Modification de La teoría igualitaria de John Rawls sobre la justicia distributiva
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| en = The egalitarian theory of distributive justice by John Rawls | | en = The egalitarian theory of distributive justice by John Rawls | ||
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= Los críticos de la teoría rawlsiana = | = Los críticos de la teoría rawlsiana = | ||
Todos estos debates continúan con libertarios como Hayek en ''The Mirage of Social Justice'' publicado en 1976<ref>Hayek, Friedrich A. "[https://books.google.fr/books?hl=en&lr=&id=8I-LajwJc2wC&oi=fnd&pg=PR7&dq=The+Mirage+of+Social+Justice&ots=NpqU4_gIbJ&sig=nLq6IYLeYuuowyZyOl9jvkfAYXQ#v=onepage&q=The%20Mirage%20of%20Social%20Justice&f=false The Mirage of Social Justice]. Vol. 2 of Law, Legislation, and Liberty." (1976).</ref><ref>Lister, A. (2013). The “Mirage” of Social Justice: Hayek Against (and For) Rawls. Critical Review, 25(3–4), 409–444. https://doi.org/10.1080/08913811.2013.853859</ref><ref>Uyl, Douglas Den. “The Mirage of Social Justice.” Reason.com, Reason, 1 Nov. 1977, https://reason.com/1977/11/01/the-mirage-of-social-justice/.</ref> y en ''Anarchy, State, and Utopia'' Nozick, publicado en 1974, que cuestiona el tema de la redistribución, entre otros, diciendo que no hay razón para quitar los recursos acumulados y producidos por los individuos porque sería como quitar una parte de ellos, es decir, el concepto de autopropiedad.<ref>Nozick, Robert. [https://archive.org/stream/0001AnarchyStateAndUtopia/0001_anarchy_state_and_utopia_djvu.txt Anarchy, State, and Utopia]. 1974.</ref><ref>Coleman, James S., et al. “Robert Nozick's Anarchy, State, and Utopia.” Theory and Society, vol. 3, no. 3, 1976, pp. 437–458. JSTOR, https://www.jstor.org/stable/656974.</ref> Comunitarios como MacIntyre en ''After Virtue'' publicado en 1981<ref>MacIntyre, Alasdair. [https://books.google.fr/books?hl=en&lr=&id=td_UAAAAQBAJ&oi=fnd&pg=PR3&dq=macintyre+after+virtue&ots=3lk4YEL7oL&sig=vGpXOho63RfJdYq3PRkdCFAckXI#v=onepage&q=macintyre%20after%20virtue&f=false After virtue]. A&C Black, 2013.</ref><ref>Kallenberg, Brad. "[https://ecommons.udayton.edu/rel_fac_pub/66/ The Master Argument of MacIntyre's' After Virtue']." (2011).</ref>, Sandel en ''Liberalism and the Limits of Justice'' publicado en 1982<ref>Sandel, Michael J., and T. Anne. [https://books.google.fr/books?hl=en&lr=&id=ZEbSSqwIhDsC&oi=fnd&pg=PR9&dq=Liberalism+and+the+Limits+of+Justice&ots=JzhL-4TPab&sig=tix3B6I3iBennWvMV-Ri-1JP4XI#v=onepage&q=Liberalism%20and%20the%20Limits%20of%20Justice&f=false Liberalism and the Limits of Justice]. Cambridge University Press, 1998.</ref><ref>Larmore, C. (1984). Liberalism and the Limits of Justice by Michael J. Sandel. Journal of Philosophy, 81(6), 336–343. https://doi.org/10.5840/jphil198481653 </ref>; Walzer en ''Spheres of Justice'' publicado en 1983 | Todos estos debates continúan con libertarios como Hayek en ''The Mirage of Social Justice'' publicado en 1976<ref>Hayek, Friedrich A. "[https://books.google.fr/books?hl=en&lr=&id=8I-LajwJc2wC&oi=fnd&pg=PR7&dq=The+Mirage+of+Social+Justice&ots=NpqU4_gIbJ&sig=nLq6IYLeYuuowyZyOl9jvkfAYXQ#v=onepage&q=The%20Mirage%20of%20Social%20Justice&f=false The Mirage of Social Justice]. Vol. 2 of Law, Legislation, and Liberty." (1976).</ref><ref>Lister, A. (2013). The “Mirage” of Social Justice: Hayek Against (and For) Rawls. Critical Review, 25(3–4), 409–444. https://doi.org/10.1080/08913811.2013.853859</ref><ref>Uyl, Douglas Den. “The Mirage of Social Justice.” Reason.com, Reason, 1 Nov. 1977, https://reason.com/1977/11/01/the-mirage-of-social-justice/.</ref> y en ''Anarchy, State, and Utopia'' Nozick, publicado en 1974, que cuestiona el tema de la redistribución, entre otros, diciendo que no hay razón para quitar los recursos acumulados y producidos por los individuos porque sería como quitar una parte de ellos, es decir, el concepto de autopropiedad.<ref>Nozick, Robert. [https://archive.org/stream/0001AnarchyStateAndUtopia/0001_anarchy_state_and_utopia_djvu.txt Anarchy, State, and Utopia]. 1974.</ref><ref>Coleman, James S., et al. “Robert Nozick's Anarchy, State, and Utopia.” Theory and Society, vol. 3, no. 3, 1976, pp. 437–458. JSTOR, https://www.jstor.org/stable/656974.</ref> Comunitarios como MacIntyre en ''After Virtue'' publicado en 1981<ref>MacIntyre, Alasdair. [https://books.google.fr/books?hl=en&lr=&id=td_UAAAAQBAJ&oi=fnd&pg=PR3&dq=macintyre+after+virtue&ots=3lk4YEL7oL&sig=vGpXOho63RfJdYq3PRkdCFAckXI#v=onepage&q=macintyre%20after%20virtue&f=false After virtue]. A&C Black, 2013.</ref><ref>Kallenberg, Brad. "[https://ecommons.udayton.edu/rel_fac_pub/66/ The Master Argument of MacIntyre's' After Virtue']." (2011).</ref>, Sandel en ''Liberalism and the Limits of Justice'' publicado en 1982<ref>Sandel, Michael J., and T. Anne. [https://books.google.fr/books?hl=en&lr=&id=ZEbSSqwIhDsC&oi=fnd&pg=PR9&dq=Liberalism+and+the+Limits+of+Justice&ots=JzhL-4TPab&sig=tix3B6I3iBennWvMV-Ri-1JP4XI#v=onepage&q=Liberalism%20and%20the%20Limits%20of%20Justice&f=false Liberalism and the Limits of Justice]. Cambridge University Press, 1998.</ref><ref>Larmore, C. (1984). Liberalism and the Limits of Justice by Michael J. Sandel. Journal of Philosophy, 81(6), 336–343. https://doi.org/10.5840/jphil198481653 </ref>; Walzer en ''Spheres of Justice'' publicado en 1983 o Taylor en ''Positive illusions'' publicado en 1989 cuestiona la base universalista algo incorpórea del enfoque. En cuanto a los republicanos como Barber en ''Strong Democracy: Participatory Politics for a New Age'' publicado en 1984, desafían una concepción de la ciudadanía que es completamente nula en su opinión. Los postestructuralistas como ''Young dans Justice and the Politics of Difference'' publicado en 1990 y Fraser en ''Transnationalizing the Public Sphere: On the Legitimacy and Efficacy of Public Opinion in a Post-Westphalian World'' publicado en 2005, cuestionado mientras que básicamente decía que es necesario volver a una concepción de la justicia que es mucho más fina en relación con las relaciones de poder existentes construidas históricamente. Los neomarxistas como Roemer en ''Market Socialism: A Case for Rejuvenation'' publicado en 1982, critican una serie de atajos a la posición de Rawls por la sencilla razón de que en cierto momento el modelo rawlsiano sigue justificando demasiadas desigualdades para lograr efectivamente una situación de solidaridad social, en la que, como dijo Marx, todos son iguales en relación con sus necesidades y según sus medios. | ||
