La démocratie directe

De Baripedia

Introduction

Trait distinctif du système politique suisse

La démocratie directe est un des principaux traits distinctifs du système politique suisse. Des auteurs qui ont fait l'inventaire de tout les votes populaires du 20ème siècle, ont constaté que le peuple suisse a autant voté au niveau national que l'ensemble des autres pays réunis. Cela donne l'idée de l'importance de la démocratie directe en Suisse. Il faut rajouter, que dans certain pays, il y a une démocratie directe développée, mais pas au niveau nationale. Par exemple, en Californie, on vote très souvent sur des objets relevant d'initiatives populaires. On verra, que non seulement la démocratie directe est importante, car elle permet aux citoyens de s'exprimer sur des objets concrets, mais elle a aussi des conséquences importantes pour le fonctionnement du système politique suisse.

Racines anciennes

La démocratie directe a des racines anciennes qui remontent au moyen­ âge. Il y avait déjà au M-A, des réunions au sein de villages, pour prendre des décisions. Cette tradition s'est poursuivie, au travers des landsqemeinde (Glaris). C'est de la démocratie directe pure. On fait voter à main lever sur la place du village. Les instruments de la démocratie directe (initiative, référendum) sont des instruments de la démocratie semi-directe. La vraie démocratie directe, c'est donc le vote à mains levées. Cette démocratie semi-directe a une tradition ancienne aussi. Dans la première moitié du 19ème, certains cantons connaissent les référendums, les initiatives. Quand on a écrit la première Constitution Fédérale en 1848, on s'est inspirée de ces instruments.

Patriotisme constitutionnel

A l'instar du fédéralisme et de la neutralité, la démocratie directe a contribué à l'émergence de l'identité nationale suisse. (Rappel: en Suisse, il a fallut passer par une culture politique commune, pour faire naitre une culture commune). D'une part, la démocratie a donné un droit de codécision au peuple. Il est donc plus facile pour le peuple de s'identifier aux décisions prises.

On a donc augmenté par ce fait, l'acceptabilité, la légitimité des décisions en Suisse. Les camps rninorisés, se soumettent à la majorité même si la décision lui fait mal. Cela n'empêche pas le fait que l'on revote plusieurs fois, sur le même objet parfois.

Même quand le peuple ne vote pas, les décisions sont légitimes, car le peuple a la possibilité de voter. L'idée, c'est que la démocratie directe, en augmentant l'acceptabilité des décisions, réduit les formes violentes de contestations.

Limite le pouvoir des autorités

C'est un peu un empêcheur de tourner en rond. Ca limite la marche de manœuvre des élites. Cela introduit une dose d'imprévisibilité (selon Papadopoulos). On a vu le 9 février, que l'issu d'un vote peut échapper à l'élite. Le peuple peut aller à l'encontre de cette élite.

Les institutions de démocratie directe

Référendum obligatoire

Le vote populaire a lieu automatiquement. Ce vote exige la double majorité: peuple et des cantons. Ce référendum obligatoire s'applique à toutes les révisions partielles ou totales de la Constitution. Cela depuis la révision de la Constitution de 1848. C'est donc un processus lourd et laborieux.

Même si il ne s'agit que de la modification d'une seule virgule de la Constitution. Le référendum s'applique aux lois urgentes dérogeant à la Constitution et à l'adhésion à des organisations de sécurité collective ou à des communautés supranationales. Si un jour, on décide d'adhérer à l'UE, il faudra passer par un vote à la double majorité

Référendum facultatif

Le vote populaire a lieu, si un comité référendaire réunis, dans les 100 jours après publication dans la feuille fédérale du projet de loi, 50 000 signatures. L'acceptation dans ce cas, ne requière pas la double majorité, mais la majorité simple du peuple.

Ce référendum facultatif s'applique à toutes les lois fédérales (1874). Donc, toutes le lois fédérales peuvent potentiellement être attaquées par un référendum. Ce référendum facultatif s'applique aussi aux lois fédérales urgentes et aux traités internationaux. De plus en plus de traités internationaux signés par la Suisse, peuvent être attaqué par un référendum facultatif.

Initiative populaire constitutionnelle

Déclencher moyennant 100 000 signatures qu'un groupe, un comité d'initiative doit réunir dans les 18 mois après la publication dans la feuille fédéral. Ce droit d'initiative s'applique pour proposer une révision totale de la Constitution. Dans ce cas là, la proposition requière la majorité du peuple et non la majorité des cantons.

