Les États-Unis et le nouvel ordre international

De Baripedia

Comment les États pensent le monde et comment le terrorisme s’inscrit dans cet espace ? Les années Clinton sont une position qui repli les États-Unis sur leur territoire et explique la non-compréhension des événements avant le 11 septembre et notamment pourquoi ils ne comprennent pas pourquoi la violence revient chez eux.

Jusqu'à la fin des années 1980, le terrorisme et le contre-terrorisme ont surtout engagé les États-Nations, les grandes institutions de la gouvernance mondiale comme l’ONU ainsi que les organisations régionales comme l’Union européenne.

Pour comprendre les évolutions du terrorisme des années 1990- 2000, et les nouvelles formes de lutte anti-terroriste, il faut revenir sur l’évolution même des relations internationales durant cette période. L’épicentre est paradoxalement un espace d’extrême liberté́ qui prend place avec la chute du Mur de Berlin.

Conceptualiser la notion d’ordre international

Le grand évènement ordonnateur est la Chute du Mur de Berlin et l’effondrement de l’URSS. Le système international actuel né de la Guerre froide. La terreur a produit un équilibre, c’est-à-dire qu’un pays qui a la bombe atomique est une superpuissance mais lorsque deux ont la bombe atomique le rapport de force va changer.

La première remise en cause des grands principes 
des relations internationales et aussi une remise en cause de l’équilibre constitué entre 
grandes puissances dans la Guerre froide. La fin d’un monde bipolaire, assurée par les relations entre l’URSS et les États-Unis, va faire émerger un monde beaucoup plus compliqué à lire. Vont apparaître de nouveaux concepts qui vont montrer les évolutions de ce monde. C’est l’émergence d’un monde plus complexe avec de nouveaux concepts avec de nouvelles rivalités :

  • multilatéralisme
  • unilatéralisme
  • déséquilibre entre puissances
  • nouvelles rivalités qui témoignent du changement des relations internationales entre puissances

Il y un paradoxe absolu où la terreur nucléaire avait instaurée un équilibre paradoxale. Avec ce changement de l’ordre international, il y a la perte d’un équilibre paradoxal liée à la terreur nucléaire.

Le concept d’ordre international


« Ordre » et « international » sont deux mots accolés pour témoigner que le champ des échanges entre puissances relève d’un domaine organisationnel. C’est un discours construit, l’ordre international est un concept excessivement important afin d’essayer de définir les natures de construction d’un « ordre » en opposition au « désordre ». L’ordre signifie que quelque chose de construit, il y a construction. On se situe du côté de la paix et non pas du côté du désordre, ce concept renvoie à la capacité d’être ensemble et de vivre en société. La société se dit comme un ordre. Cette construction va fonctionner par des règles et des usages communs.

Lorsqu’on parle de relations internationales, on peut opposer « ordre international » à « relations internationales ». Un ordre international est un système de règles, de normes d’organisation, d’usages, de coutumes et d’un système intelligible de valeurs. Les relations internationales ne préjugent pas de savoir s’il y a constitution d’un ordre ou pas. Le champ des relations internationales ne peut se penser en terme d’objet scientifique et en terme analytique qu’entre ordre et désordre. La société́ se vit comme un ordre [ou des ordres] et fonctionne par des règles, des usages et des coutumes.

Sur le plan des relations internationales, Michel Girard, spécialiste en relations internationales définit l’ordre international comme « l’ensemble des principes d’organisation intelligible qui régissent ou doivent régir les rapports entre nations »

Les relations internationales se pensent donc par rapport à deux notions fondamentales :

  • l’ordre : renvoie aux concepts de règles, de normes, d’organisation, d’intelligibilité des relations, c’est un socle de valeurs communes partagées ;
  • le désordre : renvoie à la rupture, à l’impossibilité de s’entendre sur des valeurs communes.

Il est important de distinguer système des relations internationales d’ordre international :

  • le système des relations internationales est un champ ouvert, un espace constitué d’interactions entre États dans lesquelles les interactions font un système ;
  • l’ordre international implique une gestion organisée, rationalisée des comportements des États dans lesquels un ordre prévaut par rapport à d’autres.

Il y a donc implicitement la notion de rapports de force. Pour qu’un ordre international se révèle, il doit y avoir des puissants, des acteurs plus forts que d’autres au besoin qui imposent leur ordre.

L’ordre international s’oppose à d’autres mots comme « anarchie », « auto-régulation » ainsi qu’au concept de guerre qui contient lui l’idée de fin de règles. Cette notion comprend aussi la notion de stabilité, même si cette stabilité se constitue par des rapports de force. L’ordre international s’oppose à une vision naturaliste des relations entre puissances à savoir l’idée d’un « équilibre naturel » entre les nations.

