiques qui le régissent. Cette perspective révèle comment la sociologie peut mener à la science politique. En sociologie politique, l'accent est mis sur les comportements politiques de l'individu. Suite à l'introduction par Durkheim du concept de fait social et de gouvernementalité en tant que postulat scientifique, nous sommes amenés à nous pencher sur la question de la régulation sociale. L'aspect politique de la société est incontournable. Pour établir une société harmonieuse et engendrer un sens collectif, il est impératif de comprendre comment le pouvoir est structuré, ainsi que de s'interroger sur la notion de démocratie.

Société rime avec organisation politique. Dans le passé, lors de l'observation des sociétés traditionnelles, il semblait n'y avoir que des individus dépourvus de politiques spécifiques. Cependant, nous savons aujourd'hui que toute société comporte une dimension politique, indépendamment de sa nature. On peut donc postuler que la politique façonne les sociétés. L'organisation politique découle d'une interaction entre les domaines social et politique. Il y a néanmoins des sociétés où le caractère politique s'évanouit, cédant sa place à un autre type de pouvoir. Ce phénomène entraîne un passage d'un système régulateur à un système de relations basé sur la force et la violence. Par conséquent, nous sommes invités à réfléchir sur les bases politiques d'une société qui vise à instaurer des relations en se basant sur une logique de coercition. À partir de cette analyse, les sociologues concèdent que la société est une structure fondamentalement basée sur la politique. Il est donc naturel que la sociologie se penche sur le domaine politique. C'est la raison pour laquelle l'oeuvre de Max Weber et Vilfredo Pareto suscite notre intérêt, car ils se sont penchés sur les formes de gouvernance des groupes sociaux ainsi que sur les comportements politiques.

Max Weber : 1864 - 1920[modifier | modifier le wikicode]

La vie de Max Weber[modifier | modifier le wikicode]

Max Weber est né le 21 avril 1864 à Erfurt, en Allemagne, au sein d'une famille aisée et influente. Son père, Max Weber Sr., était un homme d'affaires prospère et politique engagé, tandis que sa mère, Helene Fallenstein, était issue d'une famille bourgeoise cultivée. Weber a grandi dans un environnement intellectuel stimulant et a été encouragé à poursuivre ses intérêts académiques dès son plus jeune âge. Après avoir terminé ses études secondaires, Weber a entrepris des études de droit à l'Université de Heidelberg en 1882. Cependant, il a également suivi des cours de philosophie, d'histoire et d'économie politique, ce qui a grandement influencé son développement intellectuel. Il a poursuivi ses études à l'Université de Berlin, où il a été exposé aux idées de grands penseurs tels que Wilhelm Dilthey et Heinrich Rickert.

En 1889, Weber a achevé sa thèse de doctorat intitulée "L'histoire des sociétés commerciales au Moyen Âge". C'était le point de départ de sa carrière universitaire et de son intérêt croissant pour la sociologie. La thèse démontrait déjà les prémices de son approche méthodologique, combinant une analyse rigoureuse des faits historiques avec une compréhension des facteurs économiques, juridiques et culturels qui ont façonné les sociétés médiévales. Au cours des années suivantes, Weber a occupé divers postes académiques et a continué à développer ses idées sociologiques. Il a enseigné à l'Université de Berlin et a publié des ouvrages importants tels que "L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme" (1904-1905) et "Économie et société" (1922). Ces travaux ont jeté les bases de la sociologie moderne et ont fait de Weber l'une des figures clés de cette discipline. L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme est considérée comme l'une des œuvres les plus influentes de Weber. Dans cet ouvrage, il examine les liens entre la religion protestante, en particulier le calvinisme, et l'émergence du capitalisme moderne. Weber soutient que les valeurs et les croyances religieuses ont joué un rôle crucial dans la formation du capitalisme en encourageant l'accumulation de richesses et en valorisant le travail acharné. En plus de ses travaux académiques, Weber a également été actif politiquement. Il a été membre du Parti libéral allemand et a occupé des postes administratifs dans le gouvernement. Cependant, ses opinions politiques et ses positions critiques à l'égard du nationalisme allemand lui ont valu des critiques et des difficultés. Max Weber a connu des périodes de maladie mentale tout au long de sa vie, qui ont souvent interrompu son travail. Il est mort de la grippe espagnole en 1920 à l'âge de 56 ans. Malgré sa vie relativement courte, l'œuvre de Weber a eu une influence significative sur le développement des sciences sociales et continue d'être largement lue et citée aujourd'hui.

Max Weber a joué un rôle clé dans le développement de la sociologie politique en examinant de près la structure de la société prussienne, qui était notoirement rigide et hiérarchisée. Il a mis l'accent sur la manière dont le pouvoir est structuré et exercé dans la société, et a développé des concepts tels que la "domination" et le "charisme" pour aider à expliquer ces dynamiques. Weber a enseigné à l'Université de Fribourg à partir de 1894, où il a donné des cours sur le droit et l'économie politique. Il a été particulièrement influent dans le développement de l'économie politique comme discipline académique, en mettant l'accent sur l'importance de l'entrepreneuriat et du comportement économique en général dans la compréhension de la structure et du fonctionnement de la société. Selon Weber, l'entrepreneuriat est une valeur fondamentale de l'économie politique car il représente l'innovation, le risque et la création de valeur, des éléments essentiels à la croissance économique et au progrès social. Cette perspective a eu une influence significative sur la manière dont l'économie politique est étudiée et comprise, et continue d'influencer la recherche et la politique dans ce domaine aujourd'hui. Weber a également été préoccupé par les effets de la bureaucratisation et de la rationalisation sur la société, des processus qu'il a vus comme des caractéristiques du capitalisme moderne. Il a craint que ces tendances ne conduisent à une "cage d'acier" de rationalité qui pourrait entraver la liberté et l'individualité humaine. C'est un autre aspect de sa pensée qui reste pertinent dans les débats sociologiques contemporains.

En plus de ses travaux sur le droit et l'économie, Max Weber a également publié un certain nombre d'études importantes en histoire, ce qui démontre l'étendue de ses intérêts intellectuels. Il a été un membre fondateur de la Société allemande de sociologie en 1910, qui a joué un rôle clé dans l'établissement de la sociologie comme discipline académique en Allemagne. Politiquement, Weber était un critique du régime prussien et un ardent défenseur de la démocratie. Il était particulièrement préoccupé par la centralisation du pouvoir et l'autoritarisme, et a milité pour une plus grande participation démocratique et pour les droits civiques. En 1918, Weber a été nommé à la chaire de sociologie à l'Université de Munich, une position qu'il a occupée jusqu'à sa mort. C'est pendant cette période qu'il a écrit certains de ses travaux les plus influents, y compris "Economie et société", qui a été publié à titre posthume.

Rationalité et domination[modifier | modifier le wikicode]

"Economie et Société" est probablement le travail le plus complet de Weber et l'un de ses derniers. Il a été publié à titre posthume en 1921, et il y traite de nombreux sujets, dont les formes de pouvoir et de domination dans la société. Selon Weber, le pouvoir est la capacité d'un individu ou d'un groupe d'individus d'imposer sa volonté, même en face de la résistance. La domination, en revanche, est une forme spécifique de pouvoir dans laquelle les individus se soumettent volontairement à l'autorité d'un autre parce qu'ils croient en sa légitimité.

