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Max Weber, dans son essai "Politik als Beruf" (La Politique comme Vocation), a élaboré sa vision de la neutralité axiologique. Cet essai, écrit en 1919, est souvent considéré comme une définition classique de la neutralité axiologique en sciences sociales. Dans "La Politique comme Vocation", Weber a soutenu que bien que la science (y compris les sciences sociales) puisse aider à clarifier les moyens par lesquels un certain objectif politique peut être atteint, elle ne peut pas déterminer quelle fin ou quel objectif devrait être poursuivi. Selon lui, cela relevait de la sphère de la politique et du jugement personnel, et non de la science. La neutralité axiologique, dans la perspective de Weber, est une tentative de maintenir une séparation entre ces sphères - pour éviter que la science ne devienne trop politisée, ou que la politique ne devienne trop scientifisée. Il s'agit d'un idéal selon lequel les chercheurs s'efforcent de rendre compte de la réalité aussi objectivement et impartialement que possible, sans laisser leurs propres valeurs ou jugements politiques influencer leur travail.
Max Weber, dans son essai "Politik als Beruf" (La Politique comme Vocation), a élaboré sa vision de la neutralité axiologique. Cet essai, écrit en 1919, est souvent considéré comme une définition classique de la neutralité axiologique en sciences sociales. Dans "La Politique comme Vocation", Weber a soutenu que bien que la science (y compris les sciences sociales) puisse aider à clarifier les moyens par lesquels un certain objectif politique peut être atteint, elle ne peut pas déterminer quelle fin ou quel objectif devrait être poursuivi. Selon lui, cela relevait de la sphère de la politique et du jugement personnel, et non de la science. La neutralité axiologique, dans la perspective de Weber, est une tentative de maintenir une séparation entre ces sphères - pour éviter que la science ne devienne trop politisée, ou que la politique ne devienne trop scientifisée. Il s'agit d'un idéal selon lequel les chercheurs s'efforcent de rendre compte de la réalité aussi objectivement et impartialement que possible, sans laisser leurs propres valeurs ou jugements politiques influencer leur travail.


L’extrait suivant est issu d’une série de conférences prononcées en 1919 à l’Université de Munich; est développée une réflexion sur la nature du travail scientifique :
L’extrait suivant est issu d’une série de conférences prononcées en 1919 à l’Université de Munich. Weber développe une réflexion sur la nature du travail scientifique : "Arrêtons-nous maintenant un instant aux disciplines qui me sont familières, à savoir, la sociologie, l'histoire, l'économie politique, la science politique et toutes les sortes de philosophie de la culture qui ont pour objet l'interprétation des diverses sortes de connaissances précédentes. On dit, et j'y souscris, que la politique n'a pas sa place dans la salle de cours d'une université. Elle n'y a pas sa place, tout d'abord du côté des étudiants. Je déplore par exemple tout autant le fait que dans l'amphithéâtre de mon ancien collègue Dietrich Schäfer de Berlin un certain nombre d'étudiants pacifistes se soient un jour massés autour de sa chaire pour faire du vacarme, que le comportement des étudiants anti-pacifistes qui ont, semble-t-il, organisé une manifestation contre le professeur Foerster dont je suis pourtant, par mes propres conceptions, aussi éloigné que possible pour de multiples raisons. Mais la politique n'a pas non plus sa place du côté des enseignants. Et tout particulièrement lorsqu'ils traitent scientifiquement les problèmes politiques. Moins que jamais alors, elle n'y a sa place. En effet, prendre une position politique pratique est une chose, analyser scientifiquement des structures politiques et des doctrines de partis en est une autre. Lorsqu'au cours d'une réunion publique,on parle de démocratie, on ne fait pas un secret de la position personnelle que l'on prend, et même la nécessité de prendre parti de façon claire s'impose alors comme un devoir maudit. Les mots qu'on utilise en cette occasion ne sont plus les moyens d'une analyse scientifique, mais ils constituent un appel politique en vue de solliciter des prises de position chez les autres. Ils ne sont plus des socs de charrue pour ameublir l'immense champ de la pensée contemplative,mais des glaives pour attaquer des adversaires, bref des moyens de combat. Ce serait une vilenie que d'employer ainsi les mots dans une salle de cours.Lorsqu'au cours d'un exposé universitaire on se propose d'étudier par exemple la « démocratie », on procède à l'examen de ses diverses formes, on analyse le fonctionnement propre à chacune d'elles et on examine les conséquences qui résultent de l'une et de l'autre dans la vie; on leur oppose ensuite les formes non démocratiques de l'ordre politique et l'on essayera de pousser son analyse jusqu'au moment où l'auditeur sera lui-même en mesure de trouver le point à partir duquel il pourra prendre position en fonction de ses propres idéaux fondamentaux. Mais le véritable professeur se gardera bien d'imposer à son auditoire, du haut de la chaire, une quelconque prise de position, que ce soit ouvertement ou par suggestion - car la manière la plus déloyale est évidemment celle qui consiste à laisser parler les faits. Pour quelles raisons, au fond, devons-nous nous en abstenir ? Je présume qu'un certain nombre de mes honorables collègues seront d'avis qu'il est en général impossible de mettre en pratique cette réserve personnelle, et que même si la chose était possible, ce serait une marotte que de prendre pareilles précautions. Dame ! On ne peut démontrer scientifiquement à personne en quoi consiste son devoir de professeur d'université. On ne peut jamais exiger de lui que la probité intellectuelle, ce qui veut dire l'obligation clé reconnaître que d'une part l'établissement des faits, la détermination des réalités mathématiques et logiques ou la constatation des structures intrinsèques des valeurs culturelles, et d'autre part la réponse aux questions concernant la valeur de la culture et de ses contenus particuliers ou encore celles concernant la manière dont il faudrait agir dans la cité et au sein des groupements politiques, constituent deux sortes de problèmes totalement hétérogènes. Si l'on me demandait maintenant pourquoi cette dernière série clé questions doit être exclue d'un amphithéâtre, je répondrai que le prophète et le démagogue n'ont pas leur place dans une chaire universitaire […] je suis prêt à vous fournir la preuve au moyen des œuvres des historiens que chaque fois qu’un homme de science fit intervenir son propre jugement de valeur, il n’y a pas plus de compréhension intégrale des faits"
 
{{citation bloc|Arrêtons-nous maintenant un instant aux disciplines qui me sont familières, à savoir, la sociologie, l'histoire, l'économie politique, la science politique et toutes les sortes de philosophie de la culture qui ont pour objet l'interprétation des diverses sortes de connaissances précédentes. On dit, et j'y souscris, que la politique n'a pas sa place dans la salle de cours d'une université. Elle n'y a pas sa place, tout d'abord du côté des étudiants. Je déplore par exemple tout autant le fait que dans l'amphithéâtre de mon ancien collègue Dietrich Schäfer de Berlin un certain nombre d'étudiants pacifistes se soient un jour massés autour de sa chaire pour faire du vacarme, que le comportement des étudiants anti-pacifistes qui ont, semble-t-il, organisé une manifestation contre le professeur Foerster dont je suis pourtant, par mes propres conceptions, aussi éloigné que possible pour de multiples raisons. Mais la politique n'a pas non plus sa place du côté des enseignants. Et tout particulièrement lorsqu'ils traitent scientifiquement les problèmes politiques. Moins que jamais alors, elle n'y a sa place. En effet, prendre une position politique pratique est une chose, analyser scientifiquement des structures politiques et des doctrines de partis en est une autre. Lorsqu'au cours d'une réunion publique,on parle de démocratie, on ne fait pas un secret de la position personnelle que l'on prend, et même la nécessité de prendre parti de façon claire s'impose alors comme un devoir maudit. Les mots qu'on utilise en cette occasion ne sont plus les moyens d'une analyse scientifique, mais ils constituent un appel politique en vue de solliciter des prises de position chez les autres. Ils ne sont plus des socs de charrue pour ameublir l'immense champ de la pensée contemplative,mais des glaives pour attaquer des adversaires, bref des moyens de combat. Ce serait une vilenie que d'employer ainsi les mots dans une salle de cours.Lorsqu'au cours d'un exposé universitaire on se propose d'étudier par exemple la « démocratie », on procède à l'examen de ses diverses formes, on analyse le fonctionnement propre à chacune d'elles et on examine les conséquences qui résultent de l'une et de l'autre dans la vie; on leur oppose ensuite les formes non démocratiques de l'ordre politique et l'on essayera de pousser son analyse jusqu'au moment où l'auditeur sera lui-même en mesure de trouver le point à partir duquel il pourra prendre position en fonction de ses propres idéaux fondamentaux. Mais le véritable professeur se gardera bien d'imposer à son auditoire, du haut de la chaire, une quelconque prise de position, que ce soit ouvertement ou par suggestion - car la manière la plus déloyale est évidemment celle qui consiste à laisser parler les faits. Pour quelles raisons, au fond, devons-nous nous en abstenir ? Je présume qu'un certain nombre de mes honorables collègues seront d'avis qu'il est en général impossible de mettre en pratique cette réserve personnelle, et que même si la chose était possible, ce serait une marotte que de prendre pareilles précautions. Dame ! On ne peut démontrer scientifiquement à personne en quoi consiste son devoir de professeur d'université. On ne peut jamais exiger de lui que la probité intellectuelle, ce qui veut dire l'obligation clé reconnaître que d'une part l'établissement des faits, la détermination des réalités mathématiques et logiques ou la constatation des structures intrinsèques des valeurs culturelles, et d'autre part la réponse aux questions concernant la valeur de la culture et de ses contenus particuliers ou encore celles concernant la manière dont il faudrait agir dans la cité et au sein des groupements politiques, constituent deux sortes de problèmes totalement hétérogènes. Si l'on me demandait maintenant pourquoi cette dernière série clé questions doit être exclue d'un amphithéâtre, je répondrai que le prophète et le démagogue n'ont pas leur place dans une chaire universitaire […] je suis prêt à vous fournir la preuve au moyen des œuvres des historiens que chaque fois qu’un homme de science fit intervenir son propre jugement de valeur, il n’y a pas plus de compréhension intégrale des faits|Max Weber, « Le métier et la vocation de savant », Le savant et le politique.}}
Cet extrait met en lumière la perspective de Max Weber sur la distinction entre jugement de valeur et jugement de fait, et l'idée de neutralité axiologique. Pour Weber, la salle de cours universitaire (et, par extension, le domaine de la recherche académique) devrait être exempte de politique, dans le sens où ni les étudiants ni les enseignants ne devraient laisser leurs convictions politiques personnelles influencer leur approche de l'étude. Il est particulièrement critique à l'égard des enseignants qui chercheraient à imposer leurs propres prises de position à leurs élèves, que ce soit de manière ouverte ou subtile. Weber met en avant la distinction entre "prendre une position politique pratique" et "analyser scientifiquement des structures politiques et des doctrines de partis". Alors que la première implique un engagement personnel et l'utilisation du langage comme "moyen de combat", la seconde implique une analyse objective et désintéressée, visant à permettre aux étudiants de comprendre les faits de manière à pouvoir formuler leurs propres jugements. C'est ce que Weber entend par neutralité axiologique : la nécessité pour le chercheur de se tenir à l'écart de la politique, en veillant à séparer soigneusement le jugement de fait du jugement de valeur. C'est une vision qui a eu une influence considérable sur les sciences sociales, même si elle a aussi été l'objet de critiques et de débats.
    
