Le paradigme positiviste et le paradigme interprétatif
Il faut faire un certain nombre de choix quand on fait une recherche. Le chercheur doit faire cinq choix :
- Ontologique et épistémologique : c’est-à-dire avoir une certaine conception de la société, on touche presque au domaine de la philosophie et moins au domaine de la recherche pratique.
- avoir une conception de la science : la science fait partie de la société, il n’y a pas une seule manière de concevoir la société et la science. On peut assimiler ce choix à la notion de paradigme.
- trouver un mode d'explication adéquat : pour un phénomène que l'on veut étudier, on va du plan le plus général et abstrait au plan le plus près des objets étudiés. Il dépend des conceptions de la société et de la science que l’on doit avoir.
- s'inscrire dans une théorie : renvoie au choix précèdent
- choisir une méthodologie : chacun de ces choix dépend du choix préalable que l'on fait. La manière dont on conçoit la société détermine le choix méthodologique qu'on fait sur une recherche. Toute une série de choix en découle concernant les techniques.
Deux paradigmes de la recherche sociale
Disctinction entre le paradigme (post-)positiviste et le paradigme interprétatif
Paradigme
C’est un concept qui provient de Thomas Kuhn, il essaie de développer une théorie sur la science sur la base de la notion de paradigme c’est-à-dire sur la manière dont la société se développe à partir d’un paradigme. C’est une perspective théorique qui est partagée et reconnue par la communauté des chercheurs d'une discipline qui est fondée sur des acquis précédents de la discipline et qui oriente la recherche en terme de choix des faits à étudier, de l'objet, de la formulation des hypothèses et de la mise en place méthodologie des outils de recherche scientifique. Cela est lié à la formulation d’une théorie, mais de façon plus générale, c'est la manière de se rapprocher d’une théorie sociale qui permet de définir les outils théoriques et méthodologiques à utiliser pour promouvoir sa théorie.
Le paradigme est une vision du monde, une grille de lecture qui précède l’élaboration théorique. Kuhn fait une distinction fondamentale entre la science normale et les révolutions scientifiques.
- science normale : longue phase ou un paradigme donné dans l’histoire de l’occident a dominé.
- révolution scientifique : changement de paradigme.
Si on abandonne l’idée de développement historique de Kuhn et qu’on l’applique à la science-sociale, aujourd’hui il y a plusieurs paradigmes qu’il faut choisir et dans lesquels il faut s’inscrire.
Il y a une coexistence de paradigmes qui s’opposent entre eux pouvant être caractérisés de manières différentes. Les paradigmes caractérisent la recherche en science-sociale, les choix méthodologiques découlent du choix de paradigme dans lequel on s’inscrit.
Une théorie au sens général du terme et la méthodologie sont intiment liées, on ne peut penser à l’une sans l’autre. Ces paradigmes se trouvent dans le pôle théorique dont on dénombre quatre paradigmes :
- positiviste
- compréhension
- fonctionnaliste
- structuraliste
Ontologie
C’est une manière de concevoir et d’élaborer la science permettant d’étudier la société comme par exemple les phénomènes politiques.
Selon Charles Tilly il y a quatre « ontologie », c’est-à-dire des manières à travers lesquelles les chercheurs ont abordés le phénomène à expliquer, de concevoir et d’élaborer la science soit concevoir et élaborer la réalité :
- Individualisme phénoménologique: la conscience individuelle est le seul lieu de la vie sociale, l'observation n'est pas la meilleure technique à suivre car on ne peut pas voir dans les consciences individuelles. C’est une interrogation sur la réalité sociale qui se trouve dans la conscience individuelle sur la manière dont les hommes construisent leur monde.
- Individualisme méthodologique : ce sont les individus comme réalité sociale fondamentale, voir unique, on se centre dans leur comportement et pas dans ce qu'ils pensent. On doit trouver le sens des choses dans les individus, ce n’est pas dans la conscience des individus mais dans les comportements et les faits des individus.
- Holisme : la structure sociale, horlogeries qui s'auto-soutiennent, Durkheim est un exemple, il faut analyser les phénomènes comme un tout unique (approche systémique). On ne peut comprendre la société si on ne considère pas toutes les différentes parties dans son ensemble. L’approche systémique en science-sociale va par exemple dans cette direction. Il faut considérer la société dans son entier, en d’autres termes c’est un paradigme social généralisant.
- Réalisme relationnel : les liens sociaux constituent l'élément fondamental de la vie sociale On a plusieurs manières de classer ces paradigmes et conceptions de la société.
On ne va pas étudier un phénomène de la même manière si on pense que l’essence de ce phénomène va se retrouver dans la conscience des gens et dans leurs relations ou on le retrouve dans l’ensemble d’un phénomène dans lequel une personne s’insère.
