« Principes et Dilemmes des Biens Publics dans l'Économie de Marché » : différence entre les versions

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== La non-exclusion et le problème du resquilleur ==
== La non-exclusion et le problème du resquilleur ==


La non-exclusion est directement associée au problème du “passager clandestin” (free rider problem) ou des préférences non révélées.
La non-exclusion est en effet étroitement liée au problème du passager clandestin, également connu sous le nom de free rider problem en anglais. Ce problème survient lorsque des individus profitent d'un bien ou service sans contribuer à son coût. Cela est particulièrement problématique pour les biens publics, où la caractéristique de non-exclusion signifie que les fournisseurs ne peuvent pas empêcher les gens de consommer le bien, même s'ils ne paient pas pour celui-ci. Dans un tel contexte, certains individus peuvent choisir de ne pas payer pour le bien ou service en question, sachant qu'ils pourront tout de même en bénéficier grâce aux paiements des autres. Cela peut conduire à une sous-fourniture du bien, puisque les fournisseurs n'ont pas la recette nécessaire pour couvrir les coûts de production ou de maintien du bien. Si suffisamment d'individus choisissent de ne pas payer, le bien risque de ne pas être fourni du tout, malgré le fait qu'il soit socialement bénéfique.


La difficulté d’exclusion permet de consommer le bien sans avoir à en payer le prix et donc couvrir le coût.
Ce problème est également lié à celui des préférences non révélées, car les individus qui choisissent de ne pas payer pour le bien ne révèlent pas leur véritable évaluation ou demande pour celui-ci. Cela rend difficile pour les fournisseurs de mesurer la demande réelle et de planifier efficacement la provision du bien. La difficulté d'exclusion entraîne donc une défaillance du marché, car le mécanisme de prix ne fonctionne pas comme il le devrait pour rationner l'accès au bien et pour financer sa provision. C'est pourquoi les biens publics sont souvent financés par des mécanismes obligatoires comme les impôts, où la contribution individuelle n'est pas directement liée à la consommation, mais plutôt imposée pour couvrir le coût collectif du bien.


Exemples :
Le problème du passager clandestin se manifeste à travers diverses situations où un individu ou une entité bénéficie d'un bien ou d'un service sans contribuer à son coût, exploitant ainsi le système à son avantage. Un exemple classique est celui d'un phare qui fournit de la lumière pour la navigation. Les phares sont construits pour guider tous les navires passant à proximité, assurant leur sécurité et leur direction. Cependant, il n'existe aucun moyen pratique de forcer chaque bateau qui bénéficie de la lumière du phare à payer pour ce service. En conséquence, certains armateurs peuvent choisir de ne pas participer au financement du phare tout en profitant de ses services, ce qui peut compromettre l'entretien et la viabilité à long terme de ces aides essentielles à la navigation.
*un bateau qui ne paye pas mais bénéficie de l’éclairage d’un phare.
 
*la télévision publique et la redevance.
Dans le domaine de la diffusion télévisuelle, la situation est similaire. Les chaînes de télévision publique sont financées par les redevances, des contributions exigées des ménages possédant un appareil de télévision. Néanmoins, la diffusion des émissions est accessible à tous, indépendamment de leur statut de contributeur. Ainsi, même ceux qui évitent de payer la redevance peuvent regarder les programmes, soit par des moyens détournés, soit en profitant de la visualisation dans des lieux publics. Ce détournement crée un déficit dans le financement de la télévision publique et soulève des questions sur l'équité et la responsabilité financière. Un autre exemple illustrant ce problème est l'immunité collective conférée par les vaccinations. Quand une majorité de la population est vaccinée, la transmission des maladies infectieuses est considérablement réduite, créant un environnement dans lequel même les non-vaccinés sont moins susceptibles d'être infectés. Par conséquent, les personnes qui choisissent de ne pas se faire vacciner bénéficient indirectement des efforts de ceux qui le font, tout en évitant potentiellement les coûts et les risques associés à la vaccination. Cela peut conduire à une proportion plus faible de la population choisissant la vaccination, ce qui peut compromettre l'efficacité de l'immunité collective et la santé publique dans son ensemble.
*les personnes non vaccinées bénéficient implicitement de la vaccination des autres, car la diffusion de la maladie est limitée.
 
Ces exemples mettent en lumière un défi central de la provision des biens publics : comment s'assurer que ceux qui bénéficient des biens contribuent équitablement à leur création et à leur maintien. Les solutions à ce problème varient, mais elles impliquent souvent une forme de financement obligatoire, comme les taxes ou les redevances, pour garantir que ces services essentiels restent disponibles pour le bien commun.


== Comportement stratégique du resquilleur ==
== Comportement stratégique du resquilleur ==


La théorie des jeux permet de montrer que les individus ont une incitation naturelle à adopter un comportement de "passager clandestin", qui conduit à une situation sous-optimale pour tous.
La théorie des jeux est une branche des mathématiques et de l'économie qui analyse les stratégies adoptées par les individus dans des situations où leurs choix sont interdépendants. Un des concepts les plus connus dans ce domaine est celui du dilemme du prisonnier, qui met en lumière les difficultés de coopération entre parties ayant des intérêts interdépendants. John Nash, qui a reçu le prix Nobel d'économie en 1994 pour ses contributions, a développé un concept clé connu sous le nom d'équilibre de Nash. Cet équilibre survient dans un jeu lorsque chaque joueur a choisi la meilleure stratégie possible, compte tenu des choix des autres joueurs. Aucun joueur n'a alors intérêt à changer unilatéralement de stratégie.
 