Max Weber a accordé une grande importance à la rationalité dans sa compréhension de la société. Il a avancé l'idée que le monde moderne est de plus en plus caractérisé par la "rationalité légale", où les actions et les comportements sont guidés par des règles, des lois et des réglementations plutôt que par des traditions, des émotions ou des croyances irrationnelles. Cette rationalité se manifeste dans de nombreux aspects de la société moderne, notamment dans le comportement politique et la structure de l'État.

  1. Rationalité: Pour Weber, les comportements politiques sont largement rationnels dans la mesure où ils sont guidés par des calculs d'intérêts, par l'anticipation des conséquences des actions et par l'adoption de moyens efficaces pour atteindre des objectifs déterminés. Cependant, la rationalité de Weber n'est pas une rationalité parfaite ou pure; elle reconnaît que les individus peuvent avoir des informations imparfaites et que leurs actions peuvent être influencées par des facteurs non rationnels.
  2. Pouvoir bureaucratique: Weber voyait la bureaucratie comme une caractéristique essentielle de l'État moderne. Selon lui, un État moderne efficace nécessite une bureaucratie pour administrer ses lois et réglementations de manière cohérente et équitable. La bureaucratie est également nécessaire pour fournir les services publics dont dépend la société moderne. Weber a souligné que la bureaucratie moderne est caractérisée par une hiérarchie de l'autorité, une division du travail, des règles écrites et des relations impersonnelles. Pour lui, le lien entre politique et bureaucratie est donc essentiel pour le fonctionnement de l'État moderne.

Cependant, Weber était également conscient des dangers potentiels de la bureaucratie, notamment le risque d'"enfermement" dans une "cage d'acier" de rationalité qui pourrait éroder la liberté individuelle et la créativité. Il a souligné que, bien que la bureaucratie soit nécessaire pour la gestion efficace de l'État moderne, elle doit être équilibrée par d'autres formes d'autorité et de contrôle social pour prévenir l'excès de bureaucratie.

Weber a identifié trois sources distinctes de légitimité pour le pouvoir et la domination : la légalité, la tradition et le charisme.

  1. La domination légale ou rationnelle-légale : cela fait référence au concept de "domination statuaire". Dans ce type de domination, l'obéissance est accordée aux règles légalement établies et aux personnes qui les appliquent. Cette forme de domination est typique des sociétés modernes où le pouvoir politique est exercé par le biais d'un système légal rationnel et impersonnel.
  2. La domination traditionnelle : dans ce type de domination, l'autorité est accordée sur la base de la tradition et des coutumes établies. Les individus obéissent à un dirigeant non pas en raison de règles écrites ou de lois, mais parce qu'ils croient que c'est ainsi que les choses ont toujours été faites. Ce type de domination est souvent associé à des formes plus anciennes de gouvernement, comme la monarchie.
  3. La domination charismatique : ce type de domination est basé sur l'attrait personnel et le charisme du leader. Les individus suivent le leader non pas en raison de règles ou de traditions, mais parce qu'ils sont personnellement attirés par sa vision ou ses qualités personnelles. Cette forme de domination peut être instable, car elle dépend fortement de la personne du leader et peut disparaître à sa mort ou si son charisme s'estompe.

Chacune de ces formes de domination a ses propres forces et faiblesses, et Weber a soutenu que les sociétés réelles sont souvent caractérisées par une combinaison de ces trois types de domination.

La domination légale, ou rationnelle-légale, est le type de domination qui caractérise la plupart des sociétés modernes, où le pouvoir est exercé par le biais d'un système de lois et de règles impersonnelles et rationnelles.

Pour Weber, cette forme de domination est basée sur plusieurs principes fondamentaux:

  1. Tout droit peut être établi rationnellement : Pour Weber, la légalité découle de l'accord mutuel ou du consentement, généralement exprimé à travers un contrat ou un pacte. Cependant, il reconnait que même dans un système rationnel, il y a une part de subjectivité dans les processus de décision.
  2. Un droit est en essence un ensemble de règles abstraites : Ces règles sont généralement décidées de manière intentionnelle et sont conçues pour guider le comportement dans une variété de situations.
  3. Le détenteur légal du pouvoir doit lui-même obéir à l'ordre impersonnel : Même ceux qui sont en position d'autorité sont tenus de suivre les règles et les lois du système. Cela garantit que l'autorité est exercée de manière équitable et prévisible.
  4. Celui qui obéit, obéit à la loi : Dans un système de domination légale, les individus obéissent aux lois et aux règles, et non pas à une personne ou à une autorité en particulier. Cela garantit que l'obéissance est accordée à l'ordre impersonnel du système, plutôt qu'à la volonté arbitraire d'un individu.

Ces principes forment la base de la domination légale telle que Weber la conçoit, et ils soulignent le rôle central que joue la rationalité dans l'organisation et le fonctionnement des sociétés modernes.

Weber a mis en avant l'idée que la bureaucratie est un élément crucial des sociétés modernes, particulièrement dans le cas de la domination légale ou rationnelle. Cette bureaucratie est caractérisée par un ensemble de caractéristiques spécifiques :

  1. La spécialisation des tâches : chaque bureaucrate ou fonctionnaire a un rôle spécifique à jouer et une zone de compétence clairement définie.
  2. Hiérarchie de l'autorité : les bureaucraties sont organisées de manière hiérarchique, avec des niveaux clairs de subordination et de supervision.
  3. Règles et procédures formelles : les bureaucraties fonctionnent selon un ensemble de règles et de procédures écrites qui définissent comment les tâches doivent être effectuées et les décisions prises.
  4. Relations impersonnelles : dans une bureaucratie, les interactions entre les fonctionnaires et les citoyens sont impersonnelles, basées sur des rôles plutôt que sur des relations personnelles.
  5. Emploi basé sur les compétences : les postes dans une bureaucratie sont souvent attribués sur la base des compétences et des qualifications, plutôt que sur la base de relations personnelles ou de favoritisme.
  6. Séparation entre le rôle de fonctionnaire et la vie personnelle : les bureaucrates sont censés agir en fonction de leurs rôles officiels et non en fonction de leurs préférences ou sentiments personnels.

Ces caractéristiques permettent à la bureaucratie de fonctionner efficacement et de manière prévisible, ce qui est essentiel pour le bon fonctionnement d'une société moderne. Cependant, Weber a également noté que la bureaucratie peut parfois être excessivement rigide et inflexible, ce qui peut entraver l'innovation et l'adaptation au changement.

Max Weber a soutenu que pour exercer leur rôle efficacement, les bureaucrates doivent agir de manière dépersonnalisée, c'est-à-dire qu'ils doivent mettre de côté leurs préférences et leurs sentiments personnels et agir uniquement en fonction des règles et des procédures officielles. Cette dépersonnalisation est importante pour plusieurs raisons. Premièrement, elle garantit que les décisions et les actions sont basées sur des règles objectives et non sur des préférences personnelles ou des favoritismes. Cela contribue à l'équité et à la prévisibilité du système bureaucratique. Deuxièmement, la dépersonnalisation aide à maintenir une certaine distance entre le bureaucrate en tant qu'individu et son rôle en tant que représentant de l'État ou de l'organisation. Cela peut aider à prévenir les conflits d'intérêts et à assurer que le bureaucrate agit dans l'intérêt de l'organisation plutôt que dans son propre intérêt. Cependant, il convient de noter que cette dépersonnalisation peut aussi avoir des inconvénients. Par exemple, elle peut conduire à une bureaucratie rigide et inflexible qui est incapable de s'adapter aux circonstances changeantes ou de répondre de manière sensible et humaine aux besoins des citoyens.

