« Structures Agraires et Société Rurale: Analyse de la Paysannerie Européenne Préindustrielle » : différence entre les versions

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[[Fichier:Paysans au Moyen-Âge 1.jpg|400px|vignette|Paysans labourant un champ - Enluminure d’un manuscrit du XIVème siècle]]
Entre les XVe et XVIIIe siècles, l'Europe préindustrielle était essentiellement un vaste patchwork de communautés rurales où la vie paysanne, loin d'être une simple toile de fond, formait le coeur battant de la civilisation. Engageant environ 90 % de la population, la paysannerie ne se contentait pas de cultiver la terre ; elle constituait l'ossature vivante de l'économie, façonnant le paysage, nourrissant les nations et tissant les liens sociaux qui unissaient les villages et les terroirs. Leur labeur quotidien sur les sols était bien plus qu'une quête subséquentielle de survie ; il était la force motrice d'une économie en grande partie autarcique, une pièce maîtresse dans la grande machine sociale qui alimentait marchés et cités.
Au sein de cet échiquier agraire, chaque paysan jouait un rôle déterminant, engagé dans un réseau dense de devoirs, non seulement envers le seigneur local mais aussi dans un esprit de solidarité mutuelle. Vivant souvent dans des conditions austères et soumis à la dureté des saisons ainsi qu'aux exigences arbitraires de la noblesse, les paysans ont cependant modelé avec résilience l'économie de leur temps. Il est réducteur de les peindre uniquement comme une classe défavorisée et sans pouvoir ; ils représentaient la plus grande masse sociale de l'Europe préindustrielle et ont été des acteurs clés, parfois révolutionnaires, dans le façonnement de son avenir.
Nous allons plonger dans le quotidien souvent méconnu des paysans européens d'avant l'ère industrielle, en éclairant non seulement leurs pratiques agricoles mais aussi leur place au sein de la hiérarchie sociale et les dynamiques de résistance et de changement qu'ils ont pu engendrer. En les repositionnant au centre de l'analyse, nous redécouvrons les fondements même de l'économie et de la société préindustrielles européennes.


= La prédominance de l'agriculture : XVème siècle - XVIIème siècle =
= La prédominance de l'agriculture : XVème siècle - XVIIème siècle =
L’agriculture domine par le nombre de personnes qu’elle emploie. Les travailleurs sont répartis en trois secteurs, à savoir l'agriculture [1], l'industrie [2] et les services [3]. Au XVIème siècle, les agriculteurs  représentent 80% de la population, soit quatre individus sur cinq qui sont paysans. En d'autres termes, la population active au XVIème siècle est une population qui travaille à 80% dans le secteur primaire.  
 
L'agriculture, pivot central des économies d'Ancien Régime, façonnait de manière prédominante la structure socioprofessionnelle de l'époque. Au cœur de cette organisation économique, on distingue trois branches d'activité principales : le secteur primaire [1], regroupant les activités agricoles, le secteur secondaire [2], concernant l'industrie, et le secteur tertiaire [3], englobant les services. À l'aune du XVIème siècle, le visage démographique de l'Europe était essentiellement rural et agraire, avec environ 80 % de ses habitants investis dans l'agriculture. Cette donnée révèle que quatre personnes sur cinq étaient attachées à la terre, une proportion écrasante qui témoigne de l'ancrage profond de la paysannerie dans la vie économique de l'époque. Le secteur primaire n'était pas seulement le plus gros employeur ; il était le socle de l'existence quotidienne, la majorité de la population active européenne se consacrant à la culture des terres, à l'élevage et aux nombreuses autres tâches qui constituent le travail agricole.  


[[Fichier:Prédominance de l'agriculture XVème siècle XVIIème siècle 1.png|300px|vignette|centré|Répartition par grands secteurs de la population active des pays développés à économie de marché, Japon non compris (en pourcentages de la population active totale)]]
[[Fichier:Prédominance de l'agriculture XVème siècle XVIIème siècle 1.png|300px|vignette|centré|Répartition par grands secteurs de la population active des pays développés à économie de marché, Japon non compris (en pourcentages de la population active totale)]]


Pour arriver au chiffre de 80%, on s'est aperçu que la valeur monétaire de la production agricole était supérieure aux autres productions. La richesse est fondée sur l'agriculture, sa production domine l’économie de manière écrasante. Cela impacte également les revenus. La distribution de la richesse provient de l'agriculture dans les sociétés d'ancien régime. Le paysan vit de l’agriculture (littéralement), il se nourrit de sa récolte, et les paysans utilisent très peu de cash (on emploie le troc) sauf pour payer les impôts.
Ce tableau détaille l'évolution de la répartition de la population active entre les secteurs primaire (agriculture), secondaire (industrie) et tertiaire (services) dans les pays à économie de marché développée, à l'exception du Japon. Les pourcentages exprimés reflètent la part de chaque secteur dans la population active totale, de l'an 1500 jusqu'à 1995. Au commencement de la période étudiée, en 1500, l'agriculture engageait environ 80 % de la population active, tandis que l'industrie et les services comptaient chacun environ 10 %. Cette répartition évolue légèrement en 1750, où l'on note une légère diminution pour l'agriculture à 76 %, tandis que l'industrie grimpe à 13 % et les services à 11 %. En 1800, l'agriculture demeure prédominante avec 74 %, mais l'industrie continue son ascension à 16 % et les services restent à 11 %. C'est en 1913 que l'on observe un tournant significatif, l'agriculture représentant alors 40 % de la population active, suivie de près par l'industrie avec 32 % et les services avec 28 %. Ce changement s'accentue dans la seconde moitié du XXe siècle. En 1950, l'agriculture emploie 23 % de la population active, tandis que l'industrie s'établit à 37 % et les services à 40 %, signe d'une diversification économique croissante. L'année 1970 marque un cap où le secteur des services dépasse tous les autres avec 52 %, l'industrie représentant 38 % et l'agriculture seulement 10 %. Cette tendance se confirme dans les décennies suivantes : en 1980, l'agriculture chute à 7 %, l'industrie constitue 34 % et les services 58 %. En 1990, les services s'accroissent pour atteindre 66 %, laissant l'agriculture à 5 % et l'industrie à 29 %. Finalement, en 1995, les services dominent largement avec 67 %, tandis que l'industrie légèrement réduite à 28 % et l'agriculture maintenue à 5 % reflètent un monde où l'économie est fortement orientée vers les services. Cet ensemble de données montre une transition claire des économies développées depuis une prédominance agricole vers une prééminence des services, illustrant les mutations profondes des structures économiques à travers les siècles.
                 
 
Les revenus de la noblesse et du clergé proviennent du tiers État. Les élites tirent leur richesse de leurs impôts sur les terres qu’ils prêtent aux paysans. Étant donné que la noblesse ainsi que le clergé ne payaient pas d'impôts, c'était la masse qui devait payer des impôts.  
Pour comprendre l'importance prépondérante de l'agriculture dans les économies d'Ancien Régime, il convient de prendre en compte que la valeur monétaire de la production agricole surpassait largement celle des autres secteurs de production. En effet, la richesse des sociétés de cette époque reposait sur l'agriculture, dont la production dominait l'économie de façon considérable, devenant ainsi la principale source de revenus. La répartition de la richesse était donc intrinsèquement liée à l'agriculture. Dans ce contexte, le paysan, qui constituait la majorité de la population, dépendait entièrement de l'agriculture pour sa subsistance. Sa nourriture provenait directement de ce qu'il pouvait cultiver et récolter. Ces sociétés étaient caractérisées par une faible monétarisation de l'économie, avec une préférence marquée pour le troc, un système d'échange direct de biens et de services. Néanmoins, malgré cette tendance au troc, les paysans avaient tout de même besoin de monnaie pour s'acquitter des impôts exigés par l'Église et par les différents niveaux de gouvernement. Ce besoin d'argent contredisait en partie la nature peu monétarisée de leur économie quotidienne, mettant en lumière les exigences contradictoires auxquelles les paysans devaient faire face dans leur gestion des ressources et leurs obligations fiscales.
 
Dans la société d'Ancien Régime, la structure économique était fortement marquée par la stratification sociale et les privilèges de classe. Les revenus de la noblesse et du clergé, qui constituaient les élites de l'époque, dérivaient en grande partie des contributions du tiers état, c'est-à-dire des paysans et des bourgeois, qui représentaient la très grande majorité de la population. Ces élites s'enrichissaient grâce aux droits seigneuriaux et aux dîmes ecclésiastiques prélevés sur les terres agricoles, terres qui étaient souvent exploitées par les paysans. Les paysans, quant à eux, devaient verser une partie de leur production ou de leur revenu sous forme de taxes et de loyers, constituant ainsi la base des revenus fonciers de la noblesse et des revenus ecclésiastiques du clergé. Ce système fiscal était d'autant plus lourd pour le tiers état que ni la noblesse ni le clergé n'étaient assujettis aux impôts, bénéficiant de diverses exemptions et privilèges. De ce fait, le fardeau fiscal reposait presque entièrement sur les épaules des paysans et des autres classes non privilégiées. Cette dynamique économique met en exergue le contraste saisissant entre les conditions de vie des élites et celles des paysans. Les premiers, bien que numériquement inférieurs, menaient une vie financée par l'exploitation économique des seconds, qui, malgré leur contribution essentielle à l'économie et à la structure sociale, devaient supporter des charges fiscales disproportionnées par rapport à leurs moyens. Cela a conduit à une concentration de la richesse et du pouvoir entre les mains de quelques-uns, pendant que la grande masse vivait dans une précarité matérielle constante.  


L'épargne est la principale source de l'investissement. C'est avec l'épargne que l'on peut investir dans un domaine économique et en l'occurrence on investit dans la terre en achetant des forêts, des espaces d'exploitation. Les bourgeois de Genève investissent dans la vigne, ce qui rapporte bien plus que l’artisanat ou les services, et les paysans exploitent les terres pour eux . Même certains marchands urbains, à condition qu'ils soient riches, achètent des terres à la campagne. Toute l'économie tourne autour de l'agriculture. Le secteur agricole domine toute l'économie ancienne, mais ce secteur n'est pas homogène.
L'épargne joue un rôle crucial dans l'économie de l'Ancien Régime, car elle constitue le fondement de l'investissement. En effet, c'est grâce à la capacité d'épargner que les individus et les familles pouvaient se permettre d'acquérir des actifs productifs. Dans un contexte où l'agriculture est la pierre angulaire de l'économie, investir dans la terre devient une pratique courante et potentiellement lucrative. L'achat de forêts ou d'autres étendues de terres agricoles représente donc une forme d'investissement privilégié. Les bourgeois, particulièrement dans des villes prospères comme Genève, reconnaissent la valeur de tels investissements et dirigent souvent leur épargne vers l'achat de vignes. Cette activité, réputée pour être plus rentable que l'artisanat ou les services, attire l'attention de ceux qui ont les moyens d'investir. Ils profitent alors du travail des paysans, qui cultivent ces terres en leur nom, leur permettant ainsi de tirer profit de la production sans nécessairement s'impliquer directement dans le travail agricole. Même des marchands urbains, pourvu qu'ils aient amassé suffisamment de richesse, se lancent dans l'achat de terres à la campagne, élargissant leurs portefeuilles d'investissement et diversifiant leurs sources de revenus. Cela illustre bien comment, même au sein des villes, l'économie était intimement liée à la terre et à son exploitation. Toutefois, il est important de noter que le secteur agricole n'était pas uniforme. Il se caractérisait par une grande diversité de situations : certaines régions étaient spécialisées dans des cultures particulières, d'autres étaient connues pour leur élevage, et l'efficacité de l'exploitation pouvait grandement varier en fonction des méthodes agricoles et des droits de propriété en vigueur. Cette hétérogénéité reflétait la complexité de l'économie agraire et les différentes manières dont la terre pouvait être utilisée pour générer des revenus.


= La diversité des systèmes agraires =
= La diversité des systèmes agraires =
Vont apparaître des disparités spatiales qui se sont créées entre l’Est et l’Ouest ainsi qu’entre le Nord et le Sud. Lorsqu’on sort du Moyen-Âge, l’immense majorité des paysans sont "libres". En d'autres termes, apparait une géographique dichotomique avec une frontière entre est et ouest (cette frontière étant la ligne St.Petersbourg-Triestre
À la sortie du Moyen Âge et au fur et à mesure que l'on avance dans les périodes qui suivent, on observe l'émergence de disparités régionales significatives au sein de l'Europe, particulièrement entre l'Est et l'Ouest, ainsi qu'entre le Nord et le Sud. Cette divergence se manifeste notamment dans le statut des paysans et dans les systèmes agraires en vigueur.
 
La majorité des paysans de l'Europe occidentale ont acquis une forme de liberté à l'aube de l'époque moderne. Cette libération s'est produite progressivement, grâce notamment à l'affaiblissement des structures féodales et à l'évolution des rapports de production et de propriété. En Occident, cette évolution a permis aux paysans de devenir des agriculteurs libres, disposant de droits plus étendus et de meilleures conditions de vie, bien que toujours soumis à diverses formes de contraintes économiques et de dépendances. En revanche, à l'Est de la ligne imaginaire St. Pétersbourg-Trieste, la situation évolue différemment. C'est dans cette région que se développe ce qu'on appelle le "second servage". Ce phénomène se caractérise par un renforcement des contraintes pesant sur les paysans, qui se retrouvent de nouveau enchaînés à la terre par un système de dépendance et d'obligations envers les seigneurs. Les droits des paysans sont considérablement restreints, et ils sont souvent forcés de travailler les terres des seigneurs sans compensation adéquate, ou de verser une partie importante de leur production en guise de rente. Cette dichotomie géographique traduit donc une profonde division socio-économique et légale au sein de l'Europe préindustrielle. Elle influence également le développement économique et social des différentes régions, avec des conséquences qui perdureront pendant des siècles, façonnant la dynamique de l'histoire européenne.


== Système domanial ==
== Système domanial ==
Au XVIIe, des paysans de l’est de l’Europe sont remis en servage par les « barons baltes », seigneurs de guerre (Ukraine, Pologne, Roumanie, Balkans… Ces pays constituent le grenier à blé du continent européen.).Le système est domanial : les seigneurs constituent de grands domaines dans les plaines et possèdent de nombreux serfs qui travaillent leurs terres. Ce système a perduré jusqu’à la fin du XIXe en Russie tsariste. On appelait ces paysans les « âmes ». Les paysans en servages sont miséreux, ils n’ont pas intérêt à produire de bonnes récoltes puisque tout va au maitre. Ce sont de grandes exploitations presque capitalistes qui exportent beaucoup de blés vers Allemagne et France notamment.  
Au XVIIe siècle, l'Europe de l'Est subit des changements sociaux et économiques importants qui affectent directement la condition des paysans. Dans les vastes plaines fertiles d'Ukraine, de Pologne, de Roumanie et des Balkans, des terres qui seront connues comme le grenier à blé de l'Europe en raison de leur grande productivité agricole, un phénomène particulier se manifeste: la réimposition du servage, connu sous le nom de "second servage". Ce renouveau du servage est en grande partie orchestré par les "barons baltes", qui sont souvent des seigneurs de guerre ou des aristocrates possédant d'immenses étendues de terres dans ces régions. L'autorité de ces barons repose sur leur pouvoir militaire et économique, et ils cherchent à maximiser les rendements de leurs terres pour s'enrichir et financer leurs ambitions, qu'elles soient politiques ou militaires. La remise en servage des paysans implique une perte de leur autonomie et un retour à des conditions de vie similaires à celles du féodalisme médiéval. Les paysans sont obligés de travailler les terres des seigneurs sans pouvoir revendiquer de propriété sur celles-ci. Ils sont également soumis à des corvées et à des redevances qui réduisent leur capacité à bénéficier du fruit de leur travail. De plus, les paysans sont souvent interdits de quitter la terre du seigneur sans permission, ce qui les attache à leur seigneur et à sa terre d'une manière qui limite sévèrement leur liberté personnelle. L'effet de ces politiques se fait sentir sur l'ensemble de la structure sociale et économique des régions concernées. Bien que ces terres soient très productives et essentielles pour l'approvisionnement en blé et autres céréales du continent, la vie des paysans qui les travaillent est dure et leur statut social est très bas. Ce renforcement de la servitude en Europe de l'Est contraste fortement avec les mouvements vers plus de libertés constatés dans d'autres parties de l'Europe à la même époque.
 
