La formation de systèmes migratoires mondiaux

De Baripedia

Basé sur un cours de Michel Oris[1][2]

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Scène historique illustrant les migrations mondiales entre 1850 et 1914. Elle met en scène des groupes de personnes en tenue d'époque transportant des bagages et des objets personnels.

Durant la transition entre le XIXe siècle et le début du XXe, les courants migratoires mondiaux ont pris forme sous l'impulsion de l'intégration croissante des économies nationales et des premières vagues de la mondialisation. Cette ère a été témoin d'un monde en pleine effervescence, tissant des liens de plus en plus serrés, où le flux incessant de marchandises, de services et d'individus s'intensifiait. En ces temps de globalisation naissante, des réseaux migratoires d'envergure ont émergé, offrant aux populations des avenues nouvelles pour sillonner les frontières en quête d'horizons prometteurs. De 1850 à 1914, une intégration économique sans précédent s'est dessinée, les nations entrouvrant leurs portes à l'immigration et au commerce, jetant les bases d'un tissu économique global et ouvrant la voie à un flux dynamique de personnes, de biens et de services à l'échelle planétaire. L'essor économique et les investissements accrus ont alors pavé la voie à une migration facilitée, portée par le développement de moyens de transport toujours plus élaborés, permettant des voyages plus rapides et lointains qu'auparavant. Ce chapitre de l'histoire a vu des individus de tous horizons s'aventurer vers des contrées qui leur semblaient jusqu'alors inaccessibles, posant ainsi les jalons des systèmes migratoires contemporains et façonnant durablement les dynamiques de la migration internationale.

Approches Théoriques de la Migration[modifier | modifier le wikicode]

La théorie de la migration est une discipline qui s'attache à décrypter les moteurs de la mobilité humaine, cernant les raisons qui incitent les individus à quitter leur lieu d'origine pour un autre. Elle s'intéresse aux multiples facteurs — économiques, tels que la quête d'opportunités de travail, politiques, à l'instar des situations d'instabilité ou de conflit, environnementaux, comme les catastrophes naturelles, ou encore sociaux et culturels, marqués par les évolutions des normes et pratiques collectives. Cette théorie ne se limite pas à étudier les causes de la migration, mais s'étend aux répercussions multiples et complexes de ces mouvements de population, analysant l'impact sur les migrants eux-mêmes ainsi que sur les communautés d'accueil, en termes d'intégration, d'interaction sociale et de transformation sociétale. En somme, la théorie de la migration offre un cadre d'analyse pour comprendre comment et pourquoi les migrations façonnent les sociétés, hier comme aujourd'hui.

Les différentes théories de la migration offrent un spectre d'approches pour examiner les causes et les effets de la mobilité humaine. Ces théories ne sont pas mutuellement exclusives et se complètent souvent pour fournir une compréhension plus complète des dynamiques de migration.

Les Théories économiques considèrent la migration comme un choix économique rationnel. Les individus sont perçus comme des agents économiques qui décident de migrer en réponse aux différentiels de salaire, aux possibilités d'emploi et à la recherche d'une amélioration de leur niveau de vie. La théorie du capital humain et les modèles de push-pull s'inscrivent dans cette perspective, soulignant comment les écarts économiques entre les régions attirent les migrants vers des zones de prospérité relative.

Les Théories politiques attribuent la migration principalement à des facteurs politiques, tels que la guerre, la répression politique, les persécutions et la recherche de droits de l'homme ou de sécurité. Ces théories insistent sur le fait que, dans de nombreux cas, la migration n'est pas un choix mais une nécessité pour la survie, entraînant des flux de réfugiés et de demandeurs d'asile.

Les Théories environnementales mettent en avant l'influence des changements et des catastrophes environnementaux sur la migration. Elles expliquent comment les désastres naturels, les changements climatiques et la dégradation environnementale peuvent forcer les communautés à se déplacer pour trouver des conditions de vie plus sûres et viables.

Les Théories sociales et culturelles reconnaissent l'importance des facteurs sociaux et culturels dans la prise de décision migratoire. Elles incluent les influences des réseaux sociaux, des attentes familiales, des traditions culturelles et des normes de genre. Ces théories suggèrent que la migration n'est pas seulement une réponse aux conditions matérielles, mais aussi aux aspirations sociales et aux identités culturelles.

Chaque théorie offre des outils analytiques pour comprendre un aspect de la migration, mais en pratique, les motifs de migration sont souvent une combinaison complexe de ces facteurs, reflétant la multiplicité des expériences humaines et des contextes globaux.

Fondements du Modèle Classique de la Migration[modifier | modifier le wikicode]

Le modèle classique de la migration, souvent appelé le modèle néoclassique ou le modèle coût-bénéfice, repose sur la prémisse que les décisions de migration sont le résultat d'une évaluation rationnelle par les individus des coûts et des bénéfices associés au déménagement. Dans ce cadre, le migrant potentiel analyse les coûts économiques et personnels du départ — tels que les frais de déplacement, la perte de réseaux sociaux et familiaux, et les risques inhérents à l'entrée dans un environnement inconnu — par rapport aux avantages attendus, comme de meilleures opportunités d'emploi, de meilleurs salaires, et une qualité de vie améliorée. Dans l'exemple du paysan, ce modèle suppose qu'il évaluera les coûts directs de la migration (comme les frais de voyage et l'installation dans un nouveau lieu) et les coûts indirects (comme la séparation d'avec sa famille et sa communauté). Il comparera ensuite ces coûts aux bénéfices anticipés, tels que les revenus accrus, l'accès à de meilleurs services, ou la sécurité personnelle et politique. Si les bénéfices perçus excèdent les coûts, la théorie suggère que le paysan est plus susceptible de prendre la décision de migrer. C'est un calcul utilitariste qui peut également tenir compte des avantages et des coûts pour les membres de la famille du migrant, pas seulement pour l'individu. Ce modèle a été utilisé pour expliquer les flux migratoires des zones rurales vers les zones urbaines, ainsi que de pays à faible revenu vers des pays à revenu élevé. Cependant, ce modèle a aussi fait l'objet de critiques pour sa simplification excessive et son incapacité à prendre en compte les facteurs non économiques ou les contraintes structurelles qui peuvent influencer la décision de migrer. Les recherches contemporaines sur la migration reconnaissent qu'il s'agit d'un processus complexe influencé par un éventail de facteurs économiques, sociaux, politiques et environnementaux qui interagissent les uns avec les autres.

Le modèle coût-bénéfice de la migration est centré sur une analyse économique de la décision de migrer. Selon ce modèle, le "bénéfice" est conceptualisé comme une fonction de la différence entre le salaire réel dans le pays d'immigration et le salaire réel dans le pays d'origine. Le salaire réel est défini comme le pouvoir d'achat d'un salaire, c'est-à-dire le salaire nominal ajusté en fonction du coût de la vie dans un lieu donné. Les différences de pouvoir d'achat entre les pays peuvent affecter la décision de migrer. Un salaire élevé dans un pays comme la Suisse peut ne pas se traduire par un pouvoir d'achat élevé en raison du coût de la vie relativement élevé. En revanche, si les États-Unis offrent un salaire réel plus élevé — où les salaires permettent une plus grande capacité d'épargne et de consommation après avoir pris en compte le coût de la vie — cela peut inciter un migrant potentiel à déménager, à condition qu'il ait les moyens financiers de supporter les coûts initiaux de la migration. Ce modèle, tout en étant utile pour comprendre l'aspect économique de la migration, présente des limites car il ne tient pas compte de nombreux autres facteurs qui peuvent influencer la décision de migrer. Ces facteurs incluent, mais ne se limitent pas à, les considérations personnelles et familiales, les politiques migratoires, les conditions de travail, la sécurité personnelle, et les réseaux sociaux existants. De plus, ce modèle suppose un accès complet à l'information et une capacité à agir sur cette information, ce qui n'est pas toujours le cas dans la réalité où les migrants font souvent face à des incertitudes et à des contraintes significatives.

La théorie push/pull, souvent associée à la géographie migratoire, se concentre sur les forces qui repoussent (push) les individus hors de leur pays d'origine et celles qui les attirent (pull) vers un pays de destination. Les facteurs push incluent des éléments négatifs tels que le chômage, la pauvreté, la famine, les conflits politiques ou sociaux, et les catastrophes naturelles. Les facteurs pull sont les aspects positifs qui attirent les migrants vers un nouveau lieu, comme la disponibilité d'emplois, de meilleures conditions de vie, la stabilité politique, la sécurité, et la présence de communautés diasporiques. Cette théorie va au-delà de la simple équation économique du modèle coût-bénéfice, bien qu'elle reste fortement influencée par les considérations économiques. Par exemple, un pays avec un marché du travail robuste et des salaires élevés peut être un puissant facteur pull, tandis que des conditions de vie difficiles peuvent être un puissant facteur push. Cependant, la théorie push/pull reconnaît également les influences non économiques. Les migrants peuvent être attirés par des facteurs culturels, comme la présence de membres de la famille ou de la communauté déjà établis dans le pays de destination, ou repoussés par des problèmes sociaux tels que la discrimination ou la persécution dans leur pays d'origine.