Weber a identifié plusieurs éléments essentiels pour le bon fonctionnement d'une bureaucratie, dont :

  1. La nomination par contrat : Dans une bureaucratie efficace, les fonctionnaires sont nommés sur la base d'un contrat, qui définit clairement leurs rôles et responsabilités. Cela favorise la transparence et assure que les postes sont attribués sur la base de la compétence plutôt que du favoritisme ou du népotisme.
  2. La qualification professionnelle : Les bureaucraties modernes exigent un niveau de compétence professionnelle de plus en plus élevé. Les postes sont souvent attribués en fonction de l'expérience et des qualifications, et une formation continue peut être nécessaire pour maintenir et améliorer ces compétences.
  3. La rémunération fixe : Pour Weber, une rémunération fixe est essentielle pour garantir que les fonctionnaires sont motivés à faire leur travail efficacement et honnêtement. Cette rémunération doit être suffisamment élevée pour dissuader la corruption et favoriser l'intégrité.
  4. La fonction comme profession principale : Pour beaucoup de fonctionnaires, leur rôle au sein de la bureaucratie est leur principale profession. Cela signifie qu'ils sont entièrement engagés dans leur travail et sont prêts à consacrer le temps et l'énergie nécessaires pour le faire correctement.

Ces éléments aident à créer une bureaucratie qui est capable de gérer efficacement les affaires de l'État ou de l'organisation, tout en minimisant les risques de corruption ou d'abus de pouvoir.

La bureaucratie monocratique selon Weber est un type de bureaucratie est caractérisé par une centralisation du pouvoir et une formalisation rigoureuse des procédures et des rôles.

  1. Le nivellement par le recrutement universel : Weber soutenait que les bureaucraties devraient chercher à recruter les personnes les plus qualifiées pour chaque rôle, quelles que soient leurs origines. Cela peut conduire à une sorte de "nivellement", où la compétence professionnelle est valorisée au-dessus d'autres critères comme l'origine sociale ou la richesse.
  2. La tendance à la ploutocratisation : Toutefois, Weber a également noté que la nécessité d'une formation spécialisée peut conduire à une certaine "ploutocratisation", où ceux qui ont les moyens de suivre une formation longue et coûteuse ont un avantage. Cela peut potentiellement conduire à une concentration du pouvoir entre les mains d'une élite éduquée.
  3. L'impersonnalité formelle : Enfin, Weber a souligné que les bureaucraties sont caractérisées par une forte impersonnalité. Les décisions sont prises sur la base de règles formelles et de procédures standardisées, plutôt que sur la base de relations personnelles ou de préférences subjectives.

Ces caractéristiques peuvent aider à garantir que la bureaucratie fonctionne de manière efficace et équitable. Cependant, elles peuvent aussi présenter des risques, comme la concentration excessive du pouvoir et la rigidité bureaucratique.

Éthique protestante et capitalisme[modifier | modifier le wikicode]

Die protestantische Ethik und der 'Geist' des Kapitalismus original cover.

Max Weber considérait la religion comme une force majeure dans la formation des sociétés et dans le développement de la rationalité occidentale. Par exemple, dans son ouvrage majeur "L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme", Weber fait valoir que les valeurs du protestantisme, en particulier celles du calvinisme, ont joué un rôle crucial dans le développement du capitalisme moderne. En outre, Weber a vu la "fonctionnarisation" de la société - c'est-à-dire l'augmentation du rôle de l'État et de la bureaucratie dans la gestion de la vie sociale - comme une tendance clé dans le développement des sociétés occidentales modernes. Selon Weber, cette tendance est liée à la complexification de la vie sociale et à l'expansion de la rationalité en tant que principe organisateur de la société. Cette "fonctionnarisation" s'accompagne d'une extension de la portée et de l'intensité des dispositifs de gestion de la société. En d'autres termes, à mesure que la société devient plus complexe, l'État et la bureaucratie sont appelés à jouer un rôle de plus en plus grand dans la gestion de tous les aspects de la vie sociale. Cependant, Weber était également conscient des dangers potentiels de cette tendance. Il a mis en garde contre le risque de ce qu'il appelait "la cage d'acier" de la rationalité, où la bureaucratie et la rationalité pourraient devenir si omniprésentes qu'elles en viendraient à entraver la liberté individuelle et à étouffer la créativité et l'innovation.

Dans L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme (1904-1905), Weber examine l'influence de certaines idées religieuses, en particulier celles associées au protestantisme ascétique, sur le développement du capitalisme moderne. Il soutient que l'éthique protestante a promu des valeurs telles que l'économie, le travail acharné, la discipline et l'auto-contrôle, qui ont contribué à l'essor du capitalisme. En effet, il a proposé que l'idée protestante de la "vocation" ou du "calling" a conduit les individus à chercher à réussir dans leur travail professionnel, ce qui a stimulé l'activité économique. Mais Weber a également souligné que la religion peut aussi être un obstacle à la rationalité et à l'activité économique. Par exemple, certaines croyances religieuses peuvent décourager l'accumulation de richesses ou promouvoir des valeurs qui sont en conflit avec l'éthique capitaliste. En explorant ces idées, Weber a cherché à comprendre comment les "effets d'ensemble" - c'est-à-dire l'influence combinée de divers facteurs sociaux, économiques et religieux - ont façonné le développement de la société. Il a utilisé cette approche pour éclairer non seulement l'émergence du capitalisme, mais aussi d'autres aspects de la modernité, tels que la bureaucratie et la rationalisation de la vie sociale.

Pour lui, le capitalisme n'est pas seulement un système économique, mais aussi un mode de vie caractérisé par une certaine éthique de travail, une discipline et une rationalité. Dans "L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme", Weber soutient que l'essor du capitalisme en Occident n'aurait pas été possible sans l'influence du protestantisme, en particulier du calvinisme. Selon lui, l'éthique protestante a promu des valeurs telles que le travail acharné, la frugalité et la responsabilité individuelle, qui ont encouragé l'accumulation de capital et l'investissement productif. L'idée clé ici est celle de la "vocation" ou du "calling" protestant. Selon Weber, les protestants croyaient que chacun avait une vocation spécifique donnée par Dieu, et que le succès dans cette vocation était un signe de salut. Cette croyance a encouragé les gens à travailler dur et à réussir dans leur travail, ce qui a stimulé l'activité économique. Cependant, Weber ne prétend pas que le protestantisme soit la seule cause de l'essor du capitalisme. Il reconnaît également l'importance d'autres facteurs, comme le développement de la technologie et du commerce. Mais pour lui, le rôle de la religion a été crucial pour créer les conditions culturelles et éthiques nécessaires à l'émergence du capitalisme.

Dans le calvinisme, la doctrine de la prédestination soutient que Dieu a décidé avant la création du monde qui serait sauvé (les élus) et qui serait condamné (les réprouvés). Cette croyance peut être source d'angoisse, car on ne peut jamais être certain de son statut d'élu. Selon Weber, cette incertitude aurait conduit les calvinistes à chercher des signes de leur élection dans leur vie quotidienne. L'un de ces signes était la réussite dans le monde, en particulier dans le travail. Par conséquent, les calvinistes étaient incités à travailler dur et à réussir, non pas pour gagner leur salut (ce qui, selon la doctrine de la prédestination, était impossible), mais pour obtenir une assurance de leur élection. Cela a conduit à l'éthique du travail calviniste, qui valorisait le travail acharné, la discipline et la frugalité. Ces valeurs, selon Weber, ont joué un rôle crucial dans l'émergence du capitalisme moderne.

