Introduction au cours de droit international humanitaire

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Avec le droit international humanitaire appelé aussi droit des conflits armés, nous sommes bien armés à Genève afin d’affronter un sujet de ce type. Nous allons travailler ici avec deux séries de conventions; tout d’abord le règlement de La Haye de 1907 sur le droit de la guerre sur terre et ensuite la série des conventions de Genève de 1949 avec leurs deux protocoles additionnels.

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Raisons d’être et degré d’effectivité d’un droit des conflits armés[modifier | modifier le wikicode]

Pourquoi avoir un droit des conflits armés ? La question se pose et elle se pose en tout premier lieu déjà de manière radicale, car le conflit est la violence. Avoir un droit de la violence, cela peut paraître de prime abord, saugrenu, fantaisiste ou peut-être simplement masochiste, mais en tout cas, cela peut paraître une contradiction dans les termes. Domestiquer la violence par le droit n’est-ce pas essayer de faire quelque chose qui est contraire à la notion même de droit, car, pour nous tous, aujourd’hui en tout cas, le droit appel l’ordre. L’ordre dans le désordre, cela paraît redoutablement contradictoire.

Si on fait un pas de plus et on se plonge non pas dans les sphères de la spéculation et de la terminologie, mais plutôt de l’expérience, on peut être tout autant dérouté, car on peut se dire, à supposer même qu’un droit de la violence fasse sens et puisse exister, a-t-il un sens pratique ? peut être pourrait-on théoriquement le concevoir, mais est-ce qu’il fonctionne, marche, est-ce qu’il a une incidence réelle sur le terrain. En ouvrant les quotidiens, en lisant les journaux, en regardant vers les journaux télévisés, nous sommes abreuvés tous les jours d’images épouvantables, de conflits qui n’ont jamais manqué et qui émaillent le monde depuis toujours dans le style de ce que nous voyons actuellement en Syrie et ailleurs. Ici, le point serait de se demander si le jeu en vaut la chandelle, à supposer qu’il soit possible, est-ce qu’en réalité, ce droit n’est pas une chimère, un vœu pieux que le terrain dément tous les jours.

Ce sont deux questions graves. Nous n’essaierons pas d’y répondre entièrement, mais nous pouvons suggérer une première approximation à la réponse. Tout d’abord, violence et droit, contradictoire ou non ? La réponse est, pour le professeur Kolb, une vue de l’esprit que de penser que la guerre, le conflit armé qui est la matière du DIH soit simplement de la violence désorganisée, le chaos, l’anarchie. Au fond, pas vraiment si on réfléchit que le concept même de guerre renvoie initialement à celui de l’armée, de forces armées qui se combattent. À cet égard, on sait tous que l’armée a horreur de l’anarchie, du vide, du manque de discipline. Au contraire, s’il y a une place où la discipline est franchement rigide, cela est bien dans l’armée. Il n’est donc pas du tout dit que le conflit armé soit simplement de la violence non contrôlable. Au contraire, les États, à travers leur force militaire, ont œuvré depuis un certain temps déjà à la domestique parce qu’ils y trouvent un certain intérêt.

Le conflit international entre États se combat entre des armées régulières, le conflit armé non international est celui qu’on appelle aussi la guerre civile. Le chaos se trouve plutôt dans les conflits armés non internationaux. Dans les conflits armés internationaux, il n’y en a pas beaucoup, cela est bien pondéré et réfléchi. La très grande partie du DIH s’adresse aux conflits armés internationaux. Le conflit armé non international est, était et reste le parent pauvre.

La première objection n’a pas nécessairement un poids décisif.

Quant à la deuxième, celle sur l’expérience, elle peut paraître plus redoutable comme tout ce qui est ressorti aux catégories du réel. Mais là encore, avant de parler de l’efficacité ou de l’effectivité du DIH, relevons déjà que ce que nous voyons comme violation, nous le voyons certes très bien parce que toutes ces violations sont étalées au grand jour dans les journaux et ailleurs. Du respect, évidemment, nous ne voyons rien du tout, car nous n’aurons jamais une nouvelle dans un journal quelconque afin de nous dire que tel ou tel État a respecté telle ou telle règle poussiéreuse du droit des conflits armés que le journaliste ne connaît évidemment absolument pas. En quoi cela ferrait-il une nouvelle que de dire que le droit de l’occupation a été respecté dans telle règle de détail ou que des prisonniers de guerre ont été traités correctement relativement à la convention III, tout cela ne fait pas de nouvelles.

