Introduction au comportement politique

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L'étude du comportement politique va bien au-delà de l'observation des actions manifestes. Elle comprend également l'examen des attitudes, des croyances, des valeurs et des opinions politiques. Ces aspects plus subjectifs et parfois moins visibles du comportement politique sont tout aussi importants que les comportements politiques plus évidents, comme le vote ou la participation à des manifestations.

Le terme "comportement politique" pourrait sembler restrictif, car il évoque des actions observables et concrètes. Cependant, dans le domaine des sciences politiques, ce terme est généralement utilisé pour désigner un champ d'étude beaucoup plus large, qui inclut non seulement les actions, mais aussi les pensées, les attitudes, les croyances, les opinions et les valeurs liées à la politique. En effet, ces éléments plus abstraits sont cruciaux pour comprendre la politique et le fonctionnement des sociétés. Par exemple, les valeurs politiques d'un individu, bien qu'elles ne se traduisent pas toujours par des actions concrètes, peuvent influencer sa perception des politiques, des partis et des candidats, et orienter ses décisions politiques futures. De même, les opinions et les croyances politiques d'une personne, même si elles ne sont pas exprimées par des actions, peuvent avoir un impact significatif sur son alignement politique et son soutien à différentes causes.

Deux grands champs d’études dans le comportement politique

Le comportement politique peut être largement classé en deux catégories : le comportement politique conventionnel et le comportement politique non conventionnel. Ces deux types de comportements sont caractérisés par différentes formes de participation politique.

Le comportement politique conventionnel

Le comportement politique conventionnel, aussi appelé comportement électoral, se focalise principalement sur les actions et les décisions des électeurs lors des élections. Ce domaine d'étude comprend deux aspects principaux : la participation électorale et les choix de vote.

  • Participation électorale : Il s'agit d'examiner qui choisit de participer aux élections et qui choisit de s'abstenir, ainsi que les raisons de ces choix. Les facteurs qui peuvent influencer la participation électorale comprennent l'âge, le niveau d'éducation, le statut socio-économique, l'engagement civique, le sentiment d'efficacité politique, l'intérêt pour la politique, et bien d'autres. Des facteurs institutionnels, tels que la facilité de vote et le type de système électoral, peuvent également jouer un rôle.
  • Choix de vote : Ce domaine explore pour qui ou pour quoi les gens votent. Cela peut être influencé par des facteurs tels que l'idéologie politique, l'appartenance à un groupe, l'évaluation du gouvernement ou des candidats en place, les questions de politique spécifiques, et les perceptions de la compétence des candidats, parmi d'autres choses.

En combinant ces deux aspects - qui vote et comment ils votent - les chercheurs peuvent avoir une image plus complète du comportement électoral. Cette information peut ensuite être utilisée pour comprendre les tendances électorales, prédire les résultats des élections, et informer les efforts pour augmenter la participation électorale et l'engagement civique.

L'étude du comportement électoral, qui est une facette importante du comportement politique, se concentre principalement sur ces trois questions fondamentales : qui vote, comment ils votent et pourquoi ils votent de cette façon.

  • Qui vote : Cela consiste à examiner les caractéristiques des électeurs, telles que l'âge, le sexe, le niveau d'éducation, la classe socio-économique, la race ou l'origine ethnique, et d'autres facteurs démographiques. Cela peut également impliquer l'examen des facteurs institutionnels qui peuvent influencer la participation, comme les lois sur l'inscription des électeurs, le type de scrutin, etc.
  • Comment ils votent : Cela implique de regarder pour qui ou pour quoi les gens votent. Par exemple, votent-ils pour un parti politique particulier, un candidat spécifique, ou en fonction d'un enjeu spécifique ?
  • Pourquoi ils votent de cette façon : C'est l'étape où les chercheurs tentent d'expliquer les motivations derrière les choix de vote des individus. Cela peut inclure l'examen des attitudes et des croyances politiques, des affiliations partisanes, des perceptions des candidats et des enjeux, des conditions économiques, et d'autres facteurs.

L'étude de ces trois questions peut aider à comprendre non seulement les résultats d'une élection spécifique, mais aussi les tendances électorales plus larges, le fonctionnement de la démocratie, et comment divers facteurs peuvent influencer le processus électoral. Comme son nom l’indique, le comportement électoral fait référence aux élections donc on étudie le comportement aux élections, qui vote, qui vote, pour quel parti et pour quel candidat.

La Suisse est unique en ce sens qu'elle pratique un système de démocratie directe, où les citoyens ont le pouvoir de voter non seulement sur les représentants politiques, mais aussi sur les politiques publiques spécifiques, les propositions de loi et les réformes politiques. Cela ajoute une autre dimension à l'étude du comportement électoral. Bien que les élections représentatives (c'est-à-dire le vote pour les candidats ou les partis politiques) soient le type de vote le plus couramment étudié en termes de comportement électoral, l'analyse de la démocratie directe, comme les votations populaires en Suisse, peut apporter des perspectives uniques et précieuses. En appliquant les méthodes d'étude du comportement électoral aux votations populaires, les chercheurs peuvent obtenir des informations précieuses sur la manière dont les citoyens interagissent avec des questions politiques spécifiques et directes, fournissant ainsi une image plus complète du paysage politique suisse et de la démocratie directe en action.

Le comportement politique non-conventionnel

L'étude du comportement politique non conventionnel se concentre sur les types d'engagement politique qui se situent en dehors des canaux traditionnels tels que le vote ou le militantisme au sein d'un parti. Deux exemples majeurs de cela sont la politique contestataire et les nouveaux mouvements sociaux.

L'action collective représente un aspect majeur du comportement politique non conventionnel. Elle englobe toute forme d'activité dans laquelle les individus se réunissent pour atteindre un objectif commun, souvent lié à la défense d'intérêts partagés ou à la promotion d'un changement social ou politique. L'action collective peut prendre de nombreuses formes, des manifestations publiques aux grèves, en passant par les campagnes de sensibilisation en ligne. Elle peut impliquer une organisation formelle, comme un syndicat ou un groupe de défense des droits, ou elle peut être une mobilisation plus spontanée de citoyens autour d'un problème ou d'une cause spécifique. L'étude de l'action collective en tant que composante du comportement politique cherche à comprendre comment et pourquoi ces formes de mobilisation se produisent. Elle examine des questions comme : Qu'est-ce qui incite les individus à participer à l'action collective ? Comment les groupes d'action collective se forment-ils et comment fonctionnent-ils ? Quels facteurs contribuent au succès ou à l'échec d'une action collective ?

La politique contestataire est un sous-ensemble spécifique de l'action collective qui se concentre sur la contestation de l'ordre existant et la promotion du changement. Elle représente une forme d'engagement politique qui va au-delà du système politique conventionnel et qui cherche à exercer une pression sur les structures de pouvoir pour provoquer des changements. La politique contestataire implique souvent des groupes qui se mobilisent autour d'une revendication spécifique ou d'un ensemble de revendications. Ces revendications sont généralement présentées aux responsables politiques, tels que le gouvernement, le parlement ou d'autres décideurs, dans le but d'attirer leur attention et d'influencer leur action.

la politique contestataire est un concept très large qui englobe une multitude de formes d'actions collectives. Les groupes engagés dans la politique contestataire cherchent souvent à susciter des changements en utilisant des tactiques qui vont au-delà des voies traditionnelles de la participation politique. Voici quelques formes que la politique contestataire peut prendre :

  • Mouvements sociaux : Ce sont des groupes organisés de personnes qui se rassemblent autour d'un intérêt ou d'une cause commune. Les mouvements sociaux peuvent avoir une grande variété d'objectifs, des droits de l'homme à la protection de l'environnement, et ils peuvent utiliser une variété de tactiques pour atteindre ces objectifs.
  • Révoltes et révolutions : Ces formes d'actions collectives sont souvent plus radicales et peuvent impliquer des tentatives directes de renverser un gouvernement ou un système politique. Elles peuvent être violentes ou non violentes, et elles peuvent être largement soutenues par le public ou limitées à un petit groupe d'activistes.
  • Guerres civiles : Dans certains cas, la politique contestataire peut dégénérer en conflit armé à grande échelle. Les guerres civiles sont généralement le résultat de désaccords profonds et insolubles sur le pouvoir politique, l'identité nationale, les droits de l'homme, ou d'autres questions clés.
  • Terrorisme : C'est une forme extrême de politique contestataire qui utilise la violence pour créer un climat de peur et atteindre des objectifs politiques. Il est important de noter que le terrorisme est généralement considéré comme illégal et immoral par la communauté internationale.
  • Activisme communautaire : C'est une forme de mobilisation politique qui se concentre sur des problèmes spécifiques à une communauté particulière. Les activistes communautaires travaillent souvent à résoudre des problèmes locaux en organisant des citoyens, en influençant les politiques publiques et en fournissant des services directs. Cet activisme peut englober une grande variété de problèmes, y compris, mais sans s'y limiter, le logement, l'éducation, la santé et l'environnement.
  • Organisation de base : Cette forme d'engagement politique se concentre sur la mobilisation des citoyens ordinaires pour qu'ils participent plus activement à la vie politique. Cela peut impliquer des activités telles que le porte-à-porte, les campagnes téléphoniques, la collecte de fonds et la formation politique. L'idée est de renforcer la participation politique à la base et d'encourager un plus grand nombre de personnes à s'engager dans le processus politique.
  • Création de médias alternatifs : Dans un monde de plus en plus dominé par les grandes entreprises de médias, la création de médias alternatifs offre une façon pour les groupes marginalisés de faire entendre leur voix. Cela peut impliquer la création de journaux, de stations de radio, de chaînes de télévision, de sites web, de podcasts ou d'autres formes de médias qui offrent des perspectives et des informations différentes de celles fournies par les médias traditionnels. Les médias alternatifs peuvent jouer un rôle crucial dans la diffusion d'informations, la mobilisation des soutiens et la contestation du discours dominant.
  • Grèves : Une grève est une action collective dans laquelle un groupe de travailleurs cesse de travailler pour exprimer leur mécontentement et faire pression pour le changement. Les grèves peuvent être utilisées pour exiger des augmentations de salaire, de meilleures conditions de travail, la reconnaissance syndicale, ou pour d'autres revendications liées au travail. Elles peuvent être particulièrement efficaces car elles perturbent directement la production ou la prestation de services, exerçant une pression économique sur les employeurs. Les grèves peuvent aussi être menées par des étudiants, comme on l'a vu avec les grèves pour le climat récentes menées par des jeunes du monde entier.

Chacune de ces formes de politique contestataire a ses propres dynamiques, défis et conséquences potentielles. L'étude de ces différents types d'actions peut aider les chercheurs, les responsables politiques et le public à mieux comprendre comment les mouvements sociaux et les conflits politiques se développent et comment ils peuvent être résolus.

Les "nouveaux mouvements sociaux" représentent un tournant crucial dans la façon dont les citoyens s'engagent dans des actions contestataires. Ces mouvements diffèrent significativement des mouvements sociaux classiques, comme les syndicats, à travers leurs thèmes, leurs structures organisationnelles et leurs techniques de mobilisation. Premièrement, en termes de thèmes et d'objectifs, ces nouveaux mouvements sociaux ont une portée plus large et se concentrent souvent sur des questions sociétales, culturelles et politiques. Par exemple, le mouvement écologiste se bat pour la protection de l'environnement et la lutte contre le changement climatique. De son côté, le mouvement des droits des LGBTQ+ se consacre à la promotion de l'égalité des droits et à l'acceptation sociale. Deuxièmement, ces mouvements ont généralement des structures organisationnelles moins formelles et plus décentralisées que les mouvements sociaux traditionnels. Ils peuvent être dépourvus de dirigeants clairement définis ou de structures organisationnelles officielles. Cette décentralisation peut leur permettre de s'adapter plus rapidement et de manière plus créative à l'évolution des conditions et des défis. Enfin, les techniques de mobilisation de ces nouveaux mouvements sociaux ont été transformées par l'avènement des médias sociaux et d'autres technologies numériques. Ils ont la capacité de mobiliser des partisans à une échelle plus large et plus efficace que jamais auparavant. Les campagnes en ligne, les manifestations virtuelles et d'autres formes de mobilisation numérique sont désormais des outils couramment utilisés.

La mobilisation au sein de ces nouveaux mouvements sociaux se distingue par son recours à des formes d'action non conventionnelles. Ces actions sortent du cadre des canaux institutionnels habituels tels que le vote ou la récolte de signatures pour des référendums ou des initiatives. Elles cherchent à attirer l'attention du public, à susciter le débat et à exercer une pression pour le changement politique.

  • Manifestations : Les manifestations sont une forme courante d'action politique non conventionnelle. Les citoyens se rassemblent en public pour exprimer leur soutien ou leur opposition à une politique particulière. Ces événements sont souvent hautement visibles et peuvent attirer l'attention des médias, contribuant ainsi à sensibiliser le public et à faire pression sur les responsables politiques.
  • Boycotts : Les boycotts sont une autre forme d'action politique non conventionnelle. Ils impliquent le refus d'acheter des produits ou des services dans le but de protester contre les actions d'une entreprise ou d'un gouvernement. Les boycotts peuvent être un moyen efficace d'exercer une pression économique et de pousser à un changement de comportement ou de politique.
  • Sit-ins : Un sit-in est une forme de protestation non violente où les individus occupent un espace pour exprimer leur opposition à une certaine politique ou pratique. En refusant de bouger, les participants aux sit-ins attirent l'attention sur leur cause et peuvent perturber le fonctionnement normal d'un lieu, que ce soit un bureau gouvernemental, un restaurant, une université, etc. Les sit-ins ont été un outil majeur de protestation durant le mouvement des droits civiques aux États-Unis dans les années 1960 et continuent d'être utilisés par divers mouvements sociaux aujourd'hui.

Ces formes d'action non conventionnelles jouent un rôle crucial dans la démocratie moderne. Elles permettent aux citoyens de s'exprimer et de se mobiliser en dehors des structures institutionnelles traditionnelles, offrant des voies supplémentaires pour influencer le cours de la politique et du changement social.