Dans le contexte du dilemme du prisonnier, deux détenus sont confrontés à un choix : coopérer avec l'autre en restant silencieux ou trahir l'autre en confessant. Le choix de trahir peut sembler rationnel pour un individu car il maximise son gain personnel, sans tenir compte de l'impact de ce choix sur l'autre prisonnier ou sur le résultat collectif. Si les deux détenus optent pour la trahison, croyant agir dans leur meilleur intérêt, ils se retrouvent finalement tous les deux dans une situation pire que si ils avaient coopéré. Cette situation est analogue au problème du passager clandestin dans la provision de biens publics. Chaque individu peut choisir de ne pas contribuer au financement d'un bien public (trahir dans le dilemme du prisonnier), ce qui est rationnel du point de vue individuel si l'on considère uniquement l'intérêt personnel immédiat. Cependant, si tout le monde adopte cette stratégie, le bien public ne sera pas financé ou sera sous-financé, ce qui est préjudiciable à tous les individus de la société. Ainsi, bien que le choix individuel de ne pas payer puisse sembler rationnel, il conduit à une situation collective sous-optimale où personne ne bénéficie du bien public, ce qui reflète le résultat sous-optimal du dilemme du prisonnier. La théorie des jeux, et en particulier l'équilibre de Nash, aide à comprendre ces dynamiques et à expliquer pourquoi les incitations individuelles peuvent mener à une coopération insuffisante, justifiant ainsi l'intervention de mécanismes externes tels que la régulation gouvernementale ou les incitations pour encourager la contribution au financement des biens publics.


Ce principe a été mis en évidence par John Nash, prix Nobel pour l’économie en 1995, et il est une application du dilemme du prisonnier, que l’on retrouve très souvent dans des situations où le choix de l’un dépend du choix de l’autre.
La théorie de Nash, souvent illustrée par l'équilibre de Nash dans la théorie des jeux, révèle en effet une tension profonde entre les intérêts individuels et collectifs. Selon cette théorie, les individus agissant rationnellement en poursuivant leur propre intérêt peuvent aboutir à des résultats qui sont non seulement sous-optimaux mais également défavorables pour le groupe dans son ensemble. Cela contraste avec l'idée d'Adam Smith de la "main invisible", selon laquelle les actions individuelles guidées par l'intérêt personnel peuvent conduire à un bien-être collectif optimal. La main invisible suggère que les marchés concurrentiels transforment les actions égoïstes en résultats socialement désirables, régulant naturellement l'économie sans nécessiter une intervention extérieure. En revanche, l'équilibre de Nash montre que dans de nombreux cas, surtout lorsqu'il y a des dilemmes de coordination ou des jeux à somme non nulle, les actions purement égoïstes des individus peuvent conduire à des impasses ou à des résultats inefficaces pour la société.


La force de la théorie de Nash est de montrer que la poursuite de l’intérêt propre peut aller à l’encontre de l’intérêt collectif, contrairement à l’argument de la main invisible.
L'exemple du dilemme du prisonnier, que Nash a contribué à populariser, est typique : il montre que si chaque prisonnier choisit individuellement la meilleure stratégie pour lui (trahir l'autre), le résultat est pire pour les deux que si ils avaient coopéré. Appliquée à l'économie, cette théorie suggère que sans coopération ou régulation, les individus peuvent consommer des ressources de manière inefficace, polluer sans retenue, ou ne pas contribuer à des biens publics, ce qui nuit à la société dans son ensemble. L'importance de l'équilibre de Nash est qu'il met en lumière le besoin de mécanismes de coordination et de coopération - comme les régulations, les normes sociales, ou les contrats - pour aligner les intérêts individuels avec l'intérêt collectif. Cela peut impliquer l'intervention gouvernementale pour fournir des biens publics, réguler les externalités, ou assurer la justice et la stabilité du marché. La théorie de Nash nous invite donc à reconnaître et à gérer les situations où les actions guidées par l'intérêt personnel ne mènent pas naturellement à l'optimum social.


== Exemple fictif ==
== Exemple fictif ==

Version du 7 janvier 2024 à 12:06


Les biens publics représentent un concept fondamental dans l'étude de l'économie publique et des échecs du marché. Ces biens, caractérisés par leur nature intrinsèque non divisible et leur disponibilité pour la consommation collective, posent des défis uniques aux marchés privés. La non-exclusion et la non-rivalité sont des propriétés clés des biens publics, signifiant que leur utilisation par une personne n'empêche pas les autres d'en profiter et qu'il n'est pas possible d'exclure des individus de leur consommation. Cela mène au problème du passager clandestin, où des individus bénéficient d'un bien sans contribuer à son financement.

En outre, l'intervention de l'État est souvent nécessaire dans des marchés où les externalités, c'est-à-dire les effets sur des tiers non considérés dans le processus de marché, sont significatives. Cela est visible dans des secteurs comme les véhicules à moteur ou les réfrigérateurs, où les émissions polluantes affectent la qualité de l'air pour l'ensemble de la société. De même, la conservation et la biodiversité soulèvent des questions importantes sur l'exploitation des ressources naturelles. Certaines espèces végétales ou animales sont menacées d'extinction en raison de leur surexploitation par des marchés non réglementés, souvent due à l'absence de droits de propriété clairs.

Dans ce contexte, l'échec du marché se manifeste lorsque le mécanisme de marché seul ne parvient pas à distribuer efficacement les ressources pour atteindre un optimum social. Cela nécessite une intervention de l'État ou des collectivités publiques pour corriger ces défaillances et assurer une allocation des ressources qui soit à la fois efficace et équitable. Cette introduction aux biens publics met en lumière la complexité et l'importance de leur gestion dans une économie moderne.

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Nature des biens publics

Caractéristiques des biens publics

Les biens publics et les externalités partagent effectivement plusieurs caractéristiques communes qui les placent au cœur des discussions sur l'économie et la politique publique. Ces biens sont souvent confrontés à une mésallocation par le marché, ce qui signifie que le marché seul ne parvient pas à fournir ces biens en quantité ou en qualité optimales. Cela est dû en grande partie à la présence de fortes externalités associées à ces biens.

Les externalités, qu'elles soient positives ou négatives, sont des effets induits par une activité économique qui affectent d'autres parties sans que ces effets soient reflétés dans les prix du marché. Par exemple, la pollution est une externalité négative, tandis que l'éducation a des externalités positives. Dans le cas des biens publics, ces externalités sont souvent si importantes qu'elles entraînent une sous-production ou même une absence de production dans une économie entièrement privée.

Cela est principalement dû au fait que les producteurs privés peuvent trouver difficile de rentabiliser la production de ces biens, car ils ne peuvent pas facilement exclure les non-payeurs (problème du passager clandestin) ou parce que la consommation de ces biens ne diminue pas leur disponibilité pour les autres (non-rivalité).

