« Analyse des Politiques Publiques : mise à l'agenda et formulation » : différence entre les versions

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=== La question du périmètre ===
=== La question du périmètre ===
La deuxième dimension qui vient en complément de la première est la question du '''périmètre'''. Si la première s’interroge sur ce qui se passe de dramatique, la deuxième dimension dit qui est concerné. A priori, plus le périmètre d’un problème est élevé, plus son audience est large, plus il y aura la possibilité de retenir l’attention des décideurs politiques. Cette question du périmètre ou de l’audience n’est pas seulement une question quantitative, il se peut que ce soit la nature des gens concernés par le problème, affecté par le problème qui compte plus que leur nombre.   
La deuxième dimension, celle du périmètre, complète en effet la première. Elle pose la question de l'étendue de l'impact du problème : combien de personnes sont concernées et dans quelle mesure ? En théorie, plus le problème touche de personnes, plus il est susceptible d'attirer l'attention des décideurs politiques. Cependant, l'audience d'un problème ne se mesure pas uniquement en nombre de personnes affectées. La nature même des personnes concernées, c'est-à-dire leur statut, leur rôle dans la société ou leur vulnérabilité, peut également jouer un rôle déterminant dans l'attribution d'une importance politique au problème.   


Il y a une analyse très intéressante qui avait été faite en son temps sur le SIDA, à savoir pourquoi le SIDA retient l’attention des décideurs politiques au niveau du Congrès américain ; aujourd’hui le SIDA n’est pas très présent dans nos débats, entre l’attention des politiciens et les chiffres objectifs par rapport à la problématique, il n’y a pas de lien direct. La question était de savoir comment le parlement discute des enjeux liés au SIDA regardant les auditions que faisaient les différentes commissions du Congrès et avait aussi été regardé le budget qu’avait accordé le Congrès américain pour lutter contre le SIDA. Des sortes de paliers avaient été constatés dans l’attention relative qu’accordaient les parlementaires : au début, cela était assez peu, puis d’un coup un saut. Ces chercheurs se sont interrogé sur savoir ce qui explique pourquoi l’attention varie dans le temps, que les budgets alloués varient dans le temps. Ils se sont rendu compte que cela dépendant largement de l’audience, à savoir qui était concerné, qui était construit politiquement, dans les discours politiques, dans les revendications des associations comme étant les gens qui pâtissaient de ce problème du SIDA.   
Une analyse particulièrement intéressante a été réalisée à propos de l'attention accordée au SIDA par les décideurs politiques du Congrès américain. Aujourd'hui, bien que le SIDA ne soit pas un sujet dominant dans nos débats publics, il est intéressant de noter qu'il n'y a pas toujours une corrélation directe entre l'ampleur objective d'un problème de santé publique et l'attention qu'il reçoit de la part des politiciens.   


Dans un premier temps, la clientèle, l’audience et le périmètre de ce problème étaient circonscrits aux communautés homosexuelles gays et aux toxicodépendants ; ce sont des groupes sociaux qui ont une certaine image plutôt négative à l’époque où ceci avait éclaté, ayant un pouvoir politique assez fort dans le cas des gays et très faibles dans le cas de toxicodépendants. Tant que le problème était limité à ces acteurs, l’attention était assez faible, il y avait même des gens qui disaient que le problème et sa solution en même temps, si cela ne concerne qu’eux, cela va permettre d’éradiquer ces personnes, il y avait des discours assez nauséabonds à cette époque.   
Ces chercheurs ont constaté que l'attention accordée au problème du SIDA par le Congrès américain et le budget alloué à sa lutte ont connu des variations significatives au fil du temps. Ils se sont donc interrogés sur les facteurs expliquant ces variations. Leur analyse a révélé que ces changements étaient largement influencés par la perception de qui était affecté par le problème du SIDA. En d'autres termes, la façon dont le problème était "encadré" ou "présenté" politiquement, ainsi que la manière dont les groupes d'intérêt et les associations définissaient les victimes du SIDA, jouaient un rôle crucial dans la détermination de l'attention accordée au problème par les politiciens.   


Tout d’un coup, on observe un saut en 1991 dans l’attention relative qu’accordent les commissions du Congrès et qui se traduit dans le budget. Lorsqu'en 1991, Magic Johnson, un joueur de basket, déclare qu’il a contracté le SIDA, cela renverse complètement l’image que l’on a du problème, de qui est affecté, et on se dit que même si une telle personnalité peut pâtir de ce problème, alors, il faut vraiment faire quelque chose. La déclaration de Magic Johnson s’est traduite par une attention qui a augmenté au niveau du Congrès et du budget qui est alloué.
Au début de l'épidémie de SIDA, le problème était souvent perçu comme affectant principalement certains groupes marginalisés, tels que les hommes homosexuels ou les utilisateurs de drogues intraveineuses. Cependant, au fur et à mesure que l'épidémie progressait, il est devenu clair que le virus affectait une population beaucoup plus large. Lorsque le SIDA a commencé à être perçu comme un problème touchant un public plus large, y compris les personnes hétérosexuelles et les enfants, l'attention accordée au problème par les politiciens et le financement alloué à sa lutte ont augmenté. Cet exemple illustre comment la perception de l'audience d'un problème - qui est affecté par ce problème - peut influencer l'attention politique accordée à ce problème. Cette perception de l'audience peut être influencée par la façon dont le problème est "encadré" ou "présenté" dans les discours politiques et par les groupes d'intérêt.


Une troisième étape dans le développement de cette politique et l’inscription à l’agenda de cette politique ou le maintien à l’agenda de cette politique est quand on a découvert qu’un autre groupe encore pâtissait de ce problème, à savoir les hémophiles qui, eux, s’étaient vu transfuser du sang, qui n’avait pas été suffisamment chauffé, ils sont déjà malades, ayant une construction sociale plutôt positive, ils venaient pour se faire soigner, revenaient toujours hémophile et en plus ils avaient contracté le SIDA.   
Lorsque le SIDA était principalement associé à des groupes socialement marginalisés ou stigmatisés, comme les homosexuels et les consommateurs de drogues intraveineuses, il y avait moins de volonté politique d'aborder le problème sérieusement. Certains discours de l'époque étaient extrêmement préjudiciables et suggéraient que le SIDA pourrait être une forme d'"auto-élimination" pour ces groupes marginalisés. Ces attitudes ont contribué à un manque d'attention et de ressources consacrées à la lutte contre le SIDA.   


Donc, c’est une situation véritablement problématique qui est d’un point de vue stratégique facile à construire pour dire à l’État qu’il doit faire quelque chose pour ces personnes. Donc, le périmètre de qui est concerné est une deuxième dimension sur laquelle les acteurs jouent pour essayer de retenir l’attention.  
La révélation de Magic Johnson en 1991 qu'il avait été diagnostiqué séropositif a radicalement modifié la perception du VIH/SIDA. Jusqu'à ce moment, le VIH/SIDA était largement considéré comme une maladie affectant principalement la communauté gay et les utilisateurs de drogues. Mais lorsque Magic Johnson, un sportif très respecté et connu pour son comportement hétérosexuel, a révélé qu'il était atteint du VIH, cela a changé la façon dont la maladie était perçue et comprise par le grand public. Cette annonce a aidé à élargir le périmètre du problème, à montrer que le VIH/SIDA n'était pas limité à certains groupes marginalisés, mais qu'il pouvait toucher n'importe qui, y compris les athlètes de renommée mondiale. Cela a entraîné une prise de conscience et une augmentation significative de l'attention portée au VIH/SIDA, non seulement aux États-Unis mais aussi dans le monde entier. Cela a conduit à une augmentation des fonds pour la recherche et le développement de traitements, ainsi que pour les programmes de prévention et d'éducation. C'est un exemple frappant de la façon dont les perceptions de qui est affecté par un problème peuvent influencer l'attention politique et les ressources consacrées à sa résolution. 
 
La révélation que le virus du VIH/SIDA avait infecté la communauté hémophile à la suite de transfusions de sang contaminé a marqué une nouvelle étape dans la perception publique et politique de la maladie. Les personnes atteintes d'hémophilie sont généralement considérées comme des patients innocents qui contractent la maladie sans aucune faute de leur part, contrairement aux préjugés souvent associés aux communautés homosexuelles et aux utilisateurs de drogues. Cette nouvelle audience a attiré l'attention sur les problèmes systémiques du système de santé et sur les questions de sécurité du sang. Cela a également mis en évidence la nécessité d'une politique de santé publique plus robuste pour prévenir la propagation du virus, y compris un meilleur dépistage du sang et des protocoles de traitement plus sûrs. Ainsi, l'élargissement de l'audience du VIH/SIDA à des groupes plus larges et plus diversifiés de la société a joué un rôle clé dans l'augmentation de l'attention politique accordée à la maladie et dans la formulation de politiques plus efficaces pour la combattre. 
 
L'identification d'une audience concernée par un problème est une étape cruciale pour attirer l'attention politique sur une question donnée. Plus le périmètre de personnes touchées est large et diversifié, plus il est probable que le problème soit reconnu comme une question d'intérêt public nécessitant une intervention de l'État. La stratégie d'élargissement du périmètre peut inclure divers groupes sociaux. Les groupes touchés peuvent être définis par des caractéristiques communes, comme une maladie, une profession, une orientation sexuelle, un âge, ou même un lieu de résidence. De plus, ce périmètre peut évoluer avec le temps, en fonction des nouvelles informations disponibles, des évolutions sociétales, ou des actions de différents acteurs, qu'ils soient des victimes, des groupes de soutien, des chercheurs, des journalistes, ou des politiciens. Ces acteurs peuvent utiliser divers moyens pour sensibiliser l'opinion publique et les décideurs politiques à un problème, comme des campagnes de sensibilisation, des témoignages, des études scientifiques, des reportages, des actions de lobbying ou des manifestations. Au fur et à mesure que le périmètre s'élargit et que l'attention portée au problème augmente, les chances de voir ce problème inscrit à l'agenda politique et de voir des mesures prises pour le résoudre augmentent.  


=== '''nouveauté''' du problème ===
=== '''nouveauté''' du problème ===

Version du 15 juin 2023 à 13:51

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L'élaboration d'une politique publique suit un processus structuré en quatre étapes essentielles. Une politique publique comprend une série d'actions et de décisions prises par les autorités gouvernementales dans le but de répondre à un problème spécifique. La première étape est l'identification et l'intégration du problème à l'agenda politique. Cette phase, appelée mise à l'agenda, permet de définir le problème qui nécessite l'intervention de l'État, et de justifier pourquoi cette intervention est nécessaire. La deuxième étape du processus consiste en la formulation de la politique publique. Cette phase de formulation donne une réponse à la question : quelle est la solution envisagée pour répondre à ce problème ? Il s'agit ici d'identifier une solution qui soit à la fois légitime et acceptable dans le contexte politique actuel. Chacune de ces étapes joue un rôle crucial dans le développement d'une politique efficace, en guidant le processus depuis l'identification initiale du problème jusqu'à l'établissement d'un plan d'action concret pour le résoudre.

L'analyse de la mise à l'agenda cherche à comprendre comment et pourquoi certains problèmes sont construits et reconnus comme dignes d'attention publique et d'intervention de l'État. C'est dans cette phase que le processus de "construction sociale" des problèmes publics prend place. Cela signifie que les problèmes publics ne sont pas seulement des faits objectifs qui existent en soi, mais ils sont façonnés et définis par des acteurs sociaux et politiques qui interprètent et attribuent de l'importance à certaines situations ou conditions. Cette construction est un processus complexe, qui implique souvent des débats et des luttes entre différents acteurs avec des intérêts et des perspectives variés. Des facteurs tels que le pouvoir politique, les valeurs culturelles, l'opinion publique et les médias peuvent tous jouer un rôle dans la définition de ce qui est considéré comme un problème public.

Cependant, il est important de noter qu'il est souvent difficile d'initier une nouvelle politique publique. Le simple fait de définir un problème comme un problème public ne garantit pas automatiquement que ce problème sera inscrit à l'agenda politique. Des obstacles tels que le manque de ressources, les résistances politiques, ou le manque d'intérêt public peuvent empêcher un problème de gagner une place sur l'agenda. Par conséquent, l'analyse de la mise à l'agenda nécessite également une compréhension des processus et des dynamiques politiques qui influencent quels problèmes sont reconnus et prioritaires, et lesquels sont ignorés ou marginalisés.

Mise à l’agenda politique : « construction » des problèmes publics

Définition d'un problème public

L'agenda politique

L'agenda politique représente les questions que les autorités politiques et administratives considèrent comme prioritaires et sur lesquelles elles ont l'intention d'agir. Ces questions peuvent inclure divers problèmes sociaux, économiques ou environnementaux qui exigent une réponse politique. D'un autre côté, l'agenda médiatique est constitué des histoires et des questions qui sont présentées comme importantes par les médias, que ce soit dans les journaux, les bulletins de nouvelles télévisées, la radio ou sur les sites web d'information. Ces sujets sont ceux qui, selon les médias, méritent l'attention du public et peuvent ou non se recouper avec l'agenda politique.

Ces deux agendas peuvent interagir et s'influencer mutuellement. Par exemple, les médias peuvent mettre en lumière un problème particulier, ce qui pousse les politiques à y prêter attention et à le placer sur leur agenda. Inversement, les décisions politiques peuvent façonner l'agenda médiatique, surtout lorsqu'elles concernent des questions d'intérêt public. Cependant, il peut aussi y avoir des divergences entre ces deux agendas, en fonction des priorités, des valeurs et des contraintes de chaque domaine.

L'agenda politique, notamment celui du Parlement, se manifeste concrètement à travers les sujets et les questions abordées par les parlementaires. Ceux-ci peuvent porter sur une multitude de problématiques sociales, économiques, environnementales, de sécurité, etc. Les motions, les initiatives parlementaires, les postulats, les questions et les interpellations sont autant d'outils dont disposent les parlementaires pour mettre en avant certains sujets. Ils reflètent les préoccupations des élus et, par extension, de leurs électeurs. L'analyse de cet agenda parlementaire peut révéler quelles sont les priorités des autorités politiques à un moment donné, quels problèmes sont jugés suffisamment importants pour nécessiter une intervention politique, et comment ces priorités peuvent évoluer au fil du temps. Il convient cependant de souligner que l'agenda politique ne se limite pas à ce qui est discuté au Parlement. D'autres acteurs, tels que le gouvernement, les partis politiques, les groupes de pression ou les citoyens, peuvent également influencer cet agenda, à travers leurs propres actions et initiatives.

