« La Guerre : conceptions et évolutions » : différence entre les versions

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Le Traité de Westphalie consacre l’égalité souveraine comme principe organisateur du système international et il consacre ce principe que chacun fait ce qu’il veut chez lui et lorsqu’un différend survient, la guerre est pratiquée.
Le Traité de Westphalie consacre l’égalité souveraine comme principe organisateur du système international et il consacre ce principe que chacun fait ce qu’il veut chez lui et lorsqu’un différend survient, la guerre est pratiquée.
== Vers la guerre totale ==
À partir du XVIIème siècle, il y a en pace un système qui s’accompagne et est accompagné de la constitution du rôle de l’État ; au même moment ces deux processus sont concomitants, se déroule en même temps et s’influence l’un et l’autre. À partir de là, à travers la structuration de ce système, avec des États de plus en plus puissants, qui s’industrialise et arrivent à extraire de plus en plus de ressources, à devenir de plus en plus efficace permettant d’aller vers la guerre totale.
On entre dans ce paradoxe où des États de plus en plus efficace dans leur gestion interne, font diminuer la violence interpersonnelle mais paradoxalement, il y a des guerres qui sont extrêmement meurtrière si ce n’est de plus en plus meurtrières. C’est-à-dire que si on fait faire une distinction dans l’évolution de la guerre, nous sommes passé d’une guerre au Moyen Âge où les choses sont moins claires au niveau du système international, où il y a une absence de discrimination entre civils et combattants, c’est-à-dire que lorsque la guerre va être codifiée, elle va clarifier le rôle des combattants et tenter d’exclure les civiles des conflits. Cela va en effet marcher parce qu’à partir du XVIIème siècle, il y aura de moins en moins de civils impliqués dans les guerres et cela ferra de moins en moins de victimes civiles dans les guerres, la majorité étant militaire, et cela est un phénomène qui va durer jusqu’à la fin de la Guerre froide où on a de nouveau une inversion de ce chiffre.
Il est important de parler de guerre en relation avec l’émergence de l’État parce qu’au Moyen Âge, cela sont plus des états de violence que des guerres où il y a différents types d’unités politiques avec des cités-États, la papauté, des seigneurs de guerre qui changent d’affiliation en fonction de leurs intérêts du moment, cela est beaucoup plus fluide, il y a différentes forces qui combattent puisque la guerre moderne est lié à l’émergence de l’État puisque les gens qui combattent dans la guerre moderne sont des soldats qui ont des uniformes et qui sont donc des représentants de l’État, qu’ils soient payés ou que ce soit une armée de conscription. Alors qu’au Moyen Âge, il y a un mélange, les statuts sont beaucoup moins clair, il y a différents types d’acteurs, il n’y a pas seulement des agents de l’État qui se font la guerre entre eux.


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Version du 11 octobre 2015 à 18:50

Nous allons d’abord nous interroger sur ce qu’est la guerre, puis nous interroger sur la naissance de la guerre moderne et nous allons voir que la guerre est un phénomène qui va bien au-delà de la violence mais qui est un principe régulateur de notre système international tel qu’il a été construit il y a plusieurs siècles en arrières. Ensuite, nous allons regarder les transformations actuelles, notamment nous interroger comment à l’époque du terrorisme et de la globalisation, est-ce que la guerre se transforme et est-ce que ses principes sont en train de changer. Enfin, nous allons nous poser la question de savoir si nous sommes à la fin de la guerre ou si elle continue.

Qu’est-ce que la guerre ?

Définition de la guerre

Nous allons nous demander ce qu’est la guerre et revenir sur des mises en garde ainsi que des idées reçues sur ce qu’est la guerre. Il y a de très nombreuses définitions sur ce qu’est la guerre mais l’une des plus pertinente est celle de Hedley Bull qui a notamment fondé l’école anglaise qui, dans son ouvrage The Anarchical Society: A Study of Order in World Politics publié en 1977 donne comme définition de la guerre que c’est « organized violence carried on by political units against each other ».