== | = De la Théorie de la justice (1971) au Libéralisme politique (1993) = | ||
La question est celle du libéralisme politique, à savoir quelles sont les bases de justification de nos institutions et le passage que Rawls accomplit entre la théorie de la justice et le libéralisme politique. La conception du libéralisme politique a été introduite par Rawls déjà pour contrecarrer ou répondre à un ensemble d’objections communautariennes et notamment l’idée que Rawls avait une théorie qui était trop abstraite, trop générale, trop décousue des conditions ponctuelles de production des catégories qu’elle implique. | |||
À partir d’un certain moment, c’est en référence à une communauté de sens que ces catégories feront sens. Il faut remettre la théorie de Rawls dans un contexte. C’est ce que fait Rawls en partie dans le libéralisme politique ou ce qu’il essaie de faire entre autres qui est celui de pousser beaucoup plus loin la conception métaéthique qui fonde sa théorie. Pour certains, avec la base universaliste, la théorie de Rawls était trop universaliste justement, trop abstraite et trop idéale. Pour certains, cette théorie incarnait une conception du bien universaliste. Pour Rawls, la caractéristique de sa théorie de la justice est d’être politique. L’idée est que la théorie de la justice que propose Rawls n’est pas de même niveau que les autres théories de la justice qui se fondent sur le bien. Pour lui, c’est une théorie politique de la justice, à savoir qui ne s’occupe que des questions de gestion politique de la justice et pas d’autres choses étant donc très limitée et spécifique, mais surtout une conception qui peut être légitimée et justifiée à partir d’une compréhension politique des besoins de cette gestion de la coopération sociale sans arriver à devoir mobiliser des conceptions du bien métaphysique. | |||
En disant que c’est une conception de la justice politique, Rawls dit qu’elle peut être politiquement acceptée par des individus qui ne partagent pas la même conception du bien. Si la théorie de la justice ou du libéralisme qu’il propose était axée sur une conception du bien, Rawls serait confronté au problème du sectarisme, à savoir le problème de pouvoir définir des principes pouvant être acceptés par des gens qui ont des conceptions du bien différentes. Rawls dit que ce n’est pas cas. Ainsi, il est possible d’avoir une entente raisonnable autour de ces principes même si nous sommes en profond désaccord concernant ce qu’est le bien. On retrouve de nombreuses intuitions qui nourrissent les régimes libéraux, notre compréhension de la démocratie est quelque part intuitive. En général, on s’accordera à reconnaître la légitimité de la procédure démocratique majoritaire par exemple. Il est possible d’imaginer adhérer à un certain nombre de procédures et de critères de justice sur la manière de réglementer notre coopération qui soient indépendante et autonome. Pour Rawls, l’idée de justice comme équité n’est pas une doctrine morale, n’est pas une conception du bien éthique, mais c’est une conception politique donc acceptable, mais acceptable par des individus raisonnables dans un cadre de discussions publiques et qui se solde par un contrat de tout le monde pour accepter ces termes. | |||
Pourquoi Rawls va vers une dimension politique ? Pourquoi les citoyens devraient accepter les principes de justice comme standard pour une structure de base juste ? | |||
#parce qu’ils sont préférables à l’utilitarisme dans la définition du juste et de l’injuste. Selon la conception de la justice telle qu’évoquée dans la théorie de Rawls, il est préférable à l’utilitarisme parce que cela évite toute forme de sacrifice. | |||
#parce qu’ils sont le résultat d’un choix équitable. Ils peuvent donc être justifiés pour tout le monde. Pour Rawls, à partir du moment où tout le monde peut s’accorder à accepter ces principes, alors nous somme en présence de bons principes de justice, en tout cas qui respectent l’idée que c’est l’adhésion de tout le monde qui leur confère une légitimation et une justification. | |||
#parce que le fait d’agir selon le juste et la justice comme ayant une priorité première sur les autres motifs d’action rend notre liberté possible face au hasard et à la contingence. Ce qui émerge également, en partie de son argument de 1971, est qu’il laisse entendre implicitement que le fait que ceux qui décident d’agir selon le juste et la justice ont une priorité première sur les autres. Pour lui, l’idée d’agir pour le juste est ce qui permettrait l’exercice de la liberté face au hasard et à la contingence notamment. Avec les critiques des communautariens, Rawls est arrivé à la conclusion que cette interprétation est excessivement kantienne. Cela veut dire qu’elle donne un rôle trop fort à la conception de l’autonomie et de la justice notamment. Dans la conception de la personne de Rawls, l’individu avait, s’il a la faculté de choisir sa conception du bien, mais surtout s’il avait la faculté d’agir en fonction du juste ; or étant donné la base très kantienne de sa conception de la justice donc basée sur l’autonomie de ne pas pouvoir traiter les autres comme des moyens, mais qui faut les traiter comme des fins, Rawls se rend compte que cette close peut être trop restrictive dans une société caractérisée par le pluralisme moral et le pluralisme des conceptions du bien. Pour lui, cette conception serait trop englobante, et donc elle aurait un risque d’être sectaire, de ne pas trouver l’adhésion de gens qui partent de l’idée, par exemple, qu’on peut tout à fait vivre une vie bonne sans du tout être autonome. | |||