Si la proposition est acceptée, et que l'on vote pour un changement, il faudra la double majorité. Mais on peut aussi demander une révision partielle de la Constitution (modifier un article, créer un article). Cela requière la majorité du peuple et des cantons. L'Assemblée fédérale peut opposer un contre-projet à l'initiative. Mais elle peut aussi recommander l'acceptation de l'initiative, ou le rejet totale.

Depuis 2010, on offre la possibilité aux initiateurs de retirer de manière conditionnelle leurs initiatives. On dit au initiateurs, que l'on (le parlement), va reprendre une partie des demandes, mais sans aller plus loin. Donc, a condition que ce contre-projet soit accepté. Par exemple: un comité dépose une initiative populaire, mais le parlement rejette l'initiative, mais propose un contre projet conditionnel au niveau de la loi. Le comité d'initiative peut retirer le contre projet, à condition que le contre-projet soit accepté. Si le contre projet indirect est refusé, on votera sur l'initiative.

Logiques et effets indirects du référendum et de l'initiative

Référendum (facultatif ou obligatoire)

Ce qui est important de souligner, c'est que le référendum intervient à la fin du processus. Après que le CF ou que le Parlement se soit prononcé. Est-ce que le vote populaire va infirmer ou confirmer la décision du parlement. Il y a de ce fait, un caractère de point de véto, de la part du référendum. Lorsque le vote populaire a lieu, c'est un véto. Car il faut passer le cap de ce référendum pour accepter le projet.

On considère que le référendum, en particulier le référendum facultatif, joue le rôle de soupape de sécurité. Le référendum permet d'exprimer une opposition.

Neidhart, en 1970 a fait la thèse que la démocratie directe, en particulier le référendum a eu une importance pour le processus de décision en Suisse. Le référendum menace de faire capoter tout le processus, alors qu'il a peut-être fallut des années pour arriver à un texte. De ce point de vue, le référendum pèse comme une sorte d'épée de Damoclès au dessus de la tête des politiciens. Ils savent qu'en fin de course, il y aura ce vote populaire (peut-être). Selon Neidhart, la menace du référendum, a mené à une stratégie pour limiter le risque d'échec.

On a développé des mécanismes qui favorisent le compromis, le consensus pour répondre à la menace référendaire, durant la phase pré­ parlementaire. Les commissions extra-parlementaires, sont un des lieux privilégiés dans lesquelles ont recherchaient des conditions mutuellement acceptables. De même, la procédure de consultation, permet de consulter tous les acteurs concernés par la loi. Ceci aurait transformé la démocratie majoritaire (référendaire) dans une démocratie de négociation. L'intégration, la négociation, le compromis priment et non pas les décisions majoritaires. N eidhart a dit, que la composition du CF en Suisse était aussi une conséquence du référendum en cooptant les principaux partis aux gouvernements on a voulu rendre ces partis co-responsables de l'action gouvernementale et limité ainsi le fait que les partis s'opposent au gouvernement par les référendums, ou les initiatives.

Le référendum facultatif a particulièrement été utilisé par la droite conservatrice dans les années 1970, 80, notamment pour la politique sociale. Ceci a changé dans les années 90 et 2000. La gauche a utilisée de plus en plus souvent le référendum facultatif pour s'opposer au démantèlement de l'état-providence. Donc, d'un coté, le référendum a freiné le développement de l'état, mais après, a contribué au freinage du démantèlement de l'Etat.

Initiative populaire

Pour commencer, il faut dire que l'initiative, contrairement au référendum, intervient au début du processus. Elle lance une idée, une impulsion. Elle permet à un groupe, qui est capable de réunir 100 000 signatures, d'inscrire une demande sur l'agenda politique. Elle oblige le gouvernement de traiter cette demande. Elle a longtemps eu une fonction d'innovation. Innovante, car elle change le régime par rapport au statut­ quo. Une initiative nécessite une décision de l'élite et du peuple. C'est le peuple qui décide si il accepte ou rejette la décision. Il y a une thèse récurrente, selon laquelle, l'initiative conduit à la surcharge du système. Il y a trop d'initiatives déposées et cela occupe l'élite. Donc, certes, cela contribue à l'ouverture du système, mais selon les critiques, le prix à payer c'est une surcharge du système. C'est indéniable que l'initiative contribue à l'ouverture du système, mais la question de la surcharge est moins évidente.