Dans le système suisse, l'agenda du gouvernement, à savoir celui du Conseil fédéral, reste effectivement moins transparent en raison du secret des délibérations. Il s'agit d'une règle qui garantit que les discussions au sein du Conseil fédéral restent confidentielles. Cette règle a pour but de préserver la collégialité du gouvernement, en permettant à ses membres de débattre librement et de prendre des décisions de manière collégiale. Néanmoins, même si les détails des discussions du Conseil fédéral ne sont pas accessibles au public, le gouvernement communique sur ses décisions à travers des communiqués de presse. Ces communiqués peuvent donner une indication sur les priorités du gouvernement, bien qu'ils ne reflètent que les décisions finales et non les débats qui ont conduit à ces décisions. L'agenda du Conseil fédéral peut être influencé par d'autres éléments, tels que les initiatives parlementaires, les votes populaires, les demandes des cantons, ou les développements internationaux. L'analyse de ces facteurs peut donc également donner des indications sur l'agenda politique du gouvernement, même si le processus décisionnel interne reste confidentiel.

Le terme "agenda" dans ce contexte désigne la série de sujets qui sont jugés importants et dignes d'attention par un groupe spécifique. Ces sujets sont généralement des questions ou problèmes publics qui requièrent une action ou une intervention. Lorsque nous parlons de l'agenda des médias, nous nous référons aux sujets que les médias décident de couvrir et de mettre en avant. Cet agenda peut être influencé par divers facteurs, comme l'actualité, l'intérêt du public, les valeurs journalistiques, et parfois même les intérêts commerciaux des entreprises médiatiques. De même, l'agenda des partis politiques est déterminé par les questions sur lesquelles ces partis choisissent de se concentrer, souvent dans le cadre de leurs campagnes électorales. Cet agenda peut refléter les valeurs et les priorités du parti, les préoccupations de leurs électeurs, ainsi que les stratégies électorales. Dans chaque cas, l'agenda est un moyen pour les acteurs de définir ce qui est important et de concentrer l'attention sur ces sujets. Il joue donc un rôle crucial dans le façonnement du débat public et dans l'orientation des politiques publiques.

Mise à l'agenda

Le nombre de problèmes et de questions qui peuvent être abordées à un moment donné, que ce soit dans les médias, au Parlement, ou au sein du gouvernement, est nécessairement limité. Cette limitation est due à des contraintes de temps, de ressources, et de capacité d'attention. Face à ces contraintes, les acteurs doivent faire des choix sur les problèmes à mettre en avant et ceux à laisser de côté. Ces choix peuvent être influencés par une variété de facteurs, tels que l'urgence perçue d'un problème, son importance pour l'opinion publique, sa pertinence par rapport aux priorités politiques existantes, ou sa capacité à générer du soutien ou de l'intérêt. Cela signifie que le lancement d'une nouvelle politique publique peut être un processus difficile et compétitif. Pour attirer l'attention sur un problème et le mettre à l'agenda, il peut être nécessaire de faire appel à des stratégies de communication efficaces, de mobiliser des soutiens, ou de convaincre les acteurs clés de l'importance du problème.

Les médias, tout comme les partis politiques, ont une capacité d'attention limitée et ils sont contraints de sélectionner soigneusement les sujets qu'ils traitent. Dans le cas d'un journal, l'espace est effectivement limité. Les éditeurs doivent décider quelles histoires méritent d'être en première page, qui est l'endroit le plus visible et le plus influent. Ces décisions sont prises en fonction de la ligne éditoriale du journal, de l'actualité, de l'intérêt présumé du public et d'autres facteurs. De même, les partis politiques, lorsqu'ils lancent une campagne électorale, doivent définir leurs priorités et choisir sur quels sujets ils vont se concentrer. Ces choix sont généralement faits en fonction des valeurs et des objectifs du parti, des préoccupations de leurs électeurs, et de la stratégie électorale. Cela souligne la nature sélective de l'agenda-setting, qui est le processus par lequel certains sujets sont choisis comme étant importants et d'autres sont ignorés. Ce processus peut avoir un impact significatif sur l'opinion publique, la politique et la société en général, car il façonne ce dont les gens parlent et à quoi ils prêtent attention.

Dans le cadre d'une campagne électorale ou même de leur communication régulière, les partis politiques ont tendance à se concentrer sur un nombre limité de thèmes clés. Cette concentration permet aux partis de créer une image de marque claire et reconnaissable, de mobiliser leur base électorale et de se distinguer des autres partis. Les thèmes choisis reflètent généralement les valeurs fondamentales du parti, les préoccupations de leurs électeurs et les sujets sur lesquels ils pensent pouvoir faire une différence. Ils peuvent également être influencés par l'actualité et le climat politique général. Le gouvernement fonctionne de manière similaire. Malgré un champ d'action plus large, il doit également définir ses priorités et se concentrer sur certains domaines politiques clés. Ces priorités sont généralement définies dans le programme gouvernemental et sont guidées par les engagements électoraux, les demandes de la société et les contraintes pratiques.

L'agenda des décideurs politiques, comme le Conseil fédéral en Suisse, est effectivement limité en raison des contraintes de temps et de ressources. Ces décideurs sont souvent amenés à prendre des décisions sur des questions complexes et variées, mais ils ne peuvent aborder qu'un nombre limité de problèmes lors de leurs réunions régulières. Cela signifie qu'ils doivent prioriser certains sujets et en laisser d'autres de côté, du moins temporairement. Cela crée effectivement une concurrence entre les différents sujets. Si un sujet est ajouté à l'agenda, un autre peut être laissé de côté. Il s'agit d'un processus dynamique et souvent complexe, qui peut être influencé par de nombreux facteurs, tels que l'urgence des problèmes, leur pertinence pour l'opinion publique, les priorités politiques existantes et les pressions externes. Il en va de même pour l'agenda des médias et des commissions parlementaires. Tous ces agendas sont limités et ne peuvent s'étendre indéfiniment pour accueillir un nombre illimité de sujets. Cela rend l'accès à l'agenda difficile et souvent compétitif, car différents acteurs cherchent à faire valoir leurs propres priorités et problèmes. Cela souligne l'importance de la mise à l'agenda dans le processus politique. L'obtention d'une place sur l'agenda est souvent une étape cruciale pour obtenir une action politique sur un problème donné. Cela nécessite souvent des efforts de plaidoyer, de communication et de mobilisation pour attirer l'attention sur un problème et convaincre les décideurs de sa pertinence.

La mise à l'agenda d'un problème est un processus stratégique qui implique généralement de travailler pour rendre le problème suffisamment intéressant, pertinent ou urgent pour attirer l'attention des acteurs clés, y compris les décideurs politiques, les médias et le public. Ce processus peut impliquer plusieurs étapes. Par exemple, il peut commencer par identifier et définir le problème de manière à le rendre compréhensible et pertinent pour un public plus large. Cela peut impliquer de recueillir des preuves, d'encadrer le problème d'une certaine manière, et de développer des messages clairs et convaincants. Ensuite, les acteurs peuvent travailler à attirer l'attention sur le problème. Cela peut se faire par le biais de diverses stratégies de communication et de plaidoyer, comme le lobbying auprès des décideurs politiques, la mobilisation du public, la sensibilisation des médias, la participation à des débats publics, etc. Enfin, une fois que le problème a été inscrit à l'agenda, les acteurs doivent généralement travailler à maintenir l'attention sur celui-ci et à influencer la manière dont il est abordé et résolu. Cela peut impliquer de participer à l'élaboration de politiques, de faire pression pour des solutions spécifiques, de surveiller la mise en œuvre et de faire pression pour des modifications si nécessaire.

La codification systématique de ces agendas

L'agenda représente l'ensemble des problèmes publics qui sont perçus comme prioritaires par les acteurs politiques, les médias, et par extension, le public. La première page d'un journal est souvent une représentation précise de ce qui est considéré comme important ou urgent à un moment donné. Les décisions sur ce qui apparaît en première page sont généralement basées sur une variété de facteurs, y compris l'actualité, l'intérêt du public, et la ligne éditoriale du journal. La codification systématique de ces agendas - médiatiques, politiques, gouvernementaux, parlementaires, ou budgétaires - permet de suivre l'évolution de l'attention publique et des priorités politiques au fil du temps. Cela peut aider à identifier les tendances, les influences et les dynamiques au sein du paysage politique et médiatique. Cette méthode de codification et d'analyse des agendas est une technique commune en sciences sociales, notamment en science politique et en communication. Elle permet d'analyser non seulement ce dont on parle, mais aussi comment on en parle, en mettant en évidence les cadres et les narratives utilisés pour définir et comprendre les problèmes publics. En somme, l'analyse de l'agenda est un outil précieux pour comprendre le processus politique et la façon dont les problèmes publics sont définis et traités.

En utilisant une grille de codage avec 200 catégories différentes de politiques publiques, on peut avoir un aperçu très précis des priorités et des préoccupations spécifiques abordées dans différents agendas. Cette grille inclus une large gamme de domaines, comme l'économie, l'environnement, la politique monétaire, l'éducation, la santé, le logement, la sécurité, les droits de l'homme, etc. Chacune de ces catégories pourrait être subdivisée en des problèmes ou des sujets plus spécifiques. En appliquant cette grille de codage à différents agendas, que ce soit dans les médias, au sein des partis politiques, dans les gouvernements, les parlements, ou même dans les budgets, on peut obtenir des données quantitatives précises sur l'attention relative accordée à chaque domaine. Cela permet de comparer les priorités entre différents acteurs, de suivre les changements au fil du temps, et de déceler des tendances ou des modèles dans l'attention publique et politique. Une telle analyse aide à comprendre les processus de mise à l'agenda, en montrant quels problèmes réussissent à attirer l'attention et quels autres problèmes sont laissés de côté. Cela fournis des informations précieuses sur le fonctionnement du processus politique et sur les facteurs qui influencent les décisions politiques.

L'analyse de données pluriannuelles offre une perspective précieuse sur les tendances à long terme et les évolutions des priorités politiques et médiatiques. Cela peut révéler quels sont les sujets qui ont été perçus comme les plus urgents ou importants au fil du temps. En codant plus de 22 000 interventions parlementaires en Suisse, on obtient un aperçu détaillé des questions qui ont été soulevées et des problèmes qui ont été priorisés par les législateurs. Les questions, interpellations, postulats et initiatives parlementaires révèle les préoccupations des parlementaires, leurs réponses aux problèmes publics, et leur engagement à agir sur des questions spécifiques. Cette analyse montrer comment l'attention politique se répartit entre différents domaines, comment les priorités ont changé au fil du temps, et quels problèmes ont réussi à se maintenir à l'agenda ou ont été éclipsés par d'autres préoccupations. Ces informations sont précieuses pour comprendre non seulement les priorités politiques actuelles, mais aussi la dynamique politique et les facteurs qui influencent les décisions politiques. En outre, ces données aident à éclairer les discussions sur l'efficacité des politiques publiques, et à évaluer si les efforts politiques sont alignés sur les problèmes et les préoccupations les plus pressants.

L'analyse des communiqués de presse du gouvernement et des accords de coalition peut offrir des informations précieuses sur les priorités et les engagements du gouvernement. C'est une autre facette de l'analyse de l'agenda qui peut enrichir notre compréhension du paysage politique. Les communiqués de presse du gouvernement reflètent souvent les priorités immédiates du gouvernement et la façon dont il communique sur ses actions et ses politiques. En analysant ces communiqués de presse sur plusieurs années, vous pouvez suivre les changements dans l'agenda du gouvernement et observer comment différents problèmes et domaines de politiques publiques ont été prioritaires à différents moments. D'un autre côté, les accords de coalition qui sont négociés au début de la législature peuvent donner un aperçu des objectifs et des priorités à long terme du gouvernement. Ces accords sont souvent le résultat de négociations complexes entre différents partis, et ils reflètent les compromis et les engagements qui guideront l'action gouvernementale au cours des années à venir. Ces deux types de documents - les communiqués de presse et les accords de coalition - peuvent être codés en utilisant la même grille de codage que celle que vous avez utilisée pour les médias et le parlement. Cela permettrait une comparaison directe des priorités et de l'attention accordée à différents domaines à travers les différentes institutions.

Dans un système parlementaire de style "Westminster" comme celui du Royaume-Uni, le "Discours du Trône" (ou "Speech from the Throne" ou "Queen's Speech") est un élément clé à analyser. Traditionnellement, c'est un discours prononcé par le monarque (ou son représentant) à l'ouverture de chaque nouvelle session du parlement. Bien que prononcé par le monarque, il est rédigé par le gouvernement en place et énonce les principales politiques et lois législatives que le gouvernement entend mettre en œuvre pendant la session parlementaire à venir. L'analyse de ce discours peut fournir un éclairage précieux sur les intentions et les priorités du gouvernement. Comme il contient une énumération des principales mesures législatives que le gouvernement prévoit d'introduire, le Discours du Trône peut être vu comme un "plan de route" pour la session parlementaire. Dans le cadre d'une analyse de l'agenda, on peut coder ce discours pour identifier les principaux domaines de politiques publiques qui sont mis en avant, et voir comment ceux-ci se comparent à l'attention accordée à ces mêmes domaines dans les médias, le parlement et d'autres sources que vous analysez. On peut également suivre l'évolution de ces priorités au fil du temps en analysant les Discours du Trône d'années successives.

L'analyse budgétaire est une autre méthode très efficace pour comprendre les priorités d'un gouvernement. Le budget est une déclaration claire des intentions politiques car il montre où le gouvernement choisit d'allouer ses ressources. En analysant les postes budgétaires, on peut voir quels domaines de politique publique le gouvernement privilégie en termes de dépenses. En utilisant la grille de codage de 200 catégories de politiques publiques, on peut attribuer chaque poste budgétaire à une catégorie spécifique. Cela permet de voir combien d'argent est alloué à chaque domaine, de comparer les allocations entre différentes catégories, et de suivre les changements dans les dépenses au fil du temps. Cela peut également être utile pour évaluer si les dépenses budgétaires correspondent aux priorités déclarées dans d'autres sources, comme les discours du trône, les accords de coalition ou les communiqués de presse du gouvernement. Par exemple, si un gouvernement déclare que l'éducation est une priorité, mais que les dépenses pour l'éducation ne représentent qu'une petite part du budget, cela pourrait indiquer un écart entre les discours et les actions.