    
En suivant Weber, il ne fait pas beau de mélanger les genres, l’analyse ferait bien de les séparer et de les tendre vers l’objectivité. Cependant, les considérations d’ordre normatif ont leur place en science politique avec une approche scientifique qui a suivi la révolution du choix rationnel. Ces considérations tendent à être étudiées dans le champ de la théorie politique. Il y aurait une division du travail au sens de la science politique avec à nouveau la théorie politique normative qui se demande par exemple si la démocratie parlementaire est souhaitable. Tout questionnement empirique est postulé sur des postulats normatifs, cependant elles ne seront pas dominantes, c’est l’analyse dominante qui prime.
En suivant Weber, il ne fait pas beau de mélanger les genres, l’analyse ferait bien de les séparer et de les tendre vers l’objectivité. Cependant, les considérations d’ordre normatif ont leur place en science politique avec une approche scientifique qui a suivi la révolution du choix rationnel. Ces considérations tendent à être étudiées dans le champ de la théorie politique. Il y aurait une division du travail au sens de la science politique avec à nouveau la théorie politique normative qui se demande par exemple si la démocratie parlementaire est souhaitable. Tout questionnement empirique est postulé sur des postulats normatifs, cependant elles ne seront pas dominantes, c’est l’analyse dominante qui prime.

Version du 30 mai 2023 à 13:51

En sciences sociales, un « concept » est une idée ou une catégorie abstraite qui permet aux chercheurs de classer et de comprendre le monde social. Les concepts sont des outils essentiels pour penser, analyser et expliquer les phénomènes sociaux. Ils nous aident à simplifier la complexité du monde social en regroupant et en organisant diverses observations, idées et phénomènes dans des catégories analytiques.

Les concepts peuvent prendre diverses formes en fonction de la discipline. Par exemple, en sociologie, des concepts comme "l'anomie", "la bureaucratie" ou "le capital social" sont utilisés pour caractériser et analyser des phénomènes sociaux spécifiques. En économie, des concepts tels que "l'équilibre du marché", "l'offre et la demande" ou "le capital humain" sont utilisés. En science politique, des concepts tels que "la démocratie", "le pouvoir" ou "la gouvernance" sont couramment utilisés.

La construction d'un concept est une étape importante dans la recherche en sciences sociales. Cela implique généralement une définition claire du concept, ainsi que l'identification de ses différentes dimensions ou caractéristiques. Parfois, les chercheurs peuvent également opérationnaliser les concepts, c'est-à-dire les traduire en variables mesurables qui peuvent être utilisées dans la recherche empirique.

La théorie en science sociale

En science sociale, la théorie joue un rôle central, mais elle n’est pas toujours claire :

  • La théorie comme une abstraction: La théorie est en effet un outil pour nous aider à comprendre le monde de manière plus abstraite. Cependant, contrairement à ce que certains pourraient penser, elle n'est pas réservée uniquement aux philosophes ou aux intellectuels. Chacun de nous utilise constamment des théories pour interpréter et comprendre le monde qui nous entoure. Par exemple, si vous pensez que la récompense motive les gens à travailler plus dur, vous appliquez en réalité une version simplifiée de la théorie de l'incitation. Les théories sont simplement des cadres de réflexion qui nous aident à structurer nos observations et nos pensées sur le monde.
  • La théorie comme étant déconnectée de la réalité: Il est également courant de penser que la théorie est déconnectée de la réalité ou qu'elle est subjective. Cependant, une bonne théorie en sciences sociales est basée sur l'observation empirique et est constamment testée contre celle-ci. La théorie peut commencer par des idées abstraites, mais ces idées sont ensuite liées à des hypothèses spécifiques qui peuvent être testées par l'observation ou l'expérimentation. Ainsi, loin d'être déconnectée de la réalité, une bonne théorie est constamment en dialogue avec elle.

L'approche inductive et déductive sont deux méthodes centrales dans le raisonnement scientifique, y compris en sciences sociales, et décrivent comment les faits et les théories interagissent.

  • Approche inductive : La méthode inductive part des observations spécifiques pour arriver à des généralisations ou à des théories plus larges. Par exemple, un chercheur pourrait commencer par des entretiens détaillés avec des personnes sans abri, puis utiliser ces entretiens pour développer une théorie plus générale sur les causes de l'itinérance. Cette approche est souvent utilisée en recherche qualitative.
  • Approche déductive : La méthode déductive, en revanche, commence par une théorie ou une hypothèse générale, puis cherche à trouver des observations spécifiques qui la soutiennent. Par exemple, un économiste pourrait commencer par l'hypothèse que l'augmentation du salaire minimum entraînera une augmentation du chômage, puis chercher des données pour tester cette hypothèse. Cette approche est souvent utilisée en recherche quantitative.

Dans la pratique, de nombreux chercheurs utilisent une combinaison d'approches inductives et déductives dans leur travail. Ils peuvent commencer par une théorie générale (approche déductive), puis utiliser des observations pour affiner ou modifier cette théorie (approche inductive). Ou ils peuvent commencer par des observations spécifiques (approche inductive), puis utiliser ces observations pour développer une nouvelle théorie ou hypothèse qu'ils testeront ensuite avec d'autres données (approche déductive). La complémentarité de ces deux approches aide à enrichir et à renforcer la recherche en sciences sociales, en assurant un dialogue constant entre la théorie et les observations.

Dans le contexte des sciences sociales, une théorie est une explication systématique des phénomènes observés. Elle fournit un cadre de compréhension et d'interprétation de la réalité, en reliant différents faits et observations pour expliquer des relations de cause à effet, des motifs, des comportements et des tendances dans la société. Une théorie n'est pas simplement une hypothèse ou une supposition. Elle est basée sur un ensemble d'hypothèses clairement définies et vérifiables, et elle est soutenue par des preuves empiriques. En outre, une bonne théorie devrait être capable de faire des prédictions précises sur les résultats futurs. Il existe souvent plusieurs théories différentes qui peuvent expliquer un même phénomène social. Par exemple, en sociologie, l'inégalité économique peut être expliquée par des théories marxistes (qui se concentrent sur les structures de classe et le capitalisme), des théories de l'échange social (qui se concentrent sur les interactions et les transactions individuelles), ou des théories institutionnelles (qui se concentrent sur les lois, les politiques et les structures sociales). Cependant, malgré leurs différences, toutes ces théories partagent le même objectif fondamental : aider à expliquer comment fonctionne la réalité sociale.

Une bonne théorie en sciences sociales a pour but d'identifier les facteurs et les processus qui structurent une partie de la réalité sociale. Elle sert à expliquer comment et pourquoi les choses se passent, et à anticiper comment les choses pourraient se passer dans différentes conditions. Voici quelques points importants concernant une bonne théorie :

  1. Identifie les facteurs importants : Une théorie devrait clairement identifier les variables ou facteurs qui sont importants pour le phénomène ou la question de recherche à l'étude. Ces facteurs peuvent inclure des caractéristiques individuelles, des comportements, des processus sociaux, des institutions, des structures sociales, et plus encore.
  2. Explique les relations entre ces facteurs : Une théorie devrait également expliquer comment ces facteurs sont liés les uns aux autres. Par exemple, elle pourrait expliquer comment les changements dans une variable (par exemple, le niveau d'éducation) affectent une autre variable (par exemple, le revenu).
  3. Propose des lois ou des principes généraux : Une théorie devrait proposer des principes généraux ou des "lois" qui expliquent le comportement des facteurs étudiés. Par exemple, une théorie économique pourrait proposer une loi selon laquelle, toutes choses étant égales par ailleurs, une augmentation de la demande pour un produit entraînera une augmentation de son prix.
  4. Est vérifiable : Une théorie devrait être formulée de manière à pouvoir être testée par l'observation et l'expérience. Cela signifie qu'elle devrait faire des prédictions spécifiques qui peuvent être confirmées ou infirmées par des données.
  5. Est applicable à une variété de contextes : Une bonne théorie devrait être assez générale pour s'appliquer à une variété de contextes et de situations, bien que certaines théories puissent être spécifiques à certains contextes culturels ou historiques.