Le système domanial en Europe de l'Est était une forme d'organisation agraire où les seigneurs, souvent des aristocrates ou des membres de la haute noblesse, établissaient de vastes domaines agricoles. Dans ces domaines, ils exerçaient un contrôle presque total sur de nombreux paysans serfs, qui étaient liés à la terre et contraints de travailler pour le seigneur. Ce système, également connu sous le nom de servage domanial, a notamment persisté dans la Russie tsariste jusqu'à l'émancipation des serfs en 1861. Dans le cadre de ce système, les paysans étaient désignés de manière déshumanisante comme des "âmes", un terme qui souligne leur réduction à de simples unités économiques dans les registres des propriétaires terriens. Leur statut d'êtres humains avec des droits et des aspirations était largement ignoré. Leur condition de vie était généralement misérable : ils ne possédaient pas les terres qu'ils cultivaient et étaient forcés de remettre la plus grande partie de leur production au seigneur, ne conservant que le strict nécessaire pour leur survie. Ainsi, ils n'avaient guère d'incitation à améliorer les rendements ou à innover dans les techniques agricoles, car tout surplus éventuel ne ferait qu'augmenter les richesses du seigneur. L'agriculture pratiquée dans ces domaines était essentiellement une agriculture de subsistance, visant avant tout à éviter la famine plutôt qu'à maximiser la production. Néanmoins, malgré cette focalisation sur la simple survie, les grands domaines réussissaient à produire des excédents significatifs, en particulier de blé, qui étaient exportés vers des pays comme l'Allemagne et la France. Cela était rendu possible grâce à l'immensité des terres et à la densité des populations serfs qui les travaillaient. Ces exportations massives de céréales faisaient de ces domaines des entreprises presque capitalistes en termes de leur rôle dans l'économie de marché, bien que le système lui-même reposait sur des relations de production féodales et sur l'exploitation des serfs. Ce paradoxe met en lumière la complexité et les contradictions des économies européennes préindustrielles, qui pouvaient combiner des éléments d'économie de marché avec des structures sociales archaïques.
 
Au cœur de l'agriculture européenne préindustrielle, la culture des céréales occupait une place prépondérante, monopolisant jusqu'à trois quarts des terres agricoles. Cette prééminence des céréales, et en particulier du blé, a été qualifiée par certains historiens de "tyrannie des blés". Le blé était crucial car il constituait la base de l'alimentation de subsistance : le pain était l'aliment de base des populations, et la culture du blé était donc essentielle à la survie. Cependant, malgré cette importance cruciale, les terres ne produisaient pas autant qu'elles auraient pu. Les rendements étaient généralement faibles, une conséquence directe des techniques agricoles primitives et de l'absence d'innovation technologique. Les méthodes de culture étaient souvent archaïques, reposant sur des savoirs traditionnels et des outils rudimentaires qui n'avaient pas évolué depuis des siècles. De plus, les investissements nécessaires pour moderniser les pratiques agricoles et accroître les rendements faisaient défaut. La pauvreté généralisée et le système économique de troc prévalent n'offraient pas un terrain fertile pour l'accumulation de capital nécessaire à de tels investissements. Les élites, absorbant la majeure partie des flux monétaires à travers des taxes et des rentes, ne redistribuaient pas les richesses d'une manière qui aurait pu stimuler le développement agricole. Les paysans eux-mêmes étaient financièrement incapables d'adopter des techniques avancées. Les lourdes charges fiscales, imposées tant par l'État que par l'Église, ainsi que la nécessité de répondre aux exigences des seigneurs fonciers, leur laissaient peu de moyens pour investir dans leur terre. En conséquence, les progrès technologiques qui auraient pu révolutionner l'agriculture et améliorer les conditions de vie des paysans ne se sont pas matérialisés avant que les bouleversements sociaux et économiques des siècles suivants ne viennent changer le paysage agricole européen. 
 
La question de la fertilité des sols et de la gestion de l'élevage s'avère être un autre facteur limitant pour l'agriculture préindustrielle. Le fumier, qu'il soit d'origine animale ou humaine, joue un rôle crucial en tant qu'engrais naturel pour enrichir les sols et accroître les rendements agricoles. Cependant, à cette époque, l'approvisionnement en fumier est souvent insuffisant pour répondre aux besoins de toutes les terres cultivées, ce qui contribue à la faible productivité des exploitations agricoles. La comparaison entre la mise en pâture et la culture des céréales met en évidence un dilemme central : tandis qu'un hectare de terre dédié au pâturage peut soutenir un nombre limité de bovins et, par extension, nourrir un nombre restreint de personnes avec la viande et les produits laitiers produits, le même hectare consacré à la culture de céréales a le potentiel de nourrir dix fois plus de personnes, grâce à la production directe d'aliments consommables par l'homme. Dans un contexte où la sécurité alimentaire est une préoccupation majeure et où la population est majoritairement dépendante des aliments à base de céréales pour leur survie, la priorité est logiquement donnée à la culture des céréales. Néanmoins, cette préférence pour les céréales s'est faite au détriment de la rotation des cultures et de l'élevage, qui auraient pu contribuer à un meilleur amendement des sols et à une augmentation à long terme des rendements. C'est ainsi que, faute d'un apport suffisant en fumier et de pratiques agricoles permettant de maintenir la fertilité des sols, la production de céréales est restée à des niveaux relativement bas, perpétuant un cercle vicieux de faible productivité et de pauvreté rurale. Il s'agit là d'une illustration frappante des contraintes auxquelles étaient soumis les agriculteurs préindustriels et des difficultés inhérentes à l'agriculture de subsistance de l'époque.  
 
Les techniques agricoles rudimentaires et la connaissance limitée de la science des sols durant l'époque préindustrielle entraînaient une épuisement rapide des nutriments du sol. La pratique courante de cultiver continuellement une même parcelle de terre sans lui donner le temps de récupérer appauvrissait le sol, réduisant ainsi sa fertilité et par conséquent, les rendements des cultures. La jachère, une méthode traditionnelle consistant à laisser la terre en repos pendant une ou plusieurs saisons de croissance, était donc une nécessité plutôt qu'un choix. Pendant cette période, la terre n'était pas cultivée et on laissait souvent pousser des plantes sauvages qui contribuaient à restaurer la matière organique et les nutriments essentiels dans le sol. C'était une forme primitive de rotation des cultures qui permettait au sol de se régénérer naturellement. Toutefois, la mise en jachère avait des inconvénients économiques évidents : elle réduisait la quantité de terre disponible pour la production alimentaire à tout moment, ce qui était particulièrement problématique étant donné la pression démographique et la demande croissante en nourriture. L'absence d'engrais chimiques modernes et de techniques avancées de gestion des sols signifiait que les paysans étaient largement dépendants des méthodes naturelles pour maintenir la fertilité des sols, telles que la jachère, la rotation des cultures et l'utilisation limitée de fumier animal. Ce n'est qu'avec l'avènement de la révolution agricole et la découverte des engrais chimiques que la productivité agricole a pu faire un bond significatif, permettant une culture continue sans la période obligatoire de repos pour les sols.


Cause: "Deuxième servage" perte de liberté, masse de ces populations des paysans bascule vers => paupérisation de la paysannerie
Le "Deuxième servage" désigne un phénomène qui a eu lieu en Europe centrale et orientale, particulièrement du XIVe au XVIIe siècle, durant lequel la condition des paysans s'est considérablement détériorée, les rapprochant de l'état de serfs du Moyen Âge après une période antérieure de relative liberté. Ce renversement est dû à plusieurs facteurs, dont la consolidation des terres par la noblesse, les pressions économiques, et la demande croissante en denrées agricoles à l'exportation, particulièrement de céréales. La perte de liberté pour les paysans a entraîné leur assujettissement aux terres et à la volonté des propriétaires terriens, ce qui a souvent signifié un travail forcé sans rémunération adéquate, ou avec une rémunération fixée par les seigneurs eux-mêmes. Les paysans étaient également soumis à des taxes et à des rentes arbitraires, et ne pouvaient pas quitter leurs terres ou marier leurs enfants sans l'autorisation de leur seigneur. Cela a conduit à une paupérisation généralisée, les paysans étant incapables de s'accumuler des biens ou d'améliorer leur sort, piégés dans un cycle de pauvreté qui se perpétuait de génération en génération. Ce phénomène de paupérisation de la paysannerie a aussi des répercussions sur la structure sociale et économique de ces régions, limitant le développement économique et contribuant à l'instabilité sociale. La situation n'a commencé à changer qu'avec les diverses réformes agraires et l'abolition du servage qui se sont déroulées au XIXe siècle, bien que les effets du Deuxième servage aient perduré bien après ces réformes.


== Système seigneurial ==
== Système seigneurial ==
Ce système se réfère à un système qui permet l'émancipation des paysans à l’Ouest. Ainsi, à l'Ouest; les serfs deviennent et demeureront libres. Les historiens ignorent comment cela s'est produit, car il n'existait pas de structure institutionnelle urbaine, d'autant plus que les nobles se sont approprié les terres fertiles et gardent la propriété des meilleures terres qui produisent des rendements conséquents. Les structures sociales sont compliquées, car les paysans ont réussi à devenir locataires. Par exemple dans les plateaux du Valais et des Pyrénées, des communautés paysannes de montagne  possédaient souvent des alpages. Ils étaient astreints à des corvées, travaillaient pour les seigneurs, mais étaient libres.
La transition du servage vers une forme d'émancipation paysanne à l'Ouest de l'Europe après le déclin de l'Empire romain est un phénomène complexe résultant de divers facteurs. Au fur et à mesure que les structures féodales s'établissaient, les paysans et les serfs se retrouvaient dans une hiérarchie sociale rigide, mais des opportunités pour changer de statut commençaient à émerger. Avec l'évolution de l'économie médiévale, le travail servile est devenu moins rentable pour les seigneurs en raison des changements dans la production et la circulation des richesses, notamment l'augmentation de l'usage de la monnaie et le développement des marchés. Face à ces changements, les seigneurs ont parfois trouvé plus avantageux de louer leurs terres à des paysans libres ou à des locataires, qui versaient un loyer plutôt que de dépendre du système servile. L'expansion des villes offrait également aux paysans des possibilités d'emploi hors de l'agriculture, les mettant ainsi en meilleure position pour négocier leurs conditions de vie ou chercher une vie meilleure loin des contraintes féodales. Cet afflux vers les centres urbains a mis la pression sur les seigneurs pour améliorer les conditions des paysans afin de les retenir sur leurs terres. Les soulèvements paysans et les révoltes ont également influencé les relations féodales. De tels événements ont parfois conduit à des négociations qui aboutissaient à des conditions plus clémentes pour les paysans. De plus, les autorités ont parfois introduit des réformes législatives qui limitaient la puissance des seigneurs sur leurs serfs et amélioraient les conditions de ces derniers. Dans certaines régions montagneuses comme le Valais et les Pyrénées, les communautés paysannes bénéficiaient de conditions particulières. Souvent propriétaires collectifs de leurs pâturages, ces communautés jouissaient d'une autonomie relative qui leur permettait de maintenir un certain degré d'indépendance. Malgré l'obligation de réaliser des corvées pour les seigneurs, ils étaient libres et parvenaient parfois à négocier des termes qui leur étaient favorables. Ces différentes réalités régionales en Occident témoignent de la diversité des expériences vécues par les paysans et mettent en évidence la complexité des structures sociales et économiques de l'époque. La capacité des communautés paysannes à s'adapter et à négocier leur statut a été un facteur déterminant dans l'évolution de l'histoire sociale et économique de l'Europe.


Il y a une autre distinction au sein même de l’Europe d’ouest, entre le Nord et le Sud, sur des questions de pratiques des sols. Dans le Sud (Italie, Grèce, Espagne, Portugal), l’assolement est biennal (on sème en hiver, et on la laisse se reposer. Elle est donc en repos la moitié du temps, et l’agriculture, qui domine l’économie, est en pause la moitié du temps). Dans le Nord, l’assolement est triennal (automne-hiver, printemps, puis jachère. On ne perd que 33 pour cent du temps, au lieu de 50 pour cent).
La distinction entre les systèmes d'assolement biennal et triennal en Europe occidentale durant le Moyen Âge et la période précédant l'industrialisation reflète des adaptations aux conditions climatiques et aux capacités des sols locaux. Ces pratiques agricoles ont joué un rôle crucial dans l'économie rurale et dans la survie des populations. Dans le Sud de l'Europe, les régions comme l'Italie, la Grèce, l'Espagne et le Portugal employaient couramment l'assolement biennal. Ce système divisait les terres agricoles en deux parties : l'une était ensemencée pendant la saison de croissance, et l'autre était laissée en jachère pour récupérer. Ce repos permettait aux nutriments de se renouveler naturellement, mais avait pour conséquence de ne pas exploiter pleinement les terres agricoles chaque année. À l'inverse, dans le Nord de l'Europe, où les conditions climatiques et la fertilité des sols le permettaient, les paysans pratiquaient un assolement triennal. Les terres étaient divisées en trois sections : une pour la culture d'hiver, une pour la culture de printemps, et la dernière pour la jachère. Cette méthode permettait une meilleure utilisation des terres, car seulement un tiers de la terre était en repos à un moment donné, comparativement à la moitié pour l'assolement biennal. L'assolement triennal était plus efficace, car il optimisait l'utilisation des terres et augmentait la production agricole. Cela a eu pour effet d'accroître la disponibilité des ressources alimentaires et de soutenir une population plus nombreuse. Par ailleurs, cette technique a contribué à l'augmentation de la population des animaux d'élevage, car les terres en jachère pouvaient être utilisées comme pâturages, ce qui n'était pas le cas dans le système biennal. La transition vers l'assolement triennal dans le Nord a été l'un des facteurs qui ont permis une plus grande résilience et une expansion démographique avant l'avènement des fertilisants chimiques et des méthodes agricoles modernes. Cette différenciation régionale reflète l'ingéniosité et l'adaptation des sociétés rurales européennes aux conditions environnementales et économiques de leur temps.


On trouve donc une frontière socio-économique entre l’Est et l’Ouest qui n’est donc pas si récente que cela comme on aurait tendance à le croire.
La frontière socio-économique entre l'Est et l'Ouest de l'Europe n'est pas un phénomène exclusivement moderne. Elle trouve ses racines dans l'histoire longue du continent, notamment à partir du Moyen Âge et s'est prolongée à travers les siècles avec des caractéristiques distinctes de développement agraire et social. À l'Est, avec le phénomène du "Deuxième servage" après le Moyen Âge, la liberté des paysans a été fortement restreinte, les soumettant à un régime de servitude envers la noblesse locale et les grands propriétaires terriens. Cette situation a engendré des structures agricoles caractérisées par de grandes exploitations seigneuriales, où les paysans étaient souvent peu motivés à améliorer les rendements car ils ne bénéficiaient pas directement des fruits de leur labeur. À l'Ouest, par contre, bien que la structure féodale ait également prévalu, on a assisté à une émancipation progressive des paysans et à un développement agricole qui favorisait une plus grande productivité et diversité des cultures. Les pratiques comme l'assolement triennal, l'élevage et la rotation des cultures ont favorisé une augmentation de la production alimentaire, permettant ainsi de nourrir une population croissante et de contribuer au développement des villes. Cette divergence entre l'Est et l'Ouest de l'Europe a conduit à des différences notables dans le développement économique et social. À l'Ouest, les transformations agricoles ont servi de base à la Révolution industrielle, tandis que l'Est a souvent maintenu des structures agraires plus traditionnelles et rigides, ce qui a retardé son industrialisation et a contribué à perpétuer les inégalités économiques et sociales entre les deux régions. Ces disparités historiques ont eu des répercussions durables qui peuvent encore être perçues dans les dynamiques politiques, économiques et culturelles contemporaines de l'Europe.


