La raison d’État
"La raison d’État" désigne un principe de gouvernance selon lequel l'État a le droit et l'obligation de prendre des décisions qui sont dans l'intérêt suprême du pays, même si ces décisions sont contraires à d'autres considérations, telles que les lois morales, religieuses, ou internationales. Dans la pratique, la raison d'État a souvent été utilisée pour justifier des actions qui, dans d'autres circonstances, seraient considérées comme immorales ou illégales. Par exemple, un gouvernement pourrait justifier la déclaration de guerre, l'espionnage ou la suspension de certaines libertés civiles au nom de la raison d'État.
La raison d’État joue un rôle crucial en science politique, notamment dans l'analyse des décisions prises par un gouvernement ou un chef d'État. Les études en science politique cherchent à comprendre les motivations derrière les actions politiques, et le concept de raison d'État peut aider à expliquer pourquoi certains choix sont faits. La science politique examine comment la raison d’État influence les stratégies de politique étrangère, la gestion des crises, les décisions de guerre et de paix, les politiques intérieures, et d'autres aspects de la gouvernance. Les chercheurs peuvent analyser comment la raison d'État est invoquée pour justifier certaines actions et quelles sont les implications pour la démocratie, les droits de l'homme, l'éthique et le droit international. De plus, le concept de raison d’État est lié à d'autres théories en science politique, telles que le réalisme et le néoréalisme, qui suggèrent que les États agissent principalement en fonction de leurs intérêts de sécurité nationale. Cependant, il y a un débat continu sur jusqu'à quel point un État peut ou doit aller pour préserver ses intérêts, et comment équilibrer cela avec d'autres obligations et valeurs, telles que le respect des droits de l'homme et des normes internationales. C'est pourquoi la raison d’État reste un sujet d'étude important en science politique, pour comprendre à la fois les actions passées et pour éclairer les discussions sur la meilleure façon de gérer les défis politiques actuels et futurs.
Qu’est-ce que la raison d’État ?
La raison d'État est en effet un concept qui permet aux pouvoirs publics de prendre des mesures exceptionnelles, qui pourraient être en dehors du cadre juridique habituel, pour répondre à des situations extraordinaires ou des menaces à la sécurité nationale. En théorie, ce concept est destiné à protéger les intérêts supérieurs de l'État et du peuple. Dans la pratique, cependant, il est sujet à controverse et à débat, car il peut être utilisé pour justifier des actions qui violent les droits de l'homme, les normes internationales, ou les principes démocratiques. Par exemple, en période de guerre ou de crise nationale grave, un gouvernement peut invoquer la raison d'État pour justifier des mesures telles que la déclaration de la loi martiale, la suspension de certaines libertés civiles, ou la prise de mesures d'urgence qui seraient autrement illégales.
L'idée de raison d'État implique qu'en certaines circonstances, l'État ou une autre entité politique institutionnelle peut agir de manière qui déroge au droit commun pour protéger l'intérêt suprême du pays. Ce concept est généralement invoqué dans des situations de crise ou d'urgence nationale, où l'État estime qu'il doit prendre des mesures extraordinaires pour préserver la sécurité, la stabilité, ou d'autres intérêts essentiels. Cependant, la possibilité pour un État de déroger au droit commun dans certaines circonstances ne signifie pas qu'il peut le faire sans restriction ou contrôle. Dans la plupart des systèmes juridiques, il y a des mécanismes de contrôle et d'équilibre qui sont destinés à empêcher les abus de pouvoir et à assurer que toute dérogation au droit commun est proportionnée, nécessaire et conforme à certaines normes minimales. Par exemple, les constitutions de nombreux pays prévoient des dispositions spéciales pour les situations d'urgence qui permettent certaines dérogations temporaires aux droits et libertés normalement garantis. Cependant, ces dispositions exigent généralement que les mesures prises soient proportionnées à la gravité de la situation, et qu'elles soient levées dès que la situation d'urgence est terminée. De plus, dans les systèmes démocratiques, les décisions prises au nom de la raison d'État peuvent être soumises à un examen judiciaire, et peuvent être contestées devant les tribunaux si elles sont jugées inconstitutionnelles ou contraires au droit international.
La raison d'État est un concept qui s'applique dans des circonstances exceptionnelles, lorsqu'il est jugé nécessaire de déroger au droit commun et potentiellement aux libertés publiques pour protéger l'intérêt suprême de l'État. Dans une démocratie, l'utilisation de la raison d'État doit être soigneusement contrôlée et limitée. Elle ne devrait être invoquée que dans des situations véritablement exceptionnelles, et non comme une pratique courante ou une routine. Si elle était utilisée de manière régulière ou arbitraire, cela pourrait mettre en danger l'état de droit et les principes démocratiques. C'est pourquoi, même dans des situations d'urgence, les démocraties cherchent à maintenir des mécanismes de contrôle et d'équilibre pour garantir que l'usage de la raison d'État respecte certaines limites. Cela peut inclure des exigences constitutionnelles, un examen judiciaire, et la transparence et la responsabilité devant le public et le parlement. Cela dit, l'application de la raison d'État reste un sujet complexe et délicat qui suscite des débats philosophiques, politiques et juridiques. Les décisions prises au nom de la raison d'État peuvent avoir des conséquences profondes et durables, et il est donc crucial de les aborder avec prudence et discernement.
Le concept de raison d'État peut impliquer un dépassement de certaines normes habituelles en matière de légalité, de normalité et de logique. Permettez-moi de détailler ces points:
- Dépassement de la légalité : La raison d'État peut amener à déroger aux lois habituelles en vigueur. Par exemple, dans une situation d'urgence, un gouvernement pourrait invoquer la raison d'État pour suspendre certaines lois ou droits.
- Dépassement du normal : La raison d'État concerne des situations exceptionnelles, et non la routine ou la normalité de la gouvernance. Les actions prises en vertu de la raison d'État sont censées être extraordinaires et temporaires.