Traditions sociologiques
Selon Collins, on peut différencier quatre traditions sociologiques :
- tradition du conflit : c'est à travers l'analyse de conflits qu'on peut expliquer les phénomènes sociaux. La société est par essence conflictuelle, les théories de Marx sont des exemples célèbres.
- tradition utilitariste-rationaliste : les êtres humains sont rationnels.
- tradition holiste : « durkheimienne ».
- micro-interactionniste : il faut analyser les interactions au niveau micro-relationnel.
Quand on parle de méthode on ne peut pas faire d‘abstractions, les réflexions ne concernent pas seulement la théorie ; il faut penser aux paradigmes, aux manières de concevoir la société, mais en même temps, il y a diverses formes afin de comprendre les approches.
Nous allons faire la distinction entre deux grands paradigmes :
- paradigme positiviste : empiriste, objectiviste, explicatif. Ici le terme « positiviste » n’a pas de connotation négative.
- paradigme interprétatif : humaniste, du subjectivisme, de la compréhension.
Ces paradigmes sont des conceptions générales de la nature de la science sociale permettant d’appréhender et de connaître la réalité sociale.
Il y a une opposition entre Durkheim et Weber (approche des faits ou de la compréhension). Ce sont diverses manières par lesquelles on peut connaître la réalité sociale. Ces deux approches nous montrent la différence entre démarche quantitative et démarche qualitative.
On élabore ces paradigmes autour de trois questions :
- question ontologique : est-ce que la réalité sociale existe est qu’elle est sa nature ? ; concerne la réalité sociale et sa nature
- question épistémologique : est-ce que cette réalité sociale est connaissable ? pouvons-nous la connaître ?
- question méthodologique : si cette réalité existe et elle est connaissable, comment pouvons-nous la connaître ?
Chacun de ces paradigmes apporte des réponses différentes à ces trois questions.
Question ontologique
Est-ce que la réalité sociale existe ? - Ontologie.
(Post-)positiviste | Interprétatif |
---|---|
La société existe, on peut l'observer, mais elle ne peut être connue que de manière probabilistique, l'observation dépend de la théorie elle-même (post-).
C’est la position positiviste, on cherche juste à connaître la position, la définition ontologique que les deux paradigmes donnent. |
La réalité n'existe pas en tant que fait objectif, mais elle est construite ; la réalité n’existe pas en tant que tel, c’est une construction sociale.
Chacun a sa propre réalité sociale dans sa tête. Le monde qu'on peut connaître c'est celui qui est construit par le sens que les gens donnent au monde. |
Question epistémologique
Est-ce que si la réalité existe, elle est connaissable ? - Épistémologie : manières de connaître.
(Post-)positiviste | Interprétatif |
---|---|
D'un côté la réalité, de l'autre le chercheur. Pour connaître le monde il faut essayer de se détacher car le monde social existe et est réel. En d’autres termes c’est un dualisme entre les chercheurs et la réalité.
Pouvoir contrôler tous les facteurs, il faut se rapprocher le plus possible. Il y a l’idée de l’expérimentation et de l’expérience. On essaie de répliquer ce qu’on fait dans les sciences dures en les appliquant aux sciences-sociales. C’est une volonté de faire des expériences en manipulant la réalité.
On veut expliquer les faits qui sont là, objectivement, on le fait en s'éloignant. On recherche une logique de cause à effet.
Loi dans les sciences humaines ; il faut trouver une loi. Loi provisoires (post-), la falsification de l'hypothèse (une bonne hypothèse doit pouvoir être soumise à des tests empiriques et être falsifiée). |
On nie le dualisme et on nie l'objectivité, car la réalité est construite, chacun donne sa signification, elle ne peut pas être objective. Il n'y a pas de division entre le chercheur et la recherche. Le monde n’est pas objectif, il est par définition subjectif.
On ne cherche pas de lois, mais on cherche du sens. Le but n’est pas d’expérimenter la réalité et d’arriver à des lois. On cherche à comprendre et à interpréter en faisant ressortir le sens profond des phénomènes observés.
On veut comprendre, pour mieux le faire il faut participer à la réalité.
Énoncés de (probabilistes, provisoires) possibilité, types idéaux (caricatures de la réalité) ; on ne peut pas établir de lois, on peut essayer d'avoir une certaine abstraction. Cette généralisation se fait par les énoncés de possibilités et des « types idéaux » c’est-à-dire une sorte de caricature de la réalité ou l’on fait ressortir les traits essentiels. |
Dans un cadre on vise à expliquer les phénomènes et dans l’autre à les comprendre. Les méthodes de collecte et d’analyse de donnés vont évidemment être différentes.