La grande question qui se pose une fois que tous ces agendas ont été codés sur une longue période dans différents pays est de savoir comment expliquer que certains thèmes sont prioritaires dans tel agenda et dans tel autre. C'est un domaine clé de la recherche en sciences politiques et en études des médias. Si les médias et les acteurs politiques se concentrent sur les mêmes problèmes, il peut être difficile de déterminer qui influence qui. Les médias peuvent mettre en évidence certains problèmes parce qu'ils sont importants pour l'opinion publique, ou parce qu'ils sont discutés par les acteurs politiques. De même, les acteurs politiques peuvent se concentrer sur certains problèmes parce qu'ils sont mis en évidence par les médias, ou parce qu'ils estiment qu'ils sont importants pour leurs électeurs. Pour répondre à cette question, il est nécessaire d'effectuer une analyse détaillée des relations entre les médias et les acteurs politiques, et de tenir compte de nombreux facteurs, tels que le contexte politique et social, les préférences des électeurs, l'influence des groupes de pression, et bien d'autres. En termes de démocratie, il est important que les médias et les acteurs politiques ne se concentrent pas uniquement sur les mêmes problèmes, afin d'assurer une pluralité de voix et de perspectives. Si les médias et les acteurs politiques se concentrent tous deux sur les mêmes problèmes, cela peut limiter le débat public et empêcher l'examen de certains problèmes importants. En outre, si les acteurs politiques se concentrent principalement sur les problèmes qui sont populaires dans les médias, cela peut conduire à une forme de populisme médiatique, où les politiques publiques sont dictées par les préférences des médias plutôt que par les besoins de la société. Cela peut également réduire la capacité des acteurs politiques à aborder des problèmes complexes ou controversés qui peuvent ne pas être populaires dans les médias.

La question de savoir qui contrôle l'agenda est essentielle pour comprendre les dynamiques de pouvoir dans une société et, par conséquent, a de profondes implications pour la démocratie. En définissant l'agenda - c'est-à-dire en décidant quels problèmes sont dignes d'attention et comment ils sont formulés - un acteur peut exercer un grand pouvoir. Cette capacité à définir l'agenda peut influencer les politiques publiques, l'opinion publique et même l'issue des élections. De plus, la question de qui a le pouvoir de définir l'agenda peut révéler qui a le pouvoir dans une société plus largement, et peut soulever des questions importantes sur la représentation, l'équité et la démocratie. Par exemple, si l'agenda est principalement contrôlé par une élite politique ou médiatique, cela peut signifier que certaines voix sont marginalisées ou ignorées, ce qui peut entraver la participation démocratique et l'égalité. D'autre part, si l'agenda est défini de manière plus démocratique, par exemple par une combinaison d'acteurs politiques, de médias et de citoyens ordinaires, cela peut faciliter un débat plus large et plus équilibré. En somme, l'analyse de qui contrôle l'agenda est une tâche complexe qui nécessite une étude approfondie des dynamiques de pouvoir, des structures sociales et politiques, et du rôle des médias.

Analyser les agendas : la construction des problèmes de politique publique

L'analyse des agendas peut se faire de manière quantitative, en mesurant l'importance relative qu'un agenda accorde à une politique publique spécifique. Cette approche peut révéler des tendances et des motifs dans la façon dont les problèmes sont hiérarchisés, et peut aider à comprendre comment les priorités politiques évoluent avec le temps. Toutefois, une telle approche quantitative ne peut pas à elle seule expliquer pourquoi certains problèmes parviennent à l'agenda et d'autres non. Pour comprendre ces dynamiques, une analyse qualitative est nécessaire. Cela implique de regarder comment les acteurs qui cherchent à mettre un problème à l'agenda le construisent et le présentent de manière à attirer l'attention des décideurs politiques. Cette construction du problème peut impliquer plusieurs stratégies, telles que l'encadrement du problème de manière à le rendre pertinent pour les priorités politiques actuelles, la mobilisation d'alliés pour soutenir la cause, ou la recherche de moyens d'attirer l'attention des médias. Comprendre comment ces stratégies sont employées et dans quelle mesure elles réussissent peut offrir un aperçu précieux des processus politiques et de la façon dont les décisions sont prises.

Les problèmes ne sont pas intrinsèquement politiques ou dignes d'attention en eux-mêmes. Ils deviennent des problèmes politiques par l'intermédiaire des acteurs qui les mettent en lumière, les définissent et les présentent comme nécessitant l'attention et l'intervention du gouvernement ou des organismes publics. Cette idée s'inscrit dans un cadre de constructivisme modéré, qui reconnaît à la fois l'existence d'événements objectifs dans le monde réel et le rôle actif des acteurs sociaux dans l'interprétation, la définition et la construction de ces événements en tant que problèmes politiques. Ce processus de construction est influencé par de nombreux facteurs, tels que les intérêts des acteurs, les valeurs culturelles, les idéologies politiques, les contraintes institutionnelles et les relations de pouvoir.

Prenons l'exemple des organismes génétiquement modifiés (OGM) en agriculture. Ce sujet complexe est perçu et défini de différentes manières selon les acteurs et les contextes. Pour certains, les OGM sont principalement un enjeu agricole : ils se demandent si cette technologie permettra ou non d'accroître la productivité agricole. D'autres voient les OGM sous un angle environnemental. Pour certains, ils s'inquiètent du risque de pollution génétique dû à des croisements non intentionnels avec des plantes non modifiées. Par contre, d'autres mettent en avant les bénéfices potentiels des OGM sur l'environnement, comme la réduction de l'utilisation d'herbicides. Il y a également ceux qui voient les OGM à travers le prisme de la santé publique. Pour eux, le débat n'est pas centré sur la productivité agricole ou sur les questions environnementales, mais sur la façon dont notre organisme réagit aux OGM. Ils s'interrogent sur le risque de développer des allergies à certains OGM, une fois qu'ils sont intégrés à notre alimentation, que ce soit directement ou par le biais de l'alimentation du bétail. Enfin, certains acteurs définissent le problème des OGM principalement en termes économiques et de puissance. Pour eux, le cœur du débat concerne les grandes entreprises de biotechnologie, comme Monsanto. Ils estiment que ces entreprises, majoritairement nord-américaines, risquent de créer une dépendance économique en contrôlant le marché des semences, provoquant ainsi une asymétrie entre le marché nord-américain et ceux d'autres régions comme l'Amérique latine, l'Inde ou l'Europe.

Ainsi, dans ce cas les OGM (organismes génétiquement modifiés), peut être perçu et construit de manière très différente en fonction des acteurs impliqués, de leurs intérêts spécifiques et de leurs cadres de référence.

  • Pour certains, le débat sur les OGM est principalement agricole, axé sur l'impact de la technologie sur la productivité agricole.
  • Pour d'autres, c'est un enjeu environnemental, axé sur les risques de pollution génétique ou sur la possibilité de réduire l'usage d'herbicides.
  • Certains le voient sous l'angle de la santé publique, se concentrant sur les effets potentiels des OGM sur la santé humaine, notamment le risque d'allergies.
  • Enfin, il y a ceux qui abordent la question sous l'angle économique et politique, se concentrant sur l'influence des grandes entreprises de biotechnologie et le risque de déséquilibres économiques mondiaux.

Cette multiplicité de perspectives illustre bien le concept du constructivisme en politique : la signification et l'importance d'un problème sont construites socialement, et non pas données objectivement. Cela démontre également à quel point le processus de mise à l'agenda et de définition d'un problème est complexe et sujet à des luttes et négociations constantes entre différents acteurs avec des intérêts et des perspectives variés.

La façon dont un problème est perçu et défini peut grandement influencer sa présence sur l'agenda politique. En ce qui concerne les OGM agroalimentaires, différentes dimensions de la question sont susceptibles de capter l'attention des décideurs politiques. Cependant, la perception de la gravité du problème varie considérablement en fonction des dimensions considérées. Par exemple, si la question des OGM est principalement envisagée sous l'angle de l'environnement, elle peut gagner en visibilité, notamment en raison de l'importance croissante de la protection environnementale dans l'opinion publique et les priorités politiques. D'un autre côté, si le débat se centre sur les inégalités économiques potentiellement causées par la domination de certaines grandes entreprises, la problématique peut être perçue comme plus complexe ou conflictuelle et, par conséquent, pourrait rencontrer plus de résistance à son entrée sur l'agenda politique.

La notion de « framing » ou de cadrage est un aspect clé dans l'analyse des politiques publiques. Ce concept désigne la manière dont un problème est présenté ou interprété. Le cadrage d'un problème peut influencer fortement comment il est perçu, compris et priorisé par les décideurs politiques, les médias et le public. Dans le contexte des politiques publiques, le cadrage peut être une stratégie utilisée par divers acteurs (par exemple, des groupes d'intérêt, des chercheurs, des politiciens, des journalistes) pour mettre en lumière certains aspects d'un problème, tout en en minimisant ou en omettant d'autres. En choisissant soigneusement le cadrage d'un problème, ces acteurs peuvent contribuer à déterminer si et comment un problème est abordé dans l'élaboration des politiques. Par conséquent, comprendre les mécanismes de cadrage et être capable de les utiliser efficacement est une compétence essentielle pour ceux qui souhaitent influencer l'agenda politique.

Reconnaissance d'un problème de politique publique

L'acheminement d'un problème vers l'agenda politique est un processus complexe et multifacettes, et il n'est pas garanti qu'un problème donné franchira toutes les étapes nécessaires. Pour qu'un problème soit reconnu et abordé dans l'élaboration des politiques, il doit surmonter plusieurs obstacles. La première étape consiste généralement à attirer l'attention du public et des décideurs politiques sur le problème. Cela peut impliquer de sensibiliser les gens à la question, de mobiliser l'appui des parties prenantes pertinentes et de présenter des arguments convaincants sur l'urgence et l'importance du problème. La deuxième étape consiste souvent à définir clairement le problème et à proposer des solutions viables. Cela peut nécessiter de la recherche, de la consultation et parfois de la négociation pour surmonter les divergences de vues et les intérêts conflictuels. Même une fois ces étapes franchies, le problème doit encore être inscrit à l'agenda politique, ce qui nécessite souvent d'obtenir l'appui des décideurs politiques. Parfois, malgré les efforts des défenseurs d'une cause, un problème peut être écarté de l'agenda politique en raison de contraintes politiques, de ressources limitées ou d'autres priorités concurrentes. Enfin, une fois qu'un problème est inscrit à l'agenda politique, il faut encore développer, adopter et mettre en œuvre des politiques pour le résoudre. Chaque étape de ce processus présente ses propres défis et obstacles potentiels. Ainsi, même si un problème est identifié et qu'il y a un consensus sur la nécessité d'y répondre, il n'est pas garanti qu'il arrivera au stade de la politique publique. C'est pourquoi il est important de comprendre comment fonctionne le processus d'élaboration des politiques et de s'engager activement à chaque étape pour maximiser les chances de succès.

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Ce schéma représente le long chemin que doivent suivre les promoteurs d’un problème public afin de la construire.

Le passage de la sphère privée à la sphère publique

Le passage de la sphère privée à la sphère publique est souvent le résultat d'une prise de conscience collective, d'une mobilisation d'acteurs ou d'un événement déclencheur. C'est cette étape qui permet de transformer une question privée ou individuelle en problème de société qui nécessite une réponse politique ou collective. Par exemple, une maladie qui affecte un grand nombre d'individus de manière privée peut être reconnue comme un problème de santé publique qui nécessite une action collective, une recherche médicale plus intense ou des politiques publiques spécifiques. De même, une situation d'inégalité sociale peut être perçue initialement comme une situation individuelle ou privée, mais une fois que cette situation est reconnue comme étant systémique ou structurelle, elle peut alors être transformée en un problème public qui nécessite une réponse politique. Cette transition du privé au public est souvent facilitée par des acteurs sociaux, tels que les associations, les groupes de pression ou les militants, qui travaillent à rendre visible le problème, à sensibiliser le public et les décideurs politiques, et à mobiliser le soutien nécessaire pour que le problème soit reconnu comme un problème public nécessitant une action collective. C'est ce que l'on appelle souvent la "mise à l'agenda" d'un problème.

La première étape de la transformation d'un problème privé en un problème public est souvent la plus difficile. La non-reconnaissance sociale du problème est un obstacle majeur à cette étape. La mobilisation individuelle est souvent difficile, car les individus peuvent ne pas se rendre compte que leur problème est partagé par d'autres, ou ils peuvent se sentir isolés ou impuissants. De plus, il peut y avoir une stigmatisation sociale ou un manque de compréhension qui empêche les gens de parler ouvertement de leur problème. Plusieurs facteurs peuvent contribuer à la non-reconnaissance sociale d'un problème. Par exemple, le manque de visibilité peut empêcher la prise de conscience de l'ampleur du problème. Il se peut aussi que le problème soit ignoré ou minimisé, soit par manque d'information, soit en raison de préjugés ou d'attitudes défavorables envers les personnes affectées. L'absence de mobilisation individuelle ou collective peut également jouer un rôle majeur. Sans voix pour articuler le problème et le porter à l'attention du public, il peut facilement rester dans l'ombre. Les organisations non gouvernementales, les groupes de défense des droits et les militants jouent souvent un rôle crucial à ce stade en donnant de la visibilité au problème, en mobilisant le soutien et en plaidant pour la reconnaissance du problème comme un enjeu public. Le but est de faire passer le problème de la sphère privée à la sphère publique, de le faire reconnaître comme un problème social qui nécessite une réponse collective ou politique.

La transformation d'une situation privée en un problème public nécessite souvent l'intervention d'un ou plusieurs acteurs influents pour que le problème soit reconnu à une échelle plus large. Dans le cas des violences domestiques, de l'inceste ou du dopage sportif, bien que ces problèmes soient statistiquement significatifs, ils sont souvent cachés dans la sphère privée, ce qui rend difficile leur reconnaissance comme problèmes sociaux. Cependant, l'intervention d'une personnalité publique - par exemple, un politicien qui révèle avoir été victime de violence domestique - peut catalyser l'attention sur le problème. Cette révélation peut être le déclencheur qui amène les médias, les partis politiques et l'opinion publique à reconnaître le problème. Le phénomène de prise de conscience soudaine et collective de l'ampleur d'un problème est parfois appelé "l'effet de révélation". Cet effet peut être déclenché par un événement marquant, une révélation, un scandale, ou la prise de parole d'une personnalité publique. Une fois qu'un problème a été porté à l'attention du public de cette manière, il a plus de chances d'être pris en compte par les décideurs politiques et de devenir un sujet d'action publique. Cette dynamique met en évidence l'importance du rôle des médias, des acteurs politiques et des militants dans la construction des problèmes publics.

