Morphologie des contestations

De Baripedia

La forme que prend une contestation est un reflet des structures sociales qui l'ont engendrée. De même, les systèmes d'organisation sociale ont des formes caractéristiques qui se manifestent à travers différentes actions et initiatives. Cependant, il est important de noter que ces formes ne sont pas statiques et peuvent évoluer au fil du temps en réponse à divers facteurs, comme le changement des valeurs sociétales, l'évolution technologique, ou encore les crises économiques ou politiques. Par exemple, les mouvements sociaux du XXe siècle, comme ceux pour les droits civiques ou le féminisme, étaient souvent structurés autour de grandes organisations et de leaders charismatiques, avec des manifestations de masse comme mode d'action privilégié. A l'ère numérique, nous voyons de plus en plus de mouvements "en réseau", où l'organisation est décentralisée et l'action peut prendre des formes très diverses, allant des manifestations de rue aux campagnes de sensibilisation en ligne. Quant à l'homogénéité dans les actions entreprises, elle peut être due à plusieurs facteurs. Dans un contexte donné, certaines formes d'action peuvent être perçues comme plus efficaces ou légitimes et donc être adoptées plus largement. De plus, l'existence de "scripts" culturels ou de normes sociales peut orienter les gens vers certaines formes d'action plutôt que d'autres.

Le langage reflète la complexité de la vie sociale et offre un nombre incalculable de mots pour décrire des situations différentes. Cependant, ces termes ne sont pas toujours précis ou distincts les uns des autres. Par exemple, des mots comme "société", "communauté", "groupe" et "réseau" peuvent parfois être utilisés de manière interchangeable, bien qu'ils aient des nuances de sens. Certains sociologues, philosophes et autres penseurs ont suggéré que nos catégories linguistiques et conceptuelles peuvent nous tromper en nous faisant percevoir des divisions plus nettes entre les phénomènes sociaux que celles qui existent réellement. Par exemple, nous pourrions penser à la distinction entre le "privé" et le "public" comme étant claire et nette, alors qu'en réalité, ces domaines se chevauchent et interagissent de manière complexe. En outre, l'usage de certains mots et leur signification peuvent varier en fonction du contexte culturel, historique, et même personnel. Par exemple, le concept de "liberté" peut avoir des significations très différentes dans des contextes politiques, philosophiques, ou personnels. Cela dit, bien que les mots et concepts utilisés pour décrire le social soient parfois flous ou interconnectés, ils restent un outil précieux pour analyser et comprendre notre monde. En prenant en compte leur complexité et leur contexte, nous pouvons approfondir notre compréhension des dynamiques sociales et des expériences humaines.

L'étymologie du mot "protestation" est effectivement liée à l'idée de "témoignage" ou "affirmation". Le mot "protestare" en latin signifie "déclarer publiquement" ou "affirmer solennellement". En effet, le terme protestant, dérivé du latin, est apparu au XVIe siècle lors de la Réforme protestante, un mouvement religieux qui a contesté certaines doctrines et pratiques de l'Église catholique. Le protestantisme était caractérisé par une insistance sur la lecture personnelle de la Bible et l'interprétation individuelle de sa signification, en contraste avec l'insistance catholique sur l'autorité de l'Église et du clergé. En ce sens, la "protestation" dans le protestantisme était une affirmation de la foi individuelle et une critique de l'autorité religieuse instituée. Au fil du temps, le mot "protestation" en contexte séculier a pris une signification plus large pour désigner toute forme de désaccord ou de contestation contre un état de fait ou une autorité. Il peut s'agir de manifestations de masse dans la rue, de grèves, de boycotts, ou d'autres formes d'action collective. Ces formes de protestation peuvent, bien sûr, varier en termes de leur niveau de confrontation ou de violence.