Dans ces situations, l'État ou les institutions publiques peuvent jouer un rôle crucial. La politique publique peut pallier ces défaillances du marché en prenant en charge la fourniture de biens publics. Cela peut se faire à travers la production directe de ces biens, leur financement par l'impôt, ou la régulation et la mise en place de mesures incitatives pour encourager leur production et leur consommation. En faisant cela, l'État peut augmenter le bien-être global en s'assurant que ces biens indispensables sont disponibles pour la société dans son ensemble.

Les biens publics, un concept clé dans l'économie, peuvent être caractérisés de manière concise par trois traits principaux.

Premièrement, la production des biens publics est souvent associée à de fortes économies d'échelle. Cela signifie que le coût moyen de production de ces biens diminue à mesure que la quantité produite augmente. Cette propriété est particulièrement pertinente pour les biens publics car elle suggère que leur production par une entité centralisée, souvent l'État, peut être plus efficace que la production dispersée par de multiples acteurs privés. En effet, plus le volume de production est important, plus le coût unitaire est faible, rendant ainsi la production à grande échelle économiquement avantageuse.

Deuxièmement, les biens publics sont caractérisés par leur nature "partagée". Autrement dit, ils bénéficient à l'ensemble de la société plutôt qu'à des individus ou des groupes spécifiques. Cette caractéristique est souvent décrite en termes de non-exclusion et de non-rivalité. La non-exclusion implique que personne ne peut être empêché de consommer le bien, tandis que la non-rivalité signifie que la consommation du bien par une personne n'entrave pas sa consommation par une autre. Des exemples typiques incluent la défense nationale, l'éclairage public, et les infrastructures routières.

Enfin, un troisième aspect important concerne les droits de propriété. Pour de nombreux biens publics, les droits de propriété sont inexistants, vagues, ou mal respectés. Cela peut conduire à des difficultés dans la gestion et la conservation de ces ressources. L'absence de droits de propriété clairement définis peut entraîner une surexploitation ou une sous-utilisation, comme illustré dans le concept de la tragédie des communs, où des ressources partagées sont épuisées par un usage individuel non régulé.

Ces caractéristiques ensemble soulignent pourquoi les biens publics posent souvent un défi aux mécanismes du marché et pourquoi l'intervention de l'État est fréquemment nécessaire pour assurer leur fourniture adéquate et leur gestion efficace.

Propriétés des biens publics

Les distinctions entre les biens publics et privés dans le domaine de l'économie sont essentiellement basées sur deux propriétés clés qui déterminent la manière dont ces biens peuvent être fournis sur le marché : la non-exclusion et la non-rivalité.

La non-exclusion fait référence à la difficulté, voire l'impossibilité, pour le producteur d'exclure des consommateurs de l'utilisation d'un bien. Dans le cas des biens publics, cette caractéristique signifie que personne ne peut être empêché de bénéficier du bien, peu importe s'il a contribué à son financement ou non. Un exemple classique est la défense nationale : une fois qu'elle est mise en place, il est impossible d'exclure des citoyens de sa protection, qu'ils aient payé des impôts ou non.

La non-rivalité, d'autre part, se rapporte à la situation où la consommation du bien par une personne n'empêche pas ou ne réduit pas la consommation du même bien par une autre personne. En d'autres termes, le coût marginal de fournir le bien à un consommateur supplémentaire est nul. Cela est typique des biens publics comme les programmes de télévision ou la radio, où la consommation par un individu n'empêche pas les autres d'en profiter également.

En contraste, les biens privés sont généralement caractérisés par la possibilité d'exclusion et la rivalité. Par exemple, si vous achetez une pomme, vous pouvez exclure les autres de sa consommation (exclusion), et votre consommation empêche quiconque d'autre de manger cette même pomme (rivalité).

Ces différences fondamentales entre les biens publics et privés influencent grandement la manière dont ils sont produits, distribués et financés dans une économie. Les biens publics, en raison de leur nature, requièrent souvent une intervention ou un financement public pour garantir qu'ils soient fournis de manière adéquate, car les marchés privés pourraient ne pas les produire de façon optimale en raison de ces caractéristiques uniques.

La non-rivalité

La notion de non-rivalité dans la consommation est un élément fondamental dans la compréhension des biens publics. Elle se manifeste lorsque, une fois un bien produit, le coût additionnel pour permettre à une personne supplémentaire de consommer ce bien est effectivement nul. Ce concept joue un rôle crucial dans la différenciation des biens publics des biens privés. Prenons l'exemple d'un phare : une fois qu'il est construit et allumé, le coût pour qu'il éclaire un bateau supplémentaire ne représente aucun coût additionnel. Le phare fonctionne de la même manière, que ce soit pour un seul bateau ou pour plusieurs bateaux en mer. Cela illustre parfaitement la non-rivalité, car la consommation du bien (la lumière du phare) par un bateau n'empêche pas et ne réduit pas sa disponibilité pour d'autres bateaux.

De la même manière, des infrastructures comme les ponts ou les autoroutes démontrent cette caractéristique. Une fois construits, le coût pour qu'une voiture supplémentaire les emprunte est négligeable. De même, la jouissance d'un paysage ou la sécurité fournie par les services de police ou de défense nationale sont des exemples où la consommation par un individu n'entrave pas celle des autres. Cette caractéristique de non-rivalité est essentielle car elle signifie que le bien peut être consommé simultanément par de multiples personnes sans que cela n'entraîne de coûts supplémentaires significatifs. En conséquence, cela pose des défis pour le financement et la fourniture de ces biens par le secteur privé, car il est difficile de charger les utilisateurs directement pour leur consommation. Cela mène souvent à la nécessité d'une intervention publique pour assurer que ces biens soient disponibles pour le bénéfice de tous, reflétant leur importance pour la société dans son ensemble.

Les biens privés se distinguent des biens publics par leur caractéristique de rivalité dans la consommation. La rivalité signifie que la consommation d'un bien par une personne empêche ou limite sa consommation par une autre personne. Cela est typique dans la majorité des biens et services que nous consommons au quotidien. L'exemple de la barre de chocolat illustre parfaitement cette notion. Lorsqu'une personne consomme une barre de chocolat, elle la retire de la disponibilité pour les autres. La consommation de cette barre de chocolat est exclusive ; une fois qu'elle est mangée par quelqu'un, elle ne peut plus être consommée par quelqu'un d'autre. C'est le principe de rivalité : la consommation du bien par une personne diminue directement la quantité disponible pour les autres.