La notion de marché parfait, dans le contexte de la migration, impliquerait une fluidité totale des travailleurs, où les individus se déplaceraient sans friction d'un marché à un autre en réponse aux signaux économiques. Cependant, les décisions de migration sont rarement prises dans le vide et sont souvent fortement influencées par des facteurs non économiques. Les décisions économiques sont imbriquées dans un tissu de relations et de circonstances personnelles. La théorie néoclassique peut suggérer qu'un individu déménagera pour un travail mieux rémunéré à Los Angeles, mais cette décision peut être contrecarrée par d'autres considérations, telles que la carrière de la conjointe, la stabilité familiale, le réseau social, ou même l'attachement émotionnel à un lieu. L'importance des "coûts de transaction" qui ne sont pas strictement monétaires, tels que le coût émotionnel de la séparation ou de la déracination, et ne sont pas toujours pris en compte dans les modèles économiques simplifiés. Les individus sont des êtres complexes dont les décisions sont influencées par une multitude de facteurs, allant des contraintes économiques aux valeurs personnelles, aux obligations familiales et aux préférences subjectives. La migration, comme beaucoup d'autres choix de vie, est donc le résultat d'un calcul complexe qui dépasse le cadre des modèles économiques traditionnels. Les économistes et les autres chercheurs qui étudient la migration doivent donc tenir compte de la diversité des motivations et des contraintes qui influencent les décisions des migrants. Cela nécessite une approche multidisciplinaire qui intègre les perspectives économiques, sociologiques, psychologiques, géographiques, et politiques pour saisir pleinement les dynamiques de la migration.

Analyse des Coûts de Migration: Coûts Directs et Indirects[modifier | modifier le wikicode]

New York - Bienvenue au pays de la liberté - Un paquebot passe devant la Statue de la Liberté : Scène sur le pont d'entrepont / d'après un croquis d'un artiste de l'équipe.

La décision de migrer incorpore un ensemble de coûts qui ne se limitent pas aux dépenses immédiates. Les coûts directs sont les plus visibles et incluent les frais associés au déplacement, à l'établissement dans un nouveau lieu, et les dépenses initiales avant de recevoir un premier salaire. Ces coûts peuvent être substantiels et souvent, ils représentent un investissement significatif pour le migrant, surtout si le départ est international. Les coûts d'opportunité, en revanche, sont plus subtils et représentent ce à quoi un individu renonce lorsqu'il choisit une option plutôt qu'une autre. Dans le contexte de la migration, cela pourrait inclure l'opportunité de racheter des terres ou de profiter d'autres opportunités économiques qui se présentent quand d'autres partent. Ces coûts d'opportunité doivent être évalués contre les bénéfices potentiels de la migration, tels que les revenus accrus ou les meilleures conditions de vie. La perte des liens sociaux est un autre coût significatif de la migration. Les réseaux familiaux et communautaires jouent un rôle crucial dans le soutien des individus, tant sur le plan émotionnel que pratique. La séparation d'avec la famille, les amis et la communauté d'origine peut avoir des effets psychologiques profonds sur les migrants, notamment en termes de solitude, d'isolement, ou de difficulté à s'intégrer dans de nouveaux environnements sociaux. Ces coûts immatériels peuvent être difficiles à quantifier mais sont cruciaux dans le processus de décision. De plus, la migration peut impliquer une période d'adaptation où les migrants peuvent faire face à des obstacles tels que la barrière de la langue, la discrimination ou la difficulté à trouver un emploi qui correspond à leurs compétences et qualifications. Ces défis peuvent entraîner des coûts supplémentaires, tant économiques que psychologiques. La décision de migrer est le résultat d'une évaluation complexe qui intègre des considérations économiques, des coûts d'opportunité, des pertes immatérielles et des défis psychosociaux. Cela exige une analyse approfondie qui va au-delà des modèles économiques simplistes et tient compte de la dimension humaine de la migration.

L'espérance économique dans le contexte de la migration est un concept qui tente d'évaluer les avantages potentiels de la migration en termes de probabilités et de gains attendus. L'équation combinant la probabilité de trouver un emploi et le salaire espéré, est un moyen de quantifier les avantages attendus en fonction des informations disponibles et des conditions prévues sur le marché du travail de destination. L'information joue un rôle crucial dans ce calcul. Un migrant bien informé sur les conditions du marché du travail, les opportunités d'emploi, et les niveaux de rémunération dans le pays de destination peut prendre une décision plus éclairée et, potentiellement, maximiser son espérance économique. Les réseaux de migrants, les agences de recrutement, et les médias jouent souvent un rôle essentiel dans la diffusion de ces informations. Cependant, il existe un élément d'incertitude. Les conditions économiques peuvent changer rapidement, comme ce fut le cas en 1921 aux États-Unis lorsque la récession économique a conduit à des réductions d'emplois et à une hostilité accrue envers les immigrants. De telles fluctuations économiques peuvent transformer un pari apparemment sûr en un risque élevé, soulignant la nature volatile de l'espérance économique en matière de migration. La prise en compte des risques et de l'incertitude est donc un aspect essentiel de la théorie économique de la migration. Les migrants peuvent essayer de minimiser les risques en s'informant, en migrant pendant des périodes de forte demande de main-d'œuvre, ou en choisissant des pays avec des politiques d'immigration plus stables. Cependant, les risques ne peuvent jamais être entièrement éliminés en raison de l'imprévisibilité inhérente aux économies et aux politiques nationales, ainsi qu'aux circonstances personnelles des migrants. L'espérance économique offre une structure pour anticiper les bénéfices de la migration, mais elle doit être considérée avec prudence, en tenant compte des risques et de l'incertitude qui caractérisent souvent le processus migratoire.

Facteurs d'Immobilisation: Le Rôle du Capital Humain[modifier | modifier le wikicode]

Le capital humain joue un rôle central dans la compréhension de l'immobilité en tant que contrepartie de la migration. Le coût du voyage est un élément fondamental qui peut déterminer si une personne a la capacité de migrer. Souvent, ceux qui pourraient bénéficier le plus de la migration, en raison de la pauvreté ou d'autres conditions défavorables dans leur pays d'origine, sont précisément ceux qui sont incapables de supporter les coûts initiaux du déménagement. Ce paradoxe migratoire est un sujet de préoccupation majeur dans le domaine des études sur la migration. Les personnes vivant dans la pauvreté peuvent manquer de capital financier pour couvrir les frais de voyage, de visa, de logement initial et d'autres dépenses liées à la migration. Mais le capital humain ne se limite pas aux ressources financières; il inclut également l'éducation, les compétences, les expériences professionnelles et les réseaux sociaux qui peuvent faciliter la migration ou l'immobilité. Les individus ayant un niveau d'éducation plus élevé, des compétences spécialisées, et de bons réseaux sociaux peuvent trouver plus facilement des opportunités de migration légale et avoir accès à des ressources qui peuvent les aider à surmonter les obstacles financiers et réglementaires. D'autre part, ceux qui manquent de ces attributs de capital humain peuvent se trouver dans une situation d'immobilité de contrainte, où, malgré un désir ou une nécessité de migrer, ils sont incapables de le faire. En outre, la décision de migrer est souvent influencée par le calcul du retour sur investissement en matière de capital humain. Si les migrants potentiels perçoivent que les avantages de leur capital humain ne seront pas reconnus ou récompensés dans le pays de destination (par exemple, en raison de la déqualification ou de la discrimination), ils peuvent choisir de rester malgré les difficultés économiques.

La notion de savoirs localisés reflète l'importance de la connaissance et des compétences spécifiques à un contexte géographique, culturel ou économique particulier. Au XIXe siècle, la localisation des compétences était particulièrement prononcée en raison des différences marquées dans les pratiques agricoles, les conditions climatiques, les cultures du sol et les méthodes de travail à travers les différentes régions du monde. Un paysan genevois du XIXe siècle aurait acquis des compétences et des connaissances adaptées aux conditions de l'agriculture suisse, qui pourraient ne pas être directement transférables dans des environnements radicalement différents, comme ceux du Far West américain. Les techniques de culture, la gestion des ressources en eau, les types de cultures et les conditions saisonnières varient considérablement, rendant certains savoirs spécifiques à leur lieu d'origine. Le cas des Danois illustre comment une population bien éduquée, avec un savoir étendu dans plusieurs domaines de connaissance, pourrait mieux s'adapter et réussir dans de nouveaux environnements. Une éducation diversifiée et un haut niveau d'instruction peuvent rendre les migrants plus résilients et capables de réajuster leurs compétences pour répondre aux exigences de leur nouveau lieu de résidence. Cela a probablement contribué à la réussite des migrants danois, qui pouvaient appliquer un ensemble de compétences plus large et plus adaptable aux défis qu'ils rencontraient dans leurs nouvelles maisons. Cet exemple souligne l'importance de la transférabilité des compétences dans le contexte migratoire. Dans le monde contemporain, l'éducation et la formation professionnelle cherchent souvent à doter les individus de compétences transférables, qui peuvent être appliquées dans divers contextes, afin d'améliorer leur mobilité et leurs chances de succès en cas de migration.