- Dépassement de ce qui est logique : La raison d'État peut parfois impliquer des actions qui peuvent sembler illogiques ou contradictoires selon les normes habituelles. Par exemple, un État peut choisir de prendre des mesures qui sont contraires à ses propres lois ou principes, ou qui vont à l'encontre de ses engagements internationaux, si ces mesures sont considérées comme nécessaires pour protéger l'intérêt supérieur de l'État.
Même si la raison d'État peut entraîner un dépassement de ces normes, il est important de noter que dans les systèmes démocratiques, il existe généralement des contrôles et des limites pour empêcher les abus de pouvoir et préserver l'État de droit. La raison d'État ne donne pas carte blanche au gouvernement pour agir comme il le souhaite, mais doit être utilisée avec prudence et discernement, et dans le respect des principes fondamentaux de la démocratie et des droits de l'homme.
L'état d'exception est effectivement un terme souvent utilisé de manière interchangeable avec la raison d'État. Il renvoie à une situation dans laquelle le gouvernement déroge au droit commun, souvent en réponse à une urgence ou une crise. L'étude de l'état d'exception pourrait se concentrer sur des questions telles que : Quelles sont les conditions qui déclenchent un état d'exception ? Comment les gouvernements justifient-ils l'invocation de la raison d'État ou la déclaration d'un état d'exception ? Quels sont les effets sur la société et les droits de l'homme ? Quels sont les mécanismes de contrôle et de limitation de l'usage de la raison d'État ?
Les événements et la réponse du gouvernement américain aux attaques du 11 septembre 2001 peuvent servir d'exemple pour étudier la raison d'État. Les mesures prises par le gouvernement américain après ces attaques démontrent plusieurs aspects de la raison d'État en action.
- Dépassement de la légalité : En réponse aux attaques, le Congrès américain a adopté le USA PATRIOT Act, une loi qui a étendu les pouvoirs des agences de renseignement et d'application de la loi pour surveiller et enquêter sur les activités terroristes. Certaines dispositions de cette loi ont été critiquées pour leur atteinte potentielle aux libertés civiles garanties par la Constitution américaine.
- Dépassement du normal : La déclaration de la "guerre contre le terrorisme" par le président George W. Bush et l'invasion de l'Afghanistan (et plus tard de l'Irak) étaient des actions extraordinaires prises en réponse à une situation exceptionnelle.
- Dépassement de ce qui est logique : Certaines décisions prises dans le cadre de la "guerre contre le terrorisme", comme l'établissement du camp de détention de Guantánamo et l'utilisation de techniques d'interrogatoire avancées (considérées par beaucoup comme de la torture), peuvent sembler illogiques ou contraires aux principes habituels du droit et de l'éthique.
Ces actions, prises au nom de la sécurité nationale, ont suscité de nombreux débats sur le rôle de l'État, la protection des libertés civiles et les limites de la raison d'État. Les répercussions de ces décisions continuent d'être ressenties et débattues à ce jour. Cela fait du 11 septembre 2001 et de ses conséquences un exemple particulièrement pertinent pour l'étude de la raison d'État.
La notion de "raison d'État" est souvent liée à celle d'"état d'exception". Dans les deux cas, on évoque un état d'action qui dépasse le cadre du droit commun et de la normalité, souvent en réponse à une situation d'urgence ou de crise exceptionnelle. Un "état d'exception" est généralement déclaré lorsque les circonstances sont jugées si graves que les règles habituelles ne peuvent pas s'appliquer efficacement. Il permet à l'État d'agir de manière extraordinaire pour répondre à la situation. Cela pourrait inclure des mesures telles que la suspension de certaines libertés civiles, la déclaration de la loi martiale, ou l'adoption de lois d'urgence. La "raison d'État" peut être invoquée comme justification de ces actions exceptionnelles, sur la base de la nécessité de protéger l'intérêt suprême de l'État et du peuple. Cependant, bien que ces concepts soient étroitement liés, ils ne sont pas nécessairement identiques. L'état d'exception est généralement un mécanisme formel qui est déclaré selon certaines procédures juridiques et qui a des implications juridiques spécifiques. La raison d'État, en revanche, est un concept plus large qui peut justifier une variété d'actions extraordinaires, qu'un état d'exception formel soit déclaré ou non. Il est également important de noter que, bien que ces concepts permettent à l'État d'agir de manière exceptionnelle, ils ne donnent pas un chèque en blanc pour agir sans restrictions ni contrôles. Dans les systèmes démocratiques, il existe généralement des mécanismes pour limiter et contrôler l'usage de la raison d'État et l'invocation de l'état d'exception, afin de prévenir les abus de pouvoir et de préserver les droits fondamentaux.
La raison d'État peut être interprétée comme une forme de "raisonnabilité" dans le sens où elle cherche à protéger l'intérêt suprême de la nation, surtout lorsqu'elle est confrontée à une crise ou une menace existentielle. Cependant, cela ne signifie pas nécessairement que toutes les actions prises au nom de la raison d'État sont automatiquement "raisonnables" au sens courant du terme.
Il y a plusieurs facteurs qui peuvent influencer si une action prise au nom de la raison d'État est considérée comme raisonnable :
- Proportionnalité : Les actions prises au nom de la raison d'État sont-elles proportionnées à la menace ou à la crise qu'elles visent à combattre ? Sont-elles le minimum nécessaire pour atteindre l'objectif visé ?
- Nécessité : Les actions étaient-elles absolument nécessaires ? Y avait-il d'autres options qui auraient pu être tout aussi efficaces, mais moins intrusives ou moins dommageables pour les droits et libertés ?
- Efficacité : Les actions ont-elles été efficaces pour atteindre l'objectif visé ? Ont-elles réussi à résoudre la crise ou à combattre la menace ?