C’est la base kantienne de la troisième justification qui est remise en question par Rawls et qui le pousse à adopter une conception politique de la justice comme équité. Pour Rawls, il fallait nuancer un peu cette troisième interprétation et c’est pour cette raison qu’il dit qu’il va essayer de mettre en place une théorie politique de la justice et pas une théorie trop kantienne. | |||
La question que Rawls pose dans Libéralisme politique, une fois qu’il a posé sa théorie est de savoir dans la mesure où il est de plus en plus clair que nous sommes en désaccord sur le bien, alors comment faire en sorte que ce désaccord ne casse pas les principes de justice ; autrement dit, comment faire en sorte de pouvoir penser que, malgré le désaccord moral qui nous caractérise, que l’on puisse quand même arriver publiquement à justifier la supériorité de ces principes de justice. La question qui est au cœur de son livre est {{citation|Comment est-il possible qu’existe et se perpétue une société juste et stable, constituée de citoyens libres et égaux, mais profondément divisés entre eux en raison de leurs doctrines compréhensives [englobantes], morales, philosophiques et religieuses, incompatibles entre elles, bien que raisonnables ? En d’autres termes, comment est-il possible que des doctrines profondément opposées bien que raisonnables puissent coexister et toutes justifier la conception politique qui forme le socle d’un régime constitutionnel ?}}. Son ouvrage de 1993, vise à répondre à cette question, à savoir, qu’est-ce qui fait que malgré le fait que nous soyons en profond désaccord philosophie sur ce qu’est le bien, comment se fait-il que malgré le fait que nous n’ayons pas du tout la même conception du bien, comment est-il possible malgré ceux-ci de se rencontrer autour des principes politiques et acceptables par tout le monde. Le défi est de savoir comment organiser de manière juste le pluralisme moral, social et culturel. La proposition va même au-delà de l’action de la justice distributive. | |||
Du moment où la conception politique est la seule voie, la question que Rawls se pose est {{citation|quelle est la conception politique de la justice la plus acceptable pour spécifier les termes équitables de la coopération entre des citoyens considérés comme libres et égaux, comme raisonnables et rationnels, et […] comme des membres normaux et pleinement coopérants de la société pendant toute leur vie, d’une génération à la suivante ?}}. C’est la question que Rawls aborde visant à mettre en place une stratégie de défense, un cadre philosophique permettant de dire que ces principes de justice enferment dans une conception politique plus large qui donne d’excellentes raisons de les accepter comme étant raisonnables et donc de faire en sorte à ce que tout le monde puisse les accepter par contrat. | |||
= La conception politique de la justice : trois caractéristiques = | |||
La conception politique de la justice n’est pas une doctrine morale exhaustive. En effet, | |||
#elle doit être formulée pour un objet spécifique : la structure de base de la société. Pour Rawls, il ne s’agit pas d’une théorie exhaustive. Autrement dit, il ne s’agit pas d’une théorie de la justice qui va au-delà de ce qu’elle se fixe, à savoir de se focaliser sur un objet spécifique que sont les principes équitables qui doivent gérer la coopération sociale. | |||
#elle est présentée indépendamment de toute doctrine exhaustive, donc le fait de l’accepter ne présuppose pas d’accepter une doctrine englobante particulière. Elle doit être présentée et justifiée indépendamment des autres doctrines exhaustives englobantes qui est de dire qu’on doit un peu poser une conception qui permette l’acceptation même s’il y a des désaccords fondamentaux pour le bien. | |||
#elle est formulée exclusivement par le biais d’idées fondamentales qui sont familières ou implicites dans la culture politique publique d’une société démocratique comme relatée dans De la Théorie de la Justice. Cela est vu comme une concession excessive aux critiques des communautariens. Pour Rawls, cette théorie est formulée exclusivement par le biais d’idées fondamentales qui sont familières ou implicites dans la culture politique publique d’une société démocratique. | |||
Ainsi, pour Rawls, cette théorie n’est pas complètement abstraite et universaliste, mais elle est incarnée dans la tradition des théories de la culture publique des modèles démocratiques et des régimes démocratiques existants. Quelque part, il la particularise de manière assez substantielle. Pour les libéraux universalistes qui partent de l’idée que les principes de justice valent où qu’ils soient parce qu’ils se justifient de manière idéale, ce qui est plus important encore, si on accepte c’est cette critique communautarienne. Rawls nous dit qu’il ne propose pas des choses bouleversantes, mais qu’il est en train de systématiser d’une certaine manière, des catégories, des ressources que nous avons déjà dans notre tradition démocratique. Il ne convoque pas des choses qui nous paraissent a priori complètement absurdes parce qu’étant des catégories philosophiques complètement désincarnées. En ce sens, si nous sommes un minimum rationnel par rapport aux valeurs et aux pratiques qui généralement s’accordent à considérer comme étant le propre de la culture publique des pays démocratiques, on devrait pouvoir trouver la possibilité de systématiser cette compréhension dans des principes justes et donc acceptables par tout le monde. | |||
