L'approche keynésienne et le modèle IS-LM

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Comme nous l’avons vu dans les chapitres précédents, dans le long terme, nous avons fait l’hypothèse que les prix étaient parfaitement flexibles. Le niveau de production d’une économie était donc déterminé par la technologie de production et la disponibilité des facteurs de production : travail, capital, etc. Ainsi, ni la politique monétaire (changements dans l’offre de monnaie), ni la politique fiscale (changements des dépenses publiques) ne pouvaient affecter le niveau de production de long terme d’une économie, étant donné le plein emploi de tous les facteurs de production.

L’économie classique se focalise donc sur ce niveau de production de long terme et laisse très peu de rôle à une politique monétaire et/ou budgétaire active. Selon cette approche, en cas d’éloignement du niveau de production de plein emploi, le système économique a, de lui-même, les forces nécessaires afin d’atteindre à nouveau sans intervention externe son équilibre de long terme. Mais...

John Maynard Keynes en 1933.

Comme le disait dans la première moitié du XXème siècle l’économiste anglais, John Maynard Keynes : « Dans le long terme, nous sommes tous morts ». Par ailleurs, les systèmes économiques sont confrontés aux fluctuations économiques de court terme qui provoquent une diminution ou une augmentation de l’activité économique inférieur ou supérieur de son niveau de plein emploi de long terme → théorie des fluctuations (modèle IS-LM et modèle de demande et offre agrégée).

Avec la dernière crise économique et la récession qui a suivi, les positions de Keynes, qui défendait une intervention active de l’État dans la vie économique et qui préconisait des politiques visant à stimuler la demande agrégée en cas de récession sans attendre que l’équilibre de long terme se rétablisse tout seul, sont redevenues d’actualité.

Dans ce chapitre nous allons formaliser par le moyen d'une analyse graphique la vision de Keynes du fonctionnement du marché des biens et services et du marché de la monnaie. Nous allons en suite intégrer l'équilibre de ces deux marchés en développant le modèle IS-LM proposé par Hicks, prix Nobel pour l'économie (1972).

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Les gaps inflationnistes et déflationnistes et le modèle à 45° (ou revenu-dépenses)[modifier | modifier le wikicode]

Décisions prévues versus décisions effectives[modifier | modifier le wikicode]

Les firmes et les consommateurs prennent des décisions, en se basant sur des prévisions et anticipations, qui ne se réalisent pas forcement.

Quand on parle d'épargne, investissement et dépenses désirées ou prévues, on fait référence aux actions prévues par les firmes et les ménages (ou décisions ex ante). Quand on parle d'épargne, investissement et dépenses réalisées, on fait référence aux événements qui ont effectivement eu lieu (ou événements ex post).

Il n'y a aucune raison pour que le revenu national coïncide avec le revenu de plein emploi.

Dans la suite nous indiquons avec la dépense totale (prévue) de l'économie.

La fonction de consommation[modifier | modifier le wikicode]

Le niveau des dépenses de consommation dépend directement du revenu, ou, plus exactement, du revenu disponible, , où indique les impôts prélevés par l'Etat (=> ici ils sont exogènes). Sous l’hypothèse de fonction linéaire, la fonction de consommation agrégée est donc :

est le niveau de consommation « incompressible », i.e. en-dessous duquel on ne peut pas survivre et pmc indique la propension marginale à consommer = part du revenu qui est utilisée pour financer la consommation et qui n’est pas épargnée (.

Intromacro islm fonction de consommation 1.png

Pente de la fonction

Si, par exemple, (=60%), cela veut dire que 60% d’une augmentation de revenu est octroyé à la consommation et que 40% est épargné (et pms = propension marginale à épargner = 40%)

Equilibre[modifier | modifier le wikicode]

La consommation étant une fonction croissante du revenu, , il en suit que E est également une fonction croissante de Y.

Concernant les autres composantes de la dépense totale, nous allons ici faire l'hypothèse que les investissements ne dépendent pas de Y. De plus, pour l'instant, nous allons aussi faire abstraction du fait que dépend positivement du niveau de revenu; les décisions de dépense publique sont du ressort du gouvernement et sont aussi prises ici comme exogènes, de même que les exportations, qui dépendent du revenu étranger.