Le comportement politique conventionnel incarne l'implication citoyenne par le biais de canaux institutionnels. Cela comprend la participation aux élections, la signature de pétitions ou la collecte de signatures pour lancer des initiatives ou des référendums. Ces actions constituent l'expression traditionnelle de l'implication politique. Elles engagent les mécanismes officiels que le système politique a mis en place pour permettre aux citoyens d'exprimer leurs opinions et de participer à la prise de décision. Cependant, tous les citoyens ne se limitent pas à ces formes d'expression politique. Pour certains, ces canaux institutionnels peuvent sembler insuffisants pour exprimer pleinement leurs revendications ou atteindre leurs objectifs politiques. C'est ici qu'intervient le comportement politique non conventionnel. Le comportement politique non conventionnel se manifeste lorsque les citoyens sortent des cadres institutionnels traditionnels pour se faire entendre. Les manifestations, les grèves, les occupations, ou encore les boycotts font partie de cette catégorie d'actions. Ces tactiques sont souvent employées lorsque les citoyens ressentent le besoin de souligner des problèmes non résolus, de susciter le débat et d'exercer une pression plus directe pour un changement politique. Ces deux types de comportements jouent des rôles cruciaux dans une société démocratique. Les actions conventionnelles permettent le fonctionnement régulier des institutions démocratiques. En parallèle, les actions non conventionnelles peuvent mettre en lumière des problèmes plus profonds, stimuler la discussion et catalyser le changement politique.

Exemples de questions que l'on se pose

L'étude du comportement politique, que ce soit en Suisse ou à l'étranger, peut se concentrer sur plusieurs questions clés.

  • L'effet de l'âge sur la participation politique : Plusieurs études ont démontré que l'âge a un effet significatif sur la participation politique. Cet effet n'est pas seulement dû au vieillissement, mais aussi au parcours de vie de l'individu et à son appartenance à une certaine génération. La question se pose alors : comment ces facteurs influencent-ils le comportement électoral ? Qu'est-ce qui incite certaines personnes âgées à voter davantage ou moins que d'autres ? Ce sont là des questions clés pour comprendre comment l'âge et le parcours de vie influencent la participation politique.
  • L'engagement dans les mouvements sociaux : Une autre question cruciale dans l'étude du comportement politique concerne l'engagement dans les mouvements sociaux. Pourquoi certaines personnes choisissent-elles de s'engager dans ces mouvements, tandis que d'autres ne le font pas ? Est-ce que certains individus sont plus enclins à l'engagement dans l'action collective que d'autres ? Et si oui, quels sont ces traits ou facteurs individuels qui prédisposent certains individus à s'engager dans l'action collective et dans les mouvements sociaux ?
  • Les déterminants individuels du comportement électoral : Pour comprendre les tendances de vote et les variations d'une élection à l'autre, les chercheurs étudient les déterminants individuels du comportement électoral. Cela comprend des facteurs tels que l'âge, la classe sociale, l'éducation, le genre, la religion, l'origine ethnique et les valeurs politiques. L'objectif est d'identifier des régularités et des motifs dans le comportement de vote. Par exemple, quelles sont les caractéristiques personnelles qui font qu'un individu est plus susceptible de voter pour un parti conservateur plutôt que pour un parti progressiste ? Comprendre ces déterminants individuels peut aider à prédire les résultats des élections et à cibler les efforts de mobilisation des électeurs.
  • L'essor des partis populistes de droite en Europe : Une autre question clé dans l'étude du comportement politique est l'essor des partis populistes de droite en Europe. Ces partis, comme l'Union Démocratique du Centre (UDC) en Suisse, ont gagné du terrain dans de nombreux pays. Quels facteurs expliquent cet essor ? Les causes sont-elles les mêmes dans différents pays ou chaque pays a-t-il sa propre dynamique ? Les chercheurs cherchent à déceler des régularités qui pourraient aider à comprendre cette tendance politique et à anticiper son évolution future.
  • L'influence de l'engagement associatif sur l'intégration des étrangers : L'engagement dans des associations est souvent considéré comme un facteur favorisant l'intégration sociale et politique des étrangers. Des chercheurs comme Marco Giugni et Matteo Gianni tentent de vérifier cette hypothèse en étudiant l'effet de l'engagement associatif sur le niveau et le type d'intégration des étrangers résidant en Suisse. Ils cherchent à déterminer si l'insertion associative peut constituer un modèle efficace d'intégration pour ces populations.
  • L'impact des modèles de citoyenneté sur la mobilisation des immigrés : D'un pays à l'autre, les modèles de citoyenneté varient grandement. Certains pays privilégient le droit du sol (la nationalité est déterminée par le lieu de naissance), tandis que d'autres se basent sur le droit du sang (la nationalité est déterminée par celle des parents). De plus, certains pays ont des politiques d'intégration plus libérales que d'autres. Ces variations peuvent-elles avoir un impact sur le niveau de mobilisation politique des immigrés ? Cette question fait l'objet de recherches internationales visant à évaluer l'effet des différents modèles de citoyenneté sur l'engagement politique des immigrés.
  • L'influence des campagnes électorales et des médias sur la formation des opinions avant une élection ou une votation : Il s'agit ici d'une perspective dynamique où l'on se concentre sur comment les électeurs forment leur opinion avant un vote ou une élection. Le rôle des campagnes électorales et des médias dans ce processus est crucial. Certaines personnes peuvent avoir une opinion préconçue et savoir dès le début pour qui ou pour quoi elles vont voter, de sorte que la campagne électorale n'a que peu d'influence sur leur décision finale. Dans ce cas, les campagnes électorales agiraient principalement comme des confirmations des croyances existantes. Cependant, dans d'autres cas, les campagnes peuvent jouer un rôle considérable dans la formation de l'opinion. Par exemple, elles peuvent informer les électeurs sur des enjeux dont ils n'avaient pas connaissance auparavant, elles peuvent mettre en évidence des aspects spécifiques de la personnalité des candidats ou elles peuvent changer la perception des électeurs sur des questions clés. Dans ce contexte, les médias jouent également un rôle crucial. Par leur couverture des campagnes, ils peuvent influencer l'agenda public et, par conséquent, les questions qui sont jugées importantes par les électeurs. De plus, par leur manière de présenter les candidats et les enjeux, ils peuvent également influencer les perceptions des électeurs. Dans l'ensemble, l'étude de l'influence des campagnes électorales et des médias sur la formation des opinions est un domaine complexe et multidimensionnel du comportement politique.

Nous allons laisser de côté le comportement politique non-conventionnel et nous focaliser sur le comportement politique conventionnel.

Trois grands modèles d'explication du vote

Le domaine de l'étude du comportement électoral compte trois grandes théories traditionnelles qui ont vu le jour au début du XXe siècle ou au cours de sa première moitié. Ces théories ont donc plus d'un demi-siècle d'existence, ce qui justifie leur qualification de "classiques" dans le domaine de l'explication du vote. Cela dit, avec le temps, des modèles plus récents ont émergé pour expliquer le comportement électoral. Néanmoins, il est crucial de commencer par comprendre ces théories classiques car elles continuent d'être des références majeures pour comprendre le vote.

Le domaine du comportement politique est relativement récent, sa naissance étant intimement liée à la disponibilité des données. Les sondages d'opinion, qui ont fait leur apparition entre les années 1920 et 1940, ont permis une approche plus individualisée de l'étude du comportement politique. Avant cela, l'étude se basait principalement sur des données agrégées, telles que les résultats d'élections ou de votations par canton ou par commune. On examinait donc la distribution des résultats au niveau communal ou cantonal. L'absence de données de sondage pour une longue période a limité la possibilité d'étudier le comportement politique à un niveau individuel, c'est-à-dire d'examiner chaque individu de manière distincte. Cette situation explique pourquoi le champ d'étude du comportement politique, tel que nous le connaissons aujourd'hui, a vu le jour relativement tardivement, principalement à partir des années 1945 et 1950.

École socio-structurelle

Article détaillé : Modèle sociologique.
Paul Lazarsfeld.

La première grande école d'explication du vote est communément appelée l'École de Columbia. Elle tire son nom de l'Université de Columbia, où plusieurs chercheurs, dont le célèbre Paul Lazarsfeld, ont développé cette approche.

L'École de Columbia est connue pour sa théorie de l'influence sociologique sur le comportement électoral, qui a été développée dans les années 1940 et 1950. Paul Lazarsfeld et ses collègues se sont penchés sur la manière dont les relations sociales et les appartenances à des groupes sociaux peuvent influencer le choix de vote d'un individu. Dans leur perspective, le vote n'est pas une décision isolée prise par un individu indépendant, mais il est fortement influencé par l'appartenance à des groupes tels que la famille, les amis, les collègues de travail et les communautés religieuses. En d'autres termes, les gens sont souvent influencés par les opinions politiques et les comportements de vote de ceux qui les entourent. L'une des études les plus célèbres réalisées par l'École de Columbia est "The People's Choice" (Le choix du peuple), qui a analysé le comportement électoral lors de l'élection présidentielle américaine de 1940. Cette étude a révélé que les gens étaient plus susceptibles d'être influencés par des "leaders d'opinion" au sein de leurs groupes sociaux respectifs, et que ces leaders jouaient un rôle clé dans la formation de l'opinion publique.

Paul Lazarsfeld et ses collègues de l'École de Columbia ont réalisé une étude remarquable et innovante sur le comportement électoral, qui s'est concentrée sur un comté spécifique dans l'État de l'Ohio. Bien que son échantillon géographique ait été limité, l'approche méthodologique de Lazarsfeld a été extrêmement détaillée et rigoureuse. L'étude a utilisé une méthode d'enquête longitudinale, également connue sous le nom d'enquête panel, dans laquelle les mêmes personnes ont été interrogées à plusieurs reprises sur une certaine période. Plus précisément, Lazarsfeld a réalisé six vagues d'enquêtes, permettant ainsi d'observer comment les opinions et le comportement électoral des individus ont évolué dans le temps.

Cette approche a offert des perspectives précieuses sur la dynamique du comportement électoral qui n'aurait pas pu être saisie par une enquête ponctuelle. En effet, la possibilité de suivre les mêmes individus tout au long du temps a permis d'observer les changements d'opinion et les facteurs qui les influencent. De plus, l'étude longitudinale a permis de distinguer les changements dans le temps (effets de période) des différences entre les individus (effets de cohorte) et les changements qui se produisent à mesure que les gens vieillissent (effets d'âge). Malgré les limites géographiques de l'étude, les travaux de Lazarsfeld ont posé les bases pour des recherches ultérieures en comportement électoral, et la méthode d'enquête panel est devenue une technique standard dans les sciences sociales.

L'étude menée par Lazarsfeld sur les élections présidentielles de 1940 aux États-Unis était révolutionnaire à bien des égards. Il n'était pas tant intéressé par la prédiction des résultats du scrutin, comme cela est souvent le cas dans les sondages d'opinion modernes, mais plutôt par la compréhension des motivations qui poussaient les électeurs à choisir un parti plutôt qu'un autre. Dans cette perspective, Lazarsfeld n'a pas cherché à prévoir l'issue de l'élection, mais a plutôt cherché à expliquer a posteriori pourquoi certains électeurs ont voté pour le parti républicain et d'autres pour le parti démocrate. Son objectif principal était donc d'explorer et de comprendre les facteurs qui influencent le choix des électeurs. Cela représentait une approche novatrice et plus nuancée de l'étude du comportement électoral. Plutôt que de simplement chercher à prédire le résultat sur la base de données démographiques ou socio-économiques, Lazarsfeld a voulu comprendre les facteurs sous-jacents et plus profonds qui motivent le choix de vote d'un individu. C'est une approche qui est toujours largement utilisée aujourd'hui dans le domaine de la science politique.

Pour synthétiser, les résultats de l'étude de Lazarsfeld ont donné naissance au modèle socio-structurel, aussi connu sous le nom de modèle de Columbia. Comme son nom l'indique, ce modèle souligne l'influence considérable des facteurs socio-structurels sur le comportement de vote. L'une des conclusions fondamentales de l'étude est que "la pensée politique d'une personne est un reflet de sa condition sociale. Les caractéristiques sociales déterminent les préférences politiques". Ce modèle d'explication du vote possède un caractère profondément déterministe, qui pourrait être résumé par l'idée que "dites-moi qui vous êtes socialement, et je vous dirai comment vous votez". Selon cette approche, les individus ont une idée très claire de leur choix de vote bien avant le jour de l'élection. De plus, ce choix est considéré comme étant très stable dans le temps, du fait que l'insertion sociale d'un individu reste relativement constante. Ainsi, la stabilité du vote est due à la stabilité de l'insertion sociale de l'individu.

Dans le modèle de Columbia, les facteurs qui déterminent le vote sont principalement les caractéristiques socio-démographiques ou socio-structurelles. Ces caractéristiques incluent le statut socio-économique, qui se traduit par le niveau d'éducation, le revenu et la classe sociale de l'individu. La religion et le lieu de résidence sont également considérés comme des facteurs clés dans la détermination du comportement de vote dans ce modèle. Ainsi, selon le modèle de Columbia, chaque élément sociostructurel joue un rôle spécifique dans le comportement de vote.

  • Le statut socio-économique : Le niveau d'éducation, le revenu et la classe sociale ont tous une influence significative sur le comportement de vote. Par exemple, les personnes ayant un niveau d'éducation plus élevé sont généralement plus susceptibles de participer aux élections et de s'engager politiquement. De même, certaines recherches suggèrent que les personnes appartenant à des classes socio-économiques plus élevées sont plus susceptibles de voter pour des partis politiques conservateurs ou de droite, tandis que les personnes issues de classes socio-économiques plus basses ont tendance à voter pour des partis de gauche ou progressistes.
  • La religion : La religion peut également avoir une influence significative sur le comportement de vote. Les convictions religieuses peuvent façonner les valeurs et les attitudes politiques d'une personne, ce qui peut à son tour influencer son choix de parti ou de candidat. Par exemple, aux États-Unis, les électeurs chrétiens évangéliques sont plus susceptibles de voter pour le parti républicain, tandis que les électeurs juifs sont généralement plus enclins à soutenir le parti démocrate.
  • Le lieu de résidence : Le lieu de résidence peut également influencer le comportement de vote. Les personnes vivant dans des zones urbaines ont tendance à avoir des vues politiques plus libérales ou progressistes, tandis que celles vivant dans des zones rurales sont généralement plus conservatrices. Cela peut être lié à une variété de facteurs, y compris les différences dans l'économie locale, les niveaux d'éducation et la diversité démographique.