= Une agriculture de subsistance =
= Une agriculture de subsistance =
Au Moyen-Âge, tous les paysans d’Europe sont en servitude de la noblesse. Au XVIIIème siècle, hormis quelques exceptions, tous sont devenus libres, mais on ne sait pas comment.  
La transition des paysans d'un statut servile à la liberté en Europe au Moyen Âge s'est opérée à travers une multitude de facteurs qui interagissaient souvent les uns avec les autres, et le processus était loin d'être uniforme à travers le continent. Au fur et à mesure que la population augmentait et que les villes grandissaient, des possibilités de travail en dehors de l'agriculture traditionnelle commençaient à voir le jour, permettant à certains serfs d'aspirer à une vie différente en tant que citadins. L'évolution des pratiques agricoles, la hausse de la productivité et le début du capitalisme avec son commerce en expansion nécessitaient une main-d'œuvre plus libre et mobile, contribuant ainsi à remettre en question le système servile traditionnel. Les serfs, quant à eux, n'acceptaient pas toujours leur sort sans contestation. Les révoltes paysannes, bien que souvent écrasées, pouvaient parfois conduire à des concessions de la part de la noblesse. Dans le même temps, certaines régions ont vu des réformes législatives qui abolissaient la servitude ou amélioraient la condition des paysans, sous l'influence de divers facteurs allant de l'économie à l'éthique. Paradoxalement, les crises telles que la Peste Noire ont également joué un rôle dans cette transformation. La mort massive de la population a créé une pénurie de main-d'œuvre, donnant aux paysans survivants une plus grande marge de manœuvre pour négocier leur statut et leurs salaires. Toutefois, en dépit de ces avancées vers la liberté, au XVIIIe siècle, alors que la majorité des paysans en Europe occidentale étaient libres de leur personne, leur liberté économique restait souvent limitée. Les systèmes de tenure foncière les obligeaient toujours à payer des rentes ou à fournir des services en échange de l'accès à la terre. Cela contrastait fortement avec de nombreuses parties de l'Europe de l'Est, où la servitude a persisté, s'intensifiant même dans certains cas, avant d'être finalement abolie au XIXe siècle. Cette émancipation des paysans occidentaux ne signifiait pas pour autant qu'ils accédaient à une égalité sociale ou à une indépendance économique totale. Les structures de pouvoir et la propriété des terres restaient très inégalitaires, gardant une grande partie de la population rurale dans un état de dépendance économique, même si leur statut légal avait changé.  


L’agriculture est une agriculture de survie, elle permet de rester en vie et elle est avant tout céréalière se concentrant à savoir sur le blé et l'orge. Les paysans produisent leur nourriture et de celle de leurs familles. Les ¾ de la nourriture proviennent des céréales. On parle de "tyrannie des blés", car les paysans sont dépendants de cette culture dominante. Il faut noter qu'à l’époque, la consommation moyenne d’un individu par jour en céréales était de 800 grammes à 1 kilogramme, alors qu’aujourd’hui elle est de 150gr à 200gr. Ainsi, la consommation de céréales était la principale source de calories dans les sociétés préindustrielles. Ce choix de production est notamment dû au fait que la culture de céréales est 10 fois plus productive que l'élevage du bétail. On est tout de même dans des sociétés de pauvreté de masse, qui vivent justes au-dessus du fil du rasoir, le rendement n’étant pas très efficace (rapport entre la quantité semée et celle récoltée. Au Moyen-Âge, on semait 1 grain et on en récoltait de 5 à 6. Il faut prendre en compte qu’il faut semer à nouveau une partie de ce que l’on récolte, c’est la soudure, à cause de laquelle les gens mourraient : on mourrait de faim bien qu’il y ait tout de même des réserves que l’on gardait pour être semées).  
Durant l'époque préindustrielle, l'agriculture constituait la base de la survie pour la grande majorité des Européens. Cette agriculture était fortement orientée vers la production céréalière, le blé et l'orge étant les principales cultures. Les paysans produisaient ce qu'ils consommaient, travaillant essentiellement pour nourrir leurs familles et pour s'assurer un minimum vital pour survivre. L'importance des céréales était telle qu'elle représentait les trois quarts de leur régime alimentaire, d'où l'expression "tyrannie des blés", qui illustre la dépendance à ces cultures. À cette époque, un individu consommait quotidiennement entre 800 grammes et 1 kilogramme de céréales, contre seulement 150 à 200 grammes dans les sociétés modernes. Cette consommation élevée reflète l'importance des céréales comme source principale de calories. Les céréales étaient préférées à l'élevage car elles étaient environ dix fois plus productives en termes de nourriture produite par hectare. Les céréales pouvaient nourrir une population nombreuse, alors que l'élevage nécessitait de vastes étendues de terres pour un rendement beaucoup moins important en termes de calories humaines. Cependant, cette agriculture était caractérisée par de faibles rendements et une grande vulnérabilité aux mauvaises récoltes. Au Moyen-Âge, semer un grain pouvait en moyenne donner cinq à six grains lors de la récolte. Il fallait en outre mettre de côté une partie de cette récolte pour les semences futures, ce qui impliquait une période de soudure où les réserves alimentaires s'amenuisaient avant la nouvelle récolte. Cette période était particulièrement critique, et les famines n'étaient pas rares lorsque les récoltes étaient insuffisantes. La population vivait donc constamment sur le fil du rasoir, avec peu de marge pour faire face aux aléas climatiques ou aux épidémies qui pouvaient décimer les récoltes et, par conséquent, la population elle-même.  


Cette faiblesse des rendements céréaliers est due aux techniques agricoles qui sont limitées. Les conséquences de la faiblesse de la production de fer étaient que les socs des charrues étaient en bois, et donc fragiles et peu efficaces. La pauvreté est un piège pour les paysans, qui, après avoir échangé leur récolte contre de la farine et payé leurs imports, n’avaient plus rien pour, par ex., demander à un artisan forgeron de leur faire un bon soc en fer.  
Les techniques agricoles médiévales étaient limitées par la technologie de l'époque. La production de fer était insuffisante et coûteuse, ce qui avait un impact direct sur l'outillage agricole. Les socs de charrue étaient souvent en bois, matériel bien moins durable et efficace que le fer. Un soc en bois s'usait rapidement, réduisant l'efficacité du labour et limitant la capacité des paysans à cultiver efficacement la terre. Le cercle vicieux de la pauvreté exacerbait ces difficultés techniques. Après la récolte, les paysans devaient vendre une grande partie de leurs grains pour obtenir de la farine et payer divers impôts et dettes, ce qui leur laissait peu de moyens pour investir dans de meilleurs outils. Le manque de moyens financiers pour acheter un soc en fer, par exemple, empêchait l'amélioration de la productivité agricole. Un meilleur équipement aurait permis de cultiver la terre plus profondément et plus efficacement, augmentant potentiellement les rendements. De plus, la dépendance à des outils inefficaces limitait non seulement la quantité de terres qui pouvaient être cultivées, mais aussi la vitesse à laquelle elles pouvaient l'être. Cela signifiait que même si les connaissances agricoles ou les conditions climatiques permettaient une meilleure production, les limitations matérielles posaient un plafond à ce que les techniques agricoles de l'époque pouvaient réaliser.  


Le fait d’avoir à maintenir le sol en état était un autre problème. Les déjections animales et humaines servaient d’engrais. Il est par exemple possible de citer le cas de l’Île-de-France qui devait sa fertilité à Paris, où la population produisait l’engrais. Les vaches, bonnes productrices de déjections, n’étaient pas, géographiquement, au même endroit que les plantations, à cause de la tyrannie des céréales : les élevages se trouvaient dans les montagnes, terres pauvres (Pyrénées, Alpes, Massif central), et le cout du transport était très élevé. Et donc l’engrais n’est pas là où il devrait être.
La fertilisation des sols était une question centrale dans l'agriculture préindustrielle. Sans l'utilisation d'engrais chimiques, modernes et efficaces, les paysans dépendaient des déjections animales et humaines pour maintenir la fertilité des terres cultivables. L'Île-de-France est un exemple classique où l'urbanisation dense, comme à Paris, pouvait fournir une quantité substantielle de matières organiques qui, une fois traitées, pouvaient être utilisées comme engrais pour les terres agricoles environnantes. Ces pratiques étaient cependant limitées par la logistique de l'époque. La concentration de l'élevage dans des régions montagneuses était en partie due aux caractéristiques géographiques qui rendaient ces zones moins propices à la culture intensive de céréales mais plus adaptées au pâturage en raison de leur sol pauvre et de leur relief accidenté. Les Alpes, les Pyrénées et le Massif Central sont des exemples de telles zones en France. Le transport de fumier sur de longues distances était prohibitivement coûteux et difficile. Sans système de transport moderne, le déplacement de grandes quantités de matière aussi lourde et encombrante que le fumier représentait un défi logistique majeur. La « tyrannie des céréales » fait référence à la priorité donnée à la culture des céréales au détriment de l'élevage, et cette priorisation avait des conséquences pour la gestion de la fertilité des sols. Là où l'élevage était pratiqué, les déjections pouvaient être utilisées pour fertiliser les sols localement, mais cela ne bénéficiait pas aux régions éloignées, céréalières, qui en avaient grandement besoin pour augmenter les rendements agricoles. La gestion de la fertilité des sols était complexe et était soumise aux contraintes de l'économie agraire de l'époque. Sans les moyens de transporter efficacement l'engrais ou sans l'existence d'alternatives chimiques, le maintien de la fertilité du sol restait un défi constant pour les agriculteurs préindustriels.


= La faiblesse des rendements céréaliers =
= La faiblesse des rendements céréaliers =


== Les rendements restent faibles ==
== Les rendements restent faibles ==
Un rendement est un ratio entre quantité récoltée et quantité semée. En cas de mauvaises récoltes, c'est la loi du plus fort qui s'applique, à savoir que les plus faibles vont mourir en vertu de la famine.
Le rendement agricole est le rapport entre la quantité de produit récolté et la quantité semée, généralement exprimé en terme de grain récolté pour chaque grain semé. Dans les sociétés agricoles préindustrielles, de faibles rendements pouvaient avoir des conséquences désastreuses. Les mauvaises récoltes étaient souvent causées par des conditions météorologiques défavorables, des ravageurs, des maladies des cultures ou des techniques agricoles inadéquates. Lorsque la récolte échouait, les populations qui dépendaient de cette récolte pour leur subsistance se retrouvaient face à une pénurie alimentaire. La famine pouvait en résulter, avec des effets dévastateurs. La "loi du plus fort" peut être interprétée de plusieurs manières. D'une part, elle peut signifier que les membres les plus vulnérables de la société - les jeunes, les vieux, les malades et les pauvres - étaient souvent les premiers à souffrir en période de famine. D'autre part, sur le plan social et politique, cela pourrait impliquer que les élites, ayant de meilleures ressources et plus de pouvoir, pouvaient accaparer les ressources restantes, renforçant ainsi les structures de pouvoir existantes et accentuant les inégalités sociales. La famine et la malnutrition chronique étaient des moteurs de la mortalité élevée dans les sociétés préindustrielles, et la lutte pour la sécurité alimentaire était une constante dans la vie de la plupart des paysans. Cela a conduit à diverses adaptations, comme le stockage des aliments, les régimes alimentaires diversifiés, et avec le temps, l'innovation technologique et agricole pour augmenter les rendements et réduire le risque de famine.


À cette époque, la quantité récoltée sur la quantité semée était de 5-6 grains pour 1 semée en moyenne, alors qu’à cette même époque, à Genève, elle est de 4 grains pour 1. Cela dépend donc des régions. Mais en général, les rendements sont très faibles comparés à ceux que l’on obtient aujourd’hui.  
Les rendements agricoles au Moyen Âge étaient nettement inférieurs à ceux que l'agriculture moderne a réussi à atteindre grâce aux avancées technologiques et aux méthodes de culture améliorées. Les rendements de 5-6 pour 1 sont considérés comme typiques pour certaines régions européennes pendant cette période, bien que ces chiffres puissent varier considérablement en fonction des conditions locales, des méthodes de culture, de la fertilité des sols et du climat. Le cas de Genève avec un rendement de 4 pour 1 illustre bien ces variations régionales. Il est important de se rappeler que les rendements étaient non seulement limités par la technologie et les connaissances agricoles de l'époque, mais aussi par la variabilité climatique, les ravageurs, les maladies des plantes et la qualité des sols. L'agriculture médiévale reposait sur des systèmes tels que l'assolement triennal qui amélioraient quelque peu les rendements par rapport aux méthodes encore plus anciennes, mais la productivité restait faible par rapport aux normes modernes. Les paysans devaient aussi conserver une partie de leur récolte pour les semences de l'année suivante, ce qui limitait la quantité de nourriture disponible pour la consommation immédiate.


== Raisons des faiblesses de rendement ==
== Raisons des faiblesses de rendement ==
Les quantités sont faibles, car elles sont piégées par la « tyrannie des céréales » liées à différents facteurs comme les problèmes d’engrais, le coût des transports ou encore médiocrité des techniques agricoles parmi d'autres.
La "tyrannie des céréales" caractérise les contraintes majeures de l'agriculture préindustrielle. La fertilité des sols, cruciale pour de bonnes récoltes, dépendait fortement du fumier animal et des déchets humains, faute de fertilisants chimiques. Cette dépendance posait un problème particulier dans les zones montagneuses où l'éloignement des élevages limitait l'accès à cet engrais naturel, réduisant les rendements des cultures. Le coût et la logistique du transport, dans une époque sans moyens modernes de déplacement, rendaient le transfert des biens comme le fumier, essentiel à la fertilisation des champs, aussi coûteux qu'impraticable sur de longues distances. Les méthodes agricoles de l'époque, avec leurs outils rudimentaires et leurs techniques de labour et de semis peu avancées, n'aidaient en rien à améliorer la situation. Les charrues en bois, moins efficaces que leurs homologues en métal, ne permettaient pas d'exploiter pleinement le potentiel des terres cultivées. En outre, l'alimentation de l'époque était dominée par la consommation de céréales, perçues comme une source de calories fiable et stockable pour les périodes de disette, notamment l'hiver. Cette focalisation sur les céréales entravait le développement d'autres formes d'agriculture, telles que l'horticulture ou l'agroforesterie, qui auraient pu s'avérer plus productives. La structure sociale et économique du système féodal ne faisait qu'exacerber ces difficultés. Les paysans, accablés par le poids des redevances et des impôts, avaient peu de moyens ou d'incitation à investir dans l'amélioration de leurs pratiques agricoles. Et, lorsque les conditions météorologiques s'avéraient défavorables, les récoltes pouvaient être gravement affectées, les sociétés médiévales ayant peu de stratégies pour gérer les risques liés aux aléas climatiques. Ainsi, dans un tel contexte, la production agricole se focalisait davantage sur la survie que sur le profit ou l'accumulation de richesses, limitant les possibilités d'évolution et de développement de l'agriculture.
 
*faiblesse des investissements
La faiblesse des investissements dans l'agriculture préindustrielle est un phénomène qui trouve ses racines dans plusieurs aspects structurels de l'époque. Les paysans étaient souvent entravés par un manque de ressources financières pour améliorer la qualité de leur outillage et de leurs méthodes de culture. Ce manque de capital était exacerbé par un système fiscal oppressif qui laissait peu de marge aux paysans pour accumuler des économies. La charge fiscale imposée par la noblesse et les autorités féodales signifiait que la plupart des récoltes et des revenus étaient destinés à satisfaire les divers impôts et taxes, plutôt qu'à être réinvestis dans l'exploitation agricole. De plus, le système socio-économique ne favorisait pas l'accumulation de capital, car il était structuré de manière à maintenir les paysans dans une position de dépendance économique. La précarité de la situation des paysans était telle qu'ils devaient souvent se concentrer sur la satisfaction des besoins immédiats de survie, plutôt que sur des investissements à long terme qui auraient pu améliorer les rendements et les conditions de vie. Cette absence de moyens pour l'investissement était renforcée par le manque d'accès au crédit et par une aversion au risque justifiée par la fréquence des aléas naturels, tels que les mauvaises conditions météorologiques ou les fléaux tels que les invasions de sauterelles et les maladies des plantes, qui pouvaient anéantir les récoltes et, avec elles, les investissements effectués.
Il y a une absence des ressources afin d'investir qualitativement. Il subsiste trop de risques en cas de transformation du secteur. Ces paysans n'ont as d’argent parce qu’ils paient des impôts.
 