- Respect des principes démocratiques et des droits de l'homme : Les actions ont-elles été prises dans le respect des principes démocratiques fondamentaux et des normes internationales des droits de l'homme ?
En fin de compte, la question de savoir si la raison d'État est "raisonnable" est largement subjective et peut dépendre de la manière dont ces facteurs sont pesés. C'est un sujet qui est souvent au centre des débats politiques et philosophiques.
Généalogie de la raison d’État
La question de l'état d'exception, ou de la suspension de certaines normes démocratiques dans des situations exceptionnelles, est un sujet de débat philosophique, politique et juridique intense. En effet, comment justifier qu'une démocratie, un système qui valorise la règle de droit et le respect des droits de l'homme, puisse temporairement suspendre ces principes au nom d'un intérêt supérieur ?
Pour comprendre ce paradoxe, il peut être utile de regarder la généalogie de la raison d'État et l'état d'exception. Le concept de raison d'État est profondément ancré dans l'histoire politique et philosophique de l'Occident. Il remonte au moins à la période de la Renaissance et des guerres de religion en Europe, où des philosophes comme Niccolò Machiavel et Jean Bodin ont commencé à articuler l'idée qu'un souverain pourrait parfois devoir agir en dehors des normes habituelles de la morale et du droit pour préserver l'État.
L'idée d'un état d'exception a été plus tard formalisée par des juristes et des théoriciens politiques, qui ont reconnu que les constitutions et les systèmes de droit peuvent parfois être insuffisants pour faire face à des crises extraordinaires. Cette idée a été mise en avant par des penseurs comme Carl Schmitt, qui a affirmé que le souverain est celui qui a le pouvoir de décider de l'état d'exception. Cependant, la justification de l'état d'exception ne signifie pas que la démocratie est complètement abandonnée ou que les principes démocratiques sont sans importance. Au contraire, l'idée est que la démocratie elle-même est menacée dans ces situations exceptionnelles, et que des mesures extraordinaires sont nécessaires pour la préserver. De plus, même dans un état d'exception, il est généralement reconnu qu'il y a des limites à ce que l'État peut faire, et que certaines normes fondamentales de respect des droits de l'homme et de l'état de droit doivent être maintenues. Cela dit, il y a un réel risque que l'état d'exception et la raison d'État puissent être abusés pour justifier des violations des droits de l'homme ou un glissement vers l'autoritarisme. C'est pourquoi il est crucial que leur utilisation soit soigneusement contrôlée et limitée, et qu'il y ait des mécanismes pour garantir la responsabilité et le contrôle démocratique.
En situation d'urgence ou de crise, la suspension temporaire de certaines normes démocratiques ou l'extension des pouvoirs de l'État peut donner lieu à une zone grise, un "no man's land" juridique où les garanties habituelles peuvent ne plus s'appliquer. C'est précisément pour cette raison que l'invocation d'un état d'exception est généralement entourée de procédures formelles et de contrôles. Dans de nombreux pays, par exemple, la constitution prévoit les circonstances dans lesquelles un état d'urgence peut être déclaré, la durée pendant laquelle il peut durer, et les pouvoirs spécifiques que le gouvernement peut exercer pendant cette période. Il peut également y avoir des exigences pour l'approbation parlementaire, la notification à des organismes internationaux, ou le contrôle judiciaire. Cependant, même avec ces contrôles, il y a toujours un risque que l'état d'exception puisse être abusé ou prolongé indûment, conduisant à un affaiblissement de l'État de droit et des libertés civiles. Par conséquent, la vigilance démocratique, le contrôle judiciaire et la surveillance des droits de l'homme sont essentiels pour garantir que l'État d'exception ne devienne pas la norme et que la démocratie puisse être rétablie dès que les circonstances le permettent.
L'état d'exception, bien qu'il soit souvent invoqué dans le but de protéger la démocratie et l'État contre une menace grave, implique effectivement une suspension temporaire ou un assouplissement de certaines normes, règles et procédures démocratiques. Cela crée effectivement un espace de "flou", où les limites et les garanties habituelles sont moins claires. C'est un état d'ambiguïté, où l'État, dans le but de préserver l'ordre et la sécurité, peut être perçu comme s'élevant au-dessus de la démocratie qu'il est censé protéger. Cette situation est lourde de risques, notamment le risque que les pouvoirs de l'État ne soient étendus au-delà de ce qui est nécessaire, ou que l'état d'exception ne soit prolongé indûment. C'est pourquoi il est crucial d'avoir des mécanismes de contrôle et de responsabilité robustes pour encadrer l'usage de l'état d'exception. Cela peut inclure des exigences constitutionnelles ou légales, des contrôles judiciaires, une surveillance parlementaire et une surveillance par les médias et la société civile. De plus, même dans un état d'exception, il est généralement reconnu que certaines normes fondamentales de respect des droits de l'homme et de l'état de droit doivent être maintenues. Cela inclut le droit à un procès équitable, l'interdiction de la torture, et le droit à la vie, entre autres. Ces droits ne peuvent pas être suspendus, même dans des situations d'urgence. Enfin, il est important de se rappeler que l'état d'exception est censé être temporaire et limité à la durée de la crise ou de la menace qui l'a motivé. Une fois la crise passée, l'État doit revenir à un fonctionnement normal et restaurer pleinement les normes et les procédures démocratiques.