Le professeur Kolb suggère de ne pas se laisser prendre par des jugements à l’emporte-pièce qui ferraient de la partie de toute. Les violations sont là, dans le conflit armé non international, les violations sont tellement nombreuses que le respect des règles fond comme peau de chagrin ; mais pour le conflit armé non international, la chose est entièrement différente. Il y a là une balance contraire, il y a une écrasante majorité de règles qui sont respectées la plupart du temps et puis quelques violations dont certaines pas évidentes, discutables. Une des erreurs des journalistes est de penser que dès qu’un civil meurt dans un bombardement, le DIH a été violé. Si on connaît mieux le DIH, cela n’est nullement le cas et le DIH accepte même des morts collatérales civiles assez importantes si l’avantage militaire est suffisamment important afin de contrebalancer cet évènement malheureux à l’article 51 § 5.b du protocole additionnel premier ainsi que droit coutumier y relatif. Il y a de la violation et il y a aussi du respect dans le conflit armé international, plus de respect que de violations dans le conflit armé non international, beaucoup plus de violations que de respects ; il faut être intellectuellement honnête.

Nous avons établi jusqu’à présent une chose, que nous ne sommes pas ridicules, que nous ne sommes pas grotesques, nous ne sommes pas grimaçants que de faire un cours de DIH. Tout cela est quelque part possible, mais maintenant positivement, quelles sont donc les raisons pour avoir un DIH ? Qu’il soit possible répond à une autre objection, mais ne nous donne pas encore une justification pour la matière que nous nous abordons à traiter.

Les raisons du DIH sont de trois ordres.

La première raison, ancienne, il est vrai, mais ayant gagné beaucoup de poids dans une modernité qui attribue à la vie humaine une grande valeur, c’est la raison humanitaire. Nous considérons depuis un certain temps et Henri Dunant en est l’emblème vivant, car on peut être vivant même en étant mort ; la raison humanitaire est celle qui nous frappe en tout premier lieu. Bien entendu, nous voulons limiter les effets néfastes de la guerre, faire en sorte qu’elle détruise le moins possible, faire en sorte que les victimes de la guerre, les civiles, les blessés, les malades soient épargnés autant que possible. L’effort pour y parvenir nous paraît digne d’attention et méritoire d’action.

Une raison plus pragmatique du point de vue militaire et non moins tinté de principes, l’avantage réciproque des belligérants. Un droit des conflits armés serait relativement illusoire si les États et les belligérants n’en voulaient pas, mais ils y trouvent un avantage et c’est la raison pour laquelle nous l’avons. Cet avantage est de différents ordres. Il y a tout d’abord un avantage de court terme : contenir les moyens de nuire à l’ennemi, c’est aussi se garantir contre une destruction excessive. Si nous utilisons des armes excessives, chimiques, biologiques parce qu’on espère gagner plus rapidement la guerre en recourant à des moyens aussi radicaux, peut-être cela nous agrée-t-il lorsque nous sommes dans notre perspective soliciste et que nous disons que nous allons briser les « reins de l’ennemi ». Mais là surgit très vite la réflexion et on se dit d’accord que si nous le faisons, peut être obtiendrons-nous un avantage militaire, mais l’adversaire existe aussi et il va également utiliser de tels moyens. Est-ce que le jeu en vaut la chandelle ? Les États en arrivent à la conclusion que certaines pratiques ne sont pas suffisamment avantageuses afin de tenir la réciprocité. La crainte de la réciprocité de l’adversaire les pousses à chercher des limitations qui seront respectées d’ailleurs au moins aussi longtemps que l’adversaire n’enfreindra pas ces normes. La réciprocité est donc un puissant levier qui explique l’avantage et l’intérêt pour des règles de DIH parce que le but est de gagner la guerre et pour cela il faut contenir la destruction. On ne gagne rien si on est entièrement détruit. Lorsqu’on entre dans un conflit armé, on veut imposer à quelqu’un d’autre son point de vue, on veut donc sortir victorieux, ce qui signifie améliorer sa position par rapport à ce qu’elle était avant. Si on sort complètement détruit de la guerre, même en tant que vainqueur, on est perdant.

En plus, long terme, l’intérêt des belligérants est manifestement le retour à une paix qui puisse être durable. Les militaires le savent, les politiques l’oublient parfois, les excès dans la guerre, les cruautés, les violations du droit laissent une pesante ardoise dans la psychologie des peuples et il est difficile de retourner à une paix durable entre des États où le passé est lourd. C’est l’un des grands problèmes du conflit israélo-palestinien.

Puisqu’on veut retour vers la paix lorsqu’on fait la guerre, les militaires savent qu’il faut se contenir. Les Américains ont utilisé depuis longtemps pour cela le terme « we must also win the heart of the people ». Ce n’est rien d’autre ; si on exacerbe l’hostilité contre soi par des violations du droit, non seulement l’adversaire va résister encore plus et plus farouchement et imposera des pertes plus lourdes, mais en plus le retour à la paix sera parsemé d’embuches et donc on ne gagne pas aussi facilement cette guerre que l’on désire gagner.