Les investissements, notamment dans des actifs immobiliers comme la terre, peuvent servir d'ancrage et influencer les décisions de mobilité ou d'immobilité. Les propriétaires terriens, en particulier, peuvent être réticents à migrer en raison de l'investissement substantiel qu'ils ont consacré à leurs terres, tant sur le plan financier que personnel. Ces terres ne sont pas seulement une source de revenu, mais peuvent aussi représenter un héritage familial, une part de leur identité et un lieu de stabilité sociale et émotionnelle. La décision de vendre ou d'abandonner des terres peut être particulièrement difficile si la terre a été dans la famille pendant des générations, si elle est associée à un statut social particulier, ou si le marché immobilier est tel que la vente ne permettrait pas de récupérer un investissement équivalent ailleurs. De tels actifs sont souvent considérés comme non liquides, ce qui signifie qu'ils ne peuvent pas être rapidement convertis en espèces sans perte significative de valeur. À l'inverse, les locataires n'ont généralement pas les mêmes contraintes. Sans liens financiers ou émotionnels profonds avec une propriété, ils peuvent être plus flexibles et réactifs aux opportunités qui se présentent ailleurs. Cette mobilité peut être un avantage dans les périodes de changement économique ou d'instabilité, leur permettant de poursuivre de nouvelles opportunités d'emploi ou de vie dans d'autres régions ou pays. Cependant, même les locataires peuvent faire face à des barrières à la mobilité, telles que la rareté et le coût du logement dans la région de destination, ou d'autres formes d'investissement dans leur communauté, comme les réseaux sociaux et les relations professionnelles. Ainsi, les investissements dans l'immobilier et d'autres formes d'actifs peuvent avoir un impact significatif sur la décision de migrer, en agissant comme un facteur d'ancrage qui renforce l'immobilité et rend la décision de partir plus coûteuse et complexe.

Les réseaux sociaux sont une composante cruciale du processus migratoire et peuvent jouer un rôle déterminant dans la réussite de l'immigration. Ces réseaux, composés de famille, d'amis, de connaissances, de compatriotes et même d'organisations communautaires, fournissent un soutien essentiel qui peut faciliter l'installation et l'intégration dans le pays de destination. Pour les nouveaux arrivants, avoir des connexions au sein de la communauté immigrante peut grandement aider à naviguer dans les complexités du marché du travail et du système de logement. Par exemple, les membres de la communauté peuvent partager des informations sur les opportunités d'emploi, recommander les nouveaux arrivants pour des postes ou fournir des conseils sur la manière de rechercher un emploi efficacement dans le nouveau contexte. Ils peuvent également offrir ou informer sur des options de logement abordable, ce qui est particulièrement important lorsqu'on est nouveau dans un pays et qu'on n'est pas encore familiarisé avec les normes et les procédures locales. Au-delà de l'aide pragmatique pour trouver un travail ou un logement, les réseaux sociaux peuvent également fournir un soutien émotionnel et psychologique important. L'immigration peut être une expérience isolante, et avoir un réseau de soutien peut aider les migrants à surmonter le sentiment de solitude et les aider à s'adapter à une nouvelle culture. Les réseaux sociaux peuvent également jouer un rôle dans la décision de migrer en premier lieu. La théorie de la migration en réseau suggère que chaque acte de migration est facilité par les liens précédemment établis entre les migrants et leurs compatriotes dans le pays de destination. Ces liens réduisent les coûts et les risques de la migration, et les nouvelles opportunités qu'ils créent peuvent encourager d'autres à suivre. Cependant, il est également possible que des réseaux sociaux forts dans le pays d'origine puissent agir comme un facteur d'ancrage, dissuadant la migration. La perspective de laisser derrière soi des relations étroites et un tissu social intégré peut être un frein important à la décision de partir.

Dynamiques des Systèmes Migratoires et Vagues de Migration[modifier | modifier le wikicode]

Les systèmes et vagues migratoires du passé ont façonné le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui. La période entre la seconde moitié du XIXe siècle et le début du XXe siècle, en particulier, a vu des mouvements massifs de populations, principalement de l'Europe vers les Amériques, mais aussi entre d'autres régions du monde. Le "système atlantique" fait référence au flux massif de migrants européens vers l'Amérique du Nord et du Sud. Ce système est marqué par l'émigration de dizaines de millions de personnes, qui ont quitté leurs pays d'origine pour diverses raisons, notamment la recherche de terres, la fuite de la persécution ou des troubles politiques, et la quête d'opportunités économiques. Les pays d'Europe tels que l'Irlande, l'Italie, l'Allemagne, et la Scandinavie ont été des sources majeures de migrants vers les États-Unis, qui, à cette époque, encouragé l'immigration pour peupler ses vastes territoires et alimenter sa croissance économique. Le "système pacifique" décrit les mouvements migratoires des Asiatiques, principalement des Chinois et des Japonais, vers des pays situés autour de l'océan Pacifique, comme les États-Unis (notamment la Californie et Hawaï), le Canada, et l'Australie. Ces migrations ont été alimentées par la demande de main-d'œuvre pour les plantations, les chemins de fer, et d'autres industries en croissance rapide dans ces régions. Cependant, les migrants asiatiques ont souvent été confrontés à des discriminations sévères et à des politiques d'exclusion qui limitaient leur immigration et leur droits civiques. Ces systèmes migratoires ne sont pas seulement des phénomènes historiques; ils ont laissé des empreintes durables sur les sociétés d'accueil et d'origine, façonnant la démographie, l'économie, la culture, et les politiques de ces pays. Les communautés diasporiques établies pendant ces vagues migratoires continuent d'influencer les relations internationales, le commerce, et les échanges culturels entre les nations. Aujourd'hui, le terme de "système migratoire" peut également être utilisé pour décrire des motifs plus contemporains de migration, y compris les flux migratoires entre l'Amérique Latine et les États-Unis, entre l'Afrique et l'Europe, et au sein de la région Asie-Pacifique. Ces systèmes sont influencés par des facteurs économiques, politiques, et environnementaux globaux, ainsi que par les politiques migratoires des pays d'accueil.

Bien que les flux migratoires transatlantiques vers l'Amérique du Nord aient été les plus importants en nombre, l'Amérique du Sud et l'Afrique ont également accueilli des migrants européens durant la même période, bien que dans une moindre mesure. En Amérique du Sud, des pays comme l'Argentine, le Brésil et l'Uruguay sont devenus des destinations majeures pour les immigrants européens. L'Argentine, par exemple, a encouragé activement l'immigration européenne à la fin du XIXe et au début du XXe siècle pour peupler le pays et développer son économie. Les Italiens et les Espagnols, en particulier, ont constitué une large part de ces migrants, et leur influence est encore visible aujourd'hui dans la culture et la société de ces nations sud-américaines. En ce qui concerne l'Afrique, les mouvements de population vers les colonies britanniques et françaises étaient souvent liés aux besoins de main-d'œuvre pour les plantations, les mines et la construction d'infrastructures, ainsi qu'à l'administration coloniale. Les Britanniques, par exemple, ont migré vers des pays comme l'Afrique du Sud, le Kenya et la Rhodésie (aujourd'hui le Zimbabwe), tandis que les Français se sont dirigés vers des régions comme l'Algérie et l'Afrique de l'Ouest. Ces migrations vers l'Afrique étaient souvent caractérisées par l'établissement de petites communautés d'Européens qui maintenaient un statut privilégié en vertu des structures coloniales. De nombreux migrants cherchaient à tirer profit des opportunités économiques des colonies sans intention de s'établir de façon permanente. L'impact de ces migrations sur l'Amérique du Sud et l'Afrique a été profond, entraînant des transformations sociales, économiques et politiques. En Amérique du Sud, cela a conduit à une diversité culturelle accrue et à l'émergence de sociétés multiculturelles. En Afrique, les conséquences du colonialisme et de l'établissement de populations européennes ont été plus complexes, souvent marquées par l'exploitation et des tensions socio-politiques qui ont persisté même après l'indépendance des colonies. Ces mouvements de population illustrent la variété des motivations et des contextes de la migration et démontrent que, même à une échelle réduite, l'immigration a eu un impact durable sur le développement des sociétés à travers le monde.

La période de migration vers les États-Unis est souvent divisée en ce que l'on appelle la "vieille" et la "nouvelle" migration, en fonction des origines nationales des migrants et du moment de leur arrivée.

Vieille migration (jusqu'à 1880): Durant cette période, la majorité des migrants vers les États-Unis provenaient de pays d'Europe du Nord et de l'Ouest, notamment le Royaume-Uni, l'Allemagne et les pays scandinaves. Ces premières vagues d'immigrants ont joué un rôle important dans le développement initial des États-Unis et ont laissé une empreinte durable sur la culture américaine, notamment la langue anglaise. Les immigrants allemands et scandinaves ont également apporté avec eux leurs propres langues, cultures et traditions, mais avec le temps, l'anglais est devenu la langue dominante, reflétant la prédominance des immigrants britanniques et l'importance de l'anglais dans la vie économique, politique et sociale du pays.

Nouvelle migration (après 1880): Vers la fin du XIXe siècle, le profil des immigrants a commencé à changer. De plus en plus d'immigrants provenaient d'Europe du Sud et de l'Est, notamment d'Italie, de Russie, et d'autres pays slaves. Cette nouvelle vague d'immigration a coïncidé avec une industrialisation rapide et la croissance des villes aux États-Unis, attirant des travailleurs pour les usines, les constructions et les infrastructures en expansion. Ces immigrants ont souvent été attirés par la promesse d'opportunités économiques et la fuite de difficultés économiques, de restrictions politiques ou de persécutions dans leurs pays d'origine.

