« Principes et Dilemmes des Biens Publics dans l'Économie de Marché » : différence entre les versions

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Dans le chapitre 7 nous avons analysé un premier cas d'échec du marché, c'est-à-dire une première situation dans laquelle le marché décentralisé n'est pas en mesure d'assurer la réalisation de l'optimum social (= allocation efficace des ressources) → externalité.
Basé sur un cours de Federica Sbergami<ref>[https://www.unige.ch/gsem/en/research/faculty/all/federica-sbergami/ Page personnelle de Federica Sbergami sur le site de l'Université de Genève]</ref><ref>[https://www.unine.ch/irene/home/equipe/federica_sbergami.html Page personnelle de Federica Sbergami sur le site de l'Université de Neuchâtel]</ref><ref>[https://www.researchgate.net/scientific-contributions/14836393_Federica_Sbergami Page personnelle de Federica Sbergami sur Research Gate]</ref>


Il existe des biens qui pour leur nature intrinsèque ne peuvent pas être (partiellement ou totalement) offerts par le secteur privé → échec partiel ou total de la solution marchande.
{{Translations
| en = Principles and Dilemmas of Public Goods in the Market Economy
| es = Principios y dilemas de los bienes públicos en la economía de mercado
| it = Principi e dilemmi dei beni pubblici nell'economia di mercato
| pt = Princípios e dilemas dos bens públicos na economia de mercado
| de = Prinzipien und Dilemmata der öffentlichen Güter in der Marktwirtschaft
}}


Par exemple :
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* Pourquoi les routes, les ponts, la voirie, l’éducation, les transports les services du feu, la sécurité, sont-ils l’oeuvre de collectivités publiques?
|[[Introduction à la microéconomie]]
*Pourquoi l’État intervient-il sur certains marchés comme celui des véhicules à moteur ou des frigos pour en limiter les émissions polluantes?
|[[Principes et concepts de la microéconomie]] ● [[Approche méthodologiques au cours d'introduction à la microéconomie]] ● [[Les forces du marché : l'offre et la demande]] ● [[Les élasticités et ses applications]] ● [[Offre, demande et politiques gouvernementales]] ● [[Surplus du consommateur et du producteur]] ● [[Les externalités et le rôle de l'État]] ● [[Principes et Dilemmes des Biens Publics dans l'Économie de Marché]] ● [[Les coûts de production]] ● [[Les entreprises en concurrence parfaite]] ● [[Les entreprises en monopole]] ● [[Concurrence monopolistique]] ● [[Oligopole]] ● [[Contrainte et préférences du consommateur]] ● [[Choix du consommateur]] ● [[Les problèmes d'information et les choix publics]]
*Pourquoi certaines espèces végétales ou animales qui sont exploitées à des fins marchandes disparaissent ou sont menacées d’extinction tandis que d’autres pas ?
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= Nature des biens publics =
Les biens publics représentent un concept fondamental dans l'étude de l'économie publique et des échecs du marché. Ces biens, caractérisés par leur nature intrinsèque non divisible et leur disponibilité pour la consommation collective, posent des défis uniques aux marchés privés. La non-exclusion et la non-rivalité sont des propriétés clés des biens publics, signifiant que leur utilisation par une personne n'empêche pas les autres d'en profiter et qu'il n'est pas possible d'exclure des individus de leur consommation. Cela mène au problème du passager clandestin, où des individus bénéficient d'un bien sans contribuer à son financement.
== Caractéristiques des biens publics ==
Les externalités ont de nombreux points communs avec ce type de biens qu’on appelle les biens publics, qui vont aussi être confrontés, comme les externalités, à une mésallocation par le marché.


Biens caractérisés par la présence de fortes externalités → sous-production ou absence de production dans une économie privée.
En outre, l'intervention de l'État est souvent nécessaire dans des marchés où les externalités, c'est-à-dire les effets sur des tiers non considérés dans le processus de marché, sont significatives. Cela est visible dans des secteurs comme les véhicules à moteur ou les réfrigérateurs, où les émissions polluantes affectent la qualité de l'air pour l'ensemble de la société. De même, la conservation et la biodiversité soulèvent des questions importantes sur l'exploitation des ressources naturelles. Certaines espèces végétales ou animales sont menacées d'extinction en raison de leur surexploitation par des marchés non réglementés, souvent due à l'absence de droits de propriété clairs.


Dans de tels cas, la politique de l’État peut potentiellement pallier la défaillance de marché et augmenter le bien-être en se chargeant de l'offre de biens publics.
Dans ce contexte, l'échec du marché se manifeste lorsque le mécanisme de marché seul ne parvient pas à distribuer efficacement les ressources pour atteindre un optimum social. Cela nécessite une intervention de l'État ou des collectivités publiques pour corriger ces défaillances et assurer une allocation des ressources qui soit à la fois efficace et équitable. Cette introduction aux biens publics met en lumière la complexité et l'importance de leur gestion dans une économie moderne.


On peut résumer les caractéristiques principales des biens publics comme il suit:
= Comprendre la Nature des Biens Publics =
*la production est sujette à des fortes économies d’échelle dans la production (= coût moyen de production décroissant avec la quantité) ;
*les biens ont des caractéristiques de “biens publics”, c'est-à-dire ils sont "partagés" par tout le monde ;
*les droits de propriété sur certaines ressources sont inexistants, vagues ou non respectés.


== Propriétés des biens publics ==
== Définition et Caractéristiques des Biens Publics ==
Les biens dits “publics” se distinguent des biens dits “privés” par rapport à deux propriétés liées à la manière dont le bien peut être fourni sur le marché.


Lorsque le producteur ne peut pas exclure des consommateurs potentiels, on parle de non-exclusion.
Les biens publics et les externalités partagent plusieurs caractéristiques communes qui les placent au cœur des discussions sur l'économie et la politique publique. Ces biens sont souvent confrontés à une mésallocation par le marché, ce qui signifie que le marché seul ne parvient pas à fournir ces biens en quantité ou en qualité optimales. Cela est dû en grande partie à la présence de fortes externalités associées à ces biens.


Lorsque le coût de fourniture d’une unité additionnelle du bien est nul, on parle de non-rivalité.
Les externalités, qu'elles soient positives ou négatives, sont des effets induits par une activité économique qui affectent d'autres parties sans que ces effets soient reflétés dans les prix du marché. Par exemple, la pollution est une externalité négative, tandis que l'éducation a des externalités positives. Dans le cas des biens publics, ces externalités sont souvent si importantes qu'elles entraînent une sous-production ou même une absence de production dans une économie entièrement privée.


== La non-rivalité ==
Cela est principalement dû au fait que les producteurs privés peuvent trouver difficile de rentabiliser la production de ces biens, car ils ne peuvent pas facilement exclure les non-payeurs (problème du passager clandestin) ou parce que la consommation de ces biens ne diminue pas leur disponibilité pour les autres (non-rivalité).


Non-rivalité dans la consommation:
Dans ces situations, l'État ou les institutions publiques peuvent jouer un rôle crucial. La politique publique peut pallier ces défaillances du marché en prenant en charge la fourniture de biens publics. Cela peut se faire à travers la production directe de ces biens, leur financement par l'impôt, ou la régulation et la mise en place de mesures incitatives pour encourager leur production et leur consommation. En faisant cela, l'État peut augmenter le bien-être global en s'assurant que ces biens indispensables sont disponibles pour la société dans son ensemble.


Une fois produit, le coût additionnel pour qu’une autre personne consomme une unité du bien est nul.
Les biens publics, un concept clé dans l'économie, peuvent être caractérisés de manière concise par trois traits principaux.


Par exemple : un phare, une fois qu’il est construit et qu’il est allumé, le coût pour qu’il éclaire un bateau additionnel est nul. Il en est de même pour un pont, une autoroute, un paysage, la sécurité, etc.
Premièrement, la production des biens publics est souvent associée à de fortes économies d'échelle. Cela signifie que le coût moyen de production de ces biens diminue à mesure que la quantité produite augmente. Cette propriété est particulièrement pertinente pour les biens publics car elle suggère que leur production par une entité centralisée, souvent l'État, peut être plus efficace que la production dispersée par de multiples acteurs privés. En effet, plus le volume de production est important, plus le coût unitaire est faible, rendant ainsi la production à grande échelle économiquement avantageuse.


Au contraire, les biens privés sont typiquement rivaux dans la consommation: une seule personne profite d’une barre de chocolat donnée.
Deuxièmement, les biens publics sont caractérisés par leur nature "partagée". Autrement dit, ils bénéficient à l'ensemble de la société plutôt qu'à des individus ou des groupes spécifiques. Cette caractéristique est souvent décrite en termes de non-exclusion et de non-rivalité. La non-exclusion implique que personne ne peut être empêché de consommer le bien, tandis que la non-rivalité signifie que la consommation du bien par une personne n'entrave pas sa consommation par une autre. Des exemples typiques incluent la défense nationale, l'éclairage public, et les infrastructures routières.


NB: il ne faut pas confondre le coût d'un consommateur additionnel (qui est nul) avec le coût marginal de fabrication du bien (qui n'est pas nul). Par exemple, le coût marginal de fabrication d’une autoroute est croissant avec la densité du réseau autoroutier, mais une fois construit ce réseau, le coût associé à la consommation de ce bien est nul (ou très faible).
Enfin, un troisième aspect important concerne les droits de propriété. Pour de nombreux biens publics, les droits de propriété sont inexistants, vagues, ou mal respectés. Cela peut conduire à des difficultés dans la gestion et la conservation de ces ressources. L'absence de droits de propriété clairement définis peut entraîner une surexploitation ou une sous-utilisation, comme illustré dans le concept de la tragédie des communs, où des ressources partagées sont épuisées par un usage individuel non régulé.


Ceci implique aussi qu'une fois fabriqué, il est effectivement difficile de fractionner le bien en fonction de la demande → caractéristique d’indivisibilité : le bien est fourni en bloc.
Ces caractéristiques ensemble soulignent pourquoi les biens publics posent souvent un défi aux mécanismes du marché et pourquoi l'intervention de l'État est fréquemment nécessaire pour assurer leur fourniture adéquate et leur gestion efficace.


== La non-exclusion ==
== Les Propriétés Clés des Biens Publics ==


Non-exclusion dans la consommation:
Les distinctions entre les biens publics et privés dans le domaine de l'économie sont essentiellement basées sur deux propriétés clés qui déterminent la manière dont ces biens peuvent être fournis sur le marché : la non-exclusion et la non-rivalité.


Il existe des biens pour lesquels il est difficile, voire impossible d’exclure quelqu’un de sa consommation.
La non-exclusion fait référence à la difficulté, voire l'impossibilité, pour le producteur d'exclure des consommateurs de l'utilisation d'un bien. Dans le cas des biens publics, cette caractéristique signifie que personne ne peut être empêché de bénéficier du bien, peu importe s'il a contribué à son financement ou non. Un exemple classique est la défense nationale : une fois qu'elle est mise en place, il est impossible d'exclure des citoyens de sa protection, qu'ils aient payé des impôts ou non.


Par exemple :
La non-rivalité, d'autre part, se rapporte à la situation où la consommation du bien par une personne n'empêche pas ou ne réduit pas la consommation du même bien par une autre personne. En d'autres termes, le coût marginal de fournir le bien à un consommateur supplémentaire est nul. Cela est typique des biens publics comme les programmes de télévision ou la radio, la consommation par un individu n'empêche pas les autres d'en profiter également.
*un phare, une signalisation routière ;
*un beau paysage, un feu d’artifice ;
*l’éclairage des rues, leur propreté ;
*la défense nationale, la sécurité d’un quartier ;
*la qualité de l’air, de l’eau, l’environnement en général.


Difficulté n’est pas nécessairement technique, mais économique. Il peut être techniquement possible de mettre des barrières pour un feu d’artifice, mais c’est extrêmement coûteux et donc non rentable.
En contraste, les biens privés sont généralement caractérisés par la possibilité d'exclusion et la rivalité. Par exemple, si vous achetez une pomme, vous pouvez exclure les autres de sa consommation (exclusion), et votre consommation empêche quiconque d'autre de manger cette même pomme (rivalité).
 
Ces différences fondamentales entre les biens publics et privés influencent grandement la manière dont ils sont produits, distribués et financés dans une économie. Les biens publics, en raison de leur nature, requièrent souvent une intervention ou un financement public pour garantir qu'ils soient fournis de manière adéquate, car les marchés privés pourraient ne pas les produire de façon optimale en raison de ces caractéristiques uniques.
 
== La Non-Rivalité des Biens Publics Expliquée ==
 
La notion de non-rivalité dans la consommation est un élément fondamental dans la compréhension des biens publics. Elle se manifeste lorsque, une fois un bien produit, le coût additionnel pour permettre à une personne supplémentaire de consommer ce bien est nul. Ce concept joue un rôle crucial dans la différenciation des biens publics des biens privés. Prenons l'exemple d'un phare : une fois qu'il est construit et allumé, le coût pour qu'il éclaire un bateau supplémentaire ne représente aucun coût additionnel. Le phare fonctionne de la même manière, que ce soit pour un seul bateau ou pour plusieurs bateaux en mer. Cela illustre parfaitement la non-rivalité, car la consommation du bien (la lumière du phare) par un bateau n'empêche pas et ne réduit pas sa disponibilité pour d'autres bateaux.
 
De la même manière, des infrastructures comme les ponts ou les autoroutes démontrent cette caractéristique. Une fois construits, le coût pour qu'une voiture supplémentaire les emprunte est négligeable. De même, la jouissance d'un paysage ou la sécurité fournie par les services de police ou de défense nationale sont des exemples où la consommation par un individu n'entrave pas celle des autres. Cette caractéristique de non-rivalité est essentielle car elle signifie que le bien peut être consommé simultanément par de multiples personnes sans que cela n'entraîne de coûts supplémentaires significatifs. En conséquence, cela pose des défis pour le financement et la fourniture de ces biens par le secteur privé, car il est difficile de charger les utilisateurs directement pour leur consommation. Cela mène souvent à la nécessité d'une intervention publique pour assurer que ces biens soient disponibles pour le bénéfice de tous, reflétant leur importance pour la société dans son ensemble.
 
Les biens privés se distinguent des biens publics par leur caractéristique de rivalité dans la consommation. La rivalité signifie que la consommation d'un bien par une personne empêche ou limite sa consommation par une autre personne. Cela est typique dans la majorité des biens et services que nous consommons au quotidien. L'exemple de la barre de chocolat illustre parfaitement cette notion. Lorsqu'une personne consomme une barre de chocolat, elle la retire de la disponibilité pour les autres. La consommation de cette barre de chocolat est exclusive ; une fois qu'elle est mangée par quelqu'un, elle ne peut plus être consommée par quelqu'un d'autre. C'est le principe de rivalité : la consommation du bien par une personne diminue directement la quantité disponible pour les autres.
 
Cette caractéristique de rivalité dans les biens privés conduit à des dynamiques de marché différentes de celles des biens publics. Dans un marché de biens privés, les producteurs peuvent exclure ceux qui ne paient pas pour le bien, et la consommation est régulée par le prix. Les consommateurs qui sont prêts et capables de payer le prix peuvent obtenir le bien, tandis que les autres en sont exclus. Cette logique de marché est moins complexe à gérer que celle des biens publics, où la non-exclusion et la non-rivalité exigent souvent une intervention extérieure, telle que celle de l'État, pour une distribution efficace et équitable.
 
Il y a  une distinction importante dans la compréhension des biens publics : la différence entre le coût marginal de production et le coût marginal de consommation d'un consommateur additionnel. Le coût marginal de production d'un bien, comme une autoroute, peut être croissant avec l'augmentation de la densité du réseau. Cela signifie que plus le réseau s'élargit, plus le coût de construction de chaque kilomètre supplémentaire peut augmenter, en raison de facteurs tels que la complexité accrue, les contraintes d'espace, ou les matériaux nécessaires.
 
Cependant, une fois que l'autoroute est construite, le coût associé à la consommation de ce bien par un utilisateur supplémentaire est nul ou très faible. Cela illustre la non-rivalité : un conducteur supplémentaire sur l'autoroute ne coûte pratiquement rien de plus en termes de ressources ou d'infrastructure, tant que l'autoroute n'est pas saturée. En outre, cette situation met en lumière la caractéristique d'indivisibilité des biens publics. Une fois que le bien, comme l'autoroute, est créé, il est fourni en bloc et il est difficile, voire impossible, de le fractionner en fonction de la demande individuelle. Contrairement aux biens privés, où chaque unité peut être vendue séparément, les biens publics sont souvent utilisés collectivement. Cela pose des défis en termes de financement et de gestion, car il n'est pas facile d'allouer le coût de ces biens aux utilisateurs individuels, ce qui renforce souvent le rôle de l'État ou des institutions publiques dans la fourniture et la maintenance de ces biens.
 
== Le Principe de la Non-Exclusion dans les Biens Publics ==
 
La non-exclusion dans la consommation est un concept clé dans la théorie des biens publics. Elle se réfère à la difficulté, voire l'impossibilité, d'empêcher les individus de consommer un bien, indépendamment de leur contribution à sa production ou à son financement. Cette caractéristique est l'une des principales raisons pour lesquelles les marchés privés peuvent ne pas être efficaces pour fournir certains types de biens. Dans le contexte des biens publics, la non-exclusion signifie que lorsque le bien est disponible pour une personne, il est également disponible pour d'autres sans coût additionnel significatif. Prenons l'exemple de la sécurité nationale : une fois qu'un pays a mis en place ses forces de défense, il est pratiquement impossible d'exclure des citoyens spécifiques de la protection qu'elles offrent. De même, les biens tels que les programmes de télédiffusion ou l'éclairage public sont accessibles à tous ceux qui se trouvent dans leur portée, sans possibilité d'exclure des individus spécifiques.
 
Cette incapacité à exclure les non-payeurs mène souvent au problème du passager clandestin (free-rider), où certains bénéficient du bien sans contribuer à son coût. Cela peut conduire à une sous-fourniture du bien si les coûts sont supportés uniquement par un sous-ensemble des bénéficiaires, rendant la provision par le marché privé inefficace ou insuffisante. En conséquence, de tels biens nécessitent souvent une intervention gouvernementale ou communautaire pour leur provision. L'État, en utilisant des mécanismes de financement collectif comme la taxation, peut assurer que ces biens soient produits et maintenus pour le bénéfice de la société dans son ensemble, surmontant ainsi le défi posé par la non-exclusion.
 
Dans le domaine de l'économie des biens publics, il existe une catégorie de biens pour lesquels l'exclusion des consommateurs est difficile, voire impossible. Cette caractéristique est particulièrement pertinente pour un certain nombre d'éléments essentiels de notre environnement quotidien.
 
Prenons l'exemple des phares et des signalisations routières. Un phare, une fois allumé, fournit des signaux vitaux à tous les navires se trouvant à proximité, sans qu'il soit possible de restreindre son utilisation à certains navires spécifiques. Il en va de même pour la signalisation routière, qui guide et sécurise tous les usagers de la route, indépendamment de leur contribution individuelle au financement de ces installations.
 
Les paysages naturels et les feux d'artifice représentent un autre ensemble de biens où la non-exclusion est évidente. Un paysage pittoresque ou un spectacle pyrotechnique est accessible à tous ceux qui sont dans le champ de vision, sans qu'il soit possible de limiter leur jouissance à des individus spécifiques. Ces expériences sont partagées collectivement, et leur beauté ou leur spectacle est ouvert à tous, indépendamment de leur volonté ou de leur capacité à payer.
 
L'éclairage public et la propreté des rues sont également des services essentiels qui bénéficient à la communauté dans son ensemble. L'éclairage des rues améliore la sécurité et la praticabilité des voies publiques pour tous les résidents et visiteurs, tandis que la propreté des rues contribue à la santé publique et à l'esthétique de l'espace communautaire. Encore une fois, il est pratiquement impossible d'exclure des individus de ces bénéfices.
 
La défense nationale et la sécurité des quartiers sont des services qui protègent la population d'une région ou d'un pays dans son ensemble. Ces services bénéficient à tous, sans distinction ni exclusion basée sur la contribution financière individuelle. La sécurité fournie par ces services est un bien commun, essentiel au bien-être collectif.
 
Enfin, la qualité de l'air, de l'eau et l'environnement en général sont des exemples parfaits de biens qui sont non seulement difficiles à exclure, mais aussi essentiels pour la santé et le bien-être de tous. La dégradation environnementale affecte chaque individu, et les efforts pour préserver et améliorer l'environnement profitent à l'ensemble de la société.
 
Ces exemples soulignent le rôle crucial des institutions publiques et communautaires dans la gestion et la fourniture de ces biens. Étant donné que la nature non exclusive de ces biens rend difficile leur financement et leur régulation par les mécanismes de marché privés, l'intervention de l'État et d'autres organisations collectives est souvent nécessaire pour assurer leur disponibilité et leur entretien pour le bien de la communauté dans son ensemble.
 
Il faut souligner que la difficulté d'exclusion des consommateurs de certains biens n'est pas toujours d'ordre technique, mais peut souvent être économique. Dans de nombreux cas, la non-exclusion résulte non pas de l'impossibilité technique d'exclure les consommateurs, mais plutôt du coût prohibitif ou de l'inefficacité économique liée à une telle exclusion. Prenons l'exemple d'un feu d'artifice. Techniquement, il serait possible de mettre en place des barrières pour limiter l'accès à un espace d'où le spectacle peut être vu, transformant ainsi le feu d'artifice en un bien privé. Cependant, la mise en œuvre de telles mesures serait extrêmement coûteuse et complexe. Elle impliquerait des coûts élevés pour l'installation de barrières, la surveillance et la gestion des accès, ce qui rendrait l'entreprise globalement non rentable et impraticable. De plus, la nature même d'un feu d'artifice, conçu pour être vu de loin et par un grand nombre de personnes, rend sa privatisation économiquement peu sensée.
 
La même logique s'applique à d'autres biens comme l'éclairage public, la sécurité nationale ou la qualité de l'environnement. Même si techniquement, il serait possible de concevoir des mécanismes pour exclure les non-payeurs, les coûts associés à une telle exclusion seraient souvent prohibitifs et dépasseraient largement les bénéfices. De plus, cela irait à l'encontre de l'intérêt public et de la valeur sociale que ces biens représentent. C'est pourquoi dans de tels cas, l'intervention de l'État ou des autorités publiques est cruciale. Par le biais de la taxation générale ou d'autres mécanismes de financement collectif, ces biens peuvent être fournis de manière plus efficace et équitable, garantissant leur accessibilité à l'ensemble de la population sans les coûts prohibitifs liés à l'exclusion des non-payeurs.
 
== Synthèse des Caractéristiques des Biens Publics ==
 
Ce tableau classifie les différents types de biens selon deux critères : la possibilité d'exclure des consommateurs (Exclusion vs Non-exclusion) et le caractère rival ou non des biens (Rivalité vs Non-Rivalité).


== Résumé ==
[[Fichier:Nature des biens publics résumé 1.png|400px|vignette|centré]]
[[Fichier:Nature des biens publics résumé 1.png|400px|vignette|centré]]


= Le problème du resquilleur =
Dans le quadrant supérieur gauche, nous avons les "Biens privés purs", qui sont à la fois exclusifs et rivaux. Cela signifie que les consommateurs peuvent être empêchés d'utiliser ces biens s'ils ne les achètent pas, et que l'utilisation de ces biens par une personne empêche leur utilisation simultanée par une autre. Les exemples donnés ici sont les vêtements et les glaces, qui ne peuvent être consommés que par une personne à la fois, et dont la consommation par un individu empêche un autre de les utiliser.
 
Dans le quadrant supérieur droit, nous avons les "Biens mixtes" dans le contexte de la non-rivalité. Ces biens sont non-rivaux, ce qui signifie que leur consommation par une personne n'empêche pas leur consommation par une autre. Cependant, contrairement aux biens publics purs, il est possible d'exclure des individus de leur utilisation. Les exemples incluent les monopoles naturels et les autoroutes à péage. La télévision est également un bon exemple ; bien qu'une émission puisse être regardée par de nombreuses personnes simultanément sans se gêner mutuellement, l'accès aux chaînes peut être restreint par un abonnement.
 