Dans ce modèle de Columbia, le vote d'une personne est fortement influencé par les caractéristiques sociostructurelles du groupe auquel elle appartient. Donc, si nous connaissons ces caractéristiques - comme le statut socio-économique, la religion, et le lieu de résidence - et si ces facteurs sont complémentaires, nous pouvons prédire de manière assez précise le choix de vote d'une personne. En d'autres termes, le vote est fortement prédéterminé, il y a une prédisposition substantielle au vote basée sur les caractéristiques du groupe auquel un individu appartient. C'est ce qu'on appelle la préstructuration du vote. Les décisions de vote sont fortement ancrées dans l'identité sociale et économique de l'individu, façonnées par les caractéristiques du groupe auquel il appartient.

Ce modèle d'explication du vote a une connexion étroite avec la littérature sur les clivages sociaux. L'idée ici est que si un clivage social est très marqué et que les individus s'identifient fortement à l'un ou l'autre côté de ce clivage, alors la connaissance des caractéristiques individuelles de cette personne sur cette dimension spécifique peut fournir un indice significatif de son comportement de vote. Par exemple, si un individu s'identifie fortement à un clivage religieux qui oppose les catholiques et les protestants, connaître cette appartenance religieuse peut offrir une prédiction relativement précise de la manière dont cette personne va voter.

En Suisse, historiquement, les affiliations religieuses ont joué un rôle significatif dans la définition des comportements de vote. Dans les cantons catholiques, une claire dichotomie existait entre ceux qui pratiquaient assidûment leur religion et ceux qui étaient plus laïques. Bien que la plupart des habitants de ces cantons se considéraient comme catholiques, la différence dans la pratique religieuse se traduisait souvent par des choix de vote distincts. Les pratiquants tendaient généralement à soutenir le Parti Démocrate Chrétien (PDC), tandis que les laïcs avaient tendance à voter pour le Parti Libéral Radical. Bien sûr, ce n'était pas une règle absolue, mais une tendance générale. Dans les cantons non catholiques, la division était différente, elle se faisait entre les catholiques et les protestants. Les catholiques avaient tendance à soutenir le PDC, tandis que les protestants étaient plus enclins à soutenir le Parti Radical ou le Parti Socialiste, et plus récemment l'Union Démocratique du Centre (UDC).

École psychosociologique

Article détaillé : Modèle psychosociologique.

La deuxième grande école d'explication du vote, aussi connue sous le nom de modèle de Michigan, a été développée par l'Université de Michigan, qui a réalisé les premiers sondages d'opinion à l'échelle nationale aux États-Unis. Ce modèle est né d'une enquête approfondie sur le comportement électoral des Américains, qui a fourni de nouvelles perspectives sur la manière dont les individus prennent leurs décisions électorales. Contrairement à Lazarsfeld qui a basé ses recherches sur un seul comté dans l'Ohio, l'Université du Michigan a élargi son champ d'étude en menant les premières enquêtes d'opinion scientifiques sur les élections présidentielles à l'échelle nationale. Ces efforts ont ensuite conduit à la création du projet des études électorales américaines, qui est toujours supervisé par l'Université du Michigan à ce jour. Ce projet a permis de collecter des données précieuses sur les tendances électorales à travers tout le pays, offrant une vision beaucoup plus large des dynamiques électorales aux États-Unis.

L'école de Michigan considère l'identification partisane, qui est le sentiment d'un individu d'être proche ou aligné avec un certain parti politique, comme le facteur déterminant du comportement électoral. Cette approche se distingue nettement de l'école de Columbia, qui met l'accent sur les facteurs sociodémographiques. Selon l'école de Michigan, il est plus important de comprendre les orientations psychosociologiques individuelles de chaque électeur que de se concentrer sur le groupe social ou démographique auquel il appartient. L'identification partisane représente un lien psychologique entre l'électeur et le parti politique. Il peut s'agir d'une identification forte, où l'électeur se sent profondément aligné avec un parti particulier, ou d'une identification plus faible, où l'électeur se sent généralement en accord avec un parti mais est ouvert à d'autres options. Cette identification est influencée par une variété de facteurs, y compris les croyances et les valeurs personnelles de l'électeur, ses expériences passées, son environnement social et sa perception des partis politiques.

L'identification partisane, selon l'école de Michigan, est en effet comprise comme un attachement affectif à un parti politique. Cet attachement n'est pas nécessairement basé sur des politiques spécifiques ou des positions idéologiques, mais plutôt sur un sentiment d'appartenance et d'alignement avec l'image et les valeurs générales que le parti représente. Cela signifie que l'identification partisane peut être résiliente, même si un individu n'est pas en accord avec chaque position politique ou chaque candidat du parti. Ce sentiment d'appartenance peut être influencé par une variété de facteurs, y compris la socialisation politique (par exemple, si les parents s'identifient fortement à un parti, l'enfant peut aussi le faire), l'adhésion à des groupes sociaux ou démographiques spécifiques alignés avec le parti, ou les perceptions et expériences personnelles de l'individu. De plus, cette identification partisane peut jouer un rôle clé dans le processus de prise de décision lors d'une élection. Les électeurs peuvent utiliser leur identification partisane comme un "raccourci" pour évaluer les candidats et les enjeux, se fiant à leur affiliation partisane pour les guider dans le vote. Cela peut également conduire à une plus grande stabilité dans le comportement électoral, car les individus sont susceptibles de voter pour le même parti à travers différentes élections.

Selon l'École de Michigan, l'identification partisane est fortement influencée par la socialisation politique familiale. En d'autres termes, les préférences politiques des parents peuvent être transmises aux enfants, ce qui peut entraîner une identification partisane précoce qui reste relativement stable tout au long de la vie. La socialisation politique au sein de la famille peut inclure des conversations politiques, la participation aux élections en famille, ou simplement l'exposition aux opinions politiques des parents. Ces expériences peuvent amener les enfants à s'identifier à un parti politique spécifique et à adopter des valeurs et des croyances politiques similaires à celles de leurs parents. Cependant, il est important de noter que bien que l'identification partisane soit souvent stable, elle n'est pas immuable. Les individus peuvent changer d'identification partisane en réponse à des changements majeurs dans la politique ou dans leur vie personnelle, bien que ces changements soient généralement moins fréquents que la stabilité. En outre, certains facteurs tels que l'éducation, les expériences professionnelles et la participation à des groupes sociaux en dehors de la famille peuvent également influencer l'identification partisane.

Le modèle de Michigan met un fort accent sur la stabilité des préférences politiques, notamment grâce à l'identification partisane. Ce lien fort et souvent durable avec un parti politique spécifique est censé influencer les comportements de vote tout au long de la vie d'un individu. Selon ce modèle, une fois qu'une personne s'est identifiée à un parti politique, cette identification tend à influencer non seulement pour qui elle vote, mais aussi comment elle interprète les informations politiques et comment elle perçoit les candidats et les enjeux politiques. Par exemple, une personne qui s'identifie fortement à un parti politique peut être plus susceptible d'accorder du crédit aux positions de ce parti et de ses candidats, même lorsqu'elle est confrontée à des informations contradictoires.

Dans le modèle de Michigan, l'identification partisane joue un rôle central dans le comportement électoral. Il est perçu comme un "raccourci cognitif" ou une "heuristique", ce qui signifie qu'il aide les électeurs à simplifier le processus de prise de décision dans le contexte politique souvent complexe et surchargé d'informations. En d'autres termes, une fois qu'une personne s'identifie à un parti, elle n'a pas nécessairement besoin de passer beaucoup de temps à analyser chaque position politique, chaque candidat ou chaque question à l'ordre du jour. Au lieu de cela, l'identification partisane fournit un cadre simplifié qui guide les préférences et les décisions politiques de l'individu. L'identification partisane peut affecter non seulement le choix de vote, mais aussi la façon dont les individus perçoivent et interprètent les informations politiques. Par exemple, les individus peuvent avoir tendance à interpréter les informations de manière à renforcer leurs croyances existantes et à soutenir leur parti préféré. Cette tendance est souvent appelée "biais de confirmation".

L'identification partisane agit comme un filtre ou un raccourci d'information (aussi appelé "heuristique") qui aide les individus à naviguer dans l'océan complexe d'informations politiques. En raison du manque de temps, de ressources, ou tout simplement de l'énorme quantité d'informations à traiter, tous les électeurs ne peuvent pas être constamment informés et faire une évaluation détaillée de chaque question politique. C'est ici que l'identification partisane entre en jeu. Par exemple, si un individu s'identifie comme démocrate ou républicain, il est probable qu'il adoptera les points de vue et les positions politiques qui sont généralement associés à ce parti, même s'il ne comprend pas entièrement les détails de chaque question. De même, un individu peut utiliser son identification partisane pour évaluer de nouvelles informations politiques, en acceptant plus facilement les informations qui sont conformes à la ligne de son parti et en rejetant celles qui ne le sont pas. Ce n'est pas forcément une mauvaise chose - ces raccourcis peuvent être très utiles pour aider à faire face à la complexité de la politique moderne. Cependant, ils peuvent aussi parfois conduire à des erreurs ou à des biais de jugement, en faisant ignorer des informations importantes ou en enfermant l'électeur dans des bulles d'information qui renforcent ses croyances existantes.

Bien que l'identification partisane soit la clé de voûte du modèle de Michigan, d'autres variables sont également prises en compte. Le modèle de Michigan distingue les influences à long terme (telles que l'identification partisane) des influences à court terme (telles que les perceptions des candidats et les enjeux politiques actuels) sur le comportement de vote. L'identification partisane, qui est le facteur clé du modèle de Michigan, est considérée comme une influence à long terme car elle est généralement acquise tôt dans la vie et reste relativement stable au fil du temps. Comme nous l'avons mentionné précédemment, elle est transmise de génération en génération par le biais de la socialisation politique, et elle guide le comportement électoral des individus tout au long de leur vie. D'autre part, les perceptions des candidats et les enjeux politiques actuels sont des influences à court terme. Ces facteurs peuvent changer au cours d'une campagne électorale et influencer le choix d'un électeur à un moment donné. Par exemple, une controverse entourant un candidat ou une question politique urgente peut faire fluctuer les intentions de vote. Cependant, bien que ces facteurs à court terme puissent influencer le comportement de vote, le modèle de Michigan soutient que l'identification partisane reste l'influence la plus forte. Les facteurs à court terme peuvent modifier le choix d'un électeur, mais ils le font généralement dans le cadre de son identification partisane. Par exemple, un électeur peut être plus susceptible de changer d'avis sur un candidat ou un enjeu politique s'il est déjà faiblement attaché à son parti.

Le modèle de Michigan présente l'identification partisane comme le facteur prédominant influençant le comportement électoral, avec les attitudes sur des questions spécifiques ou des candidats servant de facteurs secondaires qui peuvent entraîner des variations à court terme. Cela ne signifie pas que les attitudes sur les questions spécifiques ou les candidats ne sont pas importantes, mais plutôt que dans la plupart des cas, elles sont éclipsées par l'identification partisane. Par exemple, un électeur qui s'identifie fortement à un parti est susceptible de continuer à voter pour ce parti même si certaines de ses positions sur des questions spécifiques ou ses candidats ne correspondent pas parfaitement à ses préférences personnelles. Cependant, si l'écart entre les préférences de l'électeur et celles de son parti devient trop grand, ou si un enjeu particulier devient extrêmement important pour lui, il est possible que cet électeur choisisse de voter contre son parti habituel. C'est ce qui est généralement considéré comme l'exception à la règle de la stabilité de l'identification partisane. En somme, le modèle de Michigan met l'accent sur la continuité et la stabilité dans le comportement électoral, tout en reconnaissant que des changements peuvent se produire en raison d'événements spécifiques ou de l'évolution des attitudes des électeurs sur des questions ou des candidats spécifiques.

École du choix rationnel

Article détaillé : L’acteur rationnel.

L'École du choix rationnel, aussi connue sous le nom de théorie du choix rationnel, est en effet étroitement associée à Anthony Downs, qui a développé beaucoup de ses idées fondamentales alors qu'il travaillait à l'Université de Rochester. Downs a publié "An Economic Theory of Democracy" en 1957, où il a présenté un modèle économique du comportement politique. Selon lui, tout comme les consommateurs sur un marché, les électeurs et les partis politiques prennent des décisions rationnelles en fonction de leurs intérêts. Les électeurs voteraient pour le parti ou le candidat qui maximiserait leurs bénéfices (par exemple, en adoptant des politiques qui correspondent le mieux à leurs préférences), et les partis politiques se positionneraient de manière à attirer le plus grand nombre d'électeurs possible.

Cette approche a été largement adoptée et développée dans les sciences politiques et économiques, et a conduit à de nombreuses recherches sur le comportement électoral, la formation des partis politiques, la prise de décision politique et d'autres aspects de la politique. C'est un modèle très différent de ceux proposés par les Écoles de Columbia et de Michigan, car il ne se concentre pas sur des facteurs socio-démographiques ou psychologiques, mais sur des décisions rationnelles basées sur l'intérêt personnel.

La théorie du choix rationnel d'Anthony Downs a eu une influence considérable non seulement sur la science politique, mais aussi sur d'autres domaines des sciences sociales. L'idée centrale est que les individus agissent de manière rationnelle pour maximiser leurs propres intérêts. En d'autres termes, ils font des choix en fonction de ce qu'ils estiment être le meilleur pour eux. Dans son livre "An Economic Theory of Democracy", Downs a appliqué cette théorie au comportement électoral, soutenant que les électeurs votent pour le parti ou le candidat qui, selon eux, apportera le plus de bénéfices. Les partis politiques, à leur tour, cherchent à maximiser leur soutien en adaptant leurs politiques pour plaire à la majorité des électeurs. Cependant, la théorie du choix rationnel a également été utilisée pour analyser une multitude d'autres comportements et institutions politiques. Par exemple, elle a été utilisée pour étudier la formation de coalitions gouvernementales, le fonctionnement des bureaucraties, la création de règles et de réglementations, et bien plus encore.

