Logique juridique : syllogisme et arguments réductifs

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Le syllogisme[modifier | modifier le wikicode]

Le “syllogisme judiciaire” est l’opération intellectuelle permettant d’appliquer la solution générale prévue par une règle de droit à une situation de fait qui en remplit les conditions.

« Tous les hommes sont mortels. Socrate est un homme. Donc Socrate est mortel. »

Syllogisme schéma.png

Les trois propositions du syllogisme:

  1. Si "B" (humain) alors "A" (mortel) : Majeure (1ère prémisse)
  2. Or "C" (Socrate) est "B" (humain) : Mineure(2ème prémisse)
  3. Donc "C" (Socrate) est "A" (mortel) : Conclusion

A = grand terme; B = moyen terme; C = petit terme

Le syllogisme est une opération intellectuelle qui se propose comme un outil répondant à la question « comment appliquer le droit aux faits ? ». C’est un raisonnement déductif, c'est-à-dire qu'on va appliquer la règle générale au cas particulier.

  • La majeure : l’énoncé de la règle de droit, 1ere prémisse ;
  • La mineure : l’application de la règle de droit au fait, subsomption, 2eme prémisse ;
  • La conclusion : dispositif du jugement.

Le syllogisme est toujours de type conditionnel, logique déductive. Parfois un seul syllogisme ne suffit pas pour résoudre un problème juridique (cas complexe). On parle des syllogismes successifs (plusieurs questions juridiques). Le syllogisme est logiquement contraignant, car il n’est pas contestable (logique pure).

Le syllogisme juridique[modifier | modifier le wikicode]

Le syllogisme est un procédé qui cherche à répondre à la question « qui veut quoi de qui sur quelle base ? »

  1. Poser la question juridique
  2. Trouver la base légale (majeure)
  3. L’appliquer à la mineure
  4. Conclusion

Exemple 1[modifier | modifier le wikicode]

Question juridique : Est-ce que Médor est une chose?

Les animaux ne sont pas des choses (art. 641aal. 1 CC) = Majeure (règle de droit) Or, le chien Médor est un animal = Mineure (subsomption) Donc Médor n’est pas une chose = ConclusionStructure des jugements (Syllogisme):

Syllogisme

  • Question juridique
  • Majeur : règle de droit
  • Mineure : subsomption (vérification
  • Conclusion

Les différentes étapes du syllogisme se retrouvent dans la structure habituelle du jugement

  1. Partie “faits” : version des faits que le juge a retenu sur la base des preuves
  2. Partie “droit” : Juge rappelle la règle applicable (majeure) et vérifie si les faits retenus remplissent les conditions prévues par la règle (mineure)
  3. Le “dispositif” : solution du litige,selon la règle applicable (conclusion)

S’il n’existe pas de règle applicable, on procède par analogie juridique.

On est dans une logique réductif : par déduction(du général au particulier)

Au contraire le raisonnement inductif : par du particulier pour aller au général

Exemple 1 : cas pratique[modifier | modifier le wikicode]

Faits : Bernard conduit sa voiture. Son taux d’alcoolémie est de 0,8 gramme pour mille. La voiture de Bernard fracasse portail de Claude (la réparation coûtera CHF 1000). Bernard n’a jamais enfreint le Code de la route avant. Le montant maximal assuré par l’assurance de Bernard est de CHF 1 million.

Questions juridiques :

  1. Le permis de Bernard sera-t-il retiré et, si oui, pour combien de temps au moins?
  2. Claude peut-il réclamer à Bernard le montant de CHF 1000?
  3. Claude peut-il réclamer à l’assurance de Bernard le montant de CHF 1000
  4. Si l’assurance de Bernard dédommage Claude, peut-elle se retourner contre Bernard?

Art.16c LCR Al.1 (extraits) Retrait du permis de conduire après une infraction grave Al. 1 Commet une infraction grave la personne: a. qui, en violant gravement les règles de la circulation, met sérieusement en danger la sécurité d’autrui ou en prend le risque; b. qui conduit un véhicule automobile en état d’ébriété et présente un taux d’alcoolémie qualifié (art. 55...)