En bas à gauche, le tableau montre les "Biens mixtes" qui sont non exclusifs mais rivaux. Ces biens ne permettent pas l'exclusion facile des non-payeurs, mais leur utilisation par une personne peut réduire la quantité disponible pour d'autres. Les ressources naturelles et les poissons sont des exemples classiques de ce type de bien. Les autoroutes à bouchons illustrent également ce point : bien que théoriquement ouverts à tous, une fois qu'une autoroute devient encombrée, chaque voiture supplémentaire réduit la qualité du service (vitesse, confort) pour les autres.
 
Enfin, dans le quadrant inférieur droit, nous trouvons les "Biens publics purs". Ces biens sont caractérisés par la non-rivalité et la non-exclusion. La défense nationale et le savoir universel sont des exemples de biens publics purs. Ils sont disponibles pour tous, et l'usage par une personne n'entrave pas l'usage par une autre. De tels biens représentent souvent des défis en termes de financement et de provision, car les incitations pour les fournir de manière privée sont faibles étant donné que les bénéficiaires ne peuvent pas être facilement exclus et ne rivalisent pas pour leur consommation.
 
Ce tableau est un outil utile pour comprendre la diversité des biens dans une économie et les défis associés à leur provision. Il aide également à identifier les cas où l'intervention de l'État peut être justifiée pour assurer la provision adéquate de biens publics et corriger les inefficacités du marché.


== La non-exclusion et le problème du resquilleur ==
= Le Dilemme du Passager Clandestin =


La non-exclusion est directement associée au problème du “passager clandestin” (free rider problem) ou des préférences non révélées.
== La Non-Exclusion et la Problématique du Passager Clandestin ==


La difficulté d’exclusion permet de consommer le bien sans avoir à en payer le prix et donc couvrir le coût.
La non-exclusion est étroitement liée au problème du passager clandestin, également connu sous le nom de free rider problem en anglais. Ce problème survient lorsque des individus profitent d'un bien ou service sans contribuer à son coût. Cela est particulièrement problématique pour les biens publics, où la caractéristique de non-exclusion signifie que les fournisseurs ne peuvent pas empêcher les gens de consommer le bien, même s'ils ne paient pas pour celui-ci. Dans un tel contexte, certains individus peuvent choisir de ne pas payer pour le bien ou service en question, sachant qu'ils pourront tout de même en bénéficier grâce aux paiements des autres. Cela peut conduire à une sous-fourniture du bien, puisque les fournisseurs n'ont pas la recette nécessaire pour couvrir les coûts de production ou de maintien du bien. Si suffisamment d'individus choisissent de ne pas payer, le bien risque de ne pas être fourni du tout, malgré le fait qu'il soit socialement bénéfique.


Exemples :
Ce problème est également lié à celui des préférences non révélées, car les individus qui choisissent de ne pas payer pour le bien ne révèlent pas leur véritable évaluation ou demande pour celui-ci. Cela rend difficile pour les fournisseurs de mesurer la demande réelle et de planifier efficacement la provision du bien. La difficulté d'exclusion entraîne donc une défaillance du marché, car le mécanisme de prix ne fonctionne pas comme il le devrait pour rationner l'accès au bien et pour financer sa provision. C'est pourquoi les biens publics sont souvent financés par des mécanismes obligatoires comme les impôts, la contribution individuelle n'est pas directement liée à la consommation, mais plutôt imposée pour couvrir le coût collectif du bien.
*un bateau qui ne paye pas mais bénéficie de l’éclairage d’un phare.
*la télévision publique et la redevance.
*les personnes non vaccinées bénéficient implicitement de la vaccination des autres, car la diffusion de la maladie est limitée.


== Comportement stratégique du resquilleur ==
Le problème du passager clandestin se manifeste à travers diverses situations où un individu ou une entité bénéficie d'un bien ou d'un service sans contribuer à son coût, exploitant ainsi le système à son avantage. Un exemple classique est celui d'un phare qui fournit de la lumière pour la navigation. Les phares sont construits pour guider tous les navires passant à proximité, assurant leur sécurité et leur direction. Cependant, il n'existe aucun moyen pratique de forcer chaque bateau qui bénéficie de la lumière du phare à payer pour ce service. En conséquence, certains armateurs peuvent choisir de ne pas participer au financement du phare tout en profitant de ses services, ce qui peut compromettre l'entretien et la viabilité à long terme de ces aides essentielles à la navigation.
La théorie des jeux permet de montrer que les individus ont une incitation naturelle à adopter un comportement de "passager clandestin", qui conduit à une situation sous-optimale pour tous.


Ce principe a été mis en évidence par John Nash, prix Nobel pour l’économie en 1995, et il est une application du dilemme du prisonnier, que l’on retrouve très souvent dans des situations où le choix de l’un dépend du choix de l’autre.
Dans le domaine de la diffusion télévisuelle, la situation est similaire. Les chaînes de télévision publique sont financées par les redevances, des contributions exigées des ménages possédant un appareil de télévision. Néanmoins, la diffusion des émissions est accessible à tous, indépendamment de leur statut de contributeur. Ainsi, même ceux qui évitent de payer la redevance peuvent regarder les programmes, soit par des moyens détournés, soit en profitant de la visualisation dans des lieux publics. Ce détournement crée un déficit dans le financement de la télévision publique et soulève des questions sur l'équité et la responsabilité financière. Un autre exemple illustrant ce problème est l'immunité collective conférée par les vaccinations. Quand une majorité de la population est vaccinée, la transmission des maladies infectieuses est considérablement réduite, créant un environnement dans lequel même les non-vaccinés sont moins susceptibles d'être infectés. Par conséquent, les personnes qui choisissent de ne pas se faire vacciner bénéficient indirectement des efforts de ceux qui le font, tout en évitant potentiellement les coûts et les risques associés à la vaccination. Cela peut conduire à une proportion plus faible de la population choisissant la vaccination, ce qui peut compromettre l'efficacité de l'immunité collective et la santé publique dans son ensemble.


La force de la théorie de Nash est de montrer que la poursuite de l’intérêt propre peut aller à l’encontre de l’intérêt collectif, contrairement à l’argument de la main invisible.
Ces exemples mettent en lumière un défi central de la provision des biens publics : comment s'assurer que ceux qui bénéficient des biens contribuent équitablement à leur création et à leur maintien. Les solutions à ce problème varient, mais elles impliquent souvent une forme de financement obligatoire, comme les taxes ou les redevances, pour garantir que ces services essentiels restent disponibles pour le bien commun.


== Exemple fictif ==
== L'Impact du Comportement Stratégique des Passagers Clandestins ==
Deux voisins, dont le chemin jusqu’au village est dépourvu de tout éclairage la nuit, contemplent le possible investissement en éclairage de rue.


Deux lampadaires permettraient d’avoir une visibilité sur tout le trajet, et un seul lampadaire n’apporte qu’un bénéfice partiel car une partie du chemin reste dans l’obscurité.
La théorie des jeux est une branche des mathématiques et de l'économie qui analyse les stratégies adoptées par les individus dans des situations où leurs choix sont interdépendants. Un des concepts les plus connus dans ce domaine est celui du dilemme du prisonnier, qui met en lumière les difficultés de coopération entre parties ayant des intérêts interdépendants. John Nash, qui a reçu le prix Nobel d'économie en 1994 pour ses contributions, a développé un concept clé connu sous le nom d'équilibre de Nash. Cet équilibre survient dans un jeu lorsque chaque joueur a choisi la meilleure stratégie possible, compte tenu des choix des autres joueurs. Aucun joueur n'a alors intérêt à changer unilatéralement de stratégie.


Admettons que le coût d’un lampadaire soit de 3000. Le gain de bien-être associé à un éclairage complet du chemin (en équivalents monétaires) est de 4000 chacun.
Dans le contexte du dilemme du prisonnier, deux détenus sont confrontés à un choix : coopérer avec l'autre en restant silencieux ou trahir l'autre en confessant. Le choix de trahir peut sembler rationnel pour un individu car il maximise son gain personnel, sans tenir compte de l'impact de ce choix sur l'autre prisonnier ou sur le résultat collectif. Si les deux détenus optent pour la trahison, croyant agir dans leur meilleur intérêt, ils se retrouvent finalement tous les deux dans une situation pire que si ils avaient coopéré. Cette situation est analogue au problème du passager clandestin dans la provision de biens publics. Chaque individu peut choisir de ne pas contribuer au financement d'un bien public (trahir dans le dilemme du prisonnier), ce qui est rationnel du point de vue individuel si l'on considère uniquement l'intérêt personnel immédiat. Cependant, si tout le monde adopte cette stratégie, le bien public ne sera pas financé ou sera sous-financé, ce qui est préjudiciable à tous les individus de la société. Ainsi, bien que le choix individuel de ne pas payer puisse sembler rationnel, il conduit à une situation collective sous-optimale où personne ne bénéficie du bien public, ce qui reflète le résultat sous-optimal du dilemme du prisonnier. La théorie des jeux, et en particulier l'équilibre de Nash, aide à comprendre ces dynamiques et à expliquer pourquoi les incitations individuelles peuvent mener à une coopération insuffisante, justifiant ainsi l'intervention de mécanismes externes tels que la régulation gouvernementale ou les incitations pour encourager la contribution au financement des biens publics.


Si l’éclairage est partiel, le bien-être n’augmente que de 2000.
La théorie de Nash, souvent illustrée par l'équilibre de Nash dans la théorie des jeux, révèle une tension profonde entre les intérêts individuels et collectifs. Selon cette théorie, les individus agissant rationnellement en poursuivant leur propre intérêt peuvent aboutir à des résultats qui sont non seulement sous-optimaux mais également défavorables pour le groupe dans son ensemble. Cela contraste avec l'idée d'Adam Smith de la "main invisible", selon laquelle les actions individuelles guidées par l'intérêt personnel peuvent conduire à un bien-être collectif optimal. La main invisible suggère que les marchés concurrentiels transforment les actions égoïstes en résultats socialement désirables, régulant naturellement l'économie sans nécessiter une intervention extérieure. En revanche, l'équilibre de Nash montre que dans de nombreux cas, surtout lorsqu'il y a des dilemmes de coordination ou des jeux à somme non nulle, les actions purement égoïstes des individus peuvent conduire à des impasses ou à des résultats inefficaces pour la société.
 
L'exemple du dilemme du prisonnier, que Nash a contribué à populariser, est typique : il montre que si chaque prisonnier choisit individuellement la meilleure stratégie pour lui (trahir l'autre), le résultat est pire pour les deux que si ils avaient coopéré. Appliquée à l'économie, cette théorie suggère que sans coopération ou régulation, les individus peuvent consommer des ressources de manière inefficace, polluer sans retenue, ou ne pas contribuer à des biens publics, ce qui nuit à la société dans son ensemble. L'importance de l'équilibre de Nash est qu'il met en lumière le besoin de mécanismes de coordination et de coopération - comme les régulations, les normes sociales, ou les contrats - pour aligner les intérêts individuels avec l'intérêt collectif. Cela peut impliquer l'intervention gouvernementale pour fournir des biens publics, réguler les externalités, ou assurer la justice et la stabilité du marché. La théorie de Nash nous invite donc à reconnaître et à gérer les situations où les actions guidées par l'intérêt personnel ne mènent pas naturellement à l'optimum social.
 
== Un Exemple Illustratif : Le Passager Clandestin ==
 
Ce tableau montre une matrice des gains nets, qui est un outil utilisé en théorie des jeux pour représenter les bénéfices et coûts associés aux différentes stratégies que peuvent adopter les joueurs, dans ce cas, deux voisins face à la décision d'investir dans l'éclairage d'un chemin.


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== Problème de coordination ==
Dans cet exemple fictif, deux voisins A et B envisagent d'installer des lampadaires pour éclairer un chemin menant au village, qui est actuellement dans l'obscurité la nuit. Ils ont le choix entre financer l'installation d'un lampadaire ou ne rien faire. Si les deux voisins choisissent de financer un lampadaire, le chemin sera entièrement éclairé, leur procurant à chacun un gain net de bien-être de 4000, mais à un coût de 3000 chacun pour l'installation, ce qui leur laisse un gain net de +1000 chacun (4000 de bien-être moins 3000 de dépense). Si un seul voisin finance un lampadaire et que l'autre ne fait rien, le voisin qui paie pour le lampadaire a un bien-être partiellement augmenté de 2000, mais après avoir déduit le coût, se retrouve avec une perte nette de -1000 (2000 de bien-être moins 3000 de dépense). Le voisin qui ne paie pas bénéficie partiellement de l'éclairage sans avoir à payer, d'où un gain net de +2000. Si aucun des deux ne paie pour un lampadaire, il n'y a aucun changement dans leur bien-être et donc aucun gain ou perte net.
Si l’action conjointe était coordonnée, le gain net de chacun serait positif: (+1000, +1000).
 
Ce qui est mis en évidence ici est un dilemme du prisonnier classique. La meilleure solution collective serait que les deux voisins coopèrent et financent chacun un lampadaire, menant à un gain net de +1000 chacun. Cependant, en raison des incitations individuelles, chaque voisin préférerait bénéficier du lampadaire financé par l'autre, conduisant à la tentation de ne pas payer et d'agir en passager clandestin. Si les deux voisins agissent selon leurs intérêts individuels sans coopérer, ils finiront par ne rien faire, ce qui est la pire issue collective avec un gain net de 0 pour chacun.
 
Cette situation démontre le besoin de coopération ou d'une forme de coordination ou d'intervention, comme un accord mutuel ou une action communautaire, pour surmonter le problème du passager clandestin et atteindre l'optimum collectif.
 
== La Problématique de Coordination dans les Biens Publics ==
 
Le problème classique de coordination est un scénario classique où les actions individuelles non coordonnées mènent à un résultat moins favorable que celui qui pourrait être atteint par une action conjointe et coordonnée. En effet, si les deux voisins A et B pouvaient parvenir à un accord pour partager les coûts de l'éclairage, chacun bénéficierait d'un gain net positif de +1000. Cela représente l'optimum social où l'éclairage est complet et les bénéfices partagés équitablement. Cependant, en raison de l'incitation à minimiser l'importance de l'éclairage et à bénéficier sans payer du lampadaire potentiellement financé par l'autre, les deux voisins sont confrontés à une stratégie dominante qui est l'inaction. Ainsi, sans coordination, chaque voisin choisit de ne rien faire, car cette option leur semble individuellement la plus sûre pour éviter les coûts sans garantie de réciprocité. L'équilibre de Nash de ce jeu est donc lorsque les deux voisins choisissent de ne pas financer l'éclairage, même si cela conduit à un résultat sous-optimal, avec un gain net de 0 pour chacun.
 
Cet équilibre est sous-optimal car il ne maximise pas le bien-être collectif des voisins. C'est l'essence même du dilemme du prisonnier : bien que la coopération puisse conduire au meilleur résultat collectif, la méfiance mutuelle et l'incertitude quant aux actions de l'autre poussent les individus à adopter des stratégies qui sont préjudiciables à la fois à eux-mêmes et à la collectivité. Pour résoudre ce genre de problème de coordination, des mécanismes tels que les contrats, les incitations économiques, la régulation ou l'intervention de la communauté ou de l'État sont souvent nécessaires pour encourager ou imposer la coopération et assurer que le bien-être collectif soit atteint.
 
Le problème des préférences non révélées est intrinsèquement lié au problème du passager clandestin : les individus ont une incitation à dissimuler leur véritable appréciation d'un bien public pour éviter de contribuer à son financement. Si tout le monde prétend ne pas bénéficier ou ne pas apprécier le bien, alors personne ne voudra volontairement payer pour cela, même si le bien en question leur apporte un réel bénéfice. Cela conduit à une sous-fourniture du bien public, ou même à son absence totale, car les décisions de financement basées sur les déclarations volontaires ne reflètent pas la véritable demande. La solution classique à ce problème est l'intervention de l'État pour fournir le bien public et rendre la contribution à son financement obligatoire, souvent à travers la taxation. Cela garantit que le bien est financé et que tous les individus bénéficient du bien public, indépendamment de leur volonté de révéler leur préférence ou de payer volontairement.
 
La question de savoir dans quelle mesure chacun doit participer au financement du bien public est plus complexe. Idéalement, la contribution devrait être proportionnelle à l'avantage que chaque individu tire du bien public. Cependant, cela nécessite de connaître les préférences individuelles, ce qui est difficile en raison du problème des préférences non révélées. Une méthode pour résoudre ce problème est l'utilisation de principes de taxation qui visent à répartir les coûts de manière équitable. Par exemple, la règle du bénéfice suggère que les personnes qui bénéficient le plus d'un bien public devraient payer le plus pour son financement. La capacité de paiement est un autre principe, selon lequel les personnes ayant une plus grande capacité économique devraient contribuer davantage au financement des biens publics.  


En revanche, il existe une incitation pour chaque voisin à minimiser l’importance du problème de l’éclairage, pour bénéficier de l’action unilatérale de l'autre. La stratégie dominante se révèle être l’inaction: (Ne fait rien, Ne fait rien) est l'équilibre de Nash, unique, de ce jeu.
Dans la pratique, il est courant d'utiliser une combinaison de taxes générales et de taxes spécifiques pour financer différents types de biens publics. Les taxes générales permettent de répartir largement les coûts parmi tous les contribuables, tandis que les taxes spécifiques, comme les péages pour les routes, permettent de cibler les utilisateurs de certains biens publics. Quelle que soit la méthode choisie, l'objectif est de financer efficacement le bien public tout en maintenant l'équité parmi les citoyens. Cela peut nécessiter une planification minutieuse et souvent des ajustements politiques pour équilibrer efficacement les intérêts et les contributions de tous les membres de la société.


Par conséquent, l’équilibre est sous-optimal (cas classique du dilemme du prisonnier).
= La Catégorie des Biens Mixtes =
Un bien mixte, aussi appelé bien semi-public ou bien quasi-public, est un type de bien qui présente des caractéristiques à la fois des biens privés et des biens publics. Ces biens peuvent être exclusifs, mais ne sont pas nécessairement rivaux dans la consommation, ou vice versa. Ils peuvent être fournis par le marché mais souvent avec une certaine intervention de l'État pour corriger les inefficiences du marché ou pour s'assurer que le bien est accessible à ceux qui en ont besoin.


Problème: comment financer le bien si les personnes disent ne pas en profiter (problème des préférences non-révélées)?
== Les Enjeux de l'Exclusion et de la Non-Rivalité ==


Solution: l’État fournit le bien mais rend la contribution obligatoire. Il reste à savoir dans quelle mesure chacun doit participer au financement du bien public.
Les biens mixtes peuvent présenter une non-rivalité dans la consommation jusqu'à un certain point, tout en permettant l'exclusion des non-payeurs. Ces biens peuvent être exclusifs grâce à des mécanismes de tarification ou de contrôle d'accès, mais ne deviennent rivaux que lorsque la capacité d'accueil est dépassée, ce qui entraîne une congestion ou une diminution de la qualité de l'expérience pour tous.  


= Biens mixtes =
Prenons l'exemple d'un pont ou d'une autoroute : tant que le trafic est fluide, ces infrastructures peuvent être utilisées par un véhicule supplémentaire sans coût marginal significatif et sans affecter négativement l'expérience des autres utilisateurs. Cependant, lorsque la capacité maximale est atteinte, chaque véhicule supplémentaire commence à réduire la qualité de l'expérience pour les autres, par exemple en provoquant des embouteillages. Ainsi, la rivalité émerge à partir d'un certain seuil de consommation. La même logique s'applique aux cinémas ou aux piscines : jusqu'à ce que la salle de cinéma ou la piscine atteigne sa capacité, un spectateur ou un nageur supplémentaire ne nuit pas à l'expérience des autres. Mais une fois la capacité atteinte, chaque personne supplémentaire peut gêner, réduisant ainsi la qualité de l'expérience pour les autres. La télévision, d'autre part, est généralement non-rivale dans la consommation, car le fait qu'une personne regarde une émission n'empêche pas des millions d'autres de la regarder simultanément. Cependant, l'accès peut être excluant, par exemple si l'accès aux chaînes nécessite un abonnement payant.
== Exclusion et non-rivalité ==
Il existe des biens mixtes qui présentent seulement une des deux caractéristiques typiques des biens publics. Par exemple, un pont, un cinéma ou une autoroute, une piscine, la télévision permettent l’exclusion, malgré la non-rivalité.


Certains biens mixtes sont fournis par des privés, d’autres par l’État. Les pratiques peuvent être très différentes de pays à pays, car des considérations d’équité entrent également en ligne de compte.
Les biens mixtes peuvent être fournis soit par des entreprises privées, soit par l'État, et cette décision dépend souvent de considérations politiques, économiques et sociales, qui varient grandement d'un pays à l'autre. Les pratiques de fourniture et de financement des biens mixtes reflètent les valeurs et les priorités d'une société, notamment en termes d'équité et d'accès. Par exemple, certains pays peuvent choisir de subventionner des services comme les transports publics ou l'éducation pour garantir un accès plus large, même si ces services pourraient techniquement être offerts sur un marché purement privé. La congestion et la qualité de service associée à la consommation de ces biens mixtes soulèvent des questions importantes sur la manière de gérer et de réguler l'accès pour maintenir la qualité. Des mécanismes comme les péages dynamiques, les quotas, les réservations ou les heures de pointe tarifaires sont autant de moyens par lesquels les fournisseurs tentent de réguler l'utilisation et de prévenir ou de gérer la congestion. Ces outils peuvent aider à maintenir la non-rivalité dans la consommation aussi longtemps que possible, tout en assurant que les coûts sont couverts et que l'accès reste équitable.


La congestion et la réduction de qualité concomitante réintroduisent une certaine rivalité entre les consommateurs et un rationnement du service en question, qui correspond à une forme d’exclusion.
L'éducation est un exemple éloquent de bien mixte qui incarne la propriété de l'exclusion ainsi que la non-rivalité, tout en étant fortement marquée par des considérations de politique publique. Dans de nombreux systèmes éducatifs publics à travers le monde, l'exclusion est pratiquée dans une certaine mesure : bien que l'accès à l'éducation primaire et secondaire soit souvent gratuit et universel, l'accès à l'enseignement supérieur peut être limité par des frais de scolarité, des examens d'entrée ou des quotas. Ces mécanismes d'exclusion visent à gérer les ressources disponibles et à maintenir la qualité de l'éducation. Cependant, une fois admis dans une école ou une université, l'éducation devient un bien non rival : la présence d'un étudiant supplémentaire dans une salle de classe n'empêche pas les autres d'apprendre, jusqu'à ce que la capacité de la salle ou la faculté d'un enseignant à gérer un grand nombre d'étudiants soit dépassée.


Exemple: l'éducation → exclusion + non-rivalité
L'éducation est souvent fournie à un coût inférieur au coût de production, ou même gratuitement, en raison des bénéfices sociétaux qu'elle génère. En offrant un accès égal à l'éducation, les gouvernements cherchent à favoriser la mobilité sociale et à garantir que les talents et les compétences de chaque individu peuvent être développés pour le bénéfice de l'ensemble de la société. Cela s'aligne avec la notion d'éducation en tant que droit fondamental et une ressource essentielle pour le développement personnel et économique. En plus de l'objectif redistributif, la fourniture publique de l'éducation est également justifiée par les externalités positives considérables qu'elle engendre. Un individu bien éduqué contribue à la société de multiples façons : augmentation de la productivité, participation civique, innovation, et bien plus encore. Ces bénéfices dépassent largement l'individu et profitent à la société dans son ensemble, ce qui justifie le soutien public de l'éducation.
*l’éducation est publique à des degrés divers dans différents pays.
*souvent, l’éducation est fournie à un prix inférieur au coût de production pour des questions de redistribution. L’accès égal à la formation est une manière de favoriser la mobilité sociale. L’éducation est également fournie par le secteur public en raison des externalités positives qu’elle véhicule.
*en cas de congestion, l’objectif redistributif est réduit, car les personnes ayant plus de ressources peuvent substituer l’éducation publique par l’éducation privée, si celle-ci est de meilleure qualité.