Intromacro islm fonction de consommation 2.png

L'économie est à l'équilibre lorsque la demande totale est égale au revenu national Y => lorsque la droite qui représente la dépense totale prévue croise la droite à 45° (= dépense effective).

Etant le revenu de plein emploi, deux cas peuvent se produire dans le court terme ...

Gaps[modifier | modifier le wikicode]

Gap déflationniste[modifier | modifier le wikicode]

Le revenu est inférieur au revenu de plein emploi (=> chômage) et la dépense totale qu'il faudrait pour atteindre est plus grande que la dépense effective.

Intromacro Gap déflationniste 1.png

Gap inflationniste[modifier | modifier le wikicode]

Le revenu est supérieur au revenu de plein emploi (=> pressions inflationnistes) et la dépense totale qu'il faudrait pour atteindre est plus petite que la dépense effective.

Intromacro Gap inflationniste 1.png

Politique budgétaire et le multiplicateur Keynésien[modifier | modifier le wikicode]

Le gouvernement peut influencer les composantes de la demande à l'aide de politiques monétaires et budgétaires (cf. plus loin + chapitres suivants) afin de rapprocher l'équilibre de marché au revenu de plein emploi.

Lorsque le gouvernement modifie ses dépenses, pour chaque franc en plus (en moins) dépensé, la dépense totale augmente (baisse) de plus d’un franc. On parle dans ce sens d'effet multiplicateur.

Pourquoi? On sait que . Si augmente, augmente, ce qui va augmenter , ce qui va augmenter , ce qui va augmenter , etc...

Le multiplicateur Keynésien dit que

Plus grande est la pmc, plus grand est le multiplicateur. Si, en revanche, la , alors le multiplicateur est égal à 1 et (pas d'effet d'amplification).

Le multiplicateur keynésien[modifier | modifier le wikicode]

Si augmente, augmente, ce qui va augmenter , ce qui va augmenter , ce qui va augmenter , etc...

Variation initiale des dépenses =
1ère variation de la consommation =
2ème variation de la consommation =
3ème variation de la consommation =

Le multiplicateur keynésien des dépenses publiques est donc :

est une suite géométrique infinie de raison

Multiplicateur keynésien : remarques[modifier | modifier le wikicode]

L'effet multiplicateur fonctionne aussi avec n'importe quelle autre composante du revenu. Par exemple, si augmente car le RdM est dans un boom (et Y*↑), l’augmentation de sera plus grande que l’augmentation initiale de . Et il s'applique aussi à une baisse dans le niveau des dépenses (une baisse de aura un impact amplifié sur ).

Sous les hypothèses faites jusqu'ici, le revenu est soit consommé soit épargné par les ménages => => le multiplicateur peut également s'écrire comme

L'épargne n'est pas la seule "fuite" présente dans le circuit du revenu. Si <math<M</math> est fonction de (ce qui est le cas), le multiplicateur sera en réalité plus petit (une partie de la dépense se fait sur des biens produits à l’étranger) => , où est la propension marginale à importer.

Multiplicateur keynésien et système d'imposition fiscale[modifier | modifier le wikicode]

Pour finir, remarquez qu'en cas d'imposition proportionnelle du revenu (, où indique le taux d'imposition, alors ). Dans ce cas le multiplicateur keynésien change et, en faisant abstraction des importations, devient:

Evidemment, si la part de revenu prélevée par le gouvernement sous forme de taxes augmente, l'effet du multiplicateur s'affaiblie.

Pente de la fonction de dépense[modifier | modifier le wikicode]

La pente de la fonction de dépense reflète la force du multiplicateur. Plus le multiplicateur est faible (pmc petit ou pms élevé), plus la pente de la fonction de dépense est faible.

Impact d'une ∆G[modifier | modifier le wikicode]

Plus la pente de la fonction de dépense est faible (= multiplicateur faible), plus la variation de la dépense publique nécessaire pour provoquer une certaine variation désirée du revenu devra être importante. N.B. Néanmoins, dans les deux cas, .