Al.2 Après une infraction grave, le permis d’élève conducteur ou le permis de conduire est retiré: a. pour trois mois au minimum; b. pour six mois au minimum si, au cours des cinq années précédentes, le permis a été retiré une fois en raison d’une infraction moyennement grave; [...] Ordonnance de l’Assemblée fédérale concernant les taux d’alcoolémie limite admis en matière de circulation routière (RS 741.13)

  • Art.1 al. 1 et al. 2

Un conducteur est réputé incapable de conduire lorsqu’il présente un taux d’alcoolémie de 0,5 gramme pour mille ou plus ou queson organisme contient une quantité d’alcool entraînant un tel taux d’alcoolémie (état d’ébriété). Est réputé qualifié un taux d’alcoolémie de 0,8 gramme pour mille ou plus.

Question juridique à résoudre: Le permis de B sera-t-il retiré et, si oui, pour combien de temps au moins ?

  • Premier syllogisme juridique
    • Question juridique : Le taux d’alcoolémie de B était-il qualifié?
    • Majeure : “Est réputé qualifié un taux d’alcoolémie de 0,8gramme pour mille ou plus.” (Art. 1 al. 2 de l’Ordonnance, RS 741.13).
    • Mineure : B avait un taux d’alcoolémie de 0,8 gramme pour mille.
    • Conclusion : Le taux d’alcoolémie de B était qualifié
  • Deuxième syllogisme juridique
    • Question juridique : B a-t-il commis une infraction grave?
    • Majeure : “Commet une infraction grave la personne qui conduit un véhicule automobile en état d’ébriété et présente un taux d’alcoolémie qualifié.” (Art. 16cal. 1 LCR).
    • Mineure : B est une personne. Il a conduit sa voiture alors qu’il était en état d’ébriété et présentait un taux d’alcoolémie qualifié(voir syllogisme 1).
    • Conclusion : B a commis une infraction grave.
  • Troisième syllogisme juridique
    • Question juridique : Le permis de B sera-t-il retiré et, si oui, pour combien de temps au moins?
    • Majeure : “Après une infraction grave, le permis d’élève conducteur ou le permis de conduire est retiré: pour trois mois au minimum; pour six mois au minimum si, au cours des cinq années précédentes,le permis a été retiré une fois en raison d’une infraction moyennement grave[...]” (art. 16- cal. 2 lit. a et b LCR)
    • Mineure : B a commis une infraction grave (voir syllogisme2). B n’a jamais enfreint le code de la route avant. Il n’a donc pas eu de retrait de permis en raison d’une infraction moyennement grave au cours des cinq années précédentes.
    • Conclusion : Le permis de B sera retiré pour trois mois au moins.

Exemple 2 : cas pratique[modifier | modifier le wikicode]

Alain et Blaise sont propriétaires de deux terrains voisins. Alain est éleveur d’animaux et possède un troupeau de vaches; Blaise exploite un club de golf. La génisse Viola fait partie du troupeau de vaches d’Alain. Profitant du fait qu’Alain avait momentanément laissé son enclos ouvert, Viola s’est échappée le 24 septembre dernier et a pu accéder au terrain de Blaise. Elle s’est immédiatement attaquée au gazon, dévorant en un rien de temps des parties entières, tout en piétinant et endommageant le parcours de golf.

Blaise,qui n’a pu que constater l’ampleur du désastre, réclame à Alain CHF 2’000, représentant le coût du ré-engazonnement de son terrain. Il refuse par ailleurs de lui restituer Viola.

Alain vous demande ce qu’il doit faire pour récupérer sa génisse. En vous fondant sur les règles légales qui suivent, veuillez lui répondre par un raisonnement syllogistique. Pour préparer cet exercice, analysez d’abord la structure des règles, puis posez les syllogismes nécessaires pour répondre à la question.

