« Empires et États au Moyen-Orient » : différence entre les versions

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La guerre gréco-turque a culminé avec la victoire turque et le retrait grec de l'Anatolie en 1922, qui a abouti à la catastrophe d'Asie Mineure pour la Grèce et à une victoire majeure pour les forces nationalistes turques. La campagne militaire victorieuse de Mustafa Kemal a permis de renégocier les termes du traité de Sèvres et a abouti à la signature du traité de Lausanne en 1923, qui a reconnu la souveraineté de la République de Turquie et redéfini ses frontières. Parallèlement au traité de Lausanne, une convention pour l'échange de populations entre la Grèce et la Turquie a été établie. Cette convention a conduit à l'échange forcé de populations grecques orthodoxes et de populations turques musulmanes entre les deux pays, dans le but de créer des États ethniquement plus homogènes. Après avoir repoussé les forces françaises, conclu des accords de frontières et signé le traité de Lausanne, Mustafa Kemal a proclamé la République de Turquie le 29 octobre 1923, devenant son premier président. La proclamation de la République a marqué l'aboutissement des efforts de Mustafa Kemal pour fonder un État turc moderne, laïc et nationaliste sur les vestiges de l'Empire ottoman multiethnique et multiconfessionnel.
La guerre gréco-turque a culminé avec la victoire turque et le retrait grec de l'Anatolie en 1922, qui a abouti à la catastrophe d'Asie Mineure pour la Grèce et à une victoire majeure pour les forces nationalistes turques. La campagne militaire victorieuse de Mustafa Kemal a permis de renégocier les termes du traité de Sèvres et a abouti à la signature du traité de Lausanne en 1923, qui a reconnu la souveraineté de la République de Turquie et redéfini ses frontières. Parallèlement au traité de Lausanne, une convention pour l'échange de populations entre la Grèce et la Turquie a été établie. Cette convention a conduit à l'échange forcé de populations grecques orthodoxes et de populations turques musulmanes entre les deux pays, dans le but de créer des États ethniquement plus homogènes. Après avoir repoussé les forces françaises, conclu des accords de frontières et signé le traité de Lausanne, Mustafa Kemal a proclamé la République de Turquie le 29 octobre 1923, devenant son premier président. La proclamation de la République a marqué l'aboutissement des efforts de Mustafa Kemal pour fonder un État turc moderne, laïc et nationaliste sur les vestiges de l'Empire ottoman multiethnique et multiconfessionnel.


//Malgré tout, Antioche reste revendiquée et la frontière de Mossoul n'est pas déterminée : l'ONU doit trancher sur ce dernier cas et en 1925, un traité est signé entre l’Irak, la Turquie et la Grande-Bretagne. Il stipule qu'une partie du revenu du pétrole revient à la Turquie, mais que celle-ci doit reconnaître l'Irak et ses frontières.
Après la conclusion du traité de Lausanne en 1923, qui a marqué la reconnaissance internationale de la République de Turquie et redéfini ses frontières, il restait encore des questions frontalières non résolues, notamment concernant la ville d'Antioche et la région de Mossoul. Ces questions ont nécessité des négociations supplémentaires et l'intervention d'organisations internationales pour être résolues. La ville d'Antioche, située dans la région historiquement riche et culturellement diverse du sud de l'Anatolie, était un sujet de revendication entre la Turquie et la France, cette dernière exerçant un mandat sur la Syrie, y compris Antioche. Cette ville, avec son passé multiculturel et son importance stratégique, était un point de tension entre les deux pays. Finalement, après des négociations, Antioche a été attribuée à la Turquie, bien que la décision ait été source de controverses et de tensions. La question de la région de Mossoul était encore plus complexe. Riche en pétrole, la région de Mossoul était revendiquée à la fois par la Turquie et par la Grande-Bretagne, qui détenait un mandat sur l'Irak. La Turquie, s'appuyant sur des arguments historiques et démographiques, souhaitait l'inclure dans ses frontières, tandis que la Grande-Bretagne soutenait son inclusion dans l'Irak pour des raisons stratégiques et économiques, notamment en raison de la présence de pétrole.
 
En 1922, le sultanat ottoman est supprimé au parlement turc : la seule autorité politique reste Ankara. Mustafa Kemal va continuer son processus en supprimant le califat en 1924, à travers une loi qui crée parallèlement un organe spécifique : la Dyianet (Présidence des affaires religieuses). Il va ensuite procéder à la modernisation autoritaire et y impliquer la laïcité – dans le sens d'un contrôle absolu sur les questions religieuses. On assimile les éléments non turcs et non musulmans, les mœurs changent tout comme les lois. Les politiques d'assimilation des minorités et des différentes ethnies sont multiples: création de patronymes turcs, calendrier changé, fermeture des écoles religieuses.
La Société des Nations, précurseur de l'Organisation des Nations Unies, est intervenue pour résoudre ce différend. Après une série de négociations, un accord a été conclu en 1925. Selon cet accord, la région de Mossoul serait intégrée à l'Irak, mais la Turquie recevrait une compensation financière, notamment sous la forme d'une part des revenus pétroliers. Cet accord stipulait également que la Turquie devait reconnaître officiellement l'Irak et ses frontières. Cette décision a été cruciale pour la stabilisation des relations entre la Turquie, l'Irak et la Grande-Bretagne et a joué un rôle important dans la définition des frontières de l'Irak, influençant les développements futurs du Moyen-Orient. Ces négociations et les accords qui en ont résulté illustrent la complexité des dynamiques post-première Guerre mondiale au Moyen-Orient. Elles montrent comment les frontières modernes de la région ont été façonnées par un mélange de revendications historiques, de considérations stratégiques et économiques, et d'interventions internationales, souvent reflétant les intérêts des puissances coloniales plutôt que ceux des populations locales.
 
En 1925, après avoir créé le ministère de l'Éducation, on impose le port du chapeau européen, on applique des réformes de lois (code civil suisse), adaptation des systèmes métriques, le calendrier est transformé (tout comme le jour de repos). L'alphabet change également, l'histoire et le passé suivent le mouvement : l'institut de l'histoire turque est créé en 1931. Parallèlement, on poursuit une politique de purification de la langue afin de renforcer la théorie de la "Langue-soleil" : démontrer l'origine et la supériorité de la nation mère. Dans ce même procédé, on règle la question des Kurdes, qu'on assimile comme des "turcs montagnards" (pour les ramener dans leur "vraie nature"). En 1938 ont lieu des répressions contre les populations kurdes et non musulmanes.
La période post-première Guerre mondiale en Turquie a été marquée par des réformes radicales et des transformations menées par Mustafa Kemal Atatürk, qui a cherché à moderniser et séculariser la nouvelle République de Turquie. En 1922, une étape cruciale a été franchie avec l'abolition du sultanat ottoman par le parlement turc, une décision qui a mis fin à des siècles de règne impérial et a consolidé le pouvoir politique à Ankara, la nouvelle capitale de la Turquie. L'année 1924 a vu une autre réforme majeure avec l'abolition du califat. Cette décision a éliminé le leadership religieux et politique islamique qui avait été une caractéristique de l'Empire ottoman et a représenté un pas décisif vers la laïcisation de l'État. Parallèlement à cette suppression, le gouvernement turc a créé la Diyanet, ou la Présidence des affaires religieuses, une institution destinée à superviser et à réguler les questions religieuses dans le pays. Cette organisation avait pour but de placer les affaires religieuses sous le contrôle de l'État et de garantir que la religion ne serait pas utilisée à des fins politiques. Mustafa Kemal a ensuite mis en œuvre une série de réformes visant à moderniser la Turquie, souvent qualifiées de "modernisation autoritaire". Ces réformes comprenaient la laïcisation de l'éducation, la réforme du code vestimentaire, l'adoption d'un calendrier grégorien, et l'introduction de la loi civile en remplacement de la loi religieuse islamique.
 
Pour les institutions, l'État est centralisé, nationalisé et sécularisé. La société est européanisée, le passé de l'empire musulman est associé à un imaginaire horrible, c'est pour ça qu'il faut se tourner vers l'Occident. Mais dès 1950, la Turquie freine son occidentalisation face au multipartisme qu’elle implique – la Turquie ne possédait alors qu’un seul parti. Les conservateurs vont donc remettre en question les réformes kémalistes, ce qui représente un réel danger pour les dirigeants au pouvoir et ce qui va déboucher sur des répressions d'ampleur.  
Dans le cadre de la création d'un État-nation turc homogène, des politiques d'assimilation ont été mises en place à l'égard des minorités et des différentes ethnies. Ces politiques incluaient la création de patronymes turcs pour tous les citoyens, l'encouragement à adopter la langue turque et la culture turque, et la fermeture des écoles religieuses. Ces mesures visaient à unifier la population sous une identité turque commune, mais elles ont également soulevé des questions de droits culturels et d'autonomie pour les minorités. Ces réformes radicales ont transformé la société turque et ont jeté les bases de la Turquie moderne. Elles reflètent la volonté de Mustafa Kemal de créer un État moderne, laïc et unitaire, tout en naviguant dans le contexte complexe de l'après-guerre et des aspirations nationalistes. Ces changements ont profondément marqué l'histoire turque et continuent d'influencer la politique et la société turques aujourd'hui.
 
La Turquie est une alliée de l'Occident et doit donc maintenir le multipartisme. Environs chaque 10 ans, un coup d'État a lieu, mais les élections sont néanmoins convoquées par l'armée. Depuis quelques années, les conservateurs, au pouvoir, prône un gouvernement qui n'est pas révolutionnaire et donc n'ont pas subi de revers de la part de l'armée.
La période des années 1920 et 1930 en Turquie, sous la direction de Mustafa Kemal Atatürk, a été caractérisée par une série de réformes radicales visant à moderniser et occidentaliser le pays. Ces réformes ont touché presque tous les aspects de la vie sociale, culturelle et politique turque. L'une des premières mesures a été la création du ministère de l'Éducation, qui a joué un rôle central dans la réforme du système éducatif et la promotion de l'idéologie kémaliste. En 1925, l'une des réformes les plus symboliques a été l'imposition du port du chapeau européen, remplaçant le fez traditionnel, dans le cadre d'une politique visant à moderniser l'apparence et les coutumes vestimentaires des citoyens turcs.
 
Les réformes juridiques ont également été importantes, avec l'adoption de codes juridiques inspirés de modèles occidentaux, notamment le code civil suisse. Ces réformes visaient à remplacer le système juridique ottoman, fondé sur la charia (loi islamique), par un système juridique moderne et laïque. La Turquie a également adopté le système métrique, un calendrier grégorien et a changé son jour de repos de vendredi (traditionnellement observé dans les pays musulmans) à dimanche, alignant ainsi le pays sur les normes occidentales. L'une des réformes les plus radicales a été le changement de l'alphabet en 1928, passant de l'écriture arabe à un alphabet latin modifié. Cette réforme visait à accroître l'alphabétisation et à moderniser la langue turque. L'Institut de l'histoire turque, créé en 1931, faisait partie d'un effort plus large pour réinterpréter l'histoire turque et promouvoir l'identité nationale turque. Dans le même esprit, la politique de purification de la langue turque visait à éliminer les emprunts arabes et persans et à renforcer la théorie de la "Langue-soleil", une idéologie nationaliste qui affirmait l'origine ancienne et la supériorité de la langue et de la culture turques.
 
Concernant la question kurde, le gouvernement kémaliste a poursuivi une politique d'assimilation, considérant les Kurdes comme des "Turcs montagnards" et tentant de les intégrer dans l'identité nationale turque. Cette politique a conduit à des tensions et des conflits, notamment lors des répressions contre les populations kurdes et non musulmanes en 1938. La période kémaliste a été une ère de transformation profonde pour la Turquie, marquée par des efforts pour créer un État-nation moderne, laïc et homogène. Cependant, ces réformes, tout en étant progressistes dans leur intention de modernisation, ont également été accompagnées de politiques autoritaires et d'efforts d'assimilation qui ont laissé un héritage complexe et parfois controversé dans la Turquie contemporaine.
 
La période kémaliste en Turquie, qui a débuté avec la fondation de la République en 1923, a été caractérisée par une série de réformes visant à centraliser, nationaliser et séculariser l'État, ainsi qu'à européaniser la société. Ces réformes, menées par Mustafa Kemal Atatürk, visaient à rompre avec le passé impérial et islamique de l'Empire ottoman, perçu comme un obstacle au progrès et à la modernisation. L'objectif était de créer une Turquie moderne, alignée sur les valeurs et les normes occidentales. Dans cette perspective, l'héritage ottoman et islamique était souvent dépeint de manière négative, associé à l'arriération et à l'obscurantisme. Le tournant vers l'Occident se manifestait dans les domaines de la politique, de la culture, du droit, de l'éducation, et même dans le mode de vie quotidien.  
 
Toutefois, avec l'arrivée du multipartisme dans les années 1950, le paysage politique turc a commencé à changer. La Turquie, qui avait fonctionné comme un État à parti unique sous le régime du Parti républicain du peuple (CHP), a commencé à s'ouvrir au pluralisme politique. Cette transition n'a pas été sans tensions. Les conservateurs, qui avaient souvent été marginalisés pendant la période kémaliste, ont commencé à remettre en question certaines des réformes kémalistes, en particulier celles concernant la laïcité et l'occidentalisation. Le débat entre laïcité et valeurs traditionnelles, entre occidentalisation et identité turque et islamique, est devenu un thème récurrent dans la politique turque. Les partis conservateurs et islamistes ont gagné du terrain, remettant en question l'héritage kémaliste et plaidant pour un retour à certaines valeurs traditionnelles et religieuses.
 
Cette dynamique politique a parfois conduit à des répressions et à des tensions, les différents gouvernements cherchant à consolider leur pouvoir tout en naviguant dans un environnement politique de plus en plus diversifié. Les périodes de tensions politiques et de répressions, notamment lors des coups d'État militaires de 1960, 1971, 1980 et de la tentative de 2016, témoignent des défis auxquels la Turquie a été confrontée dans sa quête d'équilibre entre modernisation et tradition, laïcité et religiosité, occidentalisation et identité turque. Ainsi, la période post-1950 en Turquie a vu un rééquilibrage complexe et parfois conflictuel entre l'héritage kémaliste et les aspirations d'une partie de la population à un retour aux valeurs traditionnelles, reflétant les tensions continues entre modernité et tradition dans la société turque contemporaine.
 
La Turquie, en tant qu'alliée stratégique de l'Occident, notamment depuis son adhésion à l'OTAN en 1952, a dû concilier ses relations avec l'Occident et ses propres dynamiques politiques internes. Le multipartisme, introduit dans les années 1950, a été un élément clé de cette conciliation, reflétant une transition vers une forme plus démocratique de gouvernance. Cependant, cette transition a été marquée par des périodes d'instabilité et d'intervention militaire. En effet, la Turquie a connu plusieurs coups d'État militaires, environ tous les dix ans, notamment en 1960, 1971, 1980, et une tentative en 2016. Ces coups d'État étaient souvent justifiés par les militaires comme étant nécessaires pour restaurer l'ordre et protéger les principes de la République turque, notamment le kémalisme et la laïcité. Après chaque coup d'État, l'armée a généralement convoqué de nouvelles élections pour revenir à un régime civil, bien que l'armée ait continué à jouer un rôle de gardien de l'idéologie kémaliste.
 
Cependant, depuis les années 2000, le paysage politique turc a connu un changement significatif avec l'ascension des partis conservateurs et islamistes, en particulier le Parti de la justice et du développement (AKP). Sous la direction de Recep Tayyip Erdoğan, l'AKP a remporté plusieurs élections et a conservé le pouvoir pendant une période prolongée. Le gouvernement de l'AKP, bien qu'il prône des valeurs plus conservatrices et islamiques, n'a pas été renversé par l'armée. Cela représente un changement par rapport aux décennies précédentes où les gouvernements perçus comme s'écartant des principes kémalistes étaient souvent ciblés par des interventions militaires. Cette stabilité relative du gouvernement conservateur en Turquie suggère un rééquilibrage des forces entre l'armée et les partis politiques civils. Cela peut être attribué à une série de réformes visant à réduire le pouvoir politique de l'armée, ainsi qu'à un changement dans l'attitude de la population turque, qui est devenue de plus en plus réceptive à une gouvernance reflétant des valeurs conservatrices et islamiques. La dynamique politique de la Turquie contemporaine reflète les défis d'un pays naviguant entre son héritage kémaliste laïque et les tendances conservatrices et islamistes croissantes, tout en maintenant son engagement envers le multipartisme et les alliances occidentales.
 
La Turquie moderne a été confrontée à divers défis internes, y compris la gestion de sa diversité ethnique et religieuse. Les politiques d'assimilation, en particulier envers les populations kurdes, ont joué un rôle significatif dans le renforcement du nationalisme turc. Cette situation a engendré des tensions et des conflits, notamment avec la minorité kurde, qui n'a pas bénéficié du statut de millet (communauté autonome) qui était accordé à certaines minorités religieuses sous l'Empire ottoman. L'influence de l'antisémitisme et du racisme européens au cours du 20ème siècle a également eu un impact sur la Turquie. Dans les années 1930, des idées discriminatoires et xénophobes, influencées par les courants politiques et sociaux en Europe, ont commencé à se manifester en Turquie. Cela a abouti à des événements tragiques tels que les pogroms contre les Juifs en Thrace en 1934, où des communautés juives ont été ciblées, attaquées et contraintes de fuir leurs domiciles.
 
En outre, la loi d'imposition sur la richesse (Varlık Vergisi) introduite en 1942 a été une autre mesure discriminatoire qui a affecté principalement les minorités non turques et non musulmanes, y compris les Juifs, les Arméniens et les Grecs. Cette loi imposait des taxes exorbitantes sur la richesse, disproportionnellement élevées pour les non-musulmans, et ceux qui ne pouvaient pas payer étaient envoyés dans des camps de travail, notamment à Aşkale, dans l'est de la Turquie. Ces politiques et événements ont été le reflet de tensions ethniques et religieuses au sein de la société turque et d'une période où le nationalisme turc a parfois été interprété de manière exclusive et discriminatoire. Ils ont également souligné la complexité du processus de formation d'un État-nation dans une région aussi diverse que l'Anatolie, où une multitude de groupes ethniques et religieux coexistaient. Le traitement des minorités en Turquie pendant cette période reste un sujet sensible et controversé, reflétant les défis auxquels le pays a été confronté dans sa quête d'une identité nationale unifiée tout en gérant sa diversité interne. Ces événements ont également eu des répercussions à long terme sur les relations entre différents groupes ethniques et religieux en Turquie.
 
La distinction entre sécularisation et laïcité est importante pour comprendre les dynamiques sociales et politiques dans divers contextes historiques et géographiques. La sécularisation se réfère à un processus historique et culturel au cours duquel les sociétés, les institutions et les individus commencent à se détacher de l'influence et des normes religieuses. Dans une société sécularisée, la religion perd progressivement son influence sur la vie publique, les lois, l'éducation, la politique, et d'autres domaines. Ce processus ne signifie pas nécessairement que les individus deviennent moins religieux sur le plan personnel, mais plutôt que la religion devient une affaire privée, distincte des affaires publiques et de l'État. La sécularisation est souvent associée à la modernisation, au développement scientifique et technologique, et à l'évolution des normes sociales. La laïcité, en revanche, est une politique institutionnelle et légale par laquelle un État se déclare neutre en matière de religion. Il s'agit d'une décision de séparer l'État des institutions religieuses, garantissant que les décisions gouvernementales et les politiques publiques ne sont pas influencées par des doctrines religieuses spécifiques. La laïcité peut coexister avec une société profondément religieuse; elle concerne surtout la manière dont l'État gère sa relation avec les différentes religions. En théorie, la laïcité vise à garantir la liberté de religion, en traitant toutes les religions de manière égale et en évitant le favoritisme envers une religion spécifique.