Dans le concept d’ordre international il peut y avoir implicitement une construction de l’ordre qui suggère des rapports de forces. Derrière ces mots, la modalité de processus est différente. On postule que l’ordre international va éviter la guerre et produire une stabilité qui va profiter plus ou moins à tout le monde.

Il existe plusieurs conceptions possibles de « l’ordre international »

Il y a plusieurs conceptions possibles de l’ordre international. « L’ordre » peut s’atteindre de manières différentes et selon des rapports différents.

Pour le comprendre, prenons le cas de Jacques Chirac en visite en Polynésie en 2003 : « J’ai la conviction que l’organisation du monde ne peut être que multipolaire et ne peut que reposer sur le multilatéralisme. Contre le chaos politique qui résulterait du jeu aveugle des rivalités internationales, la France s’emploie à construire un monde multipolaire ». L’ordre international vient d’un monde multipolaire.

L’idée implicite est de combattre un monde de rapports de forces et de domination de quelques-uns sur la majorité. Le multilatéralisme comme ordre possible des relations internationales. Pour la France, la stabilité́ proviendra de la constitution de « plusieurs pôles de stabilité » construisant un système stable. La position française ne peut être partagée par tous les pays. Il y a donc plusieurs conceptions possibles de la notion d’ordre international

Avant d’en préciser leurs contours, observons ce qui unifie et rassemble les conceptions de l’ordre international. L’ordre relève d’une construction politique et renvoie à la notion de stabilité. Toute théorie de l’ordre international récuse l’État de nature. La nature est située du côté de l’anarchie qui peut donc être assimilée à un état de guerre. L’état de guerre est donc premier et ne peut être fondateur de l’ordre international.

Les penseurs de la guerre comme état de nature

Pour Thomas Hobbes [1588-1679], « la guerre ne consiste pas seulement dans la bataille et dans les combats effectifs mais dans un espace temps ou la volonté́ de s’affronter en des batailles est suffisamment avérée ». La guerre relève d’un désordre interne et externe, d’un état de nature par opposition à l’état civilisé. Hobbes considère l’état de nature à un état anarchique

Pour Jean-Jacques Rousseau [1712-1778] « J’appelle guerre de puissance à puissance l’effet d’une disposition mutuelle, constante et manifestée de détruire l’État ennemi ou de l’affaiblir au moins par tous les effets qu’on le peut. Cette disposition réduite en acte est la guerre proprement dite. Tant qu’elle reste sans effet, elle n’est que l’état de guerre. Selon moi l’état de guerre est naturel entre les puissances »

La guerre serait donc de tous les temps, de toutes les cultures, une sorte d’état naturel à la condition humaine.

Objectif : Comment réduire les guerres ? Et par quels moyens ?

La construction de l’ordre international a pour vocation première d’éviter la guerre. Les hypothèses sont de mettre fin au désir de se battre et de mettre fin à l’état d’anarchie. Des solutions ? La solution de Kant d’un gouvernement mondial est la plus intéressante, mais sans doute la plus difficile à mettre en œuvre.

Plusieurs types de positions vont se pencher sur cette question d’envisager l’instauration d’un gouvernement mondial.

Pour Kenneth Walz (1924 – 2013) qui est politologue professeur à Columbia, « La guerre existe parce que rien ne l’empêche. Alors il est vrai qu’avec un gouvernement international, il n’y aurait plus de guerres internationales. Mais une telle solution pour être logiquement irréfutable, n’en est pas moins pratiquement irréalisable ». Il faut reprendre les concepts kantiens de la paix internationale mais ce projet est irréalisable.

Mais comment faire après ? Quels sont les risques de la trêve ?

À travers la question de la réduction de la guerre apparaissent les interprétations différentes possible de ce qu’est l’ordre international. Peut-on proposer une trêve ? (Principe de l’École réaliste ou des neo-réalistes). Waltz considère qu’on ne peut se séparer de la guerre, la création d’un ordre international ne peut résulter de grandes institutions mais d’attitude et de défense, c’est ce qu’il appel le self-help. D’abord, chacun ne doit compter que sur ses propres forces pour se défendre et agir. L’ordre international ne va pas être créé par une grande infrastructure de gouvernance mondiale mais va venir du fait que les États doivent s’aider eux-mêmes et doivent constituer leur propre structure pour se protéger et agir.