Cette définition comporte de nombreuses éléments importante. Le fait de dire que la guerre est de la violence organisée par des unités politiques entre elle est important, alors que l’idée de guerre est chargée de prénotion et de violence, il faut faire attention parce que lorsqu’on parle de guerre, on ne parle pas de violence interpersonnelle. La violence interpersonnelle est la violence liée à la criminalité et au agressions alors que la guerre est de la violence organisée impliquant d’avoir des unités politiques organisée qui vont se battre entre elles.

D’autre part, Hedley Bull ajoute que la guerre a un caractère officiel, c’est-à-dire qu’on fait cette guerre au nom de l’État contre une autre unité politique. C’est là où il établit une troisième distinction dans sa définition qui est celle de dire que même si on fait la guerre au nom de cette entité politique, elle doit être faite contre d’autres entités politiques qui en générales sont à l’extérieur de l’État. Hedley Bull établit une distinction fondamentale lorsqu’on parle de violence organisée qui est celle avec la lutte contre le crime par exemple qui relève du travail policier.

La guerre est donc de la violence organisée entre des unités politiques entre elles, et le tout revêtant un caractère officiel dirigé en général à l’extérieur de ces unités politiques. Cette définition est assez complète et rend compte de comment s’est constitué la guerre moderne et surtout comment elle est entendue et comprise dans son étude auprès de la plupart des gens qui étudie la guerre que cela soit des académiques, dans des académies militaires, cela recoupe à peu prés tout ce qu’on entend par « guerre ».

Deux idées reçues

Nous allons partir sur deux idée reçues de la guerre. La guerre est une notion est un concept que l’on connait tous un peu intuitivement.

Pour Thomas Hobbes dans Le Léviathan publié en 1551, la guerre est « la guerre de tous contre tous ». Hobbes est à la base de la théorie de l’État et de la guerre, et son idée est que l’État s’est constitué parce que qu’entre les individus règne l’anarchie, et il faut une entité pour réguler les relations interindividuelles. En d’autres termes, dans une approche plus sociologique, l’idée de guerre de tous contre tous est une idée qui a permis de développer d’autres concepts est que l’État est apparu pour réguler la jungle qui régnait au sein de la société, or la guerre de tous contre tous est une impossibilité empirique car les hommes ne peuvent pas combattre en permanence de manière anarchique, les individus sont peu enclins à s’organiser et à se coordonner afin de mener un action violente offensive ou pour se protéger. Il peu y avoir des agressions individuelles, il y a de l’égoïsme qui peut mener à des rixes, mais les conflits armées relève d’autre chose. La guerre, selon Hobbes, est quelque chose qui relève avant tout de la nature humaine. Ici, l’idée de guerre de tous contre tous est à remettre en question parce qu’elle par de l’idée que c’est l’égoïsme de l’Homme qui génère la guerre alors qu’en fait, c’est bien la socialité de l’Homme parce qu’on nous oblige à vivre en société, parce qu’afin de pouvoir mener une guerre, il faut des structures qui permettent de le faire, à savoir une organisation. L’organisation humaine est le fruit d’une société humaine. Ce principe énoncé par Hobbes part du fait que l’homme est égoïste et mène la guerre en permanence, or c’est la société de l’homme qui crée la guerre puisqu’il faut bien une organisation pour faire la guerre, organisation qui ne peut apparaitre qu’à travers la société. Plutôt qu’être un phénomène naturel et universel, la guerre est avant tout un phénomène social. C’est un raisonnement qui ne par pas de l’égoïsme de l’Homme mais de sa socialité qui est le fait de vivre ensemble et d’avoir à vivre ensemble. Pour faire la guerre, il faut des organisations complexes dotées d’administrations bureaucratisées. Il faut des organisations efficaces permettant de faire la guerre d’où les conditions incontournables de l’organisation des sociétés humaines pour faire la guerre.