Il est important de noter que dans le calvinisme, on ne peut pas "gagner" son salut par des œuvres, puisque le salut est déjà prédestiné par Dieu. Cependant, le succès dans le travail et dans la vie professionnelle est perçu comme un signe possible que l'on est parmi les élus. En conséquence, les croyants calvinistes sont encouragés à travailler dur et à réussir dans leur vocation donnée par Dieu. Cela ne garantit pas le salut, mais peut donner à l'individu une assurance subjective de son élection. C'est ce que Weber appelle "l'éthique protestante" - un ensemble de valeurs qui valorise le travail acharné, la frugalité, et la responsabilité individuelle. Selon Weber, cette éthique protestante a été l'un des principaux moteurs de l'émergence du capitalisme. En promouvant le travail et l'efficacité économique comme des valeurs morales, elle a contribué à créer une culture favorable à l'accumulation de capital et à l'investissement productif.

Selon l'analyse de Max Weber, l'éthique protestante, en particulier dans sa forme calviniste, a joué un rôle crucial dans la formation de l'esprit du capitalisme. Dans le calvinisme, le travail acharné et la frugalité ne sont pas seulement des vertus, ils sont considérés comme des preuves de l'élection divine. Par conséquent, l'accumulation de richesses grâce au travail et à l'épargne est vue comme un signe de faveur divine. Cependant, cette richesse n'est pas destinée à être dépensée de manière extravagante, car cela serait contraire à la vertu de frugalité. Au lieu de cela, elle doit être réinvestie, créant ainsi un cycle d'accumulation de capital. Ce cycle, selon Weber, a contribué à l'émergence du capitalisme moderne. C'est une interprétation de la manière dont des idées et des croyances religieuses peuvent influencer le développement économique et social. Cependant, il est important de noter que Weber ne suggère pas que le protestantisme est la seule cause du capitalisme, mais plutôt qu'il a fourni un ensemble de valeurs qui ont facilité son développement.

Weber met en lumière le contraste entre l'éthique protestante et ce qu'il appelle "l'esprit du traditionalisme". Dans les sociétés traditionnelles, selon Weber, les gens travaillent pour vivre. Une fois qu'ils ont gagné assez pour satisfaire leurs besoins et désirs immédiats, ils cessent de travailler. En d'autres termes, le travail est un moyen d'atteindre un certain niveau de confort et de jouissance. En revanche, dans l'éthique protestante telle que Weber la décrit, le travail n'est pas simplement un moyen d'atteindre un certain niveau de confort matériel. Au contraire, le travail est une fin en soi. Il est valorisé non seulement pour les richesses qu'il produit, mais aussi en tant que preuve de l'élection divine et comme moyen de glorifier Dieu. Par conséquent, la richesse accumulée n'est pas destinée à la jouissance ou à la consommation excessive, mais doit être réinvestie dans le travail. Cette approche du travail et de l'accumulation de richesses, selon Weber, est l'un des facteurs qui ont favorisé le développement du capitalisme moderne. Le capitalisme requiert un investissement constant et l'accumulation de capital, deux comportements encouragés par l'éthique protestante.

Le métier politique[modifier | modifier le wikicode]

Max Weber en 1917.

Weber, dans "Politik als Beruf" (La politique comme vocation), fait une distinction entre "vivre pour" la politique et "vivre de" la politique. Vivre "pour" la politique signifie que la politique est un appel personnel, une vocation au sens le plus profond. Les individus qui vivent "pour" la politique sont motivés par leurs convictions et leurs idéaux, et ils sont souvent prêts à faire des sacrifices personnels pour les réaliser. La politique est pour eux un objectif en soi, et non un moyen d'atteindre d'autres objectifs. C'est une activité qu'ils poursuivent par passion et par engagement, et non pour le gain matériel. D'autre part, vivre "de" la politique signifie gagner sa vie en participant à la politique. Les individus qui vivent "de" la politique peuvent être des professionnels de la politique, tels que des politiciens, des consultants, des lobbyistes, etc. Pour ces personnes, la politique peut être moins un appel qu'un moyen de gagner sa vie. Ils peuvent être motivés moins par des idéaux que par des intérêts personnels ou matériels. Ces deux approches ne sont pas nécessairement mutuellement exclusives. Un individu peut être motivé à la fois par des convictions profondes et par le désir de gagner sa vie. Cependant, Weber souligne que ces deux motivations peuvent parfois entrer en conflit, et que la tension entre elles peut créer des dilemmes éthiques pour les individus engagés dans la politique.

Cette opposition confronte un but existentiel et un but utilitariste. Le but existentiel, dans ce contexte, se réfère à l'approche de ceux qui vivent "pour" la politique. Ces personnes voient la politique comme une vocation, quelque chose qui donne un sens et un but à leur vie. Ils sont motivés par des convictions profondes et sont souvent prêts à faire des sacrifices pour réaliser leurs idéaux politiques. Le but utilitariste, d'autre part, se réfère à l'approche de ceux qui vivent "de" la politique. Pour ces personnes, la politique est un moyen d'atteindre une fin, en l'occurrence un moyen de gagner sa vie. Ils peuvent être motivés par des considérations matérielles et personnelles plutôt que par des convictions idéologiques ou éthiques.

Max Weber, pour qu'un homme politique puisse agir de manière éthique et indépendante, il devrait être financièrement indépendant. Autrement dit, il ne devrait pas dépendre des revenus que la politique pourrait lui procurer. Cette idée est basée sur la crainte que la dépendance économique à l'égard de la politique puisse créer des conflits d'intérêts et influencer les décisions d'un homme politique. Weber affirmait que si une personne vivait "de" la politique (c'est-à-dire qu'elle tirait son revenu principal de son activité politique), il pourrait y avoir un risque qu'elle agisse plus dans son propre intérêt financier que dans l'intérêt du public. Cependant, Weber reconnaissait que cette indépendance financière n'est pas toujours possible. Dans de nombreux cas, les hommes politiques sont rémunérés pour leur travail, car il est nécessaire de permettre à ceux qui ne sont pas déjà économiquement indépendants de participer à la politique.

Weber parle d'un paraxose de la démocratie moderne. D'un côté, la démocratie est supposée être un système politique qui permet à tous les citoyens de participer et d'avoir une voix égale. C'est le principe d'égalité démocratique. D'un autre côté, la réalité pratique de la politique signifie souvent que ceux qui ont les moyens financiers et le temps - c'est-à-dire les riches - sont plus capables de participer activement à la politique, que ce soit en se présentant à des postes politiques, en finançant des campagnes ou en influençant les politiques par d'autres moyens. Cela peut conduire à une situation dans laquelle la politique est dominée par une "ploutocratie", un gouvernement par les riches, où ceux qui ont des ressources financières sont surreprésentés et ont une influence disproportionnée. Cela contredit le principe d'égalité démocratique et peut potentiellement mener à une politique qui sert davantage les intérêts des riches, aux dépens des moins bien lotis. Ce paradoxe soulève des questions importantes sur l'équité et la représentativité dans la démocratie moderne.