Dans le modèle de l'École du choix rationnel, ce n'est pas le profil de l'électeur qui détermine son vote, mais plutôt ses propres évaluations des candidats ou des partis politiques en fonction de ses intérêts personnels. Les électeurs sont considérés comme des agents rationnels qui votent pour maximiser leur utilité, c'est-à-dire qu'ils choisissent le candidat ou le parti qui, selon eux, est le plus susceptible de promouvoir leurs intérêts. Ainsi, au lieu de se concentrer sur les caractéristiques démographiques ou les attitudes psychosociologiques, l'École du choix rationnel s'intéresse à la manière dont les électeurs évaluent les partis et les candidats en fonction de leurs propres intérêts. Cela pourrait impliquer une évaluation de leurs politiques, de leur performance passée, de leur probabilité de succès, et d'autres facteurs. L'École du choix rationnel introduit également la notion d'électeur calculateur. Dans ce modèle, l'électeur est considéré comme une personne qui pèse le pour et le contre de chaque option avant de faire son choix. Cela signifie que le vote n'est pas nécessairement une décision émotionnelle ou irrationnelle, mais plutôt le résultat d'un calcul rationnel des avantages et des inconvénients de chaque option.

/Pour l’École du choix rationnel, on déplace un peu le curseur analytique et on met l’accent sur les mécanismes de prise de décision individuelle. Ce modèle a un caractère moins déterministe que les autres, on ne peut pas savoir à l’avance comment un individu va voter, il faut qu’on s’intéresse aux mécanismes qui conduisent à la prise de décision pour comprendre cette personne a votée. Les mécanismes sur lesquels l’École du choix rationnel met l’accent ce sont des calculs de coûts – bénéfices, approche dite « utilitariste » du vote. On pense que les individus se décident sur la base d’un calcul de type coût – bénéfice.

Quels sont les bénéfices, quels sont les coûts associés à une décision de vote ? que gagne-t-on à voter pour ce parti ou que perd-on à voter pour ce parti ? Les déterminants du vote dans ce modèle relèvent d’un calcul d’utilité. Cela est la même logique de l’homoéconomicus appliquée à l’homopoliticus. On postule ici que l’homopoliticus se comporte comme un être rationnel qui va essayer de faire des calculs coûts – bénéfices et voter en fonction de ces calculs coûts – bénéfices. Il va donc chercher à maximiser son utilité.

Il y a trois forts postulats dans ce modèle : les votants sont conscients de leurs préférences et ils font l’effort de réunir l’information nécessaire afin de pouvoir se livrer aux calculs coûts – bénéfices. Donc, ils vont chercher de l’information afin de pouvoir faire un choix rationnel.

  • les votants sont capables d’identifier exactement les coûts et les bénéfices associés à une décision de vote et ensuite sont capables de voter rationnellement donc de choisir le parti qui effectivement maximise leur utilité.
  • les votants ne sont pas influencés par leur environnement. Les votants sont au cœur de leur propre décision, ils vont chercher l’information, ils comparent et pondèrent les coûts et les bénéfices et ils font leur choix. Ils ne sont pas influencés par la propagande des partis, ils ne sont pas influencés par le contexte dans lequel ils vivent, ils ne sont pas influencés par leur famille, etc.

Lacunes des modèles classiques

Ces trois modèles ont plein de faiblesses et de défauts. Il y a eu une immense littérature pour les critiquer, les amender et les corriger. Si on parle de comportement politique, il faut repartir de ces trois modèles parce qu’ils sont la base à partir de laquelle on peut commencer à réfléchir un peu plus sérieusement et avec des modèles un peu plus récents.

Quelles sont les lacunes de ces modèles classiques ? Il y en a plusieurs et nous allons nous concentrer sur les principales.

Empiriquement, les études qui ont été faites dans les années 1970, 1980 et 1990 n’ont pas vraiment confirmé ce poids si fort des facteurs sociologiques et des facteurs psychosociologiques. Les thèses de l’École de Columbia et de l’École de Michigan selon lesquelles on pouvait vraiment bien expliquer le vote si on connaissait les caractéristiques sociales et la préférence partisane des individus, les études n’ont pas confirmé cela. Le pouvoir explicatif de ces modèles est faible. Il est possible d’expliquer quelque chose, mais peu.

Pourquoi ces modèles n’étaient pas si performants que cela et, pourquoi ils ont eu tendance à perdre en performance au fil des années et en décennies, cela est parce que ces facteurs explicatifs au cœur des modèles ont décliné au cours du temps. Il y a eu un déclin historique des facteurs lourd d’explication du vote tel que la classe sociale ou la religion ou tel que le fait de s’identifier à un parti comme le postule le modèle de Michigan.

Pourquoi y a-t-il eu ce déclin ? Cela est parce qu’il y a eu des changements dans la société qui ont amené ce déclin comme le changement dans la structure sociale. La société a fortement changé passant d’une société primaire dans laquelle le secteur primaire était très développé à une société dans lequel le secteur secondaire et surtout le secteur tertiaire a été fortement développés et cette modification du tissu social a eu de grandes conséquences d’un point de vue politique. La tertiarisation de l’économie a eu de grandes conséquences sur le vote. Le secteur primaire a rétréci, le secteur secondaire a rétrécie et les liens historiques entre la classe primaire ou la classe ouvrière, et un ou autre parti généralement de gauche, ces liens-là se sont fortement affaiblis. Il en va de même pour ce qui est de la mobilité géographique, il y a eu de grandes mobilités géographiques qui ont amené à des mixités sociales beaucoup plus grandes, à des mixités culturelles beaucoup plus grandes qui a aussi affaibli les liens traditionnels entre des groupes et des partis. Globalement, on a assisté à un déclin des loyautés de classe et de religions et on a aussi assisté à un déclin de l’identification partisane.

Le deuxième facteur qui a contribué au déclin des facteurs explicatifs lourds est le développement de l’éducation. C’est ce qu’on appelle parfois la révoduction qui est le fait que le niveau d’éducation est fortement augmenté dans les sociétés occidentales à conduit à augmenter l’indépendance des esprits, à l’autonomie de décision des votants et les a rendu moins captifs, moins prisonnier de leurs allégeances traditionnelles. Avec le niveau d’éducation qui augmente, les gens ont les moyens de se faire une opinion de manière plus indépendante et de manière plus autonome, ils sont moins sous l’influence des organisations, des groupes ou des partis. Il y a un électoral qui est plus indépendant, mais on a aussi un électorat qui est plus volatil. Là où précédemment, quand les grands modèles d’explication du vote expliquaient le vote avec un comportement assez stable d’une élection à l’autre avec des citoyens et citoyennes qui sont plus indépendants, plus autonomes, plus critiques, on a une volatilité plus grande, une instabilité plus grande dans le comportement électoral au niveau individuel. On change plus facilement qu’avant de parti d’une élection à l’autre.

Le troisième facteur essentiel est la montée en puissance des médias audiovisuels avec d’abord la télévision, mais maintenant aussi les médias électroniques, cette montée en puissance des médias audiovisuels et électroniques a aussi changé radicalement la donne pour ce qui est des campagnes électorales et des campagnes de votation. On a de nouveau comme résultat des individus qui sont moins captifs, moins influencés par les organisations comme, par exemple, les partis politiques et qui sont plus influencés par les médias et tout ce qui se fait dans les médias, par la couverture médiatique ou encore les publicités et qui influencent le comportement électoral beaucoup plus qu’avant. Globalement, il y a moins de poids des partis dans la communication politique et plus de poids des médias et des campagnes qui ont des effets à court terme. Là où, les modèles traditionnels, particulièrement le modèle de Columbia et de Michigan mettaient l’accent sur la stabilité et l’importance des facteurs explicatifs de long terme comme l’insertion sociale ou le fait de s’identifier à un parti, désormais, on sait que des facteurs de court terme sont beaucoup plus importants qu’avant. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus d’importance des facteurs de long terme, mais en court terme, clairement, on gagne en importance de manière relative.

Autre lacune de ces modèles classiques d’explication du vote est que ces modèles se basaient tous plus ou moins explicitement sur une conception simpliste de l’électorat. Simpliste parce qu’homogène, c’est-à-dire que ces modèles prenaient en compte les différences individuelles, mais surtout de l’ordre sociodémographique et éventuellement psychosociologique, mais on ne prenait pas en compte le fait que les individus se distinguent les uns des autres dans leur rapport à la politique. Les individus, les citoyens et citoyennes se distinguent les uns des autres dans leur rapport à la politique et en particulier l’intérêt pour la politique et la compétence politique. Les citoyens et citoyennes ne sont également pas tous intéressés par la politique, certains le sont beaucoup et même énormément s’engageant en politique est y faisant carrière tandis que d’autres ne s’intéressent pas du tout à la politique. D’autre part, certains citoyens ont une très bonne connaissance politique, comprennent les enjeux et maitrisent, s’informent, alors que d’autres pas du tout, ils n’ont pas de compétences cognitives et de motivations nécessaires pour s’informer et donc n’ont pas les connaissances nécessaires à une participation et un vote éclairé. Donc, l’intérêt pour la politique conditionne le degré d’attention à la politique et cela conditionne aussi la participation politique, à savoir si on est intéressé, on risque fort de participer, si on n’est pas intéressé on risque fort de s’abstenir. La motivation et l’intérêt pour la politique conditionnent l’attention accordée à la politique et au message politique conditionne aussi la participation politique. De son côté, la compétence politique conditionne la capacité à intégrer les messages délivrés dans l’espace public. Il peut y avoir une magnifique campagne d’information avec des positions à droite et des positions à gauche, de riches débats et si au niveau individuel, les personnes n’ont pas les compétences nécessaires pour comprendre, intérioriser et assimiler ces communications, cela ne va pas influencer leur opinion et contribuer à la formation de leur opinion. Des personnes un peu plus compétentes vont prendre cela en compte et de peser le pour et contre essayant de se faire une idée sur la base des informations délivrées dans l’espace public.

Ce qu’il faut retenir ici est que l’intérêt pour la politique et la compétence pour la politique, autrement dit, un facteur motivationnel et un facteur cognitif, à savoir un facteur lié à un intérêt et un facteur lié à la compétence, ces deux facteurs vont conditionner et jouer un rôle important dans le processus de la formation des opinions des individus. On essaie maintenant de prendre en compte l’hétérogénéité de l’électorat, on ne parie plus désormais sur un électorat homogène, on essaie de plus en plus de prendre en compte la diversité et l’hétérogénéité de l’électorat.

La dernière lacune des modèles classiques et surtout pour l’école du choix rationnel, il y a une focalisation énorme sur les individus. L’école du choix rationnel est le cas paradigmatique d’une focalisation sur l’individu puisque pour l’école du choix rationnel, l’individu fait son calcul coût – bénéfice indépendamment du contexte et indépendamment de toute forme d’influence extérieure, c’est lui qui est au centre, s’informer, voire quel est le parti qui lui rapporte le plus, celui qui lui coûte le plus et en fonction de cela faire son choix comme, par exemple, savoir quel est le parti plus proche de lui sur une échelle gauche – droite, et on va voter pour le parti qui est le proche de soi en fonction de ses intérêts, mais indépendamment du contexte. La critique qui est faite ici est une focalisation excessive sur les électeurs et leurs caractéristiques et une insuffisante prise en compte du contexte dans lequel les individus forment leur opinion.

Cette critique s’applique surtout à l’école du choix rationnel, mais elle s’applique aussi à l’École de Columbia et à l’École de Michigan. L’École de Columbia prévoit qu’un individu vote en fonction des caractéristiques du groupe auquel il appartient, mais même pour cette école, le groupe n’est pas pris en compte, il est pris en compte uniquement à travers les caractéristiques individuelles du votant, à savoir si c’est un ouvrier, s’il est catholique ou pas. L’insertion de ce votant n’est pas prise en compte ou par exemple le rôle des syndicats pour articuler les ouvriers. Même ce modèle qui est pourtant un modèle sociologique qui plante l’individu au cœur du groupe, même ce modèle de Columbia ne prenait pas sérieusement en compte le rôle du groupe. Ce qui est pris en compte est les caractéristiques sociales de l’individu et non pas du groupe en réalité. Or, les opinions individuelles ne se forment pas dans un vide politique, mais dans un contexte institutionnel et politique bien précis. Ce contexte institutionnel politique est bien précis est de nature à influencer la manière dont l’individu forme son opinion.

Il y a deux éléments du contexte qu’il faut citer ici qui sont :

  • offre politique : on parle d’offre politique pour désigner la compétition partisane. C’est donc une caractéristique des partis qui se présentent aux élections, des différences entre les partis, des caractéristiques des partis, des caractéristiques des candidats ; c’est ce qu’on appelle l’offre politique. La demande politique serait les caractéristiques des individus, les caractéristiques des votants sont les caractéristiques de la demande. L’individu demande en votant répondant à une offre que lui font les partis politiques en présentant des listes et des candidats. L’idée est que l’offre importe autant que la demande. Il ne faut pas comme le suggèrent les écoles classiques du vote se focaliser sur la demande, il faut aussi prendre en compte l’offre parce que l’offre va avoir une influence sur la demande, sur la rencontre entre demande et offre.
  • campagne électorale : de plus en plus on est convaincu, et les études le montrent, que les facteurs de court terme qui sont véhiculés dans une campagne électorale influencent le vote, le choix partisan et le choix des candidats. Nous sommes loin des écoles classiques qui postulaient des liens stables avec des individus qui votent à peu près pour le même parti d’une élection à l’autre. Les études récentes montrent au contraire que les allégeances traditionnelles, les loyautés traditionnelles avec les partis sont en déclin et s’affaiblissent et se sont au contraire les facteurs de court terme qui prennent de plus en plus de poids comme le rôle des campagnes des campagnes électorales.

Recherche électorale : développements récents

Dans la recherche électorale, on a essayé de corriger les lacunes, de remédier aux lacunes des modèles classiques sans forcément les abandonner complètement, on continue à prendre en compte le rôle de la classe sociale, de la religion ou d’autres facteurs individuels sur le vote, mais on essaie d’ajouter d’autres éléments d’explication.

Prise en compte du contexte

D’abord, on prend en compte le contexte qui va devenir plus systématique et rigoureusement pris en compte. Il y a d’abord le contexte institutionnel comme, par exemple, le système électoral ayant une influence sur le comportement de vote des électeurs, mais aussi sur le comportement en amont des partis lorsqu’ils présentent des listes, on essaie de prendre en compte dans la littérature récente en recherche électorale le rôle du système électoral comme, par exemple, le degré de proportionnalité du système. On sait que si le système est plus ou moins proportionnel, il y aura des conséquences en amont sur la manière dont les individus vont élaborer leurs stratégies de vote.