La transition de la vieille à la nouvelle migration reflète les changements économiques et sociaux des États-Unis et de l'Europe. Alors que la vieille migration a contribué à établir des fondations culturelles et linguistiques dans les colonies et les premiers États américains, la nouvelle migration a contribué à la diversité culturelle et a joué un rôle essentiel dans l'expansion économique de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Ces mouvements de population ont également posé des défis d'intégration et provoqué des tensions sociales, conduisant à des périodes de xénophobie et à l'adoption de lois sur l'immigration plus strictes au début du XXe siècle. Malgré cela, les États-Unis continuent d'être un pays profondément marqué par son histoire d'immigration et la contribution des migrants à sa société et son économie.

La dynamique des premiers arrivants obtenant des positions dominantes dans la société d'accueil, tandis que les nouveaux migrants rencontrent des difficultés d'intégration, est une caractéristique historique commune de nombreux contextes migratoires, y compris celui des États-Unis. Les migrants qui sont arrivés aux États-Unis pendant les premières vagues d'immigration avaient l'avantage du temps pour établir des racines, accumuler des richesses, créer des réseaux sociaux et politiques, et apprendre à naviguer dans leur nouvel environnement. Ayant eu l'occasion de s'installer et de s'intégrer avant que les grandes vagues d'immigration ne commencent à arriver, ces premiers arrivants ont souvent pu profiter des opportunités disponibles dans un pays en expansion, telles que l'achat de terres à bas prix ou l'accès à des positions politiques influentes. L'acquisition de terres, en particulier, a permis à de nombreux premiers migrants de devenir des propriétaires terriens prospères, ce qui leur a conféré un statut économique et social considérable. De même, dans le domaine politique, ils étaient souvent mieux positionnés pour s'engager dans la vie publique et influencer les décisions politiques, notamment en ce qui concerne les lois sur l'immigration et la politique étrangère. Les migrants arrivant plus tard, en particulier ceux de la "nouvelle migration" après 1880, ont souvent trouvé une société américaine déjà en cours de structuration, avec des barrières économiques, sociales et linguistiques plus élevées. Ces groupes ont dû faire face à des préjugés et à des discriminations plus marqués et ont été perçus comme plus difficiles à intégrer en raison de leurs langues, religions et coutumes différentes. Dans un environnement où les positions d'influence étaient déjà en grande partie occupées par les premiers arrivants, les nouveaux immigrants étaient souvent relégués à des emplois mal payés, à des conditions de vie précaires, et à des rôles marginaux dans la société. Ces différences d'expérience entre les premiers arrivants et les nouveaux migrants sont reflétées dans les tensions historiques autour des questions d'assimilation, de pluralisme culturel et de la définition de l'identité américaine. Les vagues successives d'immigration ont constamment remodelé la société américaine, et chaque groupe d'immigrants a contribué à la diversité et à la complexité de la nation, même s'ils ont rencontré des défis différents dans leur quête d'intégration et de reconnaissance.

Facteurs Motivant les Migrations Intercontinentales[modifier | modifier le wikicode]

Impact des Moyens de Transport sur la Migration[modifier | modifier le wikicode]

L'importance des transports dans la migration intercontinentale au 19e siècle était capitale, transformant radicalement la capacité des gens à parcourir de longues distances et à s'établir dans de nouveaux endroits. Auparavant, les voyages étaient longs et hasardeux, mais avec l'arrivée des navires à vapeur, les traversées océaniques sont devenues plus rapides, plus sûres et plus prévisibles. Ces navires pouvaient transporter des nombres significatifs de passagers, rendant la migration accessible à un plus grand nombre de personnes. Parallèlement, le développement des chemins de fer a révolutionné le transport terrestre. Ces réseaux ont permis de connecter l'intérieur des pays aux ports maritimes, facilitant ainsi l'accès aux ports d'embarquement et la colonisation des terres intérieures une fois arrivés à destination. Par exemple, aux États-Unis, les chemins de fer ont permis aux immigrants de se disperser à travers le pays, ce qui a été essentiel pour le développement et la conquête de l'Ouest. Ces progrès dans les transports ont eu des effets profonds sur l'économie et la démographie mondiales. Ils ont non seulement encouragé les migrations massives, mais ont aussi contribué à l'essor économique des pays d'accueil grâce à l'afflux de main-d'œuvre et à l'exploitation de nouvelles terres. L'agriculture, en particulier, a prospéré avec l'accès à de vastes étendues de terre, attirant ceux qui cherchaient à fuir la surpopulation et les conditions économiques difficiles de l'Europe. En outre, la capacité à transporter rapidement de grandes quantités de biens a dynamisé le commerce mondial, favorisant l'émergence d'une économie globale interconnectée. Les migrants ont joué un rôle clé dans ce processus en transportant des marchandises et des idées entre leur pays d'origine et leur nouveau domicile, renforçant ainsi les liens économiques et culturels à travers les continents. Les avancées technologiques dans les transports au 19e siècle ont été un élément clé de l'ère de la migration intercontinentale, contribuant à façonner notre monde moderne par une mobilité humaine sans précédent et un échange économique accru.

La réduction des coûts de transport durant le 19e siècle a joué un rôle majeur dans l'augmentation des migrations transocéaniques. Cette baisse des coûts était largement due à l'amélioration de l'organisation des transports maritimes. En réponse au protectionnisme américain, qui limitait les importations et entraînait le départ de nombreux navires avec des cales sous-utilisées, les compagnies maritimes ont cherché des moyens de rentabiliser leurs voyages retour vers les États-Unis. C'est dans ce contexte que les compagnies de migration ont vu le jour. Ces entreprises se sont spécialisées dans le transport de migrants, optimisant l'espace disponible dans les cales des navires qui auraient autrement été vides. Elles ont transformé ce qui était auparavant un coût non rentable en une opportunité lucrative, non seulement en réduisant les prix des billets pour les migrants mais aussi en augmentant le volume de passagers transportés. En outre, ces compagnies ont commencé à promouvoir activement les États-Unis en tant que destination, utilisant la publicité pour attirer les migrants avec la promesse de terres, de travail et d'une vie meilleure. Elles diffusaient des images idylliques de la vie américaine et des témoignages de réussite pour encourager les gens à entreprendre le voyage. Cette publicité jouait sur les espoirs et les aspirations des individus et contribuait à alimenter les grands mouvements de population vers les États-Unis. La combinaison de la baisse des coûts de transport et des efforts marketing des compagnies de migration a stimulé les migrations de masse, permettant à un nombre croissant d'Européens de s'embarquer pour les Amériques, et façonnant les profils démographiques et économiques des deux continents.

Influence de la Transition Démographique sur la Migration[modifier | modifier le wikicode]

Durant le XVIIIe siècle, l'émergence de la proto-industrie et la diversification des sources de revenus ont marqué les débuts d'une transformation économique et sociale profonde en Europe. Cette période a vu une amélioration des conditions de vie qui a entraîné une diminution de la mortalité, une tendance qui s'est accélérée au XIXe siècle avec les progrès de la médecine, tels que l'amélioration de l'hygiène publique, la vaccination et l'utilisation d'antibiotiques.

Cependant, alors que la mortalité diminuait, la natalité est restée élevée pendant une grande partie du XIXe siècle. Ce déséquilibre entre la natalité et la mortalité a conduit à une croissance démographique rapide, qui n'a commencé à ralentir qu'aux alentours de 1875, lorsque les taux de natalité ont commencé à baisser. Cette transition démographique — le passage d'un régime de haute mortalité et de haute natalité à un régime de faible mortalité et de faible natalité — s'est généralement achevée dans les années 1950 dans les pays développés, aboutissant à une pression démographique réduite.

La forte croissance de la population en Europe a eu des conséquences économiques importantes, en particulier pour la jeune génération en âge de travailler. Avec un nombre croissant de personnes arrivant sur le marché du travail et une économie qui ne pouvait pas toujours offrir suffisamment d'emplois, de nombreux Européens se sont retrouvés face à un manque d'opportunités. Cette situation a contribué à une augmentation de l'émigration, les gens cherchant de nouvelles opportunités à l'étranger, en particulier dans les Amériques où les terres étaient disponibles et où la demande de main-d'œuvre était élevée pour soutenir l'industrialisation et l'expansion économique.

L'émigration a servi de soupape de sécurité en réduisant la pression démographique et en offrant aux migrants une chance de construire une vie meilleure. Ce processus de migration a été facilité par les avancées dans les transports et la communication, qui ont rendu les voyages intercontinentaux plus accessibles et moins coûteux, permettant ainsi à de larges segments de la population de participer aux grands mouvements migratoires du XIXe siècle.