Le protestantisme, comme son nom l'indique, est né d'une protestation, d'une attestation de foi qui s'opposait à certaines pratiques et croyances de l'Église catholique de l'époque. Le protestantisme a marqué une rupture significative avec l'Église catholique, en proposant une nouvelle interprétation de la foi chrétienne et en critiquant ce que ses fondateurs considéraient comme des dérives du catholicisme. Le protestantisme, en se distinguant du catholicisme, a introduit des notions progressistes, jetant les bases de certains principes fondamentaux de la pensée moderne. Au cœur de ces principes se trouvent la dignité inhérente de l'homme, le libre arbitre et un appel à l'opposition au statu quo dans le but de construire un monde meilleur. La dignité de l'homme, un concept fondamental du protestantisme, découle de la conviction que tous les individus sont égaux devant Dieu et possèdent une valeur intrinsèque. Ce concept est en contraste direct avec certaines interprétations du catholicisme, qui accordaient une autorité considérable au clergé. Le protestantisme a également mis en avant le libre arbitre dans la foi, affirmant que chaque individu a la capacité et la responsabilité de lire et d'interpréter la Bible par lui-même. Cette idée a contribué à démocratiser la foi et à la rendre plus accessible au laïc. Enfin, le protestantisme a souvent encouragé une forme d'engagement dans le monde visant à transformer la société afin qu'elle soit plus conforme aux principes bibliques. Cela a incité de nombreux protestants à s'impliquer dans des mouvements de réforme sociale, de justice économique et d'éducation. Ces principes ont joué un rôle essentiel dans le développement de la pensée moderne et ont influencé des domaines aussi variés que la politique, l'économie, la philosophie et la science. Ils continuent d'être un moteur puissant du discours et des pratiques contemporains dans de nombreux aspects de la vie sociale.

Le protestantisme a apporté une interprétation humaniste de la société et de la religion, centrée sur la dignité et le libre arbitre de l'individu. Cette perspective a conduit à une relecture et une réinterprétation des textes bibliques, ce qui a à son tour donné naissance à de nouvelles institutions et pratiques religieuses. L'un des changements majeurs introduits par le protestantisme est le concept du "sacerdoce universel" - l'idée que chaque croyant a un accès direct à Dieu et peut interpréter la Bible par lui-même, sans avoir besoin d'un prêtre ou d'un autre intermédiaire. Cela a contribué à démocratiser l'accès à la foi et à donner aux individus une plus grande responsabilité dans leur propre pratique religieuse. Le protestantisme a également mis l'accent sur la formation de communautés de croyants qui se rassemblent pour adorer et étudier la Bible ensemble. Ces communautés, ou églises, sont souvent gouvernées de manière démocratique, avec des membres de la communauté qui jouent un rôle actif dans la prise de décision. Cela contraste avec le modèle hiérarchique plus traditionnel de l'Église catholique. Enfin, le protestantisme a encouragé un engagement actif dans le monde, y compris par des efforts pour transformer la société selon les principes chrétiens. Cela a souvent conduit les protestants à s'engager dans des actions sociales et à défendre des causes telles que la justice sociale et économique.

Les principes introduits par le protestantisme tels que la dignité individuelle, le libre arbitre, l'engagement dans la communauté et le monde, ont tous des implications profondes pour la façon dont nous nous comprenons en tant qu'individus et sociétés. La question de la cohésion sociale est particulièrement pertinente aujourd'hui, dans un contexte de plus en plus diversifié et pluraliste. Le principe du respect de la dignité de chaque individu, indépendamment de ses croyances, origines ou statut, est fondamental pour maintenir une société inclusive et harmonieuse. De même, l'idée du libre arbitre invite à la tolérance et au respect des choix individuels, y compris en matière de croyance religieuse ou d'absence de religion. C'est une notion clé pour la liberté de conscience et la liberté de religion, deux principes fondamentaux des sociétés démocratiques. L'engagement dans la communauté et dans le monde, autre valeur centrale du protestantisme, souligne l'importance de la participation active à la vie sociale et politique pour le bien-être de la société dans son ensemble. Cela peut se manifester de différentes manières, de l'implication dans des organisations bénévoles locales à l'activisme pour des causes globales. Enfin, l'idée de l'interprétation individuelle des textes sacrés rappelle l'importance de l'éducation et de la littératie, non seulement pour la pratique religieuse personnelle, mais aussi pour la participation éclairée à la vie publique. Ces principes n'ont pas seulement façonné le protestantisme, mais aussi la façon dont nous concevons et vivons dans nos sociétés contemporaines. Ils continuent d'éclairer des questions clés d'actualité, comme la cohésion sociale et la participation collective.