En abordant les idées principales, nous allons essayer de mettre au clair la structure argumentative. | |||
= Les idées principales = | |||
== Concept I – Le fait du pluralisme == | |||
La conception de la justice doit être compatible avec le fait du pluralisme, à savoir {{citation|le fait des différences profondes et irréconciliables entre les conceptions raisonnables et englobantes du monde, quelles soient philosophiques ou religieuses, auxquelles les citoyens sont attachés, et dans leur vision des valeurs morales ou esthétiques qui doivent être réalisées dans une vie humaine}} comme relaté dans De la Théorie de la Justice. | |||
Le fait du pluralisme est quelque part le concept qui oriente le besoin que Rawls a d’arriver à définir les contours de cette théorie politique de la justice. Si chaque philosophe a ses propres indignations, pour Rawls, il y avait cet héritage des guerres de religion à la lecture de Locke et de Hobbes en terme véritablement de dire, mais comment est-il possible d’éviter les guerres fratricides au nom de deux conceptions du bien. Il pose une théorie qui devrait permettre quelque part d’éviter la domination de conceptions du bien. Rawls part de l’idée que ce fait du pluralisme et quelque chose d’indépassable. | |||
Il faut simplement partir d’une théorie qui se base sur cette contrainte anthropologique qui est l’idée que le fait du pluralisme est le propre de toute culture ou société démocratique. Rawls cloisonne sa théorie au niveau des systèmes démocratiques. | |||
== Concept II – La doctrine englobante == | |||
Dans De la Théorie de la Justice, Rawls définit la doctrine englobante comme suit : {{citation|une doctrine englobante de nature religieuse, philosophique ou morale [est] une conception qui s’appliq[ue] à tous les sujets et incl[ue] toutes les valeurs}}, à savoir à tout ce qui donne forme à notre conduite et, à la limite, à notre vie dans son ensemble. De nombreuses doctrines religieuses aspirent à être à la fois générales et compréhensives, l’utilitarisme ou les visions morales de Kant ou de Mill rentrent aussi dans cette catégorie. | |||
Qu’est-ce qui caractérise le fait du pluralisme, quel est le problème inhérent au fait du pluralisme ? Il est composé de doctrine englobante ou compréhensive. Il s’agit de doctrines de nature religieuse, philosophique ou morale qui s’applique à tous les sujets et inclut toutes les valeurs. Elles sont englobantes parce qu’elles donnent une espèce de cosmologie très étendue de qui nous sommes, qu’est-ce que nous sommes là à faire et pourquoi devons-nous le faire. Elle est englobante parce qu’elle tente de donner une compréhension finalisée à donner un sens pratiquement à toutes les pratiques et moments de la vie. | |||
Il n’y a pas que les doctrines religieuses. Pour certains, la position laïciste française qui vient du modèle républicain s’apparente à une doctrine englobante qui est une conception de la laïcité « de bataille » allant au-delà de la posture de neutralité à l’égard des confessions, mais qui est axée sur une conception de la raison tout comme de la liberté. Pour certains, cela s’apparente à une sorte de religion laïque. Ainsi, elle est tout autant englobante que pourrait l’être une croyance religieuse, à savoir une religion civile. C’est une conception extrêmement restrictive de l’autonomie au sens kantien. C’est par l’exercice de son autonomie qu’on devient visible, c’est-à-dire qu’on doit se développer à l’autonomie afin d’acquérir la pleine liberté. | |||
Pour Rawls, toutes les conceptions de l’athée et du religieux entrent dans des conceptions englobantes et aucune n’est capable de définir des principes de justice qui pourrait être acceptable par les individus qui viennent d’autres traditions philosophiques. Il faut déconnecter les principes de justice, les rendre politique dans une autre dimension qui n’est pas la dimension éthique, qui n’est pas la dimension du bien et essayer de voir dans quelle mesure ces principes pourraient être acceptables par tous les individus quelle que soit la conception philosophique englobante qui oriente leur vie. | |||
== Concept | == Concept III – La structure de base == | ||
Il faut garder à l’esprit que ce sur quoi porte la justice politique selon Rawls est la structure de base. Il ne propose pas une théorie morale qui vise à gérer nos vies, à gérer notre conception du bien, à nous dire ce qui est bon et ce qui ne l’est pas : {{citation|la structure de base de la société est la manière dont les principales institutions politiques et sociales de la société s’agencent dans un système unique de coopération sociale, dont elles assignent les droits et devoirs fondamentaux et structurent la répartition des avantages qui résultent de la coopération sociale au fil du temps}}. Il cherche des principes qui permettent de régir quelque part notre coopération. C’est la base de la justice, l’éthique est à la base du bien et cela ne l’intéresse. Rawls veut juste une position sur la justice. La société {{citation|est considérée comme un système équitable de coopération en vue de l’avantage mutuel entre citoyens libres et égaux}}. | |||
Tout un tas de personnes qui viendrait d’une conception englobante particulière du bien ne serait pas nécessairement d’accord avec cette définition de la société. Pour certains, la société serait tout simplement l’émanation de la volonté de Dieu ou alors pour certains la société serait juste le rapport des plus forts ou alors la société serait quelque chose basé sur le mérite individuel et les plus méritants seront au sommet et les moins méritants seront au plus bas. Il est possible d’imaginer tout un tas de définitions plutôt normatives de la société. Ainsi, il est clair que Rawls propose une définition de la société qui est compatible avec sa conception de la structure de base et évidemment qui est compatible avec son cadrage général de la justice comme équité. Une société ne peut être équitable pour être stable. | |||