Effets de l'Urbanisation et de l'Industrialisation[modifier | modifier le wikicode]

Les Allemands ont constitué une part importante des premières vagues d'immigration vers les États-Unis, avec des pics significatifs de migration au cours du XIXe siècle. Cette période a coïncidé avec diverses pressions économiques et politiques en Allemagne, y compris les répercussions des guerres napoléoniennes, des crises agricoles, ainsi que des restrictions politiques et religieuses, qui ont poussé de nombreux Allemands à chercher une vie meilleure ailleurs. Cependant, à mesure que l'Allemagne entrait dans la deuxième vague de la révolution industrielle, la situation a commencé à changer. L'industrialisation a transformé l'économie allemande, créant de nouvelles opportunités d'emploi dans les villes en pleine expansion et dans les industries naissantes. Cela a eu pour effet de réduire l'émigration, car les perspectives économiques en Allemagne sont devenues plus attractives.

À partir des années 1880, avec l'industrialisation accélérée sous l'impulsion du Chancelier Otto von Bismarck et le développement d'un État-providence naissant, l'Allemagne a connu une augmentation de la qualité de vie et des opportunités économiques. Les emplois dans les secteurs de la fabrication, de l'ingénierie et de la chimie, par exemple, sont devenus plus abondants et mieux rémunérés. Cela a coïncidé avec une baisse de l'émigration allemande, car de moins en moins de personnes ressentaient le besoin de quitter leur patrie pour trouver du travail ou des opportunités économiques. En outre, les politiques économiques protectionnistes de l'Allemagne, telles que les tarifs douaniers sur les importations qui ont protégé les industries naissantes, ont également contribué à une économie plus robuste et à une meilleure autosuffisance. Cela a renforcé l'attrait de rester en Allemagne par rapport à la migration.

Dans ce contexte, le déclin de l'émigration allemande vers les États-Unis et d'autres pays peut être vu comme une conséquence directe de l'amélioration des conditions économiques et de la disponibilité des emplois dans une Allemagne de plus en plus industrialisée. Les Allemands qui auraient pu envisager l'émigration comme une option viable quelques décennies auparavant, ont trouvé de nouvelles raisons de rester dans un pays qui offrait désormais des perspectives d'avenir prometteuses.

Politique, Structures Agraires, et Impact des Crises Économiques[modifier | modifier le wikicode]

La première mondialisation, qui a eu lieu à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, a été caractérisée par une augmentation spectaculaire des échanges internationaux et des flux de capitaux, ainsi que par le mouvement massif de populations à travers les frontières internationales. Bien que cette période ait entraîné une croissance économique sans précédent et l'ouverture de nouveaux marchés, elle a également été marquée par des crises et des dépressions économiques, dont certaines étaient exacerbées par les politiques gouvernementales. Les structures agraires en Europe, qui étaient souvent basées sur de petites exploitations et une agriculture intensive, se sont retrouvées en concurrence directe avec l'agriculture à grande échelle et mécanisée des États-Unis. L'arrivée massive de blé américain bon marché sur les marchés européens, facilitée par la baisse des coûts de transport et les innovations dans la conservation et la logistique, a provoqué une chute des prix agricoles. Cette situation a eu un impact dévastateur sur les agriculteurs européens, qui ne pouvaient pas rivaliser avec le coût de production plus bas du blé américain.

La grande dépression agricole de 1873-1890 en est un exemple notable. Elle a été provoquée non seulement par l'afflux de produits agricoles bon marché en provenance des Amériques, mais aussi par une série de mauvaises récoltes en Europe, ce qui a exacerbé la chute des prix et la pression économique sur les agriculteurs. Les régimes politiques de l'époque ont répondu de diverses manières à cette crise. Certains ont adopté des mesures protectionnistes pour tenter de protéger les agriculteurs locaux, tandis que d'autres ont encouragé l'émigration comme moyen de soulager la pression démographique et économique sur les zones rurales. Ces politiques ont eu des effets variés, certaines réussissant à stabiliser les marchés agricoles locaux, tandis que d'autres ont conduit à des tensions commerciales et à une augmentation des migrations internationales. La première mondialisation a amené des défis économiques significatifs. Les crises et dépressions de cette époque ont souvent été le résultat d'une interaction complexe entre les forces du marché mondialisé et les interventions politiques, mettant en évidence les difficultés d'ajustement aux réalités d'une économie de plus en plus interconnectée.

Cas de l'Italie: Migration et Crise Agricole[modifier | modifier le wikicode]

La grande dépression agricole de 1873-1890 a été un catalyseur majeur pour les vagues d'émigration de l'Europe vers les États-Unis, avec l'Italie étant un exemple frappant de ce phénomène. La situation agricole en Italie, particulièrement dans la période précédant et pendant cette dépression, était marquée par des structures féodales et un système agraire dépassé.

En 1873, la paysannerie italienne opérait toujours dans un cadre où la terre était majoritairement détenue par la noblesse et les ordres religieux. Cette structure de propriété limitait les opportunités économiques pour les petits agriculteurs et les travailleurs agricoles, qui étaient souvent soumis à des conditions de travail pénibles et à une pauvreté endémique. L'arrivée de produits agricoles bon marché en provenance d'Amérique, comme le blé, a aggravé ces conditions en provoquant un effondrement des prix locaux, rendant la situation des agriculteurs encore plus précaire.

En Vénétie et dans d'autres régions d'Italie, l'effondrement du système agricole et la dépression économique qui en a résulté ont poussé de nombreux habitants à émigrer. Cherchant à échapper à la pauvreté et à la stagnation économique, de nombreux Italiens ont vu dans l'émigration une opportunité de construire une nouvelle vie dans des pays offrant de meilleures perspectives économiques, notamment les États-Unis. Cette émigration était souvent envisagée comme une solution temporaire, avec l'espoir de retourner en Italie une fois des économies réalisées, mais pour beaucoup, elle est devenue permanente.

Ce modèle d'émigration n'était pas unique à l'Italie. D'autres pays du bassin méditerranéen, confrontés à des défis similaires avec leurs systèmes agraires obsolètes et la pression économique due à la concurrence des marchés mondiaux, ont également connu de grandes vagues d'émigration. Ces mouvements de population ont eu un impact significatif sur les pays d'origine et de destination, modifiant la démographie, l'économie et même le tissu culturel de ces sociétés.

Famine en Irlande et Conséquences Migratoires[modifier | modifier le wikicode]

La Grande Famine irlandaise de 1845 à 1847 représente un épisode tragique et marquant dans l'histoire de la migration. La dépendance de l'Irlande à la pomme de terre, un aliment de base pour une grande partie de la population, a rendu le pays particulièrement vulnérable à la maladie de la pomme de terre, ou mildiou, qui a détruit les récoltes. Cette catastrophe s'est produite dans un contexte où l'Irlande était largement rurale, avec des structures agricoles archaïques et une population principalement composée de paysans pauvres.

La relation coloniale de l'Irlande avec l'Angleterre a exacerbé la crise. Les politiques britanniques interdisant à l'Irlande de s'industrialiser, malgré sa proximité avec des centres industriels majeurs comme Manchester, ont empêché le développement économique qui aurait pu offrir des alternatives à la dépendance agricole. Ainsi, quand la famine a frappé, il n'y avait pas de secteur industriel pour absorber la main-d'œuvre excédentaire ou pour atténuer l'impact économique.

La famine, couplée à des épidémies et des politiques répressives envers les pauvres et les mendiants, a provoqué une crise humanitaire massive. En conséquence, environ deux millions d'Irlandais ont émigré, la plupart vers les États-Unis. Cette vague d'émigration a eu un impact profond sur l'Irlande, réduisant de manière significative sa population, et sur les États-Unis, où les immigrants irlandais ont formé des communautés importantes et influencé la culture et la société.

La famine en Finlande en 1860 offre un parallèle intéressant. Comme l'Irlande, la Finlande, alors sous domination russe, a souffert de politiques extérieures qui ont limité son développement économique et renforcé sa vulnérabilité aux crises agricoles. Ces exemples illustrent comment les politiques coloniales et impériales peuvent avoir des effets dévastateurs sur les populations sous-dominantes, souvent entraînant des mouvements migratoires massifs en réponse à des crises économiques et humanitaires.

La Zone de Résidence des Juifs en Russie et ses Implications[modifier | modifier le wikicode]

La Zone de Résidence des juifs de Russie, établie dans les territoires actuels de la Lettonie, la Lituanie et la Pologne, a été une réalité significative et souvent tragique de l'histoire juive entre 1791 et 1917. Instituée par Catherine la Grande, cette zone était un immense "ghetto" où les Juifs de Russie étaient contraints de vivre. Bien qu'elle ait restreint la liberté de mouvement et imposé des limitations économiques sévères, la Zone de Résidence est aussi devenue un centre important pour la culture et l'éducation juives. Des institutions telles que l'Université hébraïque à Vilnius y ont vu le jour, témoignant d'une vie culturelle et intellectuelle florissante malgré les restrictions. La situation pour les Juifs dans la Zone de Résidence s'est fortement détériorée à partir de 1881, avec l'assassinat du tsar Alexandre II. Cet événement a déclenché des vagues de violence antisémite, connues sous le nom de pogromes, qui ont entraîné la mort, la destruction de propriétés et la dégradation des conditions de vie pour de nombreux Juifs. Les pogromes se sont intensifiés en 1905, suite à la défaite de la Russie dans la guerre russo-japonaise, les Juifs étant souvent utilisés comme boucs émissaires pour les frustrations et les échecs de l'Empire russe.