Lancée une initiative, coute beaucoup en terme de ressource: financièrement, organisation ... recueillir 100 000 signatures, ce n'est pas rien. Il y a pas mal d'exemple, de groupe créer pour récupérer les signatures, mais qui n'ont pas réussis. Deuxième limitation à l'ouverture, à la surcharge, c'est la possibilité qu'à le parlement d'invalider des initiatives. Cette possibilité existe en théorie, mais est rarement appliquée en pratique. Lorsque le parlement doit arbitrer entre la tentation d'invalider une initiative en raison juridique, et la tentation de la soumettre au verdict populaire, le parlement est plutôt enclin de soumettre l'initiative au peuple, plutôt qu'au juge.

Une initiative doit respecter un principe important: l'unité de la matière. Mais même sur ce point le parlement tant à être large: il est rare qu'une initiative soit invalider au titre qu'elle ne respecte pas cela. Il faut aussi que l'initiative respecte le ius cogens (le droit impératif). Mais la pratique récente, est encore une fois large.

Le parlement a toujours refusé au tribunal fédéral la compétence de juger la validité, l'invalidité, d'une initiative populaire. Donc, ca reste une décision politique et non juridique.

La possibilité de rédiger un contre-projet et la question de la mise en œuvre. Le CF soit conserve une marge de manœuvre dans la mise en œuvre, soit est parfois incapable de mettre en œuvre l'initiative jusqu'au bout. Par exemple, l'initiative des Alpes, voté en 1994, qui a été acceptée à la surprise générale. Cette initiative demandait que les marchandises qui circulent du sud au nord, soit transféré sur le rail. Le CF a essayé de prendre au sérieux cette initiative, a fait de nombreuses modifications, mais on ne sera jamais capable d'appliquer à la lettre l'initiative.

On a longtemps considéré que l'initiative avait des effets d'intégration des acteurs. L'initiative donne la possibilité à emmètre des demandes. Là ou dans d'autres pays, les mouvements sociaux ont du utiliser des grèves, l'instrument de l'initiative permet à ces groupes de procéder dans une démarche institutionnel et d'intégration. De plus, le fait qu'il faut l'acceptation du peuple, les initiateurs doivent avoir des demandes moins radicales. Le recours à l'initiative, au final, épuise les mouvements. Car faire une campagne pour l'initiative, limite le répertoire d'action pour autre chose. Est-ce que cette thèse est encore valable? (9 février, suppression de l'armée = c'est modérée? non ... )

Dans la mesure ou la gauche a été minoritaire en Suisse, l'initiative était leur instrument favori.

Mais aussi pour les mouvements ouvriers et pour les mouvements sociaux. Ensuite, cet instrument a aussi très volontiers été utilisé par la droite dure. Dans les années 1960-1970, il Y a eu une vague d'initiatives xénophobes. Ce qu'il faut bien sur souligné ici, c'est le succès inédit de l'UDC en matière d'initiative.

En moyenne historique, 1 initiative sur 10 est acceptée. L'UDC est en moyenne de 5 acceptées sur 10. Plus près de nous, 3 initiatives acceptées, durant les 5 dernières années (minarets, étrangers, immigration).

Il y a certaines initiatives qui ne visent pas à introduire un changement. Il y a des initiatives référendaires. C'est-à-dire, que les initiateurs savent qu'un changement se profil alors ils lancent une initiative pour bloquer la réforme prévue. Par exemple: initiative Poste pour tous. Qui visait à s'opposer à la libéralisation, privatisation de la poste (inscrire dans la constitution, l'interdiction de la libéralisation de la Poste).

Ce tableau nous donne une image détaillée, du nombre de votations populaires qui ont eu lieu en Suisse depuis la création de l'Etat fédéral et jusqu'en 2012. Entre 1848 et 2012, il ya eu 581 votations populaires au niveau fédéral. 230 au titre du référendum obligatoire, 169 au titre du référendum facultatif, 182 au titre de l'initiative populaire.

Ce que ce tableau nous montre, c'est qu'il y a eu une forte augmentation des les années 70, de votations populaires.

L'augmentation ne s'est pas faite de manière linéaire, mais il ya eu dans la décennie des années 70, une espèce de saut. Comment expliquer cette augmentation abrupte à partir années 1970? Nouveaux enjeux, une augmentation du conflit en Suisse lié aux enjeux redistribuai (année 1970 = première crise de pétrole). Il n'y a pas vraiment de réponse unique. Cette augmentation est observée pour chacune des institutions (pour les 3).

Donc, le référendum facultatif et l'initiative ne sont pas uniquement les seuls acteurs de la surcharge du travail parlementaire. Ce n'est pas donc uniquement l'augmentation de demande du bas vers le haut, mais aussi l'augmentation de propositions de la classe politique elle même.

Evolution du recours à la démocratie directe