Nous venons de voir comment faire la guerre et la rendre possible, maintenant nous allons, avec la seconde idée reçue, nous intéresser au « quand ». La seconde idée reçue est celle de la guerre perpétuelle d’Héraclite qui postule que « La guerre est le père de toute chose, et de toute chose elle est roi ». Si on se par du principe que la guerre relève de la nature humaine alors elle a toujours existé, cela est faux. Si on a un regard un peu plus sociologique, on pourrait dire que la guerre est un phénomène relativement récent dans l’histoire humaine, c’est en tout cas une caractéristique qui n’est pas intemporelle. Il n’y a pas de preuve archéologiques d’une forme de violence organisée soutenu qui signifie que pour faire la guerre il faut un certain degré d’organisation. Avant la Révolution néolithique datant d’environ 7000 avant Jésus Christ, on ne peut pas vraiment parler de guerre. Si on part du principe que l’homme est apparu il y a 200000 ans, la guerre ne concernerait donc que 5% de notre historie. Nous sommes loin d’un phénomène anhistorique et universel qui aurait toujours existé. Il est important d’éviter d’essentialiser la guerre comme quelque chose qui serait en nous. Si on regarde empiriquement, les faits, la guerre n’a pas toujours existée et elle est liée à une organisation sociale développée. Cette forme d’organisation sociale apparait à partir du néolithique et elle coïncide avec une spécialisation fonctionnelle, à savoir avec l’apparition des premières villes. La ville est un endroit où il faut se spécialiser à la différence de la campagne où chacun est plus dépendant. Dans une ville, on se divise les tâches afin d’être plus efficace. C’est une idée qui est assez fondamentale dans l’idée même de la construction de l’État et du développement de nos sociétés. L’idée de spécialisation est importante dans les sciences sociales ; par exemple, le policier est quelqu’un qui se spécialise dans la violence. L’idée sous-jacente est que, par exemple, pour labourer ses champs tranquillement, il faut quelqu’un qui s’occupe de la sécurité et dont cela est son métier et en échange, on va le nourrir. C’est comme cela qu’on créé une société plus spécialisée et nous sommes aujourd’hui dans des sociétés extrêmement spécialisées.

En d’autres termes, l’arrivé de la guerre coïncide avec la Révolution néolithique, la spécialisation fonctionnelle et l’apparition de villes. C’est à partir de l’an 5000 avant Jésus Christ que l’on voit apparaitre des guerres entre ces cités-États. Ensuite, à partir de ce moment, des sociétés de plus en plus complexes se développent.

La phalange : “père” des formes modernes de violence organisée ?

Lorsqu’on rentre dans l’Antiquité classique jusqu’à l’Empire romain, la guerre connait un saut qualitatif lié à un degré d’organisation plus élevé. Par « saut qualitatif », il faut entre des « systèmes plus efficaces pour mener la guerre. Il y a une dimension technologique. L’un des meilleurs exemples est celui de la Phalange qui sont des formations d’infanteries lourdement armé et bien organisé dont le but est de réduire et de battre l’ennemi au moment du choc. Cela a beaucoup été utilisé dans la Grèce antique notamment avec Alexandre le Grand. Cette façon de faire la guerre accompagne la complexification des sociétés. À partir de là, il y a un développement vers une façon de mener la guerre d’une façon de plus en plus technologiquement développé et efficace.

Il y a une parenthèse avec le Moyen-Age. Avec la chute de l’Empire romain on retourne sur des modes de guerres plus erratiques avec des guerres de pillage et des guerres moins organisées. Dès le XVème siècle, va émerger la conception moderne de la guerre qui est donc lié à une révolution technologique. Le développement de la guerre moderne est lié au développement de l’État moderne. Les deux sont indisociable.

Guerre et Modernité politique

La guerre n’est pas le père de toute chose et quelque chose d’universel et naturel mais c’est un phénomène relativement récent à l’échelle de l’humanité mais qui surtout est lié à un développement d’un haut degré d’organisation sociale qui comment en 5000 avant Jésus Christ et jusqu’au XVIIème siècle. L’historie de la guerre est aussi l’histoire de l’État.

Parler de la guerre par rapport à l’État est une articulation qui est rarement opéré mais qui est fondamentale pour comprendre la forme de violence organisée qu’est la guerre et donc de voir la guerre comme un phénomène qui est éminemment lié à la modernité politique donc à l’avènement de l’État moderne. L’État n’est pas la seule forme d’organisation politique existant dans le monde et surtout pas dans l’histoire. Il y a eu des empires, des cités-États ou encore des colonies dans le sens où l’État est une forme d’organisation relativement récente dans l’histoire.