Dans "Doing Comparative Politics: An Introduction to Approaches and Issues", Lim met en lumière la fonction d'une théorie comme un moyen de filtrer et d'organiser notre compréhension de la réalité.[1] Il définit la théorie comme une représentation simplifiée de la réalité, c’est un prisme par lequel les faits sont sélectionnés, interprétés, organisés et reliés entre eux de sorte qu’ils forment une totalité cohérente. Les points clés de cette définition sont :

  1. Simplification de la réalité : La réalité est incroyablement complexe. Une théorie fournit une représentation simplifiée qui permet de comprendre plus facilement des phénomènes spécifiques. Elle permet de concentrer l'attention sur les aspects les plus pertinents de la réalité pour une question de recherche donnée.
  2. Prisme : Une théorie agit comme un prisme, aidant à sélectionner et à mettre en lumière certains faits tout en mettant d'autres faits dans l'ombre. Cette sélection est cruciale car il est impossible de considérer tous les faits à la fois.
  3. Interprétation et organisation : Une théorie fournit un cadre pour interpréter et organiser les faits. Elle aide à donner du sens aux observations et à les regrouper de manière significative.
  4. Cohérence : Une bonne théorie présente un ensemble cohérent de faits et d'arguments. Elle relie divers éléments de manière logique et systématique.

Les théories jouent un rôle crucial dans la structuration de notre compréhension de la réalité. Elles aident à organiser et à relier les faits, à identifier les relations de cause à effet, et à mettre en lumière les structures et les processus sous-jacents qui peuvent ne pas être immédiatement évidents. Par exemple, dans le domaine de la sociologie, la théorie du conflit aide à organiser les faits autour de l'idée que la société est structurée par des conflits de classe et d'autres formes de lutte pour le pouvoir. Elle relie divers faits - comme l'inégalité économique, la discrimination raciale, et le sexisme - à une analyse plus large de la manière dont le pouvoir est distribué et contesté dans la société. De même, en économie, la théorie de l'offre et de la demande aide à organiser les faits en suggérant que les prix sont déterminés par l'interaction entre ce que les gens sont prêts à payer pour un bien ou un service (la demande) et la quantité de ce bien ou de ce service qui est disponible (l'offre). Ces théories ne réduisent pas seulement la complexité de la réalité en fournissant des simplifications utiles, elles aident également à ordonner la réalité en structurant notre compréhension des faits. Elles fournissent un cadre cohérent pour l'interprétation et l'explication des phénomènes que nous observons, ce qui permet aux chercheurs de formuler des hypothèses, de conduire des recherches, et de développer une compréhension plus profonde de la réalité sociale.

Une théorie, dans son essence, est une argumentation cohérente qui repose sur une logique interne solide. Elle décrit et explique les mécanismes qui sous-tendent une relation causale et fournit un cadre qui lie les concepts, les variables et les faits d'une manière qui donne du sens. En sciences sociales, une théorie bien construite doit identifier les relations entre les concepts ou les variables, préciser la nature de ces relations (par exemple, si une augmentation d'une variable entraîne une augmentation ou une diminution d'une autre), et expliquer pourquoi ces relations existent. La théorie doit également être suffisamment précise pour permettre de faire des prédictions qui peuvent être testées empiriquement. Par exemple, dans la théorie du capital humain en économie, l'éducation est considérée comme un investissement qui augmente la productivité et le potentiel de gains d'un individu. Cette théorie suggère une relation causale : une augmentation de l'éducation entraîne une augmentation des revenus. Les mécanismes qui soutiennent cette relation incluent l'acquisition de compétences et de connaissances qui augmentent la productivité de l'individu. Cependant, une théorie n'est pas seulement une description de la réalité, c'est aussi un outil pour changer cette réalité. En identifiant les mécanismes qui sous-tendent les relations causales, une théorie peut aider à identifier les leviers d'action possibles pour influencer les résultats. Par exemple, si l'on accepte la théorie du capital humain, alors une politique possible pour augmenter les revenus serait d'investir dans l'éducation.

On peut penser à deux analogies pour saisir la notion de théorie :

  • La théorie comme paire de lunettes : Cette analogie illustre bien la manière dont une théorie nous aide à filtrer et à interpréter les informations que nous percevons. Tout comme une paire de lunettes peut aider à améliorer notre vision en mettant certaines choses au point ou en filtrant certaines longueurs d'onde de lumière, une théorie aide à mettre en évidence certains aspects de la réalité sociale tout en en minimisant d'autres. Chaque théorie offre une perspective unique qui nous permet de voir certains aspects de la réalité plus clairement, tout en occultant potentiellement d'autres aspects.
  • La théorie comme carte : De la même manière qu'une carte est une représentation simplifiée de la réalité géographique qui met l'accent sur certains détails (comme les routes, les frontières ou les reliefs) tout en en omettant d'autres, une théorie est une représentation simplifiée de la réalité sociale qui met l'accent sur certains aspects de celle-ci. Les cartes peuvent varier en fonction des informations que l'on souhaite mettre en évidence, de même, les théories peuvent différer en fonction des aspects de la réalité sociale que l'on souhaite mettre en avant.

Tout comme il est utile d'avoir plusieurs types de cartes (par exemple, une carte routière, une carte topographique, une carte politique), il est également utile d'avoir plusieurs théories pour comprendre pleinement la complexité de la réalité sociale. Chaque théorie offre un éclairage unique, et ces éclairages peuvent souvent se compléter pour donner une image plus complète et nuancée.

La distinction entre les perspectives de Karl Marx et de Max Weber illustre deux approches fondamentales de la théorie en sciences sociales.

  • L'approche de Karl Marx: Marx considérait la théorie non seulement comme un moyen de comprendre la réalité sociale, mais aussi comme un outil pour la transformer. Pour lui, le but de la théorie était d'identifier les structures de pouvoir et d'exploitation dans la société (en particulier dans le contexte du capitalisme) et de fournir une base pour l'action politique et sociale visant à créer une société plus équitable. Sa célèbre déclaration, "Les philosophes n'ont fait qu'interpréter diversement le monde, il s'agit maintenant de le transformer," met en lumière cette conviction que la théorie doit être appliquée de manière pratique pour améliorer la condition humaine.
  • L'approche de Max Weber: D'un autre côté, Weber voyait la théorie plus comme un outil de compréhension objective de la réalité sociale. Pour lui, le but de la théorie était de décrire et d'expliquer la réalité sociale de manière aussi précise et neutre que possible, sans nécessairement chercher à la transformer. Cette approche est souvent associée à l'idée de "valeur-neutralité" en sciences sociales, qui soutient que les chercheurs doivent s'efforcer de rester objectifs et de ne pas laisser leurs propres valeurs ou idéologies influencer leurs recherches.

Ces deux approches ne sont pas nécessairement mutuellement exclusives. De nombreux chercheurs en sciences sociales estiment qu'il est important de comprendre la réalité sociale de manière objective (à la manière de Weber), mais reconnaissent également que cette compréhension peut et doit être utilisée pour informer l'action sociale et politique (à la manière de Marx). En fin de compte, la manière dont un chercheur envisage le rôle de la théorie dépendra de ses propres perspectives philosophiques et éthiques.

La perspective de Karl Marx sur la théorie souligne le potentiel qu'elle a de servir de levier pour le changement social et politique. Pour Marx, la théorie n'est pas simplement un outil pour comprendre le monde, mais un moyen de le transformer activement. Dans cette vision, la théorie n'est pas une activité purement académique ou intellectuelle, mais elle a une pertinence et une utilité directes pour le monde réel. Dans l'œuvre de Marx, cette idée est étroitement liée à sa théorie de la lutte des classes. Selon Marx, la théorie peut aider à éclairer les structures de pouvoir et d'exploitation dans la société, en particulier en ce qui concerne les relations entre les classes sociales dans le système capitaliste. En conscientisant les classes ouvrières de leur exploitation, Marx pensait que la théorie pourrait servir d'outil pour inciter à la révolution et à l'établissement d'une société communiste. Cela dit, il est important de noter que bien que l'approche de Marx mette l'accent sur le rôle actif de la théorie dans le changement social, cette perspective n'est pas nécessairement partagée par tous les chercheurs en sciences sociales. Certains peuvent voir la théorie davantage comme un outil pour comprendre le monde plutôt que pour le changer. Néanmoins, la perspective de Marx met en évidence l'une des façons dont la théorie peut être considérée comme ayant une pertinence et une utilité directes pour la société.

Robert Cox, un éminent théoricien des relations internationales, a bien articulé cette perspective dans son travail dans son ouvrage Social Forces, States and World Orders: Beyond International Relations Theory[2]. Selon lui, toute théorie a une perspective — elle est "toujours pour quelqu'un et pour certains objectifs". Cette affirmation repose sur l'idée que la théorie n'est jamais totalement neutre ou objective, car elle est toujours influencée par les valeurs, les croyances et les objectifs des individus qui la développent et l'utilisent. Cox a fait une distinction entre ce qu'il appelait les théories "problème-résolution" et les théories "critiques". Les théories de résolution de problèmes acceptent le monde tel qu'il est et cherchent à rendre les systèmes et structures existants plus efficaces. Elles sont généralement favorables au statu quo et à l'ordre existant. D'autre part, les théories critiques remettent en question l'ordre existant et cherchent à comprendre comment et pourquoi il a été créé. Elles visent à exposer les forces et les structures de pouvoir qui sous-tendent la réalité sociale et, souvent, à envisager des moyens de changer ces structures. Cela souligne une fois de plus que les théories ne sont pas simplement des descriptions neutres de la réalité. Elles sont influencées par les perspectives et les objectifs des théoriciens, et elles peuvent à leur tour influencer notre compréhension de la réalité et notre action sur le monde.

Max Weber, un des fondateurs de la sociologie moderne, a en effet fortement soutenu l'idée de la neutralité axiologique, c'est-à-dire la séparation des faits et des valeurs dans la recherche scientifique. Selon Weber, alors que les valeurs peuvent guider le choix des sujets de recherche, les chercheurs devraient s'efforcer d'être aussi objectifs et impartiaux que possible lorsqu'ils analysent et interprètent les données. Weber soutenait que, bien que la recherche en sciences sociales puisse éclairer les conséquences possibles de différentes actions ou politiques, elle ne peut pas nous dire quelle action ou politique nous devrions choisir. C'est parce que le choix entre différentes valeurs ou fins est en fin de compte une question de jugement personnel ou moral, et non de fait scientifique. En termes pratiques, cela signifie que les chercheurs devraient présenter les faits tels qu'ils sont, sans les juger selon leurs propres critères de bien et de mal, de juste et d'injuste, de meilleur ou de pire. Par exemple, un sociologue qui étudie une certaine pratique culturelle devrait s'efforcer de la décrire et de l'expliquer aussi objectivement que possible, sans exprimer son approbation ou sa désapprobation personnelle. La neutralité axiologique ne signifie pas que les chercheurs ne doivent pas avoir de valeurs personnelles ou qu'ils doivent éviter des sujets de recherche qui ont des implications éthiques ou politiques. Plutôt, cela signifie que lorsqu'ils effectuent leur recherche, ils devraient s'efforcer de séparer leurs analyses et leurs conclusions de leurs propres jugements de valeur.