Cette caractéristique de rivalité dans les biens privés conduit à des dynamiques de marché différentes de celles des biens publics. Dans un marché de biens privés, les producteurs peuvent exclure ceux qui ne paient pas pour le bien, et la consommation est régulée par le prix. Les consommateurs qui sont prêts et capables de payer le prix peuvent obtenir le bien, tandis que les autres en sont exclus. Cette logique de marché est moins complexe à gérer que celle des biens publics, où la non-exclusion et la non-rivalité exigent souvent une intervention extérieure, telle que celle de l'État, pour une distribution efficace et équitable.

Il y a une distinction importante dans la compréhension des biens publics : la différence entre le coût marginal de production et le coût marginal de consommation d'un consommateur additionnel. Le coût marginal de production d'un bien, comme une autoroute, peut en effet être croissant avec l'augmentation de la densité du réseau. Cela signifie que plus le réseau s'élargit, plus le coût de construction de chaque kilomètre supplémentaire peut augmenter, en raison de facteurs tels que la complexité accrue, les contraintes d'espace, ou les matériaux nécessaires.

Cependant, une fois que l'autoroute est construite, le coût associé à la consommation de ce bien par un utilisateur supplémentaire est effectivement nul ou très faible. Cela illustre la non-rivalité : un conducteur supplémentaire sur l'autoroute ne coûte pratiquement rien de plus en termes de ressources ou d'infrastructure, tant que l'autoroute n'est pas saturée. En outre, cette situation met en lumière la caractéristique d'indivisibilité des biens publics. Une fois que le bien, comme l'autoroute, est créé, il est fourni en bloc et il est difficile, voire impossible, de le fractionner en fonction de la demande individuelle. Contrairement aux biens privés, où chaque unité peut être vendue séparément, les biens publics sont souvent utilisés collectivement. Cela pose des défis en termes de financement et de gestion, car il n'est pas facile d'allouer le coût de ces biens aux utilisateurs individuels, ce qui renforce souvent le rôle de l'État ou des institutions publiques dans la fourniture et la maintenance de ces biens.

La non-exclusion

La non-exclusion dans la consommation est un concept clé dans la théorie des biens publics. Elle se réfère à la difficulté, voire l'impossibilité, d'empêcher les individus de consommer un bien, indépendamment de leur contribution à sa production ou à son financement. Cette caractéristique est l'une des principales raisons pour lesquelles les marchés privés peuvent ne pas être efficaces pour fournir certains types de biens. Dans le contexte des biens publics, la non-exclusion signifie que lorsque le bien est disponible pour une personne, il est également disponible pour d'autres sans coût additionnel significatif. Prenons l'exemple de la sécurité nationale : une fois qu'un pays a mis en place ses forces de défense, il est pratiquement impossible d'exclure des citoyens spécifiques de la protection qu'elles offrent. De même, les biens tels que les programmes de télédiffusion ou l'éclairage public sont accessibles à tous ceux qui se trouvent dans leur portée, sans possibilité d'exclure des individus spécifiques.

Cette incapacité à exclure les non-payeurs mène souvent au problème du passager clandestin (free-rider), où certains bénéficient du bien sans contribuer à son coût. Cela peut conduire à une sous-fourniture du bien si les coûts sont supportés uniquement par un sous-ensemble des bénéficiaires, rendant la provision par le marché privé inefficace ou insuffisante. En conséquence, de tels biens nécessitent souvent une intervention gouvernementale ou communautaire pour leur provision. L'État, en utilisant des mécanismes de financement collectif comme la taxation, peut assurer que ces biens soient produits et maintenus pour le bénéfice de la société dans son ensemble, surmontant ainsi le défi posé par la non-exclusion.

Dans le domaine de l'économie des biens publics, il existe une catégorie de biens pour lesquels l'exclusion des consommateurs est difficile, voire impossible. Cette caractéristique est particulièrement pertinente pour un certain nombre d'éléments essentiels de notre environnement quotidien.

Prenons l'exemple des phares et des signalisations routières. Un phare, une fois allumé, fournit des signaux vitaux à tous les navires se trouvant à proximité, sans qu'il soit possible de restreindre son utilisation à certains navires spécifiques. Il en va de même pour la signalisation routière, qui guide et sécurise tous les usagers de la route, indépendamment de leur contribution individuelle au financement de ces installations.

Les paysages naturels et les feux d'artifice représentent un autre ensemble de biens où la non-exclusion est évidente. Un paysage pittoresque ou un spectacle pyrotechnique est accessible à tous ceux qui sont dans le champ de vision, sans qu'il soit possible de limiter leur jouissance à des individus spécifiques. Ces expériences sont partagées collectivement, et leur beauté ou leur spectacle est ouvert à tous, indépendamment de leur volonté ou de leur capacité à payer.

L'éclairage public et la propreté des rues sont également des services essentiels qui bénéficient à la communauté dans son ensemble. L'éclairage des rues améliore la sécurité et la praticabilité des voies publiques pour tous les résidents et visiteurs, tandis que la propreté des rues contribue à la santé publique et à l'esthétique de l'espace communautaire. Encore une fois, il est pratiquement impossible d'exclure des individus de ces bénéfices.

La défense nationale et la sécurité des quartiers sont des services qui protègent la population d'une région ou d'un pays dans son ensemble. Ces services bénéficient à tous, sans distinction ni exclusion basée sur la contribution financière individuelle. La sécurité fournie par ces services est un bien commun, essentiel au bien-être collectif.

Enfin, la qualité de l'air, de l'eau et l'environnement en général sont des exemples parfaits de biens qui sont non seulement difficiles à exclure, mais aussi essentiels pour la santé et le bien-être de tous. La dégradation environnementale affecte chaque individu, et les efforts pour préserver et améliorer l'environnement profitent à l'ensemble de la société.

Ces exemples soulignent le rôle crucial des institutions publiques et communautaires dans la gestion et la fourniture de ces biens. Étant donné que la nature non exclusive de ces biens rend difficile leur financement et leur régulation par les mécanismes de marché privés, l'intervention de l'État et d'autres organisations collectives est souvent nécessaire pour assurer leur disponibilité et leur entretien pour le bien de la communauté dans son ensemble.