Le troisième motif afin d’avoir un droit humanitaire au-delà de la réciprocité et d’un bon retour à la paix est tout simplement que la branche militaire de l’État, les armées le demandent, cela peut paraître singulier, mais le professeur Kolb a fait l’expérience relativement souvent que ce que le militaire déteste le plus est quand, en tant que juriste, on lui dit que le droit n’est pas clair. Cela décontenance le militaire parce qu’il est habitué par formation à avoir des réponses claires et des réponses sûres. Il aime donc tout aussi peu qu’on lui dise qu’il n’y a pas de règles avant qu’on lui dise que la règle n’est pas claire. C’est donc une demande qui vient des forces militaires sur le terrain, surtout depuis que des tribunaux internationaux ou nationaux poursuivent beaucoup plus les crimes de guerre. On a toujours peur d’être déjà avec une jambe en prison si on fait des choses qui ne sont pas conformes au droit et on demande au juriste ce qu’il en est. L’expérience du professeur Kolb a toujours été qu’il y a une demande pour des règles même là où il n’y en a pas. Il faut presque inventer des règles parce qu’ils en sont friands et demandeurs.

C’est donc assez intéressant de voir que certains partis politiques peuvent penser que le mieux et de ne pas avoir de règles internationales afin que l’État reste libre pour faire ce qu’il souhaite. C’est assez intéressant de contraster cela avec toute une série de branches de l’État comme la branche militaire où on pourrait penser que celle-ci souhaite vraiment être libre, dans un cas de conflit armé où la survie de l’État est en cause, ne vaut-il pas la peine d’avoir les mains libres. Or, apparemment pas toujours. Ressors sans doute cette vieille idée de la discipline et du fait que le conflit armé se combat selon des règles.

L’effectivité d’un droit des conflits armés n’est pas une question juridique. L’effectivité du droit des conflits armés est la question de savoir s’il a une réelle incidence sur le terrain. Généralement, il y a des violations, il y a aussi du respect de la règle. Qu'en est-il plus dans le détail ?

Ce que nous avons est d’un côté, un effort considérable des forces militaires de respecter les prescriptions juridiques, un effort qui se fait de plus en plus grand ces dernières années. Mais il y a déjà des exemples frappants anciens. Un bel exemple d’une telle tendance déjà ancienne désormais est le traitement des prisonniers de guerre par la Wehrmacht pendant la Deuxième Guerre mondiale. S’il est un État peu sympathique, peu regardant du point de vue du droit international et du point de vue du droit international humanitaire, c’était évidemment l’Allemagne nazie. Or, qu’est-ce qu’on voit ? Prenons le livre de Marcel Junot qui a visité ces camps en Allemagne et qui a écrit un livre intitulé Le troisième combattant où il relate ce qu’il a vu dans les différents théâtres de guerre où il a été et y compris celui-là. Que constate-t-on ? On constate que la Wehrmacht a traité les prisonniers de guerre britannique d’une manière plus que loyale. La grande plainte des Britanniques dans des camps de prisonniers de guerre allemand visités par Junot était qu’il n’y avait pas assez de douches afin de prendre des douches régulièrement. De l’autre côté, des prisonniers de guerre russe, on a d’abord nié l’accès à ces camps à Marcel Junot, mais à travers les relations, il a obtenu de pouvoir y rentrer. La description qu’il en fait est trop cruelle. On constate une différence de traitement absolument énorme dans les deux cas. Elle serait expliquée sans doute politiquement par le fait que les Britanniques étaient vus comme une nation civilisée arienne et que les Russes et les Slaves étaient vus comme des sous-hommes qu’il fallait nettoyer. Mais il n’y a pas que cela, parce que dans la Wehrmacht allemande, il y avait aussi des gens respectueux des règlements et des lois sans être nécessairement des idéologues, et pour ces gens-là, apparemment c’était le cas du commandant du camp, c’était simplement une question d’applicabilité de la convention de Genève de 1929. La Wehrmacht argumentait que par rapport aux Britanniques, elle était liée par la convention de 1929. L’Allemagne n’était pas liée par la convention de 1929 vis-à-vis de la Russie parce que la Russie n’avait pas ratifié, donc les prisonniers de guerre russe pouvaient être traités de façon différenciée, d’autre part, le droit coutumier n’était pas à l’avant-scène à l’époque.