La perspective de Weber sur la neutralité axiologique a été très influente et continue d'être une norme importante dans de nombreux domaines des sciences sociales. Cependant, elle a aussi été critiquée. Certains suggèrent qu'il est impossible pour les chercheurs d'éviter totalement que leurs valeurs influencent leur travail. D'autres argumentent que la recherche en sciences sociales devrait avoir pour but non seulement de comprendre le monde, mais aussi de le changer, une position qui s'oppose à l'idée de neutralité axiologique. C'est un débat qui continue dans les sciences sociales aujourd'hui, et différentes perspectives peuvent être plus ou moins pertinentes selon le sujet de recherche et la méthodologie utilisée.

Max Weber, dans son essai "Politik als Beruf" (La Politique comme Vocation), a élaboré sa vision de la neutralité axiologique. Cet essai, écrit en 1919, est souvent considéré comme une définition classique de la neutralité axiologique en sciences sociales. Dans "La Politique comme Vocation", Weber a soutenu que bien que la science (y compris les sciences sociales) puisse aider à clarifier les moyens par lesquels un certain objectif politique peut être atteint, elle ne peut pas déterminer quelle fin ou quel objectif devrait être poursuivi. Selon lui, cela relevait de la sphère de la politique et du jugement personnel, et non de la science. La neutralité axiologique, dans la perspective de Weber, est une tentative de maintenir une séparation entre ces sphères - pour éviter que la science ne devienne trop politisée, ou que la politique ne devienne trop scientifisée. Il s'agit d'un idéal selon lequel les chercheurs s'efforcent de rendre compte de la réalité aussi objectivement et impartialement que possible, sans laisser leurs propres valeurs ou jugements politiques influencer leur travail.

L’extrait suivant est issu d’une série de conférences prononcées en 1919 à l’Université de Munich. Weber développe une réflexion sur la nature du travail scientifique : "Arrêtons-nous maintenant un instant aux disciplines qui me sont familières, à savoir, la sociologie, l'histoire, l'économie politique, la science politique et toutes les sortes de philosophie de la culture qui ont pour objet l'interprétation des diverses sortes de connaissances précédentes. On dit, et j'y souscris, que la politique n'a pas sa place dans la salle de cours d'une université. Elle n'y a pas sa place, tout d'abord du côté des étudiants. Je déplore par exemple tout autant le fait que dans l'amphithéâtre de mon ancien collègue Dietrich Schäfer de Berlin un certain nombre d'étudiants pacifistes se soient un jour massés autour de sa chaire pour faire du vacarme, que le comportement des étudiants anti-pacifistes qui ont, semble-t-il, organisé une manifestation contre le professeur Foerster dont je suis pourtant, par mes propres conceptions, aussi éloigné que possible pour de multiples raisons. Mais la politique n'a pas non plus sa place du côté des enseignants. Et tout particulièrement lorsqu'ils traitent scientifiquement les problèmes politiques. Moins que jamais alors, elle n'y a sa place. En effet, prendre une position politique pratique est une chose, analyser scientifiquement des structures politiques et des doctrines de partis en est une autre. Lorsqu'au cours d'une réunion publique,on parle de démocratie, on ne fait pas un secret de la position personnelle que l'on prend, et même la nécessité de prendre parti de façon claire s'impose alors comme un devoir maudit. Les mots qu'on utilise en cette occasion ne sont plus les moyens d'une analyse scientifique, mais ils constituent un appel politique en vue de solliciter des prises de position chez les autres. Ils ne sont plus des socs de charrue pour ameublir l'immense champ de la pensée contemplative,mais des glaives pour attaquer des adversaires, bref des moyens de combat. Ce serait une vilenie que d'employer ainsi les mots dans une salle de cours.Lorsqu'au cours d'un exposé universitaire on se propose d'étudier par exemple la « démocratie », on procède à l'examen de ses diverses formes, on analyse le fonctionnement propre à chacune d'elles et on examine les conséquences qui résultent de l'une et de l'autre dans la vie; on leur oppose ensuite les formes non démocratiques de l'ordre politique et l'on essayera de pousser son analyse jusqu'au moment où l'auditeur sera lui-même en mesure de trouver le point à partir duquel il pourra prendre position en fonction de ses propres idéaux fondamentaux. Mais le véritable professeur se gardera bien d'imposer à son auditoire, du haut de la chaire, une quelconque prise de position, que ce soit ouvertement ou par suggestion - car la manière la plus déloyale est évidemment celle qui consiste à laisser parler les faits. Pour quelles raisons, au fond, devons-nous nous en abstenir ? Je présume qu'un certain nombre de mes honorables collègues seront d'avis qu'il est en général impossible de mettre en pratique cette réserve personnelle, et que même si la chose était possible, ce serait une marotte que de prendre pareilles précautions. Dame ! On ne peut démontrer scientifiquement à personne en quoi consiste son devoir de professeur d'université. On ne peut jamais exiger de lui que la probité intellectuelle, ce qui veut dire l'obligation clé reconnaître que d'une part l'établissement des faits, la détermination des réalités mathématiques et logiques ou la constatation des structures intrinsèques des valeurs culturelles, et d'autre part la réponse aux questions concernant la valeur de la culture et de ses contenus particuliers ou encore celles concernant la manière dont il faudrait agir dans la cité et au sein des groupements politiques, constituent deux sortes de problèmes totalement hétérogènes. Si l'on me demandait maintenant pourquoi cette dernière série clé questions doit être exclue d'un amphithéâtre, je répondrai que le prophète et le démagogue n'ont pas leur place dans une chaire universitaire […] je suis prêt à vous fournir la preuve au moyen des œuvres des historiens que chaque fois qu’un homme de science fit intervenir son propre jugement de valeur, il n’y a pas plus de compréhension intégrale des faits"

Cet extrait met en lumière la perspective de Max Weber sur la distinction entre jugement de valeur et jugement de fait, et l'idée de neutralité axiologique. Pour Weber, la salle de cours universitaire (et, par extension, le domaine de la recherche académique) devrait être exempte de politique, dans le sens où ni les étudiants ni les enseignants ne devraient laisser leurs convictions politiques personnelles influencer leur approche de l'étude. Il est particulièrement critique à l'égard des enseignants qui chercheraient à imposer leurs propres prises de position à leurs élèves, que ce soit de manière ouverte ou subtile. Weber met en avant la distinction entre "prendre une position politique pratique" et "analyser scientifiquement des structures politiques et des doctrines de partis". Alors que la première implique un engagement personnel et l'utilisation du langage comme "moyen de combat", la seconde implique une analyse objective et désintéressée, visant à permettre aux étudiants de comprendre les faits de manière à pouvoir formuler leurs propres jugements. C'est ce que Weber entend par neutralité axiologique : la nécessité pour le chercheur de se tenir à l'écart de la politique, en veillant à séparer soigneusement le jugement de fait du jugement de valeur. C'est une vision qui a eu une influence considérable sur les sciences sociales, même si elle a aussi été l'objet de critiques et de débats.

En suivant Weber, il ne fait pas beau de mélanger les genres, l’analyse ferait bien de les séparer et de les tendre vers l’objectivité. Cependant, les considérations d’ordre normatif ont leur place en science politique avec une approche scientifique qui a suivi la révolution du choix rationnel. Ces considérations tendent à être étudiées dans le champ de la théorie politique. Il y aurait une division du travail au sens de la science politique avec à nouveau la théorie politique normative qui se demande par exemple si la démocratie parlementaire est souhaitable. Tout questionnement empirique est postulé sur des postulats normatifs, cependant elles ne seront pas dominantes, c’est l’analyse dominante qui prime.

Aujourd’hui, dans la pratique, la grande majorité des chercheurs sont orientés vers une recherche de type explicative et phénoménologique.

Max Weber à propos de la délimitation du champ de la science politique et de son objet dit « ce ne sont pas les rapports entre les « choses » qui constituent le principe de la délimitation des différents domaines scientifiques, mais les rapports conceptuels entre problèmes[3] ».

Ce qui délimite l’objet de la science politique ce sont les rapports conceptuels entre problèmes c’est-à-dire entre deux concepts. On voit que ce qui constitue l’objet est des liens entre concepts.

Le modèle classique

Définition : qu’est-ce qu’un concept ?

En préambule, il est utile de s’intéresser à son étymologie. En latin, le mot « concept » provient de « concipere » qui est formé de « corp » et de « capare » qui signifie « saisir pleinement ». Le concept va dès lors être un outil, une aide à la compréhension.

Cependant, il y a une polysémie du terme. Différents utilisateurs vont le définir et proposer des affirmations variées :

Robert Adcock dans The History of Political Science[4] publié en 2005 propose une définition selon le modèle classique aussi appelé « paradigme objectiviste » du concept. Il définit le concept comme des représentations mentales de catégories du monde elles représentent la réalité externe.

Les concepts fonctionnent comme des symboles mentaux (« mental symbols »; « mental representations »; « mental images »), représentant la réalité externe. Ce modèle classique traite les objets comme des entités cognitives représentant une série de classe d’objets dans le réel via les traits communs de ces entités dans la réalité.

Sartori publie en 1984 Social Science Concepts: A systematic analysis[5] pour qui le concept consiste en un ensemble de caractéristiques nécessaires qui le défini.Cela permet de distinguer A de non-A. L’analyse conceptuelle est la tâche méthodologique cruciale à laquelle tout chercheur est confronté. Il oppose le discours scientifique au discours du sens commun très peu précis ; Sartori exige de la science de définir les termes clairement. Il faut dégager des définitions de concepts claires et intersubjectives partagées par l’ensemble de la communauté. Le travail conceptuel peut aussi générer de nouveaux concepts.