== Concept IV – La stabilité et ses (pré)conditions == | |||
Qu’est-ce qui fait que, quelque part, la gestion ou la relation entre différents groupes qui incarnent des conceptions du bien englobantes, que fait-on afin que la coopération entre ces groupes soit suffisamment équitable pour faire en sorte que la société soit stable est non pas traversée par des guerres de religion comme avec Locke. De la Théorie de la Justice est sortie en 1993, en plein essor de la critique multiculturalisme qui critiquait tout un tas de choses concernant le pouvoir des majorités qui critiquait tout un tas de concepts comme la nation ou encore comme le peuple qui faisait partie de nos catégories générales pour penser la politique, mais était aussi le moment où on commençait à se poser des questions avec les guerres en ex-Yougoslavie, avec des conflits ethniques à droite et à gauche ou la question se posait avec Hungtinton en 1996 avec l’idée de clash des civilisations, était le moment dans lequel beaucoup de théoriciens pensaient à des mécanismes politiques de gestion des tensions culturelles. | |||
La | Quelque part, la position de Rawls s’inscrit dans cette réflexion plus large de savoir comment peut-on imaginer des sociétés stables donc pacifiées malgré le fait que le fait du pluralisme nous donne tous les ingrédients pour que cela explose. La stabilité est quelque chose que Rawls a à l’esprit. Cette stabilité a aussi des préconditions parce que cette stabilité implique aussi que les individus doivent avoir un positionnement des formes de comportements qui soient compatibles avec les principes de la justice politique. Rawls propose une théorie de la citoyenneté, une théorie portant sur les aspects concernant les vertus civiles de base qu’un individu doit avoir afin que son action soit compatible avec le juste et donc soit finalisée ou qu’elle puisse permettre de défendre et de s’aligner sur cette conception de la justice. | ||
Pour Guillarme Bertrand dans Rawls et le ''Libéralisme politique'' publié en 1996, {{citation|une conception libérale ne peut être stable que si chaque citoyen de la société bien ordonnée l’accepte librement. Le soutien qu’il apporte aux principes de justice et qui est la condition de la stabilité de la conception doit donc être conçu comme une motivation morale. Cet individu agit alors suivant (et non pas seulement en conformité avec) le sens de la justice défini par cette conception}}. L’idée de Rawls est que plus une situation est juste, plus elle sera stable parce que si elle est juste c’est parce qu’elle a été acceptée et du moment où elle a été acceptée par tout le monde, il y a moins de raisons pour que les gens la remettent en question et ce qui aboutirait à de la stabilité. Pour certains, dans sa théorie, Rawls introduit plus de justes et plus de bien que ce qu’il semble dire. | |||
Une motivation morale veut dire qu’il faut quand même quelque chose de plus que le simple accord sur des principes politiques. Il faut encore un minimum de dispositions qui nous amènent à un certain moment à sanctionner ou à s’éloigner de notre compréhension philosophique, de notre conception du bien afin d’accepter de soutenir le juste. Ceci n’est pas toujours évident. | |||
== Concept V – Le raisonnable == | |||
C’est pour cela que pour Guillarme Bertrand, il faut quand même un peu plus de motivation. Cela ne suffit pas de s’attendre à ce que tout le monde appuiera cette conception politique, mais il faut aussi que les gens fassent preuve de la capacité à dire que le fait de suivre ces principes de justice est préférable et meilleur que le fait de ne pas le faire. | |||
Rawls anticipe en partie ceci en introduisant le concept de raisonnable. C’est un concept qui est moins exigeant que le concept de rationalité. Partir de l’idée que l’individu rationnel impliquerait que l’individu fonctionne dans n’importe quelle situation en vue de maximiser son utilité et de maximiser ses intérêts, pour Rawls, cette conception de la rationalité qui résonne un peu avec Kant et d’autres est trop restrictive, elle ne permet pas de penser à une forme de justice qui soit, si ce n’est pas acceptable, pour le moins soutenable par tout le monde. C’est pour cette raison qu’il utilise le concept de raisonnable. Rawls parle de la personne raisonnable. La personne raisonnable reconnait que ses conceptions morales a d’importance symétrique à celle que la conception morale des autres individus a pour ces individus si elles sont aussi raisonnables. Le monde de la raisonnabilité intervient au moment où, quand nous sommes confrontés à un dilemme moral, nous nous disons, qu’à certains moments, il est possible d’accepter une gestion de ce principe en vertu de l’idée que nous l’acceptions parce que nous savons que d’autres personnes qui auraient tout autant que nous de raisons de ne pas l’accepter, mais l’acceptent parce qu’il est raisonnable pour tout le monde que ces principes-là nous permettent de fonctionner de manière à gérer la coopération et de manière plutôt stable. Pour avoir la stabilité, il faut mettre en adéquation minimum au comportement avec ceci, il faut accepter à un certain moment que peut-être il est raisonnable d’accepter les termes d’une certaine conception de la justice même si notre conception du bien nous dirait de ne pas le faire. Il serait déraisonnable d’accepter une doctrine morale exhaustive spécifique en fondement de la justification des principes parce que le fait d’accepter une doctrine englobante nuit, discrimine, à un effet de sectarisme sur les autres. | |||