La théorie de la préférence pour la liquidité[modifier | modifier le wikicode]

Offre et demande de monnaie[modifier | modifier le wikicode]

Dans le chapitre 7 nous avons analysé en détail quels sont les moyens utilisés par la Banque Centrale (CB) pour intervenir dans le marché de la monnaie. Malgré le contrôle exercé par la CB soit loin d'être parfait, nous allons faire l'hypothèse que la quantité de monnaie offerte dans l'économie est fixée au niveau décidé par la CB => offre exogène ( Ms verticale )

Dans le chapitre 8 nous avons vu que la demande de monnaie dépend positivement du niveau général des prix (quand les prix augmentent il faut plus de monnaie pour régler les transactions) et du niveau de production (quand la production augmente, les transactions augmentent aussi et il faudra plus de monnaie pour régler les paiements), et négativement du taux d’intérêt (quand augmente, d’autres formes de détention de la richesse deviennent plus intéressantes) => .

Toujours au chapitre 8 nous avions dessiné la courbe de demande de monnaie en fonction de (ou de , étant donné le taux d’intérêt , tout en sachant que, si baisse (augmente) c’est toute la fonction de demande de monnaie qui se déplace vers le haut (bas).

Préférence pour la liquidité[modifier | modifier le wikicode]

Dans un conteste de court terme les prix sont relativement rigides. Il est alors plus sensé de dessiner la courbe de demande de monnaie en fonction du taux d’intérêt, étant donné le niveau des prix P → relation décroissante → théorie monétaire de la préférence pour la liquidité.

Intromacro Préférence pour la liquidité 1.png

Cette relation nous permet de voir très clairement que, étant donné l’offre de monnaie, quand le niveau général des prix baisse, la demande de monnaie baisse à son tour et provoque un réduction du taux d’intérêt. On observe le même effet sur le taux d’intérêt si l’offre de monnaie augmente.

Quel taux d’intérêt ?[modifier | modifier le wikicode]

Comme on a vu dans les chapitres 3 et 8, les économistes distinguent le taux d’intérêt nominal du taux d’intérêt réel, le premier étant le taux normalement annoncé et le deuxième le taux corrigé pour l’inflation.

Quel est le taux d’intérêt déterminé dans le marché de la monnaie? La réponse est : les deux.

Au fait, quand on est dans un conteste de court terme, les anticipations d’inflation sont constantes (hp de prix rigides). En conséquence, toute variation du taux d’intérêt nominal se traduit dans une variation identique du taux d’intérêt réel. Il est donc indifférent de mettre ou alors sur l’axe vertical du graphique représentant le marché de la monnaie (selon les sources, on peut trouver les deux).

Dans le court terme, les prix ne s'ajustent pas rapidement. C'est donc une autre variable (le taux d'intérêt) qui assure l'équilibre sur le marché monétaire en cas de choc.

Le modèle IS-LM[modifier | modifier le wikicode]

Le modèle IS-LM[modifier | modifier le wikicode]

Le modèle IS-LM proposé par John Hicks permet de déterminer l'équilibre simultané sur le marché des biens et services (B&S) et sur le marché de la monnaie. Plus précisément, le modèle IS-LM permet de trouver les combinaisons de revenu et de taux d'intérêt garantissant l'équilibre général de l'économie. En plus, ce modèle va aussi nous permettre d'analyser quels sont les impacts sur l'équilibre des interventions de la politique budgétaire et monétaire.

La courbe IS ( pour investissement et pour épargne) résume toutes les combinaisons de revenu et taux d'intérêt qui assurent l'équilibre sur le marché des B&S → relation inverse entre et le taux d'intérêt. Cf. page suivante.

La courbe LM ( pour liquidité et pour monnaie) résume toutes les combinaisons de revenu et taux d'intérêt qui assurent l'équilibre sur le marché de la monnaie → relation directe entre et le taux d'intérêt. Cf. plus loin.