== Non-exclusion et rivalité ==
Toutefois, lorsque l'éducation publique devient congestionnée, par exemple à cause de classes surpeuplées ou de ressources insuffisantes, la qualité de l'éducation peut en pâtir, et l'objectif redistributif peut être compromis. Les personnes disposant de plus de ressources peuvent alors se tourner vers des institutions privées, exacerbant ainsi les inégalités d'accès à une éducation de qualité. Cela peut créer un système à deux vitesses où les avantages de l'éducation sont inégalement répartis, ce qui va à l'encontre de l'idéal d'égalité des chances. Gérer l'accès et la qualité de l'éducation publique tout en s'assurant qu'elle reste inclusive et équitable est un défi de politique publique majeur. Cela nécessite un financement adéquat, une planification stratégique, et souvent des réformes pour s'assurer que l'éducation publique puisse continuer à servir son rôle de levier de mobilité sociale et de générateur d'externalités positives pour la société.
Le bien mixte peut également avoir la configuration de non-exclusion couplée à la rivalité.


C'est le cas de tous les biens ou ressources dont la propriété commune implique à terme un problème de congestion. Ex: ressources naturelles.
== Non-Exclusion et Rivalité : Les Défis Associés ==


Mésallocation: la sur-exploitation peut conduire à la disparition pure et simple de la ressource.
Dans le cas d'un bien mixte caractérisé par la non-exclusion et la rivalité, nous sommes confrontés à une situation où il est difficile, voire impossible, d'empêcher les gens d'accéder à une ressource, mais où l'utilisation de cette ressource par une personne diminue la quantité ou la qualité disponible pour les autres. Ces biens sont souvent des ressources communes ou des biens communs, et ils sont sujets à des problèmes de sur-exploitation car ils sont accessibles à tous mais limités dans leur quantité.


Les perdants sont souvent les exploitants eux-mêmes pris collectivement.
Les ressources naturelles telles que les stocks de poissons dans les océans, les pâturages, et les forêts sont des exemples typiques. Dans ces cas, l'absence de mécanismes de contrôle ou de propriété clairement définie conduit souvent à une utilisation non régulée et à une concurrence pour l'accès, ce qui peut résulter en une sur-exploitation rapide. Ce phénomène est bien connu sous le nom de "tragédie des communs", un terme popularisé par l'écologiste Garrett Hardin dans son article influent de 1968. Hardin a souligné que les individus, agissant indépendamment selon leur propre intérêt personnel, comportent de manière rationnelle qui est en fin de compte destructrice pour la communauté dans son ensemble, car la ressource partagée est épuisée.


Prise de conscience avec l’article célèbre de Garett Hardin (1968) et les travaux de Elinor Ostrom (prix Nobel 2009).
Cependant, la vision de Hardin n'est pas sans contestation. Elinor Ostrom, lauréate du prix Nobel d'économie en 2009, a démontré à travers ses recherches que les communautés peuvent, en fait, gérer efficacement les biens communs sans intervention extérieure ou privatisation, à travers des systèmes de gestion communautaire. Elle a étudié comment différents groupes à travers le monde ont développé des arrangements institutionnels variés pour gérer la rivalité et éviter la sur-exploitation des ressources communes.


== La tragédie des communaux ==
La clé de la gestion durable des biens mixtes réside dans la capacité à établir des règles et des normes qui régulent l'utilisation et encouragent la conservation. Cela peut inclure la mise en place de quotas, de permis, de systèmes de rotation de l'utilisation, ou de sanctions pour ceux qui ne respectent pas les règles établies. Ostrom a mis en avant l'importance de la participation locale, de la surveillance, des sanctions adaptées, et du respect des règles communautaires comme facteurs essentiels pour la gestion réussie des communs. Ainsi, la gestion des biens mixtes avec non-exclusion et rivalité nécessite une compréhension nuancée des dynamiques sociales, économiques et environnementales en jeu, ainsi qu'une approche collaborative pour résoudre les dilemmes liés à leur utilisation.
Exemple classique: village d’éleveurs qui se partagent les champs (les communaux) où ils font paître leurs bêtes.


Incitation de l’éleveur individuel à sur-exploiter le pré, car il n’y a pas d’incitation à la retenue. Chaque éleveur impose une externalité sur les autres en réduisant la qualité du champ commun.
== La Tragédie des Biens Communs ==
La tragédie des communs est un phénomène qui se produit lorsqu'une ressource partagée par plusieurs est surexploitée par des individus agissant indépendamment selon leur propre intérêt personnel immédiat, ce qui entraîne l'épuisement de cette ressource au détriment de tous. Imaginons un pâturage ouvert à tous les éleveurs d'un village. Si chaque éleveur cherche à maximiser son gain en y faisant paître le plus grand nombre possible de ses propres animaux, le pâturage sera rapidement surutilisé et sa qualité diminuera, jusqu'à ne plus être capable de régénérer naturellement. À terme, le pâturage devient inutilisable pour l'ensemble de la communauté, y compris pour les éleveurs qui, au départ, en ont tiré avantage.


Le bénéfice d’une gestion “responsable” de la ressource commune est minime, surtout en anticipation de l’absence d’une telle attitude par les autres.
Cette situation résulte d'une liberté d'accès illimitée et d'une absence de régulation concernant l'usage de la ressource. Chaque utilisateur a un incitatif individuel à consommer autant de la ressource que possible. Puisque la ressource est rivalisée, chaque unité de la ressource consommée par un individu est une unité qui ne peut pas être consommée par un autre. Lorsque tous les individus prélèvent de la ressource sans retenue et sans coordination, l'exploitation devient excessive et la ressource s'épuise. Le concept, popularisé par Garrett Hardin, illustre un échec de la rationalité individuelle où, bien que chaque utilisateur agisse de manière logique pour maximiser son propre bénéfice, le résultat global de ces actions est néfaste pour le groupe. La tragédie des communs suggère que sans une forme de contrôle ou de gestion de la ressource, l'égoïsme naturel des individus conduit à la ruine collective.


Conséquence: tous les éleveurs sur-exploitent le pré, dont l’herbe ne peut
En réponse à ce problème, des solutions telles que la privatisation de la ressource (attribution de droits de propriété privés), l'établissement de limites d'exploitation (quotas), ou l'instauration de systèmes de gestion communautaire ont été proposées. Elinor Ostrom a remis en question l'inévitabilité de la tragédie des communs en démontrant que des groupes d'individus sont capables de créer des systèmes de gestion durable des ressources communes à travers des règles d'auto-gestion efficaces et des sanctions pour non-respect. Les approches de gestion varient considérablement, mais elles partagent une reconnaissance commune de la nécessité de réguler l'utilisation des ressources partagées pour éviter l'épuisement et garantir leur disponibilité pour les générations futures.


pas se renouveler.
=== Coopération entre Éleveurs pour la Gestion des Communs ===
Ce tableau montre une matrice des gains nets pour deux éleveurs, Anne et John, qui doivent décider du nombre de vaches qu'ils vont faire paître sur un champ commun. L'équilibre de Nash est indiqué dans la matrice, mettant en lumière le résultat où Anne et John choisissent tous les deux de faire paître six vaches, ce qui est une stratégie non coopérative.


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Problème récurrent et de grande actualité des zones de pêche: il est difficile d’exclure des nouveaux bateaux de pêche, mais il y a rivalité dans les prises.
Dans cet exemple, l'équilibre de Nash survient lorsque les deux éleveurs agissent de manière non coopérative, maximisant ainsi leur propre gain immédiat sans prendre en compte l'effet de leur action sur l'autre. Si Anne et John décident tous deux de faire paître trois vaches (la stratégie coopérative), le champ peut soutenir ce nombre sans se dégrader, et ils bénéficient tous deux d'un gain net de 120. Cependant, si l'un d'eux décide de faire paître six vaches tandis que l'autre reste à trois, celui qui est non coopératif tire un bénéfice plus élevé aux dépens de l'autre. Par exemple, si Anne fait paître trois vaches et que John en fait paître six, Anne obtient un gain net de 75 tandis que John en obtient 150.


Il serait dans l’intérêt de tous les bateaux de limiter leurs prises pour laisser les poissons se reproduire, mais chaque bateau individuellement a intérêt à maximiser les prises avant que les autres ne le fassent.
L'incitation individuelle à maximiser les profits personnels conduit les deux éleveurs à choisir la stratégie non coopérative de faire paître six vaches, résultant en un gain net de 90 pour chacun. Cette situation est sous-optimale comparée à la coopération, mais c'est l'équilibre stable de la stratégie car aucun éleveur n'a d'incitation à dévier de cette stratégie tant que l'autre ne change pas. La conséquence de cette action conjointe non coopérative est que le champ est sur-exploité, l'herbe ne peut pas se renouveler, ce qui diminue la qualité du champ pour tous les éleveurs.


Nécessité de régulation par une instance publique pour limiter les prises individuelles.
Cette situation illustre la "tragédie des communs", où des individus, agissant indépendamment et rationnellement selon leur propre intérêt personnel, finissent par épuiser une ressource partagée, malgré le fait que cela va à l'encontre de l'intérêt à long terme de la communauté, y compris le leur. La gestion "responsable" du champ commun n'est pas attrayante pour les individus car le bénéfice d'une telle gestion est minime, surtout si les autres éleveurs ne se comportent pas de manière responsable. La conséquence directe est une dégradation de la ressource partagée au détriment de tous.


Problème aigu lorsque la ressource naturelle est partagée par plusieurs pays: nécessité d’une instance supra-nationale.
=== Gestion des Zones de Pêche Partagées ===
Le problème des zones de pêche illustre parfaitement la complexité de la gestion des biens communs qui sont soumis à la rivalité et à la difficulté d'exclusion. Les océans sont vastes et il est souvent techniquement ou économiquement impraticable d'exclure de nouveaux acteurs de l'exploitation des zones de pêche. Cependant, la ressource poissonnière, bien qu'apparemment abondante, est en réalité limitée et extrêmement sensible à la surpêche.


Cf. The Economist, The tragedy of the commons, contd, 04.05.2005.
Lorsque trop de bateaux pêchent dans une zone donnée, ils entrent en compétition pour une ressource qui se raréfie, ce qui est un cas classique de rivalité. Même si chaque pêcheur comprend qu'il serait bénéfique à long terme de limiter les prises pour permettre aux stocks de poissons de se régénérer, il existe une incitation immédiate à pêcher autant que possible. Cela est dû au risque que si un pêcheur ne capture pas le poisson, un autre le fera. Cette logique mène à une surexploitation des stocks de poissons, ce qui peut conduire à l'effondrement des populations de poissons, nuisant ainsi à l'écosystème marin et aux communautés de pêcheurs qui dépendent de ces ressources pour leur survie.


Pleine d'autres applications possibles, par exemple l'impact des émissions de CO2 sur l'atmosphère (= bien commun) et les tentatives de régulation avec le Protocole de Kyoto (1997) et l'Accord de Copenhague (2009).
C'est là qu'intervient la nécessité d'une régulation par une instance publique. De telles régulations peuvent inclure des quotas de pêche, qui limitent la quantité de poissons qu'un bateau peut capturer, des périodes de fermeture pendant lesquelles la pêche est interdite pour permettre la reproduction des poissons, ou des règlements qui déterminent les types d'engins de pêche autorisés afin de réduire la capture accidentelle d'espèces non ciblées.


== La tragédie des communaux : coût privé versus coût social ==
La mise en œuvre de ces règlementations requiert une coopération internationale, car les poissons ne connaissent pas de frontières et les zones de pêche peuvent s'étendre sur plusieurs juridictions nationales. Les organisations internationales et les accords de pêche jouent donc un rôle crucial dans la coordination des efforts de conservation et de gestion des pêcheries. De plus, les mesures de conservation doivent être accompagnées de surveillance et d'application pour être efficaces, ce qui peut s'avérer difficile en haute mer.
 
En fin de compte, la régulation des zones de pêche est un problème complexe qui nécessite une approche équilibrée pour protéger les moyens de subsistance des communautés de pêcheurs tout en préservant la durabilité des écosystèmes marins pour les générations futures.
 
=== Les Mécanismes de Régulation et leur Importance ===
Lorsque des ressources naturelles, comme les zones de pêche, sont partagées entre plusieurs pays, la nécessité d'une gestion et d'une régulation transfrontalières devient particulièrement aiguë. Les océans ne connaissent pas de frontières, et les stocks de poissons migrent et se mélangent à travers les eaux internationales et les zones économiques exclusives de différents pays. Dans de tels contextes, l'action unilatérale n'est pas suffisante pour assurer la durabilité à long terme des stocks de poissons, et la coopération internationale devient impérative.
 
Les articles comme celui du "The Economist" de 2005, The tragedy of the commons, et les défis contemporains de la gestion des ressources communes mettent en évidence la difficulté de parvenir à des accords et à une action collective. Pour résoudre ces problèmes, des instances supranationales telles que les Nations Unies et ses diverses agences, ou des organisations régionales de gestion de la pêche, sont souvent appelées à jouer un rôle de coordination et de régulation. Ces organisations peuvent aider à négocier des traités internationaux qui fixent des quotas de pêche, des saisons de pêche, et des mesures de conservation, et qui sont contraignants pour les pays signataires.
 
Ces problématiques de gestion des ressources naturelles communes trouvent également des parallèles dans les questions de changement climatique, notamment avec l'impact des émissions de CO2 sur l'atmosphère. L'atmosphère est un bien commun à l'échelle planétaire, et les émissions de CO2 d'un pays affectent le climat mondial. Ainsi, les accords internationaux comme le Protocole de Kyoto de 1997 et l'Accord de Copenhague de 2009 sont des tentatives de réguler collectivement ces émissions. Ces accords visent à établir des cadres juridiquement contraignants pour les pays signataires afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de limiter ainsi le réchauffement climatique.
 
Cependant, de tels accords font face à des défis similaires à ceux de la "tragédie des communs", où chaque pays a une incitation à maximiser son développement économique et à minimiser les coûts de la réduction des émissions, tout en bénéficiant des efforts de réduction entrepris par les autres pays. C'est pourquoi la réussite de ces accords dépend non seulement de l'engagement des pays développés, qui sont historiquement les plus grands émetteurs, mais aussi de l'implication des pays en développement, qui sont les sources les plus importantes d'augmentation des émissions. La gouvernance climatique mondiale repose donc sur la capacité des pays à dépasser leurs intérêts immédiats et à collaborer pour le bien commun à long terme.
 
== La Tragédie des Communs : Comparaison des Coûts Privés et Sociaux ==
 
La tragédie des communs met en évidence une discordance fondamentale entre les coûts privés et les coûts sociaux liés à l'utilisation des ressources partagées. Dans ce scénario, le coût privé est le coût personnel qu'un individu ou une entreprise engage lorsqu'il utilise une ressource commune. Par exemple, pour un pêcheur, cela pourrait être le coût de l'essence pour son bateau, le temps passé à pêcher, ou l'usure de son équipement. Le coût social, en revanche, inclut tous les coûts privés plus les coûts externes que les actions de l'individu imposent à la société — dans ce cas, la diminution des stocks de poissons disponibles pour les autres en raison de la surpêche.
 
Dans une situation de tragédie des communs, les individus ou les entreprises considèrent principalement leurs coûts privés lorsqu'ils prennent des décisions sur combien prélever de la ressource commune. Cela conduit à une surutilisation de la ressource, car les coûts sociaux ne sont pas pris en compte dans leur prise de décision individuelle. Si un pêcheur peut augmenter ses gains immédiats en pêchant plus, il a peu d'incitations à se retenir, même si la surpêche réduit les stocks de poissons et nuit à l'ensemble de la communauté de pêcheurs à long terme.
 
La conséquence est que chaque utilisateur de la ressource commune, en poursuivant son propre intérêt, contribue à une situation où la ressource est tellement exploitée qu'elle devient moins disponible ou même épuisée pour tous, y compris pour celui qui a contribué à sa surexploitation. Les utilisateurs finaux se retrouvent donc dans une position pire que si chacun avait limité sa consommation de la ressource. Cela démontre un conflit entre l'optimalité à court terme pour les individus et l'optimalité à long terme pour le groupe.
 
La solution traditionnelle à la tragédie des communs est la régulation, qui peut prendre la forme de droits de propriété clairement définis, de quotas, de taxes ou de normes légales, encourageant les utilisateurs à prendre en compte les coûts sociaux de leurs actions. Ces régulations sont conçues pour limiter l'utilisation de la ressource commune à un niveau durable, s'alignant ainsi les coûts privés sur les coûts sociaux et évitant l'épuisement de la ressource.


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= Allocation du bien public =
== Offre optimale ==
Une fois décidé qu’un bien public doit être fourni, il se pose la question de savoir dans quelle quantité.


Sur le marché d’un bien privé, pour un prix donné, chacun consomme une quantité optimale du bien.
Ce graphique économique illustre le concept de la tragédie des communs appliqué à la pêche, montrant la différence entre les coûts marginaux privés et sociaux et comment cela affecte la quantité de poissons pêchés.
 
Dans le graphique, l'axe vertical représente le prix du poisson, tandis que l'axe horizontal représente la quantité de poisson. La ligne verticale étiquetée "Bénéfice privé/social = Demande" reflète la demande de poisson ; elle indique combien les consommateurs sont prêts à payer pour chaque quantité de poisson. La demande est considérée comme étant à la fois le bénéfice privé (ce que les pêcheurs reçoivent pour leur poisson) et le bénéfice social (la valeur du poisson pour la société).
 
La ligne verte, étiquetée "cm Privé", représente le coût marginal privé, qui est le coût supporté par les pêcheurs pour chaque unité supplémentaire de poisson capturée. Ce coût inclut le carburant, l'amortissement du bateau, la main d'œuvre, etc. À l'intersection de la ligne de demande et du coût marginal privé, nous trouvons la quantité de marché <math>Q^*_{Marche}</math>​ et le prix privé <math>P^*_{Sociale}</math>​, qui sont la quantité et le prix qui seraient réalisés dans un marché sans intervention où les pêcheurs ne considèrent que leurs coûts privés.
 
La ligne rouge, étiquetée "cm Social", représente le coût marginal social, qui inclut à la fois les coûts privés et les coûts externes (comme la dégradation de l'écosystème, la perte de biodiversité, et les impacts sur les communautés de pêcheurs à long terme). Lorsque ces coûts externes sont pris en compte, le coût marginal social est plus élevé que le coût marginal privé. L'intersection de la ligne de demande avec le coût marginal social donne la quantité sociale optimale <math>Q^*_{Sociale}</math> et le prix social PSocial∗​. Cette quantité est inférieure à la quantité de marché, reflétant le fait qu'une fois les coûts externes pris en compte, la quantité socialement optimale de pêche est plus basse pour éviter la surpêche.
 
Ce graphique montre que, sans régulation, les pêcheurs sont susceptibles de pêcher une quantité <math>Q^*_{Marche}</math>​ qui est supérieure à la quantité socialement optimale <math>Q^*_{Sociale}</math>​, menant à une sur-exploitation de la ressource. La régulation, telle que l'imposition de quotas de pêche ou d'autres mécanismes de gestion, est nécessaire pour réduire la quantité pêchée de <math>Q^*_{Marche}</math> à <math>Q^*_{Sociale}</math>, minimisant ainsi les coûts sociaux et préservant la ressource poissonnière pour les générations futures.
 
= Stratégies d'Allocation des Biens Publics =
 
== Déterminer l'Offre Optimale d'un Bien Public ==
La fourniture d'un bien public pose des défis uniques par rapport à celle d'un bien privé. Pour un bien privé, le marché permet généralement de déterminer à la fois le prix et la quantité de biens consommés. Les consommateurs individuels achètent des quantités différentes d'un bien privé en fonction de leur propre évaluation de l'utilité marginale du bien et de leur volonté de payer, ce qui est reflété dans la courbe de demande du marché. L'équilibre de marché se produit au point où la courbe de demande croise la courbe de l'offre, indiquant la quantité optimale du bien privé qui sera produite et consommée au prix du marché.
 
Pour un bien public, cependant, le processus est plus complexe. Étant donné que les biens publics sont caractérisés par la non-rivalité, la consommation du bien par une personne n'empêche pas sa consommation par une autre. Cela signifie que la même quantité du bien est disponible pour tous les individus, quel que soit le montant qu'ils paient individuellement. La question devient alors de déterminer non pas combien chaque personne consommera pour un prix donné, mais plutôt quel montant chaque personne devrait contribuer pour la quantité donnée du bien public.
 
La fourniture efficiente d'un bien public requiert que la somme des bénéfices marginaux individuels, qui sont les montants que chaque personne est disposée à payer pour une unité supplémentaire du bien, soit égale au coût marginal de production de ce bien. En d'autres termes, le bien public devrait être produit jusqu'au point où le coût de fournir une unité supplémentaire est exactement égal à la somme totale que les individus sont prêts à payer pour cette unité supplémentaire.
 
Cependant, déterminer la volonté de payer pour un bien public est difficile car les individus ont une incitation à sous-déclarer leur véritable volonté de payer afin de bénéficier du bien sans contribuer à son coût (le problème du passager clandestin). Pour cette raison, la contribution individuelle pour le financement des biens publics est souvent déterminée par le biais de taxes ou d'autres mécanismes obligatoires, et non pas par des paiements volontaires. En fin de compte, la décision sur la quantité de bien public à fournir et la méthode de financement est généralement prise par le gouvernement ou une autre autorité publique, en tenant compte des coûts de production, des bénéfices marginaux pour la société, et des considérations d'équité.
 
== Comprendre les Demandes Individuelles et Agrégées pour les Biens Privés ==
Pour un bien privé, la demande individuelle correspond à la quantité de ce bien qu'une personne est prête à acheter à différents prix. La demande agrégée, ou demande du marché, est la somme des demandes individuelles pour le bien à chaque prix. Elle représente la quantité totale que tous les consommateurs sont prêts à acheter à chaque niveau de prix.


:::Bien privé : des quantités différentes pour le même prix.
Le processus d'agrégation des demandes individuelles pour former la demande du marché est relativement simple pour les biens privés :


Pour un bien public la question est plutôt de savoir pour une quantité donnée du bien public (en raison de la non-rivalité) quel prix faire payer.
# Établissement des courbes de demande individuelles : Chaque consommateur a une courbe de demande qui reflète sa volonté de payer en fonction de son utilité marginale pour le bien. Cette courbe montre combien d'unités du bien le consommateur achèterait à différents prix.
# Agrégation horizontale : La demande du marché est obtenue en additionnant horizontalement les quantités de tous les consommateurs à chaque niveau de prix. Cela signifie que pour un prix donné, on additionne les quantités que chaque consommateur est prêt à acheter pour obtenir la quantité totale demandée sur le marché à ce prix.
# Établissement de la courbe de demande du marché : La courbe de demande agrégée du marché est alors tracée en prenant en compte les quantités totales demandées à chaque prix. Cette courbe a généralement une pente négative, montrant que la quantité demandée augmente à mesure que le prix diminue.


Pour une fourniture efficiente, il faudrait que la somme des bénéfices marginaux (des volontés de payer) soit égale au coût de fabrication du bien public. Chaque individu paye ensuite l’équivalent de sa volonté de payer.
L'équilibre de marché pour un bien privé est atteint au point où la courbe de demande croise la courbe d'offre du marché. À ce point, le nombre d'unités que les consommateurs souhaitent acheter correspond au nombre d'unités que les producteurs souhaitent vendre, et le prix auquel ces deux quantités s'égalisent est le prix d'équilibre.


:::Bien public : la même quantité avec des prix différents.
Ce mécanisme de marché assure que les ressources sont allouées efficacement : les biens privés sont produits et consommés dans des quantités qui maximisent le bien-être des consommateurs, tant que les marchés sont compétitifs et qu'il n'y a pas de défaillances de marché telles que les externalités ou l'information imparfaite.