Ces violences et l'oppression continue ont provoqué une vague significative d'émigration des populations juives de la Zone de Résidence. De nombreux Juifs ont choisi de migrer vers l'Amérique du Nord, en particulier vers les États-Unis, en quête de sécurité, de liberté et de meilleures opportunités économiques. Cette migration a eu un impact considérable tant sur les communautés qu'ils ont laissées derrière eux que sur les sociétés dans lesquelles ils se sont intégrés, apportant avec eux leur culture, leur savoir et leur résilience. La migration juive de la Zone de Résidence vers d'autres parties du monde est un exemple poignant de la façon dont la persécution et l'instabilité politique peuvent conduire à des mouvements de population massifs, redéfinissant les communautés et les identités à travers le monde.

Rôle des Villes Portuaires et l'Attraction des États-Unis[modifier | modifier le wikicode]

Les migrations de masse du XIXe et du début du XXe siècle ont profondément influencé l'évolution de nombreuses villes européennes, en particulier les villes portuaires, mais de manière différente de ce que l'on pourrait attendre. D'une part, certains migrants, arrivés dans les ports européens avec l'espoir de continuer leur voyage vers d'autres destinations, se sont retrouvés contraints de s'établir dans ces villes faute de moyens financiers suffisants pour poursuivre leur route. Ces villes portuaires, comme Hambourg, Liverpool, et Marseille, ont ainsi vu leur population et leur diversité culturelle croître de manière significative, avec la formation de nouvelles communautés ethniques et une contribution notable à la vie économique et culturelle de ces villes.

D'autre part, la décision de certains migrants de rester dans ces villes portuaires s'est aussi basée sur un calcul économique. Après avoir comparé les salaires réels – c'est-à-dire les salaires ajustés au coût de la vie – de leur pays d'origine à ceux du pays de destination, certains ont conclu que la situation économique était finalement plus avantageuse en Europe. Cette prise de décision a souvent été influencée par la désillusion vis-à-vis du mythe des pays comme les États-Unis, perçus comme des terres d'opportunité mais où la réalité pouvait se révéler plus difficile en termes de barrières linguistiques, de manque d'opportunités d'emploi qualifié, et de discrimination.

Les migrations ont non seulement transformé les sociétés d'accueil en Amérique, mais ont également eu un impact considérable sur les villes européennes, changeant leur démographie et leur développement urbain. Ces villes portuaires sont devenues des carrefours de cultures diverses, façonnant leur caractère unique et jouant un rôle important dans l'histoire de la migration.

Modélisation de la Causalité Migratoire[modifier | modifier le wikicode]

La continuité de la migration, même après la fin d'une crise spécifique, peut être comprise en tenant compte de la complexité et de l'interdépendance des facteurs qui influencent la migration. La migration n'est pas déclenchée par un seul événement ou une seule condition, mais résulte plutôt d'une combinaison de facteurs qui interagissent et se complètent. L'un des éléments cruciaux est l'effet cumulatif des migrations antérieures. Les migrations précédentes créent des communautés diasporiques dans les pays de destination, qui à leur tour encouragent et facilitent l'arrivée de nouveaux migrants. Cette forme de migration en chaîne signifie que les mouvements de population peuvent se perpétuer même après la disparition de la cause initiale. Les crises, en plus de leurs impacts immédiats, peuvent entraîner des changements sociétaux et culturels durables. Ces changements peuvent modifier de manière permanente les structures économiques et sociales, ainsi que les aspirations et les attentes des individus, ce qui peut continuer à motiver la migration longtemps après la fin de la crise. De plus, les perceptions et les attentes jouent un rôle important. Les opportunités perçues à l'étranger, souvent idéalisées grâce aux récits de réussite des migrants précédents, peuvent continuer à inciter à la migration. Ces perceptions peuvent persister même lorsque la réalité est différente, alimentant ainsi la migration continue. Les conditions économiques et politiques prolongées résultant de crises antérieures peuvent également entretenir la migration. Par exemple, des transformations économiques majeures ou un chômage élevé persistant après la fin de la crise peuvent pousser les gens à chercher de meilleures opportunités ailleurs. Les politiques migratoires des pays de destination et la législation internationale influencent aussi la continuité de la migration. Des politiques plus libérales et des accords facilitant la migration peuvent encourager un flux continu de migrants. Enfin, une fois que la migration devient une option viable et reconnue, elle peut devenir une réponse standard aux défis économiques ou sociaux, même en l'absence d'une crise aiguë. Cette inertie sociale et économique peut maintenir le mouvement des populations bien après la résolution des problèmes qui l'ont initialement motivé. Dans son ensemble, la migration est un processus dynamique et multifactoriel, où divers facteurs sociaux, économiques, politiques et personnels s'entremêlent, souvent créant un élan qui perpétue la migration au-delà de ses causes initiales.

La crise de la pomme de terre en Irlande en 1845, également connue sous le nom de Grande Famine, a été un événement déclencheur majeur de l'émigration irlandaise vers les États-Unis. Cette catastrophe, combinée avec le développement de la navigation à vapeur rendant les voyages transatlantiques plus accessibles et abordables, a coïncidé avec la perception des États-Unis comme un lieu de rêve et d'opportunité. Ces facteurs ont conduit à une émigration massive de deux millions d'Irlandais, un mouvement qui s'est poursuivi même après la fin de la famine.

Le fait que la migration ait continué même après 1914, quand les salaires moyens en Irlande et aux États-Unis étaient devenus similaires, illustre la complexité des motifs de migration. Cela suggère que les décisions de migrer ne dépendent pas uniquement de considérations économiques immédiates, mais aussi de facteurs plus larges et parfois plus nuancés. Premièrement, l'émigration avait déjà créé des réseaux établis aux États-Unis. Ces communautés diasporiques irlandaises offraient du soutien, des informations et des opportunités pour les nouveaux arrivants, ce qui rendait la migration vers les États-Unis plus attractive et moins risquée. Deuxièmement, les perceptions et attentes à l'égard des États-Unis, en tant que terre d'opportunité, ont continué de jouer un rôle majeur. Le "rêve américain", alimenté par des récits de réussite et une idéalisation de la vie aux États-Unis, a maintenu son attrait, même si la réalité économique était devenue moins favorable. Troisièmement, les effets à long terme de la Grande Famine et des politiques britanniques en Irlande ont peut-être laissé des cicatrices économiques et sociales profondes, influençant la décision de continuer à émigrer. La mémoire collective de la famine, ainsi que la quête d'une plus grande stabilité politique et économique, ont pu contribuer à la poursuite de l'émigration. Enfin, la migration, une fois devenue une pratique courante, peut s'auto-entretenir. La décision de migrer est souvent influencée par les actions de ceux qui sont partis avant, créant un phénomène de migration en chaîne qui peut perdurer indépendamment des conditions économiques initiales. Bien que les salaires moyens aient pu se niveler entre l'Irlande et les États-Unis, d'autres facteurs, tels que les réseaux sociaux, les perceptions culturelles, l'histoire et les dynamiques de migration établies, ont continué à motiver les Irlandais à émigrer vers les États-Unis.

L'autonomisation des flux migratoires est un concept crucial pour comprendre pourquoi la migration continue souvent même après la disparition des causes initiales. Ce phénomène implique que, une fois que les migrations commencent en réponse à certaines conditions ou crises, elles tendent à développer une dynamique propre qui les maintient au-delà de la résolution de ces conditions initiales. Dans le cas de l'émigration irlandaise vers les États-Unis, par exemple, la Grande Famine a été le facteur déclencheur. Cependant, une fois que les communautés irlandaises se sont établies aux États-Unis et que les réseaux de migrants ont été créés, ces réseaux ont commencé à jouer un rôle autonome dans la promotion et la facilitation de la migration supplémentaire. Les communautés diasporiques fournissent non seulement des informations et un soutien aux nouveaux arrivants, mais créent également un sentiment d'appartenance et de connexion avec le pays de destination, indépendamment des conditions économiques ou politiques qui ont initialement motivé la migration. De plus, la migration en chaîne, où les migrants suivent les membres de leur famille, leurs amis ou leurs concitoyens dans le pays de destination, devient un moteur important de la migration continue. Ces réseaux sociaux et familiaux peuvent être plus influents dans les décisions de migration que les facteurs économiques ou politiques. En outre, les perceptions et les attentes peuvent aussi jouer un rôle dans l'autonomisation des flux migratoires. Les mythes et les récits autour des pays de destination, tels que le "rêve américain" dans le contexte des États-Unis, continuent d'attirer les migrants même si la réalité économique est différente de l'image idéalisée. Les flux migratoires, une fois initiés, peuvent acquérir une autonomie par rapport à leurs causes originales. Les réseaux sociaux, les attentes culturelles, et les dynamiques de migration en chaîne contribuent à maintenir et à amplifier ces flux, même en l'absence des conditions qui les ont déclenchés initialement. Cela explique pourquoi la migration peut continuer à un rythme soutenu même après que les circonstances ayant provoqué le premier mouvement migratoire aient changé ou disparu.