Mise à l'agenda par les autorités politiques

Une fois qu'une question est reconnue comme un problème social ou collectif, elle doit franchir un autre cap pour être considérée comme un problème public. Cela signifie qu'elle est perçue comme nécessitant une solution gouvernementale ou politique, plutôt qu'une simple réponse de la société civile ou des organisations non gouvernementales. Dans ce processus, la question doit être suffisamment sérieuse, urgente ou répandue pour justifier l'intervention des autorités publiques. Il est essentiel de souligner que tous les problèmes sociaux ne deviennent pas des problèmes publics. Ce passage nécessite souvent une mobilisation continue des acteurs concernés, une médiatisation de la question, et une volonté politique d'y répondre. Il s'agit donc d'une étape délicate dans le processus de construction du problème, car elle implique de convaincre un public plus large et les décideurs politiques de l'importance et de la nécessité d'aborder la question à un niveau politique et institutionnel. Les acteurs impliqués dans cette phase peuvent être divers, allant des groupes d'intérêt, des médias, des experts, aux politiciens eux-mêmes.

Il est important de comprendre que le fait qu'une question soit identifiée comme un problème social ou public ne garantit pas automatiquement qu'elle devienne une priorité politique ou figure à l'agenda politique. La construction de l'agenda politique est un processus complexe qui dépend de nombreux facteurs. Cela peut inclure l'environnement politique actuel, les priorités existantes du gouvernement, les ressources disponibles, l'opinion publique, les campagnes de plaidoyer, les événements récents, entre autres. Dans certains cas, bien que la question soit reconnue comme un problème nécessitant une intervention politique, elle peut être éclipsée par d'autres questions jugées plus urgentes ou plus pertinentes. Par ailleurs, certains problèmes peuvent être politiquement sensibles et susciter une résistance ou une controverse, ce qui peut également retarder ou empêcher leur inscription à l'agenda politique. Il est également important de noter que l'agenda politique est dynamique et sujet à des changements. Par conséquent, un problème qui n'est pas actuellement considéré comme une priorité politique peut le devenir ultérieurement en raison de changements dans le contexte politique, social ou économique.

Certains sujets sensibles, comme les réseaux de pédophilie et le travail des enfants, bien qu'ils soient largement reconnus comme des problèmes sociétaux graves, peuvent avoir du mal à figurer sur l'agenda politique pour diverses raisons. Cela peut être dû à la nature délicate de ces questions, qui peut rendre leur traitement politique complexe et potentiellement controversé. Les politiciens peuvent hésiter à aborder ces problèmes de front en raison des conséquences potentielles sur leur image publique et leur soutien électoral. Par ailleurs, il peut y avoir un manque de volonté politique pour traiter ces problèmes, surtout si leur résolution nécessite des ressources importantes ou des changements structurels profonds dans la société ou l'économie.

Le concept de "non-mise à l'agenda" ou de "non-décision" est très important en analyse des politiques publiques. Il fait référence à la situation où, bien que la gravité d'un problème soit reconnue, il n'est pas traité comme une priorité ou n'est pas abordé du tout par les autorités politiques.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles un problème peut être omis de l'agenda politique :

  • Les solutions possibles sont controversées ou politiquement risquées : Si le fait de résoudre un problème nécessite de prendre des mesures qui sont susceptibles d'être impopulaires ou controversées, les politiciens peuvent choisir de ne pas le placer à l'agenda pour éviter un coût politique.
  • Manque de ressources : La résolution d'un problème peut nécessiter un investissement substantiel de temps, d'argent et d'autres ressources. Si ces ressources ne sont pas disponibles ou pourraient être mieux utilisées ailleurs, le problème peut être omis de l'agenda.
  • Les solutions sont complexes ou incertaines : Si un problème est particulièrement complexe ou si les solutions ne sont pas claires, les politiciens peuvent choisir de ne pas le placer à l'agenda jusqu'à ce qu'une solution plus claire soit trouvée.
  • Manque de soutien public : Pour qu'un problème soit placé à l'agenda, il doit généralement y avoir un certain niveau de soutien public. Si le public ne perçoit pas le problème comme une priorité, il peut être difficile pour les politiciens de justifier de le placer à l'agenda.
  • Influence de groupes de pression ou d'intérêts particuliers : Dans certains cas, des groupes de pression ou d'intérêts particuliers peuvent exercer leur influence pour empêcher un problème d'être placé à l'agenda.

Ces "non-décisions" ont des implications importantes pour la démocratie et la gouvernance, car elles peuvent permettre à des problèmes graves de perdurer sans être résolus.

Un des articles les plus cités en science politique est l'article de Peter Bachrach et Morton Baratz, intitulé "Two Faces of Power" (Les deux visages du pouvoir) et publié en 1962, met en avant l'idée que le pouvoir ne se manifeste pas seulement dans les décisions prises, mais aussi dans l'art de contrôler l'ordre du jour politique.[1] Selon Bachrach et Baratz, il existe deux faces du pouvoir. La première est la capacité d'influencer les décisions qui sont prises, c'est-à-dire de faire en sorte que certaines actions soient entreprises par les institutions politiques. C'est la forme la plus visible et la plus souvent analysée du pouvoir. Cependant, ils soutiennent qu'il existe une deuxième face du pouvoir, peut-être encore plus importante : la capacité de contrôler l'ordre du jour et de déterminer quels problèmes et quels sujets seront discutés ou non dans l'espace public. Cette deuxième face du pouvoir est beaucoup plus subtile et difficile à détecter, car elle concerne les "non-décisions", c'est-à-dire les questions qui sont intentionnellement ou systématiquement évitées ou exclues de l'ordre du jour politique. Par exemple, un groupe d'intérêt puissant peut exercer son pouvoir non seulement en influençant les décisions politiques en sa faveur, mais aussi en s'assurant que certaines questions qui pourraient menacer ses intérêts ne sont pas abordées ou débattues publiquement. Cette approche a été extrêmement influente dans l'étude du pouvoir et de l'influence en science politique et en sociologie, et elle reste centrale dans l'analyse contemporaine des politiques publiques.

L'acte de "non-décision", ou le choix délibéré de ne pas mettre un sujet spécifique à l'ordre du jour politique, est en soi une forme d'action politique. C'est ce qu'on appelle souvent une "politique de l'inaction". C'est une décision passive qui a des conséquences tout aussi importantes que la prise de décision active. En d'autres termes, lorsque les responsables politiques choisissent de ne pas aborder un problème, ils prennent une décision par défaut sur la manière dont ce problème sera traité : il restera sans réponse ou sera laissé à d'autres acteurs, qu'il s'agisse de particuliers, d'organisations non gouvernementales ou du marché. En n'agissant pas, les autorités politiques décident en fait de maintenir le statu quo ou de laisser le problème se résoudre de lui-même, ce qui peut avoir des conséquences très réelles. Par exemple, une "non-décision" concernant la régulation des émissions de gaz à effet de serre contribue implicitement au problème du changement climatique. C'est pourquoi l'analyse des "non-décisions" est un aspect important de l'étude des politiques publiques et du pouvoir politique. Elle permet de comprendre non seulement ce que font les gouvernements, mais aussi ce qu'ils ne font pas, et pourquoi.

Même si un problème social parvient à être thématisé et à atteindre l'agenda politique, cela ne garantit pas que des mesures concrètes seront prises pour le résoudre. Le passage à la phase de formulation d'une politique publique implique souvent une série de négociations et de compromis entre différents acteurs politiques, et nécessite généralement un certain niveau de consensus. Si ce consensus fait défaut, ou si les opinions divergent trop sur la meilleure façon de traiter le problème, le processus peut stagner. Dans ce cas, bien que le problème soit reconnu comme relevant de l'action publique, aucune politique spécifique n'est adoptée pour y faire face. C'est un scénario courant dans de nombreux domaines de politique publique, où les débats et les controverses peuvent empêcher l'avancement de solutions potentielles. Le thème peut rester sur l'agenda politique pendant une longue période, sans qu'aucune action concrète ne soit prise. Cela peut entraîner des frustrations chez les parties prenantes et le public, et contribuer à un sentiment d'immobilisme politique.

L'exemple de l'assurance maternité illustre parfaitement à quel point le processus de mise en place d'une politique publique peut être long et complexe. En dépit d'une reconnaissance constitutionnelle, il a fallu plusieurs décennies pour que la maternité soit effectivement reconnue comme une condition méritant une couverture d'assurance. Quant à la taxe Tobin sur les transactions financières, c'est un autre exemple de la difficulté de transformer un concept en une politique mise en œuvre. Proposée pour la première fois en 1972 par l'économiste James Tobin, cette taxe viserait à réduire la spéculation sur les marchés financiers en taxant les transactions internationales. Malgré l'appui de certaines personnalités politiques et organismes, elle n'a jamais été mise en œuvre à l'échelle mondiale, démontrant une fois de plus la complexité des processus politiques.

La définition d'un problème public est un processus complexe qui nécessite de surmonter diverses étapes. Les chercheurs dans le domaine des politiques publiques qui s'intéressent à la construction des problèmes et à leur mise à l'agenda cherchent à comprendre quelles sont les dimensions que les acteurs manipulent pour construire un problème et comment ils réussissent à inscrire un problème à l'agenda. Il s'agit notamment d'identifier les éléments clés qui déterminent comment un problème est perçu et compris, et quels sont les facteurs qui facilitent ou entravent son inscription à l'agenda politique. Cela pourrait inclure des facteurs tels que la présence ou l'absence de consensus public ou politique, la gravité perçue du problème, la disponibilité de solutions réalisables, et les intérêts politiques, économiques ou sociaux en jeu. Ces dimensions peuvent varier considérablement selon le contexte et le problème spécifique, et la compréhension de ces dynamiques est essentielle pour ceux qui cherchent à influencer l'agenda politique.

Construction (stratégique) des problèmes

Les recherches empiriques suggèrent que les problèmes qui réussissent à se hisser sur l'agenda politique possèdent souvent certaines caractéristiques. Ce ne sont pas forcément des caractéristiques objectives, mais des caractéristiques qui peuvent être construites.

Promotion du problème : Sévérité

Une caractéristique commune des problèmes qui parviennent à l'agenda politique est qu'ils sont souvent présentés comme étant d'une sévérité particulière. Ceux qui cherchent à promouvoir le problème tentent de persuader les décideurs politiques de la gravité de la situation et des conséquences potentiellement dramatiques de l'inaction. Cela sert à instiller un sentiment d'urgence et à inciter les décideurs à agir pour prévenir ou atténuer ces conséquences négatives.

Le choix des termes utilisés pour décrire un problème peut grandement influencer la perception de sa gravité. En utilisant des labels forts ou alarmants, les acteurs qui cherchent à mettre un problème à l'agenda politique renforcent l'idée de la sévérité de la situation et des conséquences potentiellement désastreuses de l'inaction. L'emploi d'une terminologie adéquate est donc crucial pour attirer l'attention des décideurs et du public, et susciter une prise de conscience collective autour du problème.

La question du périmètre

La deuxième dimension, celle du périmètre, complète en effet la première. Elle pose la question de l'étendue de l'impact du problème : combien de personnes sont concernées et dans quelle mesure ? En théorie, plus le problème touche de personnes, plus il est susceptible d'attirer l'attention des décideurs politiques. Cependant, l'audience d'un problème ne se mesure pas uniquement en nombre de personnes affectées. La nature même des personnes concernées, c'est-à-dire leur statut, leur rôle dans la société ou leur vulnérabilité, peut également jouer un rôle déterminant dans l'attribution d'une importance politique au problème.

Une analyse particulièrement intéressante a été réalisée à propos de l'attention accordée au SIDA par les décideurs politiques du Congrès américain. Aujourd'hui, bien que le SIDA ne soit pas un sujet dominant dans nos débats publics, il est intéressant de noter qu'il n'y a pas toujours une corrélation directe entre l'ampleur objective d'un problème de santé publique et l'attention qu'il reçoit de la part des politiciens.

Ces chercheurs ont constaté que l'attention accordée au problème du SIDA par le Congrès américain et le budget alloué à sa lutte ont connu des variations significatives au fil du temps. Ils se sont donc interrogés sur les facteurs expliquant ces variations. Leur analyse a révélé que ces changements étaient largement influencés par la perception de qui était affecté par le problème du SIDA. En d'autres termes, la façon dont le problème était "encadré" ou "présenté" politiquement, ainsi que la manière dont les groupes d'intérêt et les associations définissaient les victimes du SIDA, jouaient un rôle crucial dans la détermination de l'attention accordée au problème par les politiciens.

Au début de l'épidémie de SIDA, le problème était souvent perçu comme affectant principalement certains groupes marginalisés, tels que les hommes homosexuels ou les utilisateurs de drogues intraveineuses. Cependant, au fur et à mesure que l'épidémie progressait, il est devenu clair que le virus affectait une population beaucoup plus large. Lorsque le SIDA a commencé à être perçu comme un problème touchant un public plus large, y compris les personnes hétérosexuelles et les enfants, l'attention accordée au problème par les politiciens et le financement alloué à sa lutte ont augmenté. Cet exemple illustre comment la perception de l'audience d'un problème - qui est affecté par ce problème - peut influencer l'attention politique accordée à ce problème. Cette perception de l'audience peut être influencée par la façon dont le problème est "encadré" ou "présenté" dans les discours politiques et par les groupes d'intérêt.

Lorsque le SIDA était principalement associé à des groupes socialement marginalisés ou stigmatisés, comme les homosexuels et les consommateurs de drogues intraveineuses, il y avait moins de volonté politique d'aborder le problème sérieusement. Certains discours de l'époque étaient extrêmement préjudiciables et suggéraient que le SIDA pourrait être une forme d'"auto-élimination" pour ces groupes marginalisés. Ces attitudes ont contribué à un manque d'attention et de ressources consacrées à la lutte contre le SIDA.