Pour toute une série de personnes, cela faisait une différence et il en est pour preuve également aujourd’hui. Regardons aujourd’hui dans les armées modernes occidentales la place du legal adviser. Il n’y a plus une seule armée occidentale qui n’ait pas une nuée de conseillers juridiques et notamment l’armée américaine. Si nous prenons l’opération en Lybie en 2011, jamais la position du « leg-ad’ » n’a jamais été aussi importante, chaque décision a été prise en consultation et après avoir écouté le legal adviser. Avant de commencer les bombardements en Lybie, pendant des semaines des avions de l’OTAN on fait de la reconnaissance sur le terrain en se faisant ravitailler en air, afin de repérer les cibles militaires appelées « objectifs militaires ». Jamais auparavant, une opération de cette envergure avait eu lieu afin d’identifier les cibles. Cela dépose d’une prise au sérieux du droit des conflits armés qu’on n’imaginerait pas si on lit les journaux quotidiens qui sont friands d’autres choses.

L’argument présenté est un argument en faveur d’une certaine force du DIH. Considérant la faiblesse de ce droit, considérant les violations qui existent et qui sont parfois outrageusement nombreuses dans les conflits armés non internationaux. Est-ce que dans ce cas, où les violations sont beaucoup plus nombreuses que le respect, est-ce que dans ce cas, il vaut tout de même la peine d’avoir un DIH ou est-ce qu’il ne faudrait pas le laisser choir au moins dans ce contexte-là. On pourrait peut-être dire de manière simplifiée de la garder dans le conflit armé international où apparemment il marche plus ou moins et effaçons-le dans le droit des conflits armés non internationaux où il n’a jamais réussi à s’implanter. Si on l’abandonnait dans les matières où dans les contextes où il est assurément souvent, pour ne pas dire trop souvent violé, on perd certaines fonctions essentielles du droit. Tout d’abord, on ne peut plus stigmatiser ces attitudes, il est peut-être possible de les stigmatiser moralement, mais on ne peut pas dire que cela est possible de faire parce que légal, et ça non parce qu’illégal, et donc toute poursuite pénale devient impossible. On relâche la matière complètement dans l’état de nature. Sans doute vaudra-t-il mieux dire à des gens que là ils ont dépassé la limite, sans doute vaudra-t-il mieux de parfois les condamner pénalement que de se dire qu’on ne fait plus rien du tout et tant pis. C’est une question de comparaison, cela n’est pas sûr d’y gagner au change.

Songeons aussi à autre chose toujours dans le même contexte. Le DIH est un droit assez particulier. C’est un droit qui se voue à la promotion et à la protection de causes humanitaires. Selon un très joli mot de Jean Pictet du CICR, qui disait qu’« il vaut la peine d’avoir un DIH même si cela me sert déjà pour protéger une personne ou sauver la vie d’une personne », si on voit les choses sous cet angle-là, même dans les matières où le DIH est fortement violé, il peut être utile en tant qu’instrument afin d’essayer d’influencer le cours des évènements et les parties belligérantes. Car, sans nul doute, le DIH, même dans les conflits armés non internationaux a servi à améliorer le sort de toute une série de personnes. Ce n’est pas toujours uniquement la mauvaise volonté d’ailleurs qui fait la violation, c’est souvent aussi l’absence aussi de moyens adéquats, l’absence d’informations sur les règles et ainsi de suite. Il y a là un domaine d’action où on peut obtenir les choses lorsqu’on descend sur le terrain et qu’on fait comprendre aux parties qu’elles ont un certain intérêt à certaines choses.

Lorsque les Français se battaient en Algérie, c’était à l’époque classifiée comme un conflit armé non international, le problème était que les insurgés se battaient à fond et n’étaient pas prêts à se rendre parce qu’ils savaient que s’ils se rendaient, ils seraient traités comme des séditieux et condamné à mort si cela se trouve. Le délégué du CICR a proposé à l’époque au général français Salan de dire à ces personnes, aux insurgés que ceux qui se rendent seraient traités comme des prisonniers de guerre. Il leur a proposé non pas d’appliquer le DIH, le droit des conflits armés internationaux, mais plutôt d’appliquer un petit pan des conflits armés internationaux dans la guerre civile. Les Français ont accepté et ont eu un certain succès avec cette politique parce qu’en garantissant aux insurgés un statut de prisonnier de guerre, c’est-à-dire plutôt un traitement de prisonniers de guerre ce qui n’implique pas de torture et pas de condamnation à mort, il y a eu une évolution dans le domaine des redditions et c’est quand même un avantage que d’inciter l’adversaire à arrêter de se battre plutôt que d’exacerber chez lui la volonté de résistance. C’est un tout petit exemple qui montre qu’on peut obtenir même dans des conflits armés non internationaux des choses, parfois même extraordinaires comme traitement des prisonniers de guerre, aucun État n’accepte ça dans un conflit non international, mais parfois il y a un intérêt sur l’instant à le faire et on obtient donc tout de même un résultat qui peut être tout à fait remarquable.