Pour les réalistes, la trêve relève de la constitution de l’ordre international : « L’ordre international peut être défini comme l’étant d’un système international momentanément à l’abri d’une guerre générale ». Selon Waltz l’élément essentiel est le self-help, c’est-à-dire que chacun ne peut compter que sur ses propres forces pour se défendre et agir.

Comment procéder pour que cet ordre international puisse exister et perdurer ?

  • repousser l’état de nature ;
  • repousser l’état de guerre latent ;
  • limiter et éviter les guerres.

Apparaissent dans cette théorie le divorce qui réside dans l’interprétation et la différence entre « obtenir » l’ordre international et « maintenir » l’ordre international :

  • obtenir : par un enjeu d’équilibre entre puissances. La force elle-même ne peut procéder de la constitution d’un équilibre. Du coté de l’équilibre des puissances.
  • maintenir : situe l’action du côté de la force et de la puissance. Eviter que les autres États entrent en guerre. Du côté de la force et de la suprématie.

Henri Kissinger [1923 - ] Diplomate, conseiller à la sécurité, grand théoricien de l’équilibre des puissances nationales, Secrétaire d’État de Richard Nixon et de Gerald Ford disait : « Chaque État doit empêcher tout autre État d’accumuler des forces supérieures à celles de ses rivaux coalisés […] L’ordre devra surgir [...] de la conciliation et de l’équilibre d’intérêts nationaux concurrents ». C’est une théorie compatible avec les enjeux de la Guerre froide faisant que Kissinger se situe donc du côté de la théorie du Self-help.

Les théoriciens de la domination : de l’hégémonie précède l’ordre international

Les théoriciens de la domination disent que l’hégémonie précède l’ordre international.

Pour Robert Gilpin, professeur émérite d’économie et spécialiste d’économie internationale, « La nation dominante a créé un système au sein duquel des règles et des normes fournissent des bénéfices dans les domaines économiques et de sécurité́. Elle est soutenue par un ensemble de nations satisfaites. Dans ces conditions prendre l’initiative d’un conflit armé est contre-productif, étant donné que la nation dominante subvertirait les règles qu’elle a mises sur pied, ce qu’elle ne saurait faire sans remettre en cause le soutien dont elle bénéficie ».

L’ordre international va se construire du rapport de force, on réinstaure un rapport de force qui va pouvoir fédérer un certain nombre d’États. La guerre est contreproductive parce qu’elle va revenir sur une production de désolidarisation.

Gilpin fait un lien avec l’hégémonie économique qui assure par les ressources militaires et les ressources symboliques la domination d’un pays et qui permet de :

  • gérer un ordre existant ;
  • maîtriser des relations à des puissances secondaires qu’elle inscrit dans son orbite (théorie du bandwaggoning) « accrocher les wagons ». Le Moyen-Orient est une terre d’enjeux depuis le XIXème siècle, autant du point de vue américain que russe. L’enjeu est de raccrocher à leur mouvement des États tiers.

Le leadership de la puissance dominante doit être entier et absolu. Il n’y a pas d’enjeu du changement de rapport de forces, mais seulement dans leur maintien et leur prorogation.

Il y a une incompatibilité entre ces théoriciens d’une domination hégémonique et d’autres car on observe une incompatibilité́ absolue entre la doctrine « équilibriste » qui est positive et la doctrine « hégémoniste » qui est négative.

Les outils de l’ordre international


Qu’est-ce qui permet à l’ordre international de se réaliser dans la mesure où la réalisation d’un ordre international ne relève pas de l’état de nature ? En relations internationales, il y a la question de la production des traités et des relations internationales. Dans le droit international public, on observe la production des grands congrès internationaux qui vont produire des textes de régulations entre États. En relations internationales, la notion de traité ou de convention est un concept fort car c’est un document crédité d’une valeur juridique qui fixe la nature des relations et échanges entre deux États, ou entre un et plusieurs États ou entre des groupes d’États. Un traité est une somme d’obligations pour définir des règles de vie collective et permettre de garantir la paix collective.

Le premier grand traité est le Traité de Westphalie du 24 octobre 1648 qui est conclu à la fin de la guerre de Trente Ans. À partir du Traité de Westphalie, on constate une multiplication des traités pour gérer les relations internationales en Europe :

  • 1815 : Congrès de Vienne – Définir l’Europe monarchique après Napoléon ;
  • 1856 : Congrès de Paris – Fin de la guerre de Crimée ;
  • 1885 : Congrès de Berlin – Régler les litiges coloniaux entre grandes puissances ;
  • 1919 : Pacte de la SDN – Penser la paix après la Première guerre mondiale.