De plus, les politiques assimilationnistes (Kurdes) vont renforcer le nationalisme turc – ces populations ne bénéficient pas ou plus du statut de Millet. L'antisémitisme et le racisme européens vont influencer la politique discriminatoire en Turquie et déboucher sur les pogroms contre les juifs en Thrace. Par ailleurs, une loi d'imposition sur la richesse va renforcer cette discrimination et pour les individus (non turcs) ne pouvant payer, des camps vont être mis en place.
Les exemples historiques et contemporains montrent différentes combinaisons de ces deux concepts. Par exemple, certains pays européens ont connu une sécularisation importante tout en maintenant des liens officiels entre l'État et certaines églises (comme le Royaume-Uni avec l'Église d'Angleterre). D'autre part, des pays comme la France ont adopté une politique stricte de laïcité (laïcité), tout en étant historiquement des sociétés fortement imprégnées de traditions religieuses. En Turquie, la période kémaliste a vu l'introduction d'une forme stricte de laïcité avec la séparation de la mosquée et de l'État, tout en vivant dans une société où la religion musulmane a continué à jouer un rôle significatif dans la vie privée des individus. La politique de laïcité kémaliste visait à moderniser et à unifier la Turquie, s'inspirant des modèles occidentaux, tout en naviguant dans le contexte complexe d'une société qui avait une longue histoire d'organisation sociale et politique autour de l'islam.


La sécularisation est un long processus historique dans lequel le divin et le dieu cessent d'être la référence. La laïcité est une politique: l'État décide de se séparer de l'église. On peut avoir donc des sociétés sécularisées, mais non laïques et inversement.
La période postérieure à la Seconde Guerre mondiale en Turquie a été marquée par plusieurs incidents qui ont exacerbé les tensions ethniques et religieuses dans le pays, affectant notamment les minorités. Parmi ces incidents, l'attentat à la bombe dans la maison natale de Mustafa Kemal Atatürk à Thessalonique en 1955 (alors en Grèce) a servi de catalyseur à un des événements les plus tragiques de l'histoire moderne turque : les pogroms d'Istanbul. Les pogroms d'Istanbul, également connus sous le nom d'événements du 6-7 septembre 1955, ont été une série de violentes attaques principalement dirigées contre la communauté grecque de la ville, mais aussi contre d'autres minorités, notamment arméniennes et juives. Ces attaques ont été déclenchées par des rumeurs sur l'attentat à la bombe contre la maison natale d'Atatürk et ont été exacerbées par des sentiments nationalistes et anti-minoritaires. Les émeutes se sont traduites par des destructions massives de propriétés, des violences et le déplacement de nombreuses personnes.  
   
   
Après la guerre, la situation se dégrade encore plus : une bombe éclate dans la maison natale de Mustafa Kemal, des pogroms vont être menés contre les populations visées. De fil en aiguille, les minorités se réduisent et ne représentent plus grand-chose de nos jours.
Cet événement a marqué un tournant dans l'histoire des minorités en Turquie, entraînant une diminution significative de la population grecque d'Istanbul et un sentiment général d'insécurité parmi les autres minorités. Les pogroms d'Istanbul ont également révélé les tensions sous-jacentes au sein de la société turque concernant les questions d'identité nationale, de diversité ethnique et religieuse, et les défis de maintenir l'harmonie dans un État-nation diversifié. Depuis lors, la proportion de minorités ethniques et religieuses en Turquie a considérablement diminué en raison de divers facteurs, notamment l'émigration, les politiques d'assimilation, et parfois les tensions et conflits intercommunautaires. Bien que la Turquie moderne se soit efforcée de promouvoir une image de société tolérante et diversifiée, l'héritage de ces événements historiques continue d'influencer les relations entre les différentes communautés et la politique de l'État envers les minorités. La situation des minorités en Turquie reste un sujet sensible, illustrant les défis auxquels sont confrontés de nombreux États dans la gestion de la diversité et dans la préservation des droits et de la sécurité de toutes les communautés au sein de leurs frontières.
   
   
=Les Alévis=
=Les Alévis=
   
   
Les Alévis sont heureux de voir la création de la nouvelle république turque, car promet la laïcité et de sécularisme. Mais dès la suppression du califat, la Dyianet est créée pour promouvoir l'islam sunnite (construction de mosquées …) ce qui va leur poser problème sans pour autant rendre les choses très compliquées – on parlait de meurtres du temps de l'Empire ottoman. Dans les années 1960, le premier parti politique alévi se crée même si un autre parti politique de gauche communiste répond mieux aux demandes de l'électorat kurde et alévi.
Les Alévis sont heureux de voir la création de la nouvelle république turque, car promet la laïcité et de sécularisme. Mais dès la suppression du califat, la Dyianet est créée pour promouvoir l'islam sunnite (construction de mosquées …) ce qui va leur poser problème sans pour autant rendre les choses très compliquées – on parlait de meurtres du temps de l'Empire ottoman.  
Dans les années 1960, le premier parti politique alévi se crée même si un autre parti politique de gauche communiste répond mieux aux demandes de l'électorat kurde et alévi.
   
   
Dès les années 1970, une extrême droite fait son apparition et prône la discrimination contre les alévis: massacres, pogroms (1978, 1980), scène de décapitation, etc. En 1993, des intellectuels alévis seront brûlés vifs dans un hôtel. En 1995, le quartier de Gazi sera touché par un massacre contre cette population. Dès 2002, le nouveau pouvoir promeut encore plus le culte sunnite et renforce la politique d'assimilation (Cf. Kemal) : la communauté est donc forcée de se rendre à la mosquée alors que ne pratique pas l'islam sunnite. Les Alévis sont turcophones et/ou kurdophones, même si leur foi est totalement déterminante de leur communauté.
Dès les années 1970, une extrême droite fait son apparition et prône la discrimination contre les alévis: massacres, pogroms (1978, 1980), scène de décapitation, etc. En 1993, des intellectuels alévis seront brûlés vifs dans un hôtel. En 1995, le quartier de Gazi sera touché par un massacre contre cette population. Dès 2002, le nouveau pouvoir promeut encore plus le culte sunnite et renforce la politique d'assimilation (Cf. Kemal) : la communauté est donc forcée de se rendre à la mosquée alors que ne pratique pas l'islam sunnite. Les Alévis sont turcophones et/ou kurdophones, même si leur foi est totalement déterminante de leur communauté.

Version du 11 décembre 2023 à 22:56

La région du Moyen-Orient, berceau de civilisations anciennes et carrefour des échanges culturels et commerciaux, a joué un rôle central dans l'histoire mondiale, particulièrement durant le Moyen Âge. Cette période, marquée par la dynamique et la diversité, a vu l'émergence et le déclin de nombreux empires et états, chacun laissant une empreinte indélébile sur le paysage politique, culturel et social de la région. De l'expansion des califats islamiques, avec leur apogée culturelle et scientifique, à l'influence prolongée de l'Empire byzantin, en passant par les incursions des Croisés et les conquêtes mongoles, le Moyen-Orient médiéval était une mosaïque de pouvoirs en constante évolution. Cette époque a non seulement façonné l'identité de la région mais a également eu un impact profond sur le développement de l'histoire mondiale, établissant des ponts entre l'Orient et l'Occident. L'étude des empires et des états du Moyen-Orient au Moyen Âge offre donc une fenêtre fascinante sur une période cruciale de l'histoire humaine, révélant des histoires de conquête, de résilience, d'innovation et d'interaction culturelle.


L'Empire ottoman

L'Empire ottoman, fondé à la fin du 13ème siècle, est un exemple fascinant de puissance impériale qui a marqué profondément l'histoire de trois continents : l'Asie, l'Afrique et l'Europe. Sa fondation est généralement attribuée à Osman Ier, le leader d'une tribu turque dans la région d'Anatolie. Le succès de cet empire réside dans sa capacité à s'étendre rapidement et à établir une administration efficace sur un territoire immense. Dès le milieu du 14ème siècle, les Ottomans ont commencé à étendre leur territoire en Europe, conquérant progressivement des parties des Balkans. Cette expansion a marqué un tournant majeur dans l'équilibre des pouvoirs en Méditerranée et en Europe de l'Est. Cependant, contrairement à ce que l'on pourrait penser, l'Empire ottoman n'a pas détruit Rome. En fait, les Ottomans ont assiégé Constantinople, la capitale de l'Empire byzantin, et l'ont conquise en 1453, mettant fin à cet empire. Cette conquête a été un événement historique majeur, marquant la fin du Moyen Âge et le début de l'époque moderne en Europe.

L'Empire ottoman est connu pour sa structure administrative complexe et sa tolérance religieuse, notamment avec le système du millet, qui permettait une certaine autonomie aux communautés non-musulmanes. Son apogée s'étend du 15ème au 17ème siècle, période durant laquelle il a exercé une influence considérable sur le commerce, la culture, la science, l'art et l'architecture. Les Ottomans ont introduit de nombreuses innovations et ont été des médiateurs importants entre l'Orient et l'Occident. Cependant, à partir du 18ème siècle, l'Empire ottoman a commencé à décliner face aux puissances européennes montantes et aux problèmes internes. Ce déclin s'est accéléré au 19ème siècle, conduisant finalement à la dissolution de l'empire après la Première Guerre mondiale. L'héritage de l'Empire ottoman reste profondément ancré dans les régions qu'il a gouvernées, influençant les aspects culturels, politiques et sociaux de ces sociétés jusqu'à aujourd'hui.

L'Empire ottoman, une entité politique et militaire remarquable fondée à la fin du 13ème siècle par Osman Ier, a marqué profondément l'histoire de l'Eurasie. Emergent dans un contexte de fragmentation politique et de rivalités entre les beylicats en Anatolie, cet empire a rapidement démontré une capacité exceptionnelle à étendre son influence, se positionnant comme une puissance dominante dans la région. Le milieu du 14ème siècle a été un tournant décisif pour l'Empire ottoman, notamment avec la conquête de Gallipoli en 1354. Cette victoire, loin d'être un simple fait d'armes, a marqué la première implantation permanente des Ottomans en Europe et a ouvert la voie à une série de conquêtes dans les Balkans. Ces succès militaires, combinés à une diplomatie habile, ont permis aux Ottomans de solidifier leur emprise sur des territoires stratégiques et de s'immiscer dans les affaires européennes.

Sous la direction de souverains tels que Mehmed II, connu pour la conquête de Constantinople en 1453, l'Empire ottoman a non seulement remodelé le paysage politique de la Méditerranée orientale mais a également initié une période de profondes transformations culturelles et économiques. La prise de Constantinople, qui a mis fin à l'Empire byzantin, a été un moment charnière dans l'histoire mondiale, marquant la fin du Moyen Âge et le début de l'ère moderne. L'empire a excellé dans l'art de la guerre, souvent grâce à son armée disciplinée et innovante, mais aussi à travers son approche pragmatique de la gouvernance, intégrant divers groupes ethniques et religieux sous un système administratif centralisé. Cette diversité culturelle, couplée à la stabilité politique, a favorisé un essor dans les domaines des arts, de la science et du commerce.

L'Empire ottoman, dans son parcours historique, a connu une série de conquêtes spectaculaires et de revers significatifs qui ont façonné son destin et celui des régions qu'il a dominées. Leur expansion, marquée par des victoires majeures, a aussi été ponctuée par des échecs stratégiques. L'incursion ottomane dans les Balkans a été l'une des premières étapes de leur expansion européenne. Cette conquête a non seulement étendu leur territoire mais a également renforcé leur position en tant que puissance dominante dans la région. La prise d'Istanbul en 1453 par Mehmed II, connu sous le nom de Mehmed le Conquérant, est un événement historique majeur. Cette victoire a non seulement marqué la fin de l'Empire byzantin mais a aussi symbolisé l'ascension irréfutable de l'Empire ottoman en tant que superpuissance. Leur expansion s'est poursuivie avec la prise du Caire en 1517, un événement crucial qui a marqué l'intégration de l'Égypte dans l'empire et la fin du califat abbasside. Sous le règne de Soliman le Magnifique, les Ottomans ont également conquis Bagdad en 1533, étendant ainsi leur influence sur les terres riches et stratégiques de la Mésopotamie.

Cependant, l'expansion ottomane n'a pas été sans obstacles. Le siège de Vienne en 1529, une tentative ambitieuse d'étendre encore plus leur influence en Europe, s'est soldé par un échec. Un nouvel essai en 1623 n'a pas non plus abouti, marquant ainsi les limites de l'expansion ottomane en Europe centrale. Ces échecs ont été des moments clés, illustrant les limites de la puissance militaire et logistique de l'Empire ottoman face aux défenses européennes organisées. Un autre revers majeur a été la défaite de la bataille de Lépante en 1571. Cette bataille navale, où la flotte ottomane a été vaincue par une coalition de forces chrétiennes européennes, a marqué un tournant dans le contrôle ottoman de la Méditerranée. Bien que l'Empire ottoman ait réussi à se remettre de cette défaite et à maintenir une présence forte dans la région, Lépante a symbolisé la fin de leur expansion incontestée et a marqué le début d'une période de rivalités maritimes plus équilibrées en Méditerranée. Ces événements, dans leur ensemble, illustrent la dynamique de l'expansion ottomane : une série de conquêtes impressionnantes, entrecoupées de défis et de revers significatifs. Ils mettent en lumière la complexité de la gestion d'un empire aussi vaste et la difficulté de maintenir une expansion constante face à des adversaires de plus en plus organisés et résistants.

La guerre russo-ottomane de 1768-1774 est un épisode crucial dans l'histoire de l'Empire ottoman, marquant non seulement le début de ses pertes territoriales significatives mais aussi un changement dans sa structure de légitimité politique et religieuse. La fin de cette guerre a été concrétisée par la signature du traité de Küçük Kaynarca (ou Kutchuk-Kaïnardji) en 1774. Ce traité a eu des conséquences profondes pour l'Empire ottoman. Premièrement, il a entraîné la cession de territoires importants à l'Empire russe, notamment des parties de la mer Noire et des Balkans. Cette perte a non seulement réduit la superficie de l'empire mais a également affaibli sa position stratégique en Europe de l'Est et dans la région de la mer Noire. Deuxièmement, le traité a marqué un tournant dans les relations internationales de l'époque, en affaiblissant la position de l'Empire ottoman sur la scène européenne. L'empire, qui avait été un acteur majeur et souvent dominant dans les affaires régionales, a commencé à être perçu comme un État en déclin, vulnérable aux pressions et aux interventions des puissances européennes.

Enfin, et peut-être le plus important, la fin de cette guerre et le traité de Küçük Kaynarca ont également eu un impact significatif sur la structure interne de l'Empire ottoman. Face à ces défaites, l'empire a commencé à mettre davantage l'accent sur l'aspect religieux du califat comme source de légitimité. Le Sultan ottoman, déjà reconnu comme le leader politique de l'empire, a commencé à être davantage valorisé en tant que calife, le chef religieux de la communauté musulmane. Cette évolution a été une réponse à la nécessité de renforcer l'autorité et la légitimité du sultanat face aux défis internes et externes, en s'appuyant sur la religion comme unificateur et source de pouvoir. Ainsi, la guerre russo-ottomane et le traité qui en a résulté ont marqué un point tournant dans l'histoire ottomane, symbolisant à la fois un déclin territorial et un changement dans la nature de la légitimité impériale.

L'intervention en Égypte en 1801, où les forces britanniques et ottomanes ont uni leurs efforts pour chasser les Français, marque un tournant important dans l'histoire de l'Égypte et de l'Empire ottoman. La nomination de Mehmet Ali, un officier albanais, en tant que pacha d'Égypte par les Ottomans, a ouvert une ère de transformations profondes et de semi-indépendance de l'Égypte vis-à-vis de l'Empire ottoman. Mehmet Ali, souvent considéré comme le fondateur de l'Égypte moderne, a initié une série de réformes radicales visant à moderniser l'Égypte. Ces réformes touchaient à divers aspects, notamment l'armée, l'administration, et l'économie, inspirées en partie par les modèles européens. Sous sa gouvernance, l'Égypte a connu un développement significatif, et Mehmet Ali a cherché à étendre son influence au-delà de l'Égypte. Dans ce contexte, la Nahda, ou la Renaissance arabe, a pris un élan considérable. Ce mouvement culturel et intellectuel, cherchant à revitaliser la culture arabe et à l'adapter aux défis modernes, a bénéficié du climat de réforme et d'ouverture initié par Mehmet Ali.

Le fils de Mehmet Ali, Ibrahim Pacha, a joué un rôle clé dans les ambitions expansionnistes de l'Égypte. En 1836, il a lancé une offensive contre l'Empire ottoman, qui était alors affaibli et en déclin. Cette confrontation a culminé en 1839, lorsque les forces d'Ibrahim ont infligé une défaite majeure aux Ottomans. Cependant, l'intervention des puissances européennes, notamment la Grande-Bretagne, l'Autriche et la Russie, a empêché une victoire totale égyptienne. Sous la pression internationale, un traité de paix a été signé, reconnaissant l'autonomie de facto de l'Égypte sous la gouvernance de Mehmet Ali et de ses descendants. Cette reconnaissance a marqué une étape importante dans la séparation de l'Égypte de l'Empire ottoman, bien que l'Égypte soit restée nominalement sous suzeraineté ottomane. La position des Britanniques était particulièrement intéressante. Initialement alliés avec les Ottomans pour contenir l'influence française en Égypte, ils ont finalement opté pour soutenir l'autonomie égyptienne sous Mehmet Ali, reconnaissant ainsi les réalités politiques et stratégiques changeantes de la région. Cette décision a reflété le désir britannique de stabiliser la région tout en contrôlant les routes commerciales vitales, en particulier celles menant vers l'Inde. L'épisode égyptien dans les premières décennies du 19ème siècle illustre non seulement les dynamiques de pouvoir complexes entre l'Empire ottoman, l'Égypte et les puissances européennes, mais aussi les changements profonds qui s'opéraient dans l'ordre politique et social du Moyen-Orient à cette époque.

L'expédition de Napoléon Bonaparte en Égypte en 1798 a été un événement révélateur pour l'Empire ottoman, mettant en évidence son retard en termes de modernisation et de capacité militaire face aux puissances européennes. Cette prise de conscience a été un moteur important pour une série de réformes connues sous le nom de Tanzimat, lancées en 1839, visant à moderniser l'empire et à freiner son déclin. La Tanzimat, signifiant « réorganisation » en turc, a marqué une période de transformation profonde dans l'Empire ottoman. L'un des aspects clés de ces réformes était la modernisation de l'organisation des Dhimmis, les citoyens non-musulmans de l'empire. Cela comprenait la création des systèmes de Millet, qui offraient à diverses communautés religieuses une certaine autonomie culturelle et administrative. Cette mesure visait à intégrer plus efficacement ces communautés dans la structure de l'État ottoman tout en préservant leur identité distincte.

Une deuxième vague de réformes a été initiée pour tenter de créer une forme de citoyenneté ottomane, transcendant les divisions religieuses et ethniques. Cependant, cette tentative a souvent été entravée par des violences intercommunautaires, reflétant les tensions profondes au sein de l'empire multiethnique et multiconfessionnel. Parallèlement, ces réformes ont rencontré une résistance significative au sein de certaines factions de l'armée, qui étaient hostiles aux changements perçus comme menaçant leur statut et leurs privilèges traditionnels. Cette résistance a conduit à des révoltes et à des instabilités internes, exacerbant les défis auxquels l'empire était confronté.