L’idée de raisonnable que Rawls va formuler est {{citation|Les personnes sont raisonnables […] quand, dans un contexte d’égalité, elles sont prêtes à proposer des principes et des critères qui représentent des termes équitables de coopération et à leur obéir de plein gré, si elles ont l’assurance que les autres feront de même}}. | |||
Il y a d’excellentes raisons de penser qu’on puisse être convaincu par le fait que le fait d’accepter ce principe soit une position rationnelle et donc acceptable par tout le monde, mais il faut s’en souvenir après dans la vie réelle : {{citation|Elles jugent qu’il est raisonnable que chacun accepte ces normes et elles les considèrent donc comme également acceptables pour elles ; elles sont prêtes à discuter les termes équitables que les autres proposent. […] Des personnes raisonnables […] ne sont pas motivées par le bien général en tant que tel, mais désirent comme fin en soi un monde social dans lequel elles-mêmes, en tant qu’êtres libres et égaux, peuvent coopérer avec les autres dans des termes que tous peuvent accepter}}. Le critère de raisonnable ou l’attribut de la personne d’être raisonnable est au fond cette possibilité anthropologique qui permet aux individus de pouvoir s’accorder sur cette conception politique de la justice même si a priori ils auraient d’excellentes raisons rationnelles donc de conformité à la conception du bien pour s’y opposer. On retrouve quelque part l’idée selon laquelle à un certain moment, la gestion du pluralisme, le fait de pouvoir atteindre la stabilité implique une faculté minimum que les individus auraient de se distancer de leur conception du bien pour appuyer les principes politiques. | |||
== Concept VI – La justification publique == | |||
L’idée que ceci soit formulé dans des termes que nous pouvons tous accepter implique de se poser la question aussi de la procédure par laquelle ces dispositions constitutionnelles impliquent de réfléchir aux procédures permettant l’expression de cette acceptation commune. C’est pour cette raison que Rawls donne beaucoup d’importance à l’idée de justification publique. On aperçoit l’influence de Habermas avec la conception délibérative de la démocratie que Rawls intègre un tout petit peu dans son approche sans aller peut-être au point habermasien, parce que Habermas reste aussi un peu trop sur une démarche englobante, mais la justification publique {{citation|à partir des idées fondamentales implicites de la culture politique, qui est le terroir quelque part qui nous informe comme compréhension de la démocratie, nous tentons d’élaborer une basse publique de justification à laquelle tous les citoyens vus comme rationnels raisonnables peuvent souscrire à partir de la doctrine englobante}}. | |||
Cette justification se fait essentiellement par l’action citoyenne. Rawls n’avait pas une conception de la démocratie très bouleversante à continuer à croire que le système représentatif parlementaire classique, s’il fonctionne correctement, c’est par la discussion publique qui doit être libre donc gérée par des normes procédurales permettant l’exercice de cette raison publique. Il fallait que des individus, par leurs représentants, puissent sanctionner et établir les termes de leur adhésion aux principes communs comme par exemple décider qu’une certaine loi doit figurer dans la constitution ou pas. | |||
Quelque part, la justification publique est la dimension contractualiste dans le cadre du libéralisme politique. Le contrat présuppose donc l’acceptation des termes qui nous lient, qui participent d’une logique contractualiste selon Rawls, et qui se fait quelque part, après un exercice de raison publique et de justification publique montrant quelque part l’adhésion à des individus, des citoyens aux termes équitables qui permettent de donner un certain contenu particulier à la coopération sociale ou à la manière de distribuer les produits de cette coopération sociale. | |||
On a affaire avec une citoyenneté démocratique qui est théorisée comme instrumentale à la défense raisonnable de la constitution. C’est une conception de la citoyenneté qui sera très radicalement critiquée par d’autres penseurs qui partent de l’idée que la sécurité doit être beaucoup plus libre et beaucoup plus poussée que la sainte défense de la constitution et notamment les républicains. La citoyenneté démocratique a donc une fonction de justification publique et de régulation sociale. | |||
Quel est l’artifice que Rawls propose étant un des concepts clefs qui résume un peu la conception de Rawls qui est cette idée très intéressante de consensus par recoupement ? | |||
== Concept VII – Le consensus par recoupement == | |||
Dans cette idée de faire en sorte que ces différentes doctrines englobantes propres au fait du pluralisme puissent tout de même se coordonner et coopérer dans l’acceptation de critères de justice politique commun, le résultat de cette coopération serait ce qu’il appelle l’acceptation d’un consensus par recoupement, à savoir l’idée qu’il y aurait un consensus qui pourrait être acceptable par toute cette position autour, mais tous s’accorderaient à se recouper sur l’ensemble des principes de valeurs et cela est le principe de justice politique qui seraient acceptés par tout le monde, mais dont la validité serait indépendante de chacune. Les conceptions des individus qui ont des conceptions du bien peuvent s’accorder, mais toutes ne reposent pas sur une conception en particulier. Toutes les conceptions peuvent le soutenir, mais il ne faut pas défendre une conception pour défendre ceci. Il appelle cela le consensus par le recoupement. | |||