== Demandes individuelles et demande agrégée : bien privé ==
[[Fichier:Demandes individuelles et demande agrégée bien privé 1.png|400px|vignette|centré|Au prix d'équilibre de marché, chaque consommateur consomme une quantité différente du bien]]
[[Fichier:Demandes individuelles et demande agrégée bien privé 1.png|400px|vignette|centré|Au prix d'équilibre de marché, chaque consommateur consomme une quantité différente du bien]]


== Demandes individuelles et demande agrégée : bien public ==
Ce graphique illustre comment les demandes individuelles sont agrégées pour former la demande du marché pour un bien privé. Nous avons deux graphiques séparés représentant deux consommateurs différents, chacun avec sa propre courbe de demande, indiquée par D1​ et D2​. Chaque consommateur a un point sur sa courbe de demande où le prix d'équilibre du marché, représenté par l'axe vertical P, correspond à la quantité qu'il ou elle est prêt(e) à consommer, représentée par q1​ et q2​ respectivement.
La quantité consommée est la même, mais chacun paie un prix différent.


Si on avait prix = Cm (marché privé), l'offre du bien serait sous-optimale ou nulle.
Le troisième graphique combine ces deux demandes individuelles. La courbe de demande du marché D est la somme horizontale des quantités q1​ et q2​ que les deux consommateurs sont prêts à acheter au prix d'équilibre du marché. La ligne horizontale verte, étiquetée Cm=0, indique que le coût marginal de production du bien est nul. Dans la réalité, cela serait rare pour un bien privé, mais cela peut être utilisé pour illustrer un scénario hypothétique ou un bien public où le coût marginal de fournir le bien à un consommateur additionnel est nul.
 
Ce qui est crucial à comprendre ici est que, bien que le prix d'équilibre soit le même pour tous les consommateurs dans le marché, la quantité consommée peut varier d'un individu à l'autre en fonction de leurs préférences personnelles et de leur volonté de payer. Cette variation est représentée par les différentes quantités q1​ et q2​ sur les courbes de demande individuelles. La demande du marché reflète la somme de toutes les demandes individuelles à ce prix.
 
Le graphique en bas, avec les courbes en pointillé, semble montrer l'agrégation de ces demandes individuelles pour former la courbe de demande du marché. L'agrégation horizontale est une représentation graphique de la somme des quantités demandées par tous les individus à chaque niveau de prix pour obtenir la courbe de demande totale du marché. Cette courbe de demande du marché est ensuite utilisée pour déterminer la quantité totale du bien qui sera consommée au prix d'équilibre dans le marché global.
 
== Analyse des Demandes Individuelles et Agrégées pour les Biens Publics ==
 
Pour un bien public, la logique de demande individuelle et de demande agrégée diffère considérablement de celle des biens privés en raison de la non-rivalité dans la consommation. Pour un bien public, chaque individu consomme la même quantité du bien, car la consommation par une personne n'empêche pas et ne diminue pas la consommation par une autre. Par exemple, une fois qu'un phare est construit, tous les bateaux naviguant à proximité bénéficient de sa lumière, quel que soit le montant qu'ils ont payé pour ce service.
 
Le prix que chaque individu paie pour ce bien public peut varier considérablement et ne correspond pas nécessairement au coût marginal de fourniture du bien, car le coût marginal de fournir le bien à une personne additionnelle est souvent nul ou très faible. Si on appliquait la logique du marché privé, où les prix sont fixés égaux au coût marginal (Cm), on pourrait ne pas fournir le bien public du tout ou en quantité insuffisante, car les coûts fixes de production d'un bien public sont généralement élevés et ne seraient pas couverts si chaque utilisateur ne paie que le coût marginal.
 
Ainsi, pour assurer une fourniture optimale d'un bien public, il est souvent nécessaire que la contribution de chaque individu soit déterminée autrement que par le marché. Cette contribution peut être établie par la taxation, où chacun paie un montant calculé non pas sur la base de l'utilisation personnelle, mais plutôt sur la capacité de payer, la valeur perçue du bien, ou par d'autres considérations d'équité et d'efficience.
 
L'objectif est que la somme des contributions couvre le coût total de fourniture du bien. Pour y parvenir, le gouvernement ou l'organisme public fournissant le bien doit évaluer la volonté de payer totale pour le bien et la comparer au coût de fourniture. Si la somme des valeurs que les individus placent sur le bien (leur volonté de payer) est supérieure au coût de production, le bien devrait être fourni. La méthode exacte pour répartir ces coûts parmi les individus peut être complexe et dépend de nombreux facteurs, notamment des considérations politiques et sociales.


[[Fichier:Demandes individuelles et demande agrégée bien public 1.png|400px|vignette|centré]]
[[Fichier:Demandes individuelles et demande agrégée bien public 1.png|400px|vignette|centré]]


== Exemple ==
Ces graphiques économiques décrivent la demande pour un bien public par deux individus, ainsi que la demande agrégée. Dans les deux premiers graphiques, on voit les demandes individuelles D1​ et D2​ pour deux individus, avec les bénéfices marginaux (Bm) qu'ils retirent de différentes quantités du bien public. Le bénéfice marginal est représenté sur l'axe vertical et la quantité du bien public sur l'axe horizontal.
Par exemple, si pour avoir un service de voirie des rues donné, le coût est de 100 et que Jean est prêt à payer 20, Jacques 30 et Paul 50, on a la quantité optimale du bien public, car la somme des volontés de payer est égale au coût de production du service.
 
Pour chaque individu, le bénéfice marginal diminue avec l'augmentation de la quantité du bien consommé, ce qui est une représentation standard de la décroissance du bénéfice marginal. Le prix égal au coût marginal (Prix=Cm) est indiqué par une ligne pointillée horizontale. Pour un bien public, le coût marginal de fourniture à un consommateur additionnel est souvent très faible, voire nul, après que le bien a été produit.
 
Dans le troisième graphique, nous voyons la demande agrégée pour le bien public, qui est simplement la somme verticale des demandes individuelles à chaque niveau de quantité. La somme verticale est utilisée car, contrairement aux biens privés, chaque individu peut consommer la même quantité du bien public sans réduire la quantité disponible pour les autres. Le coût marginal collectif est indiqué par la ligne verte horizontale (Cm) et il est marqué comme étant égal à zéro, ce qui est typique pour de nombreux biens publics.
 
Ce que le graphique suggère, c'est que pour atteindre une efficacité dans la fourniture d'un bien public, la somme des bénéfices marginaux (les sommes verticales des volontés de payer des individus à chaque niveau de quantité) devrait être égale au coût marginal de production du bien. Comme le coût marginal est très bas ou nul, cela signifie que la quantité fournie devrait être là où la demande agrégée coupe le coût marginal, ce qui est le maximum total des bénéfices marginaux.


Or, une entreprise privée de voirie ne pourrait pas financer ce service en faisant payer chacun selon sa volonté de payer à cause du problème de passager clandestin et des préférences non-révélées.
Cependant, le graphique pose une question sous la forme de Cm=Prix? avec une valeur de zéro, ce qui soulève le problème de comment financer le bien. Si le coût marginal est nul, mais que le coût total de production n'est pas couvert, il faudrait trouver un moyen de financer ce coût. Cela pourrait impliquer des mécanismes de financement collectifs, comme les taxes ou les contributions publiques, qui ne sont pas directement liées à la consommation individuelle mais plutôt à la capacité de payer ou à la valeur perçue du bien par chaque individu.


L'État, de son côté, pourra procéder à une évaluation des bénéfices du service de voirie et, une fois établie la quantité optimale, grâce à son pouvoir de coercition, obliger les citoyens à se partager son financement. (Mais, comment évaluer le bénéfice et répartir au mieux le fardeau entre citoyens si l'État lui-même ne connait pas les préférences de chacun? → questions très délicates...)
== Études de Cas Pratiques ==
Par exemple, si pour avoir un service de voirie des rues donné, le coût est de 100 et que Jean est prêt à payer 20, Jacques 30 et Paul 50, on a la quantité optimale du bien public, car la somme des volontés de payer est égale au coût de production du service. Or, une entreprise privée de voirie ne pourrait pas financer ce service en faisant payer chacun selon sa volonté de payer à cause du problème de passager clandestin et des préférences non-révélées. L'État, de son côté, pourra procéder à une évaluation des bénéfices du service de voirie et, une fois établie la quantité optimale, grâce à son pouvoir de coercition, obliger les citoyens à se partager son financement. (Mais, comment évaluer le bénéfice et répartir au mieux le fardeau entre citoyens si l'État lui-même ne connait pas les préférences de chacun? → questions très délicates...)


== Analyse coûts-bénéfice ==
Cet exemple met en lumière les défis associés au financement des biens publics tels que le service de voirie. Dans ce scénario, la somme des volontés de payer de Jean, Jacques, et Paul est égale au coût de production du service, ce qui indique que la fourniture de ce service est socialement optimale. Cependant, une entreprise privée ne peut pas facilement financer ce service en faisant payer chaque individu en fonction de sa volonté de payer, car chaque individu a un incitatif à cacher sa véritable volonté de payer afin d'éviter de contribuer au coût (le problème du passager clandestin) ou de payer moins que sa véritable évaluation du service (préférences non révélées).
Une solution consiste donc à procéder à une analyse coûts-bénéfices, en procédant au décompte de tous les bénéfices et tous les coûts (monétaires et non-monétaires) pour la collectivité associés à une certaine quantité du bien public.


Problème: sans prix, comment estimer les bénéfices et coûts pour la société d’un bien public? Exemples :
L'État, ayant le pouvoir de lever des impôts, peut financer ce service en répartissant le coût entre tous les citoyens. Il peut le faire en estimant la valeur totale que le service de voirie apporte à la communauté et en utilisant des mécanismes fiscaux pour collecter les fonds nécessaires. Néanmoins, l'évaluation des bénéfices individuels et la répartition équitable du fardeau fiscal ne sont pas des tâches simples. L'État doit prendre en compte non seulement la capacité de payer des individus, mais aussi les bénéfices indirects et les externalités positives que le service de voirie pourrait générer, comme une meilleure hygiène publique et une plus grande efficacité dans les transports, qui profitent à l'ensemble de la communauté.
*quelle valeur sociale pour une ambassade? Un zoo?
*des routes plus sûres? Valeur d’une vie sauvée?
*valeur d’une atteinte à la bio-diversité? Combien vaut une forêt?


Ce type d’analyse est nécessairement complexe et emprunt de subjectivité dans l’évaluation des coûts et des bénéfices.
Pour évaluer ces bénéfices et répartir équitablement les coûts, l'État peut utiliser différentes méthodes :
:Selon le poids que l’on donne à l’énergie générée par un barrage hydro- électrique et les atteintes aux riverains et la bio-diversité, différentes décisions pourraient être prises.


== Exemple : construction d'un pont ==
* Évaluations indirectes : Utiliser des indicateurs économiques et sociaux pour estimer la valeur du service pour les citoyens.
* Impôts généraux : Financer le service par le biais de la fiscalité générale, où les impôts sont levés sur la base de la capacité de payer et non de l'utilisation directe du service.
* Enquêtes et évaluations : Mener des enquêtes auprès des citoyens pour recueillir des données sur leur volonté de payer.
* Coûts partagés : Répartir les coûts entre les citoyens en fonction de certains critères, tels que l'utilisation de la voirie, la propriété foncière ou la localisation.


Analyse coût-bénéfice de la construction d'un pont sur une rivière (bien mixte).
Il est important de noter que ces méthodes ont leurs propres limites et peuvent nécessiter un compromis entre l'efficacité, l'équité et la praticabilité. La clé est de trouver un équilibre qui assure la fourniture continue du service tout en maintenant le consentement et la confiance des citoyens dans la manière dont les fonds sont utilisés.


Bénéfices
== Fondements de l'Analyse Coûts-Bénéfices ==
*Bénéfices monétaires: péage (si péage il y a) que les automobilistes paient.
L'analyse coûts-bénéfices est une approche méthodique pour évaluer la viabilité économique d'un projet public en comparant les coûts totaux aux bénéfices totaux pour la société. Cela permet aux décideurs de déterminer si les bénéfices attendus d'un bien public justifient les dépenses.
*Bénéfices non-monétaires: surplus des consommateurs = automobilistes.
*Externalités positives: plus de tourisme dans des régions autrement isolées, trafic moins congestionné sur les routes.


Coûts
Dans le cas de biens publics, les bénéfices et les coûts ne sont pas toujours directement reflétés par des prix de marché, car ces biens ne sont généralement pas vendus ou achetés dans un marché traditionnel. Pour estimer la valeur sociale de ces biens, les économistes et les planificateurs utilisent diverses méthodes :
*Coûts monétaires : paiement de l’entreprise de construction.
*Coûts non-monétaires : perte sèche du prélèvement d'une taxe pour financer la construction du pont.
*Externalités négative : moins de profits pour le tourisme dans d’autres régions ou pour la compagnie qui faisait la traversée en bateau (externalités monétaires) + vue des riverains ou destruction de la vie sauvage dans les environs (externalités non-monétaires).


# Évaluation contingente : Cette méthode consiste à demander directement aux gens combien ils seraient prêts à payer pour un bien public ou combien ils accepteraient de recevoir pour renoncer à ce bien. Par exemple, combien les citoyens seraient-ils prêts à payer pour la conservation d'une forêt ou pour améliorer la sécurité routière ?
# Prix hédonistes : Cette méthode évalue l'impact de biens publics sur les prix des marchandises privées. Par exemple, la valeur d'une forêt peut être partiellement déduite de la prime que les gens sont prêts à payer pour des propriétés à proximité de cette forêt.
# Coût de remplacement ou de restauration : Pour évaluer la valeur d'un bien public, on peut calculer combien il en coûterait pour le remplacer ou le restaurer si celui-ci venait à être perdu. Par exemple, quelle serait la dépense nécessaire pour reconstruire une ambassade ou pour restaurer une zone de biodiversité dégradée ?
# Coût d'opportunité : On peut également regarder ce que la société renonce à faire en allouant des ressources à la fourniture d'un bien public. Par exemple, si des fonds sont utilisés pour construire un zoo, quelles autres installations publiques ou services n'ont pas été financés à la place ?
# Approche par la valeur statistique d'une vie : Pour estimer la valeur des routes plus sûres, les économistes utilisent parfois la notion de valeur statistique d'une vie, qui reflète la quantité d'argent que la société est prête à dépenser pour réduire le risque de décès.


== Exemple : la valeur d'une vie ==
Ces méthodes ont des limitations et peuvent être sujettes à des biais, mais elles fournissent des cadres pour tenter d'évaluer les bénéfices et coûts non marchands. Les résultats de ces évaluations sont cruciaux pour la prise de décision en matière de politique publique, notamment pour décider si un bien public doit être fourni et à quelle échelle. En fin de compte, bien que l'analyse coûts-bénéfices puisse aider à informer les décisions, les choix finaux impliquent souvent aussi des jugements de valeur et des considérations politiques.
Très souvent, les décideurs politiques doivent se prononcer sur l’amélioration de la sécurité (lieu de travail, circulation, loisirs...) et le projet peut nécessité des coûts qu’il faut mettre en balance avec des vies sauvées.


Problème : quelle valeur donner à une vie sauvée?
L'analyse coûts-bénéfices est un outil d'évaluation complexe qui nécessite souvent de faire des jugements subjectifs, particulièrement lorsqu'il s'agit de peser les avantages économiques contre les coûts sociaux et environnementaux. Dans l'exemple d'un barrage hydroélectrique, les bénéfices peuvent inclure la génération d'énergie renouvelable, la régulation des eaux pour prévenir les inondations, et la création d'opportunités économiques telles que l'amélioration des infrastructures et le tourisme. Ces avantages sont souvent quantifiables en termes monétaires et peuvent être comparés aux coûts directs de construction et de maintenance du barrage. Cependant, les coûts pour les riverains — comme le déplacement de communautés, la perte de terres agricoles, et les changements dans les modes de vie locaux — ainsi que les impacts sur la biodiversité — comme la perturbation des écosystèmes aquatiques et la modification des habitats naturels — nécessitent une évaluation plus subjective. Comment, par exemple, évaluer la perte de patrimoine culturel ou les impacts sur des espèces endémiques qui pourraient être menacées par la construction du barrage ?
:'''Approche du capital humain''' : utilisée dans certains tribunaux aux USA pour évaluer des dommages compensatoires. Problème d’équité: ceux dont les proches décédés n’ont pas fait d’études reçoivent moins que ceux ayant un niveau d'éducation élevé.
:'''Approche des dépenses de sécurité''' : tout ce que les gens payent pour avoir un airbag, des freins ABS ou un extincteur.
:'''Approche de la valeur statistique''' : le marché du travail comporte des risques de décès que les travailleurs peuvent être prêts à prendre si on les compense avec une prime salariale de risque encouru.


== Analyse coûts-bénéfice et le temps ==
La méthode d'évaluation contingente peut être utilisée pour demander aux parties prenantes combien elles seraient prêtes à payer pour préserver leur mode de vie ou l'environnement, mais ces évaluations sont subjectives et peuvent ne pas capturer pleinement la valeur intrinsèque des pertes non économiques. La valeur donnée à chaque facteur varie selon les parties prenantes et les décideurs, et peut être influencée par des considérations politiques, économiques, et éthiques. Les décisions finales peuvent donc varier en fonction des valeurs et des priorités de la société à un moment donné. Cela souligne l'importance d'un processus de décision transparent et inclusif, où toutes les voix sont entendues et où les impacts sont soigneusement considérés et équilibrés. Il est également essentiel de considérer des solutions alternatives et de réaliser des analyses de sensibilité pour comprendre comment les différentes hypothèses influencent les résultats de l'analyse coûts-bénéfices.


Un autre problème qui se pose aux décideurs survient lorsque les flux de coûts et de bénéfices arrivent à des périodes différentes.
== Cas Pratique : Analyse Coûts-Bénéfices d'un Projet de Pont ==


Exemple: meilleur encadrement éducatif, investissement dans une meilleure épuration des eaux, reboisement d’une forêt... coûts sont subis aujourd’hui, alors que les bénéfices sont plus éloignés dans le futur.
L'analyse coût-bénéfice pour la construction d'un pont sur une rivière doit prendre en compte diverses implications économiques, sociales et environnementales. Les bénéfices de ce projet peuvent être multiples. Monétairement, si le pont est à péage, il pourrait générer des revenus substantiels en fonction du trafic qu'il attire. Ces revenus ne se limitent pas seulement aux frais de péage, mais s'étendent aussi au surplus que les automobilistes seraient disposés à payer pour les avantages que le pont offre en termes de gain de temps et de confort par rapport aux itinéraires alternatifs. En outre, la présence du pont peut avoir des retombées positives significatives sur le tourisme local, car les régions qui étaient auparavant difficiles d'accès peuvent devenir plus attrayantes pour les visiteurs, ce qui stimulerait l'économie locale. La réduction de la congestion sur d'autres routes peut également entraîner des économies de temps et d'argent pour les automobilistes, ce qui constitue un autre avantage économique indirect.


Or: “un tiens vaut mieux que deux tu l’auras”. Autrement dit, les individus ne donnent pas la même valeur à des flux de coûts ou bénéfices présents et futurs: c’est la préférence pour le présent.
Cependant, le projet entraînerait également des coûts. Sur le plan monétaire, les coûts immédiats incluraient les dépenses consacrées à la construction, telles que les matériaux, la main-d'œuvre et la gestion du projet. Si le financement de la construction est réalisé à travers une augmentation de la fiscalité, cela pourrait entraîner une perte d'efficience économique car les taxes peuvent perturber l'allocation optimale des ressources sur le marché. De plus, il y a des externalités négatives qui doivent être prises en considération, telles que l'impact potentiel sur les entreprises de tourisme dans d'autres régions qui pourraient perdre des revenus, ou sur les services de traversiers qui seraient moins utilisés ou deviendraient obsolètes. Les conséquences environnementales ne doivent pas être sous-estimées non plus, car la construction d'un pont peut modifier les paysages, perturber les écosystèmes locaux, affecter la faune et impacter la qualité de vie des riverains.


Il est clairement très difficile de faire des évaluations des conséquences non-monétaires ou des externalités, mais on peut aussi avoir beaucoup d'incertitude sur tout ce qui est monétaire.
L'ensemble de ces facteurs doit être méticuleusement évalué pour déterminer si les avantages globaux justifient les coûts associés. La difficulté réside dans la monétisation des avantages et des coûts non économiques, qui exige souvent des approches d'évaluation indirectes et peut être sujet à débat. L'impact sur l'environnement, par exemple, peut exiger des compensations ou des mesures d'atténuation qui doivent être évaluées et financées adéquatement.


== L'État de droit est un bien public ==
La décision finale concernant la construction du pont doit alors être prise en considérant non seulement les calculs économiques, mais aussi les valeurs sociales et environnementales. Elle impliquera un arbitrage entre les besoins de développement économique et la préservation de l'environnement et du bien-être social. En fin de compte, il s'agit de prendre une décision qui maximise le bien-être collectif tout en minimisant les impacts négatifs, un défi qui nécessite une réflexion approfondie, des compromis éclairés et une planification stratégique.


Les résultats d’efficience du marché dépendent crucialement du respect de l’État de droit et, en particulier, de la sauvegarde des droits de propriété, mais aussi des libertés individuelles de base. Sans respect des droits fondamentaux, pas d'efficience de l'économie de marché.
== Évaluer la Valeur d'une Vie dans les Projets Publics ==


Or, le marché seul ne permet pas en soi de voir émerger un État de droit.
Les décideurs politiques sont souvent confrontés à des décisions difficiles lorsqu'il s'agit d'améliorer la sécurité dans divers domaines de la vie publique. Ces améliorations, qu'elles concernent le lieu de travail, la circulation routière ou les loisirs, impliquent généralement des coûts qui doivent être comparés aux avantages, notamment en termes de vies potentiellement sauvées. La complexité éthique et pratique de ces situations réside dans la nécessité d'attribuer une valeur à la vie humaine, ce qui est une tâche à la fois sensible et controversée.
::La poursuite de l’intérêt privé (main invisible) seule donne lieu à des situations de non-droit où les échanges sont réduits, car découragés par l’expropriation (seigneurs de guerre, mafia, Far West...).
::La collectivité dans son ensemble pâtit du non-respect des droits fondamentaux. Loi du plus fort : l'incitation n'est pas à la production mais à l'extorsion.


Les sociétés de chasseurs cueilleurs vivent sans droits de propriété! Mais: sont peu nombreux en regard des ressources environnantes. Dès que la pression démographique augmente, les ressources sont épuisées, car il n’y a pas d’incitation à les préserver (tragédie des communaux).
L'une des méthodes pour évaluer la valeur d'une vie est l'approche du capital humain, qui mesure la valeur économique d'une personne en termes de sa contribution potentielle future à l'économie, souvent basée sur le revenu actuel ou futur prévu. Cette méthode est utilisée dans certains systèmes juridiques, tels que les tribunaux aux États-Unis, pour calculer les dommages compensatoires en cas de décès. Cependant, cette approche soulève des problèmes éthiques importants liés à l'équité : elle peut aboutir à une situation où la vie de personnes ayant un faible revenu ou peu d'éducation est considérée comme ayant moins de valeur que celle de personnes ayant de plus hauts revenus ou un niveau d'éducation plus élevé.


= Résumé =
Une autre approche est celle des dépenses de sécurité, qui examine ce que les gens sont prêts à payer pour des dispositifs de sécurité supplémentaires, comme un airbag, des freins ABS sur une voiture ou un extincteur dans une maison. Cela reflète une volonté de payer pour réduire le risque de blessure ou de décès. Cependant, cela suppose que les gens ont une compréhension précise du niveau de risque réduit par ces dépenses et que tout le monde a les mêmes moyens financiers pour investir dans la sécurité.
Les biens diffèrent au regard de leur nature: (non-)exclusion et (non-)rivalité.