La révélation de Magic Johnson en 1991 qu'il avait été diagnostiqué séropositif a radicalement modifié la perception du VIH/SIDA. Jusqu'à ce moment, le VIH/SIDA était largement considéré comme une maladie affectant principalement la communauté gay et les utilisateurs de drogues. Mais lorsque Magic Johnson, un sportif très respecté et connu pour son comportement hétérosexuel, a révélé qu'il était atteint du VIH, cela a changé la façon dont la maladie était perçue et comprise par le grand public. Cette annonce a aidé à élargir le périmètre du problème, à montrer que le VIH/SIDA n'était pas limité à certains groupes marginalisés, mais qu'il pouvait toucher n'importe qui, y compris les athlètes de renommée mondiale. Cela a entraîné une prise de conscience et une augmentation significative de l'attention portée au VIH/SIDA, non seulement aux États-Unis mais aussi dans le monde entier. Cela a conduit à une augmentation des fonds pour la recherche et le développement de traitements, ainsi que pour les programmes de prévention et d'éducation. C'est un exemple frappant de la façon dont les perceptions de qui est affecté par un problème peuvent influencer l'attention politique et les ressources consacrées à sa résolution.

La révélation que le virus du VIH/SIDA avait infecté la communauté hémophile à la suite de transfusions de sang contaminé a marqué une nouvelle étape dans la perception publique et politique de la maladie. Les personnes atteintes d'hémophilie sont généralement considérées comme des patients innocents qui contractent la maladie sans aucune faute de leur part, contrairement aux préjugés souvent associés aux communautés homosexuelles et aux utilisateurs de drogues. Cette nouvelle audience a attiré l'attention sur les problèmes systémiques du système de santé et sur les questions de sécurité du sang. Cela a également mis en évidence la nécessité d'une politique de santé publique plus robuste pour prévenir la propagation du virus, y compris un meilleur dépistage du sang et des protocoles de traitement plus sûrs. Ainsi, l'élargissement de l'audience du VIH/SIDA à des groupes plus larges et plus diversifiés de la société a joué un rôle clé dans l'augmentation de l'attention politique accordée à la maladie et dans la formulation de politiques plus efficaces pour la combattre.

L'identification d'une audience concernée par un problème est une étape cruciale pour attirer l'attention politique sur une question donnée. Plus le périmètre de personnes touchées est large et diversifié, plus il est probable que le problème soit reconnu comme une question d'intérêt public nécessitant une intervention de l'État. La stratégie d'élargissement du périmètre peut inclure divers groupes sociaux. Les groupes touchés peuvent être définis par des caractéristiques communes, comme une maladie, une profession, une orientation sexuelle, un âge, ou même un lieu de résidence. De plus, ce périmètre peut évoluer avec le temps, en fonction des nouvelles informations disponibles, des évolutions sociétales, ou des actions de différents acteurs, qu'ils soient des victimes, des groupes de soutien, des chercheurs, des journalistes, ou des politiciens. Ces acteurs peuvent utiliser divers moyens pour sensibiliser l'opinion publique et les décideurs politiques à un problème, comme des campagnes de sensibilisation, des témoignages, des études scientifiques, des reportages, des actions de lobbying ou des manifestations. Au fur et à mesure que le périmètre s'élargit et que l'attention portée au problème augmente, les chances de voir ce problème inscrit à l'agenda politique et de voir des mesures prises pour le résoudre augmentent.

nouveauté du problème

La troisième attention qui a été démontrée du point de vue empirique est la nouveauté du problème. Les politiciens n’aiment pas traiter de vieux problèmes, ils n’aiment pas ressasser les mêmes histoires. Donc, indépendamment de la nature foncière du problème que l’on souhaite mettre à l’agenda, il faut le labéliser à nouveau, il faut le reformuler, le mettre au goût du jour, il faut le coupler à une préoccupation qui semble prioritaire. Si on prend le cas de la pollution atmosphérique, cela fut au début perçu comme quelque chose d’excessivement localisé, à savoir du « smog » urbain, maintenant l’attention quelques années, mais par la suite, l’attention contre la pollution atmosphérique a été remise à l’agenda grâce à quelque chose qui était la mort des forêts qui a traumatisé une partie de la Suisse alémanique, beaucoup plus les gens que le smog urbain en termes d’attention et en termes de politique qui a été menée, aujourd’hui, on voit l’élargissement de ce problème dans une double dimension, certes, le changement climatique, mais aussi une relocalisation au niveau des agglomérations avec le débat sur les particules fines. Un problème doit être nouveau pour être attractif.

urgent

La quatrième dimension est que les gens construisent leurs problèmes comme urgent avec une nécessité d’intervenir immédiatement. Il faut construire son problème comme une situation de crise. C’est dès fois évident de le faire comme avec le cas des attentats qui est un cas très facile puisqu’il n’y a même pas besoin de déclarer l’état d’urgence, le politique s’en saisit tout de suite. C’est quelque chose que l’on observe fréquemment dans des pandémies ou des épidémies. Les gens qui ont des difficultés à construire leur problème comme urgent sont des gens comme la fondation suisse pour la protection du paysage qui essaie d’expliquer que la dégradation du paysage est un problème prioritaire et qu’il est urgent d’agir aujourd’hui pour éviter que l’on ne fasse rien pendant cinquante ans et que graduellement le paysage soit dégradé. Selon le type d’enjeu que l’on souhaite porter, il va être très difficile de ne pas se faire déclasser par des problèmes qui sont considérés comme plus urgents.

les causes du problème

Lorsqu’on construit un problème, on va dire quelles sont les causes du problème, mais aussi dire quels sont les gens qui pâtissent du problème. En définissant les causes du problème, on va identifier, on va désigner politiquement, on va des fois stigmatiser politiquement des acteurs comme responsables voir coupables du problème. La question est de savoir quel type de cause va-t-on pouvoir invoquer lorsqu’on raconte en quoi consiste notre problème. On identifie des comportements de certains acteurs comme étant la cause du problème, mais la question est de savoir s’ils le font exprès, par négligence ou si c’est quelque chose de purement accidentel. Un débat permet de faire une analyse qui a eu lieu après l’effondrement de maison suite à un tremblement de terre au Maroc. On essaie de remédier à cette situation. Pour certains, c’est une cause accidentelle, il n’y a pas de politique publique qui puisse empêcher les tremblements de terre. Pour d’autres, c’est une négligence de l’État, car on savait pertinemment qu’il allait y avoir des tremblements de terre, mais on n’a pas désigné de zones non constructibles sur des zones particulièrement sismiques, ou on n’a pas identifié des normes de sécurité pour la construction des bâtiments de sorte qu’ils résistent en cas de tremblement de terre ; donc, c’est une négligence de l’État ou de certains acteurs locaux dans l’identification des zones sismiques ou dans la non-définition de normes antisismiques pour la construction des bâtiments. Dans le premier cas, on ne peut pas interdire par la constitution la survenue d’un tremblement de terre, mais dans le deuxième cas on peut déjà mener une politique publique en disant qu’on va faire un aménagement du territoire et des lois sur des constructions qui visent à prévenir l’effondrement des maisons. Il y a aussi une cause intentionnelle qui est la situation où, toujours dans le même cas, on dit qu’on savait qu’il y avait des tremblements de terre, en plus, l’État avait fait des zones sismiques, avait adopté des normes de construction particulièrement sévères pour les maisons dans ces zones sismiques. Ce qui s’est passé est qu’il y a des promoteurs et des constructeurs qui, de manière intentionnelle, délibérée, n’ont pas respecté les normes de construction pour gagner plus d’argent et c’est pour cela que les maisons se sont effondrées. Ce que nous apprend la littérature est que les problèmes où il y a une cause intentionnelle s’imposent beaucoup plus facilement à l’agenda que les autres. Quand on identifie quelqu’un comme étant responsable du problème et intentionnellement même coupable de ce problème, il savait les conséquences de ses actes et il l’a fait délibérément, alors, on peut identifier facilement un groupe cible et intervenir afin d’essayer d’en modifier le comportement. Généralement, les histoires qui s’imposent lorsqu’on débat d’un problème sont celles où on a identifié un coupable et une cause intentionnelle. Lorsqu’on lit la presse de façon critique, il faut essayer de savoir de quelle nature est la cause invoquée.

complexité du problème

La complexité du problème ou des causes que l’on énonce est aussi un facteur qui explique pourquoi un problème retient l’agenda ou ne retient pas l’agenda. La simplicité des hypothèses, et cela est un peu navrant pour les gens qui essaient de lutter contre le populisme, est que plus l’histoire est simple et plus elle a de chances de s’imposer à l’agenda. Si on raconte une histoire complexe avec une multitude de causes et qu’on ne sait pas exactement où les pouvoirs publics doivent mettre une action prioritaire, alors, cela va être plus difficile. Les pires choses que l’on a pu faire est de stigmatiser des populations comme étant la cause de tous les problèmes. Dans le cas moins dramatique avec le débat sur : il faut réguler les bonus des top-managers pour lutter contre la crise financière, cela est assez simpliste et c’est une historie qui s’est bien imposée en limitant la part flexible de la rémunération des top-managers on va résoudre les problèmes d’incitations perverses et des déséquilibres dans le marché financier. Pour les gens qui travaillent dans le domaine, cela est un peu simpliste, mais cela retient rapidement l’opinion publique et éventuellement celle de certains partis.

La dernière dimension est celle de la quantification du problème, du fait de pouvoir objectiver, de pouvoir rendre visible voire de pouvoir monétarisé, donner une valeur au problème ou aux effets négatifs du problème que l’on veut inscrire à l’agenda. La pollution de l’air, généralement n’existent pas tant que l’on n’a pas de statistiques démontrant les effets nocifs par exemple des particules fines ou la radioactivité. Donc, il faut des acteurs qui puissent construire le problème notamment au travers de statistiques voire donner un coup à la nature du problème pour interpeler les esprits. Cela présuppose certaines capacités d’action des acteurs.

Quels acteurs jouent un rôle important ?

Pourquoi est-ce qu’un problème suit ce cheminement causal jusqu’au bout ? Cela est peut-être parce qu’il a certaines caractéristiques qui font référence à la manière par laquelle il est construit par les acteurs parce qu’il est sévère, parce qu’il a un large périmètre parce qu’il a été objectivé, quantifié, parce qu’il a trouvé une cause intentionnelle. La question qui se pose aussi est de savoir quels sont les acteurs qui construisent ces problèmes, qui sont en mesure de manipuler ces décisions sur la construction du problème. En d’autres termes, qui construit les problèmes publics que l’on retrouve à l’agenda.

Il y a différentes approches et différentes hypothèses théoriques qui ont été proposées dans la littérature. Cinq sont assez dominantes et on trouve pour ces hypothèses des démonstrations empiriques tout à fait probantes.

Certains parlent d’un modèle de la médiatisation en disant que le pouvoir politique ne va retenir à l’agenda que ce qui se trouve à l’agenda des médias. Les médias parlent de certains thèmes qui sont en suite reprise par les pouvoirs politiques que cela soit la presse, les réseaux sociaux, les instituts de sondages qui expriment par exemple quels sont les problèmes considérés prioritaires. On trouve des évidences empiriques de ce mécanisme de médiatisation donc de construction par les médias du problème qui sera inscrit à l’agenda dans des cas de scandales politico-financiers ou autres ou bien dans d’autres cas soulevé par des journalistes d’investigation. On le trouve aussi parfois dans des cas plus étonnants comme le cas des chiens dangereux. Les médias peuvent construire l’attention des acteurs politiques.

Certains font l’hypothèse que c’est l’offre politique donc les thèmes mis en avant alors des campagnes électorales qui vont être en suite repris par le gouvernement et le parlement. C’est une hypothèse assez logique et assez séduisante, on est élu en faisant des promesses et on va tenir ses promesses une fois élues. Cela marche très bien pour certains partis comme, par exemple, les partis de la droite radicale et les questions d’immigration. Des analyses montrent la part relative qu’accorde certains parti à la thématique de l’immigration et quelles sont en suite les interventions parlementaires que font ces partis sur les thématiques de l’immigration et quel est le contrôle qu’ont ces partis sur le cadrage dans le débat politique, et on constate qu’il y a une forte congruence entre ces différents agendas. Donc, si on croit à cette hypothèse, il faut regarder de quoi parlent les partis lors des campagnes électorales et on comprendra de quoi parlent les gouvernements et les parlements dans la législature qui suit.

Ces deux premières hypothèses assez évidentes nient le fait que les acteurs privés ou associatifs jouent aussi un rôle décisif dans la construction des problèmes. Plusieurs hypothèses ont été formulées pour dire que ce sont les groupes d’intérêts, les groupes de pression et les lobbys qui formulent des demandes tout à fait sectorielles qui concernent uniquement leur propre champ d’activité et qui arrivent à retenir l’attention des décideurs politiques. C’est ce qu’on appelle le modèle de l’action corporatiste silencieuse. Les agriculteurs, mais aussi les banquiers semblent avoir fréquemment recourt à ce type de mise à l’agenda. Dans le cas d’espèce, c’est une association professionnelle, par exemple, l’Union suisse des paysans ou l’association suisse des banquiers ou l’association des banquiers privés qui anticipe un problème et qui formule des demandes directement au travers, par exemple, d’un parti ou d’un département pour que l’on intervienne dans leur champ. Généralement, ils disent qu’il y a un problème et qu’il faudrait intervenir, on a une solution et il nous faut déléguer la résolution de ce problème et ils veulent une caution de l’État, contrôler l’agenda politique en disant qu’il ne faut pas que cela soit d’autres qui thématisent des problèmes qui nous concernent. Cette action corporatiste silencieuse passe par des activités de lobbying qui, elles, ne sont pas généralement médiatisées, qui sont parfois politisées par certains partis, mais pas forcément et qui débouchent sur des inscriptions à l’agenda du gouvernement ou du parlement.

Les nouveaux mouvements sociaux sont des acteurs qui ne sont pas constitués en organisation, mais qui mobilisent néanmoins des masses importantes sur des thématiques particulières comme, par exemple, dans le cas de la lutte antinucléaire ou des luttes altermondialistes et qui, au travers des manifestations, voire des manifestations violentes non institutionnelles essayent d’inscrire à l’agenda une thématique dont personne ne veut parler. Les grandes hypothèses qui ont été formulées ici est quel type de manifestation est particulièrement porteuse pour une inscription à l’agenda. Ont été débattues trois grandes hypothèses :

  • Est-ce que c’est la fréquence des manifestations qui va rendre la thématisassions du problème plus élevé? Est-ce que plus souvent il y a des gens dans la rue et plus le thème qui les préoccupe sera à l’agenda?
  • D’autres ont dit que c'est la taille de la manifestation qui importe le plus. Est-ce que plus il y a de monde dans la rue, plus le thème sera à l’agenda? Donc, il ne faut pas avoir quelques manifestations de fonctionnaires d’un canton, mais il faut une manifestation très importante pas seulement des fonctionnaires, mais d’une frange beaucoup plus large de la population une fois pour faire bouger par exemple un gouvernement dans une microrépublique.
  • La troisième hypothèse n’est ni la fréquence ni la taille de la manifestation qui compte, c’est le degré de violence de la manifestation. Si la manifestation est conventionnelle, policée, d’abord, elle a peut-être moins d’attractivité médiatique, mais elle aura beaucoup moins d’impacts que si la manifestation est non institutionnalisée, non encadrée, non permise, voire carrément violente.