La raison d'État est profondément ancrée dans la théorie politique et sa compréhension nécessite une réflexion sur les concepts politiques clés et les contextes historiques et contemporains. De plus, comme les actions prises au nom de la raison d'État peuvent avoir des conséquences majeures pour les droits de l'homme, la démocratie et l'État de droit, elles suscitent souvent un débat politique intense. La théorie politique offre de nombreux outils pour comprendre et analyser la raison d'État. Par exemple, elle peut aider à clarifier les valeurs et les intérêts en jeu, à évaluer les justifications pour des actions particulières, et à comprendre les risques et les conséquences potentielles. Elle peut également fournir un cadre pour comparer les différentes approches de la raison d'État dans différents contextes nationaux et internationaux. En outre, la raison d'État ne peut pas être comprise isolément des conditions politiques spécifiques d'un moment donné. Les décisions prises au nom de la raison d'État sont souvent influencées par les réalités politiques du moment, y compris les préoccupations en matière de sécurité, les défis économiques, les pressions sociales et politiques, et les normes et valeurs dominantes. Les débats sur la raison d'État sont donc souvent liés à des questions plus larges sur la nature et la direction de la politique et de la société. En fin de compte, la question de la raison d'État nous amène à réfléchir aux principes fondamentaux de la politique et de la gouvernance, tels que l'équilibre entre la sécurité et les libertés, la nature et les limites de la souveraineté, et le rôle de l'État dans la protection du bien commun.
Machiavel
L'un des aspects fondamentaux de la pensée politique de Niccolò Machiavel, souvent condensé dans l'expression "la fin justifie les moyens". Dans son ouvrage le plus célèbre, "Le Prince", Machiavel soutient que pour atteindre et maintenir le pouvoir, les dirigeants doivent être prêts à agir de manière qui, dans d'autres contextes, pourrait être considérée comme immorale. Cependant, il est important de noter que Machiavel ne préconise pas le rejet complet de la morale. Au lieu de cela, il souligne que la morale conventionnelle peut parfois entrer en conflit avec les exigences de la politique. Par exemple, un dirigeant peut avoir besoin de recourir à la tromperie ou à la force pour protéger l'État. Dans ce contexte, ces actions peuvent être justifiées si elles contribuent à une fin supérieure, telle que la stabilité politique ou la sécurité de l'État. Cela rejoint l'idée de la "raison d'État", qui suggère que dans certaines circonstances exceptionnelles, l'État peut être justifié à prendre des mesures qui dérogent au droit commun ou aux normes habituelles. Cependant, comme Machiavel le reconnaît lui-même, cela présente un défi éthique et politique complexe, car il peut être difficile de déterminer quand une telle action est réellement justifiée et jusqu'où elle peut aller. La pensée de Machiavel a été l'objet de nombreux débats et interprétations au fil des siècles. Certains critiques voient en lui un cynique qui prône l'amoralité, tandis que d'autres le considèrent comme un réaliste pragmatique qui reconnaît simplement les dilemmes et les défis de la politique. Quoi qu'il en soit, ses idées ont eu une influence profonde sur la théorie politique et continuent d'alimenter les discussions sur des questions comme la raison d'État.
Machiavel a souvent été associé à l'idée de ruse ou de tromperie comme outil stratégique dans la politique. Dans "Le Prince", il suggère que les dirigeants, lorsqu'ils agissent pour le bien de l'État, peuvent être amenés à utiliser la dissimulation ou la manipulation pour atteindre leurs objectifs. La ruse, dans ce contexte, peut être comprise comme une forme d'intelligence stratégique, où un individu ou un groupe détient une information que les autres n'ont pas, et utilise cette asymétrie d'information à son avantage. Cela peut impliquer de tromper les adversaires, de déguiser les véritables intentions ou de manipuler les perceptions pour gagner un avantage stratégique. Cependant, il est important de noter que pour Machiavel, l'utilisation de la ruse n'est pas une fin en soi, mais un moyen de parvenir à des fins plus larges, comme la stabilité de l'État et la protection du bien commun. De plus, bien que Machiavel puisse sembler soutenir un certain niveau de tromperie ou de manipulation dans la politique, il avertit également que les dirigeants doivent agir avec prudence et sagesse, et maintenir la confiance et le respect de leurs sujets autant que possible.
Dans la perspective machiavélienne, la tactique – et notamment la capacité à agir en dehors des normes établies lorsque cela est nécessaire pour atteindre un objectif plus grand – est considérée comme une composante essentielle de l'art politique. C'est en grande partie ce que Machiavel entend par l'affirmation que "la fin justifie les moyens". En d'autres termes, pour Machiavel, la réussite politique nécessite parfois des actions qui, en dehors du contexte politique, pourraient être considérées comme contraires à la morale conventionnelle ou à la loi. L'exigence ultime pour le dirigeant, dans ce cadre de pensée, est le bien-être et la stabilité de l'État. Cependant, il est important de noter que cette vision de la politique, bien qu'elle puisse parfois sembler pragmatique, soulève également des questions éthiques et morales importantes. Elle souligne la nécessité d'un équilibre entre la poursuite des objectifs politiques et le respect des normes éthiques et juridiques. De plus, elle souligne l'importance de la responsabilité et de la transparence dans l'exercice du pouvoir. Machiavel lui-même n'était pas insensible à ces défis. Dans ses écrits, il reconnaît que le pouvoir politique, s'il est mal utilisé, peut conduire à la tyrannie et à l'injustice. Par conséquent, bien qu'il puisse sembler soutenir l'idée que la fin justifie les moyens, il souligne également l'importance de la prudence, de la sagesse et de la retenue dans l'exercice du pouvoir.