Exclusion: il est possible d’empêcher quelqu’un de l’utiliser. Un bien est rival dans le cas où, s’il est consommé par quelqu’un, la possibilité qu’il soit aussi consommé par quelqu’un d’autre est réduite.
L'approche de la valeur statistique d'une vie prend en compte la prime de risque que les travailleurs exigent pour accepter un emploi plus risqué. Ces primes peuvent être utilisées pour estimer la valeur que la société attribue à des réductions statistiques des risques de décès. Cette méthode est largement utilisée pour guider les politiques publiques, car elle s'appuie sur des choix observables sur le marché du travail.


Les biens publics purs sont caractérisés par la non-exclusion et la non- rivalité.
Ces différentes approches ont toutes des limitations et des implications morales. Par exemple, la valeur statistique d'une vie peut varier en fonction de l'âge, du statut socioéconomique ou d'autres facteurs, ce qui soulève des questions d'équité. De plus, aucune méthode ne peut pleinement capturer la valeur intrinsèque de la vie humaine et les conséquences émotionnelles, sociales et culturelles de la perte d'un être cher.


Si l’exclusion n’est pas possible, les individus sont incités à se comporter en passagers clandestins lorsque ce bien est fourni par le secteur privé.
En pratique, les décideurs peuvent combiner plusieurs méthodes pour arriver à une estimation plus équilibrée de la valeur d'une vie dans le contexte de décisions de politique publique. Ils doivent également prendre en compte les valeurs éthiques de la société et s'assurer que les mesures prises ne discriminent pas contre certains groupes de personnes. La participation publique et le débat sont essentiels pour assurer que ces décisions reflètent les valeurs de la communauté dans son ensemble.


L’État prend en charge les biens publics et décide de la quantité à fournir au moyen d’une analyse coûts-bénéfices.
== Les Implications Temporelles dans l'Analyse Coûts-Bénéfices ==


Les ressources communes sont des biens rivaux sans exclusion possible.
La prise en compte du temps est un aspect crucial de l'analyse coûts-bénéfices, surtout quand il y a un décalage temporel entre les coûts engagés et les bénéfices obtenus. C'est une situation fréquente dans le domaine des politiques publiques, où de nombreux investissements, tels que l'amélioration de l'éducation, la gestion des ressources en eau ou le reboisement des forêts, exigent des dépenses immédiates tandis que leurs bénéfices ne se matérialisent que sur le long terme.


Comme les individus ne paient pas pour l’utilisation de ces ressources, ils
L'un des principes fondamentaux de la finance est que les individus ont une préférence pour le présent, aussi connue sous le terme de "préférence temporelle". Les gens ont tendance à valoriser les bénéfices immédiats plus fortement que les bénéfices futurs, ce qui est souvent conceptualisé par le taux d'actualisation dans l'analyse économique. Pour équilibrer cette préférence pour le présent, les coûts et bénéfices futurs sont "actualisés" pour refléter leur équivalent en valeur présente. Cela signifie que les flux futurs de coûts et de bénéfices sont convertis en leurs valeurs actuelles en utilisant un taux d'actualisation, qui prend généralement en compte le taux d'intérêt et d'autres facteurs de risque ou d'incertitude.


tendent à les sur-exploiter.
Lorsque l'on compare les coûts immédiats aux bénéfices futurs, l'utilisation d'un taux d'actualisation peut significativement réduire la valeur présente des bénéfices futurs, ce qui peut rendre les projets à long terme moins attrayants du point de vue de l'analyse coûts-bénéfices. C'est pourquoi la sélection du taux d'actualisation est souvent l'objet de débats et d'analyses, car un taux trop élevé peut dissuader des investissements bénéfiques à long terme et un taux trop bas peut conduire à surinvestir dans des projets qui ne sont pas nécessairement efficaces.


L’État est dans ce cas nécessaire pour suppléer au marché. Le problème devient critique lorsque la ressource dépasse les frontières nationales d’un pays.
En plus de l'incertitude liée à la valorisation des flux monétaires futurs, il y a aussi souvent une incertitude sur l'évaluation des conséquences non-monétaires ou des externalités. Les externalités environnementales, sociales et de santé publique peuvent être particulièrement difficiles à quantifier. Par conséquent, il est essentiel d'intégrer des analyses de sensibilité dans l'analyse coûts-bénéfices pour comprendre comment différents scénarios et taux d'actualisation affectent l'évaluation du projet.
 
Les décideurs doivent donc non seulement considérer les coûts et bénéfices et leur timing, mais aussi la manière dont ces derniers sont valorisés au fil du temps. Ils doivent aussi tenir compte de l'incertitude et des risques associés aux prévisions à long terme. Cela exige une approche prudente et souvent une combinaison de méthodes d'évaluation pour assurer que les décisions prises aujourd'hui serviront le bien-être des générations actuelles et futures.
 
== L'Importance de l'État de Droit pour l'Efficienté du Marché ==
 
Le marché est souvent célébré pour sa capacité à allouer les ressources de manière efficace grâce à la théorie de la main invisible, où la poursuite des intérêts privés contribue, sans intention délibérée, à l'efficacité collective. Cependant, ce mécanisme repose sur certaines conditions fondamentales, dont le respect de l'État de droit et la sauvegarde des droits de propriété.
 
L'État de droit crée un cadre où les transactions peuvent se faire en toute confiance, avec la certitude que les contrats seront honorés et que les droits de propriété seront respectés. Sans cela, il existe un risque accru d'expropriation arbitraire ou de confiscation, ce qui peut décourager l'investissement et l'échange et réduire ainsi l'efficacité du marché. En effet, si les acteurs du marché craignent que leurs biens puissent être pris de force ou sans compensation équitable, ils seront moins enclins à investir ou à entreprendre des activités productives.
 
Le marché seul ne peut pas garantir l'émergence ou le maintien de l'État de droit. Dans l'histoire, il y a eu des périodes et des lieux caractérisés par un faible respect des droits fondamentaux, où les échanges étaient entravés par l'instabilité et l'insécurité juridique. Des exemples notoires incluent les régions contrôlées par des seigneurs de guerre ou des organisations criminelles où la loi du plus fort prévaut, et où l'incitation dominante est l'extorsion plutôt que la production. Dans ces contextes, l'économie ne fonctionne pas de manière efficace et équitable, et la société dans son ensemble en souffre.
 
Même les sociétés de chasseurs-cueilleurs, qui existent sans droits de propriété formels, peuvent illustrer cette dynamique. Tant que la population est faible et que les ressources environnantes sont abondantes, il peut y avoir peu de conflits sur l'utilisation des ressources. Cependant, avec l'augmentation de la pression démographique, la concurrence pour les ressources limitées s'intensifie, et l'absence d'incitations à préserver ces ressources peut conduire à leur surexploitation et épuisement — la tragédie des communs.
 
Pour éviter ces écueils, l'intervention de l'État ou de la communauté est souvent nécessaire pour établir et maintenir l'ordre juridique, protéger les droits de propriété, et réguler l'utilisation des ressources communes. L'État doit équilibrer les intérêts individuels avec le bien-être collectif, en imposant des règles et des normes qui encouragent la production et l'échange tout en préservant la justice et la durabilité. Cela exige une gouvernance efficace, une justice impartiale et une administration capable de faire respecter les lois de manière équitable.
 
= Synthèse et Conclusions =
 
Les biens et services au sein d'une économie se distinguent principalement selon deux critères : la capacité d'exclure ou non des consommateurs potentiels de leur usage et leur caractère rival ou non. Les biens publics purs sont définis par l'absence d'exclusion et de rivalité dans la consommation : une fois qu'ils sont fournis, personne ne peut être empêché de les consommer et leur utilisation par une personne ne diminue pas la quantité disponible pour les autres. Cela contraste avec les biens privés, où l'utilisation par un individu empêche souvent un autre individu de consommer le même bien (rivalité) et où l'accès peut être restreint à ceux qui peuvent payer pour eux (exclusion).
 
Lorsqu'il est impossible d'exclure les individus de la consommation d'un bien, une situation de passager clandestin peut émerger, particulièrement si le bien est fourni par le secteur privé. Les individus peuvent bénéficier du bien sans contribuer à son coût, ce qui conduit souvent à une sous-fourniture du bien par le marché. Pour remédier à cela, l'État intervient souvent pour fournir des biens publics, se basant sur une analyse coûts-bénéfices pour déterminer la quantité appropriée à fournir.
 
Les ressources communes présentent un autre dilemme : elles sont caractérisées par la rivalité dans la consommation mais ne permettent pas l'exclusion. Les individus, ne payant pas pour l'utilisation de ces ressources et ne faisant pas face aux coûts directs de leur surconsommation, ont tendance à les utiliser de manière excessive, ce qui peut mener à leur épuisement rapide. La tragédie des communs, comme cela est connu, nécessite une intervention de l'État pour réguler l'utilisation de ces ressources et empêcher leur sur-exploitation.
 
Le défi se complique lorsque les ressources s'étendent au-delà des frontières nationales, car aucun État unique ne peut réguler leur utilisation de manière effective. Cela requiert une coopération internationale et des accords transfrontaliers pour gérer durablement ces ressources partagées et assurer qu'elles ne soient pas épuisées par l'utilisation non coordonnée et compétitive entre les nations.


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Version actuelle datée du 11 janvier 2024 à 16:17

Basé sur un cours de Federica Sbergami[1][2][3]

Les biens publics représentent un concept fondamental dans l'étude de l'économie publique et des échecs du marché. Ces biens, caractérisés par leur nature intrinsèque non divisible et leur disponibilité pour la consommation collective, posent des défis uniques aux marchés privés. La non-exclusion et la non-rivalité sont des propriétés clés des biens publics, signifiant que leur utilisation par une personne n'empêche pas les autres d'en profiter et qu'il n'est pas possible d'exclure des individus de leur consommation. Cela mène au problème du passager clandestin, où des individus bénéficient d'un bien sans contribuer à son financement.

En outre, l'intervention de l'État est souvent nécessaire dans des marchés où les externalités, c'est-à-dire les effets sur des tiers non considérés dans le processus de marché, sont significatives. Cela est visible dans des secteurs comme les véhicules à moteur ou les réfrigérateurs, où les émissions polluantes affectent la qualité de l'air pour l'ensemble de la société. De même, la conservation et la biodiversité soulèvent des questions importantes sur l'exploitation des ressources naturelles. Certaines espèces végétales ou animales sont menacées d'extinction en raison de leur surexploitation par des marchés non réglementés, souvent due à l'absence de droits de propriété clairs.

Dans ce contexte, l'échec du marché se manifeste lorsque le mécanisme de marché seul ne parvient pas à distribuer efficacement les ressources pour atteindre un optimum social. Cela nécessite une intervention de l'État ou des collectivités publiques pour corriger ces défaillances et assurer une allocation des ressources qui soit à la fois efficace et équitable. Cette introduction aux biens publics met en lumière la complexité et l'importance de leur gestion dans une économie moderne.

Comprendre la Nature des Biens Publics[modifier | modifier le wikicode]

Définition et Caractéristiques des Biens Publics[modifier | modifier le wikicode]

Les biens publics et les externalités partagent plusieurs caractéristiques communes qui les placent au cœur des discussions sur l'économie et la politique publique. Ces biens sont souvent confrontés à une mésallocation par le marché, ce qui signifie que le marché seul ne parvient pas à fournir ces biens en quantité ou en qualité optimales. Cela est dû en grande partie à la présence de fortes externalités associées à ces biens.

Les externalités, qu'elles soient positives ou négatives, sont des effets induits par une activité économique qui affectent d'autres parties sans que ces effets soient reflétés dans les prix du marché. Par exemple, la pollution est une externalité négative, tandis que l'éducation a des externalités positives. Dans le cas des biens publics, ces externalités sont souvent si importantes qu'elles entraînent une sous-production ou même une absence de production dans une économie entièrement privée.

Cela est principalement dû au fait que les producteurs privés peuvent trouver difficile de rentabiliser la production de ces biens, car ils ne peuvent pas facilement exclure les non-payeurs (problème du passager clandestin) ou parce que la consommation de ces biens ne diminue pas leur disponibilité pour les autres (non-rivalité).

Dans ces situations, l'État ou les institutions publiques peuvent jouer un rôle crucial. La politique publique peut pallier ces défaillances du marché en prenant en charge la fourniture de biens publics. Cela peut se faire à travers la production directe de ces biens, leur financement par l'impôt, ou la régulation et la mise en place de mesures incitatives pour encourager leur production et leur consommation. En faisant cela, l'État peut augmenter le bien-être global en s'assurant que ces biens indispensables sont disponibles pour la société dans son ensemble.

Les biens publics, un concept clé dans l'économie, peuvent être caractérisés de manière concise par trois traits principaux.

Premièrement, la production des biens publics est souvent associée à de fortes économies d'échelle. Cela signifie que le coût moyen de production de ces biens diminue à mesure que la quantité produite augmente. Cette propriété est particulièrement pertinente pour les biens publics car elle suggère que leur production par une entité centralisée, souvent l'État, peut être plus efficace que la production dispersée par de multiples acteurs privés. En effet, plus le volume de production est important, plus le coût unitaire est faible, rendant ainsi la production à grande échelle économiquement avantageuse.

Deuxièmement, les biens publics sont caractérisés par leur nature "partagée". Autrement dit, ils bénéficient à l'ensemble de la société plutôt qu'à des individus ou des groupes spécifiques. Cette caractéristique est souvent décrite en termes de non-exclusion et de non-rivalité. La non-exclusion implique que personne ne peut être empêché de consommer le bien, tandis que la non-rivalité signifie que la consommation du bien par une personne n'entrave pas sa consommation par une autre. Des exemples typiques incluent la défense nationale, l'éclairage public, et les infrastructures routières.

Enfin, un troisième aspect important concerne les droits de propriété. Pour de nombreux biens publics, les droits de propriété sont inexistants, vagues, ou mal respectés. Cela peut conduire à des difficultés dans la gestion et la conservation de ces ressources. L'absence de droits de propriété clairement définis peut entraîner une surexploitation ou une sous-utilisation, comme illustré dans le concept de la tragédie des communs, où des ressources partagées sont épuisées par un usage individuel non régulé.

Ces caractéristiques ensemble soulignent pourquoi les biens publics posent souvent un défi aux mécanismes du marché et pourquoi l'intervention de l'État est fréquemment nécessaire pour assurer leur fourniture adéquate et leur gestion efficace.

Les Propriétés Clés des Biens Publics[modifier | modifier le wikicode]

Les distinctions entre les biens publics et privés dans le domaine de l'économie sont essentiellement basées sur deux propriétés clés qui déterminent la manière dont ces biens peuvent être fournis sur le marché : la non-exclusion et la non-rivalité.

La non-exclusion fait référence à la difficulté, voire l'impossibilité, pour le producteur d'exclure des consommateurs de l'utilisation d'un bien. Dans le cas des biens publics, cette caractéristique signifie que personne ne peut être empêché de bénéficier du bien, peu importe s'il a contribué à son financement ou non. Un exemple classique est la défense nationale : une fois qu'elle est mise en place, il est impossible d'exclure des citoyens de sa protection, qu'ils aient payé des impôts ou non.

La non-rivalité, d'autre part, se rapporte à la situation où la consommation du bien par une personne n'empêche pas ou ne réduit pas la consommation du même bien par une autre personne. En d'autres termes, le coût marginal de fournir le bien à un consommateur supplémentaire est nul. Cela est typique des biens publics comme les programmes de télévision ou la radio, où la consommation par un individu n'empêche pas les autres d'en profiter également.

En contraste, les biens privés sont généralement caractérisés par la possibilité d'exclusion et la rivalité. Par exemple, si vous achetez une pomme, vous pouvez exclure les autres de sa consommation (exclusion), et votre consommation empêche quiconque d'autre de manger cette même pomme (rivalité).

Ces différences fondamentales entre les biens publics et privés influencent grandement la manière dont ils sont produits, distribués et financés dans une économie. Les biens publics, en raison de leur nature, requièrent souvent une intervention ou un financement public pour garantir qu'ils soient fournis de manière adéquate, car les marchés privés pourraient ne pas les produire de façon optimale en raison de ces caractéristiques uniques.

La Non-Rivalité des Biens Publics Expliquée[modifier | modifier le wikicode]

La notion de non-rivalité dans la consommation est un élément fondamental dans la compréhension des biens publics. Elle se manifeste lorsque, une fois un bien produit, le coût additionnel pour permettre à une personne supplémentaire de consommer ce bien est nul. Ce concept joue un rôle crucial dans la différenciation des biens publics des biens privés. Prenons l'exemple d'un phare : une fois qu'il est construit et allumé, le coût pour qu'il éclaire un bateau supplémentaire ne représente aucun coût additionnel. Le phare fonctionne de la même manière, que ce soit pour un seul bateau ou pour plusieurs bateaux en mer. Cela illustre parfaitement la non-rivalité, car la consommation du bien (la lumière du phare) par un bateau n'empêche pas et ne réduit pas sa disponibilité pour d'autres bateaux.

De la même manière, des infrastructures comme les ponts ou les autoroutes démontrent cette caractéristique. Une fois construits, le coût pour qu'une voiture supplémentaire les emprunte est négligeable. De même, la jouissance d'un paysage ou la sécurité fournie par les services de police ou de défense nationale sont des exemples où la consommation par un individu n'entrave pas celle des autres. Cette caractéristique de non-rivalité est essentielle car elle signifie que le bien peut être consommé simultanément par de multiples personnes sans que cela n'entraîne de coûts supplémentaires significatifs. En conséquence, cela pose des défis pour le financement et la fourniture de ces biens par le secteur privé, car il est difficile de charger les utilisateurs directement pour leur consommation. Cela mène souvent à la nécessité d'une intervention publique pour assurer que ces biens soient disponibles pour le bénéfice de tous, reflétant leur importance pour la société dans son ensemble.

Les biens privés se distinguent des biens publics par leur caractéristique de rivalité dans la consommation. La rivalité signifie que la consommation d'un bien par une personne empêche ou limite sa consommation par une autre personne. Cela est typique dans la majorité des biens et services que nous consommons au quotidien. L'exemple de la barre de chocolat illustre parfaitement cette notion. Lorsqu'une personne consomme une barre de chocolat, elle la retire de la disponibilité pour les autres. La consommation de cette barre de chocolat est exclusive ; une fois qu'elle est mangée par quelqu'un, elle ne peut plus être consommée par quelqu'un d'autre. C'est le principe de rivalité : la consommation du bien par une personne diminue directement la quantité disponible pour les autres.

Cette caractéristique de rivalité dans les biens privés conduit à des dynamiques de marché différentes de celles des biens publics. Dans un marché de biens privés, les producteurs peuvent exclure ceux qui ne paient pas pour le bien, et la consommation est régulée par le prix. Les consommateurs qui sont prêts et capables de payer le prix peuvent obtenir le bien, tandis que les autres en sont exclus. Cette logique de marché est moins complexe à gérer que celle des biens publics, où la non-exclusion et la non-rivalité exigent souvent une intervention extérieure, telle que celle de l'État, pour une distribution efficace et équitable.

Il y a une distinction importante dans la compréhension des biens publics : la différence entre le coût marginal de production et le coût marginal de consommation d'un consommateur additionnel. Le coût marginal de production d'un bien, comme une autoroute, peut être croissant avec l'augmentation de la densité du réseau. Cela signifie que plus le réseau s'élargit, plus le coût de construction de chaque kilomètre supplémentaire peut augmenter, en raison de facteurs tels que la complexité accrue, les contraintes d'espace, ou les matériaux nécessaires.

Cependant, une fois que l'autoroute est construite, le coût associé à la consommation de ce bien par un utilisateur supplémentaire est nul ou très faible. Cela illustre la non-rivalité : un conducteur supplémentaire sur l'autoroute ne coûte pratiquement rien de plus en termes de ressources ou d'infrastructure, tant que l'autoroute n'est pas saturée. En outre, cette situation met en lumière la caractéristique d'indivisibilité des biens publics. Une fois que le bien, comme l'autoroute, est créé, il est fourni en bloc et il est difficile, voire impossible, de le fractionner en fonction de la demande individuelle. Contrairement aux biens privés, où chaque unité peut être vendue séparément, les biens publics sont souvent utilisés collectivement. Cela pose des défis en termes de financement et de gestion, car il n'est pas facile d'allouer le coût de ces biens aux utilisateurs individuels, ce qui renforce souvent le rôle de l'État ou des institutions publiques dans la fourniture et la maintenance de ces biens.

Le Principe de la Non-Exclusion dans les Biens Publics[modifier | modifier le wikicode]

La non-exclusion dans la consommation est un concept clé dans la théorie des biens publics. Elle se réfère à la difficulté, voire l'impossibilité, d'empêcher les individus de consommer un bien, indépendamment de leur contribution à sa production ou à son financement. Cette caractéristique est l'une des principales raisons pour lesquelles les marchés privés peuvent ne pas être efficaces pour fournir certains types de biens. Dans le contexte des biens publics, la non-exclusion signifie que lorsque le bien est disponible pour une personne, il est également disponible pour d'autres sans coût additionnel significatif. Prenons l'exemple de la sécurité nationale : une fois qu'un pays a mis en place ses forces de défense, il est pratiquement impossible d'exclure des citoyens spécifiques de la protection qu'elles offrent. De même, les biens tels que les programmes de télédiffusion ou l'éclairage public sont accessibles à tous ceux qui se trouvent dans leur portée, sans possibilité d'exclure des individus spécifiques.

Cette incapacité à exclure les non-payeurs mène souvent au problème du passager clandestin (free-rider), où certains bénéficient du bien sans contribuer à son coût. Cela peut conduire à une sous-fourniture du bien si les coûts sont supportés uniquement par un sous-ensemble des bénéficiaires, rendant la provision par le marché privé inefficace ou insuffisante. En conséquence, de tels biens nécessitent souvent une intervention gouvernementale ou communautaire pour leur provision. L'État, en utilisant des mécanismes de financement collectif comme la taxation, peut assurer que ces biens soient produits et maintenus pour le bénéfice de la société dans son ensemble, surmontant ainsi le défi posé par la non-exclusion.

Dans le domaine de l'économie des biens publics, il existe une catégorie de biens pour lesquels l'exclusion des consommateurs est difficile, voire impossible. Cette caractéristique est particulièrement pertinente pour un certain nombre d'éléments essentiels de notre environnement quotidien.

Prenons l'exemple des phares et des signalisations routières. Un phare, une fois allumé, fournit des signaux vitaux à tous les navires se trouvant à proximité, sans qu'il soit possible de restreindre son utilisation à certains navires spécifiques. Il en va de même pour la signalisation routière, qui guide et sécurise tous les usagers de la route, indépendamment de leur contribution individuelle au financement de ces installations.

Les paysages naturels et les feux d'artifice représentent un autre ensemble de biens où la non-exclusion est évidente. Un paysage pittoresque ou un spectacle pyrotechnique est accessible à tous ceux qui sont dans le champ de vision, sans qu'il soit possible de limiter leur jouissance à des individus spécifiques. Ces expériences sont partagées collectivement, et leur beauté ou leur spectacle est ouvert à tous, indépendamment de leur volonté ou de leur capacité à payer.

L'éclairage public et la propreté des rues sont également des services essentiels qui bénéficient à la communauté dans son ensemble. L'éclairage des rues améliore la sécurité et la praticabilité des voies publiques pour tous les résidents et visiteurs, tandis que la propreté des rues contribue à la santé publique et à l'esthétique de l'espace communautaire. Encore une fois, il est pratiquement impossible d'exclure des individus de ces bénéfices.

La défense nationale et la sécurité des quartiers sont des services qui protègent la population d'une région ou d'un pays dans son ensemble. Ces services bénéficient à tous, sans distinction ni exclusion basée sur la contribution financière individuelle. La sécurité fournie par ces services est un bien commun, essentiel au bien-être collectif.