Il faut souligner que la difficulté d'exclusion des consommateurs de certains biens n'est pas toujours d'ordre technique, mais peut souvent être économique. Dans de nombreux cas, la non-exclusion résulte non pas de l'impossibilité technique d'exclure les consommateurs, mais plutôt du coût prohibitif ou de l'inefficacité économique liée à une telle exclusion. Prenons l'exemple d'un feu d'artifice. Techniquement, il serait possible de mettre en place des barrières pour limiter l'accès à un espace d'où le spectacle peut être vu, transformant ainsi le feu d'artifice en un bien privé. Cependant, la mise en œuvre de telles mesures serait extrêmement coûteuse et complexe. Elle impliquerait des coûts élevés pour l'installation de barrières, la surveillance et la gestion des accès, ce qui rendrait l'entreprise globalement non rentable et impraticable. De plus, la nature même d'un feu d'artifice, conçu pour être vu de loin et par un grand nombre de personnes, rend sa privatisation économiquement peu sensée.

La même logique s'applique à d'autres biens comme l'éclairage public, la sécurité nationale ou la qualité de l'environnement. Même si techniquement, il serait possible de concevoir des mécanismes pour exclure les non-payeurs, les coûts associés à une telle exclusion seraient souvent prohibitifs et dépasseraient largement les bénéfices. De plus, cela irait à l'encontre de l'intérêt public et de la valeur sociale que ces biens représentent. C'est pourquoi dans de tels cas, l'intervention de l'État ou des autorités publiques est cruciale. Par le biais de la taxation générale ou d'autres mécanismes de financement collectif, ces biens peuvent être fournis de manière plus efficace et équitable, garantissant leur accessibilité à l'ensemble de la population sans les coûts prohibitifs liés à l'exclusion des non-payeurs.

Résumé

Ce tableau classifie les différents types de biens selon deux critères : la possibilité d'exclure des consommateurs (Exclusion vs Non-exclusion) et le caractère rival ou non des biens (Rivalité vs Non-Rivalité).

Nature des biens publics résumé 1.png

Dans le quadrant supérieur gauche, nous avons les "Biens privés purs", qui sont à la fois exclusifs et rivaux. Cela signifie que les consommateurs peuvent être empêchés d'utiliser ces biens s'ils ne les achètent pas, et que l'utilisation de ces biens par une personne empêche leur utilisation simultanée par une autre. Les exemples donnés ici sont les vêtements et les glaces, qui ne peuvent être consommés que par une personne à la fois, et dont la consommation par un individu empêche un autre de les utiliser.

Dans le quadrant supérieur droit, nous avons les "Biens mixtes" dans le contexte de la non-rivalité. Ces biens sont non-rivaux, ce qui signifie que leur consommation par une personne n'empêche pas leur consommation par une autre. Cependant, contrairement aux biens publics purs, il est possible d'exclure des individus de leur utilisation. Les exemples incluent les monopoles naturels et les autoroutes à péage. La télévision est également un bon exemple ; bien qu'une émission puisse être regardée par de nombreuses personnes simultanément sans se gêner mutuellement, l'accès aux chaînes peut être restreint par un abonnement.

En bas à gauche, le tableau montre les "Biens mixtes" qui sont non exclusifs mais rivaux. Ces biens ne permettent pas l'exclusion facile des non-payeurs, mais leur utilisation par une personne peut réduire la quantité disponible pour d'autres. Les ressources naturelles et les poissons sont des exemples classiques de ce type de bien. Les autoroutes à bouchons illustrent également ce point : bien que théoriquement ouverts à tous, une fois qu'une autoroute devient encombrée, chaque voiture supplémentaire réduit la qualité du service (vitesse, confort) pour les autres.

Enfin, dans le quadrant inférieur droit, nous trouvons les "Biens publics purs". Ces biens sont caractérisés par la non-rivalité et la non-exclusion. La défense nationale et le savoir universel sont des exemples de biens publics purs. Ils sont disponibles pour tous, et l'usage par une personne n'entrave pas l'usage par une autre. De tels biens représentent souvent des défis en termes de financement et de provision, car les incitations pour les fournir de manière privée sont faibles étant donné que les bénéficiaires ne peuvent pas être facilement exclus et ne rivalisent pas pour leur consommation.

Ce tableau est un outil utile pour comprendre la diversité des biens dans une économie et les défis associés à leur provision. Il aide également à identifier les cas où l'intervention de l'État peut être justifiée pour assurer la provision adéquate de biens publics et corriger les inefficacités du marché.

Le problème du resquilleur

La non-exclusion et le problème du resquilleur

La non-exclusion est en effet étroitement liée au problème du passager clandestin, également connu sous le nom de free rider problem en anglais. Ce problème survient lorsque des individus profitent d'un bien ou service sans contribuer à son coût. Cela est particulièrement problématique pour les biens publics, où la caractéristique de non-exclusion signifie que les fournisseurs ne peuvent pas empêcher les gens de consommer le bien, même s'ils ne paient pas pour celui-ci. Dans un tel contexte, certains individus peuvent choisir de ne pas payer pour le bien ou service en question, sachant qu'ils pourront tout de même en bénéficier grâce aux paiements des autres. Cela peut conduire à une sous-fourniture du bien, puisque les fournisseurs n'ont pas la recette nécessaire pour couvrir les coûts de production ou de maintien du bien. Si suffisamment d'individus choisissent de ne pas payer, le bien risque de ne pas être fourni du tout, malgré le fait qu'il soit socialement bénéfique.

Ce problème est également lié à celui des préférences non révélées, car les individus qui choisissent de ne pas payer pour le bien ne révèlent pas leur véritable évaluation ou demande pour celui-ci. Cela rend difficile pour les fournisseurs de mesurer la demande réelle et de planifier efficacement la provision du bien. La difficulté d'exclusion entraîne donc une défaillance du marché, car le mécanisme de prix ne fonctionne pas comme il le devrait pour rationner l'accès au bien et pour financer sa provision. C'est pourquoi les biens publics sont souvent financés par des mécanismes obligatoires comme les impôts, où la contribution individuelle n'est pas directement liée à la consommation, mais plutôt imposée pour couvrir le coût collectif du bien.