Taylor distingue des catégories en terme nécessaires et suffisantes. Les éléments sont de type binaire, c’est-à-dire que l’on a soit la présence ou l’absence d’une caractéristique. C’est une variable dichotomique. Tous les membres d’une catégorie ont le même statut.

Mesure

Article détaillé : De la théorie aux données.

Les théories établissent des rapports entre concepts, mais ils restent inobservables. Ce que l’on peut observer sont des mesures d’abstractions conceptuelles. L’opérationnalisation est le lien entre un concept abstrait et sa manifestation dans un cas précis qui se traduit par la création d’indicateurs.

Une mesure est une quantification d’un concept. Tout concept doit être opérationnalisé pour pouvoir faire de la recherche empirique et tester des liens théoriques et conceptuels.

Histoire et « art » de la discipline : état de l’art

Les cinq changements majeurs qui nous permettent de comprendre l’état de la science politique moderne, de définir les objets de la discipline et de s’interroger sur la notion même des sciences politiques sont :

  1. le passage de la description/jugement à l’explication/analyse : glissement d’analyses de types descriptives qui émettent de forts jugements de valeur à des analyses qui se focalisent sur l’explication et la théorie ;
  2. la montée en puissance de la méthode : renforcement de la méthode et du caractère scientifique de la recherche ;
  3. la spécialisation ;
  4. on quitte les approches métathéoriques pour théoriser davantage à l’aide de théories de moyennes portées ;
  5. la révolution au niveau des données disponibles.

Passage de la description à l’explication

Depuis la Deuxième guerre mondiale et à partir des années 1960, on observe ce double mouvement dans l’étude des phénomènes politiques donc, de la description on passe à l’explication comme objet de recherche, mais aussi du jugement normatif et descriptif passant à l’analyse et au raisonnement.

Vers la fin de la Deuxième guerre mondiale, la science politique était essentiellement descriptive et on ne posait que rarement la question du « pourquoi ? ».

Dans l’immédiat d’après-guerre, la science politique était essentiellement normative et habitée par des sentiments réformistes. Il faut comprendre les considérations normatives comme « ce qui devrait être » sans forcément analyser les mécanismes et les réalités sociales et politiques.

Ce sont les questions de « pourquoi ? » qui permettent d’aller au-delà de la description. Les réponses appellent à une explication qui repose sur un raisonnement et une analyse cohérente.

Ce qui pique la curiosité des chercheurs est des régularités empiriques récurrentes, des faits sociaux récurrents à travers le temps et dans l’espace. L’objectif est d’essayer d’identifier les mécanismes qui identifient et expliquent ces régularités empiriques.

Growth of causal thinking.png

Ce tableau illustre le nombre d’articles qui mentionnent un mot qui se réfère à la causalité comme « analyses causales » dans la revue américaine de science politique, mais aussi dans un nombre plus important de revues scientifiques.

On voit une forte progression du jargon causale dans ces publications ce qui illustre ce renforcement du rôle de l’explication dans ce que font les politologues depuis les années 1960.

Nota bene

Changements qui ont eu lieu sur 100 ans, mais qui se sont renforcés depuis les dernières décennies. Il y a un double mouvement dès les années 1960 :

  • de la description on passe à l’explication ;
  • du Jugement normatif et prescriptif, on passe à l'analyse.
  • Prescriptif : jugements, évaluations émises en vue d’un aménagement politique

La science politique était très descriptive après la Seconde guerre mondiale, et très normative on ne se posait pas la question « pourquoi ? » (sentiment réformiste très présent) : c’est pourtant la réponse à « pourquoi ?» qui demande une explication et qui présuppose un raisonnement et donc une analyse.

  • Accent sur l’explication et l’analyse

Les sciences politiques se rapprochent des sciences exactes: sciences physiques et sciences naturelles. (Méthode comparative : on va regarder un certain nombre de fonctions constantes)

Renforcement de la méthode, du caractère scientifique de la recherche

Cet accent sur l’explication va de pair avec une plus grande rigueur dans la méthode. La rigueur méthodologique et principalement un renforcement du caractère scientifique de la recherche.

La méthode comparée se base sur un petit nombre de cas de 2 allant jusqu’à 15-20. Cette méthode est scientifique parce que si l’on regarde autour de soi, on s’aperçoit d’une grande diversité d’institutions politiques ; la Suisse et caractérisée par un fédéralisme tandis que l’État français est très centralisé, d’autres parla Suisse a un système parlementaire alors qu’en France le régime politique et semi-présidentiel.

On voit une grande diversité institutionnelle et politique à travers le monde et cette variation rend la comparaison souhaitable pour deux raisons principales :

  1. la comparaison nous donne un bon aperçu du domaine du possible, elle ouvre les yeux sur les grandes variétés institutionnelles qui existent à travers le monde rendant compte des options possibles et de la capacité qu’ont les sociétés de choisir leur destinée. On voit qu’il y a une liberté qui existe pour façonner ses institutions à travers l’histoire, la culture, la société, etc. Des institutions efficaces existent ailleurs et on pourrait les introduire dans son propre pays.
  2. les différences institutionnelles et politiques constituent un point analytique qui permet de tester des hypothèses de type causal, car l’analyse causale exige de la variation institutionnelle, politique, économique entre entités qui sont comparées. Ces différends vont fournir un appui analytique qui va permettre l’explication de type causale.

En politique comparée, le " most similar research design " est un design de recherche qui va comparer des pays qui sont les plus similaires entre eux. L’idée est d’identifier une variable indépendante explicative comme une institution ou une pratique politique voir une caractéristique individuelle de l’électeur si on s’intéresse aux comportements électoraux ; identifier une telle variable indépendante, une variable explicative absente dans un des deux cas, mais présente dans l’autre et qu’elle soit associée à des résultats différents au niveau de la variable expliquée.

Les cas sélectionnés sont similaires à tout égard à l’exception d’une variable indépendante et du résultat.

L’article de Bo Rothstein intitulé Labor-market institutions and working-class strength publié en 1992[6] qui illustre la thématique des institutions va s’intéresser à une quinzaine de pays européens de l’OCDE, ce sont des pays qui se ressemblent beaucoup d’un point de vue géographique,historique, économique. Ce qui l’intéresse est d’expliquer une puissance des mouvements syndicaux qui diffèrent d’un pays à l’autre.Il va montrer sur la base de l’organisation syndicale des ouvriers qu’il y a de très grandes variations dans les pays européens ; il cherche à expliquer la variation. Pour cela il va être à la recherche d’un facteur qui varie pour expliquer cette différence : une variable principale institutionnelle qui sera le système de Gantt, certains pays connaissent une telle institution du marché du travail à la différence d’autres ce qui va expliquer dans une grande mesure pourquoi les pays scandinaves ont des taux de syndiqué élevés.

En d’autres termes, ces pays se ressemblent à beaucoup d’égard, cependant une variable change ce qui va expliquer le niveau du taux de syndicalisation.

Un deuxième article, celui de Robert Cox compare un plus petit nombre de pays à savoir les Pays-Bas, l’Allemagne et le Danemark sur la capacité de réforme de l’État-providence se basant sur un modèle de recherche most similar.

On peut aussi illustrer le renforcement de la méthode par l’utilisation croissante de l’analyse de régression en science politique qui provient de l’économétrie.

Growth of mentions of words related to causal thinking.png

Dans ce tableau, on voit une croissance de cet outil statistique dans les démonstrations causales que les politologues font de plus en plus à partir du milieu du siècle. Ainsi, peut isoler l’effet d’une variable indépendante sur une variable dépendante tout en contrôlant les effets d’une variable alternative.

Si l’on reprend les explications de la République de Weimar ; si on prenait plus de pays et de moments historiques, on s’intéresserait à isoler l’effet d’une seule variable sur la chute de la République de Weimar qui pourrait par exemple être le système proportionnel. L’idée est d’isoler cet effet net à savoir quelle est l’importance d’une variable sur une autre, c’est ce que permet l’analyse de régression.


Nota bene

Avantages de la comparaison :

  1. Elle donne un bon aperçu du domaine du possible : options possibles et capacités de la société de choisir pour les sociétés. Elle nous rencontre la plasticité des institutions politiques.
  2. Différences institutionnelles et politiques offrent un point d’appui analytique à fin déterminer des hypothèses de type causal. Car l'analyse causale requiert de la variation institutionnelle, politique et sociale entre pays qui se comparent les uns aux autres. Fournit « analytical leverage »

Most similar research design: l'idée c'est d'identifier une variable indépendante (facteur explicatif) de l'objet qu'on souhaite expliquer dont l’absence et sa présence dans différent cas va être associé à des résultats différents.

Donc la sélection de cas des pays se fait sur la similarité des cas.

Les pays vont être le plus comparables possible à l’exception de la variable indépendante. Postulé comme le facteur explicatif principal. Et la variable dépendant (résultat) va aussi varier.


Spécialisation dans le domaine

Les grands penseurs tels que Marx, Weber, Darwin, Tolstoï, Dickens ou encore Dostoïevski étaient chacun une encyclopédie vivante à eux tout seuls. Il y a quelques années, le magazine Foreign Policy[réf. nécessaire] a mené un ranking des cent penseurs internationaux les plus influents parmi lesquels figurait Bill Gates, Warren Buffet, Maria Vargas, Joe Stiglitz ou encore Martin Wolf qui est journaliste influant du Financial Times.