Enfin, la qualité de l'air, de l'eau et l'environnement en général sont des exemples parfaits de biens qui sont non seulement difficiles à exclure, mais aussi essentiels pour la santé et le bien-être de tous. La dégradation environnementale affecte chaque individu, et les efforts pour préserver et améliorer l'environnement profitent à l'ensemble de la société.

Ces exemples soulignent le rôle crucial des institutions publiques et communautaires dans la gestion et la fourniture de ces biens. Étant donné que la nature non exclusive de ces biens rend difficile leur financement et leur régulation par les mécanismes de marché privés, l'intervention de l'État et d'autres organisations collectives est souvent nécessaire pour assurer leur disponibilité et leur entretien pour le bien de la communauté dans son ensemble.

Il faut souligner que la difficulté d'exclusion des consommateurs de certains biens n'est pas toujours d'ordre technique, mais peut souvent être économique. Dans de nombreux cas, la non-exclusion résulte non pas de l'impossibilité technique d'exclure les consommateurs, mais plutôt du coût prohibitif ou de l'inefficacité économique liée à une telle exclusion. Prenons l'exemple d'un feu d'artifice. Techniquement, il serait possible de mettre en place des barrières pour limiter l'accès à un espace d'où le spectacle peut être vu, transformant ainsi le feu d'artifice en un bien privé. Cependant, la mise en œuvre de telles mesures serait extrêmement coûteuse et complexe. Elle impliquerait des coûts élevés pour l'installation de barrières, la surveillance et la gestion des accès, ce qui rendrait l'entreprise globalement non rentable et impraticable. De plus, la nature même d'un feu d'artifice, conçu pour être vu de loin et par un grand nombre de personnes, rend sa privatisation économiquement peu sensée.

La même logique s'applique à d'autres biens comme l'éclairage public, la sécurité nationale ou la qualité de l'environnement. Même si techniquement, il serait possible de concevoir des mécanismes pour exclure les non-payeurs, les coûts associés à une telle exclusion seraient souvent prohibitifs et dépasseraient largement les bénéfices. De plus, cela irait à l'encontre de l'intérêt public et de la valeur sociale que ces biens représentent. C'est pourquoi dans de tels cas, l'intervention de l'État ou des autorités publiques est cruciale. Par le biais de la taxation générale ou d'autres mécanismes de financement collectif, ces biens peuvent être fournis de manière plus efficace et équitable, garantissant leur accessibilité à l'ensemble de la population sans les coûts prohibitifs liés à l'exclusion des non-payeurs.

Synthèse des Caractéristiques des Biens Publics[modifier | modifier le wikicode]

Ce tableau classifie les différents types de biens selon deux critères : la possibilité d'exclure des consommateurs (Exclusion vs Non-exclusion) et le caractère rival ou non des biens (Rivalité vs Non-Rivalité).

Nature des biens publics résumé 1.png

Dans le quadrant supérieur gauche, nous avons les "Biens privés purs", qui sont à la fois exclusifs et rivaux. Cela signifie que les consommateurs peuvent être empêchés d'utiliser ces biens s'ils ne les achètent pas, et que l'utilisation de ces biens par une personne empêche leur utilisation simultanée par une autre. Les exemples donnés ici sont les vêtements et les glaces, qui ne peuvent être consommés que par une personne à la fois, et dont la consommation par un individu empêche un autre de les utiliser.

Dans le quadrant supérieur droit, nous avons les "Biens mixtes" dans le contexte de la non-rivalité. Ces biens sont non-rivaux, ce qui signifie que leur consommation par une personne n'empêche pas leur consommation par une autre. Cependant, contrairement aux biens publics purs, il est possible d'exclure des individus de leur utilisation. Les exemples incluent les monopoles naturels et les autoroutes à péage. La télévision est également un bon exemple ; bien qu'une émission puisse être regardée par de nombreuses personnes simultanément sans se gêner mutuellement, l'accès aux chaînes peut être restreint par un abonnement.

En bas à gauche, le tableau montre les "Biens mixtes" qui sont non exclusifs mais rivaux. Ces biens ne permettent pas l'exclusion facile des non-payeurs, mais leur utilisation par une personne peut réduire la quantité disponible pour d'autres. Les ressources naturelles et les poissons sont des exemples classiques de ce type de bien. Les autoroutes à bouchons illustrent également ce point : bien que théoriquement ouverts à tous, une fois qu'une autoroute devient encombrée, chaque voiture supplémentaire réduit la qualité du service (vitesse, confort) pour les autres.

Enfin, dans le quadrant inférieur droit, nous trouvons les "Biens publics purs". Ces biens sont caractérisés par la non-rivalité et la non-exclusion. La défense nationale et le savoir universel sont des exemples de biens publics purs. Ils sont disponibles pour tous, et l'usage par une personne n'entrave pas l'usage par une autre. De tels biens représentent souvent des défis en termes de financement et de provision, car les incitations pour les fournir de manière privée sont faibles étant donné que les bénéficiaires ne peuvent pas être facilement exclus et ne rivalisent pas pour leur consommation.

Ce tableau est un outil utile pour comprendre la diversité des biens dans une économie et les défis associés à leur provision. Il aide également à identifier les cas où l'intervention de l'État peut être justifiée pour assurer la provision adéquate de biens publics et corriger les inefficacités du marché.

Le Dilemme du Passager Clandestin[modifier | modifier le wikicode]

La Non-Exclusion et la Problématique du Passager Clandestin[modifier | modifier le wikicode]

La non-exclusion est étroitement liée au problème du passager clandestin, également connu sous le nom de free rider problem en anglais. Ce problème survient lorsque des individus profitent d'un bien ou service sans contribuer à son coût. Cela est particulièrement problématique pour les biens publics, où la caractéristique de non-exclusion signifie que les fournisseurs ne peuvent pas empêcher les gens de consommer le bien, même s'ils ne paient pas pour celui-ci. Dans un tel contexte, certains individus peuvent choisir de ne pas payer pour le bien ou service en question, sachant qu'ils pourront tout de même en bénéficier grâce aux paiements des autres. Cela peut conduire à une sous-fourniture du bien, puisque les fournisseurs n'ont pas la recette nécessaire pour couvrir les coûts de production ou de maintien du bien. Si suffisamment d'individus choisissent de ne pas payer, le bien risque de ne pas être fourni du tout, malgré le fait qu'il soit socialement bénéfique.

Ce problème est également lié à celui des préférences non révélées, car les individus qui choisissent de ne pas payer pour le bien ne révèlent pas leur véritable évaluation ou demande pour celui-ci. Cela rend difficile pour les fournisseurs de mesurer la demande réelle et de planifier efficacement la provision du bien. La difficulté d'exclusion entraîne donc une défaillance du marché, car le mécanisme de prix ne fonctionne pas comme il le devrait pour rationner l'accès au bien et pour financer sa provision. C'est pourquoi les biens publics sont souvent financés par des mécanismes obligatoires comme les impôts, où la contribution individuelle n'est pas directement liée à la consommation, mais plutôt imposée pour couvrir le coût collectif du bien.

Le problème du passager clandestin se manifeste à travers diverses situations où un individu ou une entité bénéficie d'un bien ou d'un service sans contribuer à son coût, exploitant ainsi le système à son avantage. Un exemple classique est celui d'un phare qui fournit de la lumière pour la navigation. Les phares sont construits pour guider tous les navires passant à proximité, assurant leur sécurité et leur direction. Cependant, il n'existe aucun moyen pratique de forcer chaque bateau qui bénéficie de la lumière du phare à payer pour ce service. En conséquence, certains armateurs peuvent choisir de ne pas participer au financement du phare tout en profitant de ses services, ce qui peut compromettre l'entretien et la viabilité à long terme de ces aides essentielles à la navigation.

Dans le domaine de la diffusion télévisuelle, la situation est similaire. Les chaînes de télévision publique sont financées par les redevances, des contributions exigées des ménages possédant un appareil de télévision. Néanmoins, la diffusion des émissions est accessible à tous, indépendamment de leur statut de contributeur. Ainsi, même ceux qui évitent de payer la redevance peuvent regarder les programmes, soit par des moyens détournés, soit en profitant de la visualisation dans des lieux publics. Ce détournement crée un déficit dans le financement de la télévision publique et soulève des questions sur l'équité et la responsabilité financière. Un autre exemple illustrant ce problème est l'immunité collective conférée par les vaccinations. Quand une majorité de la population est vaccinée, la transmission des maladies infectieuses est considérablement réduite, créant un environnement dans lequel même les non-vaccinés sont moins susceptibles d'être infectés. Par conséquent, les personnes qui choisissent de ne pas se faire vacciner bénéficient indirectement des efforts de ceux qui le font, tout en évitant potentiellement les coûts et les risques associés à la vaccination. Cela peut conduire à une proportion plus faible de la population choisissant la vaccination, ce qui peut compromettre l'efficacité de l'immunité collective et la santé publique dans son ensemble.

Ces exemples mettent en lumière un défi central de la provision des biens publics : comment s'assurer que ceux qui bénéficient des biens contribuent équitablement à leur création et à leur maintien. Les solutions à ce problème varient, mais elles impliquent souvent une forme de financement obligatoire, comme les taxes ou les redevances, pour garantir que ces services essentiels restent disponibles pour le bien commun.

L'Impact du Comportement Stratégique des Passagers Clandestins[modifier | modifier le wikicode]

La théorie des jeux est une branche des mathématiques et de l'économie qui analyse les stratégies adoptées par les individus dans des situations où leurs choix sont interdépendants. Un des concepts les plus connus dans ce domaine est celui du dilemme du prisonnier, qui met en lumière les difficultés de coopération entre parties ayant des intérêts interdépendants. John Nash, qui a reçu le prix Nobel d'économie en 1994 pour ses contributions, a développé un concept clé connu sous le nom d'équilibre de Nash. Cet équilibre survient dans un jeu lorsque chaque joueur a choisi la meilleure stratégie possible, compte tenu des choix des autres joueurs. Aucun joueur n'a alors intérêt à changer unilatéralement de stratégie.

Dans le contexte du dilemme du prisonnier, deux détenus sont confrontés à un choix : coopérer avec l'autre en restant silencieux ou trahir l'autre en confessant. Le choix de trahir peut sembler rationnel pour un individu car il maximise son gain personnel, sans tenir compte de l'impact de ce choix sur l'autre prisonnier ou sur le résultat collectif. Si les deux détenus optent pour la trahison, croyant agir dans leur meilleur intérêt, ils se retrouvent finalement tous les deux dans une situation pire que si ils avaient coopéré. Cette situation est analogue au problème du passager clandestin dans la provision de biens publics. Chaque individu peut choisir de ne pas contribuer au financement d'un bien public (trahir dans le dilemme du prisonnier), ce qui est rationnel du point de vue individuel si l'on considère uniquement l'intérêt personnel immédiat. Cependant, si tout le monde adopte cette stratégie, le bien public ne sera pas financé ou sera sous-financé, ce qui est préjudiciable à tous les individus de la société. Ainsi, bien que le choix individuel de ne pas payer puisse sembler rationnel, il conduit à une situation collective sous-optimale où personne ne bénéficie du bien public, ce qui reflète le résultat sous-optimal du dilemme du prisonnier. La théorie des jeux, et en particulier l'équilibre de Nash, aide à comprendre ces dynamiques et à expliquer pourquoi les incitations individuelles peuvent mener à une coopération insuffisante, justifiant ainsi l'intervention de mécanismes externes tels que la régulation gouvernementale ou les incitations pour encourager la contribution au financement des biens publics.

La théorie de Nash, souvent illustrée par l'équilibre de Nash dans la théorie des jeux, révèle une tension profonde entre les intérêts individuels et collectifs. Selon cette théorie, les individus agissant rationnellement en poursuivant leur propre intérêt peuvent aboutir à des résultats qui sont non seulement sous-optimaux mais également défavorables pour le groupe dans son ensemble. Cela contraste avec l'idée d'Adam Smith de la "main invisible", selon laquelle les actions individuelles guidées par l'intérêt personnel peuvent conduire à un bien-être collectif optimal. La main invisible suggère que les marchés concurrentiels transforment les actions égoïstes en résultats socialement désirables, régulant naturellement l'économie sans nécessiter une intervention extérieure. En revanche, l'équilibre de Nash montre que dans de nombreux cas, surtout lorsqu'il y a des dilemmes de coordination ou des jeux à somme non nulle, les actions purement égoïstes des individus peuvent conduire à des impasses ou à des résultats inefficaces pour la société.

L'exemple du dilemme du prisonnier, que Nash a contribué à populariser, est typique : il montre que si chaque prisonnier choisit individuellement la meilleure stratégie pour lui (trahir l'autre), le résultat est pire pour les deux que si ils avaient coopéré. Appliquée à l'économie, cette théorie suggère que sans coopération ou régulation, les individus peuvent consommer des ressources de manière inefficace, polluer sans retenue, ou ne pas contribuer à des biens publics, ce qui nuit à la société dans son ensemble. L'importance de l'équilibre de Nash est qu'il met en lumière le besoin de mécanismes de coordination et de coopération - comme les régulations, les normes sociales, ou les contrats - pour aligner les intérêts individuels avec l'intérêt collectif. Cela peut impliquer l'intervention gouvernementale pour fournir des biens publics, réguler les externalités, ou assurer la justice et la stabilité du marché. La théorie de Nash nous invite donc à reconnaître et à gérer les situations où les actions guidées par l'intérêt personnel ne mènent pas naturellement à l'optimum social.

Un Exemple Illustratif : Le Passager Clandestin[modifier | modifier le wikicode]

Ce tableau montre une matrice des gains nets, qui est un outil utilisé en théorie des jeux pour représenter les bénéfices et coûts associés aux différentes stratégies que peuvent adopter les joueurs, dans ce cas, deux voisins face à la décision d'investir dans l'éclairage d'un chemin.

Biens publics exemple fictif 1.png

Dans cet exemple fictif, deux voisins A et B envisagent d'installer des lampadaires pour éclairer un chemin menant au village, qui est actuellement dans l'obscurité la nuit. Ils ont le choix entre financer l'installation d'un lampadaire ou ne rien faire. Si les deux voisins choisissent de financer un lampadaire, le chemin sera entièrement éclairé, leur procurant à chacun un gain net de bien-être de 4000, mais à un coût de 3000 chacun pour l'installation, ce qui leur laisse un gain net de +1000 chacun (4000 de bien-être moins 3000 de dépense). Si un seul voisin finance un lampadaire et que l'autre ne fait rien, le voisin qui paie pour le lampadaire a un bien-être partiellement augmenté de 2000, mais après avoir déduit le coût, se retrouve avec une perte nette de -1000 (2000 de bien-être moins 3000 de dépense). Le voisin qui ne paie pas bénéficie partiellement de l'éclairage sans avoir à payer, d'où un gain net de +2000. Si aucun des deux ne paie pour un lampadaire, il n'y a aucun changement dans leur bien-être et donc aucun gain ou perte net.

Ce qui est mis en évidence ici est un dilemme du prisonnier classique. La meilleure solution collective serait que les deux voisins coopèrent et financent chacun un lampadaire, menant à un gain net de +1000 chacun. Cependant, en raison des incitations individuelles, chaque voisin préférerait bénéficier du lampadaire financé par l'autre, conduisant à la tentation de ne pas payer et d'agir en passager clandestin. Si les deux voisins agissent selon leurs intérêts individuels sans coopérer, ils finiront par ne rien faire, ce qui est la pire issue collective avec un gain net de 0 pour chacun.

Cette situation démontre le besoin de coopération ou d'une forme de coordination ou d'intervention, comme un accord mutuel ou une action communautaire, pour surmonter le problème du passager clandestin et atteindre l'optimum collectif.

La Problématique de Coordination dans les Biens Publics[modifier | modifier le wikicode]

Le problème classique de coordination est un scénario classique où les actions individuelles non coordonnées mènent à un résultat moins favorable que celui qui pourrait être atteint par une action conjointe et coordonnée. En effet, si les deux voisins A et B pouvaient parvenir à un accord pour partager les coûts de l'éclairage, chacun bénéficierait d'un gain net positif de +1000. Cela représente l'optimum social où l'éclairage est complet et les bénéfices partagés équitablement. Cependant, en raison de l'incitation à minimiser l'importance de l'éclairage et à bénéficier sans payer du lampadaire potentiellement financé par l'autre, les deux voisins sont confrontés à une stratégie dominante qui est l'inaction. Ainsi, sans coordination, chaque voisin choisit de ne rien faire, car cette option leur semble individuellement la plus sûre pour éviter les coûts sans garantie de réciprocité. L'équilibre de Nash de ce jeu est donc lorsque les deux voisins choisissent de ne pas financer l'éclairage, même si cela conduit à un résultat sous-optimal, avec un gain net de 0 pour chacun.

Cet équilibre est sous-optimal car il ne maximise pas le bien-être collectif des voisins. C'est l'essence même du dilemme du prisonnier : bien que la coopération puisse conduire au meilleur résultat collectif, la méfiance mutuelle et l'incertitude quant aux actions de l'autre poussent les individus à adopter des stratégies qui sont préjudiciables à la fois à eux-mêmes et à la collectivité. Pour résoudre ce genre de problème de coordination, des mécanismes tels que les contrats, les incitations économiques, la régulation ou l'intervention de la communauté ou de l'État sont souvent nécessaires pour encourager ou imposer la coopération et assurer que le bien-être collectif soit atteint.

Le problème des préférences non révélées est intrinsèquement lié au problème du passager clandestin : les individus ont une incitation à dissimuler leur véritable appréciation d'un bien public pour éviter de contribuer à son financement. Si tout le monde prétend ne pas bénéficier ou ne pas apprécier le bien, alors personne ne voudra volontairement payer pour cela, même si le bien en question leur apporte un réel bénéfice. Cela conduit à une sous-fourniture du bien public, ou même à son absence totale, car les décisions de financement basées sur les déclarations volontaires ne reflètent pas la véritable demande. La solution classique à ce problème est l'intervention de l'État pour fournir le bien public et rendre la contribution à son financement obligatoire, souvent à travers la taxation. Cela garantit que le bien est financé et que tous les individus bénéficient du bien public, indépendamment de leur volonté de révéler leur préférence ou de payer volontairement.

La question de savoir dans quelle mesure chacun doit participer au financement du bien public est plus complexe. Idéalement, la contribution devrait être proportionnelle à l'avantage que chaque individu tire du bien public. Cependant, cela nécessite de connaître les préférences individuelles, ce qui est difficile en raison du problème des préférences non révélées. Une méthode pour résoudre ce problème est l'utilisation de principes de taxation qui visent à répartir les coûts de manière équitable. Par exemple, la règle du bénéfice suggère que les personnes qui bénéficient le plus d'un bien public devraient payer le plus pour son financement. La capacité de paiement est un autre principe, selon lequel les personnes ayant une plus grande capacité économique devraient contribuer davantage au financement des biens publics.

Dans la pratique, il est courant d'utiliser une combinaison de taxes générales et de taxes spécifiques pour financer différents types de biens publics. Les taxes générales permettent de répartir largement les coûts parmi tous les contribuables, tandis que les taxes spécifiques, comme les péages pour les routes, permettent de cibler les utilisateurs de certains biens publics. Quelle que soit la méthode choisie, l'objectif est de financer efficacement le bien public tout en maintenant l'équité parmi les citoyens. Cela peut nécessiter une planification minutieuse et souvent des ajustements politiques pour équilibrer efficacement les intérêts et les contributions de tous les membres de la société.

La Catégorie des Biens Mixtes[modifier | modifier le wikicode]

Un bien mixte, aussi appelé bien semi-public ou bien quasi-public, est un type de bien qui présente des caractéristiques à la fois des biens privés et des biens publics. Ces biens peuvent être exclusifs, mais ne sont pas nécessairement rivaux dans la consommation, ou vice versa. Ils peuvent être fournis par le marché mais souvent avec une certaine intervention de l'État pour corriger les inefficiences du marché ou pour s'assurer que le bien est accessible à ceux qui en ont besoin.

Les Enjeux de l'Exclusion et de la Non-Rivalité[modifier | modifier le wikicode]

Les biens mixtes peuvent présenter une non-rivalité dans la consommation jusqu'à un certain point, tout en permettant l'exclusion des non-payeurs. Ces biens peuvent être exclusifs grâce à des mécanismes de tarification ou de contrôle d'accès, mais ne deviennent rivaux que lorsque la capacité d'accueil est dépassée, ce qui entraîne une congestion ou une diminution de la qualité de l'expérience pour tous.

Prenons l'exemple d'un pont ou d'une autoroute : tant que le trafic est fluide, ces infrastructures peuvent être utilisées par un véhicule supplémentaire sans coût marginal significatif et sans affecter négativement l'expérience des autres utilisateurs. Cependant, lorsque la capacité maximale est atteinte, chaque véhicule supplémentaire commence à réduire la qualité de l'expérience pour les autres, par exemple en provoquant des embouteillages. Ainsi, la rivalité émerge à partir d'un certain seuil de consommation. La même logique s'applique aux cinémas ou aux piscines : jusqu'à ce que la salle de cinéma ou la piscine atteigne sa capacité, un spectateur ou un nageur supplémentaire ne nuit pas à l'expérience des autres. Mais une fois la capacité atteinte, chaque personne supplémentaire peut gêner, réduisant ainsi la qualité de l'expérience pour les autres. La télévision, d'autre part, est généralement non-rivale dans la consommation, car le fait qu'une personne regarde une émission n'empêche pas des millions d'autres de la regarder simultanément. Cependant, l'accès peut être excluant, par exemple si l'accès aux chaînes nécessite un abonnement payant.

Les biens mixtes peuvent être fournis soit par des entreprises privées, soit par l'État, et cette décision dépend souvent de considérations politiques, économiques et sociales, qui varient grandement d'un pays à l'autre. Les pratiques de fourniture et de financement des biens mixtes reflètent les valeurs et les priorités d'une société, notamment en termes d'équité et d'accès. Par exemple, certains pays peuvent choisir de subventionner des services comme les transports publics ou l'éducation pour garantir un accès plus large, même si ces services pourraient techniquement être offerts sur un marché purement privé. La congestion et la qualité de service associée à la consommation de ces biens mixtes soulèvent des questions importantes sur la manière de gérer et de réguler l'accès pour maintenir la qualité. Des mécanismes comme les péages dynamiques, les quotas, les réservations ou les heures de pointe tarifaires sont autant de moyens par lesquels les fournisseurs tentent de réguler l'utilisation et de prévenir ou de gérer la congestion. Ces outils peuvent aider à maintenir la non-rivalité dans la consommation aussi longtemps que possible, tout en assurant que les coûts sont couverts et que l'accès reste équitable.

L'éducation est un exemple éloquent de bien mixte qui incarne la propriété de l'exclusion ainsi que la non-rivalité, tout en étant fortement marquée par des considérations de politique publique. Dans de nombreux systèmes éducatifs publics à travers le monde, l'exclusion est pratiquée dans une certaine mesure : bien que l'accès à l'éducation primaire et secondaire soit souvent gratuit et universel, l'accès à l'enseignement supérieur peut être limité par des frais de scolarité, des examens d'entrée ou des quotas. Ces mécanismes d'exclusion visent à gérer les ressources disponibles et à maintenir la qualité de l'éducation. Cependant, une fois admis dans une école ou une université, l'éducation devient un bien non rival : la présence d'un étudiant supplémentaire dans une salle de classe n'empêche pas les autres d'apprendre, jusqu'à ce que la capacité de la salle ou la faculté d'un enseignant à gérer un grand nombre d'étudiants soit dépassée.

L'éducation est souvent fournie à un coût inférieur au coût de production, ou même gratuitement, en raison des bénéfices sociétaux qu'elle génère. En offrant un accès égal à l'éducation, les gouvernements cherchent à favoriser la mobilité sociale et à garantir que les talents et les compétences de chaque individu peuvent être développés pour le bénéfice de l'ensemble de la société. Cela s'aligne avec la notion d'éducation en tant que droit fondamental et une ressource essentielle pour le développement personnel et économique. En plus de l'objectif redistributif, la fourniture publique de l'éducation est également justifiée par les externalités positives considérables qu'elle engendre. Un individu bien éduqué contribue à la société de multiples façons : augmentation de la productivité, participation civique, innovation, et bien plus encore. Ces bénéfices dépassent largement l'individu et profitent à la société dans son ensemble, ce qui justifie le soutien public de l'éducation.