Le problème du passager clandestin se manifeste à travers diverses situations où un individu ou une entité bénéficie d'un bien ou d'un service sans contribuer à son coût, exploitant ainsi le système à son avantage. Un exemple classique est celui d'un phare qui fournit de la lumière pour la navigation. Les phares sont construits pour guider tous les navires passant à proximité, assurant leur sécurité et leur direction. Cependant, il n'existe aucun moyen pratique de forcer chaque bateau qui bénéficie de la lumière du phare à payer pour ce service. En conséquence, certains armateurs peuvent choisir de ne pas participer au financement du phare tout en profitant de ses services, ce qui peut compromettre l'entretien et la viabilité à long terme de ces aides essentielles à la navigation.

Dans le domaine de la diffusion télévisuelle, la situation est similaire. Les chaînes de télévision publique sont financées par les redevances, des contributions exigées des ménages possédant un appareil de télévision. Néanmoins, la diffusion des émissions est accessible à tous, indépendamment de leur statut de contributeur. Ainsi, même ceux qui évitent de payer la redevance peuvent regarder les programmes, soit par des moyens détournés, soit en profitant de la visualisation dans des lieux publics. Ce détournement crée un déficit dans le financement de la télévision publique et soulève des questions sur l'équité et la responsabilité financière. Un autre exemple illustrant ce problème est l'immunité collective conférée par les vaccinations. Quand une majorité de la population est vaccinée, la transmission des maladies infectieuses est considérablement réduite, créant un environnement dans lequel même les non-vaccinés sont moins susceptibles d'être infectés. Par conséquent, les personnes qui choisissent de ne pas se faire vacciner bénéficient indirectement des efforts de ceux qui le font, tout en évitant potentiellement les coûts et les risques associés à la vaccination. Cela peut conduire à une proportion plus faible de la population choisissant la vaccination, ce qui peut compromettre l'efficacité de l'immunité collective et la santé publique dans son ensemble.

Ces exemples mettent en lumière un défi central de la provision des biens publics : comment s'assurer que ceux qui bénéficient des biens contribuent équitablement à leur création et à leur maintien. Les solutions à ce problème varient, mais elles impliquent souvent une forme de financement obligatoire, comme les taxes ou les redevances, pour garantir que ces services essentiels restent disponibles pour le bien commun.

Comportement stratégique du resquilleur

La théorie des jeux est une branche des mathématiques et de l'économie qui analyse les stratégies adoptées par les individus dans des situations où leurs choix sont interdépendants. Un des concepts les plus connus dans ce domaine est celui du dilemme du prisonnier, qui met en lumière les difficultés de coopération entre parties ayant des intérêts interdépendants. John Nash, qui a reçu le prix Nobel d'économie en 1994 pour ses contributions, a développé un concept clé connu sous le nom d'équilibre de Nash. Cet équilibre survient dans un jeu lorsque chaque joueur a choisi la meilleure stratégie possible, compte tenu des choix des autres joueurs. Aucun joueur n'a alors intérêt à changer unilatéralement de stratégie.

Dans le contexte du dilemme du prisonnier, deux détenus sont confrontés à un choix : coopérer avec l'autre en restant silencieux ou trahir l'autre en confessant. Le choix de trahir peut sembler rationnel pour un individu car il maximise son gain personnel, sans tenir compte de l'impact de ce choix sur l'autre prisonnier ou sur le résultat collectif. Si les deux détenus optent pour la trahison, croyant agir dans leur meilleur intérêt, ils se retrouvent finalement tous les deux dans une situation pire que si ils avaient coopéré. Cette situation est analogue au problème du passager clandestin dans la provision de biens publics. Chaque individu peut choisir de ne pas contribuer au financement d'un bien public (trahir dans le dilemme du prisonnier), ce qui est rationnel du point de vue individuel si l'on considère uniquement l'intérêt personnel immédiat. Cependant, si tout le monde adopte cette stratégie, le bien public ne sera pas financé ou sera sous-financé, ce qui est préjudiciable à tous les individus de la société. Ainsi, bien que le choix individuel de ne pas payer puisse sembler rationnel, il conduit à une situation collective sous-optimale où personne ne bénéficie du bien public, ce qui reflète le résultat sous-optimal du dilemme du prisonnier. La théorie des jeux, et en particulier l'équilibre de Nash, aide à comprendre ces dynamiques et à expliquer pourquoi les incitations individuelles peuvent mener à une coopération insuffisante, justifiant ainsi l'intervention de mécanismes externes tels que la régulation gouvernementale ou les incitations pour encourager la contribution au financement des biens publics.

La théorie de Nash, souvent illustrée par l'équilibre de Nash dans la théorie des jeux, révèle en effet une tension profonde entre les intérêts individuels et collectifs. Selon cette théorie, les individus agissant rationnellement en poursuivant leur propre intérêt peuvent aboutir à des résultats qui sont non seulement sous-optimaux mais également défavorables pour le groupe dans son ensemble. Cela contraste avec l'idée d'Adam Smith de la "main invisible", selon laquelle les actions individuelles guidées par l'intérêt personnel peuvent conduire à un bien-être collectif optimal. La main invisible suggère que les marchés concurrentiels transforment les actions égoïstes en résultats socialement désirables, régulant naturellement l'économie sans nécessiter une intervention extérieure. En revanche, l'équilibre de Nash montre que dans de nombreux cas, surtout lorsqu'il y a des dilemmes de coordination ou des jeux à somme non nulle, les actions purement égoïstes des individus peuvent conduire à des impasses ou à des résultats inefficaces pour la société.

L'exemple du dilemme du prisonnier, que Nash a contribué à populariser, est typique : il montre que si chaque prisonnier choisit individuellement la meilleure stratégie pour lui (trahir l'autre), le résultat est pire pour les deux que si ils avaient coopéré. Appliquée à l'économie, cette théorie suggère que sans coopération ou régulation, les individus peuvent consommer des ressources de manière inefficace, polluer sans retenue, ou ne pas contribuer à des biens publics, ce qui nuit à la société dans son ensemble. L'importance de l'équilibre de Nash est qu'il met en lumière le besoin de mécanismes de coordination et de coopération - comme les régulations, les normes sociales, ou les contrats - pour aligner les intérêts individuels avec l'intérêt collectif. Cela peut impliquer l'intervention gouvernementale pour fournir des biens publics, réguler les externalités, ou assurer la justice et la stabilité du marché. La théorie de Nash nous invite donc à reconnaître et à gérer les situations où les actions guidées par l'intérêt personnel ne mènent pas naturellement à l'optimum social.