Dans ce contexte tumultueux, un mouvement politique et intellectuel connu sous le nom de "Jeunes Ottomans" a émergé dès le milieu du 19ème siècle. Ce groupe cherchait à réconcilier les idéaux de modernisation et de réforme avec les principes de l'islam et les traditions ottomanes. Ils ont plaidé pour une constitution, la souveraineté nationale, et des réformes politiques et sociales plus inclusives. Les efforts de la Tanzimat et les idéaux des Jeunes Ottomans ont été des tentatives significatives pour répondre aux défis auxquels l'Empire ottoman était confronté dans un monde en rapide évolution. Bien que ces efforts aient apporté certains changements positifs, ils ont également révélé les profondes fissures et les tensions au sein de l'empire, préfigurant les défis encore plus grands qui allaient survenir dans les dernières décennies de son existence.

En 1876, une étape cruciale dans le processus de la Tanzimat a été franchie avec l'accession au pouvoir du sultan Abdülhamid II, qui a introduit la première constitution monarchique de l'Empire ottoman. Cette période a marqué un tournant significatif, tentant de concilier les principes de modernisation avec la structure traditionnelle de l'empire. La constitution de 1876 représentait un effort pour moderniser l'administration de l'empire et pour instaurer un système législatif et un parlement, reflétant les idéaux libéraux et constitutionnels en vogue en Europe à cette époque. Cependant, le règne d'Abdülhamid II a également été marqué par une forte montée du panislamisme, une idéologie visant à renforcer les liens entre les musulmans de l'empire et au-delà, dans le contexte d'une rivalité croissante avec les puissances occidentales.

Abdülhamid II a utilisé le panislamisme comme un outil pour consolider son pouvoir et pour contrer les influences externes. Il a invité les chefs et dignitaires musulmans à Istanbul et a proposé de former leurs enfants dans la capitale ottomane, une initiative visant à renforcer les liens culturels et politiques au sein du monde musulman. Cependant, en 1878, dans un revirement surprenant, Abdülhamid II a suspendu la constitution et fermé le parlement, marquant un retour à un régime autocratique. Cette décision a été motivée en partie par la crainte d'un contrôle insuffisant sur le processus politique et par la montée de mouvements nationalistes au sein de l'empire. Le sultan a ainsi renforcé son contrôle direct sur le gouvernement, tout en continuant à promouvoir le panislamisme comme un moyen de légitimation.

Dans ce contexte, le salafisme, un mouvement visant à revenir aux pratiques de l'islam des premières générations, a été influencé par les idéaux du panislamisme et de la Nahda (la Renaissance arabe). Jamal al-Din al-Afghani, souvent considéré comme le précurseur du mouvement salafiste moderne, a joué un rôle clé dans la propagation de ces idées. Al-Afghani prônait un retour aux principes originels de l'islam tout en encourageant l'adoption de certaines formes de modernisation technologique et scientifique. La période de la Tanzimat et le règne d'Abdülhamid II illustrent donc la complexité des tentatives de réforme dans l'Empire ottoman, tiraillé entre les exigences de modernisation et le maintien des structures et des idéologies traditionnelles. Les impacts de cette période se sont fait sentir bien au-delà de la chute de l'Empire, influençant les mouvements politiques et religieux dans le monde musulman moderne.

La "Question d'Orient", un terme utilisé principalement au 19ème siècle et au début du 20ème siècle, fait référence à un débat complexe et multidimensionnel concernant l'avenir de l'Empire ottoman, en déclin progressif. Cette question a émergé en raison des pertes territoriales successives de l'Empire, de l'émergence du nationalisme turc, et de la séparation croissante des territoires non musulmans, en particulier dans les Balkans. Dès 1830, avec l'indépendance de la Grèce, l'Empire ottoman a commencé à perdre ses territoires européens. Cette tendance s'est poursuivie avec les Guerres balkaniques et s'est accélérée durant la Première Guerre mondiale, culminant avec le traité de Sèvres en 1920 et la fondation de la République de Turquie en 1923 sous la direction de Mustafa Kemal Atatürk. Ces pertes ont profondément modifié la géographie politique de la région.

Dans ce contexte, le nationalisme turc a pris de l'ampleur. Ce mouvement cherchait à redéfinir l'identité de l'empire autour de l'élément turc, en contraste avec le modèle multiethnique et multireligieux qui avait prévalu jusque-là. Cette montée du nationalisme a été une réponse directe au démantèlement progressif de l'empire et à la nécessité de forger une nouvelle identité nationale. Parallèlement, l'idée de constituer une sorte d'"internationale de l'islam" a émergé, notamment sous l'impulsion du sultan Abdülhamid II avec son panislamisme. Cette idée envisageait de créer une union ou une coopération entre les nations musulmanes, s'inspirant de certaines idées similaires en Europe, où l'internationalisme cherchait à unir les peuples au-delà des frontières nationales. L'objectif était de créer un front uni des peuples musulmans pour résister à l'influence et à l'intervention des puissances occidentales, tout en préservant les intérêts et l'indépendance des territoires musulmans.

Cependant, la mise en œuvre d'une telle idée s'est avérée difficile en raison des divers intérêts nationaux, des rivalités régionales et de l'influence croissante des idées nationalistes. De plus, l'évolution des événements politiques, notamment la Première Guerre mondiale et la montée des mouvements nationalistes dans les différentes parties de l'Empire ottoman, a rendu cette vision d'une "internationale de l'islam" de plus en plus irréalisable. La Question d'Orient, dans son ensemble, reflète donc les profondes transformations géopolitiques et idéologiques qui se sont produites dans la région au cours de cette période, marquant la fin d'un empire multiethnique et la naissance de nouveaux États-nations avec leurs propres identités et aspirations nationales.

La "Weltpolitik", ou politique mondiale, adoptée par l'Allemagne à la fin du 19e et au début du 20e siècle, a effectivement joué un rôle crucial dans la dynamique géopolitique impliquant l'Empire ottoman. Cette politique, initiée sous le règne de l'empereur Guillaume II, visait à étendre l'influence et le prestige de l'Allemagne sur la scène internationale, notamment par l'expansion coloniale et les alliances stratégiques. L'Empire ottoman, cherchant à échapper aux pressions de la Russie et de la Grande-Bretagne, a trouvé dans l'Allemagne un allié potentiellement utile. Cette alliance a été particulièrement symbolisée par le projet de construction du chemin de fer Berlin-Bagdad (BBB). Ce chemin de fer, conçu pour relier Berlin à Bagdad en passant par Byzance (Istanbul), avait une importance stratégique et économique considérable. Il devait non seulement faciliter le commerce et les communications mais aussi renforcer l'influence allemande dans la région et offrir un contre-poids aux intérêts britanniques et russes au Moyen-Orient.

Pour les panturquistes et les partisans de l'Empire ottoman, l'alliance avec l'Allemagne était perçue favorablement. Les panturquistes, qui prônaient l'unité et la solidarité des peuples turcophones, voyaient dans cette alliance une opportunité de renforcer la position de l'Empire ottoman et de contrer les menaces extérieures. L'alliance avec l'Allemagne offrait une alternative aux pressions des puissances traditionnelles comme la Russie et la Grande-Bretagne, qui avaient longtemps influencé la politique et les affaires ottomanes. Cette relation entre l'Empire ottoman et l'Allemagne a atteint son apogée pendant la Première Guerre mondiale, lorsque les deux nations se sont retrouvées alliées dans les puissances centrales. Cette alliance a eu des conséquences importantes pour l'Empire ottoman, tant sur le plan militaire que politique, et a joué un rôle dans les événements qui ont finalement conduit à la dissolution de l'Empire après la guerre. La Weltpolitik allemande et le projet du chemin de fer Berlin-Bagdad ont été des éléments clés dans la stratégie de l'Empire ottoman pour préserver son intégrité et son indépendance face aux pressions des grandes puissances. Cette période a marqué un moment significatif dans l'histoire de l'Empire, illustrant la complexité des alliances et des intérêts géopolitiques au début du 20e siècle.

L'année 1908 marque un tournant décisif dans l'histoire de l'Empire ottoman avec le début de la deuxième période constitutionnelle, déclenchée par le mouvement des Jeunes Turcs, représenté principalement par le Comité Union et Progrès (CUP). Ce mouvement, initialement formé par des officiers et des intellectuels ottomans réformistes, a cherché à moderniser l'Empire et à le sauver de l'effondrement.

Sous la pression du CUP, le sultan Abdülhamid II a été contraint de rétablir la constitution de 1876, suspendue depuis 1878, marquant ainsi le début de la deuxième période constitutionnelle. Cette restauration de la constitution était vue comme un pas vers la modernisation et la démocratisation de l'Empire, avec la promesse de garantir des droits civils et politiques plus étendus et d'établir un gouvernement parlementaire. Cependant, cette période de réforme a rapidement été confrontée à des défis majeurs. En 1909, les milieux traditionnels, conservateurs et religieux, mécontents des réformes et de l'influence croissante des Unionistes, ont tenté un coup d'État pour renverser le gouvernement constitutionnel et rétablir l'autorité absolue du sultan. Cette tentative a été motivée par une opposition à la modernisation rapide et aux politiques laïques promues par les Jeunes Turcs, ainsi que par la crainte d'une perte de privilèges et d'influence. Cependant, les Jeunes Turcs, utilisant cet épisode de contre-révolution comme prétexte, ont réussi à écraser la résistance et à consolider leur pouvoir. Cette période a été marquée par une répression accrue contre les opposants et une centralisation du pouvoir entre les mains du CUP.

En 1913, la situation a culminé avec la prise du parlement par les leaders du CUP, un événement souvent décrit comme un coup d'État. Ce moment a marqué la fin de la brève expérience constitutionnelle et parlementaire de l'Empire et l'établissement d'un régime de plus en plus autoritaire dirigé par les Jeunes Turcs. Sous leur règne, l'Empire ottoman a connu des réformes substantielles mais également des politiques plus centralisatrices et nationalistes, jetant les bases des événements qui se dérouleraient pendant et après la Première Guerre mondiale. Cette période tumultueuse reflète les tensions et les luttes internes au sein de l'Empire ottoman, tiraillé entre les forces du changement et les traditions, et posant les jalons pour les transformations radicales qui allaient suivre dans les dernières années de l'empire.

En 1915, pendant la Première Guerre mondiale, l'Empire ottoman a entrepris ce qui est maintenant largement reconnu comme le génocide arménien, un épisode tragique et sombre de l'histoire. Cette politique a impliqué la déportation systématique, le massacre et la mort de masse de la population arménienne vivant dans l'empire. La campagne contre les Arméniens a commencé par des arrestations, des exécutions et des déportations de masse. Les hommes, les femmes, les enfants et les personnes âgées arméniens furent forcés de quitter leurs foyers et envoyés en marches de la mort à travers le désert syrien, où beaucoup sont morts de faim, de soif, de maladie ou à la suite de violences. De nombreuses communautés arméniennes, qui avaient une histoire riche et ancienne dans la région, ont été détruites.

Les estimations du nombre de victimes varient, mais on pense généralement qu'entre 800 000 et 1,5 million d'Arméniens ont péri pendant cette période. Ce génocide a eu des répercussions durables sur la communauté arménienne mondiale et reste un sujet de grande sensibilité et de controverse, notamment en raison du déni ou de la minimisation de ces événements par certains groupes. Le génocide arménien est souvent considéré comme l'un des premiers génocides modernes et a servi de sombre précurseur à d'autres atrocités de masse au cours du 20ème siècle. Il a également joué un rôle clé dans la formation de l'identité arménienne moderne, le souvenir du génocide continuant d'être un élément central de la conscience arménienne. La reconnaissance et la commémoration de ces événements continuent d'être un sujet important dans les relations internationales, en particulier dans les discussions sur les droits de l'homme et la prévention du génocide.

L’Empire perse

L'histoire de l'Empire perse, aujourd'hui connu sous le nom d'Iran, est caractérisée par une impressionnante continuité culturelle et politique, malgré les changements dynastiques et les invasions étrangères. Cette continuité est un élément clé pour comprendre l'évolution historique et culturelle de la région.

L'Empire des Mèdes, établi au début du 7ème siècle avant J-C, représente une des premières grandes puissances dans l'histoire de l'Iran. Cet empire a joué un rôle crucial dans l'établissement des fondations de la civilisation iranienne. Cependant, il a été renversé par Cyrus II de Perse, également connu sous le nom de Cyrus le Grand, vers 550 avant J-C. La conquête de la Médie par Cyrus a marqué le début de l'Empire achéménide, une période de grande expansion et de rayonnement culturel. Les Achéménides ont créé un vaste empire qui s'étendait de l'Indus à la Grèce, et leur règne a été caractérisé par une administration efficace et une politique de tolérance envers les différentes cultures et religions au sein de l'empire. La chute de cet empire a été provoquée par Alexandre le Grand en 330 avant J-C, mais cela n'a pas mis fin à la continuité culturelle perse.

Après une période de domination hellénistique et de fragmentation politique, la dynastie sassanide a émergé en 224 après J-C. Fondée par Ardashir I, elle a marqué le début d'une ère nouvelle pour la région, s'étendant jusqu'en 624 après J-C. Sous les Sassanides, le Grand Iran a connu une période de renaissance culturelle et politique. La capitale, Ctésiphon, est devenue un centre de pouvoir et de culture, reflétant la grandeur et l'influence de l'empire. Les Sassanides ont joué un rôle important dans le développement de l'art, de l'architecture, de la littérature et de la religion dans la région. Ils ont été les champions du zoroastrisme, qui a influencé profondément la culture et l'identité perses. Leur empire a été marqué par des conflits constants avec l'Empire romain et plus tard l'Empire byzantin, culminant dans des guerres coûteuses qui ont affaibli les deux empires. La chute de la dynastie sassanide est survenue à la suite des conquêtes musulmanes du 7ème siècle, mais la culture et les traditions perses ont continué à influencer la région, y compris dans les périodes islamiques ultérieures. Cette résilience et cette capacité à intégrer de nouveaux éléments tout en préservant un noyau culturel distinct sont au cœur de la notion de continuité dans l'histoire perse.

À partir de 642, l'Iran entre dans une nouvelle ère de son histoire avec le début de la période islamique, suite aux conquêtes musulmanes. Cette période a marqué un tournant significatif non seulement dans l'histoire politique de la région mais aussi dans sa structure sociale, culturelle et religieuse. La conquête de l'Iran par les armées musulmanes a débuté peu après la mort du prophète Mahomet en 632. En 642, avec la prise de la capitale sassanide Ctésiphon, l'Iran est passé sous le contrôle de l'Empire islamique naissant. Cette transition a été un processus complexe, impliquant à la fois des conflits militaires et des négociations. Sous la domination musulmane, l'Iran a connu de profonds changements. L'islam s'est progressivement imposé comme la religion dominante, remplaçant le zoroastrisme, qui avait été la religion d'État sous les empires précédents. Cependant, cette transition ne s'est pas faite du jour au lendemain, et il y a eu une période de coexistence et d'interaction entre les différentes traditions religieuses.

La culture et la société iraniennes ont été profondément influencées par l'islam, mais elles ont également exercé une influence significative sur le monde islamique. L'Iran est devenu un centre important de la culture et du savoir islamiques, avec des contributions remarquables dans des domaines tels que la philosophie, la poésie, la médecine et l'astronomie. Des figures iraniennes emblématiques, telles que le poète Rumi ou le philosophe Avicenne (Ibn Sina), ont joué un rôle majeur dans le patrimoine culturel et intellectuel islamique. Cette période a également été marquée par des dynasties successives, comme les Omeyyades, les Abbassides, les Saffarides, les Samanides, les Bouyides, et plus tard les Seldjoukides, qui ont chacune contribué à la richesse et à la diversité de l'histoire iranienne. Chacune de ces dynasties a apporté ses propres nuances à la gouvernance, à la culture et à la société de la région.

En 1501, un événement majeur dans l'histoire de l'Iran et du Moyen-Orient a eu lieu avec l'établissement de l'Empire séfévide en Azerbaïdjan par Shah Ismail I. Cette fondation a marqué le début d'une nouvelle ère non seulement pour l'Iran mais aussi pour la région dans son ensemble, en raison de l'introduction du chiisme duodécimain comme religion d'État, un changement qui a profondément influencé l'identité religieuse et culturelle de l'Iran. L'Empire séfévide, qui a régné jusqu'en 1736, a joué un rôle crucial dans la consolidation de l'Iran en tant qu'entité politique et culturelle distincte. Shah Ismail I, un leader charismatique et un poète talentueux, a réussi à unifier diverses régions sous son contrôle, créant ainsi un État centralisé et puissant. L'une de ses décisions les plus significatives a été d'imposer le chiisme duodécimain comme religion officielle de l'empire, un acte qui a eu des implications profondes pour l'avenir de l'Iran et du Moyen-Orient.

Cette "chiitisation" de l'Iran, qui impliquait la conversion forcée des populations sunnites et d'autres groupes religieux au chiisme, a été une stratégie délibérée pour différencier l'Iran de ses voisins sunnites, notamment l'Empire ottoman, et pour consolider le pouvoir des Séfévides. Cette politique a également eu pour effet de renforcer l'identité chiite de l'Iran, qui est devenue une caractéristique distincte de la nation iranienne jusqu'à aujourd'hui. Sous les Séfévides, l'Iran a connu une période de renaissance culturelle et artistique. La capitale, Ispahan, est devenue l'un des centres les plus importants de l'art, de l'architecture et de la culture dans le monde islamique. Les Séfévides ont encouragé le développement des arts, notamment la peinture, la calligraphie, la poésie, et l'architecture, créant ainsi un héritage culturel riche et durable. Cependant, l'empire a également été marqué par des conflits internes et externes, notamment des guerres contre l'Empire ottoman et les Ouzbeks. Ces conflits, ainsi que les défis internes, ont finalement contribué au déclin de l'empire au 18ème siècle.

La bataille de Tchaldiran, qui s'est déroulée en 1514, est un événement significatif dans l'histoire de l'Empire séfévide et de l'Empire ottoman, marquant non seulement un tournant militaire mais aussi la formation d'une importante ligne de démarcation politique entre les deux empires. Dans cette bataille, les forces séfévides, dirigées par Shah Ismail I, ont affronté l'armée ottomane sous le commandement du sultan Selim I. Les Séfévides, bien que vaillants au combat, ont été vaincus par les Ottomans, en grande partie à cause de la supériorité technologique de ces derniers, notamment leur utilisation efficace de l'artillerie. Cette défaite a eu des conséquences importantes pour l'Empire séfévide. L'un des résultats immédiats de la bataille de Tchaldiran a été la perte de territoires significatifs pour les Séfévides. Les Ottomans ont réussi à s'emparer de la moitié orientale de l'Anatolie, réduisant ainsi considérablement l'influence séfévide dans la région. Cette défaite a également établi une frontière politique durable entre les deux empires, qui est devenue un marqueur géopolitique important dans la région. En outre, la défaite des Séfévides a eu des répercussions sur les Alévis, une communauté religieuse qui était partisane de Shah Ismail I et de sa politique de chiitisation. Suite à la bataille, de nombreux Alévis ont été persécutés et massacrés durant la décennie qui a suivi, en raison de leur allégeance au Chah séfévide et de leurs croyances religieuses distinctes, qui étaient en désaccord avec les pratiques sunnites dominantes de l'Empire ottoman.