On peut se poser la question de pourquoi la liste contemporaine est-elle si peut impressionnante :

  • il faut une certaine mise à distance temporelle pour juger véritablement le génie ;
  • cette proximité, et donc familiarité avec les grands penseurs de nos jours, réduits le génie tendant à le banaliser ;
  • un changement structurel dans la manière de gérer la connaissance, notamment les universités promeuvent la spécialisation à outrance ; la connaissance progresse par la coopération et les interactions entre spécialistes organisées en réseaux qui se rencontrent lors de colloques internationaux et qui de plus en plus occupent des niches,des périmètres du savoir plus petit et que la connaissance se cumule et grandie néanmoins. Cela est facilité par les nouvelles technologies comme internet qui permettent toutes sortes de coopérations à travers le monde. Cette spécialisation se voit dans l’organisation et les structures des départements de science politique notamment à l’Université de Genève ou des professeurs occupent des chaires qui couvrent des domaines de la sous-discipline de la science politique. Un et même chercheur à tendance à contribuer à un seul sous-domaine de la science politique. Par exemple, Damian Raess est un spécialiste de la politique comparée.

Théories de moyenne portée (mid-range theories)

De nos jours, nous avons tendance à laisser de côté les grands « -isme » comme le marxisme, le libéralisme, le constructivisme, le réalisme afin de se focaliser sur des débats et des théories de moyennes portées spécifiques à un contexte. Ce sont des débats spécifiques à un contexte et à des problèmes qui sont des enjeux que l’on peut résoudre également par l’analyse empirique.

Métathéorie

Une métathéorie est un cadre ou schéma qui connecte et réintègre logiquement des théories partielles et qui participe à la construction d'une théorie générale. C'est une théorie générale du politique, qui cherche à montrer comment ces diverses théories s'enlacent.

Ce sont, par exemple, le structuralisme, le marxisme, l'institutionnalisme-historique ou encore la théorie des choix rationnels.

Mid-range theories

La définition provient de Robert Merton, il parle d’une théorie a portée limitée qui focalise sur un ou un nombre restreint d’aspects politiques qui tendent à être spécifique à une problématique. Des chercheurs vont, par exemple, dédier leur carrière entière à mieux comprendre les processus de théorisation. C’est un ensemble de théories de portées limitées qui vont essayer d’expliquer des phénomènes spécifiques par exemple les spécialistes des conflits civils qui vont essayer d’en analyser les déterminants. Ce sont aussi la théorie des comportements électoraux, l’approche des variétés du capitalisme qui tentent d’analyser entre autres les résultats dans la manière d’organiser les économies de marché entre pays.

Révolution au niveau des données disponibles

On peut mentionner cette révolution dans les données quantitatives et la disponibilité de larges banques de données et d’enquêtes par sondages d’opinion qui facilitent et permettent la recherche pour des politologues et permettent la comparaison internationale. C’est un facteur qui contribue au renforcement des analyses quantitatives et statistiques dans notre discipline.

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Histoire de la discipline : théories et conceptions

La constitution de la discipline, sa professionnalisation et son autonomisation date d’il y a environ 100 ans, c'est une discipline jeune. Cependant, ses origines peuvent être tracées par un ensemble de textes qui remontent à la Grèce antique.

Origines dans la Grèce antique

The School of Athens by Raffaello Sanzio, 1509, showing Plato (left) and Aristotle (right)

Au Vème siècle avant notre ère, la Grèce est un monde ou l’analyse des idées et idéaux politiques, les propriétés des systèmes politiques,l’essence de la citoyenneté et l’action des gouvernements ainsi que les interventions étatiques dans les sphères politiques et de la politique étrangère qui sont étudiées de façon récurrente.

  • Platon (427-347 av. JC) L’histoire de la science politique commence avec Platon. Dans La République qui est le premier classique dans la discipline, ouvrage clef qui offre la première typologie politique de différents régimes.
  • Aristote (384-322 av. JC) La Politique (ou Les Politiques). il poursuivit une méthode de type inductive, empirique et historique, d'observation sociale qui contraste avec le raisonnement déductif et l’idéalisme de Platon.

On retrouve dans cette période deux grands thèmes chers à la science politique :

  • Quelles sont les formes institutionnelles du politique ?
  • Quels sont les critères qui vont permettre d'évaluer ces diverses formes institutionnelles ? C’est un débat typiquement normatif.

Renaissance

Le Moyen-Age est dominé par les penseurs chrétiens et la théorie de la loi naturelle, c’est la croyance en une loi naturelle universelle résultant d’un ordre de la transcendance du divin ; dès lors la Cité-État se doit de mettre en œuvre des structures répondant à cette loi naturelle. C’est à partir de la renaissance que les choses changent.

  • Machiavel [1469 - 1527] : « le Prince » est un traité sur la légitimité des régimes et des hommes politiques. Il est le précurseur d’école du réalisme donnant lieu à la théorie réaliste des relations internationales au XXème siècle.Il voit dans la morale plus seulement une fin en soi comme c’est le cas dans la pensée chrétienne, mais il va dire qu’en politique la morale est aussi un moyen à une certaine fin. La morale est un instrument qui permet une certaine finalité.
  • Jean Bodin [1529 - 1596] : c’est un théoricien de la souveraineté étatique, son ouvrage principal est Les six livres de la République d’où il expose la nature de l’État dont l’existence se définie par la notion de souveraineté.

Avec les Lumières le progrès, les contributions en théorie s’accélèrent avec Hobbes, Locke, Humes, Smith, mais aussi Hamilton dans la tradition anglo-saxonne. Dans la tradition française nous pouvant noter Montesquieu et son ouvrage ‘’De l’Esprit des Lois’’ qui est devenu célèbre pour la distinction qu’il élabore entre le pouvoir législatif, exécutif et judiciaire avec la notion de séparation des pouvoirs.

Fin du XVIIIème - XIXème

C’est la période des classiques de la théorie sociale :

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XIXème : Période classique de la théorie sociale

Les choses accélèrent, d’un côté la philosophie politique est marquée par un certain déterminisme historique notamment dans les travaux de Engels et Marx qui considèrent l’histoire comme un développe linéaire dans la direction de la liberté et de la raison.

En réaction à ces déterminismes il y a une première vague de travaux empiriques qui vont voir le jour et s’opposer à ces théories abstraites, généralisantes et déterministes proposées au milieu du XIXe siècle.

Cette réaction produit un grand nombre d’études descriptives des institutions politiques, notamment The State : Elements of Historical and Practical Politics du président Wilson qui est une ethnographie politique des institutions politiques avec une classification des modèles avec une typologie similaire développée par Platon et Aristote.

Wilson était un président démocrate durant la période de première guerre mondiale, il était lui-même formé comme politologue à l’Université de Princeton rédigeant de nombreux ouvrages en science politique.

Weber et Durkheim marquent le contraste entre la rationalité moderne et la tradition. Ils abordent les thèmes de la modernisation, le développement économique, le développement social et aussi le développement politique qui est la démocratisation en particulier.

Ces thèmes restent des thèmes clefs encore traités de nos jours par la science politique.

Il est de plus en plus commun de parler de l’étude du politique comme d’une science véritable. Il y a une avancée certaine dans la rigueur scientifique de l‘analyse du fait politique, une cohérence plus grande dans les raisonnements et les propositions avancées sont de plus en plus générées par l’approche inductive plutôt que sur des présupposés de la nature humaine comme au Moyen Âge.

Émerge un emploi croissant de la méthode comparative, mais celle-ci reste à un état embryonnaire et peu systématique.

La science politique a pour objet principal les sciences institutionnelles du gouvernement et donc elle adopte toujours une approche très descriptive de type légale et formelle. Se focalisant sur ces institutions formelles de gouvernements et de parlements, elle demeure attachée à un agenda de recherche étroit.

Fin du XIXème début du XXème

Au début du XXème siècle, la discipline qui va se professionnaliser. C’est dans ce contexte que la science politique comme discipline se professionnalise et s’autonomise ; ce processus a lieu d’abord aux États-Unis avec la création des premiers départements de science politique :

  • en 1880, on peut noter la création de la première école doctorale à la Colombia University de New York ;
  • en 1903 a été fondée l’association américaine de sciences politiques qui a rassemblé des chercheurs en science politique aux États-Unis.

On a une différentiation par rapport à l’histoire qui est la discipline la plus étroitement associée à la science politique dans ces années :

  • « History is past politics, and politics is present history[7] » : la science politique va se concentrer sur la période contemporaine et va traiter des changements dans les dernières décennies.
  • Elle va aussi rejeter l’histoire dans l’ambition qu’elle a d’adresser l’ensemble des facteurs explicatifs et de fournir une explication unique d’un phénomène donné. Pour les historiens, tout évènement a une explication unique qui n’est pas reproduite plus tard, avant, ailleurs dans le monde alors que la science politique va se concentrer sur un nombre plus restreint de facteurs et va formuler des propositions de type générales qui sont valables à travers l’espace et le temps.


Les limites approchent de types formels, légales et descriptives amenant des propositions et des hypothèses. Les propositions sont de plus en plus générées par une approche empirique. L’analyse comparée demeure à un état embryonnaire, peu développée encore.

Selon la devise de l’époque : la science politique se concentre sur la période contemporaine et l’histoire sur le passé. La science politique se centre sur des facteurs limités (de types uniques) ; par contre, l'histoire est trop ouverte.

Révolution behaviorale de l’après-guerre

En anglais, « behavior » veut dire « comportement ». C‘est la révolution comportementale c’est-à-dire que l’on va se focaliser sur l’étude des comportements politiques des acteurs. Elle s’initie d’abord avec l’École de Chicago.

  • École de Chicago [1920 - 1940]

Fondée par Charles Merriam à l’Université de Chicago en 1921. En 1929, Merriam publie un manifeste pour une nouvelle science politique qui cherche à rompre avec l'approche historique. Ce manifeste va engendrer un vif débat pour définir la science politique et saisir les nouvelles tendances. L’École de Chicago va émerger comme un centre important d’ébullition politique.

D’autres protagonistes sont Harold Lasswell ou encore Leonard White en administrations publiques ou encore Quincy Wright en relations internationales.

Les objets qui les intéressent sont l’étude des comportements de vote et l’étude de la mobilisation sociale en politique. En 1939, Lasswell va co-publier une étude sur l’impact de la grande dépression de 1929 sur les capacités de mobilisation politique des chômeurs dans la ville de Chicago intitulée World revolutionary propaganda. A Chicago study[8].