Les citoyens ont des visions religieuses, philosophiques et morales opposées et ils affirment que la conception politique à partir des doctrines englobantes, différentes et antagonistes, cela n’empêche cependant pas la conception politique de constituer un point de vue partagé à partir duquel ils peuvent répondre aux questions concernant les enjeux constitutionnels essentiels. Ce qui intéresse Rawls est de défendre une conception de la justice qui s’incarne par la suite dans une constitution qui représente la formalisation des principes de base qui gèrent notre société. | |||
C’est une conception de la constitution très américaine où la constitution se résume aux points fondamentaux qui oriente les règles de base de la coopération sociale et qui ensuite laissent aux groupes, aux associations, à tout un tas d’autres acteurs, le soin de défendre des conceptions du bien par les églises ou encore le monde associatif discutée par Tocqueville. Il faut laisser la plus grande liberté possible et après ce sont les individus qui par leurs actions et leurs engagements décideront de ce qu’ils veulent. Rawls préconise une intervention dans les questions redistributives et de justice. | |||
Si on admet que le test d’égale liberté soit réussi, à savoir qu’on arrive à montrer que cette position respecte l’égale liberté de tout le monde, chose qui est déjà problématique en soi, alors à ce moment-là, on aurait derrière cet argument quelque chose qui se rapproche assez de la conception rawlsienne qui est l’idée selon laquelle il y a un moment où il faut être raisonnable. | |||
Si on part de l’idée que l’individu est un individu au sens de Kant, un peu de ce que le libéralisme de Mills nous amène à dire, à savoir que nous sommes des individus qui venons au monde avec une disposition à l’autonomie, une faculté d’être autonome et nous pourrons utiliser cette disposition-là dans toute situation sociale. Avec cette conception, il est possible de dire que toute décision que nous faisons concernant nos pratiques devrait pour le moins être un produit d’un exercice autonome de décision et de révision de notre conception du bien. Si on part de l’idée que tout est négociable, si on part de l’idée qu’au fond, toute appartenance peut être négociée, que toute position par rapport à nos croyances religieuses peuvent être négociée, nous risquons de faire du tort aussi à des individus qui ont des identités qui se veulent plus englobantes et plus épaisses que par exemple la question de savoir si nous fumons ou ne fumons pas. | |||
La | La question est de savoir s’il est véritablement si facile pour tout le monde, pour tout acteur de pouvoir se rallier à ce consensus par recoupement ou est-ce que cette conception de l’individu qui informe la position de Rawls, au fond n’est pas trop axée sur notre compréhension kantienne et libérale de l’individu de sa propre autonomie et qui se met en porte-à-faux avec d’autres conceptions de l’individu qui seraient différentes et qui ne se positionneraient pas en termes d’intérêts qui sont par définition négociables, mais qui se positionnent en termes d’identité. | ||
La question qui se pose plus philosophiquement est de savoir quelles sont les prémices philosophiques, mais aussi anthropologiques sur qui nous sommes en tant qu’animaux sociaux, qui doivent être posés implicitement pour pouvoir permettre à ce consensus par recoupement. Pour certains, le consensus par recoupement de Rawls est au fond une manière de préserver le pouvoir des puissants en demandant quelque part aux minorités d’accepter les termes de cette justice qui est présentée comme étant politique et acceptable par tout le monde, mais qui en réalité va dans le sens de certains groupes culturels au détriment des autres. C’est le propre de la critique des multiculturalistes. Le multiculturalisme dit que ça ne marche pas parce qu’on ne sait pas ce que font des cultures pour qui l’idée même de justice politique ne fait pas sens. On pourrait imaginer que ces groupes s’excluent de la politique. | |||
L’approche de Rawls est intéressante si on accepte toute cette idée qu’on doit s’accorder autour d’une conception politique, mais au fond quelle est la raison de cet accord ? Les communautariens diront que sans une conception du bien un peu plus épaisse, on ne peut pas défendre cette motivation à accepter la conception politique. Cette conception du bien qu’il faut de plus va rendre la théorie sectaire et on recommence la quête de la théorie qui permettrait de fonder la politique. | |||
Rawls | Rawls a une théorie utopique de façon réaliste et elle nous donne des principes généraux relativement utopiques, mais qui sont réalistes au sens où on peut imaginer par notre insertion dans la culture publique ce que cela pourrait être. | ||
= Quelques critiques = | |||
Une critique importante est celle de la relation entre la conception procédurale que Rawls évoque pour la justice distributive, sociale, mais aussi politique et les communautariens posant la question de savoir si on peut imaginer une justification politique qui ne fasse pas appel à des conceptions du bien. Cela va de pair avec l’idée de la neutralité publique. L’idée libérale égalitariste est neutraliste dans le sens que pour que l’État ne discrimine aucune conception du bien, il faut absolument que l’État soit le plus neutre possible. C’est l’idée selon laquelle que pour que l’État puisse être le régulateur parmi différentes conceptions du bien, il faut qu’il soit le plus neutre possible afin qu’aucune des conceptions du bien ne soit discriminée. Au fond, cette neutralité publique est déjà un leurre en tant que tel parce que tout État incarne une certaine langue, attribue une certaine valeur à certaines formes culturelles. Cela montre que l’État ne peut pas être complètement neutre et qu’il a beaucoup plus du rapprochement avec certaines valeurs plutôt que d’autres. La question est de savoir comment un État au nom de la neutralité peut éviter de protéger davantage la majorité au détriment des minorités. | |||