Le stéréotype du paysan conservateur trouve ses racines dans les conditions matérielles et socio-économiques des sociétés préindustrielles. Dans ces sociétés, l'agriculture de subsistance était la norme : elle visait à produire suffisamment pour nourrir le producteur et sa famille, avec peu de surplus pour le commerce ou l'investissement. Ce mode de production était étroitement lié aux rythmes naturels et aux savoirs traditionnels, qui avaient fait leurs preuves au fil des générations. Les paysans dépendaient fortement de la première récolte pour subsister jusqu'à la suivante. Ainsi, tout changement dans les méthodes de culture représentait un risque considérable. En cas d'échec, les conséquences pouvaient être désastreuses, allant de la disette à la famine. Par conséquent, s'écarter des pratiques éprouvées n'était pas seulement vu comme imprudent, c'était une menace directe à la survie. La résistance au changement n'était donc pas simplement une question de mentalité ou d'attitude, mais une réaction rationnelle aux conditions d'incertitude. Innover signifiait risquer de perturber un équilibre fragile, et lorsque la marge entre la survie et la famine est mince, la prudence prime sur l'expérimentation. Les paysans ne pouvaient se permettre le luxe des erreurs : ils étaient les gestionnaires d'un système où chaque grain, chaque animal et chaque outil avait une importance vitale. En outre, cette prudence était renforcée par des structures sociales et économiques qui décourageaient le risque. Les opportunités de diversification étaient limitées, et les systèmes de soutien social ou d'assurance contre les mauvaises récoltes étaient pratiquement inexistants. Les paysans étaient souvent endettés ou tenus par des obligations envers les propriétaires terriens ou l'État, ce qui les contraignait à une production sûre et constante pour répondre à ces engagements. Le stéréotype du paysan conservateur s'inscrit donc dans une réalité où le changement était synonyme de danger, et où l'adhérence aux traditions était une stratégie de survie, dictée par les aléas de l'environnement et les impératifs d'une vie précaire.
*paysan conservateur ("stéréotype")
 
En contexte de pauvreté des préindustrielles, le changement d'une pratique agricole est dangereux, car elle doit obéir à un principe de subsistance et de survie. Les paysans sont très dépendant de la qualité de la  première récolte. L'agriculture pratiquée est une agriculture de subsistance et il est donc impossible de jouer avec les conditions de survie.
Maintenir la fertilité du sol était un défi constant pour les paysans médiévaux. Leur dépendance à l'égard des engrais naturels comme les déjections animales et humaines souligne l'importance des boucles de nutriments locaux dans l'agriculture de cette époque. La concentration de la population dans des centres urbains comme Paris créait des sources abondantes de matière organique qui, lorsqu'elle était utilisée comme engrais, pouvait améliorer considérablement la fertilité des sols environnants. Cela explique en partie pourquoi des régions comme l'Île-de-France étaient reconnues pour leur sol fertile. Cependant, la structure agricole de l'époque entraînait une séparation géographique entre les zones d'élevage et les zones de culture céréalière. Les élevages étaient souvent situés dans des zones montagneuses aux sols moins fertiles, où les terres n'étaient pas appropriées pour la culture intensive des céréales, mais qui pouvaient supporter le pâturage. Les régions de pâturage telles que les Pyrénées, les Alpes, et le Massif Central étaient donc éloignées des régions céréalières. Le transport de l'engrais, du fait de la distance et du coût, était donc problématique. Les techniques de transport étaient rudimentaires et coûteuses, et les infrastructures comme les routes étaient souvent en mauvais état, ce qui rendait le déplacement de matériaux encombrants comme le fumier non viable économiquement. En conséquence, les champs céréalières manquaient souvent de l'apport nécessaire en nutriments pour maintenir ou améliorer leur fertilité. Cette situation créait un cercle vicieux la terre s'épuisait plus rapidement qu'elle ne pouvait être régénérée naturellement, entraînant une diminution des rendements et une pression accrue sur les paysans pour nourrir une population croissante.
*Le fait d’avoir à maintenir le sol en état était un autre problème. Les déjections animales et humaines servaient d’engrais (donc l’Île-de-France était fertile grâce à paris, ou la population produisait l’engrais). Les vaches, bonnes productrices de déjections, n’étaient pas, géographiquement, au même endroit que les plantations, à cause de la tyrannie des céréales : les élevages se trouvaient dans les montagnes, terres pauvres (Pyrénées, Alpes, Massif central), et le cout du transport était très élevé. Donc, l’engrais n’est pas là il devrait être.  


*Situation du blocage  
La perception du blocage dans les sociétés agricoles médiévales vient en partie de la structure économique de l'époque, qui était principalement rurale et basée sur l'agriculture. Les rendements agricoles étaient généralement bas, et l'innovation technologique lente par rapport aux standards modernes. Cela était dû à divers facteurs, comme le manque de connaissances scientifiques avancées, le peu d'outils et de techniques agricoles à disposition, et une certaine résistance au changement due aux risques associés à l'essai de nouvelles méthodes. Dans ce contexte, la classe urbaine était souvent perçue comme un fardeau supplémentaire pour les paysans. Bien que les habitants des villes dépendent de la production agricole pour leur survie, ils étaient aussi souvent vus comme des parasites dans le sens où ils consommaient les surplus sans contribuer directement à la production de ces ressources. Les citadins, qui incluaient des commerçants, des artisans, des clercs, et la noblesse, étaient dépendants des paysans pour leur nourriture, mais ne partageaient pas toujours équitablement les charges et les bénéfices de la production agricole. Le résultat était un système économique où les paysans, qui formaient la majorité de la population, travaillaient dur pour produire suffisamment de nourriture pour tous, mais voyaient une partie significative de leur récolte consommée par ceux qui ne participaient pas à la production. Cela pouvait créer des tensions sociales et économiques, surtout dans les années de mauvaises récoltes où les excédents étaient limités. Cette dynamique était aggravée par le système féodal, où la terre était détenue par la noblesse, qui imposait souvent des taxes et des corvées aux paysans. Cela limitait encore plus la capacité des paysans à investir dans des améliorations et à accumuler des surplus, ce qui maintenait le statu quo et entravait le progrès économique et technologique.
Ces sociétés sont bloquées : les rendements sont faibles et l’innovation technologique est pratiquement inexistante. Sur cette paysannerie pèse un autre parasite : la paysannerie produit la nourriture pour la survie des gens, et les parasites sont les habitants des villes. → Les citadins sont vus comme ceux qui prennent le peu des excédents agricoles aux paysans.


= La loi des 15% de Paul Bairoch =
= La loi des 15% de Paul Bairoch =
Les sociétés d'ancien régime ne pouvaient supporter plus de 15% de citadins<ref>Utenda. "La Loi Des 15%." Flashcards. Quizlet, 1 Aug. 2014. Web. 03 Oct. 2014. <http://quizlet.com/45990358/heg-flash-cards/>.</ref>. Les citadins peuvent être qualifiés de parasites qui se nourrissent sur le dos des paysans qui produisent déjà peu de marges donc qui peinent à se nourrir eux-mêmes. Entre 75% et 80% de la population active doit cultiver. Les paysans, en hiver, restent au coin du feu, tandis que l'artisan continue à travailler. Entre 70% et 75% de la masse de travail est dans l’agriculture. Les autres commerçants, artisans continuent de travailler en hiver d'où entre 25% et30% de non-agriculteurs (100*-70%) qui sont des forgerons, charpentiers ou encore  le clergé, des notaires, des instituteurs. Ils représentent 15% de la population en tant que citadins qui représentent un maximum.{{Mal dit}}
Les sociétés de l'Ancien Régime avaient des contraintes économiques très strictes liées à leur base agricole. La capacité à soutenir une population non agricole, comme celle des villes, était directement dépendante de la productivité de l'agriculture. Puisque les techniques agricoles de l'époque limitaient sévèrement les rendements, seule une petite fraction de la population pouvait se permettre de ne pas participer directement à la production alimentaire. Les statistiques illustrent cette dépendance. Si 75% à 80% de la population doit travailler dans l'agriculture pour subvenir aux besoins alimentaires de la population entière, cela ne laisse que 20% à 25% de la population pour d'autres tâches, y compris les fonctions vitales au sein de la société telles que le commerce, l'artisanat, le clergé, l'administration, et l'éducation. Dans ce contexte, les citadins qui représentaient environ 15% de la population étaient perçus comme des "parasites" dans le sens où ils consommaient des ressources sans contribuer directement à leur production. Toutefois, cette perception néglige l'apport culturel, administratif, éducatif, et économique que ces citadins fournissaient. Leur travail était essentiel à la structuration et au fonctionnement de la société dans son ensemble, bien que leur dépendance à l'égard de la production agricole était une réalité indéniable. L'activité des citadins, y compris celle des artisans et des commerçants, ne cessait pas avec les saisons, contrairement aux paysans dont l'activité pouvait être moindre en hiver. Cela renforçait l'image des citadins comme des membres de la société qui vivaient aux dépens des producteurs directs, les paysans, dont le labeur était soumis aux aléas des saisons et à la productivité de la terre.  
La loi des 15% doit se comprendre en ces termes : quel poids maximal de citadins non-producteurs de leur propre nourriture, une société fondamentalement agricole peut-elle se permettre de supporter ? L’historien Paul Bairoch apporte une réponse indirecte à travers le calcul suivant :
#sous l’ancien régime, 75 à 80 % de la population active (= les travailleurs) est engagée dans l’agriculture.
#comme les paysans ne travaillent pas à la morte-saison (hiver) alors que les artisans des villes peuvent être actifs toute l’année, il est plus juste de parler de 70 à 75 % de la force de travail engagée dans l’agriculture.
#il reste donc 100 – 70 à 75, donc 25% à 30 % de la force de travail qui pourrait travailler ailleurs que dans l’agriculture et être nourris par les paysans.
#,mais il y a à la campagne des personnes qui ne travaillent pas dans l’agriculture (forgerons, menuisiers, curés, etc.) alors qu’il n’y a pratiquement pas d’agriculteurs qui vivent en ville. C’est ce qui amène Bairoch à situer à 15 % de la population totale la proportion maximale d’habitants des villes qu’une société traditionnelle pouvait supporter.
   
   
C’est une estimation, bien sûr. Le passage de 3 à 4 peut-être jugé comme contestable et fait par l’auteur un peu « au feeling ». Mais les taux d’urbanisation (pourcentage d’habitants d’un pays ou continent vivant en ville) ont effectivement été inférieurs à 15 % jusqu’à la Révolution industrielle.
La loi des 15% formulée par l'historien Paul Bairoch illustre les limitations démographiques et économiques des sociétés agricoles avant l'ère industrielle. Cette loi stipule qu'un maximum de 15% de la population totale pouvait être constitué de citadins, c'est-à-dire de personnes qui ne produisaient pas leur propre nourriture et qui dépendaient donc des surplus agricoles. Durant l'Ancien Régime, la grande majorité de la population, soit entre 75 à 80%, était activement engagée dans l'agriculture. Cette forte proportion reflète la nécessité d'une main-d'œuvre abondante pour répondre aux besoins alimentaires de la population. Toutefois, cette activité étant saisonnière, les paysans ne travaillaient pas durant l'hiver, ce qui signifie qu'en termes de force de travail annuelle, on estimait que 70 à 75% de celle-ci était réellement investie dans l'agriculture. En se basant sur ces chiffres, il resterait alors 25 à 30% de la force de travail disponible pour d'autres activités que l'agriculture. Néanmoins, il est important de prendre en compte que même en milieu rural, il y avait des travailleurs non agricoles, comme les forgerons, les charpentiers, les curés, etc. Leur présence dans les campagnes réduisait d'autant la marge de main-d'œuvre qui pouvait être allouée aux villes. En tenant compte de ces éléments, Bairoch conclut que la population urbaine, celle qui vivait des activités non agricoles dans les villes, ne pouvait pas excéder 15% du total. Cette limite était imposée par la capacité productive de l'agriculture de l'époque et la nécessité de subvenir aux besoins alimentaires de l'ensemble de la population. En conséquence, les sociétés préindustrielles étaient principalement rurales, avec des centres urbains restant relativement modestes par rapport à la population globale. Cette réalité souligne l'équilibre précaire sur lequel reposaient ces sociétés, qui ne pouvaient soutenir un nombre croissant de citadins sans risquer de compromettre leur sécurité alimentaire.


* Ref : De Jéricho à Mexico - Paul Bairoch
Le concept évoqué par Paul Bairoch dans son ouvrage "De Jéricho à Mexico" met en lumière le lien entre l'agriculture et l'urbanisation dans les sociétés préindustrielles. L'estimation selon laquelle les taux d'urbanisation restaient inférieurs à 15% jusqu'à la Révolution industrielle s'appuie sur une analyse historique des données démographiques disponibles. Bien que l'ajustement de 3 à 4 puisse sembler arbitraire, il sert à refléter la marge nécessaire pour des activités autres que l'agriculture, même en tenant compte des artisans et autres professions non agricoles en milieu rural. Cette limite d'urbanisation était indicative d'une société où l'essentiel des ressources était consacré à la survie, laissant peu de marge pour l'investissement dans des innovations qui auraient pu dynamiser l'économie et augmenter la productivité agricole. Les villes, historiquement les centres d'innovation et de progrès, ne pouvaient alors pas se développer au-delà de ce seuil de 15% car la capacité agricole ne permettait pas de nourrir une population urbaine plus importante. Cependant, cette dynamique a commencé à changer avec l'avènement de la Révolution industrielle. Les innovations technologiques, notamment dans les domaines de l'agriculture et du transport, ont permis une augmentation spectaculaire des rendements agricoles et une baisse des coûts de transport. Ces développements ont libéré une partie de la population de la nécessité du travail agricole, permettant ainsi une urbanisation accrue et l'émergence d'une société plus diversifiée sur le plan économique, où l'innovation pouvait florir en milieu urbain. En d'autres termes, alors que les sociétés d'Ancien Régime étaient confinées dans une certaine stase due à leurs limites agricoles, les progrès technologiques ont progressivement débloqué le potentiel d'innovation et ouvert la voie à l'ère moderne.
**Taux d'urbanisation (pourcentage d'habitants qui vit en ville) (entre 10-13%) vérifié dans l'EU d'ancien régime, en Chine (pas plus de 15% non plus)... Vérification de la loi des 15%
**Blocage : Espace d'innovation vient de la ville


Il est possible de conclure qu'il y a un développement d’innovation qui est bloqué.
= Des sociétés de pauvreté de masse =
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= Des sociétés de pauvreté de masse =
Le tableau présenté offre une vue d'ensemble sur la progression de la démographie et de l'urbanisation en Europe de 1300 à 1750. Durant cette période, la population européenne s'est accrue de 75 millions à 120 millions d'habitants, reflétant une croissance démographique graduelle malgré les aléas historiques tels que la Peste Noire qui a fortement réduit la population au XIVe siècle. On observe également une tendance à l'urbanisation avec le nombre de personnes vivant dans des villes passant de 7,9 à 14,7 millions. Cette urbanisation est toutefois lente et ne témoigne pas d'une migration vers les villes en grande échelle mais plutôt d'un développement constant de celles-ci. Le pourcentage de la population vivant en milieu urbain reste en dessous de 15 %, ce qui renforce l'idée d'une société préindustrielle principalement agricole. La variation annuelle du taux d'urbanisation et de la population totale est assez faible, ce qui indique des changements démographiques progressifs et non des transformations rapides ou radicales. Cela suggère que l'évolution démographique et l'urbanisation en Europe étaient le résultat d'évolutions lentes et stables, marquées par un développement graduel des infrastructures urbaines et une capacité croissante, bien que modeste, des villes à supporter une population plus nombreuse. En résumé, ces données dépeignent une Europe qui avance lentement vers une société plus urbanisée, mais dont les racines restent profondément ancrées dans l'agriculture, avec des villes servant davantage de centres commerciaux et administratifs que de hubs de production industrielle.
[[Fichier:Évolution de la population urbaine et du taux d'urbanisation de l'Europe 1300 - 1750.png|vignette]]