Pour résumer, la signification de l‘École de Chicago réside dans une démonstration qu’une véritable amélioration de la connaissance politique est possible par des études empiriques rigoureuses et par l’utilisation de méthodes plus sophistiquées qui sont au cœur des attitudes et des comportements individuels.

Révolution behaviorale de l’après-guerre [1950 - 1960]

C’est le moment charnière de la révolution behaviorale qui est porteuse de deux idées principales :

  • les objets de la science politique : les tenants de ces courants s‘opposent à une définition des limites de la science politique qui serait restreinte aux institutions formelles de gouvernements. Ils cherchent à dépasser les institutions formelles des gouvernements et à intégrer des procédures informelles et des comportements politiques que ce soit d’individu ou des groupes comme les partis politiques. Les procédures informelles pourraient être des procédures pour mettre sur pied des nouvelles politiques publiques, il y a souvent des consultations de groupes d’intérêts organisés comme les syndicats ainsi que d’autres associations de la société civile. Ils ne sont pas toujours institutionnalisés, ce n’est pas une institution formelle, mais plutôt que l’on pourrait caractériser d’informelle.
  • volonté de rendre la science politique plus scientifique au niveau de la méthode : ils s’opposent à l’analyse empirique qui n’est éclairée par la théorie et vont prôner un raisonnement théorique rigoureux et systématique par des tests empiriques notamment des études d’hypothèses théoriques.

Notons la croissance rapide de l’activité de la recherche académique dans l’après-guerre ; les sous-disciplines de la science politique que sont les relations internationales, la politique comparée et l’étude des institutions américaines s’institutionnalisent, occupent un espace visible, de nouvelles sous discipline viennent s’ajouter à dessous-disciplines existants comme, par exemple, le début des études de security studies, des relations économiques internationales, mais aussi l’étude des comportements politiques.

Un autre acteur va être le fer-de-lance de la révolution behaviorale est l’Université de Michigan qui va rependre la culture scientifique dans l’après-guerre.

Deux ouvrages de cette période et qui incarnent cette révolution behaviorale sont Political Man; the Social Bases of Politics de Lipset publié en 1960[9] et The Civic Culture: Political Attitudes and Democracy in Five Nations publié en 1963 de Gabriel Almond et Sidney Verba[10].

Pour conclure, la révolution behaviorale a amené une plus grande orientation théorique, un renforcement des raisonnements théoriques et une plus grande sophistication théorique dans la discipline. En d’autres termes, c’est une considération plus sérieuse de la méthode scientifique.

Troisième révolution scientifique [1989 - ]

À partir des années 1970 va avoir lieu une troisième révolution scientifique qui est un prolongement de la révolution behaviorale dans le sens où elle va continuer à affirmer et à vouloir toujours une plus grande rigueur de l’aspect scientifique de la discipline.

La Théorie du choix rationnel [TCR] est une théorie qui repose sur des postulats empruntés de la science économique comme les postulats de l’homo-economicus qui va faire des choix en fonction des coûts et de bénéfices afin de maximiser son utilité. D’autre part, elle ne cherche pas à redéfinir ce que sont les objets de la science politique, mais elle va avancer une théorie générale de l’action sous forme de métathéorie.

Cette révolution scientifique va mettre l’accent un raisonnement logique ultra vigoureux dans la théorie et notamment les raisonnements de type formel ou on pose des postulats au début de l’analyse et dont on va déduire par un raisonnement cohérent et logique un certain nombre de propositions et d’hypothèses que l’on va tester empiriquement. C’est également la théorie des jeux et au niveau des méthodes elle va pousser la rigueur par l’analyse statistique.

Elle va avoir des répercussions sur d’autres approches théoriques et méthodologiques notamment la méthode qualitative, en réaction à la pression des théoriciens du choix rationnel, la méthode qualitative va elle se renforcer et devenir plus rigoureuse. On constate un effet de spill-over sur les autres méthodes :

  • King, Keohane, Verba 1994. Designing Social Inquiry : Scientific Inference in Qualitative Research[11] ;
  • Brady & Collier 2004. Rethinking Social Inquiry : Diverse Tools, Share Standards[12] ;
  • George & Bennett 2005. Case Study and Theory Development[13] ;
  • Gerring (2007) Case Study Research: Principles and Practices[14].

En guise de synthèse de ce survol, on peut résumer quelques-uns de ces grands paradigmes par une idée simple parce que chacune de ces approches a une maxime qui résume assez bien les contributions faites parla théorie du behavioralisme et du choix rationnel :

  • behavioralisme : « don’t just at the formals rules, look at people actually do », il ne faut pas seulement se concentrer dans l’analyse a des institutions formelles mas il faut aussi s’intéresser à des règles et des procédures informelles et tout particulièrement la manière dont les individus agissent au sein de ce cadre.
  • choix rationnel : « always remember people push you power and interest », ce qui motive les décisions des individus c’est leurs considérations et leur quête de pouvoir et de satisfaction maximale selon la terminologie néoclassique.

Deux autres grandes écoles qui peuvent être amassées en idées simples :

  • systémisme : « all, everything is connected, feedback matter », tout est connecté, mais seul le feed-back compte, car il crée des résultats et des outcomes qui vont être intégrés aux nouvelles demandes produites et adressées au système politique
  • structuralisme-fonctionnalisme : « forms fits functions », la fonction va déterminer la forme que prennent les institutions politiques.

Finalement, l’autre idée qui définit l’institutionnalisme.

  • institutionnalisme : « institutionalism matter », tout un courant de l’institutionnalisme-historique a émergé qui se défini par rapport à cette idée-là.

Ce compte rendu de l’histoire disciplinaire est celui de la « perspective progressiste-éclectique » définie par Almond que l’on peut définir comme le courant dominant de la science politique. Il n’est pas partagé unanimement, mais par ceux qui l’acceptent comme critère du savoir et de l’objectivité avec cette possibilité de séparer les faits des valeurs qui est basée sur les règles de preuve empirique :

  • « Progressiste » dans le sens d'impute de la notion de progrès de la science historique d’accumulation de savoirs, soit quantitativement c’est-à-dire en termes du nombre de connaissances accumulées dans le temps soit qualitativement dans la rigueur et le progrès de la connaissance.
  • « Éclectique » dans le sens de non hiérarchique, d’un pluralisme intégratif c’est-à-dire qu’il n’y pas un courant qui va se considérer comme supérieur à d’autres, c’est intégratif dans le sens ou toute perspective et méthodologie peut faire partie de cette perspective et histoire dominante. Mais la théorie du choix rationnel et l’institutionnalisme vont produire des travaux qui vont s’intégrer dans cette perspective.

Ces tableaux récapitulent l’histoire de la discipline avec les différentes révolutions et les classifications, on voit aussi l’évolution des méthodes à travers le temps.

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Histoires alternatives

Comme cette histoire n’est pas unanime, il convient de citer d’autres écoles

Courants qui rejettent le caractère scientifique et progressiste

  1. Antiscience : cette position est associée à Lévi-Strauss, il réfute l’héritage de Weber qui est séparation entre faits et valeurs et cette possibilité d’objectiver la réalité sociale ; il réfute aussi le behavioralisme et de manière plus générale le positivisme c’est-à-dire l’étude causale en science politique à travers l’analyse rigoureuse empirique. Cette position estime que l’introduction de la méthode scientifique est nuisible, car elle est une illusion, de plus elle obscurcit et rend triviale la dynamique sociale. Lévi-Strauss propose une science sociale humaniste qui soit intimement et passionnément engagée dans un dialogue avec les grands philosophes et les grandes philosophies à propos du sens des idées centrales de la science politique. C’est une posture qui propose une interprétation des faits sociaux plutôt qu'une explication et qui voit dans la méthode scientifique une illusion.
  2. Post-science (certains constructivistes ; postmodernistes) : c’est une position post-behaviorale et post-positiviste illustrée parle philosophe Jacques Dérida avec l’idée de déconstruction plaçant ce courant comme postmoderniste. Similairement à la position antiscience il réfute l’opposition entre jugement de faits et jugement de valeurs en adoptant une position critique. Il veut la fin du positivisme et de l’exigence de la vérification empirique comme seule position philosophique dans les sciences humaines. Il y a une exigence de vérification empirique d’une théorie qui va amener à l’avancée de la science, ce que les post-sciences réfutent en prônant un renouvellement du discours normatif en réintroduisant les valeurs.

Toute perspective théorique est associée à des choix fondamentaux :

  • Ontologie : fait référence à la nature du monde social et politique donc à ce qui « est ». Elle consiste en un ensemble de postulats et d’affirmations que chaque approche théorique fait par rapport à la nature de la réalité sociale c’est-à-dire par rapport à ce qui existe, mais aussi par rapport à l’entité ou l’unité de base que constitue le politique ou l’analyse du politique.
  • Épistémologie : fait référence à ce que nous pouvons connaitre du monde social et politique.
  • Méthodologie : fait référence à la procédure qui nous permet d’acquérir la connaissance.

Par rapport à ce qui « est » on peut voir une distinction entre les postmodernes et le courant dominant progressiste-éclectique dans le sens où ce dernier adopte une ontologie objective soit la réalité, c’est-à-dire ce qui « est », existe indépendant de la conception que l’on peut en avoir. Dès lors, la réalité peut être distinguée de sa représentation. Les postmodernes adoptent une ontologie subjective dans le sens ou la réalité ne peut pas être distinguée de sa représentation et/ou la représentation que l’on a du monde constitue le monde.

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Ce tableau résume la position ontologique, épistémologique et méthodologique caractéristique de l’école postmoderne.

Au niveau de l’épistémologie qui découle de cette position ontologique, il n’y a pas d’affirmation ou de vérité qui peuvent être faites, car il n’est pas vraiment possible d’acquérir un savoir scientifique qui serait vrai sans nécessiter l’investigation et les tests empiriques. Il n’y a que des positions subjectives qui résultent en des affirmations de connaissances différentes. Ensuite; l’objectif de l’analyse est de déconstruire un discours dominant et de montrer qu’il y a des voix dissonantes qui ont tout autant leur place dans la science politique et l’argumentation.