Après sa victoire à Tchaldiran, le sultan Selim I a continué son expansion, et en 1517, il a conquis le Caire, mettant ainsi fin au califat abbasside. Cette conquête a non seulement étendu l'Empire ottoman jusqu'en Égypte mais a également renforcé la position du sultan comme un leader musulman influent, puisqu'il s'est emparé du titre de calife, symbolisant ainsi l'autorité religieuse et politique sur le monde musulman sunnite. La bataille de Tchaldiran et ses conséquences illustrent donc les rivalités intenses entre les deux grandes puissances musulmanes de l'époque, façonnant de manière significative l'histoire politique, religieuse et territoriale du Moyen-Orient.

En 1796, l'Iran a vu l'émergence d'une nouvelle dynastie au pouvoir, la dynastie Qajar (ou Kadjar), fondée par Agha Mohammad Khan Qajar. D'origine turkmène, cette dynastie a remplacé la dynastie Zand et a régné sur l'Iran jusqu'au début du 20ème siècle. Agha Mohammad Khan Qajar, après avoir unifié diverses factions et territoires en Iran, s'est proclamé Shah en 1796, marquant ainsi le début officiel du règne des Qajar. Cette période a été significative pour plusieurs raisons dans l'histoire iranienne. Sous les Qajar, l'Iran a connu une période de centralisation du pouvoir et de consolidation territoriale après des années de troubles et de divisions internes. La capitale a été transférée de Shiraz à Téhéran, qui est devenue le centre politique et culturel du pays. Cette période a également été marquée par des relations internationales complexes, notamment avec les puissances impérialistes de l'époque, la Russie et la Grande-Bretagne. Les Qajar ont dû naviguer dans un environnement international difficile, avec l'Iran souvent pris dans les rivalités géopolitiques des grandes puissances, en particulier dans le cadre du "Grand Jeu" entre la Russie et la Grande-Bretagne. Ces interactions ont souvent conduit à la perte de territoires et à des concessions économiques et politiques importantes pour l'Iran.

Sur le plan culturel, la période Qajar est connue pour son art distinctif, notamment la peinture, l'architecture et les arts décoratifs. La cour Qajar était un centre de mécénat artistique, et cette période a vu un mélange unique de styles traditionnels iraniens avec des influences européennes modernes. Cependant, la dynastie Qajar a également été critiquée pour son incapacité à moderniser efficacement le pays et à répondre aux besoins de sa population. Cette lacune a conduit à des mécontentements internes et a jeté les bases des mouvements de réforme et des révolutions constitutionnelles qui se sont produits au début du 20ème siècle. La dynastie Qajar représente une période importante dans l'histoire iranienne, marquée par des efforts de centralisation du pouvoir, des défis diplomatiques et des contributions culturelles significatives, mais également par des luttes internes et des pressions extérieures qui ont façonné l'évolution ultérieure du pays.

En 1906, l'Iran a connu un moment historique avec le début de sa période constitutionnelle, une étape majeure dans la modernisation politique du pays et la lutte pour la démocratie. Cette évolution a été largement influencée par les mouvements sociaux et politiques qui exigeaient une limitation du pouvoir absolu du monarque et une gouvernance plus représentative et constitutionnelle. La Révolution constitutionnelle iranienne a abouti à l'adoption de la première constitution du pays en 1906, marquant la transition de l'Iran vers une monarchie constitutionnelle. Cette constitution prévoyait la création d'un parlement, ou Majlis, et mettait en place des lois et des structures visant à moderniser et à réformer la société et le gouvernement iraniens. Cependant, cette période a également été marquée par des ingérences étrangères et la division du pays en sphères d'influence. L'Iran était pris dans les rivalités entre la Grande-Bretagne et la Russie, chacune cherchant à étendre son influence dans la région. Ces puissances ont établi différents "ordres internationaux" ou zones d'influence, limitant ainsi la souveraineté de l'Iran.

La découverte du pétrole en 1908-1909 a ajouté une nouvelle dimension à la situation en Iran. La découverte, faite dans la région de Masjed Soleyman, a rapidement attiré l'attention des puissances étrangères, en particulier de la Grande-Bretagne, qui a cherché à contrôler les ressources pétrolières iraniennes. Cette découverte a considérablement augmenté l'importance stratégique de l'Iran sur la scène internationale et a également complexifié la dynamique interne du pays. Malgré ces pressions extérieures et les enjeux liés aux ressources naturelles, l'Iran a maintenu une politique de neutralité, en particulier pendant les conflits mondiaux comme la Première Guerre mondiale. Cette neutralité était en partie une tentative de préserver son autonomie et de résister aux influences étrangères qui cherchaient à exploiter ses ressources et à contrôler sa politique. Le début du 20ème siècle a été une période de changement et de défi pour l'Iran, caractérisée par des efforts de modernisation politique, l'émergence de nouveaux enjeux économiques avec la découverte du pétrole, et la navigation dans un environnement international complexe.

L’Empire ottoman dans la Première Guerre mondiale

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L'entrée de l'Empire ottoman dans la Première Guerre mondiale en 1914 a été précédée par une période de manœuvres diplomatiques et militaires complexes, impliquant plusieurs grandes puissances, y compris la Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne. Après avoir exploré des alliances potentielles avec la Grande-Bretagne et la France, l'Empire ottoman a finalement opté pour une alliance avec l'Allemagne. Cette décision a été influencée par plusieurs facteurs, y compris les liens militaires et économiques préexistants entre les Ottomans et l'Allemagne, ainsi que les perceptions des intentions des autres grandes puissances européennes.

Malgré cette alliance, les Ottomans étaient réticents à entrer directement dans le conflit, conscient de leurs difficultés internes et de leurs limites militaires. Cependant, la situation a changé avec l'incident des Dardanelles. Les Ottomans ont utilisé des navires de guerre (dont certains avaient été acquis de l'Allemagne) pour bombarder des ports russes sur la mer Noire. Cette action a effectivement entraîné l'Empire ottoman dans la guerre aux côtés des Puissances centrales et contre les Alliés, notamment la Russie, la France et la Grande-Bretagne.

En réponse à l'entrée en guerre de l'Empire ottoman, les Britanniques ont lancé la Campagne des Dardanelles en 1915. L'objectif était de prendre le contrôle des Dardanelles et du Bosphore, ouvrant ainsi une voie maritime vers la Russie. Cependant, cette campagne s'est soldée par un échec pour les forces alliées et a entraîné de lourdes pertes des deux côtés. Parallèlement, la Grande-Bretagne a formalisé son contrôle sur l'Égypte, proclamant le protectorat britannique sur l'Égypte en 1914. Cette décision était stratégiquement motivée, en grande partie pour sécuriser le Canal de Suez, un point de passage vital pour les routes maritimes britanniques, en particulier pour l'accès aux colonies en Asie. Ces événements illustrent la complexité de la situation géopolitique au Moyen-Orient pendant la Première Guerre mondiale. Les décisions de l'Empire ottoman ont eu des implications importantes, non seulement pour leur propre empire mais aussi pour la configuration du Moyen-Orient dans l'après-guerre.

Pendant la Première Guerre mondiale, les Alliés ont cherché à affaiblir l'Empire ottoman en ouvrant un nouveau front dans le sud, ce qui a conduit à la célèbre Révolte arabe de 1916. Cette révolte a été un moment clé dans l'histoire du Moyen-Orient et a marqué le début du mouvement nationaliste arabe. Le chérif Hussein ben Ali, le chérif de La Mecque, a joué un rôle central dans cette révolte. Sous son impulsion, et avec l'encouragement et le soutien de figures telles que T.E. Lawrence, connu sous le nom de Lawrence d'Arabie, les Arabes se sont soulevés contre la domination ottomane dans l'espoir de créer un État arabe unifié. Cette aspiration à l'indépendance et à l'unification était motivée par un désir de libération nationale et par la promesse d'autonomie faite par les Britanniques, notamment par le général Henry MacMahon.

La Révolte arabe a eu plusieurs succès significatifs. En juin 1917, Fayçal, fils de Hussein ben Ali, a remporté la bataille d’Aqaba, un tournant stratégique dans la révolte. Cette victoire a permis d'ouvrir un front crucial contre les Ottomans et a renforcé le moral des forces arabes. Avec l'aide de Lawrence d'Arabie et d'autres officiers britanniques, Fayçal a réussi à unir plusieurs tribus arabes du Hedjaz, ce qui a abouti à la libération de Damas en 1917. En 1920, Fayçal s'est proclamé Roi de Syrie, affirmant l'aspiration arabe à l'autodétermination et à l'indépendance. Cependant, ses ambitions ont été confrontées à la réalité de la politique internationale. Les accords Sykes-Picot de 1916, un arrangement secret entre la Grande-Bretagne et la France, avaient déjà partagé de grandes parties du Moyen-Orient en zones d'influence, compromettant ainsi les espoirs d'un grand royaume arabe unifié. La Révolte arabe a été un facteur déterminant dans l'affaiblissement de l'Empire ottoman pendant la guerre et a posé les bases du nationalisme arabe moderne. Toutefois, l'après-guerre a vu la division du Moyen-Orient en plusieurs États-nations sous mandat européen, éloignant ainsi la réalisation d'un État arabe unifié, tel qu'envisagé par Hussein ben Ali et ses partisans.

La Première Guerre mondiale a été marquée par des développements complexes et des changements de dynamiques, notamment le retrait de la Russie du conflit en raison de la Révolution russe en 1917. Ce retrait a eu des implications significatives pour le cours de la guerre et pour les autres puissances belligérantes. Le retrait de la Russie a effectivement allégé la pression sur les Puissances centrales, notamment l'Allemagne, qui pouvait désormais concentrer ses forces sur le front occidental contre la France et ses alliés. Ce changement a inquiété la Grande-Bretagne et ses alliés, qui cherchaient des moyens de maintenir l'équilibre des forces.

Concernant les juifs bolchéviques, il est important de noter que les révolutions russes de 1917 et l'ascension du bolchévisme ont été des phénomènes complexes influencés par divers facteurs internes à la Russie. Bien qu'il y ait eu des juifs parmi les bolchéviques, comme dans de nombreux mouvements politiques de l'époque, leur présence ne devrait pas être surinterprétée ou utilisée pour promouvoir des narratifs simplistes ou antisémites. En ce qui concerne l'Empire ottoman, Enver Pacha, l'un des leaders du mouvement des Jeunes Turcs et ministre de la Guerre, a joué un rôle clé dans la conduite de la guerre. En 1914, il a lancé une offensive désastreuse contre les Russes dans le Caucase, qui s'est soldée par une défaite majeure pour les Ottomans à la bataille de Sarikamish.

La défaite d'Enver Pacha a eu des conséquences tragiques, notamment le déclenchement du génocide arménien. En cherchant un bouc émissaire pour expliquer la défaite, Enver Pacha et d'autres dirigeants ottomans ont accusé la minorité arménienne de l'empire de collusion avec les Russes. Ces accusations ont alimenté une campagne de déportations, de massacres et d'exterminations systématiques contre les Arméniens, qui ont abouti à ce que l'on reconnaît aujourd'hui comme le génocide arménien. Ce génocide représente l'un des épisodes les plus sombres de la Première Guerre mondiale et de l'histoire de l'Empire ottoman, soulignant les horreurs et les conséquences tragiques des conflits à grande échelle et des politiques de haine ethnique.

La Conférence de paix de Paris, qui a débuté en janvier 1919, a été un moment crucial dans la redéfinition de l'ordre mondial après la Première Guerre mondiale. Cette conférence a rassemblé les dirigeants des principales puissances alliées pour discuter des termes de la paix et de l'avenir géopolitique, notamment des territoires de l'Empire ottoman défaillant. L'un des sujets majeurs abordés lors de la conférence concernait l'avenir des territoires ottomans au Moyen-Orient. Les Alliés envisageaient de redessiner les frontières de la région, influencés par diverses considérations politiques, stratégiques et économiques, y compris le contrôle des ressources pétrolières. Bien que la conférence ait théoriquement permis aux nations concernées de présenter leur point de vue, en pratique, plusieurs délégations ont été marginalisées ou leurs demandes ignorées. Par exemple, la délégation égyptienne, qui cherchait à discuter de l'indépendance de l'Égypte, a été confrontée à des obstacles, illustrés par l'exil de certains de ses membres à Malte. Cette situation reflète la dynamique de pouvoir inégale à la conférence, où les intérêts des puissances européennes prédominantes ont souvent prévalu.

Fayçal, fils de Hussein ben Ali et leader de la Révolte arabe, a joué un rôle important lors de la conférence. Il a représenté les intérêts arabes et a plaidé pour la reconnaissance de l'indépendance et de l'autonomie arabe. En dépit de ses efforts, les décisions prises à la conférence n'ont pas pleinement répondu aux aspirations arabes pour un État indépendant et unifié. Fayçal a ensuite créé un État en Syrie, se proclamant roi de Syrie en 1920. Cependant, ses ambitions ont été de courte durée, car la Syrie a été placée sous mandat français après la Conférence de San Remo en 1920, une décision qui a fait partie de la division du Moyen-Orient entre les puissances européennes conformément aux accords Sykes-Picot de 1916. La Conférence de Paris et ses résultats ont donc eu des implications profondes pour le Moyen-Orient, jetant les bases de nombreuses tensions et conflits régionaux qui perdurent jusqu'à aujourd'hui. Les décisions prises ont reflété les intérêts des puissances victorieuses de la Première Guerre mondiale, souvent au détriment des aspirations nationales des peuples de la région.

L'accord entre Georges Clemenceau, représentant de la France, et Fayçal, leader de la Révolte arabe, ainsi que les discussions autour de la création de nouveaux États au Moyen-Orient, sont des éléments clés de la période post-Première Guerre mondiale qui ont façonné l'ordre géopolitique de la région. L'accord Clemenceau-Fayçal était en effet perçu comme étant très favorable à la France. Fayçal, cherchant à sécuriser une forme d'autonomie pour les territoires arabes, a dû faire des concessions significatives. La France, ayant des intérêts coloniaux et stratégiques dans la région, a utilisé sa position à la Conférence de Paris pour asseoir son contrôle, notamment sur des territoires comme la Syrie et le Liban. La délégation libanaise a obtenu le droit de créer un État distinct, le Grand Liban, sous mandat français. Cette décision a été influencée par les aspirations des communautés chrétiennes maronites du Liban, qui cherchaient à établir un État avec des frontières élargies et une certaine autonomie sous la tutelle française. Concernant la question kurde, des promesses ont été faites pour la création d'un Kurdistan. Ces promesses étaient en partie une reconnaissance des aspirations nationalistes kurdes et un moyen d'affaiblir l'Empire ottoman. Cependant, la mise en œuvre de cette promesse s'est avérée complexe et a finalement été largement ignorée dans les traités post-guerre.

Tous ces éléments ont convergé vers le Traité de Sèvres en 1920, qui a formalisé le démembrement de l'Empire ottoman. Ce traité a redessiné les frontières du Moyen-Orient, créant de nouveaux États sous mandats français et britannique. Le traité a également prévu la création d'une entité kurde autonome, bien que cette disposition n'ait jamais été mise en œuvre. Le Traité de Sèvres, bien que jamais pleinement ratifié et plus tard remplacé par le Traité de Lausanne en 1923, a été un moment décisif dans l'histoire de la région. Il a posé les bases de la structure politique moderne du Moyen-Orient mais a également semé les graines de nombreux conflits futurs, en raison de l'ignorance des réalités ethniques, culturelles et historiques de la région.

Après la fin de la Première Guerre mondiale, l'Empire ottoman, affaibli et sous pression, a accepté de signer le Traité de Sèvres en 1920. Ce traité, qui démantelait l'Empire ottoman et redistribuait ses territoires, semblait marquer la conclusion de la longue "Question d'Orient" concernant le destin de l'empire. Cependant, loin de mettre fin aux tensions dans la région, le Traité de Sèvres a exacerbé les sentiments nationalistes et a conduit à de nouveaux conflits.

En Turquie, une forte résistance nationaliste, dirigée par Mustafa Kemal Atatürk, s'est formée en opposition au Traité de Sèvres. Ce mouvement nationaliste s'est opposé aux dispositions du traité qui imposaient des pertes territoriales sévères et une influence étrangère accrue sur le territoire ottoman. La résistance a combattu contre divers groupes, notamment les Arméniens, les Grecs en Anatolie et les Kurdes, dans le but de forger un nouvel État-nation turc homogène. La Guerre d'indépendance turque, qui a suivi, a été une période de conflit intense et de recomposition territoriale. Les forces nationalistes turques ont réussi à repousser les armées grecques en Anatolie et à contrer les autres groupes contestataires. Cette victoire militaire a été un élément clé dans la fondation de la République de Turquie en 1923.

En conséquence de ces événements, le Traité de Sèvres a été remplacé par le Traité de Lausanne en 1923. Ce nouveau traité a reconnu les frontières de la nouvelle République de Turquie et a annulé les dispositions les plus punitives du Traité de Sèvres. Le Traité de Lausanne a marqué une étape importante dans l'établissement de la Turquie moderne en tant qu'État souverain et indépendant, redéfinissant son rôle dans la région et dans les affaires internationales. Ces événements ont non seulement redessiné la carte politique du Moyen-Orient mais ont également marqué la fin de l'Empire ottoman et ont ouvert un nouveau chapitre dans l'histoire de la Turquie, avec des répercussions qui continuent d'influencer la région et le monde jusqu'à aujourd'hui.

L'abolition du califat en 1924 est un événement majeur dans l'histoire moderne du Moyen-Orient, marquant la fin d'une institution islamique qui avait duré pendant des siècles. Cette décision a été prise par Mustafa Kemal Atatürk, le fondateur de la République de Turquie, dans le cadre de ses réformes visant à séculariser et moderniser le nouvel État turc. La suppression du califat a été un coup porté à la structure traditionnelle de l'autorité islamique. Le calife était considéré comme le chef spirituel et temporel de la communauté musulmane (oumma) depuis l'époque du prophète Mahomet. Avec l'abolition du califat, cette institution centrale de l'islam sunnite a disparu, laissant un vide dans le leadership musulman.

En réaction à l'abolition du califat par la Turquie, Hussein ben Ali, qui était devenu le roi du Hedjaz après la chute de l'Empire ottoman, s'est proclamé calife. Hussein, membre de la famille hachémite et descendant direct du prophète Mahomet, cherchait à revendiquer cette position pour maintenir une forme de continuité spirituelle et politique dans le monde musulman. Cependant, la prétention de Hussein au califat n'a pas été largement reconnue et a été de courte durée. Sa position était affaiblie par des défis internes et externes, notamment l'opposition de la famille Saoud, qui contrôlait une grande partie de la péninsule Arabique. La montée en puissance des Saouds, sous la direction d'Abdelaziz Ibn Saoud, a finalement conduit à la conquête du Hedjaz et à l'établissement du royaume d'Arabie saoudite. L'éviction de Hussein ben Ali par les Saouds a symbolisé le changement radical de pouvoir dans la péninsule Arabique et a marqué la fin de ses ambitions de califat. Cet événement a également mis en évidence les transformations politiques et religieuses en cours dans le monde musulman, marquant le début d'une nouvelle ère dans laquelle la politique et la religion commenceraient à suivre des chemins plus distincts dans de nombreux pays musulmans.