Weber a reconnu ce paradoxe dans la politique démocratique. Dans une société idéale, l'activité politique devrait être ouverte à tous, indépendamment de leur statut économique. Cependant, dans la pratique, la participation politique exige souvent du temps, des ressources et de l'énergie que seuls ceux qui sont déjà économiquement stables peuvent se permettre. En conséquence, la classe politique tend à être dominée par ceux qui ont des ressources financières importantes, ce que Weber décrit comme une "ploutocratie". Cette situation risque de fausser les priorités politiques en faveur des intérêts des plus riches et d'exclure les voix et les besoins des moins privilégiés. Cela a conduit à des débats sur la façon dont la démocratie peut être rendue plus équitable et inclusive. Certaines propositions comprennent le financement public des campagnes politiques, la mise en place de quotas pour assurer la représentation de différents groupes socio-économiques, et l'encouragement à la participation des citoyens ordinaires à la politique par le biais de structures telles que les assemblées citoyennes et les jurys de citoyens.

Weber souligne le dilemme fondamental au cœur de la politique moderne. Si l'on ne rémunère pas suffisamment les politiciens, le risque est que seuls ceux qui ont déjà une richesse considérable puissent se permettre de participer activement à la politique. Cela pourrait mener à une forme de ploutocratie, où le pouvoir est concentré entre les mains de ceux qui ont de l'argent. D'un autre côté, si l'on offre une rémunération généreuse pour le travail politique, cela pourrait attirer des personnes intéressées par la politique principalement pour les avantages financiers qu'elle peut offrir, plutôt que pour le service public. Cela pourrait conduire à une professionnalisation de la politique, où les politiciens sont plus préoccupés par leur carrière et leur revenu personnel que par l'intérêt général. C'est donc une question complexe et délicate à laquelle les sociétés démocratiques modernes sont confrontées. Comment équilibrer la nécessité d'attirer des personnes compétentes et dévouées à la politique, tout en évitant une trop grande influence de l'argent et en veillant à ce que la politique reste axée sur le service public ? Weber ne propose pas de solution simple, mais souligne l'importance de ce dilemme et invite à une réflexion approfondie sur ces questions.

Weber reconnaît que la professionnalisation de la politique peut entraîner des problèmes. S'il est nécessaire d'avoir des politiciens qualifiés qui ont une connaissance et une expérience approfondies de la politique, l'excès de professionnalisation peut menacer la démocratie en éloignant la politique des citoyens ordinaires. La politique pourrait alors devenir une sorte de "club fermé" réservé aux professionnels, rendant difficile pour les gens ordinaires de comprendre, d'influencer ou de participer à la politique. Cela pourrait à son tour conduire à un sentiment d'aliénation et de cynisme envers la politique, et potentiellement affaiblir la démocratie. De plus, si les partis politiques deviennent trop puissants et trop institutionnalisés, ils peuvent également devenir des obstacles à l'innovation et au changement politiques. Ils peuvent devenir plus préoccupés par leur propre survie et leur pouvoir que par le service du bien public. Weber ne suggère pas que la professionnalisation de la politique soit entièrement mauvaise, mais il met en garde contre les dangers potentiels d'une professionnalisation excessive et d'une institutionnalisation des partis politiques. Il souligne la nécessité d'un équilibre entre la compétence professionnelle et l'engagement civique, entre l'efficacité des partis politiques et leur responsabilité envers le public.

Max Weber, en analysant le rôle et la nature de la politique, a abordé la question de la démagogie. Pour lui, la démagogie est un danger potentiel dans toute démocratie. Un démagogue est un leader politique qui cherche à gagner du soutien en manipulant les émotions, les préjugés et les ignorances des gens, souvent par le biais de discours enflammés et de promesses irréalistes. La démagogie est donc une forme de manipulation politique qui exploite les sentiments populaires pour obtenir le pouvoir, plutôt que de chercher à servir le bien public. Weber a mis en garde contre la démagogie en raison de son potentiel à fausser le processus démocratique. Les démagogues peuvent exploiter les craintes et les préjugés des gens pour gagner du pouvoir, ce qui peut mener à des politiques qui sont en réalité contraires aux intérêts du peuple. De plus, la démagogie peut miner la confiance du public envers les institutions politiques. Si les politiciens font constamment des promesses irréalistes pour gagner du soutien, les gens peuvent devenir cyniques et désillusionnés par la politique, ce qui peut à son tour affaiblir la démocratie. Weber, en tant que sociologue et politologue, a insisté sur la nécessité d'une politique responsable, qui se base sur une compréhension rationnelle des problèmes et qui vise le bien-être de la société dans son ensemble. Il a préconisé une approche de la politique qui respecte l'intelligence du public et qui évite la manipulation émotionnelle.

Max Weber a mis en évidence certaines des pratiques que les politiciens peuvent utiliser pour maintenir leur pouvoir, notamment par le biais de la bureaucratie. Selon lui, l'une des principales méthodes est l'utilisation de la bureaucratie pour contrôler et influencer l'administration de l'État.

  1. Contrôle bureaucratique: Les politiciens peuvent utiliser la bureaucratie pour influencer les politiques et les décisions. Ils peuvent nommer des bureaucrates loyaux à des postes clés, contrôler l'information et les ressources, et utiliser la bureaucratie pour mettre en œuvre leurs politiques.
  2. Clientélisme et patronage: Les politiciens peuvent également utiliser des méthodes de patronage pour maintenir leur pouvoir. Cela peut prendre la forme de distribution de ressources ou de faveurs à des individus ou des groupes spécifiques en échange de leur soutien politique.
  3. Stratégie de division: Une autre méthode couramment utilisée est de diviser les opposants pour les affaiblir. Cela peut impliquer de jouer sur les divisions existantes ou de créer de nouvelles divisions pour empêcher l'opposition de s'unir contre eux.
  4. Propagande et manipulation de l'information: Les politiciens peuvent également utiliser la propagande et la manipulation de l'information pour influencer l'opinion publique et maintenir leur pouvoir. Cela peut impliquer la diffusion de fausses informations, la déformation des faits, ou l'utilisation de discours démagogiques pour gagner le soutien du public.

Ces pratiques peuvent être néfastes pour la démocratie et l'État de droit, car elles peuvent conduire à la corruption, à l'inégalité, et à la concentration du pouvoir entre les mains de quelques individus ou groupes.

Le "spoil system", ou système des dépouilles, est un terme qui a été utilisé pour décrire la pratique politique, notamment aux États-Unis, où les postes publics sont donnés comme récompenses à ceux qui ont soutenu le candidat ou le parti victorieux. Ce système a été très répandu au XIXe siècle, notamment sous l'administration du président Andrew Jackson. Dans un spoil system, le parti au pouvoir peut remplacer une grande partie des fonctionnaires par ses propres partisans, ce qui peut avoir un effet profond sur l'administration du gouvernement. Cela peut conduire à une instabilité et à une inefficacité, car les fonctionnaires peuvent être nommés sur la base de leur loyauté politique plutôt que de leur compétence ou de leur expérience. De plus, cela peut entraîner une corruption généralisée, car ceux qui sont en position de pouvoir peuvent être tentés d'utiliser leurs postes pour leurs propres intérêts plutôt que pour l'intérêt public. Weber, dans sa réflexion sur le rôle de la bureaucratie et la rationalité dans la société moderne, a critiqué ce type de pratique. Il a soutenu que l'administration publique devrait être gérée de manière rationnelle et impersonnelle, avec des fonctionnaires compétents qui sont nommés sur la base de leur mérite plutôt que de leur affiliation politique. Selon Weber, le système de dépouilles est une illustration de la manière dont la politique peut être utilisée pour servir les intérêts particuliers plutôt que le bien commun, ce qui est en contradiction avec l'idée d'une société démocratique et rationnelle.