L'explication du phénomène d'autonomisation des flux migratoires, en particulier dans le contexte de la migration irlandaise vers les États-Unis, repose en grande partie sur le rôle des réseaux sociaux et de la communication entre les migrants et leurs familles restées au pays. Lorsqu'un migrant irlandais s'installe aux États-Unis, les lettres et les informations qu'il envoie à sa famille en Irlande jouent un rôle crucial dans la poursuite de la migration. Ces correspondances offrent des informations fiables et pratiques sur la vie aux États-Unis, y compris des conseils sur les démarches d'immigration, les opportunités d'emploi, les quartiers où vivre et ceux à éviter. Cette communication directe et fiable renforce la confiance des membres de la famille et des amis restés en Irlande, car elle provient de sources qu'ils connaissent et en qui ils ont confiance. Elle crée un lien tangible entre le pays d'origine et le pays de destination, réduisant ainsi l'incertitude et le risque perçu associés à la migration. En fournissant un réseau social et un soutien, les migrants établis encouragent d'autres membres de la famille et de la communauté à les rejoindre. Ce phénomène est un exemple typique de migration en chaîne, où les migrants suivent les voies tracées par ceux qui les ont précédés, créant ainsi des schémas de migration établis et renforçant la dynamique des flux migratoires. De plus, ceux qui choisissent de migrer sont souvent les individus les plus ouverts et entreprenants, ceux qui sont disposés à prendre des risques et à chercher de nouvelles opportunités. Cela peut conduire à une sorte de sélection auto-entretenue, où les populations qui restent dans le pays d'origine sont souvent plus conservatrices ou moins enclines à la prise de risque. La migration irlandaise vers les États-Unis illustre comment les réseaux sociaux et la communication entre les migrants et leurs familles peuvent créer et maintenir des flux migratoires. Ces dynamiques montrent également comment la migration peut transformer non seulement les sociétés d'accueil, mais aussi les communautés d'origine, souvent en façonnant la composition et les attitudes de ces populations sur le long terme.

Intégration et Assimilation: Le Cas Américain[modifier | modifier le wikicode]

Dichotomie Sociale: Dominants (WASP) vs Dominés[modifier | modifier le wikicode]

L'intégration et l'assimilation des immigrants aux États-Unis ont toujours été des processus complexes, influencés par des dynamiques de pouvoir et des structures sociales préexistantes. Dans le contexte américain, les White Anglo-Saxon Protestants (WASPs) ont longtemps constitué le groupe dominant, tant sur le plan politique qu'économique. Cette domination reflète l'héritage de la vieille migration, principalement britannique, scandinave et allemande, qui a formé la base de la société américaine dès ses débuts.

Ces groupes, en raison de leurs origines ethniques et de leur appartenance religieuse (protestante), ont souvent été perçus comme le "noyau" de l'identité américaine. Ils ont joué un rôle majeur dans la formation des institutions politiques et économiques des États-Unis et ont longtemps occupé une position privilégiée dans la hiérarchie sociale et culturelle du pays.

L'élection de John F. Kennedy en tant que président en 1960 a marqué un tournant significatif dans l'histoire américaine. Kennedy était non seulement d'origine irlandaise, mais aussi catholique, ce qui le distinguait du profil WASP traditionnellement associé aux leaders politiques américains. Sa présidence a symbolisé une certaine ouverture dans la société américaine et a indiqué une évolution dans l'acceptation des groupes ethniques et religieux qui étaient auparavant marginalisés ou tenus à l'écart des sphères de pouvoir.

La présidence de Kennedy a également reflété et peut-être contribué à des changements plus larges dans la société américaine concernant l'intégration et l'assimilation des différents groupes ethniques et religieux. Son succès en tant que premier président catholique et d'origine irlandaise a défié certaines des normes et des attentes traditionnelles sur qui pouvait accéder au pouvoir dans la société américaine.

Formation de Communautés Immigrées et Segmentation Urbaine[modifier | modifier le wikicode]

L'autonomisation des flux migratoires a joué un rôle clé dans la formation de communautés d'immigrants et la segmentation de l'espace dans les villes américaines, comme en témoignent les quartiers tels que Chinatown ou Little Italy. Ce phénomène s'explique par la tendance des migrants à rejoindre des membres de leur famille ou des connaissances qui se sont déjà établis dans le pays de destination. Ces réseaux familiaux et sociaux offrent un soutien indispensable aux nouveaux arrivants, facilitant leur installation et intégration.

Dans ce contexte, les migrants tendent à se regrouper avec d'autres membres de leur communauté, créant ainsi des enclaves ethniques au sein des villes. Ces quartiers, comme Chinatown pour les immigrants chinois ou Little Italy pour les immigrants italiens, servent de lieux de rassemblement où les traditions culturelles, la langue, et les pratiques sociales peuvent être préservées et transmises. Ils offrent également un espace où les migrants peuvent se soutenir mutuellement, tant sur le plan économique que social.

Concernant la mafia italienne, son émergence aux États-Unis est liée aux défis auxquels les immigrants italiens étaient confrontés, notamment en termes de protection contre les agressions et de discrimination. Dans l'absence de structures de soutien adéquates et face à la marginalisation, certains membres de la communauté italienne se sont tournés vers des organisations clandestines pour assurer leur protection et avancer leurs intérêts. Cependant, il est important de noter que ces organisations, bien que présentées parfois comme des protecteurs de la communauté, se sont souvent engagées dans des activités criminelles et ont eu un impact complexe et parfois négatif sur les communautés qu'elles prétendaient servir.

Ces quartiers ethniques et ces structures communautaires sont des témoignages de la manière dont les immigrants ont façonné et continuent de façonner le paysage culturel et social des villes américaines. Ils reflètent les défis, les stratégies d'adaptation, et les contributions des immigrants à la société américaine.

Défis d'Intégration des Nouveaux Immigrants[modifier | modifier le wikicode]

La théorie de la sédimentation dans le contexte de l'immigration aux États-Unis offre un cadre pour comprendre comment différentes vagues d'immigration sont intégrées dans la société américaine et comment les perceptions et les traitements de ces groupes changent au fil du temps. Cette théorie suggère que chaque nouvelle vague d'immigrants subit initialement des difficultés d'intégration, y compris des expériences de discrimination et de racisme, mais que ces défis s'atténuent avec l'arrivée de groupes ultérieurs.

Dans le cas des immigrés de la "nouvelle vague", principalement italiens et slaves, arrivés aux États-Unis vers la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, ils ont été confrontés à des défis significatifs d'intégration. Ces groupes, en raison de leurs différences culturelles, linguistiques et religieuses par rapport à la majorité anglo-saxonne protestante, ont souvent été perçus comme des "étrangers" difficiles à assimiler.

Selon la théorie de la sédimentation, ces groupes ont été soumis à des préjugés et à une marginalisation initiale. Cependant, avec l'arrivée de nouvelles vagues d'immigrants, les groupes précédemment marginalisés ont commencé à être perçus comme plus intégrés ou "américanisés". Par exemple, les immigrants irlandais et allemands, qui avaient été auparavant l'objet de discrimination, ont vu leur statut s'améliorer relativement avec l'arrivée des immigrants italiens et slaves. Cette dynamique illustre un modèle où les derniers arrivants sont souvent les plus marginalisés et font face au plus grand degré de discrimination. Au fur et à mesure que ces groupes s'établissent, s'intègrent économiquement et politiquement, et à mesure que de nouveaux groupes arrivent, la perception et le traitement de ces communautés immigrées antérieures évoluent.

Cette théorie simplifie une réalité complexe et que l'intégration et l'assimilation sont des processus multifactoriels influencés par de nombreux facteurs, y compris les politiques gouvernementales, les conditions économiques, et les attitudes sociales plus larges. Néanmoins, la théorie de la sédimentation offre un aperçu utile de la manière dont les dynamiques d'intégration peuvent évoluer au sein d'une société avec des vagues successives d'immigration.

Conséquences de l'Industrialisation sur la Société Américaine[modifier | modifier le wikicode]

À la fin du XIXe siècle, l'Amérique a connu des changements significatifs dans son paysage économique et social, en partie dus à la fin de la conquête du Far West et à l'industrialisation rapide. La fermeture de la frontière ouest, souvent symbolisée par le recensement de 1890 déclarant la fin de la "frontière" américaine, a marqué un tournant dans les opportunités disponibles pour les immigrants et les citoyens américains.

Pendant des décennies, la migration vers l'Ouest avait été une voie pour de nombreux Américains et immigrants pour devenir propriétaires de terres. Cette expansion vers l'ouest, bien que tragiquement conflictuelle et dévastatrice pour les populations autochtones, était perçue comme une opportunité de prospérité et de succès individuel, symbolisée par l'accès à la propriété foncière. Cependant, avec la fin effective de cette expansion, les opportunités de posséder des terres et de s'établir en tant que fermiers indépendants ont considérablement diminué. En parallèle, les États-Unis ont connu une industrialisation rapide, avec le développement de grandes usines et le besoin croissant de main-d'œuvre dans les zones urbaines. Les immigrants arrivant à cette période se sont donc retrouvés dans une situation différente de celle des générations précédentes. Au lieu de s'orienter vers l'agriculture et la conquête de terres, ils se sont tournés vers les emplois industriels, devenant des employés dans des usines souvent caractérisées par des conditions de travail difficiles, des salaires bas et des heures longues.