La période suivant la Première Guerre mondiale a été cruciale pour la redéfinition politique du Moyen-Orient, avec des interventions significatives des puissances européennes, notamment la France et la Grande-Bretagne. En 1920, un événement majeur a eu lieu en Syrie, marquant un tournant dans l'histoire de la région. Fayçal, le fils de Hussein ben Ali et figure centrale de la Révolte arabe, avait établi un royaume arabe en Syrie après la chute de l'Empire ottoman, aspirant à réaliser le rêve d'un État arabe unifié. Cependant, ses ambitions se heurtèrent à la réalité des intérêts coloniaux français. Après la bataille de Maysaloun en juillet 1920, les Français, agissant sous leur mandat de la Société des Nations, prirent le contrôle de Damas et démantelèrent l'État arabe de Fayçal, mettant ainsi fin à son règne en Syrie. Cette intervention française a reflété les dynamiques complexes de l'après-guerre, où les aspirations nationales des peuples du Moyen-Orient ont souvent été éclipsées par les intérêts stratégiques des puissances européennes. Fayçal, déchu de son trône syrien, a toutefois trouvé un nouveau destin en Irak. En 1921, sous l'égide britannique, il fut installé comme le premier roi de la monarchie hachémite d'Irak, un mouvement stratégique de la part des Britanniques pour assurer un leadership favorable et une stabilité dans cette région riche en pétrole.

Parallèlement, en Transjordanie, une autre manœuvre politique a été mise en œuvre par les Britanniques. Pour contrecarrer les aspirations sionistes en Palestine et maintenir un équilibre dans leur mandat, ils ont créé le royaume de Transjordanie en 1921 et y ont installé Abdallah, un autre fils de Hussein ben Ali. Cette décision visait à fournir à Abdallah un territoire sur lequel régner, tout en conservant la Palestine sous contrôle britannique direct. La création de la Transjordanie a été une étape importante dans la formation de l'État moderne de Jordanie et a illustré la manière dont les intérêts coloniaux ont façonné les frontières et les structures politiques du Moyen-Orient moderne. Ces développements dans la région après la Première Guerre mondiale démontrent la complexité de la politique du Moyen-Orient dans la période de l'entre-deux-guerres. Les décisions prises par les puissances mandataires européennes, influencées par leurs propres intérêts stratégiques et géopolitiques, ont eu des conséquences durables, posant les fondements des structures étatiques et des conflits qui continuent d'affecter le Moyen-Orient. Ces événements soulignent également la lutte entre les aspirations nationales des peuples de la région et les réalités du pouvoir colonial européen, un thème récurrent dans l'histoire du Moyen-Orient au XXe siècle.

La Conférence de San Remo, tenue en avril 1920, a été un moment déterminant dans l'histoire post-première Guerre mondiale, en particulier pour le Moyen-Orient. Elle a principalement porté sur l'attribution des mandats sur les anciennes provinces de l'Empire ottoman, suite à sa défaite et à sa dislocation. Lors de cette conférence, les puissances alliées victorieuses ont décidé de la répartition des mandats. La France a obtenu le mandat sur la Syrie et le Liban, prenant ainsi le contrôle de deux régions stratégiquement importantes et culturellement riches. De leur côté, les Britanniques ont été chargés des mandats sur la Transjordanie, la Palestine et la Mésopotamie, cette dernière étant rebaptisée Irak. Ces décisions reflétaient les intérêts géopolitiques et économiques des puissances coloniales, notamment en termes d'accès aux ressources et de contrôle stratégique.

Parallèlement à ces développements, la Turquie, sous la direction de Mustafa Kemal Atatürk, était engagée dans un processus de redéfinition nationale. Après la guerre, la Turquie a cherché à établir de nouvelles frontières nationales. Cette période a été marquée par des conflits tragiques, notamment l'écrasement des Arméniens, qui a fait suite au génocide arménien perpétré pendant la guerre. En 1923, après plusieurs années de luttes et de négociations diplomatiques, Mustafa Kemal Atatürk a réussi à renégocier les termes du traité de Sèvres, qui avait été imposé à la Turquie en 1920 et qui était largement considéré comme humiliant et inacceptable par les nationalistes turcs. Le traité de Lausanne, signé en juillet 1923, a remplacé le traité de Sèvres et a reconnu la souveraineté et les frontières de la nouvelle République de Turquie. Ce traité a marqué la fin officielle de l'Empire ottoman et a établi les fondements de l'État turc moderne.

Le traité de Lausanne est considéré comme un succès majeur pour Mustafa Kemal et le mouvement nationaliste turc. Il a non seulement redéfini les frontières de la Turquie mais a également permis à la nouvelle république de prendre un nouveau départ sur la scène internationale, libérée des restrictions du traité de Sèvres. Ces événements de la Conférence de San Remo à la signature du traité de Lausanne ont eu un impact profond sur le Moyen-Orient, façonnant les frontières nationales, les relations internationales et les dynamiques politiques dans la région pour les décennies à venir.

Promesses des Alliés et revendications arabes

Durant la Première Guerre mondiale, le démantèlement et le partage de l'Empire ottoman étaient au cœur des préoccupations des puissances alliées, principalement la Grande-Bretagne, la France et la Russie. Ces puissances, anticipant une victoire sur l'Empire ottoman, allié des Puissances centrales, ont commencé à planifier le partage de ses vastes territoires.

En 1915, alors que la Première Guerre mondiale faisait rage, des négociations cruciales ont effectivement eu lieu à Constantinople, impliquant des représentants de la Grande-Bretagne, de la France et de la Russie. Ces discussions étaient centrées sur l'avenir des territoires de l'Empire ottoman, qui était alors allié aux Puissances centrales. L'Empire ottoman, affaibli et en déclin, était perçu par les Alliés comme un territoire à diviser en cas de victoire. Ces négociations à Constantinople étaient fortement motivées par des intérêts stratégiques et coloniaux. Chaque puissance cherchait à étendre son influence dans la région, qui était stratégiquement importante en raison de sa position géographique et de ses ressources. La Russie était particulièrement intéressée par le contrôle des détroits du Bosphore et des Dardanelles, qui étaient essentiels pour son accès à la Méditerranée. La France et la Grande-Bretagne, quant à elles, cherchaient à étendre leurs empires coloniaux et à sécuriser leur accès aux ressources, notamment le pétrole de la région. Cependant, il est important de noter que, bien que ces discussions aient eu un impact important sur l'avenir des territoires ottomans, les accords les plus significatifs et les plus détaillés concernant leur partage ont été formalisés plus tard, notamment dans l'accord Sykes-Picot de 1916.

L'accord Sykes-Picot de 1916, conclu par les diplomates britannique Mark Sykes et français François Georges-Picot, représente un moment clé dans l'histoire du Moyen-Orient, influençant profondément la configuration géopolitique de la région après la Première Guerre mondiale. Cet accord a été conçu pour définir le partage des territoires de l'Empire ottoman entre la Grande-Bretagne, la France et, dans une certaine mesure, la Russie, bien que la participation russe ait été rendue caduque par la Révolution russe de 1917. L'accord Sykes-Picot a établi des zones d'influence et de contrôle pour la France et la Grande-Bretagne dans le Moyen-Orient. Selon cet accord, la France devait obtenir un contrôle direct ou une influence sur la Syrie et le Liban, tandis que la Grande-Bretagne devait avoir un contrôle similaire sur l'Irak, la Jordanie et une région autour de la Palestine. Cependant, cet accord n'a pas défini précisément les frontières des futurs États, laissant cela à des négociations et des accords ultérieurs.

L'importance de l'accord Sykes-Picot réside dans son rôle en tant que "genèse" des mémoires collectives concernant l'espace géographique au Moyen-Orient. Il symbolise l'intervention impérialiste et les manipulations des puissances européennes dans la région, souvent au mépris des identités ethniques, religieuses et culturelles locales. Bien que l'accord ait influencé la création des États dans le Moyen-Orient, les frontières réelles de ces États ont été déterminées par des rapports de force ultérieurs, des négociations diplomatiques et des réalités géopolitiques qui ont évolué après la Première Guerre mondiale. Les conséquences de l'accord Sykes-Picot se sont manifestées dans les mandats de la Société des Nations attribués à la France et à la Grande-Bretagne après la guerre, conduisant à la formation de plusieurs États modernes du Moyen-Orient. Cependant, les frontières tracées et les décisions prises ont souvent ignoré les réalités ethniques et religieuses sur le terrain, semant les graines de futurs conflits et tensions dans la région. L'héritage de l'accord reste un sujet de débat et de mécontentement dans le Moyen-Orient contemporain, symbolisant les interventions et les divisions imposées par des puissances étrangères.

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Cette carte illustre la division des territoires de l'Empire ottoman telle que prévue par les accords Sykes-Picot de 1916 entre la France et la Grande-Bretagne, avec des zones d'administration directe et des zones d'influence.

La "Zone Bleue", représentant l'administration directe française, couvre les régions qui deviendront plus tard la Syrie et le Liban. Cela montre que la France avait l'intention d'exercer un contrôle direct sur les centres urbains et les régions côtières stratégiques. La "Zone Rouge", sous administration directe britannique, englobe le futur Irak avec des villes clés comme Bagdad et Bassora, ainsi que le Koweït, qui est représenté de manière détachée. Cette zone reflète l'intérêt britannique pour les régions pétrolifères et leur importance stratégique en tant que voie d'accès au Golfe Persique. La "Zone Brune", représentant la Palestine (y compris des lieux tels que Haïfa, Jérusalem et Gaza), n'est pas explicitement définie dans l'accord Sykes-Picot en termes de contrôle direct, mais elle est généralement associée à l'influence britannique. Plus tard, cette région deviendra un mandat britannique et le foyer de tensions politiques et de conflits en raison de la Déclaration Balfour et du mouvement sioniste.

Les "Zones Arabes A et B" sont des régions où l'autonomie arabe devait être reconnue sous la supervision française et britannique respectivement. Cela a été interprété comme une concession aux aspirations arabes pour une certaine forme d'autonomie ou d'indépendance, qui avaient été encouragées par les Alliés pendant la guerre pour gagner un soutien arabe contre l'Empire ottoman. Ce que cette carte ne montre pas, c'est la complexité et les multiples promesses faites par les Alliés pendant la guerre, qui ont souvent été contradictoires et ont conduit à des sentiments de trahison parmi les populations locales après la révélation de l'accord. La carte représente une simplification des accords Sykes-Picot, qui, dans la réalité, ont été beaucoup plus complexes et ont subi des modifications au fil du temps en raison des évolutions politiques, des conflits et des pressions internationales.

La révélation des accords Sykes-Picot par les bolchéviques russes après la Révolution russe de 1917 a eu un impact retentissant, non seulement dans la région du Moyen-Orient, mais aussi sur la scène internationale. En exposant ces accords secrets, les bolchéviques cherchaient à critiquer l'impérialisme des puissances occidentales, notamment la France et la Grande-Bretagne, et à démontrer leur propre engagement envers les principes d'autodétermination et de transparence. Les accords Sykes-Picot ne marquaient pas le début, mais plutôt un point culminant du long processus de la "Question d'Orient", une question diplomatique complexe qui avait préoccupé les puissances européennes pendant tout le 19ème siècle et le début du 20ème siècle. Ce processus concernait la gestion et le partage de l'influence sur les territoires de l'Empire ottoman en déclin, et les accords Sykes-Picot en étaient une étape décisive.

Selon ces accords, une zone d'influence française était établie en Syrie et au Liban, tandis que la Grande-Bretagne obtenait le contrôle ou l'influence sur l'Irak, la Jordanie et une région autour de la Palestine. L'intention était de créer des zones-tampons entre les sphères d'influence des grandes puissances, y compris entre les Britanniques et les Russes, qui avaient des intérêts concurrents dans la région. Cette configuration était en partie une réponse à la difficulté de cohabitation entre ces puissances, comme l'avait démontré leur compétition en Inde et ailleurs. La publication des accords Sykes-Picot a suscité une vive réaction dans le monde arabe, où ils étaient perçus comme une trahison des promesses faites aux leaders arabes pendant la guerre. Cette révélation a exacerbé les sentiments de méfiance envers les puissances occidentales et a alimenté les aspirations nationalistes et anti-impérialistes dans la région. L'impact de ces accords se fait encore sentir aujourd'hui, car ils ont jeté les bases des frontières modernes du Moyen-Orient et des dynamiques politiques qui continuent d'influencer la région.

Le génocide arménien

La Première Guerre mondiale a été une période de conflits intenses et de bouleversements politiques, mais elle a également été marquée par l'un des événements les plus tragiques du début du XXe siècle : le génocide arménien. Ce génocide a été perpétré par le gouvernement Jeunes-Turcs de l'Empire ottoman entre 1915 et 1917, bien que des actes de violence et de déportation aient commencé avant et se soient poursuivis après ces dates.

Au cours de cet événement tragique, les Arméniens ottomans, un groupe ethnique chrétien minoritaire dans l'Empire ottoman, ont été systématiquement visés par des campagnes de déportations forcées, d'exécutions massives, de marches de la mort et de famines planifiées. Les autorités ottomanes, utilisant la guerre comme couverture et prétexte pour résoudre ce qu'elles considéraient comme un "problème arménien", ont orchestré ces actions dans le but d'éliminer la population arménienne de l'Anatolie et d'autres régions de l'empire. Les estimations du nombre de victimes varient, mais il est largement reconnu que jusqu'à 1,5 million d'Arméniens ont péri. Le génocide arménien a profondément marqué la mémoire collective arménienne et a eu des répercussions durables sur la communauté arménienne mondiale. Il est considéré comme l'un des premiers génocides modernes et a jeté une ombre sur les relations turco-arméniennes pendant plus d'un siècle.

La reconnaissance du génocide arménien reste un sujet sensible et controversé. De nombreux pays et organisations internationales ont reconnu formellement le génocide, mais certains débats et des tensions diplomatiques persistent, notamment avec la Turquie, qui conteste la caractérisation des événements en tant que génocide. Le génocide arménien a également eu des implications pour le droit international, en influençant le développement de la notion de génocide et en motivant les efforts pour prévenir de telles atrocités à l'avenir. Cet événement sombre souligne l'importance de la mémoire historique et de la reconnaissance des injustices passées dans la construction d'un avenir commun basé sur la compréhension et la réconciliation.

Le peuple arménien possède une histoire antique et riche, remontant bien avant l'ère chrétienne. Selon la tradition et certaines mythologies nationalistes arméniennes, leurs racines seraient établies dès 200 avant J-C, et même plus tôt. Cela est soutenu par des preuves archéologiques et historiques montrant que les Arméniens ont occupé le plateau arménien depuis des millénaires. L'Arménie historique, souvent appelée l'Arménie Haute ou Grande Arménie, était située dans une région comprenant des parties de l'est de la Turquie moderne, de l'Arménie, de l'Azerbaïdjan, de la Géorgie, de l'Iran et de l'Irak actuels. Cette région a vu naître le royaume d'Urartu, considéré comme un précurseur de l'Arménie antique, qui a prospéré du 9ème au 6ème siècle avant J-C. Le royaume d'Arménie a été établi et reconnu formellement au début du 6ème siècle avant J-C, après la chute d'Urartu et à travers l'intégration dans l'empire achéménide. Il a atteint son apogée sous le règne de Tigrane le Grand au 1er siècle avant J-C, où il s'est brièvement étendu pour former un empire allant de la mer Caspienne à la Méditerranée.

La profondeur historique de la présence arménienne dans la région est également illustrée par l'adoption précoce du christianisme comme religion d'État en 301 après J-C, faisant de l'Arménie le premier pays à le faire officiellement. Les Arméniens ont maintenu une identité culturelle et religieuse distincte tout au long des siècles, malgré les invasions et la domination de divers empires étrangers. Cette longue histoire a forgé une forte identité nationale qui a survécu à travers les âges, même face à de graves épreuves telles que le génocide arménien du début du XXe siècle. Les récits mythologiques et historiques arméniens, bien que parfois embellis dans un esprit nationaliste, s'appuient sur une histoire réelle et significative qui a contribué à la richesse culturelle et à la résilience du peuple arménien.

L'Arménie détient effectivement le titre historique d'être le premier royaume à adopter officiellement le christianisme comme religion d'État. Cet événement monumental a eu lieu en l'an 301 après J-C, sous le règne du roi Tiridate III, et a été largement influencé par l'activité missionnaire de Saint Grégoire l'Illuminateur, qui est devenu le premier chef de l'Église arménienne. La conversion du royaume d'Arménie au christianisme a précédé celle de l'Empire romain, qui, sous l'empereur Constantin, a commencé à adopter le christianisme comme religion dominante après l'édit de Milan en 313 après J-C. La conversion arménienne a été un processus significatif qui a profondément influencé l'identité culturelle et nationale du peuple arménien. L'adoption du christianisme a conduit au développement de la culture et de l'art religieux arméniens, y compris l'architecture unique des églises et des monastères arméniens, ainsi que la création de l'alphabet arménien par Saint Mesrop Mashtots au début du 5ème siècle. Cet alphabet a permis la floraison de la littérature arménienne, notamment la traduction de la Bible et d'autres textes religieux importants, contribuant ainsi à renforcer l'identité chrétienne arménienne. La position de l'Arménie en tant que premier État chrétien a également eu des implications politiques et géopolitiques, souvent placée à la frontière de grands empires en compétition et entourée de voisins non chrétiens. Cette distinction a contribué à façonner le rôle et l'histoire de l'Arménie à travers les siècles, en faisant un acteur important dans l'histoire du christianisme et dans l'histoire régionale du Moyen-Orient et du Caucase.

L'histoire de l'Arménie après l'adoption du christianisme comme religion d'État a été complexe et souvent tumultueuse. Après plusieurs siècles de conflits avec des empires voisins et des périodes d'autonomie relative, les Arméniens ont connu un changement majeur avec les conquêtes arabes au 7ème siècle.

Avec l'expansion rapide de l'islam à la suite de la mort du prophète Mahomet, les forces arabes ont conquis de vastes étendues du Moyen-Orient, y compris une grande partie de l'Arménie, autour de l'an 640. Cette période a vu l'Arménie être divisée entre l'influence byzantine et le califat arabe, ce qui a entraîné une division culturelle et politique de la région arménienne. Pendant la période de domination arabe, et plus tard sous l'Empire ottoman, les Arméniens, en tant que chrétiens, étaient généralement classés comme "dhimmis" – une catégorie protégée mais inférieure de non-musulmans sous la loi islamique. Ce statut leur conférait une certaine protection et leur permettait de pratiquer leur religion, mais ils étaient également soumis à des taxes spécifiques et à des restrictions sociales et légales. La partie la plus importante de l'Arménie historique s'est retrouvée prise en étau entre l'Empire ottoman et l'Empire russe au 19ème et au début du 20ème siècle. Durant cette période, les Arméniens ont cherché à préserver leur identité culturelle et religieuse, tout en étant confrontés à des défis politiques croissants.

Sous le règne du Sultan Abdülhamid II (fin du 19ème siècle), l'Empire ottoman a adopté une politique panislamiste, cherchant à unir les divers peuples musulmans de l'empire en réponse au déclin de la puissance ottomane et aux pressions internes et externes. Cette politique a souvent exacerbé les tensions ethniques et religieuses au sein de l'Empire, ce qui a conduit à des violences contre les Arméniens et d'autres groupes non-musulmans. Les massacres hamidiens de la fin du 19ème siècle, durant lesquels des dizaines de milliers d'Arméniens ont été tués, sont un exemple tragique de la violence qui a précédé et préfiguré le génocide arménien de 1915. Ces événements ont mis en lumière les difficultés rencontrées par les Arméniens et d'autres minorités dans un empire en quête d'unité politique et religieuse face à l'émergence du nationalisme et du déclin impérial.