Un troisième acteur est l'administration. Dans le modèle de l’anticipation interne, on sait l’acteur politique est central dans l’inscription à l’agenda d’un problème. On parle d’anticipation parce que même s’il n’y a pas de médiatisation, de politisation, de groupe d’intérêt ou de mouvement sociaux, il y a certains problèmes sur lesquels l’administration à une expertise et qu’elle souhaite inscrire dans la politique gouvernementale. Cela s’observe assez souvent dans le domaine de la santé, notamment en termes de politique de prophylaxie[2], c’est tout ce qui est prévention des toxicodépendants, du tabac, de l’alcool. Ces thèmes sont souvent mis à l’agenda par des hauts fonctionnaires (membres d’un ministère) qui ont un accès privilégie et direct à la politique ,car leur chef de département est membre du collège gouvernementale, de l’exécutif. C’est donc facile pour eux de retenir directement l’attention des décideurs politiques.

Par exemple, l’Euro a émergé à travers la Commission européenne qui a anticipé les problèmes sans qu’il y ait de mouvements sociaux, de médias, de partis ou de groupes politiques pour faire pression. L'administration européenne a donc fait de l'anticipation interne en créant cette monnaie unique.

Dans la pratique, ces modèles ne suffisent pas à tout expliquer, on trouve encore d’autres acteurs comme les organisations internationales qui peuvent pousser la mise à l’agenda d’un problème, imposer leur agenda. Celui-ci peut être ignoré ou non voulu par les acteurs locaux (médias, politiques, associations…) d’un pays, mais peut provenir de l’extérieur. Les organisations internationales(OCDE, UE) ont parfois imposé à l’agenda suisse des thèmes comme l’évasion et la fraude fiscale en « forçant » la Suisse de faire des réformes dans ses pratiques de protection des fraudeurs fiscaux.

Pour comprendre pourquoi un thème est à l’agenda, il faut voir comment il a été construit par ces différents acteurs en utilisant les stratégies de constructions de problèmes vus avant.

Exemple de la peine de mort aux États-Unis

C’est un enjeu où l’État apparaît dans sa forme la plus violente. Selon Max Weber, l’État a le monopole de la violence légitime et il l’utilise dans certains cas pour faire la guerre. C’est aussi une violence légitime pour prélever les impôts, mais l’État peut aussi donner la mort en toute légitimité si on est dans un système politique où la peine de mort est prévue.

Frank Baumgartner, Suzanna De Boef et Amber Boydstun, dans l’ouvrage The Decline of the Death Penalty and the Discovery of Innocence publié en 2008, ont fait une analyse sur la manière dont était construit le problème de la peine de mort sur les différents cadrages qui existent, sur les visions qu’avait les américains de la peine de mort et sur l’éventuel impact de ces différentes définitions du problème sur la politique pénale qui est menée et en particulier sur le nombre d’exécutions ou de condamnations à mort qui sont prononcées chaque année aux États-Unis.

Si on lit la presse, on sait que de manière assez fréquente, des gens sont exonérés après avoir été parfois pendant des décennies dans le couloir de la mort. Un des derniers cas qui a été fortement médiatisé est Anthony Hinton. Cette personne, pour une raison de procès inéquitable est restée trente ans dans le couloir de la mort en Alabama avant d’être innocentée puis libérée.

C’est pour analyser ce phénomène et notamment l’impact de la dimension cognitive, c’est-à-dire vision du monde et construction des problèmes que Baumgartner et ses collègues ont faits une analyse des problèmes tels qu’ils sont représentés dans la presse de la peine de mort.

Ce cas empirique traite de la mise à l’agenda d’un problème ou plutôt de la reformulation d’un problème, de la redéfinition d’un problème. Il y a un cycle de politique publique, mais qui n’est pas une boucle qui se déroule qu’une seule fois, c’est quelque chose qui doit être conçu comme une spirale dans le sens où si on a adopté une politique, qu’on la mise en œuvre, qu’on a évalué ses effets, alors peut être l’évaluation de ces effets va nous amener à reconsidérer le problème, à reformuler le problème, ce qui pourra éventuellement influencer un nouveau cycle de politique publique, une reformulation, un changement dans le contenu de la politique publique.

Dans le cas d’espèce, à savoir l’analyse empirique de la peine de mort aux États-Unis, on est vraiment dans une étape de remise à l’agenda d’un problème qui n’est pas définitivement réglé.

Nombre de pays qui ont aboli la peine de mort.

Ce graphique montre le nombre de pays qui ont graduellement aboli la peine de mort et on voit que c’est véritablement à partir des années 1960 qu’on a une évolution quasi exponentielle du nombre de pays qui renonce à l’usage de la violence légitime par l’État sous forme d’exécution. En ce qui concerne les États-Unis, toujours pas ; c’est une grande démocratie qui n’a toujours pas aboli la peine de mort.

Nombre d’exécutions aux États-Unis.

Cette politique se traduit par des décisions de l’administration, par des jurys populaires et par des actes administratifs de mise en œuvre qui consistent en des exécutions. Ces exécutions ont augmenté depuis le début des années 1800. Ensuite, il y a toute une phase où il y en a eu aucune vers le milieu des années 1970 puisqu’il y a eu tout un débat sur la constitutionnalité de la peine de mort notamment au niveau des États et au niveau fédéral. Suite à ce débat qui a établi qu’il n’y avait pas de problèmes avec la constitution, alors, il y a eu une croissance de nouveau et une reprise des exécutions. Cela est la perspective historique à long terme.

Ce que va faire Baumgartner et ses collègues est d’analyser véritablement la période de 1960 à 2010 qui correspondait aussi à la période où beaucoup de pays ont abandonné la peine de mort.

Exécutions selon les États américains : 1977 - 2007

Si on regarde de 1977 à 2007, les exécutions qui sont faites ne sont pas faites partout avec la même « intensité » selon les États américains. Au Texas, il y a eu 279 exécutions alors qu’en Alaska ou encore à Hawaï, il n’y a pas eu d’exécution observée entre 1977 et 2007. Ce nombre d’exécutions est à mettre en rapport par rapport au nombre de condamnations à mort qui existent.

Population dans le couloir de la mort et exécutions depuis 1976.

Il y a le cas du Texas où il y a 392 personnes qui, entre 1977 et 2007, ont été condamnées à mort ou sont dans le couloir de la mort et sur ces 392, il y en a 379 qui ont été exécutés par l’État. Cela fait environ 96% des gens qui, une fois condamnés, sont exécutés. On passe donc à l’acte d’exécution de manière quasi « automatique ». Il y a d’autres États comme la Californie où, certes, il y a de nombreuses personnes condamnées à mort ou qui sont dans le couloir de la mort, par contre, les exécutions sont une exception ; environ 2% des personnes sont exécutés en Californie. Il faut être très attentif entre le nombre d’exécutions, le nombre de condamnations et les différences qui existent entre les différents États.

Ce que va analyser Baumgartner et ses collègues est l’impact d’un nouveau cadrage du problème, d’une nouvelle définition de la peine de mort, ce qu’ils vont appeler la « découverte de l’innocence ». En recourant à des tests ADN notamment, on découvre que nombre de personnes qui sont dans le couloir de la mort sont en fait innocent. Donc, potentiellement et c’est cela qu’amène le cadrage, on a exécuté des innocents. Les preuves scientifiques de l’innocence de certaines personnes condamnées à mort dans le couloir de la mort sont un changement cognitif qui va avoir un impact central et en cascade sur les pratiques effectives d’exécution.

Ils vont regarder comment ce concept de l’innocence qui est notamment parti de facultés de droit où des gens ont essayés de refaire des procès de personnes qui ont été condamnés à mort et de voir dans quelle mesure leur procès avait été équitable ou éventuellement s’ils avaient été condamnés sans preuve suffisante ou même contre toute évidence empirique. Ils ont découvert que le système est cassé, le système n’est pas forcément équitable, qu’il y a des gens innocents que l’on exécute. En mettant en avant cette redéfinition du problème, ils ont eu un impact médiatique et un impact aussi politique et finalement un impact sur les décisions concrètes que prennent les jurys.

Cette découverte de l’innocence ou cet argument qu’on assassine peut-être des innocents et qu’il faut réfléchir peut-être à nouveau sur la peine de mort est un argument parmi plein d’autres. Ce que montre dans son enquête Baumgartner et ses collègues est que cet argument est l’argument le plus fort dans l’histoire, mais aussi le plus récent et probablement l’argument qui a eu le plus d’impact sur les décisions prises en matière d’exécution.

Nous allons voir comment ils construisent leur argument afin d’arriver à leur conclusion. Ce qu’ils ont fait est qu’ils ont analysé la presse. Ils ont analysé des articles dans le New York Times, pas uniquement dans le New York Times, ils ont aussi pris de la presse au niveau des États et d’autres presses au niveau fédéral. Depuis 1960, ils ont passé au crible tous les articles qui concernaient la politique de la peine de mort soit environ 4000 articles identifiés. Ils ont lu ces articles et ont codé chacun de ces articles en se demandant si l’auteur est plutôt en faveur ou en défaveur de la peine de mort et sur la base de quel argument donc de manière inductive sans catégories prédéfinies. Ils ont recensé les différents arguments qui étaient invoqués par les rédacteurs des articles pour discuter d’un cas lié à la peine de mort. Ils ont finalement agrégé ces arguments dans 65 grandes catégories.

En codant ces 4000 articles, les arguments qui se trouvent dans ces articles, ils ont réussi à voir l’importance relative qui était accordée à différents arguments.

Il y a notamment l’argument de l’efficacité qui consiste à dire qu’il faut maintenir la peine de mort parce que cela a un effet dissuasif. Si les gens savent qu’ils peuvent être exécutés, ils vont peut-être réfléchir à deux fois avant de commettre un acte criminel. C’est l’argument de « deterrence » que l’on retient assez facilement dans les débats sur la peine de mort.

Il y a l’argument moral est l’argument que ce n’est pas parce que quelqu’un a tué qu’il est moralement acceptable de tuer par vengeance. La question est de savoir s’il est moral pour l’État d’exécuter des gens.

Le troisième argument est la potentielle équité. La question est de savoir si exécuter quelqu’un signifie que pour sûr le procès en amont a été équitable ou est-ce que les riches s’en sortent toujours et les pauvres malheureusement pas par exemple.

Il y a un débat qui soulève l’argument en termes de coûts, à savoir si cela coûte plus cher d’exécuter les gens que de les maintenir dans des prisons centralisées voire même de faire de l’argent si on privatise les prisons. C’est un débat loin de toute morale en termes d’efficacité, savoir si la peine de mort coûte trop cher.

Un débat relève des modes d’exécution qui fut hautement thématisé.

Un autre argument était celui de la pression internationale ou de l’image des États-Unis comme une démocratie par rapport à cette thématique. Depuis 1960, un nombre important de pays abandonnent la peine de mort et la question est de savoir s’il faut se préoccuper du fait que de plus en plus de pression internationale sont mises sur les États-Unis pour qu’ils abandonnent la pratique de la peine de mort.

Il y a en tout 65 arguments que l’on retrouve dans la presse et en codant les 4000 articles depuis 1960, en identifiant les arguments qui sont dans chacun de ces articles, Baumgartner arrive à la conclusion qu’il y a une croissance dans l’attention qui est accordée à l’enjeu et particulièrement aux alentours des années 2000. Donc il y a pour une année plus de 200 articles qui sont consacrés à la peine de mort, c’est un pic d’attention relative.

Nombre d'articles dans le New York Times : saillance de l’enjeu.

On voit clairement ce qui s’apparente à une « issue salliance » qui est la saillance, la visibilité et la priorité accordée à cet enjeu dans les débats médiatiques. C’est assez impressionnant si on pense qu’on est à près de 250 articles sur une année, donc deux jours sur trois on parle de ce sujet. Là, il y a véritablement une croissance est la croissance la plus importante de l’attention qui se porte aux alentours des années 2000 sur cette thématique. Il y avait un autre pic lorsqu’on discutait de la constitutionnalité dans les années 1970. Donc, on n’a jamais autant parlé de la peine de mort depuis le début des années 1960 que pendant cette période des années 2000.

Croissance du concept de “ l'innocence ” : nouveau cadrage.

Si on regarde ces articles en particulier et comment est-ce qu’ils parlent de la peine de mort, en fonction de quelle définition, de quel cadrage, on retrouve dans ce graphique le terme de l’innocence qui apparaît comme étant le thème clairement dominant dans ce pic d’attention, dans cette ponctuation, soit près de 120 sur les 250, donc un article sur deux aborde la peine de mort sous l’angle de l’innocence potentielle des gens qui ont été exécutés ou des gens qui ont été condamnés. Auparavant, cela été quelque chose qui n’était pas dominant, on se souciait très peu de savoir si on avait exécuté des innocents ou pas ; tout d’un coup, tout le monde, en tout cas une histoire sur deux racontée dans la presse aborde la thématique sous cet angle. Donc, il y a un cadrage cognitif de la manière dont les gens réfléchissent. Les journaux disent non seulement ce à quoi on doit penser, mais ils disent aussi comment l’on pense cette thématique. Cela semble marcher, par effet d’entrainement, parce que les gens restent dans le registre de l’innocence.

Le troisième élément au-delà de dire qu’il y a une saillance très élevée qu’il y a une dominance évidente de ce thème de l’innocence est de savoir quelle est la tonalité de l’article, c’est-à-dire savoir s’il est « pro » peine de mort ou s’il est « anti » peine de mort ou bien « neutre ».

“Tonalité” de la couverture médiatique : opposition croissante.

Avec ce graphique, la question est de savoir quelles sont les conclusions normatives et la ligne éditoriale. Si on regarde de 1960 à la période la plus actuelle quelle est la teneur des débats, alors on voit un équilibre entre les « pro » et « anti » peine de mort ; on se situe quelque part autour d’une position neutre, il n’y a pas de direction très claire dans un sens ou dans l’autre. Alors que dans les années où il y a un pic d’attention, le cadre de l’innocence s’impose, il est véritablement là dans une posture de soutien de la position des « anti » peine de mort. La tonalité des articles est véritablement très négative et négative comme jamais ; c’est une évolution historique, c’est un pic absolument remarquable et rare sont les renversements dans la construction d’un problème où l’attitude et le positionnement des acteurs ont cette ampleur.