Bien que Machiavel n'utilise pas explicitement le terme de "raison d'État", ses écrits décrivent un concept similaire. Pour lui, la priorité première d'un dirigeant est le maintien du pouvoir et la stabilité de l'État. Par conséquent, il peut être nécessaire d'adopter des comportements ou des méthodes qui ne sont pas conformes aux principes démocratiques traditionnels ou qui peuvent même sembler immoraux. Cela dit, Machiavel ne plaide pas pour l'autoritarisme ou le despotisme. Il ne suggère pas non plus que les dirigeants devraient être libres de faire ce qu'ils veulent sans aucune contrainte ou responsabilité. En fait, il met en garde contre l'utilisation abusive du pouvoir et insiste sur la nécessité d'une gouvernance sage et prudente. Il suggère également que les dirigeants doivent toujours se comporter de manière à gagner le respect et la confiance de leurs sujets, car le soutien populaire est crucial pour la stabilité et le succès à long terme. La philosophie de Machiavel soulève des questions importantes sur le pouvoir, l'éthique et la gouvernance. Bien qu'elle puisse parfois sembler cynique ou amoral, elle met en lumière les défis inhérents à la politique et la nécessité d'un équilibre délicat entre l'idéalisme et le réalisme, entre la morale et l'efficacité.
Dans la perspective de Machiavel, l'action politique peut parfois nécessiter de dépasser les cadres traditionnels de la loi et de la morale pour atteindre les objectifs les plus importants, comme la stabilité de l'État. C'est là que la notion de "raison d'État" se connecte à sa philosophie. Machiavel reconnaît que la politique, en particulier à un niveau élevé comme celui du dirigeant d'un État, peut impliquer des dilemmes complexes où le respect strict des règles et des normes peut entrer en conflit avec les exigences pratiques du pouvoir et de la survie de l'État. Cela ne signifie pas pour autant que Machiavel préconise un rejet total de la loi ou de la morale, mais plutôt qu'il considère ces aspects comme faisant partie d'un ensemble plus large de considérations qui doivent être prises en compte dans la prise de décisions politiques. Cependant, cela soulève aussi des questions importantes sur les limites de l'action politique et la tension entre les impératifs de la réalité politique et les idéaux démocratiques et éthiques. Ces questions, qui sont au cœur des débats sur la raison d'État, restent pertinentes et contestées aujourd'hui.
Giovanni Botero (1544 - 1617)
Giovanni Botero est effectivement un personnage clé dans le développement du concept de "raison d'État". Né en 1544 dans le Piémont, en Italie, il a été un diplomate, un prêtre jésuite et un écrivain influent sur des sujets allant de l'économie à la géographie et à la politique. Son œuvre la plus célèbre, "Della ragion di Stato" (De la raison d'État), publiée pour la première fois en 1589, a joué un rôle crucial dans la formulation de ce concept. Dans ce traité, Botero explique que la survie et le succès de l'État dépendent d'une combinaison de prudence, de politique et de morale. Il affirme que les dirigeants doivent parfois agir en fonction de considérations pragmatiques qui peuvent dépasser les normes juridiques ou éthiques traditionnelles. Cependant, contrairement à Machiavel, Botero insiste sur le fait que la raison d'État doit toujours être guidée par des principes chrétiens et moraux. Pour lui, la véritable raison d'État est celle qui sert le bien commun et qui est conforme à la loi divine. Ainsi, bien que Botero et Machiavel puissent tous deux être vus comme des contributeurs importants à la théorie de la raison d'État, ils offrent des perspectives différentes sur la relation entre la politique, la morale et le pouvoir. Ces perspectives ont eu une influence profonde sur la pensée politique et continuent d'informer les débats actuels sur des questions comme la raison d'État et l'éthique en politique.
Giovanni Botero a été l'un des premiers penseurs à se concentrer sur la construction et l'efficacité du pouvoir d'État. Il s'est intéressé à la manière dont les États peuvent se développer et maintenir leur puissance, en particulier par le biais de l'économie et de la démographie. Pour Botero, la puissance d'un État ne dépendait pas seulement de la taille de son territoire ou de son armée, mais aussi de la richesse et du bien-être de sa population. Il a donc été l'un des premiers à souligner l'importance des facteurs économiques et sociaux dans le renforcement du pouvoir d'État. Dans le cadre de la raison d'État, Botero a soutenu que les dirigeants devaient prendre des décisions pragmatiques pour assurer la survie et la prospérité de leurs États. Cela pouvait parfois nécessiter des actions qui dépassaient les normes juridiques ou éthiques traditionnelles. Cependant, contrairement à Machiavel, Botero a également insisté sur l'importance des principes moraux et chrétiens dans la gouvernance, affirmant que la véritable raison d'État devait toujours servir le bien commun et respecter la loi divine. Cette combinaison de pragmatisme politique et d'engagement moral a fait de la pensée de Botero une influence majeure sur la théorie politique, et son concept de raison d'État reste pertinent pour les discussions contemporaines sur le pouvoir, l'éthique et la gouvernance.
Giovanni Botero, en tant que prêtre jésuite, a incorporé des principes théologiques dans sa conception de la raison d'État. Pour lui, l'exercice du pouvoir, y compris l'application de la raison d'État, devrait être guidé par les principes et les enseignements de la foi chrétienne. Botero a affirmé que les dirigeants, en particulier ceux qui exercent un pouvoir exceptionnel en vertu de la raison d'État, ont le devoir de respecter la parole de Dieu et de suivre ses commandements. Ils doivent s'efforcer de réaliser les objectifs divins pour l'humanité, ce qui signifie promouvoir le bien commun, maintenir la justice et la paix, et protéger les faibles et les vulnérables. Dans cette perspective, la raison d'État ne peut pas être utilisée comme une excuse pour agir de manière arbitraire ou injuste. Au contraire, elle doit toujours être utilisée d'une manière qui est compatible avec la loi divine et qui favorise le bien-être de la communauté. C'est une vision de la raison d'État qui diffère de celle de Machiavel et d'autres théoriciens politiques plus séculiers. Elle met l'accent sur la responsabilité morale et spirituelle des dirigeants et sur l'importance de la foi et de la vertu dans la politique. Cette vision a influencé le développement ultérieur de la théorie politique, en particulier au sein de la tradition de la philosophie politique chrétienne.