Le Traité de San Stefano, signé en 1878, a été un moment charnière pour la question arménienne, qui est devenue un sujet de préoccupation internationale. Le traité a été conclu à la fin de la guerre russo-turque de 1877-1878, qui a vu une défaite significative pour l'Empire ottoman face à l'Empire russe. L'un des aspects les plus remarquables du Traité de San Stefano était la clause qui demandait à l'Empire ottoman de mettre en œuvre des réformes en faveur des populations chrétiennes, notamment les Arméniens, et d'améliorer leurs conditions de vie. Cela reconnaissait implicitement les mauvais traitements que les Arméniens avaient subis et la nécessité d'une protection internationale. Cependant, la mise en œuvre des réformes promises dans le traité a été largement inefficace. L'Empire ottoman, affaibli par la guerre et les pressions internes, était réticent à accorder des concessions qui auraient pu être perçues comme une ingérence étrangère dans ses affaires intérieures. De plus, les dispositions du Traité de San Stefano ont été remaniées plus tard cette année-là par le Congrès de Berlin, qui a ajusté les termes du traité pour répondre aux préoccupations des autres grandes puissances, notamment la Grande-Bretagne et l'Autriche-Hongrie.

Le Congrès de Berlin a néanmoins maintenu la pression sur l'Empire ottoman pour qu'il procède à des réformes, mais en pratique, peu de changements ont été effectués pour améliorer réellement la situation des Arméniens. Ce manque d'action, combiné à l'instabilité politique et aux tensions ethniques croissantes au sein de l'Empire, a créé un environnement qui a finalement conduit aux massacres hamidiens des années 1890 et, plus tard, au génocide arménien de 1915. La question arménienne internationalisée par le Traité de San Stefano a donc marqué le début d'une période où les puissances européennes ont commencé à exercer une influence plus directe sur les affaires de l'Empire ottoman, souvent sous le couvert de protéger les minorités chrétiennes. Cependant, l'écart entre les promesses de réformes et leur mise en œuvre a laissé un héritage d'engagements non tenus qui a eu des conséquences tragiques pour le peuple arménien.

La fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle ont été une période de grande violence pour les communautés arméniennes et assyriennes de l'Empire ottoman. Les années 1895 et 1896 ont notamment été marquées par des massacres à grande échelle, souvent appelés les massacres hamidiens, du nom du sultan Abdülhamid II. Ces massacres ont été perpétrés en réponse aux manifestations arméniennes contre les taxes oppressives, les persécutions, et le manque de réformes promises par le traité de San Stefano. Les Jeunes Turcs, un mouvement nationaliste réformiste qui a pris le pouvoir après un coup d'État en 1908, étaient initialement perçus comme une source d'espoir pour les minorités de l'Empire ottoman. Cependant, une faction radicale de ce mouvement a fini par adopter une politique encore plus agressive et nationaliste que leurs prédécesseurs. Convaincus de la nécessité de créer un État turc homogène, ils ont considéré les Arméniens et d'autres minorités non turques comme des obstacles à leur vision nationale. La discrimination systématique contre les Arméniens a augmenté, alimentée par des accusations de trahison et de collusion avec les ennemis de l'Empire, notamment la Russie. Cette atmosphère de suspicion et de haine a créé le terreau pour le génocide qui a débuté en 1915. L'une des premières actions de cette campagne génocidaire a été l'arrestation et l'assassinat d'intellectuels et de leaders arméniens à Constantinople le 24 avril 1915, une date qui est maintenant commémorée comme le début du génocide arménien.

Les déportations massives, les marches de la mort vers le désert syrien et les massacres ont suivi, avec des estimations allant jusqu'à 1,5 million d'Arméniens tués. En plus des marches de la mort, des rapports attestent que des Arméniens ont été forcés de monter à bord de bateaux qui ont été intentionnellement coulés en mer Noire. Face à ces horreurs, certains Arméniens se sont convertis à l'islam pour survivre, tandis que d'autres se sont cachés ou ont été protégés par des voisins sympathiques, y compris des Kurdes. En parallèle, la population assyrienne a également subi des atrocités similaires entre 1914 et 1920. En tant que millet, ou communauté autonome reconnue par l'Empire ottoman, les Assyriens auraient dû bénéficier d'une certaine protection. Cependant, dans le contexte de la Première Guerre mondiale et du nationalisme turc, ils ont été la cible de campagnes d'extermination systématiques. Ces événements tragiques montrent comment la discrimination, la déshumanisation et l'extrémisme peuvent conduire à des actes de violence de masse. Le génocide arménien et les massacres des Assyriens sont des chapitres sombres de l'histoire qui soulignent l'importance de la mémoire, de la reconnaissance et de la prévention du génocide pour que de telles atrocités ne se reproduisent plus.

L'occupation d'Istanbul par les Alliés en 1919 et la mise en place d'une cour martiale pour juger les responsables ottomans des atrocités commises pendant la guerre ont marqué une tentative de rendre justice pour les crimes commis, notamment le génocide arménien. Toutefois, la situation en Anatolie restait instable et complexe. Le mouvement nationaliste en Turquie, mené par Mustafa Kemal Atatürk, s'est rapidement développé en réponse aux conditions du Traité de Sèvres de 1920, qui démembré l'Empire ottoman et imposé des sanctions sévères à la Turquie. Les kémalistes ont rejeté ce traité, le considérant comme une humiliation et une menace pour la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Turquie.

Un des points de friction était la question des populations orthodoxes grecques en Turquie, qui étaient protégées par les dispositions du traité mais se trouvaient être un enjeu dans le conflit gréco-turc. Les tensions entre les communautés grecques et turques ont conduit à des violences et à des échanges de populations à grande échelle, exacerbées par la guerre entre la Grèce et la Turquie de 1919 à 1922. Mustafa Kemal, qui avait été un membre éminent des Jeunes Turcs et avait acquis une renommée en tant que défenseur des Dardanelles pendant la Première Guerre mondiale, est parfois cité comme ayant qualifié le génocide arménien d'"acte honteux". Cependant, ces affirmations sont sujettes à controverse et à débat historique. La position officielle de Kemal et de la République de Turquie naissante sur le génocide a été de le nier et de l'attribuer aux circonstances de guerre et aux troubles civils plutôt qu'à une politique délibérée d'extermination.

Lors de la résistance pour l'Anatolie et la lutte pour l'établissement de la République de Turquie, Mustafa Kemal et ses partisans se sont concentrés sur la construction d'un État-nation turc unifié, et toute reconnaissance des événements passés qui auraient pu diviser ou affaiblir ce projet national était évitée. La période suivant la Première Guerre mondiale a donc été marquée par des changements politiques majeurs, des tentatives de justice post-conflit, et l'émergence de nouveaux États-nations dans la région, avec la République de Turquie naissante cherchant à définir sa propre identité et politique indépendamment de l'héritage ottoman.

La fondation de la Turquie

Le traité de Lausanne, signé le 24 juillet 1923, a marqué un tournant décisif dans l'histoire contemporaine de la Turquie et du Moyen-Orient. Après l'échec du traité de Sèvres, principalement dû à la résistance nationale turque dirigée par Mustafa Kemal Atatürk, les Alliés ont été contraints de renégocier. Épuisées par la guerre et confrontées à la réalité d'une Turquie déterminée à défendre son intégrité territoriale, les puissances alliées ont dû reconnaître la nouvelle réalité politique établie par les nationalistes turcs. Le traité de Lausanne a établi les frontières internationalement reconnues de la République de Turquie moderne et a annulé les dispositions du traité de Sèvres, qui avait prévu la création d'un État kurde et reconnu un certain degré de protection pour les Arméniens. En n'incluant pas de disposition pour la création d'un Kurdistan ni de mesure pour les Arméniens, le traité de Lausanne a effectivement fermé la porte à la "question kurde" et à la "question arménienne" sur le plan international, laissant ces problématiques non résolues.

Dans le même temps, le traité a formalisé l'échange de populations entre la Grèce et la Turquie, ce qui a conduit à la "chasse des Grecs hors des territoires turcs", un épisode douloureux marqué par le déplacement forcé de populations et la fin de communautés historiques en Anatolie et en Thrace. Après la signature du traité de Lausanne, le Comité Union et Progrès (CUP), plus connu sous le nom de Jeunes Turcs, qui avait été au pouvoir pendant la Première Guerre mondiale, a été officiellement dissous. Plusieurs de ses dirigeants ont été exilés, et certains ont été assassinés dans le cadre d'opérations de représailles pour leur rôle dans le génocide arménien et les politiques destructrices de la guerre.

Dans les années qui ont suivi, la République de Turquie a été consolidée, et plusieurs associations nationalistes ont émergé avec pour objectif de défendre la souveraineté et l'intégrité de l'Anatolie. La religion a joué un rôle dans la construction de l'identité nationale, avec une distinction souvent évoquée entre l'"Occident chrétien" et l'"Anatolie musulmane". Ce discours a été utilisé pour renforcer la cohésion nationale et pour justifier la résistance contre toute influence ou intervention étrangère perçue comme une menace pour la nation turque. Le traité de Lausanne est donc considéré comme la pierre angulaire de la République de Turquie moderne, et son héritage continue de façonner la politique intérieure et extérieure de la Turquie, ainsi que ses relations avec ses voisins et les communautés minoritaires au sein de ses frontières.

L'arrivée de Mustafa Kemal Atatürk en Anatolie en mai 1919 a marqué le début d'une nouvelle phase dans la lutte pour l'indépendance et la souveraineté turque. S'opposant à l'occupation alliée et aux termes du traité de Sèvres, il s'est établi comme le leader de la résistance nationale turque. Dans les années qui ont suivi, Mustafa Kemal a mené plusieurs campagnes militaires cruciales. Il a combattu sur différents fronts : contre les Arméniens en 1921, contre les Français dans le sud de l'Anatolie pour redéfinir les frontières, et contre les Grecs, qui avaient occupé la ville d'Izmir en 1919 et avancé dans l'ouest de l'Anatolie. Ces conflits ont été des éléments clés du mouvement nationaliste turc pour établir un nouvel État-nation sur les ruines de l'Empire ottoman. La stratégie britannique dans la région était complexe. Confrontée à la possibilité d'un conflit élargi entre Grecs et Turcs d'une part, et entre Turcs et Britanniques de l'autre, la Grande-Bretagne a vu un avantage dans le fait de laisser les Grecs et les Turcs s'affronter, ce qui leur permettrait de concentrer leurs efforts ailleurs, notamment en Irak, un territoire riche en pétrole et stratégiquement important.

La guerre gréco-turque a culminé avec la victoire turque et le retrait grec de l'Anatolie en 1922, qui a abouti à la catastrophe d'Asie Mineure pour la Grèce et à une victoire majeure pour les forces nationalistes turques. La campagne militaire victorieuse de Mustafa Kemal a permis de renégocier les termes du traité de Sèvres et a abouti à la signature du traité de Lausanne en 1923, qui a reconnu la souveraineté de la République de Turquie et redéfini ses frontières. Parallèlement au traité de Lausanne, une convention pour l'échange de populations entre la Grèce et la Turquie a été établie. Cette convention a conduit à l'échange forcé de populations grecques orthodoxes et de populations turques musulmanes entre les deux pays, dans le but de créer des États ethniquement plus homogènes. Après avoir repoussé les forces françaises, conclu des accords de frontières et signé le traité de Lausanne, Mustafa Kemal a proclamé la République de Turquie le 29 octobre 1923, devenant son premier président. La proclamation de la République a marqué l'aboutissement des efforts de Mustafa Kemal pour fonder un État turc moderne, laïc et nationaliste sur les vestiges de l'Empire ottoman multiethnique et multiconfessionnel.

Après la conclusion du traité de Lausanne en 1923, qui a marqué la reconnaissance internationale de la République de Turquie et redéfini ses frontières, il restait encore des questions frontalières non résolues, notamment concernant la ville d'Antioche et la région de Mossoul. Ces questions ont nécessité des négociations supplémentaires et l'intervention d'organisations internationales pour être résolues. La ville d'Antioche, située dans la région historiquement riche et culturellement diverse du sud de l'Anatolie, était un sujet de revendication entre la Turquie et la France, cette dernière exerçant un mandat sur la Syrie, y compris Antioche. Cette ville, avec son passé multiculturel et son importance stratégique, était un point de tension entre les deux pays. Finalement, après des négociations, Antioche a été attribuée à la Turquie, bien que la décision ait été source de controverses et de tensions. La question de la région de Mossoul était encore plus complexe. Riche en pétrole, la région de Mossoul était revendiquée à la fois par la Turquie et par la Grande-Bretagne, qui détenait un mandat sur l'Irak. La Turquie, s'appuyant sur des arguments historiques et démographiques, souhaitait l'inclure dans ses frontières, tandis que la Grande-Bretagne soutenait son inclusion dans l'Irak pour des raisons stratégiques et économiques, notamment en raison de la présence de pétrole.

La Société des Nations, précurseur de l'Organisation des Nations Unies, est intervenue pour résoudre ce différend. Après une série de négociations, un accord a été conclu en 1925. Selon cet accord, la région de Mossoul serait intégrée à l'Irak, mais la Turquie recevrait une compensation financière, notamment sous la forme d'une part des revenus pétroliers. Cet accord stipulait également que la Turquie devait reconnaître officiellement l'Irak et ses frontières. Cette décision a été cruciale pour la stabilisation des relations entre la Turquie, l'Irak et la Grande-Bretagne et a joué un rôle important dans la définition des frontières de l'Irak, influençant les développements futurs du Moyen-Orient. Ces négociations et les accords qui en ont résulté illustrent la complexité des dynamiques post-première Guerre mondiale au Moyen-Orient. Elles montrent comment les frontières modernes de la région ont été façonnées par un mélange de revendications historiques, de considérations stratégiques et économiques, et d'interventions internationales, souvent reflétant les intérêts des puissances coloniales plutôt que ceux des populations locales.

La période post-première Guerre mondiale en Turquie a été marquée par des réformes radicales et des transformations menées par Mustafa Kemal Atatürk, qui a cherché à moderniser et séculariser la nouvelle République de Turquie. En 1922, une étape cruciale a été franchie avec l'abolition du sultanat ottoman par le parlement turc, une décision qui a mis fin à des siècles de règne impérial et a consolidé le pouvoir politique à Ankara, la nouvelle capitale de la Turquie. L'année 1924 a vu une autre réforme majeure avec l'abolition du califat. Cette décision a éliminé le leadership religieux et politique islamique qui avait été une caractéristique de l'Empire ottoman et a représenté un pas décisif vers la laïcisation de l'État. Parallèlement à cette suppression, le gouvernement turc a créé la Diyanet, ou la Présidence des affaires religieuses, une institution destinée à superviser et à réguler les questions religieuses dans le pays. Cette organisation avait pour but de placer les affaires religieuses sous le contrôle de l'État et de garantir que la religion ne serait pas utilisée à des fins politiques. Mustafa Kemal a ensuite mis en œuvre une série de réformes visant à moderniser la Turquie, souvent qualifiées de "modernisation autoritaire". Ces réformes comprenaient la laïcisation de l'éducation, la réforme du code vestimentaire, l'adoption d'un calendrier grégorien, et l'introduction de la loi civile en remplacement de la loi religieuse islamique.

Dans le cadre de la création d'un État-nation turc homogène, des politiques d'assimilation ont été mises en place à l'égard des minorités et des différentes ethnies. Ces politiques incluaient la création de patronymes turcs pour tous les citoyens, l'encouragement à adopter la langue turque et la culture turque, et la fermeture des écoles religieuses. Ces mesures visaient à unifier la population sous une identité turque commune, mais elles ont également soulevé des questions de droits culturels et d'autonomie pour les minorités. Ces réformes radicales ont transformé la société turque et ont jeté les bases de la Turquie moderne. Elles reflètent la volonté de Mustafa Kemal de créer un État moderne, laïc et unitaire, tout en naviguant dans le contexte complexe de l'après-guerre et des aspirations nationalistes. Ces changements ont profondément marqué l'histoire turque et continuent d'influencer la politique et la société turques aujourd'hui.

La période des années 1920 et 1930 en Turquie, sous la direction de Mustafa Kemal Atatürk, a été caractérisée par une série de réformes radicales visant à moderniser et occidentaliser le pays. Ces réformes ont touché presque tous les aspects de la vie sociale, culturelle et politique turque. L'une des premières mesures a été la création du ministère de l'Éducation, qui a joué un rôle central dans la réforme du système éducatif et la promotion de l'idéologie kémaliste. En 1925, l'une des réformes les plus symboliques a été l'imposition du port du chapeau européen, remplaçant le fez traditionnel, dans le cadre d'une politique visant à moderniser l'apparence et les coutumes vestimentaires des citoyens turcs.

Les réformes juridiques ont également été importantes, avec l'adoption de codes juridiques inspirés de modèles occidentaux, notamment le code civil suisse. Ces réformes visaient à remplacer le système juridique ottoman, fondé sur la charia (loi islamique), par un système juridique moderne et laïque. La Turquie a également adopté le système métrique, un calendrier grégorien et a changé son jour de repos de vendredi (traditionnellement observé dans les pays musulmans) à dimanche, alignant ainsi le pays sur les normes occidentales. L'une des réformes les plus radicales a été le changement de l'alphabet en 1928, passant de l'écriture arabe à un alphabet latin modifié. Cette réforme visait à accroître l'alphabétisation et à moderniser la langue turque. L'Institut de l'histoire turque, créé en 1931, faisait partie d'un effort plus large pour réinterpréter l'histoire turque et promouvoir l'identité nationale turque. Dans le même esprit, la politique de purification de la langue turque visait à éliminer les emprunts arabes et persans et à renforcer la théorie de la "Langue-soleil", une idéologie nationaliste qui affirmait l'origine ancienne et la supériorité de la langue et de la culture turques.

Concernant la question kurde, le gouvernement kémaliste a poursuivi une politique d'assimilation, considérant les Kurdes comme des "Turcs montagnards" et tentant de les intégrer dans l'identité nationale turque. Cette politique a conduit à des tensions et des conflits, notamment lors des répressions contre les populations kurdes et non musulmanes en 1938. La période kémaliste a été une ère de transformation profonde pour la Turquie, marquée par des efforts pour créer un État-nation moderne, laïc et homogène. Cependant, ces réformes, tout en étant progressistes dans leur intention de modernisation, ont également été accompagnées de politiques autoritaires et d'efforts d'assimilation qui ont laissé un héritage complexe et parfois controversé dans la Turquie contemporaine.

La période kémaliste en Turquie, qui a débuté avec la fondation de la République en 1923, a été caractérisée par une série de réformes visant à centraliser, nationaliser et séculariser l'État, ainsi qu'à européaniser la société. Ces réformes, menées par Mustafa Kemal Atatürk, visaient à rompre avec le passé impérial et islamique de l'Empire ottoman, perçu comme un obstacle au progrès et à la modernisation. L'objectif était de créer une Turquie moderne, alignée sur les valeurs et les normes occidentales. Dans cette perspective, l'héritage ottoman et islamique était souvent dépeint de manière négative, associé à l'arriération et à l'obscurantisme. Le tournant vers l'Occident se manifestait dans les domaines de la politique, de la culture, du droit, de l'éducation, et même dans le mode de vie quotidien.

Toutefois, avec l'arrivée du multipartisme dans les années 1950, le paysage politique turc a commencé à changer. La Turquie, qui avait fonctionné comme un État à parti unique sous le régime du Parti républicain du peuple (CHP), a commencé à s'ouvrir au pluralisme politique. Cette transition n'a pas été sans tensions. Les conservateurs, qui avaient souvent été marginalisés pendant la période kémaliste, ont commencé à remettre en question certaines des réformes kémalistes, en particulier celles concernant la laïcité et l'occidentalisation. Le débat entre laïcité et valeurs traditionnelles, entre occidentalisation et identité turque et islamique, est devenu un thème récurrent dans la politique turque. Les partis conservateurs et islamistes ont gagné du terrain, remettant en question l'héritage kémaliste et plaidant pour un retour à certaines valeurs traditionnelles et religieuses.