Fort de ces trois constats, Baumgartner et ses collègues nous disent que le cadre de l’innocence a remplacé le cadrage. Ce cadre de l’innocence a une telle attractivité parce qu’il permet de ramasser et de rassembler d’anciens cadres du problème antérieur et notamment les inégalités face à la justice entre les noirs et les blancs aux États-Unis, entre les riches et les pauvres aux États-Unis, entre le fait que l’on puisse recourir à des soutiens de la part d’avocats.

Cette tendance observée dans le New York Times a aussi été observée dans d’autres journaux dans différents États. Mais plus encore, ce changement au niveau cognitif du débat a eu des impacts sur le nombre de condamnations ou le nombre d’exécutions. Ce n’est pas juste des histoires que l’on raconte dans la presse, ce n’est pas juste un changement de l’opinion peut-être publique, médiatique ou des politiciens, c’est quelque chose qui va modifier la pratique.

Pour essayer de tester si ce changement de cadre permettait d’expliquer ce qui se passait dans la pratique, ils ont simplement pris le nombre de condamnations et ils ont regardé l’impact du changement de cadre et de la découverte de l’innocence en particulier sur la réduction des condamnations que l’on observe à partir des années 2000. C’est un modèle statistique assez sophistiqué permettant de voir si un nouveau cadrage du problème réduit la pratique en termes de condamnation, mais aussi en termes d’exécution et ils contrôlent notamment pour toutes les variables qui pourraient aussi expliquer pourquoi on a une réduction des exécutions comme, par exemple, la transformation de l’opinion publique, des homicides ou encore de l’inertie des politiques publiques menées dans différents États. Donc, ils arrivent véritablement à la conclusion, recadrer, redéfinir un problème avec une telle ampleur qui se traduit en suite par des impacts majeurs au niveau de la mise en œuvre de cette politique et, encore en amont, de sa reformulation.

Donc, ce débat a surement eu des impacts sur la modification législative des États et ensuite sur les décisions que prennent les jurys populaires ou bien les juges quand ils doivent procéder à une condamnation ou à une exécution.

Formulation d’une politique publique : objectifs et instruments

Une fois qu’un problème a été mis à l’agenda, ce sont les pouvoirs politiques donc le gouvernement, le parlement et son administration qui vont être chargés d’élaborer différentes options et solutions afin d’essayer de résoudre le problème dont traite la politique publique. La phase de formulation ou de programmation va se solder généralement par l’adoption de bases normatives et de lois pouvant être des transformations dans le droit international, des modifications d’articles constitutionnels comme, par exemple, suite à l’adoption d’une initiative populaire, cela peut être des lois fédérales, des arrêtés fédéraux, des arrêtés fédéraux urgents ou encore des ordonnances ou des directives, tout ce qui est support normatif des politiques publiques.

Quand on analyse le contenu d’une politique publique telle qu’elle est formulée par les pouvoirs politiques, on va se concentrer sur trois éléments en particulier, à savoir sur les objectifs visés par la politique publique (1), sur les instruments d’action que l’on va mettre en place pour atteindre ces objectifs (2) et sur ce que l’on appelle les arrangements institutionnels ou les arrangements organisationnels qui sont les acteurs qui vont être responsables de mettre en œuvre les instruments (3).

Objectifs d’une politique publique

Les objectifs d’une politique publique est rien d’autre que la formulation ou l’explicitation de la solution que l’on souhaite atteindre une fois que l’on a résolu le problème. En d’autres termes, c’est la part du problème que va résoudre la politique publique. Une politique publique vise à résoudre un problème, les objectifs est donc l’explicitation de ce que l’on souhaiterait comme situation idéale une fois que l’on a résolu tout le problème ou une partie du problème.

Des objectifs, afin d’être opérant et pour guider l’action de différents acteurs qui participent à une politique publique devrait être « smart ». Ce sont des mesures spécifiques, durables, réalistes et délimitées dans le temps.

Si on prend le cas de la lutte contre le chômage, un objectif politique crédible est de dire qu’au travers de cette loi, on veut réduire, par exemple, d’ici cinq ans, de 5% le taux de demandeurs d’emploi enregistré dans les offices régionaux de placement pour les chômeurs de longue durée non qualifié. Cela est un objectif qui permet de piloter une politique publique.

Souvent, si on lit les lois, on constate que les objectifs sont tout sauf « smart ».

Avec la loi fédérale sur l’aménagement du territoire, le premier article stipule les buts « La Confédération, les cantons et les communes veillent à une utilisation mesurée du sol […] ». La loi fédérale sur la protection de l’environnement, à l’article 1 stipule que « La présente loi a pour but de protéger les hommes, les animaux et les plantes, leurs biocénoses et leurs biotopes contre les atteintes nuisibles ou incommodantes […] ». La loi fédérale sur l’énergie à l’article 1 stipule que « La présente loi vise à contribuer à un approvisionnement énergétique suffisant, diversifié, sûr, économique et compatible avec les impératifs de la protection de l'environnement […] ».

Donc, bien souvent, les objectifs sont très peu précis, restent vagues et sont même parfois contradictoires. Pourquoi ? Simplement parce que si les objectifs sont trop précis, ils deviennent politiquement moins acceptables. Plus on dit concrètement ce que l’on veut, plus l’on dit ce que l’on ne veut pas par défaut. En précisant et en affichant clairement des objectifs « smart », on montre les effets distributifs de la politique publique, à savoir qui va être servie ou le problème de qui va être résolu et donc par défaut aussi quelle part du problème n’est pas traitée et n’est pas considérée comme prioritaire. Dès que l’on montre clairement les choses, il n’y a plus d’acceptabilité politique. C’est pour cela que généralement, les objectifs définis dans la constitution et dans les lois sont vagues et généraux et que les objectifs deviennent plus précis uniquement au niveau des actes de concrétisation des lois qui sont les ordonnances. Pour adopter un article constitutionnel ou une loi, il faut une majorité parlementaire et souvent, par exemple, en Suisse, un vote populaire avec une double majorité des cantons et du peuple. Ce sont des seuils d’acceptabilité politique qui sont très élevés alors que si on ne prend que les ordonnances avec lesquelles on peut être plus précis, les ordonnances ne sont pas soumises à un referendum facultatif et donc il n’y a que le gouvernement qui doit se mettre d’accord pour adopter une ordonnance. Plus on veut être précis et donc plus on va devoir l’être au niveau de concrétisation réglementaire et pas au niveau de la constitution ou de normes légales.

Les instruments d’action

Puisque les administrations publiques n’ont pas toujours des objectifs qui sont toujours bien définis, c’est généralement l’élément le plus tangible qu’on puisse observer dans une politique publique, c’est même l’appréhension la plus naturelle que l’on a des interventions de l’État. Les instruments sont ce qui relie les groupes cibles dans la société civile à l’administration. Un instrument peut être une autorisation, une interdiction ou une prescription. L’État, lorsqu’il formule ces politiques publiques a le choix, pour atteindre les objectifs voulus, entre toute une palette d’instruments. Il y énormément de recherches en analyse des politiques publiques qui cherchent à savoir pourquoi tel instrument est accepté et mis en œuvre et surtout quelle est l’efficacité de différents instruments pour atteindre les objectifs d’une politique publique.

On distingue un spectre d’instruments allant des moins intrusifs aux plus intrusifs. Quand on formule une politique publique, on voit que les différents acteurs se battent pour que l’on adopte tel instrument plutôt que tel autre.

La première catégorie est une catégorie qui repose sur l’autorégulation comme instrument. Donc, l’État veut résoudre un problème, il veut changer le comportement de certains acteurs qui causent ce problème, mais il va déléguer à ces acteurs, aux groupes cibles eux-mêmes le choix de la manière dont ils vont mettre en œuvre la politique publique. L‘exemple le plus emblématique sont les gentlemen agreements ou conventions à l’obligation de diligence des banques dans le domaine bancaire. Afin de lutter contre le blanchiment d’argent, contre l’évasion fiscale, contre le financement du terrorisme, contre le recyclage de l’argent des dictateurs, on a souvent délégué aux banques la gestion de ce problème. Dans le cadre de ces conventions de diligence, on constate que c’est l’association suisse des banquiers qui, avec les banques, négocie le respect de certaines bonnes règles de gestion des avoirs afin de lutter contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme ou encore le recyclage de l’argent des dictateurs. C’est une intrusion très faible dans l’autonomie des groupes cibles que sont les banques. Cet instrument, à savoir les conventions de diligence datent depuis 1977 et a été mis à mal que très récemment suite à des pressions internationales.

Au-delà de déléguer la gestion de la politique publique au groupe cible eux-mêmes, on peut quand même essayer d’être un peu plus intrusif. L’État essaie de diriger ou de guider le comportement des groupes cibles quand même de manière un peu plus directe. Ce qu’on peut faire est des campagnes d’information ou de persuasion. Cela est typiquement recourir à une campagne de sensibilisation à des problèmes comme le SIDA et porter le préservatif qui est un acte de mise en œuvre public ou encore ne pas consommer trop de tabac avec l’insertion de photos sur les paquets de cigarettes, ou des indications sur les bouteilles d’alcool. Cela revient à dire qu’on a une vision du groupe cible à qui il manque une information. Une fois qu’il aura l’information, il aura la possibilité psychologique cognitive, l’intelligence d’adopter le bon comportement. L’État peut être un peu plus interventionniste et essayer de laisser un peu moins de marge de manoeuvre dans notre comportement puisque si on est dans la politique de consommation de tabac cela est nous même qui consomme le problème et on en pâti donc en premier lieu.

On peut essayer de donner des incitations positives ou des incitations négatives. Des incitations positives peuvent être des politiques subvention comme des programmes de sevrage avec le soutien de l’achat de patchs par exemple. Les subventions sont des instruments qui représentent une grande part du budget de la confédération et qui sont très à la mode ces temps comme dans le domaine agricole, les paysans ont manifesté il n’y a pas longtemps sur la place fédérale contre la baisse de leurs subventions, l’État leur octroyant plusieurs milliards pour que les agriculteurs adoptent des modes de production respectueux de l’environnement. Les incitations économiques, à savoir les instruments de marché, cela n’est pas seulement du positif afin de faire adopter le bon comportement, c’est aussi parfois basé sur une action qui est uniquement une sanction par le porte-monnaie quand on essaie de modifier le comportement au travers du prélèvement de taxes.

Plus on avance dans ce continuum des catégories d’instruments, plus le degré de contrainte devient important et plus il devient difficile de les faire accepter.

La catégorie suivante est encore plus contraignante que ces incitations reposant sur de la prescription, typiquement des autorisations ou encore des interdictions. Nous sommes soumis parfois à des instruments prescriptifs comme par exemple ne pas conduire une voiture sans permis. Ce registre des autorisations et des interdictions est encore plus intrusif dans les libertés qui visent à laisser moins de marge de manœuvre donc à modifier de manière plus prévisible le comportement du groupe cible.

Finalement, tout en bas de cette échelle où le degré de contrainte est le plus élevé est simplement quand on retire des pans entiers de ce qui est géré par la société civile et que c’est l’État qui, au travers d’une étatisation s’occupe maintenant d’un domaine, cela passe par des nationalisation comme, par exemple, les industries de réseau comme l’électricité, les voies de chemin de fer ou encore la poste, on souvent été des initiatives privées nationalisées et aujourd’hui on a un mouvement inverse où on ré-libéralise et où on ré-privatise certaines industries de réseau, mais cela passe aussi par des sanctions et notamment la peine de mort ou l’emprisonnent dans tout ce qui est dans le domaine pénal.

Cette liste illustre le fait qu’on doit choisir parmi ces grandes catégories d’instruments lesquelles vont être au cœur de notre politique publique ; une question qui se pose toujours et il y a de contraintes juridiques qui le rappelle si on l’oublie est de savoir quel est le lien en termes de proportionnalité que l’on a entre les objectifs voulus et les instruments retenus. Il doit y avoir une certaine adéquation et proportion entre l’ambition des objectifs et le degré de contrainte que l’on a dans les instruments. Le débat sur sécurité et liberté et où mettre le curseur en termes de proportionnalité par rapport aux objectifs que l’on veut et au degré de contrainte que l’on impose aux différentes personnes est assez illustratif de cette tension.

Exemple de la politique d'efficacité énergétique

Le choix des objectifs et le choix des instruments sont donc deux éléments centraux dans le choix des politiques publiques. Parfois, les objectifs restent vagues, généraux et contradictoires, donc ils sont peu incitatifs pour programmer la politique publique et guider sa mise en œuvre alors que les instruments représentent un élément central sur lesquelles on ne peut pas faire l’impasse, il n’y a pas de politiques publiques sans instruments.

Il existe toute une palette, un large répertoire d’instruments de politiques publiques et c’est là que s’exprime souvent un choix partisan et central dans la formulation des politiques publiques. Le long de ce continuum, il y a différentes catégories d’instruments. Nous allons voir comment peut-on appliquer ce continuum dans le cadre d’une politique publique qui est à l’agenda de la Confédération et qui le sera certainement aussi dans le cadre de la prochaine législature qui est la politique d’efficacité énergétique.

Nous avons en mémoire l’incident de Fukushima qui est l’un de ces évènements marquant ou focalisant qui a mis la question énergétique à l’agenda. La réponse du Conseil fédéral a été de dire qu’on va essayer de sortir de l’énergie nucléaire, aujourd’hui ils tergiversent sans fixer véritablement de date pour la sortie. Si on lit le dernier rapport de l’inspection fédéral sur la sécurité nucléaire on voit qu’il y a environ 950 dans le manteau de la plus vieille centrale au monde qui est en Suisse à Beznau.

Donc, a été choisi, en plus d’annoncer la sortie du nucléaire de mettre l’accent avec cette politique énergétique sur différents éléments, certes, la promotion des énergies renouvelables, mais aussi la promotion de ce qu’on appel l’efficacité énergétique.