L’efficacité du DIH est une question d’inventaire et de nuances. Le DIH a beaucoup de fonctions différentes, tantôt, il est vrai il est efficace, tantôt il ne l’est pas, même là où il ne l’est pas, il a certaines fonctions comme nous perdrions inutilement si nous l’abrogions.

Terminologie : « droit de la guerre », « droit des conflits armés », « droit international humanitaire », « ius in bello »[modifier | modifier le wikicode]

Les trois branches de conflits armés[modifier | modifier le wikicode]

Le droit des conflits armés est une branche qui anciennement s’opposait au droit international de la paix. Elle réglemente les rapports de belligérance donc les règles qui s’appliquent en période de conflit armé entre les belligérants. Cela comporte fondamentalement trois volets de règles.

Premièrement, il y a des règles sur la protection de certaines personnes qu’on appelle parfois les victimes de la guerre, il serait mieux de dire les victimes potentielles ou actuelles de la guerre, car sont protégées aussi des personnes avant qu’elles ne subissent un tort. Les personnes ainsi protégées sont fondamentalement les personnes qui ne participent plus aux hostilités ou qui n’y ont jamais participé. Celles qui sont désormais en dehors de la guerre et qu’on essaie de protéger à ce titre, à savoir les blessés et les malades militaires, les naufragés aussi dans le théâtre de la guerre maritime, les prisonniers de guerre, c’est-à-dire les combattants qui ne combattent plus suite par exemple à une reddition et qui sont désormais dans le contrôle de la partie adverse et enfin les civiles en tout cas dans la mesure où ils ne participent pas directement aux hostilités. Lorsqu’ils participent directement aux hostilités, les civiles perdent une partie de leur immunité. Le civil n’est pas toujours quelqu’un qui ne fait pas d’acte d’hostilité, c’est encore une fadaise de journaliste que de le croire, évidemment ce n’est pas du tout vrai.

Nous appelons aussi parfois cette branche présentée, à savoir la protection des personnes, nous appelons aussi cela parfois le droit de Genève parce que c’était depuis le tout début, depuis la première convention de 1864 l’objet capital, le cœur, l’épicentre des conventions de Genève. Elle traite surtout de la protection des personnes.

Il y a ensuite un deuxième volet de règles qui sont les règles sur la conduite des hostilités. On dit aussi parfois des règles sur les moyens et les méthodes de guerre, autrement dit, la conduite des hostilités. Il s’agit là de la phase chaude du conflit lorsque les belligérants s’affrontent à travers leurs forces armées ou lorsque des groupes armés luttent contre des forces gouvernementales ou lorsque des forces de l’armée dissidentes luttent contre des forces loyalistes du gouvernement. Il y a des hypothèses diverses, mais en tout cas, on est toujours dans le feu de l’action, il y a belligérance effective et des règles sur la limitation de moyens et des méthodes à adopter. Ce sont là des règles typiquement limitatives, on exclut certains moyens, certaines méthodes ou on restreint les moyens et les méthodes permis.

Pourquoi « moyen » et « méthode » ? Il n’y a pas synonymie. Nous appelons un « moyen » tout ce qui est physique notamment les armes. Un obus est un moyen, une bombe est un moyen. Nous appelons méthode tout ce qui n’est pas physique, mais plutôt de la tactique de guerre. Ainsi, par exemple, le recours à la menace de ne pas faire de prisonniers, c’est-à-dire de tuer tous ceux qui se rendent est une méthode interdite et non pas un moyen interdit. De la même manière, le recours à la perfidie est une méthode interdite et non pas un moyen interdit. Par ailleurs, la distinction n’a pas de grande importance juridique, mais il faut savoir que « moyen » et « méthode » se distinguent selon cette modalité-là.

Nous appelons les règles relatives à la conduite des utilités, nous appelons cela aussi parfois le droit de La Haye. La raison en est que dans les anciennes conventions de La Haye, contrairement aux conventions de Genève, le cœur de la réglementation portait sur la conduite des hostilités et c’est en tout cas, surtout à ce titre, que le règlement de La Haye de 1907 est aujourd’hui encore important.