Selon Weber, il y a trois qualités essentielles pour faire de la politique :

  1. La passion : Weber ne voit pas la passion comme un élan irrationnel, mais plutôt comme une passion dans le sens de la dévotion profonde à une cause. C'est l'engagement, l'énergie et la détermination nécessaires pour faire face aux défis de la politique.
  2. Le sentiment de responsabilité : La politique, surtout lorsqu'elle concerne la gouvernance d'un pays, implique d'énormes responsabilités. Les décisions prises peuvent affecter des millions de personnes, il est donc crucial que ceux qui choisissent de faire de la politique aient un sentiment profond de responsabilité.
  3. Le coup d'œil : C'est ce que Weber appelle "Augenmass", qui peut être traduit par le sens de la proportion, le jugement ou le discernement. C'est la capacité de comprendre rapidement une situation complexe, de juger de ses implications et de prendre des décisions informées.

Enfin, Weber avertit que ces qualités ne doivent pas être séparées, sinon elles peuvent devenir dangereuses. La passion sans responsabilité peut conduire à un fanatisme aveugle, tandis que la responsabilité sans passion peut devenir un formalisme stérile. De même, le coup d'œil sans la passion ou la responsabilité peut devenir une forme de cynisme politique. Il faut donc les trois qualités ensemble pour être un bon politicien.

dans son œuvre "Politik als Beruf" (La politique comme vocation), Weber examine la nature de la politique et son interaction avec l'éthique. Il soutient que la politique est intrinsèquement une activité de pouvoir et de violence. Elle est inévitablement liée à la lutte pour le pouvoir et à l'exercice de la force.

Cependant, malgré cette réalité, Weber soutient qu'il existe une place pour l'éthique en politique. Il distingue deux types d'éthique qui peuvent guider l'action politique : l'éthique de conviction et l'éthique de responsabilité.

  1. L'éthique de conviction se réfère à des principes moraux absolus auxquels un individu reste fidèle, quelles que soient les conséquences. Les individus qui suivent une éthique de conviction se concentrent sur l'intention plutôt que sur le résultat de leurs actions. L'éthique de conviction est axée sur les principes et les valeurs inébranlables d'un individu. Un individu qui suit une éthique de conviction se concentre sur l'accomplissement de ses devoirs moraux, indépendamment des conséquences de ses actions. C'est une approche de la moralité qui est principalement guidée par les principes absolus et les croyances fermes.
  2. L'éthique de responsabilité, en revanche, est plus pragmatique. Elle prend en compte les conséquences de l'action et considère que l'individu a une responsabilité envers les résultats de ses actions. L'éthique de responsabilité est centrée sur la prise en compte des conséquences des actions. Un individu qui suit une éthique de responsabilité considère les effets de ses actions sur les autres et prend des décisions en fonction de la façon dont elles affecteront le monde qui l'entoure. C'est une approche de la moralité qui met l'accent sur les conséquences pratiques et réelles des actions.

Weber ne privilégie ni l'une ni l'autre, mais il met en garde contre une dépendance excessive à l'égard de l'éthique de conviction en politique. Il soutient que les politiciens doivent être guidés par une éthique de responsabilité, en tenant compte des conséquences de leurs actions, tout en restant fidèles à leurs convictions. Pour Weber, la politique nécessite une combinaison de passion et de jugement éthique, une fusion de l'éthique de conviction et de l'éthique de responsabilité. Selon Weber, un bon politicien doit équilibrer ces deux formes d'éthique. Il doit avoir des convictions fermes et des principes, mais il doit aussi être prêt à prendre des décisions difficiles qui peuvent avoir des conséquences indésirables à court terme, mais qui sont nécessaires pour le bien à long terme.

Adolf Eichmann, un haut fonctionnaire nazi responsable de la logistique de l'Holocauste, a utilisé cet argument lors de son procès à Jérusalem en 1961. Il a prétendu qu'il n'était qu'un simple exécutant qui obéissait aux ordres de ses supérieurs, et qu'il n'avait donc pas de responsabilité personnelle dans les crimes commis. C'est un exemple de ce que Hannah Arendt a appelé la "banalité du mal" dans son compte rendu du procès d'Eichmann. Selon Arendt, Eichmann n'était pas un monstre, mais un bureaucrate ordinaire qui s'est contenté d'exécuter des ordres sans réfléchir aux conséquences morales de ses actions. Elle suggère que c'est cette capacité à obéir aveuglément aux ordres et à se démettre de toute responsabilité personnelle qui a rendu l'Holocauste possible. Cette notion de responsabilité est centrale dans l'éthique de la responsabilité de Weber. Selon lui, chacun est responsable de ses actions, même lorsqu'il agit dans le cadre de son rôle professionnel. Il souligne l'importance de la prise de décision consciente et éthique, plutôt que de simplement suivre les ordres sans réfléchir.

Max Weber, dans son travail, a clairement distingué entre deux types d'éthique, à savoir l'éthique de conviction et l'éthique de responsabilité, et a souligné leurs limites respectives.

  1. L'éthique de conviction se concentre sur les principes moraux et éthiques inébranlables qui guident les actions d'un individu. Une personne agissant selon une éthique de conviction suivra ses principes indépendamment des conséquences de ses actions. La limite de cette éthique réside dans le fait qu'elle peut mener à des actions rigides, inflexibles et dogmatiques qui ne tiennent pas compte des conséquences ou des circonstances changeantes.
  2. D'autre part, l'éthique de responsabilité met l'accent sur les conséquences des actions d'un individu. Une personne agissant selon une éthique de responsabilité prendra des décisions basées sur les conséquences potentielles et sera prête à en assumer la responsabilité. La limite ici est que cette approche peut mener à un pragmatisme excessif, où la fin justifie les moyens, même si ces moyens violent certains principes éthiques.

Selon Weber, un bon politique doit équilibrer ces deux éthiques. Il doit avoir des convictions fortes et des principes, mais doit aussi être conscient des conséquences de ses actions et être prêt à en assumer la responsabilité.

Weber souligne qu'il est crucial pour un individu de réfléchir de manière critique et consciente à ses actions, plutôt que de se fier uniquement à la rationalité pure ou à des prescriptions collectives. L'éthique, dans cette optique, est une question de choix individuels informés et consciencieux. Il n'est pas suffisant de se conformer aux attentes ou aux normes collectives sans interroger les principes éthiques qui les sous-tendent. De même, il n'est pas suffisant de prendre des décisions basées uniquement sur la rationalité sans prendre en compte les implications éthiques de ces décisions. C'est pourquoi Weber insiste sur la nécessité de concilier l'éthique de conviction, qui est centrée sur les principes moraux personnels, et l'éthique de responsabilité, qui se concentre sur les conséquences des actions. En fin de compte, chaque individu doit faire ses propres choix éthiques en pleine conscience des implications de ces choix.