Si on prend l’angle de la guerre comme étant quelque chose de fondamentalement lié à l’émergence de l’État, cela nous permet également de revenir sur une troisième idée reçue qui est l’idée que l’État est perçu avec une dimension assez positive. L’État c’est la loi et l’ordre, la base des relations internationales est une division du travail disciplinaire et à l’intérieur de l’État qui est policé et donc en paix, l’État garantie cela notamment à travers sa police et son système judicaire ; au-delà de ses frontières, c’est l’anarchie, il n’y a pas de système international similaire à un gouvernent net que c’est pour cela qu’on se bat en dehors des frontières de l’État. C’est une division du travail et l’État fait régner la loi et l’ordre à l’intérieur de son territoire. Il y a une dimension positive liée à la paix.

L’État est aussi l’acteur qui va permettre la paix internationale notamment à travers sa participation des organisations internationale. Dans cette conception de la guerre et surtout dans le rapport à la violence de l’État, on a une dimension positive puisque l’État est ce qui permet de faire régner l’ordre, de ne pas sombrer dans le chaos et l’anarchie et donc la violence et perçue comme quelque chose de primitif et d’un autre âge. L’État, en s’imposant, a permis de ne pas être dans le chaos. Si on compare avec d’autres endroits dans le monde où règne une situation beaucoup plus dramatique en terme de violence, peut être expliquer par le fait qu’il n’y a pas un État efficace sur place permettant à tout le monde d’avoir une vie calme, ordonnée et en sécurité.

Il faut aussi un peut remettre en question cette idée parce que la modernité politique avec l’émergence de l’État voit également l’émergence de nouvelles formes de violences qui ont été développées et qui n’ont que peu à envier avec des formes de violence primitive. Ce sont des formes de violences liées à la modernité comme le génocide qui est un mode de violence éminemment lié au développement d’un État moderne et industriel. Afin d’organisation un massacra à grande échelle, il faut des grosses capacités. La guerre totale est également mode de guerre meurtrier avec les Première et Deuxième guerres mondiales. En fin de compte, cette modernité de l’État et cette conception de la modernité débouche sur un XXème siècle qui a été le siècle le plus violent de tous les temps. Au XXème siècle, en terme de violence politique, on dénombre plus de 200 millions de morts, dont entre 130 et 140 millions directement lié à la guerre. La différence est que la violence politique peut être par exemple celle liée à un régime répressif à l’intérieur d’un État. Ces chiffres sont énormes, il y a ce paradoxe où l’État moderne est censé offrir la paix et la stabilité à l’intérieur de ses frontières, mais la période à débouché sur une période où il n’y a jamais eu autant de morts liés à la violence politique. C’est assez paradoxal.

La naissance de la guerre moderne

Une affaire d’État : War-Making/State-Making

Pour étudier la guerre, il faut avant tout se focaliser sur les liens qu’elle entretien avec l’État moderne comme organisation politique. Nous allons voir comment la guerre est aujourd’hui au travers et par l’émergence de l’État moderne. Nous allons commencer par voir que la guerre est une affaire d’État. Afin d’introduire l’idée que la guerre est liée à la construction même de l’État et à l’émergence de l’État comme forme d’organisation politique en Europe à partir de la sortie du Moyen Âge, pour cela, le meilleur moyen et de le faire est comme amené par le socio-historien Charles Tilly dans son article War Making and State Making as Organized Crime qui a développé l’idée de war making/state making : c’est en faisant la guerre que l’on a fait l’État, et vice-versa.

Tilly rend compte de la trajectoire occidentale de la construction des États. Quand on parle de l’État moderne et du rôle de la guerre, on parle vraiment de son émergence en Europe à partir de la sortie de la fin du Moyen Âge. C’est-à-dire qu’il y a d’autres formes d’entités politiques dans le monde qui suivent différent trajectoires et si la trajectoire européenne parait aussi importante aujourd’hui, c’est qu’il est vrai que, notamment au travers de la colonisation, où aujourd’hui à travers la construction d’État ou le nation building, on essaie d’exporter le modèle européen parce qu’on part du principe que c’est le seul modèle qui pourrait être imposé aux autres. Cela créé quelque frictions certaines fois.