Cette dynamique politique a parfois conduit à des répressions et à des tensions, les différents gouvernements cherchant à consolider leur pouvoir tout en naviguant dans un environnement politique de plus en plus diversifié. Les périodes de tensions politiques et de répressions, notamment lors des coups d'État militaires de 1960, 1971, 1980 et de la tentative de 2016, témoignent des défis auxquels la Turquie a été confrontée dans sa quête d'équilibre entre modernisation et tradition, laïcité et religiosité, occidentalisation et identité turque. Ainsi, la période post-1950 en Turquie a vu un rééquilibrage complexe et parfois conflictuel entre l'héritage kémaliste et les aspirations d'une partie de la population à un retour aux valeurs traditionnelles, reflétant les tensions continues entre modernité et tradition dans la société turque contemporaine.

La Turquie, en tant qu'alliée stratégique de l'Occident, notamment depuis son adhésion à l'OTAN en 1952, a dû concilier ses relations avec l'Occident et ses propres dynamiques politiques internes. Le multipartisme, introduit dans les années 1950, a été un élément clé de cette conciliation, reflétant une transition vers une forme plus démocratique de gouvernance. Cependant, cette transition a été marquée par des périodes d'instabilité et d'intervention militaire. En effet, la Turquie a connu plusieurs coups d'État militaires, environ tous les dix ans, notamment en 1960, 1971, 1980, et une tentative en 2016. Ces coups d'État étaient souvent justifiés par les militaires comme étant nécessaires pour restaurer l'ordre et protéger les principes de la République turque, notamment le kémalisme et la laïcité. Après chaque coup d'État, l'armée a généralement convoqué de nouvelles élections pour revenir à un régime civil, bien que l'armée ait continué à jouer un rôle de gardien de l'idéologie kémaliste.

Cependant, depuis les années 2000, le paysage politique turc a connu un changement significatif avec l'ascension des partis conservateurs et islamistes, en particulier le Parti de la justice et du développement (AKP). Sous la direction de Recep Tayyip Erdoğan, l'AKP a remporté plusieurs élections et a conservé le pouvoir pendant une période prolongée. Le gouvernement de l'AKP, bien qu'il prône des valeurs plus conservatrices et islamiques, n'a pas été renversé par l'armée. Cela représente un changement par rapport aux décennies précédentes où les gouvernements perçus comme s'écartant des principes kémalistes étaient souvent ciblés par des interventions militaires. Cette stabilité relative du gouvernement conservateur en Turquie suggère un rééquilibrage des forces entre l'armée et les partis politiques civils. Cela peut être attribué à une série de réformes visant à réduire le pouvoir politique de l'armée, ainsi qu'à un changement dans l'attitude de la population turque, qui est devenue de plus en plus réceptive à une gouvernance reflétant des valeurs conservatrices et islamiques. La dynamique politique de la Turquie contemporaine reflète les défis d'un pays naviguant entre son héritage kémaliste laïque et les tendances conservatrices et islamistes croissantes, tout en maintenant son engagement envers le multipartisme et les alliances occidentales.

La Turquie moderne a été confrontée à divers défis internes, y compris la gestion de sa diversité ethnique et religieuse. Les politiques d'assimilation, en particulier envers les populations kurdes, ont joué un rôle significatif dans le renforcement du nationalisme turc. Cette situation a engendré des tensions et des conflits, notamment avec la minorité kurde, qui n'a pas bénéficié du statut de millet (communauté autonome) qui était accordé à certaines minorités religieuses sous l'Empire ottoman. L'influence de l'antisémitisme et du racisme européens au cours du 20ème siècle a également eu un impact sur la Turquie. Dans les années 1930, des idées discriminatoires et xénophobes, influencées par les courants politiques et sociaux en Europe, ont commencé à se manifester en Turquie. Cela a abouti à des événements tragiques tels que les pogroms contre les Juifs en Thrace en 1934, où des communautés juives ont été ciblées, attaquées et contraintes de fuir leurs domiciles.

En outre, la loi d'imposition sur la richesse (Varlık Vergisi) introduite en 1942 a été une autre mesure discriminatoire qui a affecté principalement les minorités non turques et non musulmanes, y compris les Juifs, les Arméniens et les Grecs. Cette loi imposait des taxes exorbitantes sur la richesse, disproportionnellement élevées pour les non-musulmans, et ceux qui ne pouvaient pas payer étaient envoyés dans des camps de travail, notamment à Aşkale, dans l'est de la Turquie. Ces politiques et événements ont été le reflet de tensions ethniques et religieuses au sein de la société turque et d'une période où le nationalisme turc a parfois été interprété de manière exclusive et discriminatoire. Ils ont également souligné la complexité du processus de formation d'un État-nation dans une région aussi diverse que l'Anatolie, où une multitude de groupes ethniques et religieux coexistaient. Le traitement des minorités en Turquie pendant cette période reste un sujet sensible et controversé, reflétant les défis auxquels le pays a été confronté dans sa quête d'une identité nationale unifiée tout en gérant sa diversité interne. Ces événements ont également eu des répercussions à long terme sur les relations entre différents groupes ethniques et religieux en Turquie.

La distinction entre sécularisation et laïcité est importante pour comprendre les dynamiques sociales et politiques dans divers contextes historiques et géographiques. La sécularisation se réfère à un processus historique et culturel au cours duquel les sociétés, les institutions et les individus commencent à se détacher de l'influence et des normes religieuses. Dans une société sécularisée, la religion perd progressivement son influence sur la vie publique, les lois, l'éducation, la politique, et d'autres domaines. Ce processus ne signifie pas nécessairement que les individus deviennent moins religieux sur le plan personnel, mais plutôt que la religion devient une affaire privée, distincte des affaires publiques et de l'État. La sécularisation est souvent associée à la modernisation, au développement scientifique et technologique, et à l'évolution des normes sociales. La laïcité, en revanche, est une politique institutionnelle et légale par laquelle un État se déclare neutre en matière de religion. Il s'agit d'une décision de séparer l'État des institutions religieuses, garantissant que les décisions gouvernementales et les politiques publiques ne sont pas influencées par des doctrines religieuses spécifiques. La laïcité peut coexister avec une société profondément religieuse; elle concerne surtout la manière dont l'État gère sa relation avec les différentes religions. En théorie, la laïcité vise à garantir la liberté de religion, en traitant toutes les religions de manière égale et en évitant le favoritisme envers une religion spécifique.

Les exemples historiques et contemporains montrent différentes combinaisons de ces deux concepts. Par exemple, certains pays européens ont connu une sécularisation importante tout en maintenant des liens officiels entre l'État et certaines églises (comme le Royaume-Uni avec l'Église d'Angleterre). D'autre part, des pays comme la France ont adopté une politique stricte de laïcité (laïcité), tout en étant historiquement des sociétés fortement imprégnées de traditions religieuses. En Turquie, la période kémaliste a vu l'introduction d'une forme stricte de laïcité avec la séparation de la mosquée et de l'État, tout en vivant dans une société où la religion musulmane a continué à jouer un rôle significatif dans la vie privée des individus. La politique de laïcité kémaliste visait à moderniser et à unifier la Turquie, s'inspirant des modèles occidentaux, tout en naviguant dans le contexte complexe d'une société qui avait une longue histoire d'organisation sociale et politique autour de l'islam.

La période postérieure à la Seconde Guerre mondiale en Turquie a été marquée par plusieurs incidents qui ont exacerbé les tensions ethniques et religieuses dans le pays, affectant notamment les minorités. Parmi ces incidents, l'attentat à la bombe dans la maison natale de Mustafa Kemal Atatürk à Thessalonique en 1955 (alors en Grèce) a servi de catalyseur à un des événements les plus tragiques de l'histoire moderne turque : les pogroms d'Istanbul. Les pogroms d'Istanbul, également connus sous le nom d'événements du 6-7 septembre 1955, ont été une série de violentes attaques principalement dirigées contre la communauté grecque de la ville, mais aussi contre d'autres minorités, notamment arméniennes et juives. Ces attaques ont été déclenchées par des rumeurs sur l'attentat à la bombe contre la maison natale d'Atatürk et ont été exacerbées par des sentiments nationalistes et anti-minoritaires. Les émeutes se sont traduites par des destructions massives de propriétés, des violences et le déplacement de nombreuses personnes.

Cet événement a marqué un tournant dans l'histoire des minorités en Turquie, entraînant une diminution significative de la population grecque d'Istanbul et un sentiment général d'insécurité parmi les autres minorités. Les pogroms d'Istanbul ont également révélé les tensions sous-jacentes au sein de la société turque concernant les questions d'identité nationale, de diversité ethnique et religieuse, et les défis de maintenir l'harmonie dans un État-nation diversifié. Depuis lors, la proportion de minorités ethniques et religieuses en Turquie a considérablement diminué en raison de divers facteurs, notamment l'émigration, les politiques d'assimilation, et parfois les tensions et conflits intercommunautaires. Bien que la Turquie moderne se soit efforcée de promouvoir une image de société tolérante et diversifiée, l'héritage de ces événements historiques continue d'influencer les relations entre les différentes communautés et la politique de l'État envers les minorités. La situation des minorités en Turquie reste un sujet sensible, illustrant les défis auxquels sont confrontés de nombreux États dans la gestion de la diversité et dans la préservation des droits et de la sécurité de toutes les communautés au sein de leurs frontières.

Les Alévis

Les Alévis sont heureux de voir la création de la nouvelle république turque, car promet la laïcité et de sécularisme. Mais dès la suppression du califat, la Dyianet est créée pour promouvoir l'islam sunnite (construction de mosquées …) ce qui va leur poser problème sans pour autant rendre les choses très compliquées – on parlait de meurtres du temps de l'Empire ottoman.

Dans les années 1960, le premier parti politique alévi se crée même si un autre parti politique de gauche communiste répond mieux aux demandes de l'électorat kurde et alévi.

Dès les années 1970, une extrême droite fait son apparition et prône la discrimination contre les alévis: massacres, pogroms (1978, 1980), scène de décapitation, etc. En 1993, des intellectuels alévis seront brûlés vifs dans un hôtel. En 1995, le quartier de Gazi sera touché par un massacre contre cette population. Dès 2002, le nouveau pouvoir promeut encore plus le culte sunnite et renforce la politique d'assimilation (Cf. Kemal) : la communauté est donc forcée de se rendre à la mosquée alors que ne pratique pas l'islam sunnite. Les Alévis sont turcophones et/ou kurdophones, même si leur foi est totalement déterminante de leur communauté.

L'Iran

Ce pays représente aussi un autre cas de modernisation autoritaire. Peu avant la Première Guerre mondiale, en 1907, le pays est au bord de l'implosion : pertes territoriales, l’armée n'arrive pas à gérer l'influence de l'État, réticences des Britanniques à l'établissement d'un pouvoir central fort. Ces derniers concluent un accord de partage du territoire avec la puissance russe, le tout dans le cadre de l’entente anglo-russe.

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En 1921, le militaire Reza Khan va procéder à un coup d'État et créer un gouvernement, une administration et une armée pour constituer un pouvoir central. Il parvient aussi à trouver un accord avec les Britanniques, notamment sur la question du pétrole. En 1925, la dynastie Kadjar prend fin et une année plus tard, Reza Kahn se proclame Reza Chah de la dynastie Pahlavi. Khan va s'inspirer des réformes de Kemal et va procéder à une modernisation autoritaire : suppression de tous les pouvoirs intermédiaires, introduction des systèmes métriques, développement des réseaux de transports, réformes culturelles et vestimentaires, fort nationalisme (exaltation du passé iranien, basé sur la langue perse). Toutes ces réformes seront faites au prix de la censure, d'une baisse de la liberté d'expression, purification de la langue, répression générale, contrôle des appareils politiques. On introduit aussi vers la fin des années 1920 certains codes (civil, pénal, vestimentaire).

En décembre 1934, la Perse n'est plus, on appelle désormais le pays l'Iran (renforcement par rapport à l'Occident). La propagande nazie, résonnante en Orient, va convaincre le Chah qui, en réalité, compte uniquement s'appuyer sur les Allemands pour contrer le pouvoir britannique. Malheureusement, il devra laisser sa place à son fils, Mohammed Reza, encore trop jeune pour gouverner. Se pose aussi la question du ravitaillement des forces soviétiques via le pays, sous contrôle des forces interalliées.

En 1951, le Premier Ministre, Mossadegh, affirme que l'indépendance des Iraniens passe par le contrôle des ressources : il décidera de nationaliser les puits de pétrole, ce qui va lui coûter très cher. Les Britanniques parviennent à convaincre les États-Unis d'intervenir, via l'opération Ajax (CIA), en destituant le gouvernement du Premier Ministre. En 1953, bien que démocratiquement élu, Mossadegh est humilié et quitte le pouvoir. Le Chah devient de plus en plus puissant et projette de moderniser l'Iran. Depuis 1955, le pays appartient au Pacte de Bagdad ce qui le place du côté du bloc occidental. En effet, il souhaite profiter du contexte de la guerre froide pour se trouver des alliés (USA) et procède à la "Révolution blanche", une modernisation sous forme d’américanisation : mode de production, de consommation, … Les experts américains sur le sol bénéficieront de privilèges, ce qui renforce les tensions des milieux religieux. Parallèlement, on procède à la réforme de l'agriculture qui s'oriente vers les bienfaits de l'économie et non plus ceux de l'Islam (Cf. offrandes des Imams). On réprime l'opposition tout comme la gauche communiste et via ces réformes couplées aux répressions qui s'ensuivent, le Chah va provoquer malgré lui la fédération de toutes ces oppositions en une force commune.

 Lors du 235ème anniversaire de l'Empire perse, Mohammad Reza Chah Pahlavi va provoquer au changement de calendrier : quelques années plus tard, on rechangera pour l'ancien.

De grosses manifestations vont se constituer et le Chah, malade, ne peut répondre aux attentes du peuple, ce qui débouchera sur la révolution islamiste de 1979. Il quitte le pouvoir en s’exilant la même année alors que l’ayatollah (membre le plus élevé du clergé chiite) Rouhollah Khomeini revient sur le sol iranien après 15 ans. Les forces armées de la révolution proclament la neutralité et Khomeini déclare la fin de la monarchie et met en place un gouvernement provisoire. La révolution sera appuyée par de nombreux intellectuels, tout comme Michel Foucault. On procède à une théocratie chiite. Quelque part, Saddam Hussein sauve la révolution en déclarant la guerre au pays : c'est le sursaut du sentiment national comme facteur de cohésion, via le pouvoir religieux, qui permet d’ancrer définitivement la république comme forme de l’État iranien.  La République n'a pas été proclamée, mais a vu le jour avec la révolution islamique.  La laïcité n'est pas inscrite dans la constitution.

L'Égypte

Cet État a aussi été créé via une révolution. C'est un berceau de civilisations, succession de dominations (perse, romaine, …). Dès 1639, l'Égypte devient musulmane et ottomane dès 1517 (prise du Caire). Dès le 18ème siècle, le pays devient très intéressant pour les Britanniques. Le Nahda, la renaissance arabe, aura lieu sur le territoire égyptien sous le régime de Mehmet Ali. Au fil du temps, le pays ira même jusqu'à contester l'Empire ottoman (Cf. Ibrahim Pacha, fils de Mehmet Ali). Il devient très important en 1869 suite à l'ouverture du canal de Suez. Parallèlement, on assiste au déclin des questions économiques et donc de la modernisation (pressions des Alliés). Des prêts vont être contractés et dès 1876, une commission franco-britannique va se charge de l'administration du pays qui n'arrive pas à rembourser ses dettes. Le mécontentement est fort dans les classes populaires et les Britanniques s'établiront complètement au pouvoir dès 1880.

Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, l'enjeu du canal devient primordial ce qui pousse les Britanniques à proclamer leur protectorat sur l'Égypte (de jure). Après la guerre, les Égyptiens revendiquent leur indépendance pour avoir participé largement à la guerre (corvées, famines), ce qui provoque l'ire de la Grande-Bretagne qui va empêcher par tous les moyens la délégation égyptienne d'arriver à Paris pour faire valoir ses revendications : elle sera stoppée sur l’île de Malte. Là, la notion de « Wafd » (« délégation ») émerge dans l'histoire de l'Égypte.

Le mouvement révolutionnaire nationaliste se renforce et pousse les Britanniques à abroger leur protectorat en 1922, mais sous réserves : la présence des militaires britanniques autour du canal de Suez, occupation du Soudan (source du Nil), … Le sultan Fouad 1er se proclame rapidement roi et est très lié à la Grande-Bretagne. En 1927, les Frères Musulmans sont fondés pour maintenir une société conforme à la tradition musulmane (et contre une occidentalisation du pays). L'instabilité politique force la Grande-Bretagne à signer un nouveau traité avec l'Égypte pour éviter que les puissances fascistes ne mettent la main sur le pays : l'indépendance du pays se voit donc renforcée.

Le 23 juillet 1952, les Officiers Libres prennent le pouvoir, dont un se fait remarquer : il s'agit de Nasser. Son idée de panarabisme ainsi que la nationalisation du canal de Suez fait de sa politique un caractère très nationaliste et tiers-mondiste. Le socialisme de Nasser est développementaliste, car n'empêche pas la constitution d'une bourgeoisie égyptienne. Les Soviétiques vont s'en approcher, notamment pour la réalisation du barrage d'Assouan.

Pour constituer un État panarabe, il faut éradiquer Israël : la guerre de Six Jours va être perdue en 1966. Nasser mourra en 1970. Son successeur, Sadate, va procéder à une étatisation du pays : relance économique, remise en question du concept panarabe et même rapprochement avec Israël (accords de Camp David), ce qui va conduire à l'exclusion de l'Égypte de la Ligue Arabe. Cela marque pour certains experts la fin du panarabisme. Sadate est tué par les Frères Musulmans, son successeur est Hosni Moubarak. Il va réprimer les Frères Musulmans mais va être chassé lors du Printemps arabe pour laisser la place à Mohamed Morsi. Le Général Sissi procédera à un coup d'État et prend le pouvoir en mai 2014.

L'Arabie Saoudite

L'État est très jeune et d'une nature différente. On est obligé de parler d'un élément particulier pour comprendre sa constitution : c'est l'idéologie du wahhabisme.

En 1744, un pacte est conclu entre Saoud et Wahhab dans le but de faire triompher le règne de la parole de Dieu : il faut revenir à une forme plus pure de l'Islam et conquérir des territoires dans le but de créer un État. De nombreuses tentatives auront lieu, la première dès le 18ème siècle. Le Chiisme est considéré comme étranger à l'Islam et en 1803, la Mecque sera attaquée. La tentative échoue, car Mehmet Ali, envoyé par l'Empire ottoman, fera décapiter le général saoudien. La deuxième tentative en 1820-1840 échouera également. Dès 1900-01, une partie de la famille Saoud va revenir de son exil et reprend son projet de créer un état saoudien.

En 1915, les Britanniques vont contacter le Chérif Hussein (Hachémite) et, dans le même temps, ses ennemis, les Saoudiens. Les Saoudiens ne se révolteront pas, Hussein est isolé. Il finit par se proclamer Calife, ce qui pousse les Saoudiens à l'attaquer. En 1926, Ibn Saoud se proclame roi du Hejaz, reconnu par la Russie, la France et la Grande-Bretagne. En 1932, le Royaume de l'Arabie Unie est proclamé qui regroupe la Nejd et le Hejaz. Aussi, le pétrole va être découvert, ce qui va aider le royaume – et d'autant plus dans un contexte de guerre mondiale. Il devient donc allié privilégié des Français et des Britanniques.