Toutefois, lorsque l'éducation publique devient congestionnée, par exemple à cause de classes surpeuplées ou de ressources insuffisantes, la qualité de l'éducation peut en pâtir, et l'objectif redistributif peut être compromis. Les personnes disposant de plus de ressources peuvent alors se tourner vers des institutions privées, exacerbant ainsi les inégalités d'accès à une éducation de qualité. Cela peut créer un système à deux vitesses où les avantages de l'éducation sont inégalement répartis, ce qui va à l'encontre de l'idéal d'égalité des chances. Gérer l'accès et la qualité de l'éducation publique tout en s'assurant qu'elle reste inclusive et équitable est un défi de politique publique majeur. Cela nécessite un financement adéquat, une planification stratégique, et souvent des réformes pour s'assurer que l'éducation publique puisse continuer à servir son rôle de levier de mobilité sociale et de générateur d'externalités positives pour la société.

Non-Exclusion et Rivalité : Les Défis Associés[modifier | modifier le wikicode]

Dans le cas d'un bien mixte caractérisé par la non-exclusion et la rivalité, nous sommes confrontés à une situation où il est difficile, voire impossible, d'empêcher les gens d'accéder à une ressource, mais où l'utilisation de cette ressource par une personne diminue la quantité ou la qualité disponible pour les autres. Ces biens sont souvent des ressources communes ou des biens communs, et ils sont sujets à des problèmes de sur-exploitation car ils sont accessibles à tous mais limités dans leur quantité.

Les ressources naturelles telles que les stocks de poissons dans les océans, les pâturages, et les forêts sont des exemples typiques. Dans ces cas, l'absence de mécanismes de contrôle ou de propriété clairement définie conduit souvent à une utilisation non régulée et à une concurrence pour l'accès, ce qui peut résulter en une sur-exploitation rapide. Ce phénomène est bien connu sous le nom de "tragédie des communs", un terme popularisé par l'écologiste Garrett Hardin dans son article influent de 1968. Hardin a souligné que les individus, agissant indépendamment selon leur propre intérêt personnel, comportent de manière rationnelle qui est en fin de compte destructrice pour la communauté dans son ensemble, car la ressource partagée est épuisée.

Cependant, la vision de Hardin n'est pas sans contestation. Elinor Ostrom, lauréate du prix Nobel d'économie en 2009, a démontré à travers ses recherches que les communautés peuvent, en fait, gérer efficacement les biens communs sans intervention extérieure ou privatisation, à travers des systèmes de gestion communautaire. Elle a étudié comment différents groupes à travers le monde ont développé des arrangements institutionnels variés pour gérer la rivalité et éviter la sur-exploitation des ressources communes.

La clé de la gestion durable des biens mixtes réside dans la capacité à établir des règles et des normes qui régulent l'utilisation et encouragent la conservation. Cela peut inclure la mise en place de quotas, de permis, de systèmes de rotation de l'utilisation, ou de sanctions pour ceux qui ne respectent pas les règles établies. Ostrom a mis en avant l'importance de la participation locale, de la surveillance, des sanctions adaptées, et du respect des règles communautaires comme facteurs essentiels pour la gestion réussie des communs. Ainsi, la gestion des biens mixtes avec non-exclusion et rivalité nécessite une compréhension nuancée des dynamiques sociales, économiques et environnementales en jeu, ainsi qu'une approche collaborative pour résoudre les dilemmes liés à leur utilisation.

La Tragédie des Biens Communs[modifier | modifier le wikicode]

La tragédie des communs est un phénomène qui se produit lorsqu'une ressource partagée par plusieurs est surexploitée par des individus agissant indépendamment selon leur propre intérêt personnel immédiat, ce qui entraîne l'épuisement de cette ressource au détriment de tous. Imaginons un pâturage ouvert à tous les éleveurs d'un village. Si chaque éleveur cherche à maximiser son gain en y faisant paître le plus grand nombre possible de ses propres animaux, le pâturage sera rapidement surutilisé et sa qualité diminuera, jusqu'à ne plus être capable de régénérer naturellement. À terme, le pâturage devient inutilisable pour l'ensemble de la communauté, y compris pour les éleveurs qui, au départ, en ont tiré avantage.

Cette situation résulte d'une liberté d'accès illimitée et d'une absence de régulation concernant l'usage de la ressource. Chaque utilisateur a un incitatif individuel à consommer autant de la ressource que possible. Puisque la ressource est rivalisée, chaque unité de la ressource consommée par un individu est une unité qui ne peut pas être consommée par un autre. Lorsque tous les individus prélèvent de la ressource sans retenue et sans coordination, l'exploitation devient excessive et la ressource s'épuise. Le concept, popularisé par Garrett Hardin, illustre un échec de la rationalité individuelle où, bien que chaque utilisateur agisse de manière logique pour maximiser son propre bénéfice, le résultat global de ces actions est néfaste pour le groupe. La tragédie des communs suggère que sans une forme de contrôle ou de gestion de la ressource, l'égoïsme naturel des individus conduit à la ruine collective.

En réponse à ce problème, des solutions telles que la privatisation de la ressource (attribution de droits de propriété privés), l'établissement de limites d'exploitation (quotas), ou l'instauration de systèmes de gestion communautaire ont été proposées. Elinor Ostrom a remis en question l'inévitabilité de la tragédie des communs en démontrant que des groupes d'individus sont capables de créer des systèmes de gestion durable des ressources communes à travers des règles d'auto-gestion efficaces et des sanctions pour non-respect. Les approches de gestion varient considérablement, mais elles partagent une reconnaissance commune de la nécessité de réguler l'utilisation des ressources partagées pour éviter l'épuisement et garantir leur disponibilité pour les générations futures.

Coopération entre Éleveurs pour la Gestion des Communs[modifier | modifier le wikicode]

Ce tableau montre une matrice des gains nets pour deux éleveurs, Anne et John, qui doivent décider du nombre de vaches qu'ils vont faire paître sur un champ commun. L'équilibre de Nash est indiqué dans la matrice, mettant en lumière le résultat où Anne et John choisissent tous les deux de faire paître six vaches, ce qui est une stratégie non coopérative.

Tragédie des communaux exemple 1.png

Dans cet exemple, l'équilibre de Nash survient lorsque les deux éleveurs agissent de manière non coopérative, maximisant ainsi leur propre gain immédiat sans prendre en compte l'effet de leur action sur l'autre. Si Anne et John décident tous deux de faire paître trois vaches (la stratégie coopérative), le champ peut soutenir ce nombre sans se dégrader, et ils bénéficient tous deux d'un gain net de 120. Cependant, si l'un d'eux décide de faire paître six vaches tandis que l'autre reste à trois, celui qui est non coopératif tire un bénéfice plus élevé aux dépens de l'autre. Par exemple, si Anne fait paître trois vaches et que John en fait paître six, Anne obtient un gain net de 75 tandis que John en obtient 150.

L'incitation individuelle à maximiser les profits personnels conduit les deux éleveurs à choisir la stratégie non coopérative de faire paître six vaches, résultant en un gain net de 90 pour chacun. Cette situation est sous-optimale comparée à la coopération, mais c'est l'équilibre stable de la stratégie car aucun éleveur n'a d'incitation à dévier de cette stratégie tant que l'autre ne change pas. La conséquence de cette action conjointe non coopérative est que le champ est sur-exploité, l'herbe ne peut pas se renouveler, ce qui diminue la qualité du champ pour tous les éleveurs.

Cette situation illustre la "tragédie des communs", où des individus, agissant indépendamment et rationnellement selon leur propre intérêt personnel, finissent par épuiser une ressource partagée, malgré le fait que cela va à l'encontre de l'intérêt à long terme de la communauté, y compris le leur. La gestion "responsable" du champ commun n'est pas attrayante pour les individus car le bénéfice d'une telle gestion est minime, surtout si les autres éleveurs ne se comportent pas de manière responsable. La conséquence directe est une dégradation de la ressource partagée au détriment de tous.

Gestion des Zones de Pêche Partagées[modifier | modifier le wikicode]

Le problème des zones de pêche illustre parfaitement la complexité de la gestion des biens communs qui sont soumis à la rivalité et à la difficulté d'exclusion. Les océans sont vastes et il est souvent techniquement ou économiquement impraticable d'exclure de nouveaux acteurs de l'exploitation des zones de pêche. Cependant, la ressource poissonnière, bien qu'apparemment abondante, est en réalité limitée et extrêmement sensible à la surpêche.

Lorsque trop de bateaux pêchent dans une zone donnée, ils entrent en compétition pour une ressource qui se raréfie, ce qui est un cas classique de rivalité. Même si chaque pêcheur comprend qu'il serait bénéfique à long terme de limiter les prises pour permettre aux stocks de poissons de se régénérer, il existe une incitation immédiate à pêcher autant que possible. Cela est dû au risque que si un pêcheur ne capture pas le poisson, un autre le fera. Cette logique mène à une surexploitation des stocks de poissons, ce qui peut conduire à l'effondrement des populations de poissons, nuisant ainsi à l'écosystème marin et aux communautés de pêcheurs qui dépendent de ces ressources pour leur survie.

C'est là qu'intervient la nécessité d'une régulation par une instance publique. De telles régulations peuvent inclure des quotas de pêche, qui limitent la quantité de poissons qu'un bateau peut capturer, des périodes de fermeture pendant lesquelles la pêche est interdite pour permettre la reproduction des poissons, ou des règlements qui déterminent les types d'engins de pêche autorisés afin de réduire la capture accidentelle d'espèces non ciblées.

La mise en œuvre de ces règlementations requiert une coopération internationale, car les poissons ne connaissent pas de frontières et les zones de pêche peuvent s'étendre sur plusieurs juridictions nationales. Les organisations internationales et les accords de pêche jouent donc un rôle crucial dans la coordination des efforts de conservation et de gestion des pêcheries. De plus, les mesures de conservation doivent être accompagnées de surveillance et d'application pour être efficaces, ce qui peut s'avérer difficile en haute mer.

En fin de compte, la régulation des zones de pêche est un problème complexe qui nécessite une approche équilibrée pour protéger les moyens de subsistance des communautés de pêcheurs tout en préservant la durabilité des écosystèmes marins pour les générations futures.

Les Mécanismes de Régulation et leur Importance[modifier | modifier le wikicode]

Lorsque des ressources naturelles, comme les zones de pêche, sont partagées entre plusieurs pays, la nécessité d'une gestion et d'une régulation transfrontalières devient particulièrement aiguë. Les océans ne connaissent pas de frontières, et les stocks de poissons migrent et se mélangent à travers les eaux internationales et les zones économiques exclusives de différents pays. Dans de tels contextes, l'action unilatérale n'est pas suffisante pour assurer la durabilité à long terme des stocks de poissons, et la coopération internationale devient impérative.

Les articles comme celui du "The Economist" de 2005, The tragedy of the commons, et les défis contemporains de la gestion des ressources communes mettent en évidence la difficulté de parvenir à des accords et à une action collective. Pour résoudre ces problèmes, des instances supranationales telles que les Nations Unies et ses diverses agences, ou des organisations régionales de gestion de la pêche, sont souvent appelées à jouer un rôle de coordination et de régulation. Ces organisations peuvent aider à négocier des traités internationaux qui fixent des quotas de pêche, des saisons de pêche, et des mesures de conservation, et qui sont contraignants pour les pays signataires.

Ces problématiques de gestion des ressources naturelles communes trouvent également des parallèles dans les questions de changement climatique, notamment avec l'impact des émissions de CO2 sur l'atmosphère. L'atmosphère est un bien commun à l'échelle planétaire, et les émissions de CO2 d'un pays affectent le climat mondial. Ainsi, les accords internationaux comme le Protocole de Kyoto de 1997 et l'Accord de Copenhague de 2009 sont des tentatives de réguler collectivement ces émissions. Ces accords visent à établir des cadres juridiquement contraignants pour les pays signataires afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de limiter ainsi le réchauffement climatique.

Cependant, de tels accords font face à des défis similaires à ceux de la "tragédie des communs", où chaque pays a une incitation à maximiser son développement économique et à minimiser les coûts de la réduction des émissions, tout en bénéficiant des efforts de réduction entrepris par les autres pays. C'est pourquoi la réussite de ces accords dépend non seulement de l'engagement des pays développés, qui sont historiquement les plus grands émetteurs, mais aussi de l'implication des pays en développement, qui sont les sources les plus importantes d'augmentation des émissions. La gouvernance climatique mondiale repose donc sur la capacité des pays à dépasser leurs intérêts immédiats et à collaborer pour le bien commun à long terme.

La Tragédie des Communs : Comparaison des Coûts Privés et Sociaux[modifier | modifier le wikicode]

La tragédie des communs met en évidence une discordance fondamentale entre les coûts privés et les coûts sociaux liés à l'utilisation des ressources partagées. Dans ce scénario, le coût privé est le coût personnel qu'un individu ou une entreprise engage lorsqu'il utilise une ressource commune. Par exemple, pour un pêcheur, cela pourrait être le coût de l'essence pour son bateau, le temps passé à pêcher, ou l'usure de son équipement. Le coût social, en revanche, inclut tous les coûts privés plus les coûts externes que les actions de l'individu imposent à la société — dans ce cas, la diminution des stocks de poissons disponibles pour les autres en raison de la surpêche.

Dans une situation de tragédie des communs, les individus ou les entreprises considèrent principalement leurs coûts privés lorsqu'ils prennent des décisions sur combien prélever de la ressource commune. Cela conduit à une surutilisation de la ressource, car les coûts sociaux ne sont pas pris en compte dans leur prise de décision individuelle. Si un pêcheur peut augmenter ses gains immédiats en pêchant plus, il a peu d'incitations à se retenir, même si la surpêche réduit les stocks de poissons et nuit à l'ensemble de la communauté de pêcheurs à long terme.

La conséquence est que chaque utilisateur de la ressource commune, en poursuivant son propre intérêt, contribue à une situation où la ressource est tellement exploitée qu'elle devient moins disponible ou même épuisée pour tous, y compris pour celui qui a contribué à sa surexploitation. Les utilisateurs finaux se retrouvent donc dans une position pire que si chacun avait limité sa consommation de la ressource. Cela démontre un conflit entre l'optimalité à court terme pour les individus et l'optimalité à long terme pour le groupe.

La solution traditionnelle à la tragédie des communs est la régulation, qui peut prendre la forme de droits de propriété clairement définis, de quotas, de taxes ou de normes légales, encourageant les utilisateurs à prendre en compte les coûts sociaux de leurs actions. Ces régulations sont conçues pour limiter l'utilisation de la ressource commune à un niveau durable, s'alignant ainsi les coûts privés sur les coûts sociaux et évitant l'épuisement de la ressource.

Tragédie des communaux - coût privé versus coût social 1.png


Ce graphique économique illustre le concept de la tragédie des communs appliqué à la pêche, montrant la différence entre les coûts marginaux privés et sociaux et comment cela affecte la quantité de poissons pêchés.

Dans le graphique, l'axe vertical représente le prix du poisson, tandis que l'axe horizontal représente la quantité de poisson. La ligne verticale étiquetée "Bénéfice privé/social = Demande" reflète la demande de poisson ; elle indique combien les consommateurs sont prêts à payer pour chaque quantité de poisson. La demande est considérée comme étant à la fois le bénéfice privé (ce que les pêcheurs reçoivent pour leur poisson) et le bénéfice social (la valeur du poisson pour la société).

La ligne verte, étiquetée "cm Privé", représente le coût marginal privé, qui est le coût supporté par les pêcheurs pour chaque unité supplémentaire de poisson capturée. Ce coût inclut le carburant, l'amortissement du bateau, la main d'œuvre, etc. À l'intersection de la ligne de demande et du coût marginal privé, nous trouvons la quantité de marché ​ et le prix privé ​, qui sont la quantité et le prix qui seraient réalisés dans un marché sans intervention où les pêcheurs ne considèrent que leurs coûts privés.

La ligne rouge, étiquetée "cm Social", représente le coût marginal social, qui inclut à la fois les coûts privés et les coûts externes (comme la dégradation de l'écosystème, la perte de biodiversité, et les impacts sur les communautés de pêcheurs à long terme). Lorsque ces coûts externes sont pris en compte, le coût marginal social est plus élevé que le coût marginal privé. L'intersection de la ligne de demande avec le coût marginal social donne la quantité sociale optimale et le prix social PSocial∗​. Cette quantité est inférieure à la quantité de marché, reflétant le fait qu'une fois les coûts externes pris en compte, la quantité socialement optimale de pêche est plus basse pour éviter la surpêche.

Ce graphique montre que, sans régulation, les pêcheurs sont susceptibles de pêcher une quantité ​ qui est supérieure à la quantité socialement optimale ​, menant à une sur-exploitation de la ressource. La régulation, telle que l'imposition de quotas de pêche ou d'autres mécanismes de gestion, est nécessaire pour réduire la quantité pêchée de à , minimisant ainsi les coûts sociaux et préservant la ressource poissonnière pour les générations futures.

Stratégies d'Allocation des Biens Publics[modifier | modifier le wikicode]

Déterminer l'Offre Optimale d'un Bien Public[modifier | modifier le wikicode]

La fourniture d'un bien public pose des défis uniques par rapport à celle d'un bien privé. Pour un bien privé, le marché permet généralement de déterminer à la fois le prix et la quantité de biens consommés. Les consommateurs individuels achètent des quantités différentes d'un bien privé en fonction de leur propre évaluation de l'utilité marginale du bien et de leur volonté de payer, ce qui est reflété dans la courbe de demande du marché. L'équilibre de marché se produit au point où la courbe de demande croise la courbe de l'offre, indiquant la quantité optimale du bien privé qui sera produite et consommée au prix du marché.

Pour un bien public, cependant, le processus est plus complexe. Étant donné que les biens publics sont caractérisés par la non-rivalité, la consommation du bien par une personne n'empêche pas sa consommation par une autre. Cela signifie que la même quantité du bien est disponible pour tous les individus, quel que soit le montant qu'ils paient individuellement. La question devient alors de déterminer non pas combien chaque personne consommera pour un prix donné, mais plutôt quel montant chaque personne devrait contribuer pour la quantité donnée du bien public.

La fourniture efficiente d'un bien public requiert que la somme des bénéfices marginaux individuels, qui sont les montants que chaque personne est disposée à payer pour une unité supplémentaire du bien, soit égale au coût marginal de production de ce bien. En d'autres termes, le bien public devrait être produit jusqu'au point où le coût de fournir une unité supplémentaire est exactement égal à la somme totale que les individus sont prêts à payer pour cette unité supplémentaire.

Cependant, déterminer la volonté de payer pour un bien public est difficile car les individus ont une incitation à sous-déclarer leur véritable volonté de payer afin de bénéficier du bien sans contribuer à son coût (le problème du passager clandestin). Pour cette raison, la contribution individuelle pour le financement des biens publics est souvent déterminée par le biais de taxes ou d'autres mécanismes obligatoires, et non pas par des paiements volontaires. En fin de compte, la décision sur la quantité de bien public à fournir et la méthode de financement est généralement prise par le gouvernement ou une autre autorité publique, en tenant compte des coûts de production, des bénéfices marginaux pour la société, et des considérations d'équité.

Comprendre les Demandes Individuelles et Agrégées pour les Biens Privés[modifier | modifier le wikicode]

Pour un bien privé, la demande individuelle correspond à la quantité de ce bien qu'une personne est prête à acheter à différents prix. La demande agrégée, ou demande du marché, est la somme des demandes individuelles pour le bien à chaque prix. Elle représente la quantité totale que tous les consommateurs sont prêts à acheter à chaque niveau de prix.

Le processus d'agrégation des demandes individuelles pour former la demande du marché est relativement simple pour les biens privés :

  1. Établissement des courbes de demande individuelles : Chaque consommateur a une courbe de demande qui reflète sa volonté de payer en fonction de son utilité marginale pour le bien. Cette courbe montre combien d'unités du bien le consommateur achèterait à différents prix.
  2. Agrégation horizontale : La demande du marché est obtenue en additionnant horizontalement les quantités de tous les consommateurs à chaque niveau de prix. Cela signifie que pour un prix donné, on additionne les quantités que chaque consommateur est prêt à acheter pour obtenir la quantité totale demandée sur le marché à ce prix.
  3. Établissement de la courbe de demande du marché : La courbe de demande agrégée du marché est alors tracée en prenant en compte les quantités totales demandées à chaque prix. Cette courbe a généralement une pente négative, montrant que la quantité demandée augmente à mesure que le prix diminue.

L'équilibre de marché pour un bien privé est atteint au point où la courbe de demande croise la courbe d'offre du marché. À ce point, le nombre d'unités que les consommateurs souhaitent acheter correspond au nombre d'unités que les producteurs souhaitent vendre, et le prix auquel ces deux quantités s'égalisent est le prix d'équilibre.

Ce mécanisme de marché assure que les ressources sont allouées efficacement : les biens privés sont produits et consommés dans des quantités qui maximisent le bien-être des consommateurs, tant que les marchés sont compétitifs et qu'il n'y a pas de défaillances de marché telles que les externalités ou l'information imparfaite.

Au prix d'équilibre de marché, chaque consommateur consomme une quantité différente du bien

Ce graphique illustre comment les demandes individuelles sont agrégées pour former la demande du marché pour un bien privé. Nous avons deux graphiques séparés représentant deux consommateurs différents, chacun avec sa propre courbe de demande, indiquée par D1​ et D2​. Chaque consommateur a un point sur sa courbe de demande où le prix d'équilibre du marché, représenté par l'axe vertical P, correspond à la quantité qu'il ou elle est prêt(e) à consommer, représentée par q1​ et q2​ respectivement.

Le troisième graphique combine ces deux demandes individuelles. La courbe de demande du marché D est la somme horizontale des quantités q1​ et q2​ que les deux consommateurs sont prêts à acheter au prix d'équilibre du marché. La ligne horizontale verte, étiquetée Cm=0, indique que le coût marginal de production du bien est nul. Dans la réalité, cela serait rare pour un bien privé, mais cela peut être utilisé pour illustrer un scénario hypothétique ou un bien public où le coût marginal de fournir le bien à un consommateur additionnel est nul.

Ce qui est crucial à comprendre ici est que, bien que le prix d'équilibre soit le même pour tous les consommateurs dans le marché, la quantité consommée peut varier d'un individu à l'autre en fonction de leurs préférences personnelles et de leur volonté de payer. Cette variation est représentée par les différentes quantités q1​ et q2​ sur les courbes de demande individuelles. La demande du marché reflète la somme de toutes les demandes individuelles à ce prix.

Le graphique en bas, avec les courbes en pointillé, semble montrer l'agrégation de ces demandes individuelles pour former la courbe de demande du marché. L'agrégation horizontale est une représentation graphique de la somme des quantités demandées par tous les individus à chaque niveau de prix pour obtenir la courbe de demande totale du marché. Cette courbe de demande du marché est ensuite utilisée pour déterminer la quantité totale du bien qui sera consommée au prix d'équilibre dans le marché global.

Analyse des Demandes Individuelles et Agrégées pour les Biens Publics[modifier | modifier le wikicode]

Pour un bien public, la logique de demande individuelle et de demande agrégée diffère considérablement de celle des biens privés en raison de la non-rivalité dans la consommation. Pour un bien public, chaque individu consomme la même quantité du bien, car la consommation par une personne n'empêche pas et ne diminue pas la consommation par une autre. Par exemple, une fois qu'un phare est construit, tous les bateaux naviguant à proximité bénéficient de sa lumière, quel que soit le montant qu'ils ont payé pour ce service.