Giovanni Botero et Niccolò Machiavel ont des perspectives différentes sur la raison d'État en relation avec la moralité. Machiavel est souvent interprété comme mettant de côté les considérations morales traditionnelles au profit d'un pragmatisme politique, selon lequel la fin (la stabilité et le succès de l'État) justifie les moyens. Son approche est parfois qualifiée d'amorale dans le sens où elle ne se conforme pas à la moralité conventionnelle. Botero, en revanche, insiste sur l'importance de la moralité, spécifiquement de la moralité chrétienne, dans la politique. Pour lui, la raison d'État n'est pas une excuse pour agir de manière immorale ou injuste, mais un principe qui doit être appliqué d'une manière qui est en accord avec les commandements de Dieu et qui favorise le bien-être de la communauté. Ainsi, même si les deux hommes sont d'accord sur le fait que les dirigeants peuvent parfois devoir prendre des mesures exceptionnelles pour protéger et renforcer leur État, ils diffèrent sur la question de savoir dans quelle mesure ces actions doivent être limitées par la morale et l'éthique.
//Ce qui est important est que dans le retour à la morale, la raison d’État va apparaitre comme potentiellement possible en termes d’action publique. Si dans certains cas le prince a raison sur ses sujets, s’il a raison et qu’il le fait au nom de Dieu, il a la moralité de la raison d’État. Ce qui peut apparaître comme immoral.
C’est l’application de la raison d’État au nom de principes divins,c’est donc l’application de l’ordre de la morale. Les moyens importent peu lorsqu’ils respectent les vertus divines.
Dans la théorie de Botero est mené un combat contre la pensée de Machiavel, il faut retourner à Dieu, s’il est soumis à Dieu il peut gouverner selon la raison d’État.
Le prince est celui qui se donne les moyens de la domination au service de Dieu et la raison d’État est la reconnaissance de ces moyens.
À partir de ce moment, la théorie de Botero consiste à penser l’État moderne ainsi qu’à penser les conditions d’application de la raison d’État.
À partir de quand il va être possible de rentrer dans l’exceptionnalité du pouvoir de la raison d’État ? Botero va illustrer ce cadre par les guerres civiles, une guerre civile est un risque de déchirement et de destruction de la société par des destructions internes, dès lors la raison d’État peut être appliquée au nom de Dieu.
Le paradoxe de Botero est qu’il légitime l’action du prince sur le religieux, mais en même temps il est prêt à définir comme moral des actes qui n’ont rien d’humain.
En partant d’un apriori conceptuel limité, le prince est moral alors il peut appliquer la raison d’État. Si le prince est fondamentalement immoral, il peut dès lors user de la raison d’État l’utilisant pour assouvir ses propres intérêts au nom de Dieu.
Dans la théorie de Botero, il y a de grandes faiblesses pour le parti pris de la raison d’État, de plus, il y a le parti pris que les hommes ne sont pas suffisamment raisonnable pour être gouvernés de façon classique. Si les hommes ne sont pas raisonnables ils sont déraisonnables, il leur manque la rationalité et la raison, donc la raison d’État va être le retour de la rationalité c’est-à-dire le fait que l’on va reconstruire du raisonnable selon tous les moyens déraisonnables.
L’homme peut être dangereux et non-social. Le prince a le droit d’utiliser des règles d’exception qui sont des règles de l’abandon de l’ordinaire au profit de l’extraordinaire qui est l’application de la raison d’État.
Il termine son discours en se posant la question des moments les plus forts de potentialités et de circonstances pour appliquer la raison d’État. C'est avant tout la guerre, car c’est un moment exceptionnel, dans une situation de conflit militaire pour gagner la survie de son entité politique on va appliquer la raison d’État afin de conduire la guerre. Dès lors, la raison est une nécessité dans l’ordre de la guerre parce qu’elle va mobiliser les individus et des cités tout en prenant des mesures extraordinaires à l’égard des ennemies.
Chez Botero, l’armée est un vecteur de la guerre qui est aussi un des outils de définition de la raison d’État.
En partant du religieux et du théologique, on va progressivement l’abandonner pour fonder une théorie politique moderne de la raison d’État en affirmant qu’il existe des situations extraordinaires qui ne peuvent pas être réglées, régulées,gouvernée par de l’ordinaire. À situation extraordinaire correspond un gouvernement extraordinaire, ce gouvernement va appliquer la raison d’État.
Ainsi, la raison d’État est la mise en situation de gérer un temps extraordinaire par l’application des règles de la raison d’État nom de l’intérêt général.
Le paradoxe est de prendre conscience du paradoxe absolu dans lequel on arrive ; on définit un extraordinaire en amputant les libertés publiques au nom du bien collectif et de la raison d’État puisque par essence l’extraordinaire est la non-raison et le déraisonnable.
La guerre comme support à la raison d’État
Michel Senellart
Pour Senellart, la principale application de la raison d’État est la guerre : « La raison d’État n’est autre chose qu’une contravention aux raisons ordinaires pour le respect du bien public, ou pour le respect d’une plus grande et universelle raison ».
La raison d’État est justifiée par un contexte qui rompt avec les règles ordinaires du fonctionnement de la démocratie.
Scipione Ammirato
Ammirato postule qu’il y a un lien historique entre guerre et raison d’État. Le lieu même de l’application de la raison d’État est la guerre, le vivant dans son époque dans la conflictualité naissante avec l’Islam. Il est nécessaire d’utiliser le principe de la raison d’État, car elle va être un rempart structurel sur des formes de gouvernements qui vont permettre de lutter contre l’islam.
Il faut penser la raison d’État comme un acte de guerre latent, cela est un mode de mobilisation, de concentration,d‘organisation qui permet de préparer la guerre. Ainsi la guerre justifie l’extraordinaire et l’application de la raison d’État.
Carl Schmitt
Schmitt a théorisé la théorie du partisan, il a de nouvelles guerres qui apparaissent par les partisans.