Au travers de l’idée de war making/state making, Tilly va traduire que c’est un processus qui prend plusieurs centaines d’années mais qui n’est pas un processus intentionnel. Il décrit le processus de war making/state making au travers de deux opérations qui sont deux compétitions ou phénomène qui sont reliés entre eux.

Tout d’abord, l’époque de la sortie du Moyen Âge coïncide avec une compétition interne au sein des royaumes entre les seigneurs. Cela se passe à l’époque de la féodalité où il y avait un roi et différents seigneurs qui avait leur fief ayant une forme d’allégeance avec le roi mais qui étaient totalement autonome dans la gestion de leurs affaires. Le seul lien qu’il entrainait avec la royauté était souvent au travers de la guerre. Le roi s’adressait à ces seigneurs féodaux afin de lever des hommes pour faire la guerre. Sur plusieurs siècles, selon Tilly, on observe une compétition de plus en plus grande entre ces seigneurs parce que chacun veut agrandir son territoire. Le Moyen Âge est comme un « état de guerre » généralisé où chacun va essayer d’agrandir son territoire ; à la fois à l’intérieur de ce qui commence à devenir un État et aussi à l’extérieur avec ces entités entre-elles.

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Reprenant l’idée de Norbert Elias, il parle de « lutte éliminatoire ». C’est-à-dire qu’à force de se battre il y en a de moins en moins. Avec l’exemple de la France sous Louis XI au XVème siècle, on voit bien cette logique qui se met en place où on voit en « bleu » les territoires qui appartiennent à l’État, donc appartenant au roi avec un processus de construction de l’État bien avancé qui commence déjà deux siècles auparavant où les territoires du roi de France étaient beaucoup plus réduits. De plus en plus, par des mariages, par des guerres, par des successions et la disparation de familles, il y a une tendance à avoir de moins en moins de territoire et de plus en plus un seul qui va s’imposer. À l’interne, les États ont émergé sous cette forme dans la plupart des pays européens. Souvent, les cas les plus emblématiques sont ceux de la France et de la Grande Bretagne.

En plus de la compétition interne, il y a une compétition externe. Par exemple, à l’époque de Louis XI, il commence à mener de plus en plus de guerre à l’extérieur, et afin de pouvoir mener ces guerres, il a besoin de moyens mais également de réunifier le monde chrétien. Étant donné que la papauté n’a pu réunifier le monde chrétien, ces États veulent chacun créer à ce qui ressemble à ces empires. Ces empires ne vont pas se créer parce qu’ils vont tous grandir et se rencontrer et ainsi créer un système qu’on appellera un système international. La guerre comme institution du « système inter-étatique »

Ce qu’il faut retenir de l’idée de War-Making/ State- Making est qu’afin de pouvoir mener ces guerres pour continuer à grandir comme entité, il faut beaucoup de ressources. Pour avoir les ressources, il faut avoir les moyens d’extraire ces ressources, et pour mener les guerres, il faut des armées. C’est là qu’on voit le lien entre l’extraction de ressources et le besoin de mener la guerre qui va permettre la construction des États par le même phénomène. C’est-à-dire que pour avoir une armée qui tienne la route, il faut du monde, recenser, pour entretenir l’armée, il faut de l’argent, pour avoir de l’argent, il faut lever des impôts, et pour cela, il faut que des personnes sachent qui habite où et convaincre les gens de leur légitimité pour qu’ils acceptent de payer sans qu’on ait besoin de les contraindre forcément par la violence de payer des impôts. On est de plus en plus dans la mise en place de bureaucratie efficaces qui permettent d’extraire des ressources du territoire afin de mener la guerre. Le fait de constamment devoir mener la guerre oblige à extraire de manière de plus en plus efficace des ressources d’un territoire. Cela a mis plusieurs centaines années, mais c’est à travers ce processus selon Tilly que l’État moderne né es au passage la guerre.