Le prix que chaque individu paie pour ce bien public peut varier considérablement et ne correspond pas nécessairement au coût marginal de fourniture du bien, car le coût marginal de fournir le bien à une personne additionnelle est souvent nul ou très faible. Si on appliquait la logique du marché privé, où les prix sont fixés égaux au coût marginal (Cm), on pourrait ne pas fournir le bien public du tout ou en quantité insuffisante, car les coûts fixes de production d'un bien public sont généralement élevés et ne seraient pas couverts si chaque utilisateur ne paie que le coût marginal.

Ainsi, pour assurer une fourniture optimale d'un bien public, il est souvent nécessaire que la contribution de chaque individu soit déterminée autrement que par le marché. Cette contribution peut être établie par la taxation, où chacun paie un montant calculé non pas sur la base de l'utilisation personnelle, mais plutôt sur la capacité de payer, la valeur perçue du bien, ou par d'autres considérations d'équité et d'efficience.

L'objectif est que la somme des contributions couvre le coût total de fourniture du bien. Pour y parvenir, le gouvernement ou l'organisme public fournissant le bien doit évaluer la volonté de payer totale pour le bien et la comparer au coût de fourniture. Si la somme des valeurs que les individus placent sur le bien (leur volonté de payer) est supérieure au coût de production, le bien devrait être fourni. La méthode exacte pour répartir ces coûts parmi les individus peut être complexe et dépend de nombreux facteurs, notamment des considérations politiques et sociales.

Demandes individuelles et demande agrégée bien public 1.png

Ces graphiques économiques décrivent la demande pour un bien public par deux individus, ainsi que la demande agrégée. Dans les deux premiers graphiques, on voit les demandes individuelles D1​ et D2​ pour deux individus, avec les bénéfices marginaux (Bm) qu'ils retirent de différentes quantités du bien public. Le bénéfice marginal est représenté sur l'axe vertical et la quantité du bien public sur l'axe horizontal.

Pour chaque individu, le bénéfice marginal diminue avec l'augmentation de la quantité du bien consommé, ce qui est une représentation standard de la décroissance du bénéfice marginal. Le prix égal au coût marginal (Prix=Cm) est indiqué par une ligne pointillée horizontale. Pour un bien public, le coût marginal de fourniture à un consommateur additionnel est souvent très faible, voire nul, après que le bien a été produit.

Dans le troisième graphique, nous voyons la demande agrégée pour le bien public, qui est simplement la somme verticale des demandes individuelles à chaque niveau de quantité. La somme verticale est utilisée car, contrairement aux biens privés, chaque individu peut consommer la même quantité du bien public sans réduire la quantité disponible pour les autres. Le coût marginal collectif est indiqué par la ligne verte horizontale (Cm) et il est marqué comme étant égal à zéro, ce qui est typique pour de nombreux biens publics.

Ce que le graphique suggère, c'est que pour atteindre une efficacité dans la fourniture d'un bien public, la somme des bénéfices marginaux (les sommes verticales des volontés de payer des individus à chaque niveau de quantité) devrait être égale au coût marginal de production du bien. Comme le coût marginal est très bas ou nul, cela signifie que la quantité fournie devrait être là où la demande agrégée coupe le coût marginal, ce qui est le maximum total des bénéfices marginaux.

Cependant, le graphique pose une question sous la forme de Cm=Prix? avec une valeur de zéro, ce qui soulève le problème de comment financer le bien. Si le coût marginal est nul, mais que le coût total de production n'est pas couvert, il faudrait trouver un moyen de financer ce coût. Cela pourrait impliquer des mécanismes de financement collectifs, comme les taxes ou les contributions publiques, qui ne sont pas directement liées à la consommation individuelle mais plutôt à la capacité de payer ou à la valeur perçue du bien par chaque individu.

Études de Cas Pratiques[modifier | modifier le wikicode]

Par exemple, si pour avoir un service de voirie des rues donné, le coût est de 100 et que Jean est prêt à payer 20, Jacques 30 et Paul 50, on a la quantité optimale du bien public, car la somme des volontés de payer est égale au coût de production du service. Or, une entreprise privée de voirie ne pourrait pas financer ce service en faisant payer chacun selon sa volonté de payer à cause du problème de passager clandestin et des préférences non-révélées. L'État, de son côté, pourra procéder à une évaluation des bénéfices du service de voirie et, une fois établie la quantité optimale, grâce à son pouvoir de coercition, obliger les citoyens à se partager son financement. (Mais, comment évaluer le bénéfice et répartir au mieux le fardeau entre citoyens si l'État lui-même ne connait pas les préférences de chacun? → questions très délicates...)

Cet exemple met en lumière les défis associés au financement des biens publics tels que le service de voirie. Dans ce scénario, la somme des volontés de payer de Jean, Jacques, et Paul est égale au coût de production du service, ce qui indique que la fourniture de ce service est socialement optimale. Cependant, une entreprise privée ne peut pas facilement financer ce service en faisant payer chaque individu en fonction de sa volonté de payer, car chaque individu a un incitatif à cacher sa véritable volonté de payer afin d'éviter de contribuer au coût (le problème du passager clandestin) ou de payer moins que sa véritable évaluation du service (préférences non révélées).

L'État, ayant le pouvoir de lever des impôts, peut financer ce service en répartissant le coût entre tous les citoyens. Il peut le faire en estimant la valeur totale que le service de voirie apporte à la communauté et en utilisant des mécanismes fiscaux pour collecter les fonds nécessaires. Néanmoins, l'évaluation des bénéfices individuels et la répartition équitable du fardeau fiscal ne sont pas des tâches simples. L'État doit prendre en compte non seulement la capacité de payer des individus, mais aussi les bénéfices indirects et les externalités positives que le service de voirie pourrait générer, comme une meilleure hygiène publique et une plus grande efficacité dans les transports, qui profitent à l'ensemble de la communauté.

Pour évaluer ces bénéfices et répartir équitablement les coûts, l'État peut utiliser différentes méthodes :

  • Évaluations indirectes : Utiliser des indicateurs économiques et sociaux pour estimer la valeur du service pour les citoyens.
  • Impôts généraux : Financer le service par le biais de la fiscalité générale, où les impôts sont levés sur la base de la capacité de payer et non de l'utilisation directe du service.
  • Enquêtes et évaluations : Mener des enquêtes auprès des citoyens pour recueillir des données sur leur volonté de payer.
  • Coûts partagés : Répartir les coûts entre les citoyens en fonction de certains critères, tels que l'utilisation de la voirie, la propriété foncière ou la localisation.

Il est important de noter que ces méthodes ont leurs propres limites et peuvent nécessiter un compromis entre l'efficacité, l'équité et la praticabilité. La clé est de trouver un équilibre qui assure la fourniture continue du service tout en maintenant le consentement et la confiance des citoyens dans la manière dont les fonds sont utilisés.

Fondements de l'Analyse Coûts-Bénéfices[modifier | modifier le wikicode]

L'analyse coûts-bénéfices est une approche méthodique pour évaluer la viabilité économique d'un projet public en comparant les coûts totaux aux bénéfices totaux pour la société. Cela permet aux décideurs de déterminer si les bénéfices attendus d'un bien public justifient les dépenses.

Dans le cas de biens publics, les bénéfices et les coûts ne sont pas toujours directement reflétés par des prix de marché, car ces biens ne sont généralement pas vendus ou achetés dans un marché traditionnel. Pour estimer la valeur sociale de ces biens, les économistes et les planificateurs utilisent diverses méthodes :

  1. Évaluation contingente : Cette méthode consiste à demander directement aux gens combien ils seraient prêts à payer pour un bien public ou combien ils accepteraient de recevoir pour renoncer à ce bien. Par exemple, combien les citoyens seraient-ils prêts à payer pour la conservation d'une forêt ou pour améliorer la sécurité routière ?
  2. Prix hédonistes : Cette méthode évalue l'impact de biens publics sur les prix des marchandises privées. Par exemple, la valeur d'une forêt peut être partiellement déduite de la prime que les gens sont prêts à payer pour des propriétés à proximité de cette forêt.
  3. Coût de remplacement ou de restauration : Pour évaluer la valeur d'un bien public, on peut calculer combien il en coûterait pour le remplacer ou le restaurer si celui-ci venait à être perdu. Par exemple, quelle serait la dépense nécessaire pour reconstruire une ambassade ou pour restaurer une zone de biodiversité dégradée ?
  4. Coût d'opportunité : On peut également regarder ce que la société renonce à faire en allouant des ressources à la fourniture d'un bien public. Par exemple, si des fonds sont utilisés pour construire un zoo, quelles autres installations publiques ou services n'ont pas été financés à la place ?
  5. Approche par la valeur statistique d'une vie : Pour estimer la valeur des routes plus sûres, les économistes utilisent parfois la notion de valeur statistique d'une vie, qui reflète la quantité d'argent que la société est prête à dépenser pour réduire le risque de décès.

Ces méthodes ont des limitations et peuvent être sujettes à des biais, mais elles fournissent des cadres pour tenter d'évaluer les bénéfices et coûts non marchands. Les résultats de ces évaluations sont cruciaux pour la prise de décision en matière de politique publique, notamment pour décider si un bien public doit être fourni et à quelle échelle. En fin de compte, bien que l'analyse coûts-bénéfices puisse aider à informer les décisions, les choix finaux impliquent souvent aussi des jugements de valeur et des considérations politiques.

L'analyse coûts-bénéfices est un outil d'évaluation complexe qui nécessite souvent de faire des jugements subjectifs, particulièrement lorsqu'il s'agit de peser les avantages économiques contre les coûts sociaux et environnementaux. Dans l'exemple d'un barrage hydroélectrique, les bénéfices peuvent inclure la génération d'énergie renouvelable, la régulation des eaux pour prévenir les inondations, et la création d'opportunités économiques telles que l'amélioration des infrastructures et le tourisme. Ces avantages sont souvent quantifiables en termes monétaires et peuvent être comparés aux coûts directs de construction et de maintenance du barrage. Cependant, les coûts pour les riverains — comme le déplacement de communautés, la perte de terres agricoles, et les changements dans les modes de vie locaux — ainsi que les impacts sur la biodiversité — comme la perturbation des écosystèmes aquatiques et la modification des habitats naturels — nécessitent une évaluation plus subjective. Comment, par exemple, évaluer la perte de patrimoine culturel ou les impacts sur des espèces endémiques qui pourraient être menacées par la construction du barrage ?

La méthode d'évaluation contingente peut être utilisée pour demander aux parties prenantes combien elles seraient prêtes à payer pour préserver leur mode de vie ou l'environnement, mais ces évaluations sont subjectives et peuvent ne pas capturer pleinement la valeur intrinsèque des pertes non économiques. La valeur donnée à chaque facteur varie selon les parties prenantes et les décideurs, et peut être influencée par des considérations politiques, économiques, et éthiques. Les décisions finales peuvent donc varier en fonction des valeurs et des priorités de la société à un moment donné. Cela souligne l'importance d'un processus de décision transparent et inclusif, où toutes les voix sont entendues et où les impacts sont soigneusement considérés et équilibrés. Il est également essentiel de considérer des solutions alternatives et de réaliser des analyses de sensibilité pour comprendre comment les différentes hypothèses influencent les résultats de l'analyse coûts-bénéfices.

Cas Pratique : Analyse Coûts-Bénéfices d'un Projet de Pont[modifier | modifier le wikicode]

L'analyse coût-bénéfice pour la construction d'un pont sur une rivière doit prendre en compte diverses implications économiques, sociales et environnementales. Les bénéfices de ce projet peuvent être multiples. Monétairement, si le pont est à péage, il pourrait générer des revenus substantiels en fonction du trafic qu'il attire. Ces revenus ne se limitent pas seulement aux frais de péage, mais s'étendent aussi au surplus que les automobilistes seraient disposés à payer pour les avantages que le pont offre en termes de gain de temps et de confort par rapport aux itinéraires alternatifs. En outre, la présence du pont peut avoir des retombées positives significatives sur le tourisme local, car les régions qui étaient auparavant difficiles d'accès peuvent devenir plus attrayantes pour les visiteurs, ce qui stimulerait l'économie locale. La réduction de la congestion sur d'autres routes peut également entraîner des économies de temps et d'argent pour les automobilistes, ce qui constitue un autre avantage économique indirect.

Cependant, le projet entraînerait également des coûts. Sur le plan monétaire, les coûts immédiats incluraient les dépenses consacrées à la construction, telles que les matériaux, la main-d'œuvre et la gestion du projet. Si le financement de la construction est réalisé à travers une augmentation de la fiscalité, cela pourrait entraîner une perte d'efficience économique car les taxes peuvent perturber l'allocation optimale des ressources sur le marché. De plus, il y a des externalités négatives qui doivent être prises en considération, telles que l'impact potentiel sur les entreprises de tourisme dans d'autres régions qui pourraient perdre des revenus, ou sur les services de traversiers qui seraient moins utilisés ou deviendraient obsolètes. Les conséquences environnementales ne doivent pas être sous-estimées non plus, car la construction d'un pont peut modifier les paysages, perturber les écosystèmes locaux, affecter la faune et impacter la qualité de vie des riverains.

L'ensemble de ces facteurs doit être méticuleusement évalué pour déterminer si les avantages globaux justifient les coûts associés. La difficulté réside dans la monétisation des avantages et des coûts non économiques, qui exige souvent des approches d'évaluation indirectes et peut être sujet à débat. L'impact sur l'environnement, par exemple, peut exiger des compensations ou des mesures d'atténuation qui doivent être évaluées et financées adéquatement.

La décision finale concernant la construction du pont doit alors être prise en considérant non seulement les calculs économiques, mais aussi les valeurs sociales et environnementales. Elle impliquera un arbitrage entre les besoins de développement économique et la préservation de l'environnement et du bien-être social. En fin de compte, il s'agit de prendre une décision qui maximise le bien-être collectif tout en minimisant les impacts négatifs, un défi qui nécessite une réflexion approfondie, des compromis éclairés et une planification stratégique.

Évaluer la Valeur d'une Vie dans les Projets Publics[modifier | modifier le wikicode]

Les décideurs politiques sont souvent confrontés à des décisions difficiles lorsqu'il s'agit d'améliorer la sécurité dans divers domaines de la vie publique. Ces améliorations, qu'elles concernent le lieu de travail, la circulation routière ou les loisirs, impliquent généralement des coûts qui doivent être comparés aux avantages, notamment en termes de vies potentiellement sauvées. La complexité éthique et pratique de ces situations réside dans la nécessité d'attribuer une valeur à la vie humaine, ce qui est une tâche à la fois sensible et controversée.

L'une des méthodes pour évaluer la valeur d'une vie est l'approche du capital humain, qui mesure la valeur économique d'une personne en termes de sa contribution potentielle future à l'économie, souvent basée sur le revenu actuel ou futur prévu. Cette méthode est utilisée dans certains systèmes juridiques, tels que les tribunaux aux États-Unis, pour calculer les dommages compensatoires en cas de décès. Cependant, cette approche soulève des problèmes éthiques importants liés à l'équité : elle peut aboutir à une situation où la vie de personnes ayant un faible revenu ou peu d'éducation est considérée comme ayant moins de valeur que celle de personnes ayant de plus hauts revenus ou un niveau d'éducation plus élevé.

Une autre approche est celle des dépenses de sécurité, qui examine ce que les gens sont prêts à payer pour des dispositifs de sécurité supplémentaires, comme un airbag, des freins ABS sur une voiture ou un extincteur dans une maison. Cela reflète une volonté de payer pour réduire le risque de blessure ou de décès. Cependant, cela suppose que les gens ont une compréhension précise du niveau de risque réduit par ces dépenses et que tout le monde a les mêmes moyens financiers pour investir dans la sécurité.

L'approche de la valeur statistique d'une vie prend en compte la prime de risque que les travailleurs exigent pour accepter un emploi plus risqué. Ces primes peuvent être utilisées pour estimer la valeur que la société attribue à des réductions statistiques des risques de décès. Cette méthode est largement utilisée pour guider les politiques publiques, car elle s'appuie sur des choix observables sur le marché du travail.

Ces différentes approches ont toutes des limitations et des implications morales. Par exemple, la valeur statistique d'une vie peut varier en fonction de l'âge, du statut socioéconomique ou d'autres facteurs, ce qui soulève des questions d'équité. De plus, aucune méthode ne peut pleinement capturer la valeur intrinsèque de la vie humaine et les conséquences émotionnelles, sociales et culturelles de la perte d'un être cher.

En pratique, les décideurs peuvent combiner plusieurs méthodes pour arriver à une estimation plus équilibrée de la valeur d'une vie dans le contexte de décisions de politique publique. Ils doivent également prendre en compte les valeurs éthiques de la société et s'assurer que les mesures prises ne discriminent pas contre certains groupes de personnes. La participation publique et le débat sont essentiels pour assurer que ces décisions reflètent les valeurs de la communauté dans son ensemble.

Les Implications Temporelles dans l'Analyse Coûts-Bénéfices[modifier | modifier le wikicode]

La prise en compte du temps est un aspect crucial de l'analyse coûts-bénéfices, surtout quand il y a un décalage temporel entre les coûts engagés et les bénéfices obtenus. C'est une situation fréquente dans le domaine des politiques publiques, où de nombreux investissements, tels que l'amélioration de l'éducation, la gestion des ressources en eau ou le reboisement des forêts, exigent des dépenses immédiates tandis que leurs bénéfices ne se matérialisent que sur le long terme.

L'un des principes fondamentaux de la finance est que les individus ont une préférence pour le présent, aussi connue sous le terme de "préférence temporelle". Les gens ont tendance à valoriser les bénéfices immédiats plus fortement que les bénéfices futurs, ce qui est souvent conceptualisé par le taux d'actualisation dans l'analyse économique. Pour équilibrer cette préférence pour le présent, les coûts et bénéfices futurs sont "actualisés" pour refléter leur équivalent en valeur présente. Cela signifie que les flux futurs de coûts et de bénéfices sont convertis en leurs valeurs actuelles en utilisant un taux d'actualisation, qui prend généralement en compte le taux d'intérêt et d'autres facteurs de risque ou d'incertitude.

Lorsque l'on compare les coûts immédiats aux bénéfices futurs, l'utilisation d'un taux d'actualisation peut significativement réduire la valeur présente des bénéfices futurs, ce qui peut rendre les projets à long terme moins attrayants du point de vue de l'analyse coûts-bénéfices. C'est pourquoi la sélection du taux d'actualisation est souvent l'objet de débats et d'analyses, car un taux trop élevé peut dissuader des investissements bénéfiques à long terme et un taux trop bas peut conduire à surinvestir dans des projets qui ne sont pas nécessairement efficaces.

En plus de l'incertitude liée à la valorisation des flux monétaires futurs, il y a aussi souvent une incertitude sur l'évaluation des conséquences non-monétaires ou des externalités. Les externalités environnementales, sociales et de santé publique peuvent être particulièrement difficiles à quantifier. Par conséquent, il est essentiel d'intégrer des analyses de sensibilité dans l'analyse coûts-bénéfices pour comprendre comment différents scénarios et taux d'actualisation affectent l'évaluation du projet.

Les décideurs doivent donc non seulement considérer les coûts et bénéfices et leur timing, mais aussi la manière dont ces derniers sont valorisés au fil du temps. Ils doivent aussi tenir compte de l'incertitude et des risques associés aux prévisions à long terme. Cela exige une approche prudente et souvent une combinaison de méthodes d'évaluation pour assurer que les décisions prises aujourd'hui serviront le bien-être des générations actuelles et futures.

L'Importance de l'État de Droit pour l'Efficienté du Marché[modifier | modifier le wikicode]

Le marché est souvent célébré pour sa capacité à allouer les ressources de manière efficace grâce à la théorie de la main invisible, où la poursuite des intérêts privés contribue, sans intention délibérée, à l'efficacité collective. Cependant, ce mécanisme repose sur certaines conditions fondamentales, dont le respect de l'État de droit et la sauvegarde des droits de propriété.

L'État de droit crée un cadre où les transactions peuvent se faire en toute confiance, avec la certitude que les contrats seront honorés et que les droits de propriété seront respectés. Sans cela, il existe un risque accru d'expropriation arbitraire ou de confiscation, ce qui peut décourager l'investissement et l'échange et réduire ainsi l'efficacité du marché. En effet, si les acteurs du marché craignent que leurs biens puissent être pris de force ou sans compensation équitable, ils seront moins enclins à investir ou à entreprendre des activités productives.

Le marché seul ne peut pas garantir l'émergence ou le maintien de l'État de droit. Dans l'histoire, il y a eu des périodes et des lieux caractérisés par un faible respect des droits fondamentaux, où les échanges étaient entravés par l'instabilité et l'insécurité juridique. Des exemples notoires incluent les régions contrôlées par des seigneurs de guerre ou des organisations criminelles où la loi du plus fort prévaut, et où l'incitation dominante est l'extorsion plutôt que la production. Dans ces contextes, l'économie ne fonctionne pas de manière efficace et équitable, et la société dans son ensemble en souffre.

Même les sociétés de chasseurs-cueilleurs, qui existent sans droits de propriété formels, peuvent illustrer cette dynamique. Tant que la population est faible et que les ressources environnantes sont abondantes, il peut y avoir peu de conflits sur l'utilisation des ressources. Cependant, avec l'augmentation de la pression démographique, la concurrence pour les ressources limitées s'intensifie, et l'absence d'incitations à préserver ces ressources peut conduire à leur surexploitation et épuisement — la tragédie des communs.

Pour éviter ces écueils, l'intervention de l'État ou de la communauté est souvent nécessaire pour établir et maintenir l'ordre juridique, protéger les droits de propriété, et réguler l'utilisation des ressources communes. L'État doit équilibrer les intérêts individuels avec le bien-être collectif, en imposant des règles et des normes qui encouragent la production et l'échange tout en préservant la justice et la durabilité. Cela exige une gouvernance efficace, une justice impartiale et une administration capable de faire respecter les lois de manière équitable.

Synthèse et Conclusions[modifier | modifier le wikicode]

Les biens et services au sein d'une économie se distinguent principalement selon deux critères : la capacité d'exclure ou non des consommateurs potentiels de leur usage et leur caractère rival ou non. Les biens publics purs sont définis par l'absence d'exclusion et de rivalité dans la consommation : une fois qu'ils sont fournis, personne ne peut être empêché de les consommer et leur utilisation par une personne ne diminue pas la quantité disponible pour les autres. Cela contraste avec les biens privés, où l'utilisation par un individu empêche souvent un autre individu de consommer le même bien (rivalité) et où l'accès peut être restreint à ceux qui peuvent payer pour eux (exclusion).

Lorsqu'il est impossible d'exclure les individus de la consommation d'un bien, une situation de passager clandestin peut émerger, particulièrement si le bien est fourni par le secteur privé. Les individus peuvent bénéficier du bien sans contribuer à son coût, ce qui conduit souvent à une sous-fourniture du bien par le marché. Pour remédier à cela, l'État intervient souvent pour fournir des biens publics, se basant sur une analyse coûts-bénéfices pour déterminer la quantité appropriée à fournir.

Les ressources communes présentent un autre dilemme : elles sont caractérisées par la rivalité dans la consommation mais ne permettent pas l'exclusion. Les individus, ne payant pas pour l'utilisation de ces ressources et ne faisant pas face aux coûts directs de leur surconsommation, ont tendance à les utiliser de manière excessive, ce qui peut mener à leur épuisement rapide. La tragédie des communs, comme cela est connu, nécessite une intervention de l'État pour réguler l'utilisation de ces ressources et empêcher leur sur-exploitation.

Le défi se complique lorsque les ressources s'étendent au-delà des frontières nationales, car aucun État unique ne peut réguler leur utilisation de manière effective. Cela requiert une coopération internationale et des accords transfrontaliers pour gérer durablement ces ressources partagées et assurer qu'elles ne soient pas épuisées par l'utilisation non coordonnée et compétitive entre les nations.

Annexes[modifier | modifier le wikicode]

Références[modifier | modifier le wikicode]