Exemple fictif

Deux voisins, dont le chemin jusqu’au village est dépourvu de tout éclairage la nuit, contemplent le possible investissement en éclairage de rue.

Deux lampadaires permettraient d’avoir une visibilité sur tout le trajet, et un seul lampadaire n’apporte qu’un bénéfice partiel car une partie du chemin reste dans l’obscurité.

Admettons que le coût d’un lampadaire soit de 3000. Le gain de bien-être associé à un éclairage complet du chemin (en équivalents monétaires) est de 4000 chacun.

Si l’éclairage est partiel, le bien-être n’augmente que de 2000.

Biens publics exemple fictif 1.png

Problème de coordination

Si l’action conjointe était coordonnée, le gain net de chacun serait positif: (+1000, +1000).

En revanche, il existe une incitation pour chaque voisin à minimiser l’importance du problème de l’éclairage, pour bénéficier de l’action unilatérale de l'autre. La stratégie dominante se révèle être l’inaction: (Ne fait rien, Ne fait rien) est l'équilibre de Nash, unique, de ce jeu.

Par conséquent, l’équilibre est sous-optimal (cas classique du dilemme du prisonnier).

Problème: comment financer le bien si les personnes disent ne pas en profiter (problème des préférences non-révélées)?

Solution: l’État fournit le bien mais rend la contribution obligatoire. Il reste à savoir dans quelle mesure chacun doit participer au financement du bien public.

Biens mixtes

Exclusion et non-rivalité

Il existe des biens mixtes qui présentent seulement une des deux caractéristiques typiques des biens publics. Par exemple, un pont, un cinéma ou une autoroute, une piscine, la télévision permettent l’exclusion, malgré la non-rivalité.

Certains biens mixtes sont fournis par des privés, d’autres par l’État. Les pratiques peuvent être très différentes de pays à pays, car des considérations d’équité entrent également en ligne de compte.

La congestion et la réduction de qualité concomitante réintroduisent une certaine rivalité entre les consommateurs et un rationnement du service en question, qui correspond à une forme d’exclusion.

Exemple: l'éducation → exclusion + non-rivalité

  • l’éducation est publique à des degrés divers dans différents pays.
  • souvent, l’éducation est fournie à un prix inférieur au coût de production pour des questions de redistribution. L’accès égal à la formation est une manière de favoriser la mobilité sociale. L’éducation est également fournie par le secteur public en raison des externalités positives qu’elle véhicule.
  • en cas de congestion, l’objectif redistributif est réduit, car les personnes ayant plus de ressources peuvent substituer l’éducation publique par l’éducation privée, si celle-ci est de meilleure qualité.

Non-exclusion et rivalité

Le bien mixte peut également avoir la configuration de non-exclusion couplée à la rivalité.

C'est le cas de tous les biens ou ressources dont la propriété commune implique à terme un problème de congestion. Ex: ressources naturelles.

Mésallocation: la sur-exploitation peut conduire à la disparition pure et simple de la ressource.

Les perdants sont souvent les exploitants eux-mêmes pris collectivement.

Prise de conscience avec l’article célèbre de Garett Hardin (1968) et les travaux de Elinor Ostrom (prix Nobel 2009).

La tragédie des communaux

Exemple classique: village d’éleveurs qui se partagent les champs (les communaux) où ils font paître leurs bêtes.

Incitation de l’éleveur individuel à sur-exploiter le pré, car il n’y a pas d’incitation à la retenue. Chaque éleveur impose une externalité sur les autres en réduisant la qualité du champ commun.

Le bénéfice d’une gestion “responsable” de la ressource commune est minime, surtout en anticipation de l’absence d’une telle attitude par les autres.

Conséquence: tous les éleveurs sur-exploitent le pré, dont l’herbe ne peut pas se renouveler.

Tragédie des communaux exemple 1.png

Problème récurrent et de grande actualité des zones de pêche: il est difficile d’exclure des nouveaux bateaux de pêche, mais il y a rivalité dans les prises.

Il serait dans l’intérêt de tous les bateaux de limiter leurs prises pour laisser les poissons se reproduire, mais chaque bateau individuellement a intérêt à maximiser les prises avant que les autres ne le fassent.

Nécessité de régulation par une instance publique pour limiter les prises individuelles.

Problème aigu lorsque la ressource naturelle est partagée par plusieurs pays: nécessité d’une instance supra-nationale.

Cf. The Economist, The tragedy of the commons, contd, 04.05.2005.

Pleine d'autres applications possibles, par exemple l'impact des émissions de CO2 sur l'atmosphère (= bien commun) et les tentatives de régulation avec le Protocole de Kyoto (1997) et l'Accord de Copenhague (2009).

La tragédie des communaux : coût privé versus coût social

Tragédie des communaux - coût privé versus coût social 1.png

Allocation du bien public

Offre optimale

Une fois décidé qu’un bien public doit être fourni, il se pose la question de savoir dans quelle quantité.

Sur le marché d’un bien privé, pour un prix donné, chacun consomme une quantité optimale du bien.

Bien privé : des quantités différentes pour le même prix.

Pour un bien public la question est plutôt de savoir pour une quantité donnée du bien public (en raison de la non-rivalité) quel prix faire payer.

Pour une fourniture efficiente, il faudrait que la somme des bénéfices marginaux (des volontés de payer) soit égale au coût de fabrication du bien public. Chaque individu paye ensuite l’équivalent de sa volonté de payer.

Bien public : la même quantité avec des prix différents.

Demandes individuelles et demande agrégée : bien privé

Au prix d'équilibre de marché, chaque consommateur consomme une quantité différente du bien

Demandes individuelles et demande agrégée : bien public

La quantité consommée est la même, mais chacun paie un prix différent.

Si on avait prix = Cm (marché privé), l'offre du bien serait sous-optimale ou nulle.