Dès la sortie du Moyen Âge, la guerre apparait comme une institution qui est à la base d’un système interétatique qui est à la base d’un grand impact sur notre quotidien. Cette idée vient de l’Europe à la sortie du Moyen Âge qui est le résultat de prétention impériales et de compétitions entre différents États qui ont commencé des empires, certains ont essayé comme Napoléon qui voulait construire un territoire qui ne connaissait pas de frontières et qui était un territoire inclusif. Mais, il y a une sorte d’équilibre des forces qui s’est constitué entre tous ces puissances à terme. À force de s’éliminer entre eux entre tous ces puissances, nous en sommes arrivés à l’émergence d’État dont la force se valait plus ou moins à terme, se stabilisant autour de frontières et se rencontrant autour de ces frontières. À partir de là, émerge l’idée de souveraineté, c’est-à-dire que l’idée d’autorité sur le territoire est divisée entre des espaces sur lesquels s’exerce des souverainetés qui sont exclusives entre elles. C’est vraiment cela le principe de système internationales divisé entre États souverains.

À terme, se développe autour du principe de souveraineté un universalisme de l’État-national qui n’est pas celui de l’Empire puisque le principe de souveraineté est reconnu par tous comme le principe organisateur du système international. C’est par exemple le principe des Nations Unies parce qu’on reconnait le principe de l’égalité entre tous les États souverains. L’idée des Nations Unies découlent de l’idée du principe de souveraineté comme organisateur du système international. Ce système interétatique qui se met en place est organisé autour de l’idée qu’il y a une logique de l’équilibre interne où l’État administre un territoire, à savoir le « police » ; et externe où se sont les États entre eux qui règlent leurs affaires. C’est cette distinction de l’espace qui est fondamental ici. Il y a un espace interne qui est l’affaire de l’État qui administre et qui administre les comptes de ses citoyens et l’externe où l’État à ce mandat afin de gérer le rapport avec les autres États.

Du moment où il y a tous ces États qui sont formés, ils doivent communiquer entre eux. Puisque chacun doit survivre en tant qu’État et qu’il y a d’autre États qui sont là, comment va t-on communiquer ? Si on part du principe que la guerre est une institution, elle sert exactement à faire cela. Selon John Vasquez, la guerre est une modalité apprise de prise de décisions politiques par le biais de laquelle deux ou plusieurs unités politiques alloues des bien matériel ou de valeur symbolique sur la base d’une compétition violente. En d’autres termes, la guerre permet de régler une compétition ; on n’est pas d’accord, donc, on règle cela par la guerre. Nous nous éloignons de l’idée de la guerre comme quelque chose d’anarchique ou de violent, la guerre est quelque chose qui a été développé dans sa conception moderne afin de régler des différents entre États, c’est un mécanisme de résolution de conflits. Cela parait contre-intuitif.

La guerre est avant tout à comprendre comme quelque chose qui sert à régler des différents. C’est-à-dire que si nous ne sommes pas d’accord, on prend des ressources, à savoir ces armées, préparées en collectant des impôts envoyés à se battre les unes contre les autres et du moment où l’une a gagné, le différend est réglé au bénéfice de l’un ou de l’autre.

La guerre est avant tout un mécanisme de résolution des conflits, c’est en tout cas une façon tout à faire pertinente de l’appréhender.la guerre peut être vue sous différents angles, que cela soit d’un point de vue humanitaire par les morts qu’elles causent ou sous l’angle juridique par rapport à sa régulation elle-même et quels sont les enjeux juridiques de la constitution des différents mécanises de gestion de la guerre. L’angle de ce cours est celui de la science-politique pour voir d’où vient ce phénomène et à quoi cela sert. Nous ne nous intéressons pas ici à la dimension normative de la guerre.

Nous arrivons à l’idée que la guerre est un mécanisme de résolution de conflits et que donc, si la stratégie à une fin, la fin et le but de cette stratégie est la paix. Les deux sont liés ; nous sommes dans une conception où la paix est intimement liée à la guerre et surtout que la définition de la paix est intimement lié à la guerre. La paix est comprise comme l’absence de guerre. Il est intéressant de voir comment le but de la stratégie est de gagner et de retourner à un état de paix. C’est vraiment la guerre qui détermine cet état. Il y a une très forte dialectique entre les deux. Nous nous intéressons à la relation entre guerre et État mais aussi entre guerre et paix. C’est une relation qui est fondamentale à laquelle nous n’allons pas nous intéresser aujourd’hui.