Question méthodologique
Comment est-ce que la réalité peut être elle connue ? - Méthodologie : quels sont les outils ?
(Post-)positiviste | Interprétatif |
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On veut manipuler tous les facteurs explicatifs. Le chercheur intervient sur la réalité à travers l’expérience en essayant d’arriver aux objectifs d’explication et de généralisation d’une loi.
La réalité peut être observée de l'extérieur.
On a des hypothèses, on part d'une théorie, et on essaie de les tester avec l'observation de la réalité objective. On part des idées pour ensuite les tester afin de trouver une confirmation ou une vérification empirique des idées sur le terrain.
Comme on vise une généralisation, on privilégie ces méthodes au sens technique.
La réalité sociale est analysée par des variables. Par exemple on s'intéresse de savoir si l'origine sociale influence ceux qui sont plus attentif au cours. Ce qui intéresse le chercheur ne sont pas les individus, mais la variable. |
La motivation est de mieux comprendre la motivation profonde des acteurs à se comporter plus d’une telle façon qu’une autre.
Il s'agit d'interpréter les faits observés.
On essaie de partir de la réalité pour générer des théories, à la fin on veut arriver à une théorie. On part de l’empirique pour essayer de générer des théories. On part des sujets pour remonter vers une théorie c’est-à-dire générer une théorie.
On privilégie les techniques qualitatives.
L'unité d'analyse, ce sont des individus, le terme sujet devient important. On s’intéresse à un ensemble de caractéristiques c’est-à-dire à l’ensemble de l’individu. |
Dans son livre, Corbetta parle de trois paradigmes :
- paradigme positiviste : n'existe plus en sciences sociales, personne ne pense que les sciences-sociales doivent être comme les sciences exactes.
- post-positiviste : est plus nuancé, c'est la critique du positivisme notamment faite par Karl Popper. Cette reformulation critique a nuancée de plusieurs manières le paradigme positiviste pur. La réalité sociale est externe mais ne peut être connue que de manière probabiliste. D’autre part l’observation empirique dépend de la théorie.
- paradigme interprétatif
À partir de ces deux paradigmes découlent deux manières de faire de la recherche en sciences-sociales qui sont des radicalisations de ces positions :
- recherche quantitative
- recherche qualitative
Recherche quantitative et recherche qualitative
École de Chicago : études systématisées, les premiers efforts d'étudier d'une manière quantitative les phénomènes sociaux mais on a aussi des études qualitatives. Donc, dans la même université on rencontre deux écoles. Dans les années 1940 – 1950, il y a une domination de la recherche quantitative (les sondages) notamment dans les élections. Dans les années 1960 aux États-Unis il y a une résurgence de l'approche qualitative. Il y a un retour de la perspective qualitative avec des analyses historiques,
Approche générale
Fruit | Orange | Pomme |
---|---|---|
Plat | Pain | Tarte |
Accompagnement | Beurre | Crème glacée |
Recueil des données
Traitement des données
Résultats
Exemple
La meilleure méthode ?
Les méthodologues ont trois positions différentes quant à la question de savoir s’il est mieux de faire une recherche quantitative plutôt que qualitative ou vice-versa :
- Une assez rigide qui dit que les méthodes quantitatives et qualitatives sont incompatibles : à la vue des logiques fondamentalement différentes qui s’appuient sur des ontologies et des épistémologies complètements différentes, alors on ne peut les consigner parce qu'ils s'appuient sur des éléments théoriques très différents (est-ce que la réalité existe en tant qu’objet externe ?)
- Subsidiaire des méthodes qualitatives : ils disent que certains aspects de l'analyse qualitative sont utiles, mais la quantitative continue à être la « meilleure » ; on considère que la méthode quantitative est la méthode par excellence car elle est plus scientifique et la méthode qualitative a une fonction subsidiaire. Les méthodes qualitatives ont une fonction subsidiaire, c’est-à-dire qu’il y a certains aspects que l’on peut aborder dans le cadre de certains entretiens. Ce sont surtout les chercheurs quantitativistes qui prônent cette approche.
- Pleine légitimité des deux méthodes : cela dépend de la recherche, de la méthode que nous allons étudier. Aucun n'est moins scientifique que l'autre (qualitative n'est pas moins que la quantitative)
Combiner les méthodes n’est pas une tâche facile dû à ces différences passées en revu entre ces deux paradigmes. Cependant, cela dépend beaucoup de la question de recherche, de ce que l’on étudie ; il y a certaines questions qui sont plus susceptible d’être adéquates à l’une des deux approches. Les deux grandes méthodes conduisent à des connaissances qui peuvent être différentes. Finalement ces deux méthodes peuvent être combinées dans une approche que certain qualifie de « triangulation de méthodes » qui permet d’apporter plusieurs approches.