Troisièmement, il y a aussi, dans le droit des conflits armés le droit de neutralité. Le droit de neutralité, contrairement à ce qu’on pense parfois, est une branche du droit des conflits armés, parce que la neutralité touche le rapport que les États qui sont belligérants ont avec les États qui ne sont pas belligérants. Cela fait partie du droit des conflits armés, cela n’est pas du droit de la paix. Le belligérant doit respecter certaines obligations vis-à-vis des États neutres et les États neutres ont des droits vis-à-vis des belligérants. Étant donné que c’est le rapport de belligérance qui fixe les devoirs de neutralité, il est logique que cette branche fasse partie du droit des conflits armés. Pour les États qui ne sont pas en permanence neutres comme la Suisse parce que la Suisse a un statut spécial, il y a des engagements internationaux suite au Congrès de Vienne de 1815 qui furent acceptées unilatéralement d’être neutre en permanence ce qui implique des devoirs en temps de paix comme, par exemple, de ne pas faire partie de l’OTAN. Mais pour les autres États, presque tous les autres États dans le monde qui n’ont pas un statut de neutralité permanente, la neutralité ne vient à jour et n’existe que dans le cas d’un conflit armé. Ce n’est que si un conflit armé international a lieu quelque part que la question de la neutralité surgit, autrement, sinon elle n’existe pas. Si par hypothèse, il n’y avait aucun conflit armé dans le monde, aucun État ne serait neutre et ne serait tenu par aucune obligation de neutralité, sauf les permanents comme la Suisse.

Les trois branches de conflits armés sont les règles sur la protection des personnes, les règles sur la conduite des hostilités et les règles sur la neutralité et quelques matières plus lointaines qui ne sont pas franchement importantes comme, par exemple, une branche relevant du droit des conflits armés qui selon al classification la plus communément adoptée touche au sort des traités lorsqu’il y a un conflit armé. Les traités qui sont conclus entre les États en temps de paix subsistent-ils dans un conflit armé, doivent-ils encore être appliqués, sont-ils suspendus, sont-ils terminés par les faits de la guerre, c’est une question que la commission du droit international traite encore en ce moment, mais nous ne la regarderons pas ici, car étant beaucoup trop spécifique.

Terminologie[modifier | modifier le wikicode]

Puisque nous avons défini notre matière, nous pouvons passer à la terminologie. Comment désigner ce que nous venons de découvrir comme objet du DIH. On voit qu’il y a toute une série de termes, une multiplicité de termes, presque une cacophonie de termes. Il y a en tout cas quatre qui sont les plus utilisés, à savoir « droit de la guerre », « droit des conflits armés », « droit humanitaire » voire « droit international humanitaire », et puis « jus in bello ».

Ne nous perdons pas ici dans les méandres de la terminologie. Dès lors, seulement deux remarques.

La première remarque est qu’il est possible de prendre tous ces termes comme étant synonymique. Il est donc possible d’utiliser chacun d’entre eux pour désigner les trois branches présentées. C’est une habitude qui a été prise ainsi de les utiliser de manière synonymique même si cela n’est pas entièrement propre. Le terme le plus utilisé aujourd’hui par tous pratiquement, sauf par quelques spécialistes, par le Conseil de sécurité qui en est très friand, par notre département des affaires étrangères, à savoir le DFAE qui en est un adorateur, par le CICR qui passe pour être son inventeur, à savoir du droit international humanitaire et qui dès lors l’aime en point qu’il essaie de point l’en voir adultérer, tous ces acteurs adorent le droit international humanitaire pare que c’est le plus sympathique de tous. Dire qu’on fait du droit de la guerre fait ringard et vieux jeu, mais aussi, cela désigne un objet fort antipathique. Dire qu’on fait de l’humanitaire est quand même très bien. Dès lors, ce terme dans l’esprit de la modernité a supplanté les autres. On peut prendre ça pour synonymique parce que c’est la pratique aujourd’hui.

La deuxième remarque est que si on souhaite être un peu plus rigoureux dans les termes, ce qui n’est pas toujours interdit lorsqu’on est dans le droit, mais ce n’est pas toujours imposé en la matière, à ce moment-là, il vaudrait mieux réserver le terme « droit des conflits armés » à l’ensemble des trois branches présentées comme termes génériques couvrant le tout, les trois branches voire les autres s’il y a encore des branches mineures comme les traités dans la guerre, tout cela, droit des conflits armés, ou droit de la guerre, et droit humanitaire devraient soit être réservé soit au droit de Genève, mais cela est presque irréaliste aujourd’hui, soit alors au droit de Genève et au droit de La Haye. Droit de Genève, droit de La Haye, droit humanitaire, cela est très bien, droit des conflits armés lorsqu’il s’agit d’inclure aussi la neutralité voire d’ailleurs certaines règles de la guerre maritime qui n’ont rien à voir avec l’humanitaire et notamment aux prises maritimes donc la capture de navires en guerre qui relève plus des conflits armés que du droit humanitaire. Si on souhaite être rigoureux, il faudrait considérer que le DIH est la partie la plus importante du droit des conflits armés, mais qui n’en épuise pas les contours. Mais il faut à chaque fois qu’on utilise ces termes les définir et dire dans quel sens on les utilise, car il n’y a pas un usage absolument fixe et les auteurs, les acteurs également ont des versions soit plus larges soit plus étroites.