Nous parlons de paix, parce que ce qui est important est que dans la conception de la guerre qui se met en place avec l’émergence de ce système interétatiques, c’est-à-dire avec des États qui se constituent à l’intérieur et qui entrent en compétition entre eux à l’extérieur, la guerre n’est pas un but en soit, le but n’est pas la conduite de la guerre elle-même mais la paix ; on fait la guerre afin d’obtenir quelque chose. C’est la conception de Raymon Aron.

Pour s’arrêter sur la conception de la guerre comme un mécanisme de résolution des conflits qui permet de faire des choses, d’obtenir des choses, de stratégiser ses objectifs.

Carl von Clausewitz (1780 – 1832) : De la guerre

Si on parle de guerre, dans sa figure de la théorisation qui est la plus connue est Carl von Clausewitz qui est un officier prussien qui a exercé pendant les guerres napoléoniennes à écrit l’ouvrage De la Guerre. Clausewitz va, si ce n’est fixer, être considéré comme la référence dans la théorisation de la guerre. Il va poser une conception éminemment politique de la guerre qui encore aujourd’hui, reste une référence.

Clausewitz définit la guerre comme un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté. C’est un cadre très rationnel, ce n’est pas une logique de « fou de guerre ». La guerre est faite afin d’obtenir quelque chose. Selon Clausewitz, « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens. Imaginons un État qui est un gouvernement avec un objectif qui est par exemple celui d’étendre les terres fertiles, alors les terres du voisin ont devenir un objectif. Étant donné qu’il ne va pas les donner, la guerre va lui être déclarée, si l’État belliqueux gagne, il ferra un traité de paix et obtiendra les terres. C’est une conception éminemment politique de la guerre dans le sens où la guerre est subordonnée au politique. C’est le politique qui détermine ce qu’on peut obtenir à travers la guerre parce qu’on ne peut pas l’obtenir par d’autres moyens ; les autres moyens étant la diplomatie ou encore le commerce par exemple. Il y a un moment où on ne peut pas l’obtenir autrement donc on fait la guerre afin de l’obtenir. Cela implique de revenir après à la normale qui est un état de paix.

Le système westphalien

À partir du XVIIème siècle et la fin de la guerre de Trente ans, se met en place ce qu’on appelle le système westphalien. En accompagnement de la construction de l’État moderne, il y a toute une pensée en théorie politique afin de penser la guerre mais aussi pour la codifier. Un juriste néerlandais, Hugo de Groot dit Grotius qui dès le XVIIème siècle va codifier la guerre, en terme de ce qu’on peut faire avant la guerre, pendant la guerre et après la guerre qui va mener à la codification du droit mais aussi des conventions de Genève. L’émergence de la guerre dans le système interétatique s’accompagne d’une volonté d’introduire des règles bien spécifique afin de mener la guerre : la guerre doit être déclarée, la guerre est un moment de violence intense et extrêmement mais qui est extrêmement bien encadré. Il faut avoir à l’esprit tous les efforts qui ont été fait à partir de ce moment là on l’a régulé et fixé des règles qui permettent de mener la guerre et de l’utiliser dans ce but politique. C’est-à-dire que la guerre fait vraiment partie de ce système interétatique.

Le Traité de Westphalie de 1648 comprend le traité d’Osnabrück et le traité de Münster. Ils marquent la fin de la Guerre de Trente ans durant de 1618 à 1648, cela renvoi à la guerre de religion sur le continent européen entre Catholiques et Protestants et à la fin de ces guerres, on arrive à un traité qui va consacrer l’existence et l’émergence de l’État comme étant à la base du système d’organisation entre les entités et les unités politiques du continent européen donnant naissance au système westphalien. Les premières mentions dans les documents officiels de la Suisse sont au Traité de Westphalie même si la Suisse en tant qu’État a mis encore un certain temps à émerger dans sa forme moderne. C’est le moment où on fixe l’État comme base de ce système et surtout on reconnait la souveraineté qui est le fait que chaque État exerce sur son territoire le principe organisateur de ce système. Nous ne sommes pas dans une logique impériale mais dans une logique où chaque entité exerce une souveraineté sur un territoire donné. Chacun reconnait que chacun fait ce qu’il veut chez lui, ce qui n’empêche pas que lorsqu’il y a un différend, la guerre reste un moyen de le régler.