Le monde agricole avec des agriculteurs sous-employés, mal nourris et en mauvaise santé connait une forte mortalité infantile et une forte mortalité qui se traduit par une espérance de vie très basse aux alentours de 25 et 30 ans faisant de quelqu'un de 40 ans un vieillard. Les corps étaient usés littéralement de manière précoce par la dureté des conditions d'existence.
Les conditions de vie dans les sociétés agricoles préindustrielles étaient extrêmement dures et pouvaient avoir un impact significatif sur la santé et la longévité des populations. L'agriculture de subsistance, le travail physique intense, les régimes alimentaires limités, le manque d'hygiène et l'accès restreint aux soins médicaux contribuaient à une mortalité infantile élevée et à une espérance de vie réduite. Une espérance de vie moyenne aux alentours de 25 à 30 ans ne signifie cependant pas que la plupart des individus mouraient à cet âge. Ce chiffre est une moyenne influencée par le très grand nombre de décès d'enfants en bas âge. Les enfants qui survivaient à l'enfance avaient une chance raisonnable d'atteindre l'âge adulte et de vivre jusqu'à 50 ans ou plus, bien que cela restât moins commun qu'aujourd'hui. Un individu atteignant 40 ans était certainement considéré comme plus âgé que par les standards actuels, mais pas nécessairement un "vieillard". Cependant, l'usure du corps due à un travail manuel exténuant dès le plus jeune âge pouvait certainement donner l'apparence et les maux associés à une vieillesse précoce. Les individus souffraient souvent de problèmes dentaires, de maladies chroniques et d'une usure générale du corps qui les faisaient paraître plus âgés que ne le ferait une personne du même âge aujourd'hui, avec un accès à de meilleurs soins de santé et à une alimentation plus variée. Les épidémies, les famines et les guerres venaient encore aggraver cette situation, réduisant d'autant plus les perspectives de vie longue et en bonne santé. C'est pourquoi la population agricole de l'époque, confrontée à une existence précaire, devait souvent compter sur une solidarité communautaire pour survivre dans un environnement aussi impitoyable.


Les paysans sont mal nourris d’où une affectation fréquente de leur système immunitaire qui pour une simple grippe pouvait les conduire à la mort, comme leur organisme était constamment fragilisé par cette nourriture médiocre.  
La malnutrition était une réalité courante pour les paysans dans les sociétés préindustrielles. Le manque de diversité alimentaire, avec une diète souvent centrée sur une ou deux céréales de base comme le blé, le seigle ou l'orge, et une consommation insuffisante de fruits, de légumes et de protéines, affectait grandement leur système immunitaire. Les carences en vitamines et minéraux essentiels pouvaient entraîner diverses maladies de carence et affaiblir la résistance aux infections. Les paysans, qui vivaient souvent dans des conditions d'hygiène précaires et dans une proximité étroite avec les animaux, étaient également exposés à une variété de pathogènes. Une "simple" grippe, dans un tel contexte, pouvait s'avérer beaucoup plus dangereuse que dans une population bien nourrie et en bonne santé. Le manque de connaissances médicales et l'accès limité aux soins aggravaient encore la situation. Ces populations étaient aussi confrontées à des périodes de famine, dues à des récoltes insuffisantes ou à des catastrophes naturelles, qui réduisaient encore plus leur capacité à se nourrir correctement. En période de disette, les maladies opportunistes pouvaient se propager rapidement, transformant des affections bénignes en épidémies mortelles. De plus, les périodes de guerre et les réquisitions pouvaient aggraver la situation alimentaire des paysans, rendant la malnutrition encore plus fréquente et sévère.  


En 1588, la Gazette romaine titre "À Rome rien de neuf sinon que l'on meurt-de-faim" tandis que le Pape donnait un banquet {{Référence à confirmer}}. Ce sont des sociétés de pauvreté de masse traduite par une situation précaire.
En 1588, la Gazette romaine titre "À Rome rien de neuf sinon que l'on meurt-de-faim" tandis que le Pape donnait un banquet. Ce sont des sociétés de pauvreté de masse traduite par une situation précaire. Il y a un contraste frappant entre les classes sociales dans les sociétés préindustrielles. La Gazette romaine, en relatant la famine à Rome en même temps qu'un banquet pontifical, met en lumière non seulement l'inégalité sociale mais aussi l'indifférence ou l'impuissance des élites face aux souffrances des plus démunis. La pauvreté de masse était une caractéristique des sociétés d'Ancien Régime, où la grande majorité de la population vivait dans une précarité constante. La subsistance dépendait entièrement de la production agricole, laquelle était sujette aux aléas climatiques, aux ravageurs, aux maladies des cultures et à la guerre. Une mauvaise récolte pouvait rapidement conduire à une famine, exacerbant la pauvreté et la mortalité. Les élites, qu’elles soient ecclésiastiques, nobiliaires ou bourgeoises dans les villes, disposaient de moyens bien plus importants et pouvaient souvent échapper aux conséquences les plus graves des famines et des crises économiques. Les banquets et autres manifestations de richesse dans des périodes de disette étaient perçus comme des signes d'opulence déconnectée des réalités du peuple. Cette fracture sociale était l'une des nombreuses raisons qui pouvaient mener à des tensions et à des soulèvements populaires. L'histoire est ponctuée de révoltes où la faim et la misère ont poussé les populations à se soulever contre un ordre jugé injuste et insensible à leurs souffrances.


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Version actuelle datée du 28 novembre 2023 à 15:03

Basé sur un cours de Michel Oris[1][2]

Structures Agraires et Société Rurale: Analyse de la Paysannerie Européenne PréindustrielleLe régime démographique d'ancien régime : l'homéostasieÉvolution des Structures Socioéconomiques au XVIIIe Siècle : De l’Ancien Régime à la ModernitéOrigines et causes de la révolution industrielle anglaiseMécanismes structurels de la révolution industrielleLa diffusion de la révolution industrielle en Europe continentale La Révolution Industrielle au-delà de l'Europe : les États-Unis et le JaponLes coûts sociaux de la révolution industrielleAnalyse Historique des Phases Conjoncturelles de la Première MondialisationDynamiques des Marchés Nationaux et Mondialisation des Échanges de ProduitsLa formation de systèmes migratoires mondiauxDynamiques et Impacts de la Mondialisation des Marchés de l'Argent : Le Rôle Central de la Grande-Bretagne et de la FranceLa transformation des structures et des relations sociales durant la révolution industrielleAux Origines du Tiers-Monde et l'Impact de la ColonisationEchecs et blocages dans les Tiers-MondesMutation des Méthodes de Travail: Évolution des Rapports de Production de la Fin du XIXe au Milieu du XXeL'Âge d'Or de l'Économie Occidentale : Les Trente Glorieuses (1945-1973)L'Économie Mondiale en Mutation : 1973-2007Les défis de l’État-ProvidenceAutour de la colonisation : peurs et espérances du développementLe Temps des Ruptures: Défis et Opportunités dans l'Économie InternationaleGlobalisation et modes de développement dans les « tiers-mondes »

Paysans labourant un champ - Enluminure d’un manuscrit du XIVème siècle

Entre les XVe et XVIIIe siècles, l'Europe préindustrielle était essentiellement un vaste patchwork de communautés rurales où la vie paysanne, loin d'être une simple toile de fond, formait le coeur battant de la civilisation. Engageant environ 90 % de la population, la paysannerie ne se contentait pas de cultiver la terre ; elle constituait l'ossature vivante de l'économie, façonnant le paysage, nourrissant les nations et tissant les liens sociaux qui unissaient les villages et les terroirs. Leur labeur quotidien sur les sols était bien plus qu'une quête subséquentielle de survie ; il était la force motrice d'une économie en grande partie autarcique, une pièce maîtresse dans la grande machine sociale qui alimentait marchés et cités.

Au sein de cet échiquier agraire, chaque paysan jouait un rôle déterminant, engagé dans un réseau dense de devoirs, non seulement envers le seigneur local mais aussi dans un esprit de solidarité mutuelle. Vivant souvent dans des conditions austères et soumis à la dureté des saisons ainsi qu'aux exigences arbitraires de la noblesse, les paysans ont cependant modelé avec résilience l'économie de leur temps. Il est réducteur de les peindre uniquement comme une classe défavorisée et sans pouvoir ; ils représentaient la plus grande masse sociale de l'Europe préindustrielle et ont été des acteurs clés, parfois révolutionnaires, dans le façonnement de son avenir.

Nous allons plonger dans le quotidien souvent méconnu des paysans européens d'avant l'ère industrielle, en éclairant non seulement leurs pratiques agricoles mais aussi leur place au sein de la hiérarchie sociale et les dynamiques de résistance et de changement qu'ils ont pu engendrer. En les repositionnant au centre de l'analyse, nous redécouvrons les fondements même de l'économie et de la société préindustrielles européennes.

La prédominance de l'agriculture : XVème siècle - XVIIème siècle[modifier | modifier le wikicode]

L'agriculture, pivot central des économies d'Ancien Régime, façonnait de manière prédominante la structure socioprofessionnelle de l'époque. Au cœur de cette organisation économique, on distingue trois branches d'activité principales : le secteur primaire [1], regroupant les activités agricoles, le secteur secondaire [2], concernant l'industrie, et le secteur tertiaire [3], englobant les services. À l'aune du XVIème siècle, le visage démographique de l'Europe était essentiellement rural et agraire, avec environ 80 % de ses habitants investis dans l'agriculture. Cette donnée révèle que quatre personnes sur cinq étaient attachées à la terre, une proportion écrasante qui témoigne de l'ancrage profond de la paysannerie dans la vie économique de l'époque. Le secteur primaire n'était pas seulement le plus gros employeur ; il était le socle de l'existence quotidienne, la majorité de la population active européenne se consacrant à la culture des terres, à l'élevage et aux nombreuses autres tâches qui constituent le travail agricole.

Répartition par grands secteurs de la population active des pays développés à économie de marché, Japon non compris (en pourcentages de la population active totale)

Ce tableau détaille l'évolution de la répartition de la population active entre les secteurs primaire (agriculture), secondaire (industrie) et tertiaire (services) dans les pays à économie de marché développée, à l'exception du Japon. Les pourcentages exprimés reflètent la part de chaque secteur dans la population active totale, de l'an 1500 jusqu'à 1995. Au commencement de la période étudiée, en 1500, l'agriculture engageait environ 80 % de la population active, tandis que l'industrie et les services comptaient chacun environ 10 %. Cette répartition évolue légèrement en 1750, où l'on note une légère diminution pour l'agriculture à 76 %, tandis que l'industrie grimpe à 13 % et les services à 11 %. En 1800, l'agriculture demeure prédominante avec 74 %, mais l'industrie continue son ascension à 16 % et les services restent à 11 %. C'est en 1913 que l'on observe un tournant significatif, l'agriculture représentant alors 40 % de la population active, suivie de près par l'industrie avec 32 % et les services avec 28 %. Ce changement s'accentue dans la seconde moitié du XXe siècle. En 1950, l'agriculture emploie 23 % de la population active, tandis que l'industrie s'établit à 37 % et les services à 40 %, signe d'une diversification économique croissante. L'année 1970 marque un cap où le secteur des services dépasse tous les autres avec 52 %, l'industrie représentant 38 % et l'agriculture seulement 10 %. Cette tendance se confirme dans les décennies suivantes : en 1980, l'agriculture chute à 7 %, l'industrie constitue 34 % et les services 58 %. En 1990, les services s'accroissent pour atteindre 66 %, laissant l'agriculture à 5 % et l'industrie à 29 %. Finalement, en 1995, les services dominent largement avec 67 %, tandis que l'industrie légèrement réduite à 28 % et l'agriculture maintenue à 5 % reflètent un monde où l'économie est fortement orientée vers les services. Cet ensemble de données montre une transition claire des économies développées depuis une prédominance agricole vers une prééminence des services, illustrant les mutations profondes des structures économiques à travers les siècles.

Pour comprendre l'importance prépondérante de l'agriculture dans les économies d'Ancien Régime, il convient de prendre en compte que la valeur monétaire de la production agricole surpassait largement celle des autres secteurs de production. En effet, la richesse des sociétés de cette époque reposait sur l'agriculture, dont la production dominait l'économie de façon considérable, devenant ainsi la principale source de revenus. La répartition de la richesse était donc intrinsèquement liée à l'agriculture. Dans ce contexte, le paysan, qui constituait la majorité de la population, dépendait entièrement de l'agriculture pour sa subsistance. Sa nourriture provenait directement de ce qu'il pouvait cultiver et récolter. Ces sociétés étaient caractérisées par une faible monétarisation de l'économie, avec une préférence marquée pour le troc, un système d'échange direct de biens et de services. Néanmoins, malgré cette tendance au troc, les paysans avaient tout de même besoin de monnaie pour s'acquitter des impôts exigés par l'Église et par les différents niveaux de gouvernement. Ce besoin d'argent contredisait en partie la nature peu monétarisée de leur économie quotidienne, mettant en lumière les exigences contradictoires auxquelles les paysans devaient faire face dans leur gestion des ressources et leurs obligations fiscales.

Dans la société d'Ancien Régime, la structure économique était fortement marquée par la stratification sociale et les privilèges de classe. Les revenus de la noblesse et du clergé, qui constituaient les élites de l'époque, dérivaient en grande partie des contributions du tiers état, c'est-à-dire des paysans et des bourgeois, qui représentaient la très grande majorité de la population. Ces élites s'enrichissaient grâce aux droits seigneuriaux et aux dîmes ecclésiastiques prélevés sur les terres agricoles, terres qui étaient souvent exploitées par les paysans. Les paysans, quant à eux, devaient verser une partie de leur production ou de leur revenu sous forme de taxes et de loyers, constituant ainsi la base des revenus fonciers de la noblesse et des revenus ecclésiastiques du clergé. Ce système fiscal était d'autant plus lourd pour le tiers état que ni la noblesse ni le clergé n'étaient assujettis aux impôts, bénéficiant de diverses exemptions et privilèges. De ce fait, le fardeau fiscal reposait presque entièrement sur les épaules des paysans et des autres classes non privilégiées. Cette dynamique économique met en exergue le contraste saisissant entre les conditions de vie des élites et celles des paysans. Les premiers, bien que numériquement inférieurs, menaient une vie financée par l'exploitation économique des seconds, qui, malgré leur contribution essentielle à l'économie et à la structure sociale, devaient supporter des charges fiscales disproportionnées par rapport à leurs moyens. Cela a conduit à une concentration de la richesse et du pouvoir entre les mains de quelques-uns, pendant que la grande masse vivait dans une précarité matérielle constante.

L'épargne joue un rôle crucial dans l'économie de l'Ancien Régime, car elle constitue le fondement de l'investissement. En effet, c'est grâce à la capacité d'épargner que les individus et les familles pouvaient se permettre d'acquérir des actifs productifs. Dans un contexte où l'agriculture est la pierre angulaire de l'économie, investir dans la terre devient une pratique courante et potentiellement lucrative. L'achat de forêts ou d'autres étendues de terres agricoles représente donc une forme d'investissement privilégié. Les bourgeois, particulièrement dans des villes prospères comme Genève, reconnaissent la valeur de tels investissements et dirigent souvent leur épargne vers l'achat de vignes. Cette activité, réputée pour être plus rentable que l'artisanat ou les services, attire l'attention de ceux qui ont les moyens d'investir. Ils profitent alors du travail des paysans, qui cultivent ces terres en leur nom, leur permettant ainsi de tirer profit de la production sans nécessairement s'impliquer directement dans le travail agricole. Même des marchands urbains, pourvu qu'ils aient amassé suffisamment de richesse, se lancent dans l'achat de terres à la campagne, élargissant leurs portefeuilles d'investissement et diversifiant leurs sources de revenus. Cela illustre bien comment, même au sein des villes, l'économie était intimement liée à la terre et à son exploitation. Toutefois, il est important de noter que le secteur agricole n'était pas uniforme. Il se caractérisait par une grande diversité de situations : certaines régions étaient spécialisées dans des cultures particulières, d'autres étaient connues pour leur élevage, et l'efficacité de l'exploitation pouvait grandement varier en fonction des méthodes agricoles et des droits de propriété en vigueur. Cette hétérogénéité reflétait la complexité de l'économie agraire et les différentes manières dont la terre pouvait être utilisée pour générer des revenus.