Le degré de polarisation du système de parti est dans quelle mesure on a des partis qui font des propositions qui se différencient les unes des autres et plus un système sera polarisé et plus les propositions qu’ils feront seront différentes parce que plus on a un système polarisé et plus les partis s’opposent sur certains enjeux et donc son de nature à proposer des solutions différentes aux problèmes qui se posent. Donc, plus un système est polarisé et plus l’offre sera variée et riche pour les électeurs. Par contre, plus un système est consensuel et moins il y aura de différence entre les partis et plus ce sera difficile pour les électeurs de faire la différence entre les partis. De même, on prend en compte à côté de la polarisation le degré de fragmentation du système de parti, à savoir combien de partis se présentent. On prend aussi en compte la campagne électorale est les médias essayant de voir comment la communication politique et la couverture médiatique a une influence sur la formation de l’opinion.

Prise en compte de l'hétérogénéité de l'électorat

La deuxième innovation est qu’on essaie de prendre en compte l’hétérogénéité de l’électorat. On part de l’idée que l’électorat n’est plus homogène comme avec les écoles classiques, mais qu’il s’agit au contraire d’un électorat hétérogène qui se différencie, qui est divers et varié avec des personnes intéressées et d’autres pas, des personnes compétentes et d’autres pas, et on essaie de modéliser et de voir en quoi ces différences d’intérêt pour la politique ou ces différences de compétence politique affectent les processus de formation des opinions et les processus de choix électoral.

C’est un courant qui s’insère dans la psychologie politique étant en plein essor aux États-Unis et en Europe. La psychologie politique met plus l’accent sur les mécanismes psychologiques qui sont derrière la formation des opinions et le choix.

Maintenant, on part de l’idée que le vote d’enjeu est beaucoup plus important qu’avant. Le vote d’enjeu n’est pas les grandes idéologies, mais quels sont les enjeux importants de l’heure, quelles sont les préférences des électeurs sur ces enjeux et quels partis sont perçus comme étant les plus compétents pour résoudre ces problèmes du point de vue des électeurs. Cela est un facteur puissant désormais de choix partisan. Avec la Suisse, on peut très bien montrer que le vote UDC est en partie un vote d’enjeu en raison de la thématique d’immigration qui est imposée à la Suisse et en raison de la réputation de l’UDC, réputation de compétence ou en tout cas réputation de s’occuper de ce problème de l’immigration. Beaucoup d’électeurs ont certainement attribué leurs voix à l’UDC parce que c’était le parti qui avait aux yeux des électeurs les meilleures solutions pour le plus important enjeu de l’heure. Ce sont des mécanismes de court terme qui tendent à devenir importants dans le comportement électoral.

Innovations méthodologiques

La dernière innovation est que la complexification des modèles a été rendu possible par des innovations méthodologiques et en particulier le recours aux modèles hiérarchique ou aux modèles explicatifs multiniveaux. En statistique, on développe des modèles qui prennent à la fois en compte les caractéristiques des individus et le contexte dans lequel ces individus votent. En d’autres termes, on prend en compte simultanément les facteurs individuels et les facteurs contextuels dans l’explication du vote et on prend en plus les interactions entre les facteurs individuels et les facteurs contextuels et on pense que c’est cette complexification avec la prise en compte simultanée des facteurs contextuels et individuels, mais en plus conjoints, c’est-à-dire la prise en compte des interactions entre facteurs contextuels et individuels et c’est cela qui permet le mieux d’expliquer un choix électoral. Par exemple, on essaie de montrer qu’être catholique n’a pas le même impact si l’on vit dans un canton catholique ou dans un canton religieusement mixte. Donc, il y a une interaction où le fait d’être catholique sera un facteur plus ou moins puissant du vote en fonction du contexte, c’est-à-dire entre cantons catholiques et cantons religieusement mixtes. L’idée est donc de prendre en compte à la fois les facteurs individuels et les facteurs contextuels.

Exemples

Exemple 1 : explication du vote UDC

Cette étude analyse la composition de l’électorat UDC et l’évolution de cette composition au cours du temps.

Source: Oesch et Rennwald 2010

Le graphique de gauche montre la composition de l’électorat du parti socialiste en 2007, résultats tirés d’une enquête d’opinion après les élections fédérales de 2007. Nous avons évoqué les études SELECT qui sont menées depuis 1995 après chaque élection fédérale où est menée une enquête d’opinion au niveau suisse permettant d’occuper le comportement individuel.

En 2007, le Parti socialiste avait réalisé environ 20% qui représentent aussi le score moyen du parti socialiste. Il y a aussi pour différentes catégories socioprofessionnelles la différence en moins ou en plus par rapport à cette moyenne permettant de se faire une idée de savoir quels sont les segments de la population qui votent le plus volontiers pour le Parti socialiste et quels sont les segments de la population qui votent au contraire le moins volontiers socialiste.

En commençant par la dernière ligne, on voit qu’il y a une catégorie socioprofessionnelle qui vote massivement pour le PS, c’est ce qu’on appelle les spécialistes socioculturelles ; alors que le PS a fait 20% en moyenne, il a fait 34%, soit plus quatorze points de pourcentage chez les spécialistes socioculturels. Les spécialistes socioculturels que l’on appelle parfois la nouvelle classe moyenne, ce sont les salariés qui sont actifs dans le domaine de la santé, du social, de l’éducation, de la culture, mais aussi des médias, donc une classe moyenne un peu supérieure, mais pas trop, qui a beaucoup grandie en nombre, ce qu’on pourrait appeler, de manière un peu triviale, les « bobo », à savoir les « bourgeois bohèmes ». Ce sont des gens qui sont d’un côté d’un point de vue des ressources relativement aisées, mais qui sont d’un point de vue des valeurs proches des valeurs redistributives de la gauche. Ce sont des gens qui s’ils voteraient égoïste comme le postule le modèle du choix rationnel, iraient plutôt du côté à droite en réalité parce que leur situation socioéconomique les amènerait en principe à soutenir des programmes libéraux. Cependant, ces gens votent facilement à gauche parce qu’ils sont solidaires de la société en général et ils sont par ailleurs attirés par les autres valeurs programmatiques de la gauche comme l’ouverture internationale ou encore la solidarité.

On voit que toutes les autres catégories sont en dessous du score moyen des socialistes, y compris pour ceux qu’on appelle ici les « travailleurs de la production », les « travailleurs des services » et les employés de bureau ». Ceux-là sont ceux qu’on appelait à l’époque les ouvriers. Les travailleurs de la production sont des gens qui sont actifs dans le domaine typiquement industriel avec des tâches répétitives qui ont peu d’autonomie dans leur travail. Ces gens-là votent moins socialistes que la moyenne.

S’agissant de l’UDC, pour les élections de 2007, l’UDC a fait 28% en 2007 avec de fortes variations d’une catégorie socioprofessionnelle à l’autre. Pour l’UDC en 2007, on pourrait dire que le modèle de Columbia dit encore des choses : l’insertion des individus dans la société, leur classe sociale continue de dire des choses sur le vote.

Qui vote UDC ? Les petits indépendants. Là où l’UDC a fait 28%, il a fait 44% chez les petits indépendants. Presque un petit indépendant sur deux a voté UDC. Ce sont des agriculteurs, des commerçants ou encore des artisans ou des indépendants qui ne sont pas à la tête d’une grande entreprise. C’est ce qu’on appelle dans le jargon l’« ancienne classe moyenne ». C’est l’un des deux bastions de l’UDC. Le deuxième bastion de l’UDC est les travailleurs de la production et des services. Là où l’UDC a fait 28%, elle a fait environ 40% parmi les travailleurs. Cela est quelque chose d’un peu plus surprenant sachant que l’UDC est un parti de droite d’un point de vue économique donc pas un parti qui défend les intérêts des travailleurs. Qu’est-ce qui fait qu’une proportionnée plus élevé que la moyenne des travailleurs vote pour l’UDC. Ce n’est peut être pas parce que l’UDC défend mieux les travailleurs que la gauche, parce que là il serait possible de discuter, car des syndicalistes diraient que l’UDC ne fait rien pour défendre les intérêts des travailleurs, ce n’est pas l’UDC qui protège les travailleurs contre la main-d’œuvre étrangère, ou alors indirectement en fermant les frontières faisant qu’il n’y a plus de concurrence. Si l’UDC a autant de succès auprès des travailleurs, ce n’est pas pour les valeurs économiques ou le programme économique que défend l’UDC, mais c’est pour le programme culturel que défend l’UDC, c’est-à-dire pour la volonté de fermeture des frontières en termes culturelles, à savoir la défense des traditions par la fermeture internationale non pas tellement mue par des considérations économiques, mais par des considérations culturelles et identitaires, mais aussi historiques. Dans l’espace bidimensionnel, on retrouve ici le résultat selon lequel si l’UDC progresse, cela est en bonne partie grâce à son programme sur l’axe ouverture – tradition et pas pour son programme sur l’axe économique. De ce point de vue là, il ne se distingue pas tellement du PLR, c’est le fameux clivage gagnant – perdant. Pour faire simple, on pourrait dire que ceux qui se sentent gagnant, dans leurs perceptions ce sont les spécialistes socioculturelles tandis que les perdants sont ceux qui craignent l’ouverture internationale et qui ont peur de cette concurrence qui n’est pas seulement économiques, mais aussi culturelles et identitaire. Ces groupes-là ce sont les petits indépendants d’un côté et les services et la production de l’autre. En revanche, c’est un peu un effet miroir par rapport au PS, l’UDC fait aussi un score beaucoup moins bon parmi les spécialistes ethniques et les spécialistes socioculturels.

Nous parlons de clivage de classe ici, mais nous disons que le clivage de classe joue toujours un rôle dans le comportement électoral en Suisse, mais ce rôle a changé. Le clivage de classe, traditionnellement, opposait les ouvriers au patronat. Cela était la reformulation des thèses de Marx sur le conflit entre travail et capital et pendant très longtemps, dans les États européens, il y a eu des différences marquées de vote entre les ouvriers d’un côté et le patronat de gauche, avec les ouvriers votant à gauche et le patronat votant à droite. Il y a eu en Suisse comme dans d’autres pays une reformulation du clivage de classe avec un nouveau clivage de classe. Il y a eu un phénomène de désalignement et de réalignement des électeurs par rapport aux partis. Plus concrètement, les électeurs des milieux populaires ont eu tendance à glisser de la gauche vers la droite populiste. Cela a été observé en Suisse, mais aussi dans d’autres pays comme en France ou en Autriche, les Pays-Bas ou encore les pays scandinaves. Dans tous ces pays, on peut montre qu’il y a eu ce mouvement de bascule durant les courants des années 1980 et 1990 de la part des ouvriers qui votaient pour la gauche et qui tendent maintenant à voter plutôt vers la droite population. Ils ne le font pas tous, mais une bonne partie d’entre eux. Par contre, à gauche, on a assisté à un renforcement des spécialistes socioculturels comme bastion de la gauche. C’est un résultat puissant qui vaut en Suisse comme dans d’autres pays.

Source: Oesch et Rennwald 2010

Ce graphique montre la même chose. En 1995, il y avait entre 15% et 20% des travailleurs des services, de la production et des employés de bureau qui votaient UDC et on voit comment cela a évolué au cours d’une dizaine d’années avec les scores qu’on a atteints avec des ouvriers qui votent de 35% à 40% pour l’UDC. Bien sûr, l’UDC a progressé partout au cours des vingt dernières années, mais elle a surtout progressé parmi l’électorat populaire d’où cette reformulation du clivage de classe.

Le clivage de classe importe toujours, mais il a changé de nature. Il a été reformulé en raison des changements, des désalignements et de réalignements entre les classes sociales et les partis. Lorsqu’on parle de désalignement, c’est par exemple le fait que les ouvriers se sont distancés progressivement du Parti socialiste ou de la gauche en général afin d’aller voter UDC qui est donc un réalignement. Avec ce processus de mouvement des allégeances partisanes selon les classes sociales, le contenu du clivage de classe a changé. On parle maintenant du « nouveau clivage de classe » qui opposerait d’un côté les gagnants de la globalisation comme les managers et la nouvelle classe moyenne, et de l’autre les perdants de la globalisation ou en tout cas ce qui se voit comme des perdants ou qui ont peur d’être des perdants, à savoir les classes populaires et l’ancienne classe moyenne des petits indépendants tels que les artisans, les agriculteurs ou les commerçants.

Le tableau ci-dessus illustre l’évolution des classes moyennes pour l’UDC. Trois segments des classes populaires avec le segment des employés de bureau en gris, le segment des employés de service en pointillés et le segment des travailleurs de la production en noir. Dans les trois cas, on observe une très forte augmentation de la part des travailleurs qui ont voté UDC. Bien sûr, l’UDC a progressé dans toutes les couches de la population, mais spécialement au sein des classes populaires.

Ce graphique est une simple disposition d’électeurs sur un espace à deux dimensions.

Source: Oesch et Rennwald 2010b: 276

Sur l’axe horizontal, il y a une dimension que l’on pourrait appeler « pour plus d’État ou pour plus de marché ». Cette dimension est construite avec deux questions posées dans les enquêtes d’opinion avec une question qui concerne les dépenses sociales, à savoir si les personnes qu’on interroge son favorable à une augmentation ou à une diminution des dépenses sociales de la confédération, et l’autre question est de savoir si les répondants sont favorables à une augmentation de la taxation de hauts revenus ou au contraire sont favorables à une diminution de la taxation sur les hauts revenus. Dans les deux cas, selon que l’on réponde « oui » ou « non », « favorable aux dépenses », « défavorable aux dépenses », « favorable à augmenter les impôts » ou « défavorable à augmenter les impôts », on peut interpréter cela comme des valeurs de gauche ou de droite sur l’axe économique relevant de « plus de redistribution » avec des dépenses sociales et l’augmentation des impôts, et « moins de redistribution sociales » avec la diminution de dépenses et des impôts.

L’axe vertical représente une première question qui est « êtes-vous favorable » à l’adhésion de la Suisse à l’Union européenne » ou au contraire « êtes-vous favorable à une Suisse qui fait cavalier seul ». La deuxième question est de savoir si on est favorable à un Suisse qui donne les mêmes chances aux suisses ou aux étrangers ou au contraire savoir si on est favorable à une Suisse qui privilégie les suisses par rapport aux étrangers.