C’est important de comprendre cette distinction de l’espace entre un espace intérieur où les règles sont claires, où c’est l’État en tant que tel qui à la souveraineté d’exercer le pouvoir, qui est reconnu ; et il y a l’extérieur de l’État où il n’y a pas d’autorité qui ait la forme de la souveraineté. Encore aujourd’hui, il n’y a pas de gouvernement mondiale, nous ne sommes pas dans un empire des États, les territoires de la planète étant divisés entre États où s’exerce de manière exclusive à peu près deux cents souverainetés. C’est un principe, il y a des États plus forts que d’autres qui imposent leur volonté mais comme principe de droit et d’organisation du système, c’est à partir de là que tout se met en place et encore aujourd’hui, il occupe une place extrêmement importante même si de nos jours on parle des acteurs non-étatiques comme les sociétés multinationales ou les organisations non-gouvernementales qui occupent une certaine importance et on un rôle assez important. L’État est quand même à la base de ce qu’on appelle le « système internationale ».

On ne parle pas d’« études mondiales » ou d’ « études globales » Le terme qui s’est imposé est celui de « relations internationales », qui signifie que penser le monde est penser au-delà de la frontière de l’État pour montrer à quel point le moment de la structuration de l’espace entre États est important.

Le Traité de Westphalie consacre l’égalité souveraine comme principe organisateur du système international et il consacre ce principe que chacun fait ce qu’il veut chez lui et lorsqu’un différend survient, la guerre est pratiquée.

Vers la guerre totale

À partir du XVIIème siècle, il y a en pace un système qui s’accompagne et est accompagné de la constitution du rôle de l’État ; au même moment ces deux processus sont concomitants, se déroule en même temps et s’influence l’un et l’autre. À partir de là, à travers la structuration de ce système, avec des États de plus en plus puissants, qui s’industrialise et arrivent à extraire de plus en plus de ressources, à devenir de plus en plus efficace permettant d’aller vers la guerre totale.

On entre dans ce paradoxe où des États de plus en plus efficace dans leur gestion interne, font diminuer la violence interpersonnelle mais paradoxalement, il y a des guerres qui sont extrêmement meurtrière si ce n’est de plus en plus meurtrières. C’est-à-dire que si on fait faire une distinction dans l’évolution de la guerre, nous sommes passé d’une guerre au Moyen Âge où les choses sont moins claires au niveau du système international, où il y a une absence de discrimination entre civils et combattants, c’est-à-dire que lorsque la guerre va être codifiée, elle va clarifier le rôle des combattants et tenter d’exclure les civiles des conflits. Cela va en effet marcher parce qu’à partir du XVIIème siècle, il y aura de moins en moins de civils impliqués dans les guerres et cela ferra de moins en moins de victimes civiles dans les guerres, la majorité étant militaire, et cela est un phénomène qui va durer jusqu’à la fin de la Guerre froide où on a de nouveau une inversion de ce chiffre. Il est important de parler de guerre en relation avec l’émergence de l’État parce qu’au Moyen Âge, cela sont plus des états de violence que des guerres où il y a différents types d’unités politiques avec des cités-États, la papauté, des seigneurs de guerre qui changent d’affiliation en fonction de leurs intérêts du moment, cela est beaucoup plus fluide, il y a différentes forces qui combattent puisque la guerre moderne est lié à l’émergence de l’État puisque les gens qui combattent dans la guerre moderne sont des soldats qui ont des uniformes et qui sont donc des représentants de l’État, qu’ils soient payés ou que ce soit une armée de conscription. Alors qu’au Moyen Âge, il y a un mélange, les statuts sont beaucoup moins clair, il y a différents types d’acteurs, il n’y a pas seulement des agents de l’État qui se font la guerre entre eux.

Annexes

  • Leander, Anna. Wars and the Un-Making of States: Taking Tilly Seriously in the Contemporary World
  • Goldstone , Jack A. States Making Wars Making States Making Wars... in Contemporary Sociology, Vol. 20, No. 2 (Mar., 1991), pp. 176-178. Url: https://www.jstor.org/stable/pdf/2072886.pdf?acceptTC=true

Références

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