La diversité des systèmes agraires[modifier | modifier le wikicode]

À la sortie du Moyen Âge et au fur et à mesure que l'on avance dans les périodes qui suivent, on observe l'émergence de disparités régionales significatives au sein de l'Europe, particulièrement entre l'Est et l'Ouest, ainsi qu'entre le Nord et le Sud. Cette divergence se manifeste notamment dans le statut des paysans et dans les systèmes agraires en vigueur.

La majorité des paysans de l'Europe occidentale ont acquis une forme de liberté à l'aube de l'époque moderne. Cette libération s'est produite progressivement, grâce notamment à l'affaiblissement des structures féodales et à l'évolution des rapports de production et de propriété. En Occident, cette évolution a permis aux paysans de devenir des agriculteurs libres, disposant de droits plus étendus et de meilleures conditions de vie, bien que toujours soumis à diverses formes de contraintes économiques et de dépendances. En revanche, à l'Est de la ligne imaginaire St. Pétersbourg-Trieste, la situation évolue différemment. C'est dans cette région que se développe ce qu'on appelle le "second servage". Ce phénomène se caractérise par un renforcement des contraintes pesant sur les paysans, qui se retrouvent de nouveau enchaînés à la terre par un système de dépendance et d'obligations envers les seigneurs. Les droits des paysans sont considérablement restreints, et ils sont souvent forcés de travailler les terres des seigneurs sans compensation adéquate, ou de verser une partie importante de leur production en guise de rente. Cette dichotomie géographique traduit donc une profonde division socio-économique et légale au sein de l'Europe préindustrielle. Elle influence également le développement économique et social des différentes régions, avec des conséquences qui perdureront pendant des siècles, façonnant la dynamique de l'histoire européenne.

Système domanial[modifier | modifier le wikicode]

Au XVIIe siècle, l'Europe de l'Est subit des changements sociaux et économiques importants qui affectent directement la condition des paysans. Dans les vastes plaines fertiles d'Ukraine, de Pologne, de Roumanie et des Balkans, des terres qui seront connues comme le grenier à blé de l'Europe en raison de leur grande productivité agricole, un phénomène particulier se manifeste: la réimposition du servage, connu sous le nom de "second servage". Ce renouveau du servage est en grande partie orchestré par les "barons baltes", qui sont souvent des seigneurs de guerre ou des aristocrates possédant d'immenses étendues de terres dans ces régions. L'autorité de ces barons repose sur leur pouvoir militaire et économique, et ils cherchent à maximiser les rendements de leurs terres pour s'enrichir et financer leurs ambitions, qu'elles soient politiques ou militaires. La remise en servage des paysans implique une perte de leur autonomie et un retour à des conditions de vie similaires à celles du féodalisme médiéval. Les paysans sont obligés de travailler les terres des seigneurs sans pouvoir revendiquer de propriété sur celles-ci. Ils sont également soumis à des corvées et à des redevances qui réduisent leur capacité à bénéficier du fruit de leur travail. De plus, les paysans sont souvent interdits de quitter la terre du seigneur sans permission, ce qui les attache à leur seigneur et à sa terre d'une manière qui limite sévèrement leur liberté personnelle. L'effet de ces politiques se fait sentir sur l'ensemble de la structure sociale et économique des régions concernées. Bien que ces terres soient très productives et essentielles pour l'approvisionnement en blé et autres céréales du continent, la vie des paysans qui les travaillent est dure et leur statut social est très bas. Ce renforcement de la servitude en Europe de l'Est contraste fortement avec les mouvements vers plus de libertés constatés dans d'autres parties de l'Europe à la même époque.

Le système domanial en Europe de l'Est était une forme d'organisation agraire où les seigneurs, souvent des aristocrates ou des membres de la haute noblesse, établissaient de vastes domaines agricoles. Dans ces domaines, ils exerçaient un contrôle presque total sur de nombreux paysans serfs, qui étaient liés à la terre et contraints de travailler pour le seigneur. Ce système, également connu sous le nom de servage domanial, a notamment persisté dans la Russie tsariste jusqu'à l'émancipation des serfs en 1861. Dans le cadre de ce système, les paysans étaient désignés de manière déshumanisante comme des "âmes", un terme qui souligne leur réduction à de simples unités économiques dans les registres des propriétaires terriens. Leur statut d'êtres humains avec des droits et des aspirations était largement ignoré. Leur condition de vie était généralement misérable : ils ne possédaient pas les terres qu'ils cultivaient et étaient forcés de remettre la plus grande partie de leur production au seigneur, ne conservant que le strict nécessaire pour leur survie. Ainsi, ils n'avaient guère d'incitation à améliorer les rendements ou à innover dans les techniques agricoles, car tout surplus éventuel ne ferait qu'augmenter les richesses du seigneur. L'agriculture pratiquée dans ces domaines était essentiellement une agriculture de subsistance, visant avant tout à éviter la famine plutôt qu'à maximiser la production. Néanmoins, malgré cette focalisation sur la simple survie, les grands domaines réussissaient à produire des excédents significatifs, en particulier de blé, qui étaient exportés vers des pays comme l'Allemagne et la France. Cela était rendu possible grâce à l'immensité des terres et à la densité des populations serfs qui les travaillaient. Ces exportations massives de céréales faisaient de ces domaines des entreprises presque capitalistes en termes de leur rôle dans l'économie de marché, bien que le système lui-même reposait sur des relations de production féodales et sur l'exploitation des serfs. Ce paradoxe met en lumière la complexité et les contradictions des économies européennes préindustrielles, qui pouvaient combiner des éléments d'économie de marché avec des structures sociales archaïques.

Au cœur de l'agriculture européenne préindustrielle, la culture des céréales occupait une place prépondérante, monopolisant jusqu'à trois quarts des terres agricoles. Cette prééminence des céréales, et en particulier du blé, a été qualifiée par certains historiens de "tyrannie des blés". Le blé était crucial car il constituait la base de l'alimentation de subsistance : le pain était l'aliment de base des populations, et la culture du blé était donc essentielle à la survie. Cependant, malgré cette importance cruciale, les terres ne produisaient pas autant qu'elles auraient pu. Les rendements étaient généralement faibles, une conséquence directe des techniques agricoles primitives et de l'absence d'innovation technologique. Les méthodes de culture étaient souvent archaïques, reposant sur des savoirs traditionnels et des outils rudimentaires qui n'avaient pas évolué depuis des siècles. De plus, les investissements nécessaires pour moderniser les pratiques agricoles et accroître les rendements faisaient défaut. La pauvreté généralisée et le système économique de troc prévalent n'offraient pas un terrain fertile pour l'accumulation de capital nécessaire à de tels investissements. Les élites, absorbant la majeure partie des flux monétaires à travers des taxes et des rentes, ne redistribuaient pas les richesses d'une manière qui aurait pu stimuler le développement agricole. Les paysans eux-mêmes étaient financièrement incapables d'adopter des techniques avancées. Les lourdes charges fiscales, imposées tant par l'État que par l'Église, ainsi que la nécessité de répondre aux exigences des seigneurs fonciers, leur laissaient peu de moyens pour investir dans leur terre. En conséquence, les progrès technologiques qui auraient pu révolutionner l'agriculture et améliorer les conditions de vie des paysans ne se sont pas matérialisés avant que les bouleversements sociaux et économiques des siècles suivants ne viennent changer le paysage agricole européen.

La question de la fertilité des sols et de la gestion de l'élevage s'avère être un autre facteur limitant pour l'agriculture préindustrielle. Le fumier, qu'il soit d'origine animale ou humaine, joue un rôle crucial en tant qu'engrais naturel pour enrichir les sols et accroître les rendements agricoles. Cependant, à cette époque, l'approvisionnement en fumier est souvent insuffisant pour répondre aux besoins de toutes les terres cultivées, ce qui contribue à la faible productivité des exploitations agricoles. La comparaison entre la mise en pâture et la culture des céréales met en évidence un dilemme central : tandis qu'un hectare de terre dédié au pâturage peut soutenir un nombre limité de bovins et, par extension, nourrir un nombre restreint de personnes avec la viande et les produits laitiers produits, le même hectare consacré à la culture de céréales a le potentiel de nourrir dix fois plus de personnes, grâce à la production directe d'aliments consommables par l'homme. Dans un contexte où la sécurité alimentaire est une préoccupation majeure et où la population est majoritairement dépendante des aliments à base de céréales pour leur survie, la priorité est logiquement donnée à la culture des céréales. Néanmoins, cette préférence pour les céréales s'est faite au détriment de la rotation des cultures et de l'élevage, qui auraient pu contribuer à un meilleur amendement des sols et à une augmentation à long terme des rendements. C'est ainsi que, faute d'un apport suffisant en fumier et de pratiques agricoles permettant de maintenir la fertilité des sols, la production de céréales est restée à des niveaux relativement bas, perpétuant un cercle vicieux de faible productivité et de pauvreté rurale. Il s'agit là d'une illustration frappante des contraintes auxquelles étaient soumis les agriculteurs préindustriels et des difficultés inhérentes à l'agriculture de subsistance de l'époque.

Les techniques agricoles rudimentaires et la connaissance limitée de la science des sols durant l'époque préindustrielle entraînaient une épuisement rapide des nutriments du sol. La pratique courante de cultiver continuellement une même parcelle de terre sans lui donner le temps de récupérer appauvrissait le sol, réduisant ainsi sa fertilité et par conséquent, les rendements des cultures. La jachère, une méthode traditionnelle consistant à laisser la terre en repos pendant une ou plusieurs saisons de croissance, était donc une nécessité plutôt qu'un choix. Pendant cette période, la terre n'était pas cultivée et on laissait souvent pousser des plantes sauvages qui contribuaient à restaurer la matière organique et les nutriments essentiels dans le sol. C'était une forme primitive de rotation des cultures qui permettait au sol de se régénérer naturellement. Toutefois, la mise en jachère avait des inconvénients économiques évidents : elle réduisait la quantité de terre disponible pour la production alimentaire à tout moment, ce qui était particulièrement problématique étant donné la pression démographique et la demande croissante en nourriture. L'absence d'engrais chimiques modernes et de techniques avancées de gestion des sols signifiait que les paysans étaient largement dépendants des méthodes naturelles pour maintenir la fertilité des sols, telles que la jachère, la rotation des cultures et l'utilisation limitée de fumier animal. Ce n'est qu'avec l'avènement de la révolution agricole et la découverte des engrais chimiques que la productivité agricole a pu faire un bond significatif, permettant une culture continue sans la période obligatoire de repos pour les sols.

Le "Deuxième servage" désigne un phénomène qui a eu lieu en Europe centrale et orientale, particulièrement du XIVe au XVIIe siècle, durant lequel la condition des paysans s'est considérablement détériorée, les rapprochant de l'état de serfs du Moyen Âge après une période antérieure de relative liberté. Ce renversement est dû à plusieurs facteurs, dont la consolidation des terres par la noblesse, les pressions économiques, et la demande croissante en denrées agricoles à l'exportation, particulièrement de céréales. La perte de liberté pour les paysans a entraîné leur assujettissement aux terres et à la volonté des propriétaires terriens, ce qui a souvent signifié un travail forcé sans rémunération adéquate, ou avec une rémunération fixée par les seigneurs eux-mêmes. Les paysans étaient également soumis à des taxes et à des rentes arbitraires, et ne pouvaient pas quitter leurs terres ou marier leurs enfants sans l'autorisation de leur seigneur. Cela a conduit à une paupérisation généralisée, les paysans étant incapables de s'accumuler des biens ou d'améliorer leur sort, piégés dans un cycle de pauvreté qui se perpétuait de génération en génération. Ce phénomène de paupérisation de la paysannerie a aussi des répercussions sur la structure sociale et économique de ces régions, limitant le développement économique et contribuant à l'instabilité sociale. La situation n'a commencé à changer qu'avec les diverses réformes agraires et l'abolition du servage qui se sont déroulées au XIXe siècle, bien que les effets du Deuxième servage aient perduré bien après ces réformes.

Système seigneurial[modifier | modifier le wikicode]

La transition du servage vers une forme d'émancipation paysanne à l'Ouest de l'Europe après le déclin de l'Empire romain est un phénomène complexe résultant de divers facteurs. Au fur et à mesure que les structures féodales s'établissaient, les paysans et les serfs se retrouvaient dans une hiérarchie sociale rigide, mais des opportunités pour changer de statut commençaient à émerger. Avec l'évolution de l'économie médiévale, le travail servile est devenu moins rentable pour les seigneurs en raison des changements dans la production et la circulation des richesses, notamment l'augmentation de l'usage de la monnaie et le développement des marchés. Face à ces changements, les seigneurs ont parfois trouvé plus avantageux de louer leurs terres à des paysans libres ou à des locataires, qui versaient un loyer plutôt que de dépendre du système servile. L'expansion des villes offrait également aux paysans des possibilités d'emploi hors de l'agriculture, les mettant ainsi en meilleure position pour négocier leurs conditions de vie ou chercher une vie meilleure loin des contraintes féodales. Cet afflux vers les centres urbains a mis la pression sur les seigneurs pour améliorer les conditions des paysans afin de les retenir sur leurs terres. Les soulèvements paysans et les révoltes ont également influencé les relations féodales. De tels événements ont parfois conduit à des négociations qui aboutissaient à des conditions plus clémentes pour les paysans. De plus, les autorités ont parfois introduit des réformes législatives qui limitaient la puissance des seigneurs sur leurs serfs et amélioraient les conditions de ces derniers. Dans certaines régions montagneuses comme le Valais et les Pyrénées, les communautés paysannes bénéficiaient de conditions particulières. Souvent propriétaires collectifs de leurs pâturages, ces communautés jouissaient d'une autonomie relative qui leur permettait de maintenir un certain degré d'indépendance. Malgré l'obligation de réaliser des corvées pour les seigneurs, ils étaient libres et parvenaient parfois à négocier des termes qui leur étaient favorables. Ces différentes réalités régionales en Occident témoignent de la diversité des expériences vécues par les paysans et mettent en évidence la complexité des structures sociales et économiques de l'époque. La capacité des communautés paysannes à s'adapter et à négocier leur statut a été un facteur déterminant dans l'évolution de l'histoire sociale et économique de l'Europe.

La distinction entre les systèmes d'assolement biennal et triennal en Europe occidentale durant le Moyen Âge et la période précédant l'industrialisation reflète des adaptations aux conditions climatiques et aux capacités des sols locaux. Ces pratiques agricoles ont joué un rôle crucial dans l'économie rurale et dans la survie des populations. Dans le Sud de l'Europe, les régions comme l'Italie, la Grèce, l'Espagne et le Portugal employaient couramment l'assolement biennal. Ce système divisait les terres agricoles en deux parties : l'une était ensemencée pendant la saison de croissance, et l'autre était laissée en jachère pour récupérer. Ce repos permettait aux nutriments de se renouveler naturellement, mais avait pour conséquence de ne pas exploiter pleinement les terres agricoles chaque année. À l'inverse, dans le Nord de l'Europe, où les conditions climatiques et la fertilité des sols le permettaient, les paysans pratiquaient un assolement triennal. Les terres étaient divisées en trois sections : une pour la culture d'hiver, une pour la culture de printemps, et la dernière pour la jachère. Cette méthode permettait une meilleure utilisation des terres, car seulement un tiers de la terre était en repos à un moment donné, comparativement à la moitié pour l'assolement biennal. L'assolement triennal était plus efficace, car il optimisait l'utilisation des terres et augmentait la production agricole. Cela a eu pour effet d'accroître la disponibilité des ressources alimentaires et de soutenir une population plus nombreuse. Par ailleurs, cette technique a contribué à l'augmentation de la population des animaux d'élevage, car les terres en jachère pouvaient être utilisées comme pâturages, ce qui n'était pas le cas dans le système biennal. La transition vers l'assolement triennal dans le Nord a été l'un des facteurs qui ont permis une plus grande résilience et une expansion démographique avant l'avènement des fertilisants chimiques et des méthodes agricoles modernes. Cette différenciation régionale reflète l'ingéniosité et l'adaptation des sociétés rurales européennes aux conditions environnementales et économiques de leur temps.