Vilfredo Pareto : 1848 - 1923[modifier | modifier le wikicode]

Vilfredo Pareto.

La vie de Vilfredo Pareto[modifier | modifier le wikicode]

Vilfredo Pareto (1848-1923) était un économiste et sociologue italien, connu pour ses travaux sur la théorie de l'élite et pour l'introduction du concept de distribution de Pareto en économie. Après une carrière réussie en ingénierie et en gestion, Pareto a décidé de se consacrer à l'étude des sciences sociales.

Il a commencé à écrire sur l'économie dans les années 1890 et a été nommé professeur d'économie politique à l'Université de Lausanne en Suisse en 1893. Son travail a porté sur un large éventail de sujets, y compris la théorie de l'échange, la théorie du bien-être et les inégalités de revenus.

Pareto est surtout connu pour son concept de distribution de Pareto, qui décrit une distribution de richesse inégale dans laquelle une petite proportion de la population détient une grande partie de la richesse totale. Cette idée est souvent résumée par le principe du 80/20, qui stipule que 80 % des effets proviennent de 20 % des causes.

En sociologie, Pareto a développé la théorie de l'élite, selon laquelle chaque société est gouvernée par une minorité d'individus, l'élite, qui détient le pouvoir. Il a également mis en avant l'idée de "résidus" et "dérivations", qui sont des concepts clés pour comprendre son analyse des actions humaines et de la dynamique sociale.

Vilfredo Pareto était connu pour ses opinions politiques fortement libérales et ses critiques de l'intervention de l'État dans l'économie. Il croyait fermement à la liberté individuelle et à l'autonomie personnelle, et il était sceptique quant à l'efficacité de l'État pour améliorer le bien-être social.

Pareto a critiqué ce qu'il considérait comme une tendance croissante à l'étatisme, c'est-à-dire une intervention accrue de l'État dans la vie sociale et économique. Pour lui, l'étatisme conduisait à une inefficacité économique et limitait la liberté individuelle. Il pensait que l'État devrait se limiter à assurer le respect des lois et des contrats et à protéger les citoyens contre la violence et la fraude.

Les idées de Pareto ont été reprises par les économistes néolibéraux du 20ème siècle, qui ont également plaidé pour une réduction du rôle de l'État dans l'économie. Cependant, les idées de Pareto sur l'élitisme et la distribution inégale de la richesse sont souvent critiquées pour leur caractère antidémocratique.

Après avoir travaillé dans l'industrie et le secteur privé, Vilfredo Pareto a effectué un changement de carrière notable pour se concentrer sur l'académie et la recherche en économie. En 1893, il a repris le poste de Léon Walras, l'un des fondateurs de l'école néoclassique d'économie, à l'Université de Lausanne en Suisse. À Lausanne, Pareto a eu l'occasion de développer ses propres théories économiques et sociales et de contribuer de manière significative à la discipline. Son travail a porté sur des domaines tels que la distribution de la richesse, l'économie du bien-être et la théorie du choix, et ses idées ont eu une influence durable sur l'économie et la sociologie.

Société et histoire[modifier | modifier le wikicode]

Dans son "Traité de sociologie générale", aussi connu sous le nom de "Mind and Society", Pareto a développé sa théorie de l'élitisme circulaire. Selon cette théorie, le pouvoir dans la société est toujours détenu par une minorité, qu'il appelle l'élite. Il soutient que l'histoire de la société est une constante succession d'élites, où une élite en déplace une autre. Il a distingué deux types d'élites : l'élite gouvernante et l'élite non gouvernante. L'élite gouvernante est celle qui détient directement le pouvoir, tandis que l'élite non gouvernante est constituée d'individus qui ont une influence indirecte sur la société, comme les universitaires, les industriels, etc. Selon Pareto, ces élites ne sont pas stables, elles sont en constant mouvement. Lorsqu'une élite devient inefficace ou incapable de maintenir son pouvoir, elle est remplacée par une nouvelle élite. C'est ce qu'il appelle la "circulation des élites". Cela fait partie de sa vision plus large de la sociologie et de l'économie, où il a cherché à appliquer des méthodes scientifiques et quantitatives à l'étude des phénomènes sociaux.

Pareto croyait que les sociétés passaient par des cycles de transformation et que ces cycles étaient en grande partie guidés par ces trois "classes de faits".

  1. La crise du sentiment religieux : Pareto a observé que les croyances religieuses d'une société ont tendance à s'affaiblir avec le temps. Cela peut conduire à une crise où les anciennes valeurs et traditions sont remises en question, créant un vide qui peut être comblé par de nouvelles idées et institutions.
  2. La décadence de l'antique aristocratie : Dans ce contexte, l'"aristocratie" peut être comprise comme l'élite au pouvoir à un moment donné. Pareto a noté que ces élites ont tendance à perdre leur vigueur et leur efficacité avec le temps, ce qui peut finalement conduire à leur chute.
  3. L'émergence d'une nouvelle aristocratie : Pareto a observé que lorsque l'ancienne élite perd son pouvoir, une nouvelle élite émerge pour prendre sa place. Ces nouvelles élites peuvent être constituées d'individus ou de groupes qui étaient auparavant marginalisés ou exclus du pouvoir.

Ces trois classes de faits sont interconnectées et se renforcent mutuellement, conduisant à un cycle constant de changement et de transformation au sein de la société.

Vilfredo Pareto avait une vision plutôt réaliste de la société. Il soutenait que malgré les apparences d'égalité, les sociétés étaient en réalité fondamentalement hétérogènes et hiérarchisées. C'est ce qu'il appelait "l'hétérogénéité sociale". Dans ce système, certains individus ou groupes ont plus de pouvoir, de prestige ou de ressources que d'autres, créant ainsi une structure hiérarchique. Cette hiérarchie n'est pas fixe, mais change constamment en raison de facteurs tels que la compétition pour les ressources, les changements économiques, politiques et culturels. L'équilibre de la société est donc instable, dans le sens où il est constamment en mouvement et en évolution. Cela peut parfois conduire à des tensions et des conflits, car différents groupes luttent pour améliorer leur position dans la hiérarchie sociale. L'idée de Pareto est que cette instabilité est à la fois inévitable et nécessaire pour le progrès et le développement de la société. Les forces conflictuelles peuvent créer des déséquilibres, mais elles peuvent également stimuler l'innovation, le changement et l'adaptation.

Vilfredo Pareto a fait des observations sur les transformations de la société moderne qui, selon lui, montraient certains signes inquiétants. Il a identifié deux tendances majeures :

  1. L'affaiblissement de la souveraineté centrale et la montée des forces anarchiques : Pareto a observé que la puissance de l'État central se réduisait dans de nombreux pays, tandis que les forces anarchiques gagnaient du terrain. Cela peut être interprété comme un mouvement vers une plus grande décentralisation et une diffusion du pouvoir, mais Pareto y voyait un signe de l'instabilité croissante de la société.
  2. La progression rapide du "cycle de la ploutocratie démagogique" : Cette phrase désigne le processus par lequel une élite riche (ploutocratie) utilise la démagogie, c'est-à-dire des appels émotionnels et populistes, pour obtenir le soutien de la population et se maintenir au pouvoir. Pareto a observé que ce cycle devenait de plus en plus courant dans les sociétés modernes, et il l'a considéré comme un signe de déclin démocratique.