  • Premier syllogisme
    • Question juridique : Alain est-il responsable du dommage causé par Viola ?
    • Majeure : Art. 56al.1 160 CO
    • Mineure :
      • détenteur : Alain
      • dommage : 2000 CHF
      • animal : Viola
      • causalité : comportement de viola (animal) et le 2000 CHF (dommage)
      • pas de preuve libératoire 1 : il n’y a pas de preuve qu’il l’a surveillé avec diligence
      • pas de preuve libératoire 2 : il ne peut pas prouver que même s’il y avait eu un comportement diligent il n’aurait pu empêcher Viola de s’échapper
    • Conclusion : responsabilité du détenteur


  • Deuxième syllogisme
    • Question juridique : Blaise peut-il s’emparer de Viola et la retenir en garantie de 2000 CHF
    • Majeur : Art. 57 CO
    • Mineur :
      • possesseur :celui qui à la maitrise effective de la chose = Blaise
      • immeuble :Art.655 al.2 = terrain de golf
      • dommage sur l’immeuble : Art.667 al.2
      • animal appartenant à autrui : Viola
      • causalité :comportement de viola (animal) et le 2000 CHF (dommage)
      • indemnité :intégration du syllogisme1
    • Conclusion : donc Blaise à le droit de s’emparer de Viola et de la retenir en garantie des 2000 CHF

Le syllogisme est logiquement contraignant.

Le raisonnement juridique est une confrontation entre les droits et les faits, c’est au niveau du syllogisme (vérification des conditions) que l’on peut voir si la condition s’applique au cas particulier.

Raisonnement juridique[modifier | modifier le wikicode]

Quelques notions liées aux règles de droit[modifier | modifier le wikicode]

Droit objectif[modifier | modifier le wikicode]

Le droit objectif est l’ensemble des règles générales et abstraites indiquant ce qui doit être fait dans un cas donné. Édictées ou reconnues par un organe officiel, régissant l’organisation et le déroulement des relations sociales et dont le respect est en principe assuré par des moyens de contrainte organisés. Ensemble des règles de droit.

  1. Abstrait :elle s’applique à un nombre indéterminé de situations concrètes.
  2. Générale :elle régit un nombre indéterminé de personnes.
  3. Elle indique ce qui “devrait être”, et non ce qui “est”
  4. Sanction pour inciter le respect. La sanction est la conséquence attachée à la violation par une personne de l’obligation que l’ordre juridique lui impose.
  • Sanction directe : rétablir le droit violé
  • Sanction indirecte : appliquée dans les cas où il est impossible de rétablir le droit violé

Droit subjectif[modifier | modifier le wikicode]

Faculté appartenant à un sujet de droit de faire ou d’exiger quelque chose en vertu d’une règle de droit. Pour savoir si un droit subjectif existe, une ou plusieurs règles de droit doivent être appliquées au cas particulier (= syllogisme(s) juridique(s)).

Le droit subjectif est la faculté appartenant à un sujet de droit, c’est-à-dire une personne physique ou une personne morale de faire ou d’exiger quelque chose (sujet actif) ou d’être obligée à quelque chose(sujet passif) en vertu d’une règle de droit objectif. Mise en œuvre du droit objectif.

Exemple - “Voici ma voiture” : droit de propriété (sujet actif), “il faut que je paie mes factures” obligation (sujet passif)

Rapport de droit[modifier | modifier le wikicode]

Lien entre deux personnes dont l’une est en droit d’exiger de l’autre l’accomplissement d’un devoir juridique. Fondement du rapport juridique: une ou plusieurs règles de droit.

Action en justice[modifier | modifier le wikicode]

C’est la mise en œuvre du droit subjectif. Autrement dit, c'est la voie de droit ouverte pour la protection judiciaire d’un droit subjectif.