La frontière socio-économique entre l'Est et l'Ouest de l'Europe n'est pas un phénomène exclusivement moderne. Elle trouve ses racines dans l'histoire longue du continent, notamment à partir du Moyen Âge et s'est prolongée à travers les siècles avec des caractéristiques distinctes de développement agraire et social. À l'Est, avec le phénomène du "Deuxième servage" après le Moyen Âge, la liberté des paysans a été fortement restreinte, les soumettant à un régime de servitude envers la noblesse locale et les grands propriétaires terriens. Cette situation a engendré des structures agricoles caractérisées par de grandes exploitations seigneuriales, où les paysans étaient souvent peu motivés à améliorer les rendements car ils ne bénéficiaient pas directement des fruits de leur labeur. À l'Ouest, par contre, bien que la structure féodale ait également prévalu, on a assisté à une émancipation progressive des paysans et à un développement agricole qui favorisait une plus grande productivité et diversité des cultures. Les pratiques comme l'assolement triennal, l'élevage et la rotation des cultures ont favorisé une augmentation de la production alimentaire, permettant ainsi de nourrir une population croissante et de contribuer au développement des villes. Cette divergence entre l'Est et l'Ouest de l'Europe a conduit à des différences notables dans le développement économique et social. À l'Ouest, les transformations agricoles ont servi de base à la Révolution industrielle, tandis que l'Est a souvent maintenu des structures agraires plus traditionnelles et rigides, ce qui a retardé son industrialisation et a contribué à perpétuer les inégalités économiques et sociales entre les deux régions. Ces disparités historiques ont eu des répercussions durables qui peuvent encore être perçues dans les dynamiques politiques, économiques et culturelles contemporaines de l'Europe.

Une agriculture de subsistance[modifier | modifier le wikicode]

La transition des paysans d'un statut servile à la liberté en Europe au Moyen Âge s'est opérée à travers une multitude de facteurs qui interagissaient souvent les uns avec les autres, et le processus était loin d'être uniforme à travers le continent. Au fur et à mesure que la population augmentait et que les villes grandissaient, des possibilités de travail en dehors de l'agriculture traditionnelle commençaient à voir le jour, permettant à certains serfs d'aspirer à une vie différente en tant que citadins. L'évolution des pratiques agricoles, la hausse de la productivité et le début du capitalisme avec son commerce en expansion nécessitaient une main-d'œuvre plus libre et mobile, contribuant ainsi à remettre en question le système servile traditionnel. Les serfs, quant à eux, n'acceptaient pas toujours leur sort sans contestation. Les révoltes paysannes, bien que souvent écrasées, pouvaient parfois conduire à des concessions de la part de la noblesse. Dans le même temps, certaines régions ont vu des réformes législatives qui abolissaient la servitude ou amélioraient la condition des paysans, sous l'influence de divers facteurs allant de l'économie à l'éthique. Paradoxalement, les crises telles que la Peste Noire ont également joué un rôle dans cette transformation. La mort massive de la population a créé une pénurie de main-d'œuvre, donnant aux paysans survivants une plus grande marge de manœuvre pour négocier leur statut et leurs salaires. Toutefois, en dépit de ces avancées vers la liberté, au XVIIIe siècle, alors que la majorité des paysans en Europe occidentale étaient libres de leur personne, leur liberté économique restait souvent limitée. Les systèmes de tenure foncière les obligeaient toujours à payer des rentes ou à fournir des services en échange de l'accès à la terre. Cela contrastait fortement avec de nombreuses parties de l'Europe de l'Est, où la servitude a persisté, s'intensifiant même dans certains cas, avant d'être finalement abolie au XIXe siècle. Cette émancipation des paysans occidentaux ne signifiait pas pour autant qu'ils accédaient à une égalité sociale ou à une indépendance économique totale. Les structures de pouvoir et la propriété des terres restaient très inégalitaires, gardant une grande partie de la population rurale dans un état de dépendance économique, même si leur statut légal avait changé.

Durant l'époque préindustrielle, l'agriculture constituait la base de la survie pour la grande majorité des Européens. Cette agriculture était fortement orientée vers la production céréalière, le blé et l'orge étant les principales cultures. Les paysans produisaient ce qu'ils consommaient, travaillant essentiellement pour nourrir leurs familles et pour s'assurer un minimum vital pour survivre. L'importance des céréales était telle qu'elle représentait les trois quarts de leur régime alimentaire, d'où l'expression "tyrannie des blés", qui illustre la dépendance à ces cultures. À cette époque, un individu consommait quotidiennement entre 800 grammes et 1 kilogramme de céréales, contre seulement 150 à 200 grammes dans les sociétés modernes. Cette consommation élevée reflète l'importance des céréales comme source principale de calories. Les céréales étaient préférées à l'élevage car elles étaient environ dix fois plus productives en termes de nourriture produite par hectare. Les céréales pouvaient nourrir une population nombreuse, alors que l'élevage nécessitait de vastes étendues de terres pour un rendement beaucoup moins important en termes de calories humaines. Cependant, cette agriculture était caractérisée par de faibles rendements et une grande vulnérabilité aux mauvaises récoltes. Au Moyen-Âge, semer un grain pouvait en moyenne donner cinq à six grains lors de la récolte. Il fallait en outre mettre de côté une partie de cette récolte pour les semences futures, ce qui impliquait une période de soudure où les réserves alimentaires s'amenuisaient avant la nouvelle récolte. Cette période était particulièrement critique, et les famines n'étaient pas rares lorsque les récoltes étaient insuffisantes. La population vivait donc constamment sur le fil du rasoir, avec peu de marge pour faire face aux aléas climatiques ou aux épidémies qui pouvaient décimer les récoltes et, par conséquent, la population elle-même.

Les techniques agricoles médiévales étaient limitées par la technologie de l'époque. La production de fer était insuffisante et coûteuse, ce qui avait un impact direct sur l'outillage agricole. Les socs de charrue étaient souvent en bois, matériel bien moins durable et efficace que le fer. Un soc en bois s'usait rapidement, réduisant l'efficacité du labour et limitant la capacité des paysans à cultiver efficacement la terre. Le cercle vicieux de la pauvreté exacerbait ces difficultés techniques. Après la récolte, les paysans devaient vendre une grande partie de leurs grains pour obtenir de la farine et payer divers impôts et dettes, ce qui leur laissait peu de moyens pour investir dans de meilleurs outils. Le manque de moyens financiers pour acheter un soc en fer, par exemple, empêchait l'amélioration de la productivité agricole. Un meilleur équipement aurait permis de cultiver la terre plus profondément et plus efficacement, augmentant potentiellement les rendements. De plus, la dépendance à des outils inefficaces limitait non seulement la quantité de terres qui pouvaient être cultivées, mais aussi la vitesse à laquelle elles pouvaient l'être. Cela signifiait que même si les connaissances agricoles ou les conditions climatiques permettaient une meilleure production, les limitations matérielles posaient un plafond à ce que les techniques agricoles de l'époque pouvaient réaliser.

La fertilisation des sols était une question centrale dans l'agriculture préindustrielle. Sans l'utilisation d'engrais chimiques, modernes et efficaces, les paysans dépendaient des déjections animales et humaines pour maintenir la fertilité des terres cultivables. L'Île-de-France est un exemple classique où l'urbanisation dense, comme à Paris, pouvait fournir une quantité substantielle de matières organiques qui, une fois traitées, pouvaient être utilisées comme engrais pour les terres agricoles environnantes. Ces pratiques étaient cependant limitées par la logistique de l'époque. La concentration de l'élevage dans des régions montagneuses était en partie due aux caractéristiques géographiques qui rendaient ces zones moins propices à la culture intensive de céréales mais plus adaptées au pâturage en raison de leur sol pauvre et de leur relief accidenté. Les Alpes, les Pyrénées et le Massif Central sont des exemples de telles zones en France. Le transport de fumier sur de longues distances était prohibitivement coûteux et difficile. Sans système de transport moderne, le déplacement de grandes quantités de matière aussi lourde et encombrante que le fumier représentait un défi logistique majeur. La « tyrannie des céréales » fait référence à la priorité donnée à la culture des céréales au détriment de l'élevage, et cette priorisation avait des conséquences pour la gestion de la fertilité des sols. Là où l'élevage était pratiqué, les déjections pouvaient être utilisées pour fertiliser les sols localement, mais cela ne bénéficiait pas aux régions éloignées, céréalières, qui en avaient grandement besoin pour augmenter les rendements agricoles. La gestion de la fertilité des sols était complexe et était soumise aux contraintes de l'économie agraire de l'époque. Sans les moyens de transporter efficacement l'engrais ou sans l'existence d'alternatives chimiques, le maintien de la fertilité du sol restait un défi constant pour les agriculteurs préindustriels.

La faiblesse des rendements céréaliers[modifier | modifier le wikicode]

Les rendements restent faibles[modifier | modifier le wikicode]

Le rendement agricole est le rapport entre la quantité de produit récolté et la quantité semée, généralement exprimé en terme de grain récolté pour chaque grain semé. Dans les sociétés agricoles préindustrielles, de faibles rendements pouvaient avoir des conséquences désastreuses. Les mauvaises récoltes étaient souvent causées par des conditions météorologiques défavorables, des ravageurs, des maladies des cultures ou des techniques agricoles inadéquates. Lorsque la récolte échouait, les populations qui dépendaient de cette récolte pour leur subsistance se retrouvaient face à une pénurie alimentaire. La famine pouvait en résulter, avec des effets dévastateurs. La "loi du plus fort" peut être interprétée de plusieurs manières. D'une part, elle peut signifier que les membres les plus vulnérables de la société - les jeunes, les vieux, les malades et les pauvres - étaient souvent les premiers à souffrir en période de famine. D'autre part, sur le plan social et politique, cela pourrait impliquer que les élites, ayant de meilleures ressources et plus de pouvoir, pouvaient accaparer les ressources restantes, renforçant ainsi les structures de pouvoir existantes et accentuant les inégalités sociales. La famine et la malnutrition chronique étaient des moteurs de la mortalité élevée dans les sociétés préindustrielles, et la lutte pour la sécurité alimentaire était une constante dans la vie de la plupart des paysans. Cela a conduit à diverses adaptations, comme le stockage des aliments, les régimes alimentaires diversifiés, et avec le temps, l'innovation technologique et agricole pour augmenter les rendements et réduire le risque de famine.

Les rendements agricoles au Moyen Âge étaient nettement inférieurs à ceux que l'agriculture moderne a réussi à atteindre grâce aux avancées technologiques et aux méthodes de culture améliorées. Les rendements de 5-6 pour 1 sont considérés comme typiques pour certaines régions européennes pendant cette période, bien que ces chiffres puissent varier considérablement en fonction des conditions locales, des méthodes de culture, de la fertilité des sols et du climat. Le cas de Genève avec un rendement de 4 pour 1 illustre bien ces variations régionales. Il est important de se rappeler que les rendements étaient non seulement limités par la technologie et les connaissances agricoles de l'époque, mais aussi par la variabilité climatique, les ravageurs, les maladies des plantes et la qualité des sols. L'agriculture médiévale reposait sur des systèmes tels que l'assolement triennal qui amélioraient quelque peu les rendements par rapport aux méthodes encore plus anciennes, mais la productivité restait faible par rapport aux normes modernes. Les paysans devaient aussi conserver une partie de leur récolte pour les semences de l'année suivante, ce qui limitait la quantité de nourriture disponible pour la consommation immédiate.

Raisons des faiblesses de rendement[modifier | modifier le wikicode]

La "tyrannie des céréales" caractérise les contraintes majeures de l'agriculture préindustrielle. La fertilité des sols, cruciale pour de bonnes récoltes, dépendait fortement du fumier animal et des déchets humains, faute de fertilisants chimiques. Cette dépendance posait un problème particulier dans les zones montagneuses où l'éloignement des élevages limitait l'accès à cet engrais naturel, réduisant les rendements des cultures. Le coût et la logistique du transport, dans une époque sans moyens modernes de déplacement, rendaient le transfert des biens comme le fumier, essentiel à la fertilisation des champs, aussi coûteux qu'impraticable sur de longues distances. Les méthodes agricoles de l'époque, avec leurs outils rudimentaires et leurs techniques de labour et de semis peu avancées, n'aidaient en rien à améliorer la situation. Les charrues en bois, moins efficaces que leurs homologues en métal, ne permettaient pas d'exploiter pleinement le potentiel des terres cultivées. En outre, l'alimentation de l'époque était dominée par la consommation de céréales, perçues comme une source de calories fiable et stockable pour les périodes de disette, notamment l'hiver. Cette focalisation sur les céréales entravait le développement d'autres formes d'agriculture, telles que l'horticulture ou l'agroforesterie, qui auraient pu s'avérer plus productives. La structure sociale et économique du système féodal ne faisait qu'exacerber ces difficultés. Les paysans, accablés par le poids des redevances et des impôts, avaient peu de moyens ou d'incitation à investir dans l'amélioration de leurs pratiques agricoles. Et, lorsque les conditions météorologiques s'avéraient défavorables, les récoltes pouvaient être gravement affectées, les sociétés médiévales ayant peu de stratégies pour gérer les risques liés aux aléas climatiques. Ainsi, dans un tel contexte, la production agricole se focalisait davantage sur la survie que sur le profit ou l'accumulation de richesses, limitant les possibilités d'évolution et de développement de l'agriculture.

La faiblesse des investissements dans l'agriculture préindustrielle est un phénomène qui trouve ses racines dans plusieurs aspects structurels de l'époque. Les paysans étaient souvent entravés par un manque de ressources financières pour améliorer la qualité de leur outillage et de leurs méthodes de culture. Ce manque de capital était exacerbé par un système fiscal oppressif qui laissait peu de marge aux paysans pour accumuler des économies. La charge fiscale imposée par la noblesse et les autorités féodales signifiait que la plupart des récoltes et des revenus étaient destinés à satisfaire les divers impôts et taxes, plutôt qu'à être réinvestis dans l'exploitation agricole. De plus, le système socio-économique ne favorisait pas l'accumulation de capital, car il était structuré de manière à maintenir les paysans dans une position de dépendance économique. La précarité de la situation des paysans était telle qu'ils devaient souvent se concentrer sur la satisfaction des besoins immédiats de survie, plutôt que sur des investissements à long terme qui auraient pu améliorer les rendements et les conditions de vie. Cette absence de moyens pour l'investissement était renforcée par le manque d'accès au crédit et par une aversion au risque justifiée par la fréquence des aléas naturels, tels que les mauvaises conditions météorologiques ou les fléaux tels que les invasions de sauterelles et les maladies des plantes, qui pouvaient anéantir les récoltes et, avec elles, les investissements effectués.