Ceux qui rejettent l’éclectisme (pluralisme)

  1. Néomarxistes : cette école interprète Marx, l’objectif de la science sociale réside en la vérité découverte et élaborée par Karl Marx au XIXème siècle et qui a été mise à jour par les auteurs néomarxistes comme Nico Poulantzas et Robert Cox plus récemment. Ces lois sociétales découvertes par Marx montrent que les processus historiques, économiques, sociaux et politiques, mais aussi que l’agir humain à l’intérieur de ces structures forment un tout et que l’histoire va suivre une trajectoire évolutive unidirectionnelle. Cette histoire est déterministe dans le sens ou Marx a conceptualisé cet antagonisme de classe inhérent au mode de production capitaliste qui va nécessairement amener au dépassement du système de classe et à la révolution communiste. Il y a rejet de l’éclectisme, car il est difficile d’introduire de nouveaux arguments dans ce système. On peut voir des limitations claires dans sa tendance à omettre d’autres facteurs explicatifs tels que les institutions politiques, le rôle de l’ethnicité, du nationalisme, du système international. Pour illustrer par le nationalisme, un marxiste aurait beaucoup de peine à expliquer pourquoi le parti social-démocrate allemand en 1914 vote au Bundestag les crédits de guerre et s’allie par un pacte national contre des nations étrangères au lieu que le parti social-démocrate s’allie à tous les travailleurs du monde pour une révolution et une solidarité véritables à l’intérieur d’une classe sociale.
  2. Théoriciens du choix rationnel : c’est une entrée latérale dans la science politique par l’économie. Les pionniers sont des auteurs comme Arrow, Anthony Downs ou encore Mancur Olson, ce sont les premiers dans l’après-guerre à appliquer des méthodes et les modèles économiques à l’analyse du phonème politique. Cette approche aspire à développer une théorie unifiée, elle opère par la déduction à partir d’axiomes ou de postulats dérivés de l’économie notamment en considérant l’individu comme un homoeconomicus, un être rationnel motivé par l’intérêt personnel faisant des calculs coûts – bénéfices qui essaie de maximiser sa satisfaction ; des postulats par lesquels résultent des hypothèses soumises aux tests empiriques. C’est aussi une théorie parcimonieuse parce qu’elle veut vraiment expliquer la théorie politique avec très peu d’axiome et de postulats. Elle a une prétention grande à une applicabilité universelle c’est-à-dire de pouvoir expliquer tout phénomène politique et que les théories partielles qu’elle peut générer par rapport à des objets définis peuvent être intégrées dans une théorie plus générale du politique. C’est dans ce sens qu’on peut parler d’un rejet de l’éclectisme en faveur d’un modèle hiérarchique et une considération de supériorité. Par ailleurs, la théorie du choix rationnelle considère qu’elle introduit une discontinuité dans le sens ou tout ce qui la précède est considéré comme préscientifique.

Qu’est-ce que la science politique ?

On peut distinguer notamment trois définitions classiques de la politique :

  • Lasswell publie en 1936 Politics: Who Gets What, When, How[15] où il définit la science politique comme qui obtient quoi, quand et comment. En d’autres termes il s’agit du conflit permanent au niveau de la société pour le contrôle des ressources rares. Ce sont des conflits entre individus et entre groupes sociaux pour s’octroyer les ressources d’une société qui sont forcément limitées. Cela fait référence à des conflits autour de la redistribution des ressources rares dans une société.
  • Goodin publie en 2009 l'ouvrage The State of the Discipline, The Discipline of the State[16] pour qui la politique est l’utilisation limitée du pouvoir social qui serait présenté comme l’essence du politique. Le concept central est la notion de pouvoir qui fut notamment très travaillé en sciences sociales. Selon Weber, le pouvoir de A sur B, c’est la capacité de A d’obtenir que B fasse quelque chose qu’il n’aurait pas fait sans l’intervention de A. Cette définition générale renvoie à la capacité d’agir sur d’autres individus ou groupe ou États en contraignant leurs comportements sans cette intervention. Un des intérêts de cette définition est de montrer que le pouvoir est relationnel. Pour Goodin, le pouvoir va prendre de très nombreuses formes, mais il sera toujours contraint, car même les plus puissants ne peuvent pas imposer par la contrainte, leur vouloir aux dominés. Le pouvoir prend de nombreuses formes, mais il est toujours contraint et c’est la tâche de la science politique de rendre compte de ces relations de pouvoir à différents niveaux.
  • Goodin propose une autre définition comme quoi la science politique est la discipline de l’État. Ici, l’État est compris comme un ensemble de normes, d’institutions et de relations de pouvoir. En ce qui concerne les normes,l’histoire de l’État moderne est étroitement liée à la démocratie libérale, il y a des normes spécifiques qui peuvent être par exemple la séparation des pouvoirs, mais aussi sur l’idée de compétition politique, mais reposent tout comme sur la participation politique de chaque individu et la responsabilité politique des élus envers les électeurs. Ce sont tout un ensemble de normes et de valeurs qui doivent être élaborées et justifiées, et en pourquoi la supériorité de ces valeurs relève d’une considération normative. L’État est un ensemble d’institutions, ce sont les différentes formes du politique, mais aussi à l’intérieur d’un type de régime ; c’est l’opération ou le fonctionnement des institutions démocratiques, des différents types de régimes. L’État serait comme le site privilégié des rapports de pouvoirs entre individus, entre groupes.

La science politique s’autonomise au cours du XXème siècle, notamment vis-à-vis de l’histoire. James Duesenberry (1918 – 2009), économiste américain était professeur d’économie à Harvard disait « l’économie ne parle que de la façon dont les individus font des choix, la sociologie ne parle que du fait qu’ils n’ont aucun choix à faire »[17]. On voit que la sociologie est de pair avec une conception de l’homme sursocialisé, l’agir renvoi aux forces sociales externes avec une marge de manœuvre limitée alors que l’économie néoclassique a une conception de l’homme sous-socialisé ou l’individu opère dans la sphère économique qui est distincte et séparée des autres domaines de la vie sociale.

On peut d’autre part citer Marx « les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas arbitrairement dans les conditions choisies par eux, mais dans les conditions directement données et héritées du passé. La tradition de toutes les générations mortes pèse d’un poids très lourd sur le cerveau des vivants. Et quand même il semble occupé à se transformer, eux et les choses à créer quelque chose de tout à fait nouveau, c’est précisément à ces époques de crise révolutionnaires qu’ils évoquent craintivement les esprits du passé, qu’ils leur emprunte leurs noms, leurs mots d’ordre, leurs costumes pour apparaitre sur la nouvelle scène de histoire sous ce déguisement respectable et avec ce langage emprunté »[18].

On voit la tension dans le développement historique qui est pris entre l’agir humain dans des structures et des institutions, mais ne la font pas arbitrairement dans des conditions choisie par eux, mais dans des conditions données et héritées du passé.

Annexes

Références

  1. Lim, T. C. (2005). Doing comparative politics: An introduction to approaches and issues. Lynne Rienner.
  2. Cox, Robert W.. "Beyond international relations theory: Robert W. Cox and approaches to world order", Approaches to World Order. 1st ed. Cambridge: Cambridge University Press, 1996. 3-18.
  3. M. Weber, Essais sur la théorie de la science, op. cit. p.146
  4. Adcock, R. and Bevir, M. (2005), The History of Political Science. Political Studies Review, 3: 1–16. doi: 10.1111/j.1478-9299.2005.00016.x
  5. Social Science Concepts: A Systematic Analysis Giovanni Sartori Beverley Hills: Sage, 1984
  6. Rothstein, B. (1992). ‘Labor-market institutions and working-class strength’. In S. Steinmo, K. Thelen and F. Longstreth, eds. Structuring Politics. Historical Institutionalism in Com¬parative Analysis. Cambridge: Cambridge University Press, 33–56
  7. Herbert Baxter Adams (1883). The Johns Hopkins University Studies in Historical and Political Science . p. 12.
  8. Lasswell, Harold Dwight, and Dorothy Blumenstock. World Revolutionary Propaganda: A Chicago Study. New York: Knopf, 1939.
  9. Lipset, Seymour Martin. Political Man; the Social Bases of Politics. Garden City, NY: Doubleday, 1960.
  10. Almond, Gabriel A., and Sidney Verba. The Civic Culture: Political Attitudes and Democracy in Five Nations. Princeton, NJ: Princeton UP, 1963.
  11. King, Gary/ Keohane, Robert O./ Verba, Sidney: Designing Social Inquiry. Scientific Inference in Qualitative Research. Princeton University Press, 1994.
  12. Henry E. Brady & David Collier (Eds.) (2004). Rethinking Social Inquiry: Diverse Tools, Shared Standards. Lanham, Md.: Rowman and Littlefield, 362 pages, ISBN 0-7425-1126-X, USD 27,95
  13. Case Studies and Theory Development in the Social Sciences Alexander George, Andrew Bennett Cambridge, USA Perspectives on Politics - PERSPECT POLIT 01/2007; 5(01):256. DOI:10.1017/S1537592707070491 Edition: 1st Ed., Publisher: MIT Press, pp.256
  14. Case Study Research: Principles and Practices. John Gerring (Cambridge University Press, 2007). doi:10.1017/S0022381607080243
  15. Lasswell, Harold Dwight, 1902- Politics; who gets what, when, how. New York, London, Whittlesey house, McGraw-Hill book Co. [c1936] (OCoLC)576783700
  16. Goodin, R 2009, 'The State of the Discipline, The Discipline of the State', in Robert E. Goodin (ed.), Oxford Handbook of Political Science, Oxford University Press, Oxford, pp. 3-57.
  17. Duesenberry, 1960, p. 233
  18. Karl Marx (trad. R. Cartelle et G. Badia), éd. sociales, coll. Classiques du marxisme, 1972, chap. Les origines du coup d'État du 2 Décembre, p. 161