Il va s’interroger sous le nazisme, en postulant que le vrai souverain est celui qui décide de la situation exceptionnelle. C’est celui qui décide de l’exceptionnel, c’est ce qu’on appelle le décisionnisme, c’est celui qui a la capacité de décider du rapport à la guerre. Le seul vrai chef et celui de l’état d’exception ce que fait Hitler après 1933.
Au fond, la seule compétence importante pour ce grand chef est de pouvoir porter le discours de l’exceptionnel qui engage vers la guerre. La théorie de la raison d’État transparait sur la question de la guerre totale qui exige une mobilisation totale au sein d’un État total, c’est le totalitarisme. Le totalitarisme est l’impossibilité philosophique de pouvoir de penser en dehors du cadre.
Le totalitarisme est un système politique dans lequel on ne peut penser parce que tout a été structuré.
Schmitt postule que le bon chef est celui qui promeut les conflits. Le conflit dans une vision théologique nazie fonde le rapport ennemi - ami, c’est le discours des futuristes. C’est une représentation de la guerre comme un espace absolu prodigieux qui exige l’application de la raison d’État.
Pour Schmitt, la guerre est une sublimation absolue qui est le moment ou le politique peut se révéler en tant que tel.
Actualité de l’état d’exception
De l’État d’exception
Agamben est un philosophe italien qui publie en 2003 un livre intitulé État d’exception.
Il postule que les sociétés dans lesquelles nous sommes sont en train de rentrer dans un État d’exception à travers la question de la sécurité.
La déclaration de 1789 dit que la liberté des individus fonde la sécurité. C’est la liberté qui permettrait l’affranchissement et la sécurité. Dans la tradition de la philosophie de la théorie politique moderne, ce qui fonde la sécurité humaine et la liberté.
Aujourd’hui, nous avons un renversement de paradigme ou la sécurité fonde la liberté. Avant la liberté on prône le concept de sécurité qui pose des questions de normes, de contrainte et de sécurité des individus.
La théorie de Agamben est que nous sommes tous rentrés dans des états d’exception par ce que nous sommes rentré dans des sociétés qui ont placé la sécurité en premier par rapport au concept de liberté. C’est un contresens philosophique,ce qui est en jeu pour la sécurité et d’abord la liberté, il y aura un principe de rationalité ou de raison qui fait que l’on va vers de la rationalité.
Ainsi nous sommes entrés dans un no mans land qui est un état d’exception continuel ; ce n’est plus un état d’exception qui va être une parenthèse fermée comme Botero le suggérait. Avec Agamben nous serions rentrés dans un état permanent d’état d’exception dans lequel la place de l‘individu n’est plus commandée par la question de la liberté, mais par la question de la sécurité, d’où au sens de Foucault un état permanent de contrôle de l’individu.
Nous sommes entrés dans des sociétés qui n‘acceptent plus des choses invisibles et épaisses est qui ne renvoient à la question de la traçabilité.
Au fond, nous sommes dans une rupture fondamentale des sociétés modernes parce que nous rentrons dans du non-droit juridique et un concept de nécessité ou c’est la nécessité qui fait loi alors que la démocratie est un processus.
C’est une zone d’incertitude, des sociétés de zones grises qui se caractérisent par des lois spécifiques, martiales, sécuritaires qui briment et atteignent les libertés publiques et individuelles. Nous sommes rentrés dans un vocabulaire militaire et un discours stratégique qui justifie la suspension de l’idée de démocratie. C’est une parenthèse qui efface les normes constitutionnelles,le droit des personnes, la liberté individuelle comme principe.
C’est la concentration des pouvoirs, la fin de la distinction entre législatif et exécutif et la naissance de règlementations spécifiques qui viennent contrôler l’individu dans toute son existence.
L’application de l‘État d’exception en France est la Première guerre mondiale qui renvoie à un état d’exception ; la préparation de la seconde guerre mondiale en 1938 et en 1939 avec le pacte germano-soviétique qui crée des dissensions dans la politique française, car les communistes souhaitent suivre la position soviétique; la constitution française de 1958, l’article 16 dit qu’en cas de menace sur l’intégrité de la république et de la nation, le président de la République peut prendre tous les pouvoirs nécessaires.Ainsi un article accorde la prise de tous les pouvoirs au nom de l’attaque de l’intégrité du territoire.
En Suisse, le 30 août 1914, l’Assemblée fédérale confère au Conseil fédéral le pouvoir illimité pour garantir la sécurité, l’intégrité et la neutralité de la Suisse.
Le 11 septembre et le retour de la raison d’État
Le premier point qui va permettre de justifier l’état d’exception aux États-Unis après le 11 septembre est la déclaration de George Bush sur la base que l’intégrité de la nation américaine a été atteinte, il a été essayé d’atteindre à l’intégrité de la nation par des attentats terroristes qu’il assimile à un acte de guerre.
À partir de ce moment, il se situe dans la nécessité de la défense de la nation américaine. Bush élève l‘ennemie comme un État-nation, il donne du crédit à Ben Laden comme leader d’un État-nation.
Ce paradigme pose la question de l’application de la raison d’État. La qualification d’acte de guerre élève la guerre comme le référent principal de l’action. Cela signifie qu’à ce moment il est possible d’appliquer la raison d’État au nom de l’acte de guerre.
Cette phrase sémantique a fait basculer l’histoire rapidement. La légitimation de Ben Laden permet de défendre le territoire en appliquant la raison d’État.
Cela s’est traduit par la remise en cause du concept d’État de droit, nous rentrons dans l’ordre de l’extraordinaire ; l’urgence de la situation de l’État pose une question extraordinaire à l’État, il devient extraordinaire et s’autorise à quitter le champ des règles normales de droit public au nom de l’extraordinaire de la situation.