En suite, on calcule la position de chaque électeur sur ces deux dimensions. Dans ce graphique, on calcule la position moyenne des sous-segments de l’électorat de chaque parti. Par exemple, on peut observer la position moyenne des personnes qui appartiennent à la classe ou à la classe des spécialistes socioculturels et qui sont électeurs du PS par comparaison aux électeurs qui sont aussi spécialistes socioculturels, mais qui par contre ont voté UDC. Au milieu est la position moyenne par catégorie socioprofessionnelle. Si on prend la position moyenne, ils sont tous un peu vers le centre et il n’y a pas beaucoup de différence. Cela s’explique parce que parmi les managers par exemple, il y en a qui sont très à droite, d’autre moins à droite, d’autre en haut et d’autres en bas, et lorsqu’on prend la moyenne, cela les met assez au centre.

Tout d’abord, on constate que l’électorat UDC est relativement homogène où tous les sous-segments qui composent l’électorat UDC sont assez proches des uns des autres, ils sont tous relativement vers le pôle « défense des traditions », et un tout petit peu à droite du point de vue économique, mais en fait relativement centriste. Par comparaison, l’électorat du PS est nettement plus éclaté. D’autre part, on voit bien ici qu’il est possible d’être ouvrier de la production et avoir des valeurs très différentes. Les ouvriers de la production qui ont voté UDC sont très favorables à la fermeture et aux traditions et ils sont plutôt à droite économiquement. Les ouvriers qui ont votés PS sont neutre sur la dimension d’ouverture, mais ils sont plus favorables sur une politique redistributive.

La distance qu’il y a entre les socialistes socioculturels et les électeurs socialistes ouvriers de la production, sur la dimension verticale, ouverture – fermeture, il y a un monde différence entre les électeurs socioculturels socialistes et les électeurs ouvriers socialistes. C’est un peu le problème du PS en ce moment parce que le PS, en Suisse en tout cas, est un peu tenu à un grand écart entre son électorat populaire et l’électorat « nouvelle classe moyenne » spécialistes socioculturels. Les uns, les ouvriers, voudraient des politiques plus autoritaires, moins d’ouverture internationale, plus de sécurité, moins d’immigrés, de requérants d’asile, tandis que les socioculturels, eux, sont beaucoup plus ouverts, solidaire et favorable à une politique généreuse vis-à-vis d’une politique extérieure. C’est le grand dilemme du PS, parce que si le PS chercher à séduire son nouvel électorat de la nouvelle classe moyenne, il risque de s’aliéner son électorat populaire. Si le PD durcit ses positions et devient un peu plus ferme sur des questions internationales, rapport aux autres, aux immigrés et aux requérants d’asile, alors il va probablement plaire à son électorat populaire et déplaire à son électorat spécialiste socioculturel.

Il y a un vrai dilemme pour le PS qui est un dilemme que l’UDC n’a pas parce que son électorat est relativement homogène. On voit que l’électorat UDC est surtout caractérisé par des valeurs de fermeture, de défense des traditions de souveraineté de la Suisse. Le « corps business » de l’UDC n’est pas tellement son profil économique, c’est l’indépendance, la souveraineté la neutralité, le durcissement des politiques migratoire et d’asile. Cela plait à l’ensemble de son électorat qu’il soit ouvrier ou pas.

Comme on le voit, sur la dimension horizontale, le PS n’a pas trop de soucis parce que l’ensemble de son électorat est relativement homogène sur cette dimension, ils sont tous alignés sur -1 et -1.5 étant tous regroupés presque sur une verticale ce qui veut dire que sur les questions de redistribution, l’électorat PS est homogène. Les ouvriers parce qu’ils sont favorables à une politique redistributive qui sert leurs intérêts et les spécialistes socioculturelles parce qu’ils sont prêts à faire l’effort de solidarité à l’égard des classes moins favorisées.

Pour résumer cet exemple, tout d’abord, le clivage de classe a changé de signification, mais il reste important en tant que facteur explicatif du comportement électoral. Ce n’est plus le même clivage de classe, mais moyennant qu’on prenne en compte ces changements à l’intérieur du clivage, ces réalignements, le clivage de classe continue d’expliquer assez fortement le comportement électoral. D’autre part, les spécialistes socioculturels, à savoir ce qu’on appelle la classe moyenne salariée ou la nouvelle classe moyenne que sont les employés du secteur du social, de la santé, de l’éducation, de la culture et des médias, ces spécialistes socioculturels sont devenus le nouveau bastion de la gauche. De plus, les classes populaires et l’ancienne classe moyenne que sont les petits indépendants tels que les artisans, commerçant ou encore agriculteurs, sont devenues le bastion de l’UDC qui est la classe votant le plus fortement pour l’UDC. Il y a donc un renforcement du clivage en les gagnants ou supposés gagnants et les perdants ou les supposés perdants de la globalisation. Du point de vue normatif, ce clivage s’exprime par le conflit sur l’axe vertical entre ouverte et tradition que d’autres appellent intégration – démarcation, appelé parfois libertaire – autoritaire.

Exemple 2 : explication du succès de l'UDC

Il y a une explication alternative au vote au vote UDC qui ne fait plus spécifiquement référence à la position de classe et au vote qui va avec la position de classe, mais qui s’appuie plutôt sur ce qu’on appelle le vote d’enjeu. Le vote d’enjeu est l’idée que le comportement électoral est de plus en plus influencé par les grands enjeux politiques de l’heure et ceci indépendamment de la classe à laquelle on appartient. On prend les individus de toutes les catégories sociales et on essaie de voir quelles sont leurs préférences sur les enjeux, quels enjeux les électeurs considèrent importants, quelles sont leurs préférences et leurs positions par rapport à ces enjeux et peut-on, sur cette base, essayer de définir pour quel parti un électorat à voté. En fonction des préférences des électeurs sur les enjeux, la question est de savoir si on peut prédire ou comprendre pourquoi les électeurs votent pour tel ou tel parti.

Par « enjeu », on entend les grands problèmes politiques de l’heure comme la crise migratoire, l’écologie, le nucléaire ou encore le chômage. Ce sont des enjeux concrets qui se posent tous les jours et dont les citoyens et les citoyennes ont conscience les amenant à voter pour tel ou tel autre parti en fonction des propositions que font ces partis. L’idée ici est de dire qu’on doit se dégager un peu de ces explications structurelles de type « classe sociale » pour aller davantage vers des explications conjoncturelles à court terme étant des facteurs qui sont susceptibles d’influencer et de modifier le comportement électoral à court terme. On peut imaginer qu’une campagne électorale arrive à mettre un nouvel enjeu au centre de l’agenda politique et que le parti ou que les partis qui se positionnent par rapport à cet enjeu en tirent profit électoralement.

On sort un peu des allégeances, des loyautés durables et stables entre individus et parti afin d’aller chercher davantage à comprendre qu’est-ce qui fait et quels sont les facteurs qui ferraient à court terme faire modifier les préférences partisanes et donc le choix électoral des électeurs et des électrices.

Le vote d'enjeu

Il y a deux grands types d’explications liées aux enjeux.

La première explication est directement dérivée d’un modèle de choix rationnel avec l’électeur qui vote de manière rationnelle faisant un calcul coût – bénéfice. L’idée est que les électeurs vont voter pour le parti qui sont le plus proche d’eux en matière d’enjeu. Les partis qui ont les préférences les plus similaires avec les électeurs sont ceux pour lesquels les électeurs vont voter. SI par exemple, nous sommes favorables à une réduction de l’immigration, nous allons voter pour un parti favorable aux restrictions de l’immigration. Il est possible de calculer des modèles de distance demandant aux personnes interrogées de se positionner sur des échelles ainsi qu’à des partis de se positionner sur les mêmes échelles, et après, il est possible de calculer quelle sera la probabilité qu’un électeur vote pour quel parti en fonction de sa distance.

L’idée générale est celle du modèle de proximité avec toute une série de grands types. Avec le modèle de proximité, on essaie d’expliquer le comportement électoral en fonction de la distance ou de la proximité existant entre électeur et parti sur des enjeux importants.

La deuxième idée qui est très proche est que l’électeur va voter pour le parti qui possède l’enjeu jugé le plus important, c’est-à-dire le parti qui est réputé le plus actif et le plus compétent sur l’enjeu en question. Il y a un vote d’enjeu lié à un enjeu précis. Ce n’est pas la position des électeurs et des partis sur différents enjeux, c’est quel est l’enjeu principal actuellement dans le pays, quel est le parti qui possède cet enjeu et qui a développé avec les années une réputation d’un parti qui s’occupe de l’enjeu, qui est capable de gérer et de trouver des solutions à cet enjeu ; si l’enjeu devient saillant au sein de la population, ce parti pourra en bénéficier électoralement. C’est le courant qu’on appelle « issue ownership », du côté des partis, on essaie de développer des réputations de compétences sur des enjeux. Pour les Verts, cela va être de développer leur réputation de compétence sur les questions environnementales, pour les socialistes, cela va être leur compétence en matière de politique sociale et de redistribution, pour le PLR cela va être de doper la compétence en matière de politique économique, pour l’UDC, cela va être de développer des compétences en matière d’immigration, de sécurité et de politique européenne. Cela est assez stable parce que ce n’est pas facile pour un parti de modifier sa réputation de compétence, cela prend des mois et des années. Pour un peu que cet enjeu devient important, alors le parti qui le possède peut en gagner beaucoup électoralement. Par exemple, on considère que la victoire de l’UDC du 18 octobre 2015 est beaucoup liée à la crise migratoire et humanitaire liée au mouvement de réfugié notamment de la Syrie et l’UDC, sans rien faire quasiment, a eu l’actualité pour elle. La conjoncture a fait que c’est l’enjeu qui s’est imposé dans les médias durant toute la campagne électorale sans que l’UDC n’ait besoin de faire campagne. Comme l’UDC est réputé comme étant le parti compétent pour avoir les solutions simples, voire simplistes, sur la question, les électeurs s’appuient là-dessus pour ensuite voter.

Source: Nicolet and Sciarini (2010: 451)

Ce schéma est tiré d’une enquête postélectorale réalisée après les élections fédérales de 2007. On le fait assez systématiquement dans ces enquêtes, on pose d’abord une première question qui est une question ouverte qui consiste à dire au répondant qu’il y a différents problèmes auxquels la Suisse fait actuellement face et donc on demande quel est le problème le plus important aujourd’hui à la personne interrogée. C’est une question ouverte et en suite on regroupe les réponses en fonction de différentes catégories. Une fois qu’on a posé cette première question, on pose une deuxième question de relance qui est « selon-vous, quel parti est le plus compétent pour résoudre le problème X ? ». Séparément, ailleurs dans le questionnaire, a été demandé à cette personne pour quel parti a-t-elle votée lors des élections. Ce sont trois informations que l’on peut en suite mettre ensemble.

Ce schéma est l’entier des répondants et qui ont été interrogé soir 1716 personnes. Ce sont 1716 personnes qui ont participé aux élections et qui ont choisi un parti. Sur la première ligne, il y a la distribution pour la première question mentionnée qui est une question ouverte. Pour 35% des répondants, le problème le plus important était l’immigration, la sécurité et l’intégration des réfugier, pour 16% cela était l’environnement et pour 31%, une grande catégorie, la préoccupation était liée à l‘économie et à l’état social. Si on fait la somme, on n’arrive pas à 100% pour la simple raison qu’il y a encore d’autres enjeux qui ne sont pas pris en compte ici.

La deuxième ligne vise à répondre à la question de savoir quel est le parti le plus compétent pour résoudre ce problème. Il s’agit toujours de pourcentage net, soit des personnes qui ont répondu. Il y en a 27% sur le 35% qui ont répondu « immigration », une bonne partie a répondu soit UDC, soit PS. C’est-à-dire que 75% des personnes qui ont cité l’« immigration » comme problème estiment que l’UDC est le plus compétent. En suite, sur la dernière ligne, on a regardé ce que ces personnes-là ont voté. 17% des 1716 personnes on dit qu’ils ont voté UDC, étant le parti le plus compétent sur l’immigration qui est le problème principal pour eux. Cela ne veut pas dire que 17% des électeurs ont voté UDC à cause du fait que l’immigration est le problème le plus important et que le parti est le plus compétent. Nous n’allons pas jusqu’à établir un lien de causalité et de corrélation. En tout cas, c’est une indication de l’importance de l’enjeu « immigration » et de la compétence de l’UDC sur cet enjeu pour le vote UDC. Cela ne veut pas dire que tous ces gens-là ont voté UDC pour cette raison, mais il y a probablement quelque chose qui va dans cette direction-là.

La montée en puissance de l’UDC est le facteur spectaculaire de la politique suisse depuis maintenant vingt ans et donc il y a eu beaucoup de travaux sur ce thème.

Potentiel électoral et exploitation du potentiel

Pour expliquer le vote UDC, nous avons débuté par dire qu’il y a une explication liée à la position socioprofessionnelle qui est la position de classe qui peut déjà expliquer en partie pourquoi on vote UDC plutôt qu’un autre parti. Nous avons vu qu’il y a la question des enjeux notamment avec l’immigration qui joue un rôle structurel dans la politique suisse et qui fait que cela favorise le vote UDC. Un troisième type d’explication fait référence aux stratégies du parti et aux effets de ces stratégies en termes de mobilisation.

L’explication que nous allons avancer est que l’UDC doit son succès à sa formidable capacité de mobilisation de son électorat. Nous n’allons pas étudier ici comment l’UDC mobilise. Nous allons déjà montrer que l’on peut bien voir les effets de ces stratégies de mobilisation, elles sont tangibles dans les sondages. Nous n’analysons pas les stratégies UDC, ni la communication politique, nous analysons le résultat de cette communication et de ces messages. Pour ce faire, la question standard et la plus évidente lorsqu’on souhaite mesurer les choix électoraux dans une enquête est « pour quel parti avez-vous voté ». C’est la question clef, car sans cette information, on ne peut quasiment rien faire. On a essayé de développer d’autres mesures et indicateurs qui apportent aussi de l’information sur les préférences partisanes sans être limités au choix électoral.