L’action en droit est le droit qui appartient à une personne de faire valoir une prétention en saisissant la juridiction à laquelle la loi attribue compétence pour en connaître. L'instance c'est seulement le développement procédural découlant de la saisine du juge. Se désister de l'action c'est renoncer définitivement à sa prétention. Se désister de l'instance que l'on a introduite, c'est seulement renoncer à poursuivre la procédure.

Les droits personnels et les droits réels /droit positif[modifier | modifier le wikicode]

La caractéristique des droits personnels est d’établir des rapports entre personnes : le lien de droit s’appelle obligation. Le contrat est un type d’obligation (convention génératrice d’obligations) qui produit un effet juridique.

Les droits réels sont les droits de maîtrise qu’une personne exerce de façon immédiate et directe sur les choses. On distingue entre “droits réels principaux” (ex. droit de propriété) et “droits réels accessoires” (ex. Hypothèque : permet au débiteur d’offrir une garantie au créancier)

Le droit positif (law + right) désigne l’ensemble des règles de droit objectif et des droits subjectifs en vigueur dans un pays donné.

  • Distinction selon leur force obligatoire:
    • Droit impératif: doit être respecté par tous, y compris l’État
    • Droit dispositif: Ne s’applique que si les particuliers n’en ont pas décidé autrement ou s’ils ont décidé de s’y soumettre
  • Distinction selon le contenu/procédure
    • Droit matériel: (de fond ou substantiel): consiste en règles de droit sur lesquelles reposent les droits subjectifs
    • Droit formel (judiciaire,processuel): ensemble des règles de droit qui indiquent les formes à suivre pour réaliser un droit ou un ensemble de règles de fond

Arguments de logique réductive[modifier | modifier le wikicode]

Ce sont les arguments utilisés dans l’interprétation, dans le comblement de lacunes et dans l’application de la loi :

Méthodes de logique réductive: arguments a contrario,a simili, a fortiori.

La logique réductive n’engendre pas d’argumentlogiquement contraignant, au contraire du syllogisme de type inductif qui est logiquementcontraignant

Argument à contrario[modifier | modifier le wikicode]

Un argument a contrario, consiste à tirer de la non-réalisation de la condition, la conclusion que la conséquence ne se réalise pas non plus.

Logiquement contraignant (logique déductive) : Pour arriver à la conséquence juridique contraire de la règle examinée, il faut nier une condition nécessaire à la réalisation de cette conséquence juridique.

« Si B, alors A/ Or C n’est pas B/ Donc C n’entraîne pas A »

Par exemple, si une personne a plus de 20 ans elle est majeure. Blaise n’a pas plus de 20 ans, Donc Blaise n’est pas majeur!

L’argument n’est pas logiquement contraignant (logique réductive) s’il s’appuie sur une condition suffisante.

Attention, car le raisonnement a contrario peut induire en erreur s’il y a d’autres règles de droit qui prévoient la même conséquence juridique (d’autres solutions).

Argument par analogie (a simili; a pari; per analogiam)[modifier | modifier le wikicode]

Un argument a simili consiste à appliquer la conséquence de la règle en cas de réalisation d’une autre condition similaire à celle énoncée par la règle.

« Si B, alors A/ Or C est similaire à B/ Donc C entraîne A »

Argument à fortiori[modifier | modifier le wikicode]

Un argument a fortiori, consiste à appliquer la conséquence de la règle en cas de réalisation d’une autre condition présentant des caractéristiques plus marquées que celle énoncée par la règle.

  • Ad majori ad minus (du plus grand au plus petit): surtout autorisations (autorisé de couper l’arbre, a fortiori il peut couper la branche).
  • Ad minori ad majus (du plus petit au plus grand): surtout interdictions (s’il est interdit de marcher sur la pelouse, a fortiori il est interdit d’y rouler à bicyclette)

Exemple de la salle d’attente: Chien est interdit;

  1. A contrario les chats sont permis d’entrer
  2. A simili les chats ne peuvent pas entrer non plus (aussi un animal domestique)
  3. A fortiori un éléphant est interdit!

Notes[modifier | modifier le wikicode]

Références[modifier | modifier le wikicode]