Le ministre du Commerce britannique le 9 novembre 2001 dit « c’est un très bon jour pour faire ressortir et passer en douce toutes les mesures que nous devons prendre[1] ». Au fond a été engagée la suspension de la démocratie au nom de la nécessité, il y a une rationalité supérieure.
Les attentats du 11 septembre vont être un moteur d’accélération de la transformation de l’espace juridique et surtout de la clôture du débat démocratique parce qu’il y a une urgence qui justifie l’ensemble des mesures extraordinaires.
- USA patriot act
- Les autorités peuvent arrêter et retenir, pour une période non déterminée, des étrangers soupçonnés d’être en relation avec des groupes terroristes, non-qualification du terrorisme
- Mise en place d’une surveillance du Net, système « carnivore » du FBI.
- que les délits sont considérés comme terroristes s’ils sont « faits sciemment dans le but d’influencer ou d’affecter le gouvernement par intimidation ou contrainte (...) ou dans le cadre de représailles vis-à-vis d’opérations conduites par le gouvernement
- Guantanamo
La prison de Guantanamo a été étudiée par des juristes, c’est une prison en territoire cubain où sont transférés des individus considérés comme terroristes afin d’en extirper des informations.
L’histoire de Guantanamo est l’invention du « no mans land ». Toute la procédure de Guantanamo est la procédure de fabrication de la raison d’État. C’est un territoire qui n’est pas américain, c’est une base militaire louée au gouvernement cubain.
Il y a une fabrication juridique du non-droit. Ainsi cette prison échappe aux juridictions américaines, car elle est située dans un territoire cubain.
Ainsi cela permet d’éviter toute contestation, le prisonnier a un statut autre de celui qui est prisonnier de guerre :
- il n’est pas un prisonnier de droit commun
- ni un prisonnier politique
- il est ni un prisonnier de guerre alors que Bush fait la guerre contre la terreur
C’est un principe intéressent de la fabrication d’une extraterritorialité qui fait que personne ne peut contester l’existence de cette prison.
Il va falloir attendre 2004, pour que la Cour Suprême des États-Unis arrive à reconnaitre que Guantanamo est placé sous le contrôle et donc sous la juridiction américaine, il faut trois années pour arriver à définir un statut.
Ce n’est qu’à partir de 2004 que les prisonniers vont pouvoir commencer à contester les conditions de leur détention devant un tribunal américain. L’administration américaine élabore le concept de combattants irréguliers. Ce sont des arrêts de la Cour Suprême des États-Unis qui vont finalement leur accorder des droits humains plus humanitaires.
Cela pose une question fondamentale qui est que de savoir si la parenthèse de l’état d’exception de la gestion du 11 septembre par les États-Unis est-elle définitivement finie ?
Entre les promesses d’Obama et certaines restrictions des libertés qui restent ancrées dans la société d’aujourd’hui comme le contrôle d’internet, etc. nous amène à nous poser la question de savoir si nous sommes sortis de l’état de droit, ce qui n’est pas évident.
Du point de vue de l’Union européenne, on voit qu’elle engage un processus plus démocratique qu’aux États-Unis sur la gestion du terrorisme planétaire avec une harmonisation des législations et une redéfinition de l’infraction. Ainsi nous pouvons voir comment certaines formes de libertés publiques ainsi que des droits fondamentaux sont toujours malmenés, les vols de la CIA sont le parangon de ce contournement des libertés.
Annexes
- Stéphane Bonnet « Botero machiavélien ou l'invention de la raison d'Etat », Les Études philosophiques 3/2003 (n° 66), p. 315-329.
- Bouaziz, Franck. "À La Une – Critique De La Raison D’Etat." Le Nouvel Economiste. N.p., 9 Feb. 2011. url: http://www.lenouveleconomiste.fr/critique-de-la-raison-detat-9130/
- À propos de État d’exception, Homo sacer de Giorgio Agamben, Sidi Askofaré « À propos de État d'exception, Homo sacer de Giorgio Agamben », L'en-je lacanien1/2004 (no 2), p. 193-205.
- Botero, Giovanni. Della Ragion Di Stato Libri Dieci. In Roma: Presso Vincenzio Pellagallo, 1590.
- Machiavelli, Niccolò, Jean-Louis Fournel, Jean-Claude Zancarini, and Giorgio Inglese. De Principatibus = Le Prince. Paris: Presses Universitaires De France, 2000.
- Nuccio, Oscar. Giovanni Botero: Politica E Precettistica Economica Del Medievalismo Controriformistico. Sassari: Gallizzi, 1992.
- Senellart, Michel. Machiavélisme Et Raison D'Etat: XIIe-XVIIIe Siècle ; Suivi D'un Choix De Textes. Paris: Presses Universitaires De France, 1989.
- Senellart, Michel. Les Arts De Gouverner: Du Regimen Médiéval Au Concept De Gouvernement. Paris: Ed. Du Seuil, 1995.
- "Comment L'obsession Sécuritaire Fait Muter La démocratie." Comment L'obsession Sécuritaire Fait Muter La Démocratie, Par Giorgio Agamben (Le Monde Diplomatique, Janvier 2014). N.p., n.d. Web. 15 Sept. 2014. <http://www.monde-diplomatique.fr/2014/01/AGAMBEN/49997>.
- ARTE. “Terrorisme, Raison D'État (1/2) | ARTE.” YouTube, Arte, 12 Mar. 2019, www.youtube.com/watch?v=r6F9DShho50.
- ARTE. “Terrorisme, Raison D'État (2/2) | ARTE.” YouTube, YouTube, 12 Mar. 2019, www.youtube.com/watch?v=83fRNSkiIsA.
Références
- ↑ Steve Byers, ministre du Commerce anglais du gouvernement de Tony Blair avait envoyé un courrier une heure après le drame « C'est un très bon jour pour faire ressortir et passer en douce toutes les mesures que nous devons prendre. » p. 549