Cette transition a eu plusieurs implications. Premièrement, elle a signifié un changement dans le rêve américain, passant de la propriété foncière à l'emploi industriel. Deuxièmement, l'afflux de main-d'œuvre a contribué à maintenir les salaires bas, créant des conditions économiques difficiles pour de nombreux travailleurs, tant immigrants que natifs. Troisièmement, cela a renforcé la division de classe, car la capacité de devenir propriétaire de terres, un symbole de succès et d'indépendance, devenait de moins en moins accessible. La fin de la conquête du Far West et l'industrialisation ont marqué une période de transition majeure dans l'histoire des États-Unis, redéfinissant les opportunités et les défis auxquels les immigrants et les citoyens étaient confrontés. Ces changements ont également contribué à façonner la structure socio-économique du pays, avec des répercussions qui se sont fait sentir bien au-delà de cette période.

À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, les États-Unis ont connu une diminution de la fluidité sociale, rendant l'ascension sociale plus difficile pour beaucoup. Cette période a vu l'émergence et la popularisation de certains mythes américains, notamment celui du self-made-man et du cowboy, qui reflétaient l'idéal de réussite individuelle et d'indépendance. Cependant, la réalité historique et sociale de ces mythes était souvent plus complexe et diversifiée que ne le suggèrent les représentations populaires. Le mythe du self-made-man, qui célèbre la capacité d'une personne à s'élever socialement et économiquement par son travail acharné et son ingéniosité, a gagné en popularité pendant cette période. Ce mythe a été renforcé par des histoires d'entrepreneurs et d'industriels qui, partis de rien, auraient bâti des fortunes et des entreprises prospères. Cependant, cette narrative a souvent masqué les barrières structurelles et les inégalités qui rendaient une telle ascension difficile pour la majorité des gens, en particulier pour les immigrants, les minorités ethniques, et les classes ouvrières. En ce qui concerne le mythe du cowboy, l'image populaire du cowboy en tant que figure héroïque, solitaire et intrépide de l'Ouest américain était largement blanche et masculinisée. Néanmoins, la réalité historique montre que les cowboys étaient en fait très diversifiés sur le plan racial et ethnique. Beaucoup d'entre eux étaient des Noirs, des Asiatiques, des Hispaniques et des Amérindiens. Cette diversité reflète la nature multiculturelle de la frontière américaine, bien que cette réalité ait été fréquemment occultée dans les récits et les représentations culturelles dominants. Cette période de l'histoire américaine a vu l'émergence de mythes puissants sur la réussite individuelle et l'aventure, qui étaient à la fois une source d'inspiration et, parfois, un voile sur les réalités sociales et économiques plus complexes. La diminution de la mobilité sociale et les difficultés croissantes d'ascension économique contrastaient avec ces récits idéalisés, révélant les tensions entre l'idéal américain et les expériences vécues par de nombreux citoyens et immigrants aux États-Unis.

Montée de la Xénophobie et Politiques de Restriction Migratoire[modifier | modifier le wikicode]

La xénophobie et la fermeture des frontières aux États-Unis se sont développées en deux phases distinctes, reflétant les tensions et les changements dans la société américaine à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle.

La période de de la du XIXe siècle (1890 - 1900) a été marquée par une montée de la xénophobie, en grande partie due à l'arrivée massive d'immigrants de la nouvelle vague, notamment d'Italie, de Russie, et d'autres pays d'Europe de l'Est et du Sud. Ces immigrants, souvent catholiques ou juifs, différaient culturellement et religieusement des populations majoritairement protestantes d'origine anglo-saxonne et germanique. Leur arrivée a suscité des inquiétudes parmi certaines parties de la population américaine, qui craignaient que ces nouveaux arrivants ne puissent pas s'assimiler ou qu'ils ne menacent les emplois et la stabilité économique. Cette période a vu l'émergence de mouvements nativistes et de lois restrictives, comme la Loi d'exclusion des Chinois de 1882, qui visaient à limiter l'immigration de certains groupes. La fin de la Première Guerre mondiale a marqué une deuxième phase de xénophobie et de fermeture des frontières. Cette période a été caractérisée par une intensification des sentiments anti-immigrants, exacerbée par les peurs post-guerre concernant le radicalisme politique (comme le communisme et l'anarchisme) et une récession économique. La "Peur rouge" de 1919-1920, une période de forte peur du communisme aux États-Unis, a souvent été associée aux immigrants, en particulier à ceux d'Europe de l'Est. En réponse à ces craintes, les États-Unis ont adopté des lois d'immigration de plus en plus restrictives, comme les Quota Acts de 1921 et 1924, qui ont mis en place des quotas sévères basés sur les origines nationales et ont considérablement réduit l'immigration en provenance de nombreux pays.

Ces deux périodes reflètent les tensions et les défis que les États-Unis ont rencontrés en intégrant des vagues successives d'immigrants dans une société en rapide évolution. La xénophobie et les politiques restrictives de l'époque ont eu un impact durable sur le paysage de l'immigration aux États-Unis, façonnant à la fois les perceptions et les expériences des immigrants et les politiques migratoires américaines pendant des décennies.

Durant la première période de xénophobie aux États-Unis, à la fin du XIXe siècle, un racisme spécifique ciblant les Asiatiques et les Afro-Américains s'est manifesté de manière notable. Ce racisme était en partie alimenté par la peur que les Blancs ne deviennent minoritaires face à une augmentation perçue de la population asiatique et noire. Ce sentiment était renforcé par des changements démographiques, notamment la baisse de la natalité à partir de 1875, qui était plus prononcée parmi les Blancs aisés que parmi les communautés noires et asiatiques, souvent économiquement défavorisées. Cette peur d'être submergé par des populations non-blanches a conduit à des politiques discriminatoires et à des lois raciales. Par exemple, la Loi d'exclusion des Chinois de 1882 a été l'une des premières et des plus significatives de ces lois, interdisant l'immigration de travailleurs chinois. Elle a établi un précédent pour d'autres législations discriminatoires contre les Asiatiques.

La victoire du Japon sur la Russie en 1905 lors de la guerre russo-japonaise a exacerbé ces craintes aux États-Unis, alimentant des inquiétudes sur la "montée" de l'Asie et une possible menace pour la suprématie occidentale. Cette perception a conduit à une méfiance accrue envers les immigrants japonais et à l'établissement de quotas et de restrictions d'immigration visant spécifiquement les Asiatiques. Ces politiques reflétaient et renforçaient des attitudes racistes et xénophobes déjà présentes dans la société américaine. Le racisme de cette époque n'était pas uniquement dirigé contre les Asiatiques, mais affectait également les Afro-Américains, qui continuaient de faire face à la ségrégation et à la discrimination systémique dans de nombreuses parties du pays. Malgré l'abolition de l'esclavage après la guerre civile, les lois Jim Crow dans le Sud et d'autres formes de discrimination institutionnalisée ont maintenu les Afro-Américains dans une position inférieure sur les plans social, économique et politique.

Après la Première Guerre mondiale, les États-Unis ont connu une deuxième vague de xénophobie et de fermeture des frontières, influencée par des facteurs économiques, sociaux et politiques complexes. Pendant la guerre, l'immigration aux États-Unis avait considérablement diminué, tandis que l'économie américaine était fortement mobilisée pour la production d'armes et de matériel militaire. Avec la fin de la guerre en 1918, l'immigration a repris, alimentée par un grand nombre de réfugiés européens cherchant à fuir les ravages et les bouleversements causés par la guerre. Dans un premier temps, cette vague d'immigration ne posait pas de problème majeur, étant donné que les industries de guerre étaient encore actives. Cependant, avec le retour à une économie de paix en 1920, la situation a rapidement changé. Les commandes militaires ont cessé, entraînant des licenciements massifs et une récession économique. Les syndicats américains, déjà préoccupés par les troubles et les grèves, ont commencé à attribuer la responsabilité du chômage et de la baisse des salaires à l'afflux de nouveaux immigrants. Ces inquiétudes étaient exacerbées par la peur du communisme, en particulier concernant les immigrants en provenance d'Europe de l'Est, où le communisme gagnait en influence.

Dans ce contexte de crainte du communisme, de tensions économiques et de chômage, les attitudes envers les immigrants se sont durcies. Les années 1920 ont vu l'adoption de lois restrictives en matière d'immigration, comme les Quota Acts de 1921 et 1924, qui limitaient sévèrement l'immigration en provenance de nombreux pays, en particulier ceux d'Europe de l'Est et d'Asie. En parallèle, les États-Unis se sont retirés de la scène internationale, malgré leur rôle clé dans la création de la Société des Nations après la Première Guerre mondiale. Ce retrait et le renforcement des quotas d'immigration reflétaient un désir croissant d'isolationnisme et une méfiance envers les influences étrangères. Cette période après la Première Guerre mondiale représente donc un moment crucial dans l'histoire des États-Unis, marqué par des tensions économiques, une montée de l'anticommunisme, et un durcissement des attitudes envers les immigrants. Ces éléments ont contribué à façonner la politique d'immigration américaine et l'identité nationale pour les décennies à venir.

Annexes[modifier | modifier le wikicode]

Référence[modifier | modifier le wikicode]