Le troisième point est la séparation du jus in bello et du jus ad bellum et la question est liée au principe des belligérants selon le droit de la guerre, ce n’est rien d’autre qu’une variation sur ce thème, ce n’est rien d’autre qu’une manière de mettre en œuvre le principe de l’égalité des belligérants selon le droit de la guerre. Cela sonne très abstrait et il faut le préciser.

La séparation du ius in bello et du ius ad bellum ; le principe de l’égalité des belligérants selon le droit de la guerre[modifier | modifier le wikicode]

Commentons par un pur point de grammaire. « Jus in bello » et « jus ad bellum » sont des termes qui désignent pour « jus in bello », le droit des conflits armés, et « jus ad bellum » désigne une partie du droit de la paix, celui qui traite des causes légitimes, des causes juridiquement reconnues, des causes légales pour recourir à la force. Dans certaines circonstances, les États peuvent recourir à la force, toute cette branche et quand est-ce qu’on peut utiliser la force et par conséquent toute la branche du maintien de la paix est désignée sous le terme « jus ad bello ».

Le point de grammaire est donc le suivant. Remarquons qu’on dit « jus in bello » et qu’on dit « jus ad bellum ». La différence pour les latinistes est claire, car « in » gouverne l’ablatif, « bello » est de l’ablatif, et « ad » gouverne l’accusatif, par conséquent « um » qui est de l’accusatif. Tout cela est d’une importance médiocre il est vrai, mais comme ces termes sont utilisés très souvent, il est très gênant de se tromper et de dire « jus ad bello », cela fait très incompétent. Si jamais, il vaut mieux utiliser les termes « maintien de la paix » et « droit des conflits armés ».

D’abord, pourquoi est-ce que l’égalité des belligérants devant le droit de la guerre est si importante et qu’entendons-nous déjà par « égalité des belligérants » devant le droit de la guerre ? la question a trait à la question de l’application des règles du droit du conflit armé et le grand principe du droit des conflits armés, le dogme inamovible du droit des conflits armés, la proposition première, l’axiome avec lequel la matière survie ou déchoie, est celle que chaque belligérant applique les mêmes règles parce qu’il est tenu par les mêmes règles. Réciprocité donc parfaite. Les limitations dans la conduite des hostilités s’appliquent à tous les belligérants de la même manière à condition qu’ils aient ratifié une convention si celle-ci doit être applicable. Cela est de l’ordre du droit des traités tout à fait élémentaires. S’il n’y avait pas ce principe, le droit des conflits armés ne serait pas viable pour tout un tas de raisons. La plus évidente est que sans réciprocité, le respect du droit s’écroulerait, aucun belligérant n’accepterait d’être tenu par des règles que d’autres parties ne respectent pas et qu’elle n’est pas tenue de respecter en droit. Il est donc tout à fait évident que si on n’applique pas le droit également, on donne immédiatement à la partie qui est victime d’une pratique excessive, la raison d’adopter la même pratique excessive et donc on commence à aller en spirale vers le bas, vers ce que nous appelons la guerre totale, c’est-à-dire, la guerre illimitée. S’il en était ainsi, cela serait quand même fâcheux pare que cela voudrait dire qu’il n’y a plus aucun DIH qui fonctionnerait à la fin, que la guerre totale apporterait exactement ce que les États ne veulent pas, à savoir une destruction hors proportions, une destruction excessive au détriment, tout d’abord, déjà, des personnes protégées.

Il est possible de mal traiter les prisonniers de guerre, les tuer dans certaines circonstances, mais là on est mal parti. Parce qu’évidemment, de proche en proche, de généralisations en généralisations, de réactions en réactions, ont fini avec la barbarie. C’est donc la raison pour laquelle il est capital de maintenir cette égalité dans l’application du droit de la guerre. Chaque partie doit appliquer également.