Le problème du choix électoral est qu’une fois qu’une personne a dit qu’elle a voté UDC, nous n’avons aucune connaissance des préférences de cette personne sur les autres partis. Il se peut que la personne ait voté UDC, mais elle aurait peut-être pu aussi voter PLR. Ou une personne a voté pour les Vers, mais elle aurait très bien pu voter pour le parti socialiste, et une fois que la personne a dit qu’elle a voté pour les Verts, toute l’information est perdue pour le reste.

Ce qu’on fait est qu’on essaie d’appliquer des mesures qui posent la question sur tous les partis. Cette mesure est appelée la mesure de probabilité de vote. Dans l’enquête, on propose une échelle allant de 0 à 10 et qu’elles sont les chances pour qu’un jour, on vote pour tel parti. La même question est proposée pour les principaux partis politiques permettant d’avoir une vue comparative parce qu’on à l’information pas seulement pour le parti qu’on a choisi, mais aussi pour les autres que l’on n’a pas choisis. Cela permet de faire des comparaisons entre les partis de manière beaucoup plus fine que la question brute « choix électoral ».

Une fois que l’on a demandé à toutes les personnes dans l’enquête quelle probabilité elles ont de voter un jour pour les principaux partis existants dans le canton par exemple, il est possible de calculer sur cette base la probabilité moyenne de voter pour un parti. Cela n’est pas compliqué, cela consiste à faire la somme et la moyenne des probabilités. On cumule les scores de chaque répondant et on divise par le nombre de répondants. Cette probabilité moyenne de voter pour un parti du potentiel électoral. C’est une mesure du potentiel électoral de chaque parti. Il est possible de faire cela pour chaque parti séparément.

Après, sur cette base, il est possible de calculer le taux de concrétisation ou le taux d’exploitation du potentiel. On calcule un simple ratio, c’est-à-dire une division entre la force électorale effective du parti, à savoir quel pourcentage de voix le parti a obtenu, divisé par son potentiel tiré lui non pas des votes exprimés, mais de l’enquête qui est la probabilité moyenne de voter pour ce parti. Ce taux obtenu est une mesure de la capacité des partis à convertir le potentiel en soutien effectif.

Potentiel électoral des partis (probabilité moyenne de vote)

Commençons par le potentiel électoral mesuré dans les enquêtes, autrement dit la probabilité moyenne de voter pour l’un ou l’autre parti.

Source: Données Selects (mes calculs (M. Sciarini), N=4064-4261)

Ce graphique montre, pour des enquêtes qui ont été faites après les élections fédérales de 1995, 1999, 2003, 2007 et 2011, la probabilité moyenne de voter pour chacun des partis. Autrement dit, cela montre le potentiel électoral de chacun des partis. Pour tous les partis, le potentiel est bien plus élevé que leur force électorale réelle.

Si on prend le cas des Verts, ils ont un potentiel de 44%, autrement dit, en moyenne, sur l’ensemble de l’échantillon, la probabilité que quelqu’un vote Vert est 4,4/10. Traduit en termes de pourcentage, cela est 44%. Or, les Verts sont actuellement, fin 2015, à 7%, 8%. C’est l’exemple extrême de différence entre le potentiel et la force électorale effective. Il faut noter au passage qu’il y a cette telle différence entre le potentiel et le vote Vert est expliquée par deux raisons. La première est qu’il y a tout l’électorat qui répond dans ce graphique et y compris les gens qui n’ont pas voté, or parmi les gens qui n’ont pas voté, il y a beaucoup de jeunes qui aiment bien les Verts. La popularité des Verts auprès des jeunes augmente le potentiel des Verts, mais ne se traduit pas en termes de suffrages parce que les jeunes ne votent pas ou ne votent peu. La deuxième explication est la concurrence entre les Verts et le Parti socialiste. Les Verts et le PS se partagent en bonne partie le même électorat potentiel, mais au final on vote beaucoup plus souvent PS que Verts.

Le premier point est que le vote potentiel est beaucoup plus élevé que le vote effectif. Ceci dit, il y a une très grande relation entre les deux, il y a une corrélation de 0,8 voire 0,9 entre le potentiel et le vote au niveau individuel donc cela est très lié. Le deuxième point est que ce potentiel fluctue légèrement d’une enquête à l’autre, mais pas massivement, il y a quelques fluctuations, mais dans l’ensemble cela est relativement stable. Il y a eu une perte de potentiel pour les socialistes, mais ils ont un peu récupéré en 2011. Les deux partis de gauche ont, d’après ces mesures, le potentiel le plus élevé.

Le point principal que l’on peut dériver de ce graphique est le suivant et concerne la courbe de l’UDC. Comme on peut l’observer, ce potentiel est stable et est assez bas. Il n’a jamais dépassé 40%. Le potentiel électoral de l’UDC est relativement stable et relativement bas, c’est le plus bas de tous les partis considérés ici y compris les nouveaux partis comme le BBD et les Verts libéraux. Ce que l’on peut déjà dire ici est que le succès de l’UDC n’est pas dû à une augmentation de son potentiel, celui-ci est resté constant voire à même diminué en 2011 par rapport à 2007. Ce qu’il faut retenir est que le potentiel UDC n’augmente pas et il est relativement bas. Cela est quand même spectaculaire si on met cela en lien avec la courbe électorale de l’UDC qui affiche une pente positive impressionnante.

Taux de concrétisation/exploitation

Ce graphique illustre le taux de concrétisation du potentiel. Autrement dit, c’est le ratio entre la force électorale et le potentiel du parti.

*mes calculs = M. Sciarini

Ce que l’on voit ici est l’extrêmement forte augmentation du taux de concrétisation de l’UDC. En 1995, en 1999, en 2003, même en 2011 l’UDC a pu augmenter quasi systématiquement son taux de concrétisation. Autrement dit, l’UDC a pu augmenter quasi systématiquement sa capacité à mobiliser son électorat potentiel. C’est la grande explication du succès de l’UDC. Ce n’est pas une augmentation de sa popularité au sein de l’électorat, l’UDC reste à peu près aussi populaire qu’il y a vingt ans, c’est-à-dire pas très populaire, mais par contre, les gens qui s’imaginent voter UDC votent effectivement UDC beaucoup plus fortement que les autres partis. Le taux de concrétisation des autres partis dépasse à peine 40% et même moins de 20% pour les Vers ce qui est un très fort contraste avec ce que l’on observe pour l’UDC.

Donc, la montée en puissance de l’UDC au cours de vingt dernières années est essentiellement due à sa capacité croissante à mobiliser son électorat qui pourtant est resté relativement stable en termes de potentiel. C’est l’idée que l’UDC est le type de parti qui provoque des réactions très vives, soit on est « ami » soit on est « ennemi ». Si on est « ami », on vote pour le parti, si on est « ennemi » on ne votera jamais pour le parti. La capacité de l’UDC est d’avoir convaincu de plus en plus d’amis de voter. Il n’a pas plus d’amis qu’avant, mais ses amis votent plus fréquemment pour lui ou de plus en plus en grand nombre pour lui.

Ouverture comparative

La montée en puissance des partis populistes est un phénomène qui vaut dans beaucoup de pays européens.

Sciarini ouverture comparative élections au Parlement européen de 2014.png

Ce tableau cherche à montrer les analogies qu’il y a entre les familles de parti. Comme on peut le voir, si on prend des chiffres tirés au parlement européen en 2014, il y a plusieurs partis y compris dans des pays autres que la Suisse qui ont dépassé 20%. Le FN a fait 25%, le Parti de la liberté autrichien à fait 20%, le UKIP au Royaume-Uni a fait 28%, le Cinque Stelle en Italie à fait 21%, le Parti populaire au Danemark a fait 27%, le Parti pour la liberté aux Pays-Bas a fait 13% et même la Suède qui a pendant longtemps été épargnée par les partis populistes a vu un parti arriver à presque 10% qui est le Parti des démocrates de Suède. Ce phénomène décrit par l’UDC vaut également pour d’autres pays et dans la plupart des pays européens.

Sciarini 2015 ouverture comparative élections parlementaires nationale.png

Les résultats aux élections parlementaires nationales permettent de nous rendre attentifs aux différences que l’on peut avoir d’une élection à l’autre. Si on prend le cas du FN qui est le plus flagrant, il a fait 25% aux élections européennes, mais deux ans plus tôt, le FN avait fait seulement 9% aux élections législatives en France.

Il faut faire attention avec ces chiffres parce que les élections européennes sont souvent des élections intermédiaires que l’on appelle des élections de deuxième ordre, ce qui veut dire que ce sont des élections où les électeurs profitent de sanctionner le gouvernement en place, de donner un signal au gouvernement. Elles n’ont pas beaucoup d’importance donc on peut se permettre d’émettre un vote de mécontentement. Cela explique peut-être pourquoi les partis de mécontents sont aussi hauts. Ils sont plus généralement dans de nombreux pays qu’aux élections législatives, mais même là, il y a des partis comme le FPE en Autriche à plus de 20%, le Cinque Stelle plus de 25%, le Parti populaire au Danemark a plus de 21%. C’est quand même un phénomène réel, mais on prend en compte en même temps les différences qu’il peut y avoir entre deux élections en fonction de leur signification et de leur portée.

Exemple 3 : sexe, âge et participation

L’étude de la participation politique est un autre champ du comportement électoral. Séquentiellement, la participation vient avant le choix électoral, il faut d’abord comprendre pourquoi les électeurs et électrices se rendent aux urnes et participent avant d’essayer de comprendre ce qu’ils votent. Logiquement, on essaie d’abord de comprendre qui participe et qui ne participe pas et pourquoi avant de comprendre qui vote pour quel parti et pour quoi.

Analyse comparative

Sciarini 2015 taux de participation aux élections et votations fédérales 1.png

Ce premier graphique montre au niveau agrégé l’évolution du taux de participation en Suisse aux élections fédérales et aux votations fédérales depuis 1919, donc depuis la fin de la Première guerre mondiale. On a assisté dans les deux cas, pour les élections en rouge et pour les votations en noir à une forte diminution de la participation. On était à 80% pour les élections au sortir de la Première guerre mondiale et il y a eu un recul incessant jusqu’à attendre un point bas en 1995 avec moins de 45% de participation. Il y avait une participation plus basse et plus fluctuante pour les votations, mais on constate une tendance parallèle entre les années 1940 et les années 1970 pour atteindre un point bas pour les votations à la fin des années 1970 avec 40% en moyenne de participation pour les votations.

Pour les élections, le chiffre est le taux de participation pour les élections de l’année en cours. Pour les votations, il s’agit de la moyenne de participation sur toutes les votations qui ont eu lieu pendant quatre ans puisqu’on vote quatre fois par année en Suisse dans le cadre de votations fédérales. Si on veut avoir la participation pendant quatre ans, il faut calculer la moyenne de participation pendant quatre ans et après on peut ainsi comparer ces deux courbes.

Donc, il y a un déclin séculaire de la participation avec un point bas atteint dans les années 1990 pour les élections et puis une légère augmentation de la participation depuis 1995 avec une stabilité au cours des trois derniers scrutins. Le 18 octobre 2015, il y a eu environ 43 ,8% de participation, 44% en 2011 et à peu près pareils en 2007. Maintenant, au court terme des trois élections, on est une stabilité un peu en dessous de 48% de participation pour les élections et on est à peu près pareil au niveau de 43% pour les votations au court des trois derniers relevés.

L’image générale qui se dégage est une forte baisse de la participation et la question que l’on doit se poser est de savoir d’où vient cette forte baisse de la participation.

Nous allons nous concentrer sur deux facteurs qui peuvent nous aider à comprendre la participation politique qui sont deux facteurs qui permettent d’expliquer la participation et l’abstention, ce sont deux facteurs assez fondamentaux que sont le sexe et l’âge.

Sciarini 2015 taux de participation aux élections fédérales de 1995 à Genève.png

Ce sont des chiffres de l’évolution de la participation aux élections fédérales dans le canton de Genève. Les chiffres que l’on a sur ce graphique sont uniquement tirés du canton de Genève. L’intérêt de ces chiffres étant que ce sont des chiffres réels. Ce n’est pas la participation telle que mesurée dans les enquêtes d’opinion, cela est la participation réelle. Depuis 1995, le canton de Genève a eu la bonne idée de collecter et d’archiver sous format électronique les données sur la participation de tous les citoyens et citoyennes genevois ce qui permet de suivre l’évolution de la participation au cours du temps.

Ici, c’est un révélé pour les élections fédérales de 1995. C’est une courbe de participation qui est presque une courbe d’école, c’est comme cela qu’on se l’imaginait et c’est comme cela que la participation est en réalité au sein de la population.

Cette courbe est une courbe d’école. À l’âge de 18 ans, lorsque les jeunes électeurs et les jeunes électrices obtiennent leur droit de vote, il y a une participation qui est plus élevée que pour les 20 – 25 ans, parce qu’on a reçu un nouveau droit et donc il faut l’utiliser et on participe un peu plus que la catégorie suivante. Il y a un premier mouvement qui est un mouvement en « U ». Le point bas de la participation est entre les 20 – 29 ans et après, cela monte de manière quasiment linéaire avec l’âge jusqu’à 65 – 69 ans et en suite, cela redescend assez fortement dans le grand âge.

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Si on reprend les mêmes chiffres pour 2015, on retrouve la même courbe avec la même inflexion après une chute qui est un peu moins abrupte, on descend moins bas que dans le graphique précédent où on descendait en dessous du niveau de participation des jeunes, mais cela est surtout dû au fait qu’il y des groupes d’âge jusqu’à 90 ans et plus, tandis que dans le graphique suivant on a regroupé toutes les personnes de 85 ans et plus. Cela a pour effet de remonter en moyenne le taux de participation.

L’autre chose qui est assez intéressante entre ces deux graphiques et qu’avant, le point haut de participation, le sommet a été atteint entre 65 ans et 75 ans pour les hommes ; en 2015, le point haut de participation concerne les 75 ans et 79 ans chez les hommes et les 70 ans et 74 ans chez les femmes. Donc, apparemment, il y a un mouvement ici qui fait que l’on vote de plus en plus tard ce qui serait assez logique avec l’allongement de l’espérance de vie pare qu’on est en meilleure santé et en meilleure forme pour être encore intégré et voter plus tard qu’avant.