Rawls dit à un certain moment que du moment où il est raisonnable de s’accorder et d’accepter les termes du consensus par recoupement, une fois qu’il a montré la logique inhérente à ce dispositif, il dit quelque part qu’il est nécessaire d’éviter que des enjeux susceptibles de remettre en question le consensus pas recoupement soient injectés dans l’espace politique. Il est nécessaire d’éviter de remettre en question ces principes en traitant politiquement des choses qui sont susceptibles de remettre en question cette position. Cela implique pour beaucoup une dépolitisation. Afin d’éviter que le consensus par recoupement soit remis en question, la question est de dépolitiser le politique, enlever le politique de ce à quoi sert le politique qui est de gérer les conflits. C’est une critique souvent faite du libéralisme de déstériliser le politique ce qui mène à un manque de politique dans la politique libérale. | |||
Finalement, est-ce que la conception que Rawls a à l’esprit fonctionne d’un point de vue anthropologique, sommes-nous capables de faire systématiquement la part des choses en nous même entre ce qui est juste et ce qui est bien ? Est-ce qu’au fond, une position n’avantage pas des groupes culturels plus à même de la vivre, et est-ce qu’il n’est pas inévitable que cette conception du juste ne tiennent pas parce qu’elle sera tiraillée entre les différentes conceptions du bien que l’acteur aura à affronter ? | |||
= Une implication du principe de différence = | |||
C’est l’un des points importants de la théorie de la justice de Rawls qui est la critique de la méritocratie. Rawls conteste dans sa théorie de la justice l’utilitarisme donc l’idée sacrificielle, mais également le critère méritocratique d’adjudication de la justice. Il s’agit de l’idée que si nous méritons ce que nous avons, il est juste que nous le gardions. Pour Rawls, cette idée de mérite individuelle n’est pas fondée. Il part de l’idée que nos talents, que les ressources qui nous permettent d’être méritant sont déjà le produit de formes de coopération collective. Pour lui, le mérite individuel est moralement arbitraire parce que d’une part nous n’avons aucun mérite d’avoir les talents que nous avons et très généralement, ce mérite présuppose des préconditions sociales. Il n’y a pas quelque chose de moralement relevant dans le mérite individuel. Rawls remet en question ce principe méritocratique. Pour Rawls, du moment où il y a quelque chose qui relève de la coopération parmi les individus composant une société dans la production de mérite donc de richesses de certains, il est donc parfaitement légitime de les taxer afin que les plus démunis puissent en bénéficier. | |||
La question qui se pose est de savoir si la justification de l’activité de taxation est légitimée, s’il est légitime de s’approprier une part des richesses produites librement par les individus et de les redistribuer, et est-ce qu’au fond l’ingérence que l’État pourrait avoir de ponctionner une partie de la recherche à reproduire des richesses revient à remettre en question à produire librement de la richesse des individus ? La critique de Rawls est celle de dire que rien ne justifie la remise en question de la liberté intrinsèque dont tous les acteurs sont porteurs au nom d’une redistribution. | |||
La | = Qu’est-ce que la liberté ? = | ||
La question qui est posée est celle de savoir quelle est la faculté ultime qui nous anime. Depuis Kant, cette faculté ultime est l’autonomie. C’est le fait d’être autonome qui nous permet d’être libres, nous ne sommes pas libres si nous sommes confrontés à des choix que nous avons pu déterminer de manière autonome. Le fait de choisir entre A et B ne nous rend pas autonomes. La notion de l’autonomie est assez compliquée. Agir librement consiste à agir de manière autonome et agir de manière autonome consiste à agir en fonction d’une maxime que l’on peut se donner par la Raison. Quelque part, nous sommes en mesure de donner la maxime de notre raison, de faire l’exercice de notre autonomie en dehors de toute pression sociale qui exercerait une pression sur notre jugement autonome. L’idée de Kant qui est encore inhérente à toute position libérale est d’abord l’idée que nous soyons en mesure de faire un exercice d’autonomie et qui nous donne la maxime morale qui peut se traduire dans une maxime que l’on peut universaliser. Nous devrions pouvoir le faire seules en notre âme et conscience. L’autonome implique que nous ne sommes pas traités par un moyen parce que dans ce cas, on casse son autonomie utilisée pour la liberté de quelqu’un d’autre. L’idée de liberté par l’autonomie est fondamentale dans le cadre d’une certaine pensée du libéralisme. La question de l’autonomie est compliquée parce qu’elle peut se répliquer dans une grande gamme de pratiques qu’il n’est pas nécessairement facile de trancher. | |||
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*Hinton, T., (ed.), 2015, The Original Position, Cambridge: Cambridge University Press. | *Hinton, T., (ed.), 2015, The Original Position, Cambridge: Cambridge University Press. | ||
*Kukathas, C., (ed.), 2003, John Rawls: Critical Assessments of Leading Political Philosophers, 4 vol., London: Routledge. | *Kukathas, C., (ed.), 2003, John Rawls: Critical Assessments of Leading Political Philosophers, 4 vol., London: Routledge. | ||
*Lloyd, S., (ed.), 1994, John Rawls's Political Liberalism, Pacific Philosophical Quarterly 75 (special double issue). | *Lloyd, S., (ed.), 1994, John Rawls's Political Liberalism, Pacific Philosophical Quarterly 75 (special double issue). | ||
*Lovett, F., 2011, Rawls's A Theory of Justice: A Reader's Guide, London: Continuum. | *Lovett, F., 2011, Rawls's A Theory of Justice: A Reader's Guide, London: Continuum. |