Cela peut paraître banal. Chacune des parties est tenue par des règles qu’elle a acceptées dans des conventions, chacune des parties au conflit est tenue par les règles coutumières universelles qui s’appliquent justement universellement. Le problème est que cela n’est pas du tout banal, car dans l’histoire nous avons toujours eu des tendances, toujours et encore récemment, nous les avons encore maintenant, lors des guerres des États-Unis en Afghanistan ou encore en Irak, il y avait exactement la même argumentation de nouveau et elle ressortait dans les années 1950 dans un autre contexte et encore avant dans un autre contexte contre Hitler notamment. Quel est le point difficile ici ? C’est tout simplement qu’il y a des situations dans lesquelles un belligérant se sent en possession d’une juste cause de guerre. L’exemple le plus simple est celui de l’agressé et de l’agresseur. Il est possible de varier, en disant que l’on est l’État civilisé et en désignant l’autre comme terroriste barbare. C’est le même thème, mais avec une variation. Ce à quoi on aboutit si on pense cet argument jusqu’à son point final est que ces belligérants ne se bornent pas tout simplement à dire qu’il est le bien et l’autre Hitler, mais ils disent que comme l’un défend une cause juste, alors il doit quand même avoir plus de libertés aussi in bello pour se défendre. Il n’est pas normal que le « méchant » et le « bon » soient tenus par les mêmes règles parce que cela est faire le jeu du « méchant». Il serait normal que le “bon” puisse avoir quelques latitudes de plus afin de défendre la civilisation, pour défendre l’agressé contre l’agresseur, et ainsi de suite.

L’argument est tout simplement un argument de réduction ou d’effacement de l’égalité des belligérants devant le droit de la guerre. Le point capital du droit des conflits armés est de nier une telle distinction et de continuer à dire que les règles s’appliquent également à tous qu’ils soient “agresseurs” ou “agressé”, qu’il soit “bon” ou “mauvais”. Non pas toutes les règles il est vrai. Dans le droit de la paix, on distingue entre l’agresseur et l’agressé, entre le “bon” et le “mauvais”. Il y a des sanctions contre l’agresseur, il y a des sanctions de Nations Unies, mais encore de la responsabilité, tout cela est acquis. Tout le droit de la paix est basé sur une discrimination entre celui qui viole le droit et celui qui ne le viole pas dans le cadre de cet exemple. Mais pas le droit de la guerre, pas le droit des conflits armés. Il y a ici une ile où ce principe de distinction entre les belligérants, de discrimination en fonction de la justice de la cause ne s’étend pas. Tout le droit de la paix oui, lorsqu’on arrive au dernier réduit contre la barbarie qui est le droit des conflits armés, non. C’est là la raison de la séparation du jus in bello et du jus ad bellum parce que le jus ad bellum se sont les causes de guerres, les causes légitimes de guerre. C’est exactement cela de savoir qui est l’agresseur et qui est l’agressé. Le jus ad bellum est basé sur cette distinction-là, on la lui laisse, il est légitime dans ce contexte. Mais ce qu’on dit, séparation entre les deux.

Cette distinction qui est faite dans le jus ad bellum, elle reste dans le jus as bellum, elle ne peut pas être traduite dans le jus in bello ou l’égalité entre les belligérants doit rester absolument de mise.

Tout le monde est l’agressé, toujours. Aucun État ne se dit être l’agresseur. Par exemple, le Conseil de sécurité ne dit jamais qui est l’agresseur et l’agressé, il prend des mesures selon le chapitre VII. Dès lors, si on acceptait un système de distinction en fonction de qui est bon et qui est mauvais, le résultat serait que tout simplement chacun se proclamerait être bon et prendrait des libertés par rapport au droit des conflits armés. Si nous voulons avoir un droit des conflits armés, on ne peut pas permettre cela.

Voilà de quoi il s’agit, les causes de guerre, la justice de la cause de guerre n’a pas d’incidence sur le droit des conflits armés, les règles dans le droit des conflits armés doivent être appliquées également. Politiquement, cela est très difficile à faire comprendre parfois. Quant au terrorisme d’ailleurs, il faut bien garder à l’esprit que le phénomène terroriste n’est pas soumis au droit des conflits armés, en très grande partie il ne l’est pas parce que les terroristes ne sont pas des belligérants de toute manière, donc nous ne sommes pas dans le domaine du DIH, nous n’avons pas à leur appliquer une égalité quelconque, ce sont tout simplement des criminels. Le problème se pose lorsqu’il y a un groupe armé qui agit comme un belligérant ou un gouvernement qui est allié d’un tel groupe et que ces groupes agissent comme belligérant et qu’il y a un vrai conflit armé. En ce qui concerne l’Afghanistan et les États-Unis, c’est pour les personnes capturées sur le champ de bataille, lors de la bataille que s’appliquait la convention III et donc les détentions de Guantánamo n’étaient pas conformes. Pour tous les autres qui ont été capturés quelque part dans le monde, trafiqué par ci et par là pour les livrer aux Américains, tous ceux-là sont en dehors du droit des conflits armés parce qu’ils n’ont pas été capturés lors d’un conflit armé sur un champ de bataille.

Donc le principe de l’égalité des belligérants ne s’applique que dans le cadre des conflits armés et le terrorisme est un phénomène qui va beaucoup plus loin que le conflit armé.

Annexes[modifier | modifier le wikicode]

Références[modifier | modifier le wikicode]