Si on regarde la courbe des femmes et des hommes, dans les deux cas en 1995 comme en 2015, les jeunes femmes participent plus que les jeunes hommes. En suite, il y a un point identique pour les 20 – 24 ans dans les deux cas et après, progressivement, la différence de participation entre les hommes et les femmes tend à augmenter avec l’âge et est massive parmi les femmes et les hommes les plus âgés. Si on prend les 85 – 89 ans, il y a à peu près 40% de participation pour les femmes et plus de 30% de participation en moyenne chez les hommes. On retrouve cet écart pour les 85 et plus, 40% de participation chez les femmes et plus de 55% de participation chez les hommes. Il y a un effet d’âge puissant, mais à cet effet d’âge se double un effet de sexe en interaction avec l’âge. Il n’y a pas de différence homme – femme selon ces graphiques pour les jeunes, mais à mesure que le temps passe, que l’âge avance, il y a une proportion de plus en plus différente de femmes et d’hommes qui participe.

Nous allons maintenant essayer d’expliquer pourquoi il y a cette différence de participation en fonction de l’âge d’une part et en fonction du sexe d’autre part.

Facteur genre

Il y a d’abord des facteurs de type sociostructurel qui ont historiquement expliqué le différentiel de participation entre homme et femme.

Le premier facteur sociostructurel est la moindre intégration sociale et professionnelle de femmes. Le fait que les femmes étaient beaucoup moins intégrées dans le monde du travail, elle travaillait moins fréquemment que les hommes, restaient beaucoup plus en nombre pour s’occuper des enfants et donc restaient comme femme au foyer, ceci a fait que les femmes étaient moins intégrées socialement, moins intégrés professionnellement et cela a un impact direct sur l’engagement politique, sur la participation politique. Cela est vis-à-vis du modèle classique qui était que le fait que les femmes étaient moins intégrées socialement, professionnellement que les hommes conduit à leur moindre participation politique parce que l’intégration sociale et professionnelle et un facteur puissant d’engagement social et politique en général.

Le deuxième facteur sociostructurel est une surreprésentation des femmes parmi les états matrimoniaux favorisant l’isolement social. Si on regarde les statistiques, on constate qu’il y a beaucoup plus de femmes âgées que d’hommes âgés. Les femmes ont une espérance de vie plus longue que les hommes encore aujourd’hui même si cela tend à converger et surtout, on trouve beaucoup plus de femmes veuves que d’hommes veuf. En 2015, dans la catégorie des veufs, il y a 80% de femmes et 20% d’hommes. Dans la population, en général, il y a 51% de femmes et 49% d’hommes alors que dans le veuvage, il y a 80% de femmes et de 20% d’hommes. Cela explique en partie ce décrochage parce que le veuvage est un facteur puissant d’isolement social. Si on est veuf, on a tendance à être plus isolé, on n’a plus de conjoint, on a des enfants qui ont quitté la maison et cet isolement social contribue à un abstentionnisme politique. Comme il y a plus de femmes veuves que d’hommes veufs, cela contribue à baisser en moyenne le taux de participation chez les femmes âgées étant entendu qu’on a plus de chance d’être veuf dans le grand âge qu’avant. Il est possible de corriger faisant comme s’il y avait autant de veufs hommes que de veuves femmes, les courbes se resserrent singulièrement.

Autre explication des facteurs de type socioculturels et plus précisément la persistance des modèles traditionnels du rôle des femmes. Cela est presque indépendamment des facteurs sociostructurels qui est le fait qu’il y ait eu pendant très longtemps ce maintien du modèle classique de la vision de la femme dans la société et du rôle de la femme dans la société dans l’espace privé et dans l’espace public qui a eu pour effet de réduire le taux de participation des femmes par rapport aux hommes.

Le dernier facteur est propre à la suisse est un facteur institutionnel. Les femmes ont reçu le droit de vote très tardivement en Suisse. Les femmes ont reçu le droit de vote en Suisse au niveau fédéral en 1971, un peu plus tôt dans certains cantons, mais seulement en 1971 au niveau fédéral. Dans certains cantons conservateurs de la Suisse centrale ou orientale, il y a fallu attendre même plus tard que 1971 pour octroyer le droit de vote aux femmes au niveau cantonal. Le dernier canton qui a octroyé le droit de vote est le canton d’Appenzell Rhodes Extérieur, qui a octroyé le droit de vote aux femmes en 1991 à la suite d’un arrêt du tribunal fédéral. C’est le tribunal fédéral qui a imposé le droit de vote aux femmes en Appenzell Rhodes Extérieur parce que cette discrimination n’était pas conforme à l’égalité des droits entre hommes et femmes dans la constitution fédérale. Il y a même un canton en 1991 qui avait encore refusé jusque là le droit de vote aux femmes.

Quelles sont les conséquences de cet octroi tardif du droit de vote aux femmes et en quoi est-ce que cela a pu avoir une conséquence sur le taux de participation encore aujourd’hui ?

La raison est que les femmes parmi les plus âgées d’entre elles ont atteint l’âge de majorité sans avoir le droit de vote et elles ont dû attendre tard dans leur existence pour l’obtenir. Elles ont donc manqué une socialisation politique qui est celle que tout citoyen et citoyenne qui a le droit de vote dès 18 ans peut obtenir. Elles n’ont pas eu d’apprentissage de la politique parce qu’elles n’avaient pas le droit de voter. On considère que ce retard dans l’apprentissage de la socialisation politique produit encore aujourd’hui des effets parmi les femmes les plus âgées. On peut même imaginer que cet effet institutionnel se conjugue avec l’effet sociostructurel de la grande fréquence des femmes veuves. On peut imaginer que les femmes veuves se retirent d’autant plus volontiers de la politique et de la participation qu’elles avaient été entrainées à la participation via leurs liens maritaux. Elles ont voté parce que le mari le faisait aussi et parce qu’elle parlait de politique à la maison et peut être même, la femme votait comme le mari le lui disait, cela était quelque chose de répandu à l’époque, et une fois que le mari est décédé, ces femmes se retrouvent seule, elles n’ont pas été socialisées dans leur jeunesse à la politique et elle décroche d’autant plus facilement. Donc, il y a une conjonction de l’effet du veuvage et de l’octroi de vote tardif des femmes qui peut expliquer encore aujourd’hui pourquoi on a ce décrochement, cette sortie prématurée des femmes de la participation que l’on découvre encore ici et même en 2015 quand bien même cela est en train de se resserrer un tout petit peu.

Cela était vraiment l’image classique et nous devons aborder la thèse révisionniste qui prend un peu le contre-pied de ces facteurs explicatifs présenté et dit qu’il faut faire attention parce que ces facteurs explicatifs étaient bien pour expliquer comment les femmes participaient, mais elle n’est plus capable d’expliquer comment les femmes participent aujourd’hui.

L’idée est qu’il y aurait eu un effet de rattrapage ou de convergence. Il y aurait eu un effet de rattrapage dans le sens où les femmes se seraient mises à participer autant que les hommes et donc les courbes de participation seraient en train de se rapprocher au cours du temps. Les explications qui sont avancées pour ce possible effet de rattrapage est, en premier lieu, l’accroissement de l’intégration sociale et professionnelle des femmes. Les femmes ne sont plus confinées dans le ménage et dans le foyer, le taux d’activité professionnelle des femmes a fortement augmenté un peu partout dans le monde développé et donc avec cette intégration professionnelle et sociale accrue, les femmes participent aussi politiquement davantage que les hommes. Les femmes sont plus intégrées socialement et professionnellement qu’avant, elles sont donc aussi plus intégrées politiquement qu’elles ne l’étaient avant et elles finissent par rattraper les hommes.

Selon cette thèse révisionniste, le fossé du genre (« gender gap ») en termes de participation politique aurait disparu. De fait, il a disparu dans beaucoup de pays développés comme aux États-Unis, dans les pays scandinaves mêmes autour de la Suisse dans des pays comme la France ou l’Allemagne, il n’y a plus de différentiel de participation entre hommes et femmes. Pas en Suisse. Il y a encore en Suisse un petit différentiel de participation pour les élections. D’après les sondages, il n’y a plus de différentiel de participation pour les votations. Aux votations fédérales, les femmes participent autant que les hommes. Par contre, aux élections, on a toujours un petit différentiel entre hommes et femmes. En Suisse, l’effet de rattrapage et de convergence, même s’il y a eu lieu et même s’il n’est pas encore complet, l’effet de rattrapage est peut-être aussi dû au fait que ce facteur institutionnel est en train de perdre du poids avec les années parce que les femmes qui sont arrivées à l’âge adulte sans le droit de vote sont de moins en moins nombreuses. Les femmes qui sont concernées par l’absence de droit de vote à leur âge adulte sont en train de disparaitre et donc l’effet institutionnel va progressivement s’affaiblir et disparaître. Il y a encore des différences, à Genève, il n’y a quasiment plus de différence de participation entre hommes et femmes globalement. Il y a un différentiel, mais qui est vraiment très faible.

L’effet de l’âge

C’est un peu plus compliqué, parce que l’effet de l’âge est un effet multiforme, protéiforme, parce que derrière la variable « âge », il y a différents types de mécanismes.

Il y a trois principaux effets d’âge :

  • Effet du cycle de vie et l’effet de vieillissement biologique : l’âge des artères et simplement autre chose que l’âge du vieillissement, c’est ce que représente dans le parcours de vie d’une personne les différents âges, ce que signifie avoir 20 ans, 40 ans, 60 ans en termes de parcours de vie. En termes de parcours de vie, avoir 20 ans n’est pas pareil que d’avoir 40 ans. Avoir 20 ans c’est probablement être encore aux études, probablement ne pas être encore marié, probablement ne pas encore avoir d’enfant alors que 40 ans est quand même plus de chance d’être marié, d’avoir eu des enfants, d’avoir une profession. On sait bien que l’âge affecte la participation via l’intégration sociale et l’expérience politique. L’individu de 20 ans qui ne sera probablement pas marié, qui n’aura pas d’enfants et qui sera encore aux études ou qui commencera sa carrière professionnelle va être peu intégré socialement, c’est-à-dire peu intégré dans la société. Ce faible degré d’intégration aura pour corolaire un faible degré de participation politique. Par contre,le fait de se marier, d’avoir des enfants, de commencer à participer à des associations, aller aux rendez-vous des parents d’élèves par exemple à pour effet de tisser des liens sociaux qui vont en suite bénéficier à la participation politique. Plus on avance au niveau professionnel, de sa vie sociale et plus on s’intègre politiquement et on participe politiquement. Le deuxième mécanisme est l’expérience politique que l’on pourrait appeler la compétence politique ; élire, voter, suppose des connaissances, des compétences que l’on n’a pas forcément à 18 ans ou 20 ans, car il faut s’intéresser à la politique, beaucoup de jeunes ne s’y intéressent pas, l’intérêt vient avec l’apprentissage, plus on avance et plus on commence à comprendre de quoi il s’agit, à quoi cela sert, pourquoi cela est important et plus on s’informe et plus on a un stock d’information qui augmente avec l’âge et donc plus on est capable de voter. Avec ce double mécanisme d’intégration sociale et d’augmentation de l’intérêt et de la compétence politique, l’âge est un facteur puissant de participation. Dans le grand âge, on est surement beaucoup plus compétent à 70 ans qu’à 20 ans en termes de connaissance politique, par contre, on peut avoir des problèmes de santé, d’isolement social qui font qu’on va se retirer dans la sphère privée et se désengager du public et donc s’abstenir de participer d’où cette chute dans le grand âge.
  • Effet de cohorte ou l’'effet générationnel : ce qui est important ici est la date de naissance, à savoir quand est-on né. Ce n’est pas l’âge que l’on a qui importe, c’est dans quelle génération est-on né. Les effets de génération que l’on appelle aussi les « effets de cohorte » sont dépendant de la date de naissance, du moment où on est né et des évènements qui frappent une même génération. Tous les gens qui ont vécu mai 1968 par exemple, tous ces gens-là ont été frappés durablement dans leur socialisation politique. Il est possible que cet effet de génération se maintienne au cours de l’âge, les gens vieillissent, mais ils sont toujours marqués par l’évènement qui les a marqués peut-être lorsqu’ils avaient 20 ans. C’est comme cela par exemple que l’on peut probablement expliquer le recul de la participation au cours du temps. La baisse continue aux élections et aux votations au cours du temps est probablement l’effet générationnel en bonne partie, c’est-à-dire le recul du sens civique à mesure que les générations se renouvelaient. Le sens civique était beaucoup plus développé au début du XXème siècle qu’au début du XXIème siècle, cela était presque naturel de voter à l’époque, c’était un devoir, ce sens du devoir civique s’est progressivement perdu de génération en génération. Il est aussi possible que cette baisse soit due au vieillissement de la population. Il y a de plus en plus de personnes très âgées, mais du coup il y a de plus en plus de personnes qui sont sorites du circuit de la participation politique.
  • Effet de période : cet effet de période frappe tout le monde au même moment, peu importe que l’on soit né en 1920 ou en 1950 ou en 1980, s’il y a un évènement particulier, cela peut avoir un effet pour tout le monde en même temps. Probablement qu’il y a un exemple en ce moment d’effet de période. On a atteint un point bas de participations en 1995 en Suisse et après cela a un peu augmenté, on a eu pour toute cette période de 1995 jusqu’à aujourd’hui un effet de politisation. Il y a eu une plus grande politisation de la vie politique en Suisse qui a atteint tout le monde, qui a affecté tout le monde, on a tous participé un peu plus, quel que soit l’âge. En lien avec la polarisation de la politique suisse, cela est devenu plus compétitif et plus conflictuel.

Il faut comprendre que c’est très difficile d’étudier l’effet d’âge à cause du fait que ces trois mécanismes s’imbriquent et se conjuguent. C’est par exemple impossible sur la base d’une seule élection ou d’une seule enquête d’opinion de pouvoir désimbriquer les trois effets, cela est impossible parce qu’ils se mélangent. Si on veut arriver à identifier l’effet spécifique du vieillissement du cycle de vie, de l’effet de génération, de l’effet de période, on doit avoir des séries temporelles longues de façon à pouvoir contrôler si possible ces différents effets dans la durée et c’est seulement comme cela que l’on arrive à identifier l’effet spécifique de chacun des mécanismes.

Il y a toute une série d’étude qui porte sur la participation avec des modèles beaucoup plus complexes et des variables plus complexes. Néanmoins, il faut se sensibiliser aux effets de variables lourdes que sont l’âge et le sexe.

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Références