La courbe IS[modifier | modifier le wikicode]

Intromacro courbe is 1.png

Equilibre de départ: 1 et 1' → baisse de r → les composantes de la dépense totale sensibles au taux d'intérêt (C et I) augmentent → déplacement de E vers le haut → nouvel équilibre: 2 et 2'.

En reliant les points 1' et 2' dans le graphique du bas, on obtient la courbe IS = ensemble des équilibres sur le marché des B&S associé à différents niveaux de revenu et de taux d'intérêt.

La pente de la courbe IS reflète la réactivité de C et de I aux variations de r.

Toute augmentation (baisse) d'une composante exogène de la dépense, ainsi que de G et X, engendre un déplacement de la courbe IS vers la droite (gauche).

La courbe LM[modifier | modifier le wikicode]

Intromacro courbe lm 1.png

Equilibre de départ : 1 et 1'→ hausse de Y → déplacement de vers le haut → étant fixe, nouvel équilibre: 2 et 2'.

En reliant les points 1' et 2' dans le graphique à droite, on obtient la courbe LM = ensemble des combinaisons de revenu et taux d'intérêt d'équilibre sur le marché de la monnaie.

La pente de la courbe LM reflète la sensibilité de aux variations de Y.

Toute augmentation (baisse) de l'offre de monnaie engendre un déplacement de la courbe LM vers le bas (haut).

L'équilibre général[modifier | modifier le wikicode]

L'équilibre simultané du marché des B&S et du marché de la monnaie se réalise à l'intersection entre la courbe IS et la courbe LM :

Intromacro équilibre général islm 1.png

Politique budgétaire[modifier | modifier le wikicode]

L'Etat décide d'augmenter la dépense publique afin de stimuler l'économie (pour une analyse de la politique budgétaire, cf. également le chapitre 13): G↑ → déplacement de la IS vers la droite → Y↑ et r↑ (nouvel équilibre au point 2)

Intuition: la hausse de revenu provoquée par l'augmentation des dépenses publiques accroît la demande de monnaie ce qui, à parité d'offre de monnaie, engendre une augmentation de r.

Intromacro islm politique budgétaire 1.png

NB.: on aurait eu le même type de résultat si, à la place d'augmenter ses dépenses, le gouvernement avait réduit les impôts.

Politique monétaire[modifier | modifier le wikicode]

La CB décide d'augmenter l'offre de monnaie (pour une analyse de la politique monétaire, cf. également le chapitre 13): ↑ → déplacement de la LM vers la droite → r↓ et Y↑ (nouvel équilibre au point 2)

Intuition: la hausse de l'offre de monnaie engendre une baisse du taux d'intérêt ce qui stimule les dépenses en consommation et en investissement et donc accroît Y.

Intromacro islm politique monétaire 1.png

Résumé[modifier | modifier le wikicode]

Avec la publication de la Théorie Générale de Keynes, pour la première fois le rôle de stabilisation de l'activité économique par l'Etat a été mise en avant et et défendue par la plupart des économistes.

Le modèle à 45° montre que la condition d'équilibre sur le marché des B&S, Y = E, ne se réalise pas forcement au niveau de production de plein emploi.

L‘augmentation (ou la baisse) de la demande du gouvernement a un impact amplifié sur le revenu à cause des effets du multiplicateur.

La théorie de la préférence pour la liquidité souligne que, pour un niveau de prix donné, la demande de monnaie dépend inversement du taux d'intérêt (= coût d'opportunité de la détention de la richesse sur forme liquide)

L'équilibre général du système économique se réalise à l'intersection entre la courbe IS et la courbe LM.

La courbe IS représente l'ensemble des combinaisons "taux d'intérêt – revenu" qui assurent l'équilibre sur le marché des B&S. La courbe LM représente l'ensemble des combinaisons "taux d'intérêt – revenu" qui assurent l'équilibre sur le marché de la monnaie.

Les politiques budgétaires et monétaires engendrent des déplacements des courbes IS et LM et ont donc un impact sur l'équilibre économique.

Annexes[modifier | modifier le wikicode]

Références[modifier | modifier le wikicode]