On craint que la révolution islamique en Iran s'exporte en Arabie saoudite, ce qui la renforce dans sa position d'alliée. Le wahhabisme devient le fer de lance de la lutte antisoviétique. En 1981, on crée le Conseil de Coopération du Golfe dont l'Arabie Saoudite prendra une place importante. Saddam Hussein va envahir le Koweït : les bases militaires seront créées en Arabie Saoudite pour contrer l'offensive irakienne. En revanche, Al-Qaïda se retourne contre les Américains, considérant qu'ils aient profané la terre sainte de l'islam durant ce processus.

 Le 20 novembre 1979, des fondamentalistes islamistes prennent contrôle de la Mosquée de la Mecque, leur leadeur revendiquant le statut de Madhi, considérant que les Saouds corrompus et profitant du luxe, s’ouvrant à la société occidentale. Des milliers d’otages sont retenus jusqu’au 4 décembre, date de la bataille libératrice qui fit plus de 200 morts.

Les pays créés par décrets

La Société des Nations possédait plusieurs mandats (A, B, C), classés sur un degré d'ancienneté et de "civilisation". Les anciens territoires de l'Empire ottoman étaient relativement bien « civilisés » et donc se voyaient attribuer un mandat de type A.

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À ce moment, les Américains ne sont pas en faveur du maintien des conquêtes territoriales et souhaiteraient qu'ils soient accessibles à tout le monde – ce qui avantage leur position d'un point de vue commercial. Néanmoins, les Britanniques et les Français ont obtenu des gains de terres considérables : un compromis est donc décidé à travers les mandats dont s'ensuit un long procédé (conférence de San Remo, du Caire, traités de Sèvres puis de Lausanne).

En 1919, les territoires sont partagés entre les différentes puissances. On remarque une grande hostilité des populations locales face au mandat et la majorité de celles-ci souhaite la création d'un État arabe. Farouchement opposés aux occidentaux, ils sont moins réticents envers les américains.

La Syrie

Fayçal, fils d’Hussein ben Ali, se rendant à la conférence de paix à Paris, comprend que quelque chose ne joue lorsque les Français s'opposent à la création de son royaume – les Britanniques ne le soutiennent pas du tout. Pour renforcer sa position, il signe un accord avec Clemenceau pour établir un protectorat sur la Syrie, chose qu'il ne dévoile pas à ses partisans. De leur côté, l'État est en cours de création : éducation, réformes, armée, administration. En 1920, les Français souhaitent récupérer les territoires définis par les accords Sykes-Picot. En juillet de la même année se déroule la bataille de Mayssaloun : l'armée de Fayçal est écrasée et lui est forcée à l'exil. Le mandat devient donc une conquête territoriale.

La France procède à des divisions et va séparer les territoires pour créer des républiques : celle de Syrie et celle du Liban – bien que les territoires appartiennent au même peuple historiquement parlant. La Syrie sera divisée en plusieurs États, selon des critères religieux ou ethniques. Le tout sera fait dans un but d'empêcher une mobilisation arabe sur l'entier du territoire ("diviser pour mieux régner"). De plus, à travers les hauts représentants, la France va diriger la république comme un de ses départements (selon le modèle centralisé). Une administration directe est mise en place rapidement, ce qui va aggraver les frustrations arabes. En 1925, la grande révolte syrienne éclate et se prolongera sur plus de 2 ans. En effet, les Druzes ne sont plus les maîtres et perdent leurs privilèges. La répression est terrible : bombardements, exposition des corps des révoltés, etc.

Au final, le peuple ne sera pas aidé, la gestion se rapproche énormément d'une colonie. Le nationalisme syrien grandissant parvient tout de même à décrocher l'indépendance du pays. Néanmoins, dans un contexte de deuxième guerre mondiale, la Turquie, liée à l'Allemagne nazie, devient problématique. La France va donc offrir un bout de territoire (Antioche, Alexandrette) aux Turcs pour éviter une alliance dangereuse entre ces deux puissances. En 1939, un plébiscite finit par accréditer la cession de ce territoire au profit de la Turquie.

Durant la Deuxième Guerre mondiale, le gouvernement de Vichy permet aux Allemands d'utiliser les infrastructures militaires (aéroports) basées au Liban. Les Britanniques ne peuvent laisser passer cet outrage et procéderont de telle manière pour que, une fois la guerre finie, les Français doivent renoncer à leur autorité sur le territoire et déclarer l'indépendance du pays.

Cette dernière va pousser dans une direction panarabe et très nationaliste. Bien qu'affaiblie, la Syrie participera à la guerre de 1948 contre Israël. Suite à la défaite, elle poussera le pays au bord du gouffre et ouvrira la porte à un trait caractéristique de l'époque contemporaine de ce pays : les coups d'États. En effet, avec l'expérience des protectorats, le contrôle de l'État se fait via l'armée, seule institution durable entre les changements de gouvernance.

Le baasisme se développera encore plus. On se dit de plus en plus qu'une alliance avec Nasser est plus qu'intéressante : en 1958, les deux pays proclament la République arabe unie. Rapidement, le leadership de Nasser apparaît clairement comme vocation principale de ce projet – la Syrie serait réduite à l'état de province de l'Égypte. En 1961, un coup d'État prend lieu pour échapper à la République arabe unie par des régionalistes, ce qui aggrave encore plus la déstabilisation du pays. En 1963, les baasistes procèdent à un nouveau coup d'État : réformes, sécularisation, éducation, agriculture, etc. On appellera ça le socialisme arabe. En 1966, la tendance socialiste du baasisme fera elle aussi son coup d'État. Une année plus tard, Israël gagne la guerre de Six Jours et affaiblit les Baas, ce qui plonge le pays dans le chaos. Hafez Al Assad fait son coup d'État en 1970, en accentuant le caractère national.

Il réalise qu'il faut une assise sociale ou légitimité pour conserver le pouvoir et va s'intéresser aux Alawites : les postes les plus importants leur seront donnés. Bien que le discours sur le panarabisme n’ait pas totalement disparu, la nation est toujours d'actualité. Il procédera aux mêmes méthodes que les Français en 1920: coopter, diviser, réprimer. Le pouvoir va se « confessionnaliser ». Toute l'opposition sera purgée sauf la partie islamiste, possédant une réelle assise sociale auprès du peuple. En 1982, Al Assad rasera une ville islamiste pour imposer une répression de grande ampleur, le tout avec une dimension symbolique.

Assad nécessite une personne d'autorité religieuse en tant que Fatwa (spécialiste de la loi islamique), chose qui ne peut pas être assumée par des Alawites, considérés comme non-musulmans. Hafez décède en 2000 et c'est son fils, Bachar Al Assad, qui est depuis au pouvoir.

Le Liban

Depuis le 16ème siècle, le territoire est sous contrôle ottoman. Il fait preuve d'une diversité particulière, au niveau ethnique et religieux : les druzes et le maronites (chrétiens) ont joué un grand rôle dans l'histoire de ce pays, surtout à cause de leur opposition.

Durant son mandat, la France va tenter de jouer le rôle de médiateur entre les deux populations. On applique une division administrative (Mutasarrifiyyah) sur le territoire, le mont Liban échappe au contrôle des ottomans. Par ailleurs, la France va dépêcher deux délégations libanaises à la conférence de paix de Paris pour contrecarrer les revendications de Fayçal.

L'État libanais est créé en 1921, une république avec un système politique particulier: le système communautaire. Ainsi, chaque communauté aura un poids sur la fonction étatique par rapport à son poids démographique. Les élites, déçues de ce système, se regroupent pour tenter d'imposer leurs revendications. Le système reste faible, car se base uniquement sur un recensement de population : la migration palestinienne tout comme le panarabisme vont provoquer des fluctuations dans la démographie libanaise. En 1970, les Jordaniens chassent les Palestiniens de leurs territoires, qui vont donc s'établir au Liban. Suite à ces événements, le Liban va être plongé dans une guerre civile, avec une occupation israélienne au Sud-Liban dès 1975.

La Syrie, dans une volonté d'annexer le Liban, va soutenir et s'associer avec les différentes communautés. En 1989, elle organise la conférence de Taëf : le Liban sort de la guerre civile, sous administration syrienne. On refuse de faire un recensement, de peur de déséquilibrer le pays. En 2005, Rafiq Hariri, Premier ministre libanais, est assassiné à Beyrouth, ce qui provoque des instabilités et de larges mouvements protestataires, conduisant à la révolte du Cèdre et au retrait des troupes syriennes du pays. Parallèlement, le Hezbollah, parti islamiste chiite fondé en 1982, ne veut pas se désarmer et le conflit de 2006 contre Israël va lui permettre de renforcer sa position sur l’échiquier de la résistance arabe.

Jordanie

Il faut revenir au mandat britannique sur la Palestine pour appréhender la formation de la Jordanie. Une des premières choses que la Grande-Bretagne va faire est de diviser le mandat en deux: la Palestine (conférence du Caire, 1922) et celui sur les émirats de Transjordanie. Le fils du Chérif Hussein, Abdallah, est le leader des révoltes dans une partie du territoire: pour le contenir, il devient émir de la Transjordanie. L'opposition sioniste se manifeste, elle, sur le fait que l'immigration juive est interdite par les Britanniques en Transjordanie.  Le fleuve Jordan détermine les notions de Trans- et de Cisjordanie.

Les Jordaniens vont créer la légion arabe, une armée sous contrôle d'un haut officier britannique. En 1946, la Jordanie devient indépendante. Deux ans plus tard, suite à la guerre civile, Israël proclame son indépendance, les États arabes s'opposent : l'émirat de la Transjordanie va occuper, donc annexer, la Cisjordanie.

En 1950, la moitié des sièges parlementaires est occupée par des députés palestiniens : le projet concret est en réalité l'annexion de la Cisjordanie. Les nationalistes palestiniens, au courant d'un accord secret entre les Israéliens et les Transjordaniens sur des questions d'autorité/souveraineté/territoire, s'opposent à cette loi et Abdallah est assassiné en 1952. Le territoire palestinien est perdu dans la guerre de 1967.

Le roi Hussein, petit-fils de Abdallah, régnera sur la Transjordanie jusqu'à sa mort, en ne réglant pas l'ambigüité palestinienne – notamment à cause de ses ambitions panarabes. En 1971, le roi procède au "Septembre noir" : les combattants palestiniens sont chassés du territoire de manière violente. Les quartiers généraux des chefs palestiniens sont bougés au Liban. Sur une question de principe, même en participant aux guerres israélo-arabes (Kippour), les Jordaniens entretiennent une relation proche avec Israël, sur des sujets en opposition avec les autres États arabes. À sa mort, Hussein est remplacé par son fils, Abdallah II.

Au final, les hachémites à qui on avait promis un état arabe, ne régneront que sur la Transjordanie. Lors de la Conférence d'Oslo (Accords d'Oslo), les diplomates jordaniens sont obligés de renoncer à toute ambition sur le territoire palestinien.

 Par ailleurs, la Jordanie bénéficie de l'aide américaine, État avec lequel le pays est en très bons termes.

Irak

L'État est composé de trois anciens territoires ottomans (villaet = provinces): Mosul, Baghdad et Basra. Les Britanniques ont toujours été intéressés par ce dernier, principalement pour son accès direct au Golfe – enjeu de protéger l'exploitation du pétrole en Perse. Le territoire, plus particulièrement celui de Mosul, est très intéressant pour plusieurs raisons:

  • Découverte de pétrole
  • Source des fleuves
  • Contrôle sur le nord pour assurer la stabilité du reste du territoire.

Gertrude Bell, archéologue, va militer pour donner le nom arabe d’« Irak » plutôt que Mésopotamie (grec). Dès lors, on jette les bases de tous les problèmes, contenus dans la question irakienne selon Pierre-Jean Luisard. On parle de massacres, d'instabilité et de violences, qui peuvent s'expliquer simplement par un rapport de domination des Sunnites sur les Chiites et une domination des Arabes sur les Kurdes.

Selon la méthode colonialiste, on place la minorité au pouvoir pour qu'elle reste subordonnée à la métropole. Ainsi, les élites sunnites, minoritaires, se retrouvent à la tête de l'Irak: Fayçal devient souverain hachémite du pays en 1920. Dès 1925, les contestations chiites et kurdes sont matées (avec l'aide de la Royal Air Force), l'État est stabilisé.

En 1932, l'Irak est le premier état créé par décret à devenir indépendant en adhérant à la Société des Nations. Néanmoins, l'administration gouvernementale reste sous contrôle des Britanniques – chaque ministre possédera un assistant britannique. En 1941, un coup d'État est tenté, la Grande-Bretagne intervient pour placer un nouveau roi au pouvoir. L'histoire se répète durant la guerre froide, l'Irak ayant un poids décisif dans les accords de Bagdad en 1955 : ces derniers cherchent à mener la politique américaine du « containment », visant à créer un « cordon sanitaire » pour contrer la montée en puissance de l’URSS. En 1958, la révolution renverse la monarchie, la république est proclamée, Abdel Karim Kassem est élu. C'est aussi la période où les gouvernements syrien et égyptien fondent la République arabe unie, organe que Kassem décide de ne pas rejoindre : il se rapproche des Kurdes et des chiites. En 1963, Kassem est tué en direct lors d'un coup d'État, Abdel Salam Aref le remplaçant à la tête du pouvoir. Ce dernier était baasiste et, contrairement à Kassem, se positionnait en faveur de la République arabe unie. À sa mort, son frère le remplacera en tant que président. Le baasisme s’est donc mis en place en Irak grâce au frère Aref dès le début des années 1960.

En 1979, Saddam Hussein devient le nouveau maître de l'Irak. Le processus d’étatisation de la tribu sera renforcé, toujours dans une optique baasiste : on cherche le soutien des Tiplit. Saddam va lancer des programmes de modernisation : école, économie, logement, etc. pour arriver finalement à la nationalisation du pétrole. Néanmoins, l'économie se fondera sur une société clientéliste et non pas selon une approche moderne. En 1980, Saddam Hussein déclare la guerre à l'Iran face aux provocations de Khomeini et pour éviter la propagation de sa révolution. Une alliance est mise en place entre la Syrie, l'Iran et le Hezbollah contre l'Irak. Au final plus d’un demi-million de soldats seront morts pour chacun des camps. La guerre ne donnera lieu à aucune réparation et n’induit aucun changement territorial. L’Iran accepte en 1988 le cessez-le-feu proposé par le Conseil de Sécurité, l’utilisation par l’Irak d’armes chimiques comme première étape d’une escalade de la violence du conflit.

En 1990, Saddam Hussein déclare la guerre au Koweït selon des revendications territoriales. La guerre onusienne est en réalité américaine, l'embargo produit des conséquences terribles. Avec la présidence Bush, l'imaginaire de l'Irak comme point de « l'axe du Mal » se renforce, d'autant plus avec les attentats du 11 septembre. Ce chaos sera le berceau du nouveau djihadisme représenté par Daesh/Al Quaida. Les Américains vont "débaasiser" l'Irak en démontant toute l'administration et l'armée : le pays est plongé dans le chaos. Les Chiites commencent à reprendre le contrôle du pays, les autres populations sont marginalisées dès le retrait en 2009 des Américains.

Israël

Le pays a été créé par décret ou par révolution, selon le point de vue. La déclaration de Balfour est primordiale pour comprendre la fondation de cet État. On peut retracer l'origine du conflit à travers celle-ci selon les historiens, qui pourraient même être datés: le 2 novembre 1917, date de la rédaction. Dans ce document, les populations non-juives ne sont pas nommées. Les intérêts britanniques ont joué un rôle prédominant dans le processus.

Néanmoins, le conflit ne commence pas dans le vide. Jérusalem a toujours connu une population juive, tout comme le nord du territoire. Dès les années 1800-1830, de plus en plus de populations juives vont quitter l'Europe pour la Palestine : le processus s'accélère notamment à cause des persécutions sous l'empire tsariste visant à réprimer la renaissance juive, Askala (Ashkénaze. La communauté souhaite faire revivre la culture et la tradition en s'intéressant notamment à la langue, Eliseth Beskeouda étant à l'origine de l'hébreu moderne.

Une partie de la population va émigrer aux USA. Léon Pinsker, médecin, réfléchit beaucoup à la question et pose les premières bases de l'idée de fondation d'un foyer national. Théodore Herzl, journaliste et écrivain austro-hongrois, va pousser cette idée encore plus loin en imaginant fonder ce foyer en France : l'affaire Dreyfus va entacher ses plans, preuve de l'antisémitisme récurrent à cette époque.

Selon l'histoire religieuse, les juifs sont tenus responsables depuis des siècles de la mort de Jésus ("le peuple déicide") par les chrétiens. Les manifestations de l'antisémitisme se déroulent dans un contexte socio-économique bien précis : au Moyen-Âge, les juifs ne peuvent travailler avec des chrétiens. Dès le 19ème siècle, l'antisémitisme devient "moderne", car trouvent ses racines sur une base raciale uniquement.

Vers la fin du 19ème siècle, le programme "Rovere Zion" (les amants de Zion) est créer, le congrès à Bâle est organisé en 1897 : les idées de Herzl sont discutées, on parle de migrer en Palestine. Entre 1903 et 1914, 30'000 juifs arrivent sur le territoire et créent la ville de Tel-Aviv. Les Kibboutz sont imaginés à cette période: des petits villages autonomes, dont la sécurité est très primordiale. Entre 1921 et 1931, 150'000 personnes arrivent en Palestine.

Les tensions se manifestent dès la déclaration de Balfour: de nombreux massacres entre les populations ont lieu. Cela débouche sur la création d'une force armée sioniste, la Hagana. Les milieux sionistes vont collaborer avec les puissances mandataires, ce qui provoque la colère des Arabes. Par ailleurs, l'Agence juive est mise en place pour coordonner le processus – l'achat de propriétés foncières en particulier.

Dès 1937, la Grande-Bretagne reconnaît son incapacité à gérer la situation sur place: ce sont les premiers signes du désengagement. La Société des Nations prend le relais et propose le premier plan de partage issu de la commission Peel. Cela provoque de nouvelles tensions, on assiste à l'émergence de formations extrémistes, des attentats sont fomentés. Un nouveau plan de partage est proposé en 1947, refusé par les arabes, car ne respectant pas leurs revendications.

En mai 1948, Israël déclare son indépendance alors que les Anglais quittent le territoire. Une coalition armée de pays arabes (Transjordanie, Syrie et Égypte) déclare la guerre à l’État juif. Alors que les Arabes prenaient l’avantage, les rapports de force s’échangent – l’URSS soutenant Israël pour chasser définitivement les Anglais du territoire. Le conflit se termine par le cessez-le-feu conclu entre février et juillet 1949.

En juin 1967, la guerre des Six Jours se déclare entre les mêmes protagonistes en plus du Liban, Israël ressortant vainqueur du conflit, triplant son emprise territoriale. – l’Égypte perdant la bande de Gaza et la péninsule du Sinaï. En 1973, guerre du Kippour. En 1979, les accords de Camp David sont négociés en secret entre Israël, l’Égypte (Sadate) et les États-Unis comme médiateurs (Jimmy Carter) et débouchent le premier traité de paix entre Israël et l’Égypte.

 Actuellement, l’un des points centraux de la lutte palestinienne consiste en la reconnaissance du droit de retour des réfugiés.


Annexes

Références