Il y a tout un champ du droit international public qui va devoir régler ces questions. Après la Deuxième guerre mondiale il va y avoir une forte activité diplomatique. L’ONU ainsi que les conventions onusiennes pour réguler la planète et éviter les conflits. Lorsque les règles et conventions ne sont appliquées, il peut y avoir des contestations avec des recours devant des juridictions tiers et en cas de refus d’exécution, des litiges peuvent dégénérer en conflits et passer à la guerre. Par exemple, la Guerre des Malouines entre l’Argentine et le Royaume-Uni en 1982 est un litige entre États nations sur une portion de souveraineté́ territoriale.

Afin de répondre à la question de comment réduire les potentialités de conflit dans le domaine des Relations Internationales, il est proposé d’encadrer les « activités belliqueuses de certains États » par d’autres.

Les quatre modèles de la construction de l’ordre international

Ce sont des modèles construits sur la modalité des rapports de forces.

Morton Kaplan (1921), théoricien majeur, Professeur de science politique à l’Université de Chicago est aussi l’auteur de System and Process in International Politics publié en 1957, distingue quatre systèmes constitués :

  1. la domination ;
  2. l’équilibre des forces ;
  3. la concertation
 ;
  4. l’équilibre de la terreur.

La domination

Un Empire exerce son pouvoir de contrôle sur un territoire et dispose de la force pour se faire respecter. L’issu du concept de domination celui de « prépondérance ». Sans disposer de toutes les capacités impériales, il s’agit pour un État-nation, sans pouvoir prétendre tout contrôler, d’acquérir dans un domaine particulier les moyens d’arbitrer dans des situations ou contextes internationaux spécifiques. On parle ainsi de la prépondérance espagnole pour qualifier l’Espagne moderne des XVIème siècle et XVIIIème siècle. La prépondérance est plus limitée dans l’espace-temps, sans doute plus fragile et aléatoire.

L’équilibre des forces

Construire un jeu d’alliances approprié pour ne pas se faire marginaliser sur le plan des relations internationales. C’est une pratique ancienne déjà̀ déployée sous l’Ancien Régime, réactualisée au XIXème siècle et dans la première moitié du XXème siècle pour tenter d’éviter les conflits ou les logiques de domination. On peut citer la tentative d’accord franco-italienne au moment de l’arrivée d’Hitler au pouvoir en Allemagne, ou les accord franco-russes pour limiter l’expansion germanique autour de la Première guerre mondiale. Les dirigeants emploient cette méthode lorsqu’ils n’en ont pas d’autres possibles. On parle alors de « jeux d’alliances ».

La concertation

Forme d’intervention réservée aux Grandes puissances. Débattre pour éviter les problèmes et difficultés à venir et négocier ensemble. La concertation peut être visible, semi-visible ou absolument secrète. Par exemple, les négociations américano-iranienne ou encore les négociations sur le dossier Syrien...

L’équilibre de la terreur

L’exemple le plus évident est celui de la Guerre Froide avec le risque de conflit nucléaire généralisé. Chacune des parties s’engage dans la course aux armements et en même temps organise des coalitions de conflit. Mais « l’équilibre dans la terreur » favorise le gel de toute conflictualité́ majeure. C’est ce que Morton Kaplan appelle le « système rigide bipolaire ».

Vers quel modelé d’ordre international les États-Unis s’acheminent-ils au tournant des années 1980-1990 ? Selon la nature de l’ordre international, cela va influencer la manière de penser sa sécurité intérieure et sa sécurité extérieure.

Les États-Unis : vers le refus d’un ordre international multilatéral

Les difficiles relations États-Unis – ONU et communauté internationale

Avec la fin de la Guerre froide en 1989, nouvel espoir : voir l’ONU reprendre du service

L’instant de grâce : la crise du Golfe et le mythe du « nouvel ordre international »

Cette « découverte » de la réconciliation Est-Ouest engage un discours euphorique sur le « nouvel ordre mondial »

==Les 12 résolutions du Conseil de Sécurité adoptées à la majorité requise de 11 voix dont les 5 membres permanents

Une mesure générale contraignante

Les États-Unis contre l’ONU

La Cour pénale internationale [CPI]

Deux modèles possibles pour la CPI

Conférence de Rome [15 juin au 17 juillet 1998]

Le conflit de l’Ex-Yougoslavie

Analyse de l’écart entre intérêts américains – Nations Unies

Conclusion : De la fin du multilatéralisme et du retour de la force dans les Relations internationales

Notes

Références


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