Le stéréotype du paysan conservateur trouve ses racines dans les conditions matérielles et socio-économiques des sociétés préindustrielles. Dans ces sociétés, l'agriculture de subsistance était la norme : elle visait à produire suffisamment pour nourrir le producteur et sa famille, avec peu de surplus pour le commerce ou l'investissement. Ce mode de production était étroitement lié aux rythmes naturels et aux savoirs traditionnels, qui avaient fait leurs preuves au fil des générations. Les paysans dépendaient fortement de la première récolte pour subsister jusqu'à la suivante. Ainsi, tout changement dans les méthodes de culture représentait un risque considérable. En cas d'échec, les conséquences pouvaient être désastreuses, allant de la disette à la famine. Par conséquent, s'écarter des pratiques éprouvées n'était pas seulement vu comme imprudent, c'était une menace directe à la survie. La résistance au changement n'était donc pas simplement une question de mentalité ou d'attitude, mais une réaction rationnelle aux conditions d'incertitude. Innover signifiait risquer de perturber un équilibre fragile, et lorsque la marge entre la survie et la famine est mince, la prudence prime sur l'expérimentation. Les paysans ne pouvaient se permettre le luxe des erreurs : ils étaient les gestionnaires d'un système où chaque grain, chaque animal et chaque outil avait une importance vitale. En outre, cette prudence était renforcée par des structures sociales et économiques qui décourageaient le risque. Les opportunités de diversification étaient limitées, et les systèmes de soutien social ou d'assurance contre les mauvaises récoltes étaient pratiquement inexistants. Les paysans étaient souvent endettés ou tenus par des obligations envers les propriétaires terriens ou l'État, ce qui les contraignait à une production sûre et constante pour répondre à ces engagements. Le stéréotype du paysan conservateur s'inscrit donc dans une réalité où le changement était synonyme de danger, et où l'adhérence aux traditions était une stratégie de survie, dictée par les aléas de l'environnement et les impératifs d'une vie précaire.

Maintenir la fertilité du sol était un défi constant pour les paysans médiévaux. Leur dépendance à l'égard des engrais naturels comme les déjections animales et humaines souligne l'importance des boucles de nutriments locaux dans l'agriculture de cette époque. La concentration de la population dans des centres urbains comme Paris créait des sources abondantes de matière organique qui, lorsqu'elle était utilisée comme engrais, pouvait améliorer considérablement la fertilité des sols environnants. Cela explique en partie pourquoi des régions comme l'Île-de-France étaient reconnues pour leur sol fertile. Cependant, la structure agricole de l'époque entraînait une séparation géographique entre les zones d'élevage et les zones de culture céréalière. Les élevages étaient souvent situés dans des zones montagneuses aux sols moins fertiles, où les terres n'étaient pas appropriées pour la culture intensive des céréales, mais qui pouvaient supporter le pâturage. Les régions de pâturage telles que les Pyrénées, les Alpes, et le Massif Central étaient donc éloignées des régions céréalières. Le transport de l'engrais, du fait de la distance et du coût, était donc problématique. Les techniques de transport étaient rudimentaires et coûteuses, et les infrastructures comme les routes étaient souvent en mauvais état, ce qui rendait le déplacement de matériaux encombrants comme le fumier non viable économiquement. En conséquence, les champs céréalières manquaient souvent de l'apport nécessaire en nutriments pour maintenir ou améliorer leur fertilité. Cette situation créait un cercle vicieux où la terre s'épuisait plus rapidement qu'elle ne pouvait être régénérée naturellement, entraînant une diminution des rendements et une pression accrue sur les paysans pour nourrir une population croissante.

La perception du blocage dans les sociétés agricoles médiévales vient en partie de la structure économique de l'époque, qui était principalement rurale et basée sur l'agriculture. Les rendements agricoles étaient généralement bas, et l'innovation technologique lente par rapport aux standards modernes. Cela était dû à divers facteurs, comme le manque de connaissances scientifiques avancées, le peu d'outils et de techniques agricoles à disposition, et une certaine résistance au changement due aux risques associés à l'essai de nouvelles méthodes. Dans ce contexte, la classe urbaine était souvent perçue comme un fardeau supplémentaire pour les paysans. Bien que les habitants des villes dépendent de la production agricole pour leur survie, ils étaient aussi souvent vus comme des parasites dans le sens où ils consommaient les surplus sans contribuer directement à la production de ces ressources. Les citadins, qui incluaient des commerçants, des artisans, des clercs, et la noblesse, étaient dépendants des paysans pour leur nourriture, mais ne partageaient pas toujours équitablement les charges et les bénéfices de la production agricole. Le résultat était un système économique où les paysans, qui formaient la majorité de la population, travaillaient dur pour produire suffisamment de nourriture pour tous, mais voyaient une partie significative de leur récolte consommée par ceux qui ne participaient pas à la production. Cela pouvait créer des tensions sociales et économiques, surtout dans les années de mauvaises récoltes où les excédents étaient limités. Cette dynamique était aggravée par le système féodal, où la terre était détenue par la noblesse, qui imposait souvent des taxes et des corvées aux paysans. Cela limitait encore plus la capacité des paysans à investir dans des améliorations et à accumuler des surplus, ce qui maintenait le statu quo et entravait le progrès économique et technologique.

La loi des 15% de Paul Bairoch[modifier | modifier le wikicode]

Les sociétés de l'Ancien Régime avaient des contraintes économiques très strictes liées à leur base agricole. La capacité à soutenir une population non agricole, comme celle des villes, était directement dépendante de la productivité de l'agriculture. Puisque les techniques agricoles de l'époque limitaient sévèrement les rendements, seule une petite fraction de la population pouvait se permettre de ne pas participer directement à la production alimentaire. Les statistiques illustrent cette dépendance. Si 75% à 80% de la population doit travailler dans l'agriculture pour subvenir aux besoins alimentaires de la population entière, cela ne laisse que 20% à 25% de la population pour d'autres tâches, y compris les fonctions vitales au sein de la société telles que le commerce, l'artisanat, le clergé, l'administration, et l'éducation. Dans ce contexte, les citadins qui représentaient environ 15% de la population étaient perçus comme des "parasites" dans le sens où ils consommaient des ressources sans contribuer directement à leur production. Toutefois, cette perception néglige l'apport culturel, administratif, éducatif, et économique que ces citadins fournissaient. Leur travail était essentiel à la structuration et au fonctionnement de la société dans son ensemble, bien que leur dépendance à l'égard de la production agricole était une réalité indéniable. L'activité des citadins, y compris celle des artisans et des commerçants, ne cessait pas avec les saisons, contrairement aux paysans dont l'activité pouvait être moindre en hiver. Cela renforçait l'image des citadins comme des membres de la société qui vivaient aux dépens des producteurs directs, les paysans, dont le labeur était soumis aux aléas des saisons et à la productivité de la terre.

La loi des 15% formulée par l'historien Paul Bairoch illustre les limitations démographiques et économiques des sociétés agricoles avant l'ère industrielle. Cette loi stipule qu'un maximum de 15% de la population totale pouvait être constitué de citadins, c'est-à-dire de personnes qui ne produisaient pas leur propre nourriture et qui dépendaient donc des surplus agricoles. Durant l'Ancien Régime, la grande majorité de la population, soit entre 75 à 80%, était activement engagée dans l'agriculture. Cette forte proportion reflète la nécessité d'une main-d'œuvre abondante pour répondre aux besoins alimentaires de la population. Toutefois, cette activité étant saisonnière, les paysans ne travaillaient pas durant l'hiver, ce qui signifie qu'en termes de force de travail annuelle, on estimait que 70 à 75% de celle-ci était réellement investie dans l'agriculture. En se basant sur ces chiffres, il resterait alors 25 à 30% de la force de travail disponible pour d'autres activités que l'agriculture. Néanmoins, il est important de prendre en compte que même en milieu rural, il y avait des travailleurs non agricoles, comme les forgerons, les charpentiers, les curés, etc. Leur présence dans les campagnes réduisait d'autant la marge de main-d'œuvre qui pouvait être allouée aux villes. En tenant compte de ces éléments, Bairoch conclut que la population urbaine, celle qui vivait des activités non agricoles dans les villes, ne pouvait pas excéder 15% du total. Cette limite était imposée par la capacité productive de l'agriculture de l'époque et la nécessité de subvenir aux besoins alimentaires de l'ensemble de la population. En conséquence, les sociétés préindustrielles étaient principalement rurales, avec des centres urbains restant relativement modestes par rapport à la population globale. Cette réalité souligne l'équilibre précaire sur lequel reposaient ces sociétés, qui ne pouvaient soutenir un nombre croissant de citadins sans risquer de compromettre leur sécurité alimentaire.

Le concept évoqué par Paul Bairoch dans son ouvrage "De Jéricho à Mexico" met en lumière le lien entre l'agriculture et l'urbanisation dans les sociétés préindustrielles. L'estimation selon laquelle les taux d'urbanisation restaient inférieurs à 15% jusqu'à la Révolution industrielle s'appuie sur une analyse historique des données démographiques disponibles. Bien que l'ajustement de 3 à 4 puisse sembler arbitraire, il sert à refléter la marge nécessaire pour des activités autres que l'agriculture, même en tenant compte des artisans et autres professions non agricoles en milieu rural. Cette limite d'urbanisation était indicative d'une société où l'essentiel des ressources était consacré à la survie, laissant peu de marge pour l'investissement dans des innovations qui auraient pu dynamiser l'économie et augmenter la productivité agricole. Les villes, historiquement les centres d'innovation et de progrès, ne pouvaient alors pas se développer au-delà de ce seuil de 15% car la capacité agricole ne permettait pas de nourrir une population urbaine plus importante. Cependant, cette dynamique a commencé à changer avec l'avènement de la Révolution industrielle. Les innovations technologiques, notamment dans les domaines de l'agriculture et du transport, ont permis une augmentation spectaculaire des rendements agricoles et une baisse des coûts de transport. Ces développements ont libéré une partie de la population de la nécessité du travail agricole, permettant ainsi une urbanisation accrue et l'émergence d'une société plus diversifiée sur le plan économique, où l'innovation pouvait florir en milieu urbain. En d'autres termes, alors que les sociétés d'Ancien Régime étaient confinées dans une certaine stase due à leurs limites agricoles, les progrès technologiques ont progressivement débloqué le potentiel d'innovation et ouvert la voie à l'ère moderne.

Des sociétés de pauvreté de masse[modifier | modifier le wikicode]

Évolution de la population urbaine et du taux d'urbanisation de l'Europe 1300 - 1750.png

Le tableau présenté offre une vue d'ensemble sur la progression de la démographie et de l'urbanisation en Europe de 1300 à 1750. Durant cette période, la population européenne s'est accrue de 75 millions à 120 millions d'habitants, reflétant une croissance démographique graduelle malgré les aléas historiques tels que la Peste Noire qui a fortement réduit la population au XIVe siècle. On observe également une tendance à l'urbanisation avec le nombre de personnes vivant dans des villes passant de 7,9 à 14,7 millions. Cette urbanisation est toutefois lente et ne témoigne pas d'une migration vers les villes en grande échelle mais plutôt d'un développement constant de celles-ci. Le pourcentage de la population vivant en milieu urbain reste en dessous de 15 %, ce qui renforce l'idée d'une société préindustrielle principalement agricole. La variation annuelle du taux d'urbanisation et de la population totale est assez faible, ce qui indique des changements démographiques progressifs et non des transformations rapides ou radicales. Cela suggère que l'évolution démographique et l'urbanisation en Europe étaient le résultat d'évolutions lentes et stables, marquées par un développement graduel des infrastructures urbaines et une capacité croissante, bien que modeste, des villes à supporter une population plus nombreuse. En résumé, ces données dépeignent une Europe qui avance lentement vers une société plus urbanisée, mais dont les racines restent profondément ancrées dans l'agriculture, avec des villes servant davantage de centres commerciaux et administratifs que de hubs de production industrielle.

Les conditions de vie dans les sociétés agricoles préindustrielles étaient extrêmement dures et pouvaient avoir un impact significatif sur la santé et la longévité des populations. L'agriculture de subsistance, le travail physique intense, les régimes alimentaires limités, le manque d'hygiène et l'accès restreint aux soins médicaux contribuaient à une mortalité infantile élevée et à une espérance de vie réduite. Une espérance de vie moyenne aux alentours de 25 à 30 ans ne signifie cependant pas que la plupart des individus mouraient à cet âge. Ce chiffre est une moyenne influencée par le très grand nombre de décès d'enfants en bas âge. Les enfants qui survivaient à l'enfance avaient une chance raisonnable d'atteindre l'âge adulte et de vivre jusqu'à 50 ans ou plus, bien que cela restât moins commun qu'aujourd'hui. Un individu atteignant 40 ans était certainement considéré comme plus âgé que par les standards actuels, mais pas nécessairement un "vieillard". Cependant, l'usure du corps due à un travail manuel exténuant dès le plus jeune âge pouvait certainement donner l'apparence et les maux associés à une vieillesse précoce. Les individus souffraient souvent de problèmes dentaires, de maladies chroniques et d'une usure générale du corps qui les faisaient paraître plus âgés que ne le ferait une personne du même âge aujourd'hui, avec un accès à de meilleurs soins de santé et à une alimentation plus variée. Les épidémies, les famines et les guerres venaient encore aggraver cette situation, réduisant d'autant plus les perspectives de vie longue et en bonne santé. C'est pourquoi la population agricole de l'époque, confrontée à une existence précaire, devait souvent compter sur une solidarité communautaire pour survivre dans un environnement aussi impitoyable.

La malnutrition était une réalité courante pour les paysans dans les sociétés préindustrielles. Le manque de diversité alimentaire, avec une diète souvent centrée sur une ou deux céréales de base comme le blé, le seigle ou l'orge, et une consommation insuffisante de fruits, de légumes et de protéines, affectait grandement leur système immunitaire. Les carences en vitamines et minéraux essentiels pouvaient entraîner diverses maladies de carence et affaiblir la résistance aux infections. Les paysans, qui vivaient souvent dans des conditions d'hygiène précaires et dans une proximité étroite avec les animaux, étaient également exposés à une variété de pathogènes. Une "simple" grippe, dans un tel contexte, pouvait s'avérer beaucoup plus dangereuse que dans une population bien nourrie et en bonne santé. Le manque de connaissances médicales et l'accès limité aux soins aggravaient encore la situation. Ces populations étaient aussi confrontées à des périodes de famine, dues à des récoltes insuffisantes ou à des catastrophes naturelles, qui réduisaient encore plus leur capacité à se nourrir correctement. En période de disette, les maladies opportunistes pouvaient se propager rapidement, transformant des affections bénignes en épidémies mortelles. De plus, les périodes de guerre et les réquisitions pouvaient aggraver la situation alimentaire des paysans, rendant la malnutrition encore plus fréquente et sévère.

En 1588, la Gazette romaine titre "À Rome rien de neuf sinon que l'on meurt-de-faim" tandis que le Pape donnait un banquet. Ce sont des sociétés de pauvreté de masse traduite par une situation précaire. Il y a un contraste frappant entre les classes sociales dans les sociétés préindustrielles. La Gazette romaine, en relatant la famine à Rome en même temps qu'un banquet pontifical, met en lumière non seulement l'inégalité sociale mais aussi l'indifférence ou l'impuissance des élites face aux souffrances des plus démunis. La pauvreté de masse était une caractéristique des sociétés d'Ancien Régime, où la grande majorité de la population vivait dans une précarité constante. La subsistance dépendait entièrement de la production agricole, laquelle était sujette aux aléas climatiques, aux ravageurs, aux maladies des cultures et à la guerre. Une mauvaise récolte pouvait rapidement conduire à une famine, exacerbant la pauvreté et la mortalité. Les élites, qu’elles soient ecclésiastiques, nobiliaires ou bourgeoises dans les villes, disposaient de moyens bien plus importants et pouvaient souvent échapper aux conséquences les plus graves des famines et des crises économiques. Les banquets et autres manifestations de richesse dans des périodes de disette étaient perçus comme des signes d'opulence déconnectée des réalités du peuple. Cette fracture sociale était l'une des nombreuses raisons qui pouvaient mener à des tensions et à des soulèvements populaires. L'histoire est ponctuée de révoltes où la faim et la misère ont poussé les populations à se soulever contre un ordre jugé injuste et insensible à leurs souffrances.

Annexes[modifier | modifier le wikicode]

Références[modifier | modifier le wikicode]