Demandes individuelles et demande agrégée bien public 1.png

Exemple

Par exemple, si pour avoir un service de voirie des rues donné, le coût est de 100 et que Jean est prêt à payer 20, Jacques 30 et Paul 50, on a la quantité optimale du bien public, car la somme des volontés de payer est égale au coût de production du service.

Or, une entreprise privée de voirie ne pourrait pas financer ce service en faisant payer chacun selon sa volonté de payer à cause du problème de passager clandestin et des préférences non-révélées.

L'État, de son côté, pourra procéder à une évaluation des bénéfices du service de voirie et, une fois établie la quantité optimale, grâce à son pouvoir de coercition, obliger les citoyens à se partager son financement. (Mais, comment évaluer le bénéfice et répartir au mieux le fardeau entre citoyens si l'État lui-même ne connait pas les préférences de chacun? → questions très délicates...)

Analyse coûts-bénéfice

Une solution consiste donc à procéder à une analyse coûts-bénéfices, en procédant au décompte de tous les bénéfices et tous les coûts (monétaires et non-monétaires) pour la collectivité associés à une certaine quantité du bien public.

Problème: sans prix, comment estimer les bénéfices et coûts pour la société d’un bien public? Exemples :

  • quelle valeur sociale pour une ambassade? Un zoo?
  • des routes plus sûres? Valeur d’une vie sauvée?
  • valeur d’une atteinte à la bio-diversité? Combien vaut une forêt?

Ce type d’analyse est nécessairement complexe et emprunt de subjectivité dans l’évaluation des coûts et des bénéfices.

Selon le poids que l’on donne à l’énergie générée par un barrage hydro- électrique et les atteintes aux riverains et la bio-diversité, différentes décisions pourraient être prises.

Exemple : construction d'un pont

Analyse coût-bénéfice de la construction d'un pont sur une rivière (bien mixte).

Bénéfices

  • Bénéfices monétaires: péage (si péage il y a) que les automobilistes paient.
  • Bénéfices non-monétaires: surplus des consommateurs = automobilistes.
  • Externalités positives: plus de tourisme dans des régions autrement isolées, trafic moins congestionné sur les routes.

Coûts

  • Coûts monétaires : paiement de l’entreprise de construction.
  • Coûts non-monétaires : perte sèche du prélèvement d'une taxe pour financer la construction du pont.
  • Externalités négative : moins de profits pour le tourisme dans d’autres régions ou pour la compagnie qui faisait la traversée en bateau (externalités monétaires) + vue des riverains ou destruction de la vie sauvage dans les environs (externalités non-monétaires).


Exemple : la valeur d'une vie

Très souvent, les décideurs politiques doivent se prononcer sur l’amélioration de la sécurité (lieu de travail, circulation, loisirs...) et le projet peut nécessité des coûts qu’il faut mettre en balance avec des vies sauvées.

Problème : quelle valeur donner à une vie sauvée?

Approche du capital humain : utilisée dans certains tribunaux aux USA pour évaluer des dommages compensatoires. Problème d’équité: ceux dont les proches décédés n’ont pas fait d’études reçoivent moins que ceux ayant un niveau d'éducation élevé.
Approche des dépenses de sécurité : tout ce que les gens payent pour avoir un airbag, des freins ABS ou un extincteur.
Approche de la valeur statistique : le marché du travail comporte des risques de décès que les travailleurs peuvent être prêts à prendre si on les compense avec une prime salariale de risque encouru.

Analyse coûts-bénéfice et le temps

Un autre problème qui se pose aux décideurs survient lorsque les flux de coûts et de bénéfices arrivent à des périodes différentes.

Exemple: meilleur encadrement éducatif, investissement dans une meilleure épuration des eaux, reboisement d’une forêt... coûts sont subis aujourd’hui, alors que les bénéfices sont plus éloignés dans le futur.

Or: “un tiens vaut mieux que deux tu l’auras”. Autrement dit, les individus ne donnent pas la même valeur à des flux de coûts ou bénéfices présents et futurs: c’est la préférence pour le présent.

Il est clairement très difficile de faire des évaluations des conséquences non-monétaires ou des externalités, mais on peut aussi avoir beaucoup d'incertitude sur tout ce qui est monétaire.

L'État de droit est un bien public

Les résultats d’efficience du marché dépendent crucialement du respect de l’État de droit et, en particulier, de la sauvegarde des droits de propriété, mais aussi des libertés individuelles de base. Sans respect des droits fondamentaux, pas d'efficience de l'économie de marché.

Or, le marché seul ne permet pas en soi de voir émerger un État de droit.

La poursuite de l’intérêt privé (main invisible) seule donne lieu à des situations de non-droit où les échanges sont réduits, car découragés par l’expropriation (seigneurs de guerre, mafia, Far West...).
La collectivité dans son ensemble pâtit du non-respect des droits fondamentaux. Loi du plus fort : l'incitation n'est pas à la production mais à l'extorsion.

Les sociétés de chasseurs cueilleurs vivent sans droits de propriété! Mais: sont peu nombreux en regard des ressources environnantes. Dès que la pression démographique augmente, les ressources sont épuisées, car il n’y a pas d’incitation à les préserver (tragédie des communaux).

Résumé

Les biens diffèrent au regard de leur nature: (non-)exclusion et (non-)rivalité.

Exclusion: il est possible d’empêcher quelqu’un de l’utiliser. Un bien est rival dans le cas où, s’il est consommé par quelqu’un, la possibilité qu’il soit aussi consommé par quelqu’un d’autre est réduite.

Les biens publics purs sont caractérisés par la non-exclusion et la non- rivalité.

Si l’exclusion n’est pas possible, les individus sont incités à se comporter en passagers clandestins lorsque ce bien est fourni par le secteur privé.

L’État prend en charge les biens publics et décide de la quantité à fournir au moyen d’une analyse coûts-bénéfices.

Les ressources communes sont des biens rivaux sans exclusion possible.

Comme les individus ne paient pas pour l’utilisation de ces ressources, ils tendent à les sur-exploiter.

L’État est dans ce cas nécessaire pour suppléer au marché. Le problème devient critique lorsque la ressource dépasse les frontières nationales d’un pays.

Annexes

Références