L’efficacité énergétique est rien d’autre que le nombre d’énergie, de kilowatts heure dont on a besoin pour faire fonctionner, par exemple, nos ordinateurs. Un ordinateur qui a une haute efficacité ou efficience énergétique est un ordinateur qui consomme très peu d’électricité pour fonctionner, c’est aussi le nombre de litres dont on a besoin afin de faire rouler notre voiture. Le problème qui se pose en termes de problème public est qu’il existe aujourd’hui des technologies qui permettraient aujourd’hui d’augmenter l’efficacité énergétique d’une majorité d’appareils et si on augmentait l’efficacité énergétique de tous ces appareils, on économiserait énormément d’électricité et donc on réduirait le besoin de produire de l’électricité et notamment de manière nucléaire. C’est un problème connu et démontré avec toutes les contraintes physiques de l’efficacité énergétique depuis le premier choc pétrolier donc depuis le début des années 1970. Différents pays ont, au cours du temps, essayé d’adopter des instruments afin de promouvoir l’efficacité énergétique, pour essayer de résoudre ce problème, pour essayer de combler le retard technologique que l’on a une majorité d’appareils ; on achète beaucoup trop d’appareils, beaucoup trop de voitures qui n’utilisent pas les dernières technologies alors que c’est technologiquement faisable et économiquement rationnel.

Si on applique les catégories d’instruments au cas particulier de l’efficacité énergétique, alors on va voir que dans différents pays on a ciblé différents groupes cibles comme étant la cause du problème et on a essayé de modifier leurs comportements au travers d’un instrument en particulier.

Certains ont dit que le problème vient du fait des consommateurs qui n’achètent pas les bons appareils simplement parce qu’ils ne savent pas ce que consomme leur appareil alors de l’achat donc il faut leur donner la bonne information au travers d’une étiquette énergétique, d’un label ou au travers d’une campagne d’information. Par exemple, introduire des étiquettes énergiques et des labels de qualité a pris une dizaine d’années tellement il y avait de résistances de la part des producteurs pour accepter d’informer les consommateurs sur la consommation des appareils. Certains ont dit qu’il faut non seulement se concentrer sur les consommateurs, mais aussi sur les acheteurs de ces appareils bureautiques ou de ces appareils électroménagers et parfois, l’acheteur de l’appareil n’est pas l’utilisateur final. Si on pense aux appareils électroménagers comme les laves lignes, lave-vaisselles, cuisinières ou encore frigos, typiquement, on sait que la Suisse est un pays de locataire, et c’est donc le propriétaire qui va acheter un appareil et c’est le locataire qui va payer les coûts de fonctionnement de cet appareil comme l’électricité nécessaire pour le faire fonctionner. L’intérêt de l’acheteur et d’acheter l’appareil qui est le moins cher à l’achat et souvent ces appareils qui sont les moins chers à l’achat sont les appareils qui sont les moins efficaces d’un point de vue énergétique. Le propriétaire n’est pas concerné par le coût de fonctionnement puisque c’est le locataire qui va payer les frais de fonctionnement donc les frais d’électricité.

Il y a donc un problème de base est pour résoudre ce problème il y a les intérêts divergeant de l’acheteur et de l’utilisateur de ces appareils et li faut peut-être inciter les acheteurs à adopter le bon comportement. Il est possible de le faire avec une incitation de type économique comme, par exemple, un système de bonus – malus, on va par exemple donner un bonus tel qu’une subvention à l’acheteur qui achète les appareils les plus efficients et on va taxer les ventes d’appareils les moins efficientes d’un point de vue énergétique, le revenu de la taxe servant à financer l’octroie des subventions.

D’autres ont encore plaidé que ce n’était ni les consommateurs ni les acheteurs, mais les distributeurs ou les vendeurs qui posaient problème puisque quand on achète ces appareils on est généralement en contact avec une chaine de distribution et ces vendeurs n’avaient aucune idée de la consommation énergétique de ces différents appareils donc ils n’avançaient pas l’efficacité énergétique comme un argument de vente. Donc, si on veut renforcer la diffusion d’appareils énergétiquement efficace et donc réduire par exemple le besoin en énergie nucléaire, il faut former les distributeurs ou les vendeurs.

Une autre stratégie, un autre groupe cible qui est une quatrième entrée qui a fait l’objet de débats politiques que l’on retrouve dans les débats parlementaires ou les discussions gouvernementales de plusieurs pays, était de dire qu’il faut axer la politique publique est choisir des instruments qui visent les producteurs de ces appareils, car ce sont eux qui en amont de la chaine vont devoir changer leurs comportements. Comment essayer de changer le comportement de ces producteurs, par exemple, en introduisant des normes contraignantes ; on fixe un maximum de consommation d’électricité permise pour un appareil et si en tant que producteur, on n’arrive pas à atteindre ce degré d’efficacité énergétique, on ne peut tout simplement plus commerciale ses appareils sur le marché. C’est donc une norme contraignante que l’on doit respecter si on veut continuer à être un producteur dans ce domaine.

D’autres ont encore plaidé en amont en disant que c’est le coût de l’électricité qui est peut être trop bas ou le rôle des compagnies d’électricité qui est à revoir et il faudrait notamment inciter et inviter les compagnies électriques à fournir des facteurs plus détaillés aux ménages pour qu’ils sachent qu’elle type d’appareil consomme combien, qu’ils se rendent compte de l’enjeu financier pour eux de la consommation d’électricité de leurs appareils et si ces factures détaillées sont disponibles, alors, peut être qu’ils vont alors changer de comportement.

En fait tous ces instruments vont revenir à l’ordre du jour en Suisse et se sont des instruments dont a déjà vu les traces notamment avec les étiquettes énergétiques. Il y a des politiques qui sont mises en œuvre et ce qu’il y a d’intéressant à observer en tout cas lorsqu’on fait une analyse de la formulation des politiques publiques et que différents pays ont adoptés des instruments différents pour résoudre le même problème et surtout à des moments très différents.

Instruments adoptés par 5 pays de 1973 à 1997.

Le pays précurseur en la matière est très clairement les États-Unis qui, dès le premier choc pétrolier ont introduit un système d’étiquetage et des normes contraignantes dès 1978. En Suisse, on intervient une quinzaine d’années après étant très en retard en matière de formulation de politique et de choix d’instruments. Si on regarde ce qui s’est passé en Suisse en termes de régulation de la consommation des appareils électroménagers ou des équipements bureautiques, en Suisse, il n’y a aucune norme contraignante en la matière qui a été adoptée rapidement contrairement à ce que l’on observe par exemple aux États-Unis. Donc, il existe une énorme marge de manœuvre afin de promouvoir l’efficacité énergétique par exemple dans le domaine électroménager ou dans le domaine bureautique.

Est-ce que ces instruments servent à quelque chose et est-ce que les normes sont plus efficaces que les étiquettes énergétiques ; c’est une question à laquelle on s’intéresse lorsqu’on fait des analyses de politiques publiques et quand on va regarder les effets des instruments donc la quatrième phase est celle de l’évaluation.

Effets réels de l’étiquetage dans Union européenne.

Est représentée sur cette courbe l’efficacité énergétique au travers des étiquettes. Apparaissent les appareils qui utilisent peu d’électricité afin de fournir le service qu’on leur demande, mais aussi les appareils les moins efficaces et efficient en matière énergétique, ceux qui consomment le plus d’électricité afin de fournir leur service. Cela est vrai qu’à terme on aimerait avoir que des appareils de basse consommation. Technologiquement, économiquement, environnementalement et énergétiquement, tout le monde souhaiterait cela. L’efficacité énergétique et relativement rentable et on profite de la meilleure technologie.

Ce que l’on peut voir est comment dans le temps a évolué la vente des appareils. Sont représentées sur ce graphique les ventes qui sont faites par année. Avant l’introduction de l’étiquette, c’est la barre qui est toute à gauche, donc si on regarde la distribution des ventes, beaucoup d’appareils qui étaient de crasses énergétiques, très peu d’appareils qui étaient véritablement performants d’un point de vue énergétique. C’est la situation avant l’introduction de l’étiquette. La question est de savoir si l’introduction de l’étiquette va réussir à modifier le comportement des consommateurs et à changer les chiffres de vente de ce type d’appareil. En noir, indique la situation cinq ans après et on voit que la courbe se déplace vers des ventes avec plus d’efficacité énergétique. Il y a en fin de parcours beaucoup plus d’appareils qui sont vendus qu’au début et moins d’appareils qui sont des crasses énergétiques qui sont vendues qu’auparavant. Donc, on arrive à transformer le marché au travers d’une mesure aussi simple que l’information des consommateurs sur le fait que la consommation énergétique est un critère de choix.

Bien sûr, si on prend cette courbe, on ne mesure pas que l’impact de l’étiquette énergétique parce que d’autres instruments ont aussi été introduits au niveau de l’Union européenne notamment des normes d’efficacité énergétique. Les normes d’efficacité énergétique typiquement vont intervenir et fixer un seuil en disant que tous les appareils qui consomment plus que ce seuil ne peuvent plus être commercialisés. Graduellement, on va déplacer le seuil en direction de plus d’efficacité énergétique et dire à terme que tous les appareils qui sont du mauvais côté ne peuvent plus être commercialisés. Cette courbe va continuer à pousser vers un parc d’appareils électroménagers, d’équipement bureautique et de parc automobile qui est de plus en plus efficient. Ce sont des choses qui ont été observées aux États-Unis, au Japon, dans les pays nordiques, en Europe et également en Suisse.

Pourquoi différents « policy mix » dans différents pays pour résoudre le même problème public ?

Comment expliquer le fait que pour résoudre le même problème, celui de l’efficacité énergétique, auquel différent pays sont touchés de la même manière, on ait des réponses sommes toute différente en termes de politique publique ? le choix des instruments ne se fait pas en même temps et le type ou la composition, le mixe d’instruments n’est pas le même d’un pays à l’autre. Comment expliquer qu’il y a des différences entre les pays ?

Il est possible de recourir à différentes hypothèses afin d’expliquer le choix des instruments des politiques publiques. Nous allons en voir quatre. Généralement, on dit qu’un instrument n’est adopté que si son degré de contrainte est compatible avec l’idéologie de la majorité qui est au pouvoir. Par exemple, s’il y a une majorité de centre-droite, on ne va accepter que des instruments de type informatif, si on a une majorité de gauche, il est possible de s’attendre à ce qu’il y ait une introduction d’instruments incitatifs sous forme de taxes voire de normes contraignantes. Dans le cas des États-Unis, si on regarde les dates et que l’on connaît l’histoire des États-Unis, on sait que les normes contraignantes ont été introduites en 1978 par le président Carter avec une majorité démocrate donc véritablement pas une situation de divided government, donc une situation idéale afin de mener une politique interventionniste. Lorsque Reagan est arrivé au pouvoir en 1981, il a essayé d’empêcher l’application de ces normes et les tribunaux l’ont quand même forcé à faire ceci. Donc, on explique souvent le choix des instruments en fonction des partis politiques qui sont au pouvoir et il faut avoir une certaine adéquation entre le degré de contrainte des instruments et l’idéologie plus ou moins interventionniste et plus ou moins « pro » État.

Deuxièmement, souvent, ces instruments visent des groupes cibles qui sont plus ou moins organisés, les consommateurs sont par exemple très peu organisés, les vendeurs et les distributeurs pas beaucoup, les producteurs par contre sont très fortement organisés, il y a des associations de producteurs d’appareils électroménagers et ils se sont fortement mobilisés alors de la phase de formulation des politiques publiques pour par exemple éviter d’avoir des normes contraignantes et même lorsqu’on leur a imposé des normes contraignantes, ils ont joué tous les jeux possibles afin d’éviter que ces normes impactent sur leur propre production. Donc, comprendre le rôle des groupes d’intérêts qui rassemblent des acteurs comme, par exemple, les producteurs est quelque chose que l’on doit faire si on veut analyser le choix des instruments.

La troisième hypothèse ou facteur que l’on retrouve souvent dans les analyses sur le choix des instruments est la compétition ou l’harmonisation internationale que l’on observe entre différents pays. Quand les États-Unis ont adopté leurs normes, il y avait plein de producteurs américains qui avaient des appareils qui ne respectaient plus les normes américaines donc qui ne pouvaient plus être commercialisés sur le marché américain alors ces appareils ont été commercialisés au Canada. Le Canada n’avait pas de normes et ils ont simplement vendu sous forme de dépotoir énergétique leurs appareils au Canada. Ce qui fait que le Canada a dû réagir et il a lui-même adopté des normes contraignantes au même niveau que les États-Unis et c’est ce qu’on appel le California effect qui est une compétition entre pays, mais vers plus de réglementation, pas vers moins de règlementation comme on le pense souvent. La compétition internationale ne permet pas forcément toujours une réduction de la régulation et vers moins d’interventionnisme public. Il y a dans le cas États-Unis – Canada, une réaction du Canada qui va vers plus d’interventionnisme et vers le choix d’instruments plus contraignant pour éviter les effets négatifs de la vente d’appareils américains qui sont les moins bons énergétiquement sur le marché canadien.

Finalement, qui dit choix d’un instrument, dit non seulement des acteurs politiques qui vont décider, des groupes cible qui vont être visés, mais dit aussi des acteurs et notamment des administrations qui doivent appliquer ces instruments. Il faut avoir une administration de l’énergie quand on met en œuvre. À l’époque où les premiers instruments ont été adoptés en 1973 et 1974, il y avait plein de pays qui ne connaissaient même pas un office ou un département de l’énergie, cela n’existait pas, cela n’était pas à l’agenda. Donc, c’était les départements des affaires extérieures ou du commerce qui ont géré ces politiques et graduellement, on a vu la création d’administration de l’énergie voir d’administration de gestion de la demande de l’énergie qui dans un troisième temps ont été remplacé par des administrations au développement durable qui est un concept récent datant des années 1987 et 1992 avec le Conférence de Rio et donc qui ont amenés à la création de nouvelles structures administratives afin de mettre en œuvre ces politiques. Donc, il est difficile d’adopter un instrument si on n’a pas une administration qui est capable par exemple de surveiller le respect des étiquettes. Quand on avait introduit les étiquettes énergétiques au Canada, dans la loi avait été oublié de préciser où ces étiquettes énergétiques devaient être collées et les producteurs les avaient collés sous les frigos, sous les lave-linges et sécheuses, ils respectaient la loi. S’il n’y a pas une administration qui est capable de dire qu’il y un problème au niveau de la mise en œuvre, alors la politique est forcément inefficace.

Annnexes

Références

  1. http://www.columbia.edu/itc/sipa/U6800/readings-sm/bachrach.pdf
  2. http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/prophylaxie/64379