Ces observations de Pareto sur les tendances de la société moderne étaient le reflet de ses préoccupations sur l'évolution de la démocratie et sur l'impact de ces tendances sur la stabilité sociale et politique.

Les élites et le pouvoir[modifier | modifier le wikicode]

Selon Vilfredo Pareto, les sociétés sont toujours organisées de manière hiérarchique avec une division claire entre une classe dirigeante (élite) et une classe dirigée (le reste de la société). Cette structure est présente indépendamment du type de système politique - que ce soit une démocratie, une monarchie ou une dictature. Pareto soutient que le rôle de la politique est de gérer cette relation entre les classes dirigeantes et les classes dirigées. C'est-à-dire qu'elle doit maintenir l'équilibre social, éviter les conflits majeurs et permettre la coopération entre les différentes strates de la société. Cependant, Pareto a également observé un phénomène qu'il a appelé la "circulation des élites". Selon cette théorie, les élites ne restent pas statiques, mais changent constamment, avec de nouveaux individus ou groupes qui montent dans la hiérarchie sociale pour remplacer les anciens. Il a également noté le danger de la démagogie, où les élites utilisent un discours populiste pour manipuler les masses et maintenir leur position de pouvoir. Cette approche peut créer des tensions sociales et politiques et, à long terme, déstabiliser la société.

Pareto envisage l'élite comme un groupe d'individus qui ont réussi dans divers domaines de la société - que ce soit la politique, l'économie, les arts, les sciences, etc. Ils détiennent une certaine influence ou un pouvoir qui les distingue du reste de la population. Selon Pareto, l'élite n'est pas forcément un groupe homogène. Elle peut comprendre différentes sous-catégories d'élites, par exemple l'élite politique, l'élite économique, l'élite intellectuelle, etc., chacune ayant ses propres intérêts, valeurs et modes de fonctionnement. Pareto soutient également que l'élite est intrinsèquement inégalitaire. En d'autres termes, elle est structurellement distincte du reste de la société et a tendance à défendre ses propres intérêts, souvent au détriment du principe d'égalité. C'est une des raisons pour lesquelles il avertit du risque de tension et de conflit entre l'élite et les masses. Pareto ne voit pas nécessairement cette inégalité comme négative. Pour lui, l'existence d'une élite est une caractéristique inévitable de toute société et peut même être bénéfique dans certains cas, en favorisant la compétition, l'innovation et le progrès.

Vilfredo Pareto a divisé l'élite en deux catégories distinctes : l'élite gouvernante et l'élite non gouvernante. L'élite gouvernante est constituée de ceux qui détiennent directement le pouvoir politique, tels que les politiciens, les hauts fonctionnaires, les juges, les militaires de haut rang, et d'autres qui ont une influence directe sur la prise de décision politique. Cette élite est souvent en position de faire des lois, de définir les politiques publiques et de diriger l'administration. L'élite non gouvernante, quant à elle, est constituée de ceux qui ont une influence indirecte sur la prise de décision politique, tels que les entrepreneurs, les intellectuels, les artistes, les universitaires, les médias influents, et d'autres acteurs de la société civile. Bien que cette élite ne détienne pas directement le pouvoir politique, elle peut avoir une grande influence sur l'opinion publique et sur le cadre de la politique en général. Cette distinction est importante pour Pareto car elle montre que le pouvoir dans la société n'est pas détenu uniquement par ceux qui occupent des postes officiels de pouvoir politique. Il y a aussi un pouvoir diffus qui est exercé par ceux qui influencent l'opinion publique, les valeurs culturelles, les normes sociales, et d'autres aspects de la vie sociale.

Pareto a postulé que pour une élite pour devenir et rester une classe dirigeante, elle doit avoir ces trois aptitudes :

  1. Aptitude à prendre le pouvoir : C'est la capacité d'une élite à saisir et à exercer le pouvoir politique. Cela pourrait se faire par une variété de moyens, y compris mais sans s'y limiter, les élections, les coups d'État, la révolution, l'héritage, ou d'autres formes de transition du pouvoir. Cette aptitude dépend en grande partie de l'efficacité avec laquelle une élite peut naviguer dans la structure politique existante et exploiter les opportunités qui s'y présentent.
  2. Aptitude à la légitimité : C'est la capacité d'une élite à justifier son pouvoir aux yeux du public. La légitimité peut être obtenue de plusieurs façons, par exemple en s'appuyant sur des idéologies, des mythes, des traditions religieuses ou morales, ou d'autres formes de discours qui contribuent à créer un consensus social autour du droit de l'élite à gouverner. L'élite peut également chercher à gagner la légitimité en démontrant sa compétence dans la gouvernance, en fournissant des biens publics, ou en répondant aux demandes et aux besoins du public.
  3. Aptitude à conserver le pouvoir : C'est la capacité d'une élite à maintenir sa position de pouvoir une fois qu'elle a réussi à l'obtenir et à le légitimer. Cela pourrait impliquer une variété de stratégies, y compris la manipulation des règles politiques, l'utilisation de la force ou de la coercition, l'achat de soutien par la corruption ou le clientélisme, la construction de coalitions avec d'autres groupes puissants, ou d'autres formes de manoeuvres politiques.

Ces aptitudes ne sont pas nécessairement présentes en égale mesure au sein de toutes les élites. Certaines élites peuvent être plus habiles dans un domaine que dans un autre, et leur succès en tant que classe dirigeante dépendra en grande partie de la façon dont elles naviguent dans ces défis.

Selon Pareto, l'élite, ou la classe dirigeante, s'organise non pas sur la base de l'égalité, mais sur la base de la domination. Elle cherche à maintenir cette domination par divers moyens, notamment par la transmission du pouvoir au sein de son propre groupe (par exemple, par l'héritage ou le parrainage) et par la formation d'alliances avec d'autres groupes puissants. Le principe de l'habilité, est crucial dans cette perspective. Cela signifie que les membres de l'élite sont souvent connectés par un réseau de relations sociales, économiques et politiques qui leur permet de consolider et d'étendre leur pouvoir. Ils peuvent utiliser ce réseau pour partager des ressources, échanger des informations, coordonner leurs actions et soutenir mutuellement leurs intérêts. En fin de compte, la conquête et le maintien du pouvoir sont souvent vus par Pareto comme une "épreuve de force" - un combat constant pour le contrôle des ressources, de l'influence et de l'autorité. Cela peut impliquer une variété de tactiques, allant de la compétition politique ouverte à la manipulation subtile des structures et des normes sociales.

Vilfredo Pareto, dans son analyse du fait social, s'intéresse particulièrement aux dynamiques de pouvoir et aux mécanismes de dominance dans la société. Il explore notamment comment les comportements et les politiques individuels et collectifs peuvent influencer, maintenir ou modifier ces dynamiques. Il voit la société comme un système complexe de relations interpersonnelles et intergroupes, où le pouvoir et l'influence sont constamment négociés et réorganisés. Pareto est particulièrement connu pour son analyse de l'élite - la petite minorité de personnes qui détiennent une grande partie du pouvoir dans la société. Il a examiné comment cette élite maintient sa position dominante et comment elle peut être défiée ou remplacée par d'autres groupes. En ce sens, Pareto offre une perspective précieuse pour comprendre les mécanismes sous-jacents à l'inégalité sociale, à la stratification et au changement social.

Annexes[modifier | modifier le wikicode]

Références[modifier | modifier le wikicode]