Au-delà de l'indignation ou de la protestation, ce qui est essentiel c'est la création d'un sens collectif, la construction d'une vision commune qui permet d'unir les individus et de les mobiliser vers un objectif commun. C'est souvent cette capacité à créer un sens collectif qui détermine le succès ou l'échec d'un mouvement social ou d'une transformation sociétale. Ce processus de création de sens peut être vu comme un paradigme du changement. Au lieu de se concentrer uniquement sur les problèmes ou les injustices, il s'agit de proposer une alternative, une vision d'un avenir meilleur. C'est ce qui permet de transformer l'indignation en action constructive. Le changement social peut prendre de nombreuses formes et impliquer une variété de stratégies et de tactiques. Cependant, quelle que soit la forme qu'il prend, il est presque toujours marqué par un fort symbolisme. Les symboles sont puissants parce qu'ils peuvent encapsuler des idées complexes et des sentiments profonds de manière concise et mémorable. Ils peuvent aider à donner une identité à un mouvement, à mobiliser les supporters et à communiquer le message du mouvement à un public plus large. Qu'il s'agisse de slogans, de logos, de chansons, de gestes ou d'actes de désobéissance civile, ces symboles jouent un rôle clé dans la construction d'un sens collectif et la facilitation du changement social. Ils servent à la fois à unifier les participants au mouvement et à diffuser leurs idées à un public plus large, créant ainsi les conditions nécessaires pour le changement social.

le concept de protestation est intrinsèquement lié à l'idée de dialogue et d'échange. Une protestation est souvent le résultat d'une insatisfaction ou d'un désaccord avec une situation existante, et représente une forme de communication de ces préoccupations à un public plus large, qu'il s'agisse des autorités, du public en général ou d'autres acteurs concernés. Cependant, à mesure que l'intensité d'une protestation augmente, la possibilité d'un dialogue véritable peut parfois diminuer. Les protestations plus intenses peuvent être le reflet d'une frustration ou d'une colère profondes, et peuvent parfois entraîner une polarisation accrue et une diminution de la communication entre les différents groupes. C'est pourquoi la protestation, bien qu'elle soit une forme importante d'expression sociale et politique, n'est qu'un aspect de la réponse à l'injustice ou à l'insatisfaction. Pour être vraiment efficace, elle doit souvent être complétée par d'autres formes d'action, y compris le dialogue, la négociation, l'éducation et l'organisation communautaire.

La protestation elle-même peut prendre de nombreuses formes différentes, allant des manifestations de rue aux grèves, en passant par les actions directes et la désobéissance civile. Chaque forme de protestation a ses propres forces et faiblesses, et peut être plus ou moins adaptée en fonction du contexte spécifique et des objectifs visés.

Du conflit à la subversion

Le conflit

Julien Freund.

La science politique s'intéresse de près aux protestations et aux mouvements sociaux en tant que forces majeures de changement social et politique. Dans ce contexte, la notion de conflit est souvent une composante centrale de l'analyse. Le conflit, dans le cadre de la science politique, ne désigne pas nécessairement la violence ou la guerre, mais plutôt toute situation dans laquelle deux ou plusieurs parties ont des objectifs ou des intérêts contradictoires. Les conflits peuvent survenir à tous les niveaux de la société, des désaccords individuels aux conflits sociaux et politiques de grande envergure. La protestation est souvent une réponse à un conflit perçu, que ce soit un conflit d'intérêts économiques, de valeurs sociales ou de pouvoir politique. Les personnes ou groupes qui se sentent lésés ou marginalisés par le statu quo peuvent recourir à la protestation pour exprimer leur insatisfaction et revendiquer des changements. La science politique s'intéresse à la façon dont ces conflits surgissent, comment ils sont gérés ou résolus, et quelles sont les conséquences pour la société dans son ensemble. Cela peut impliquer l'étude des structures de pouvoir, des ressources disponibles pour différents groupes, des stratégies et tactiques utilisées dans les conflits, et des facteurs qui peuvent faciliter ou entraver la résolution des conflits.

Le conflit peut être considéré comme allant au-delà de la protestation, et parfois même comme une phase qui suit la protestation. Dans le cadre de la protestation, les individus ou les groupes expriment leur désaccord ou leur insatisfaction, souvent de manière publique et visible. Lorsque ces protestations ne sont pas prises en compte ou résolues de manière satisfaisante, elles peuvent évoluer en conflits plus profonds et plus durables. Un conflit peut prendre de nombreuses formes, allant des disputes verbales aux actions directes, en passant par la désobéissance civile et parfois même la violence. Contrairement à une protestation, qui est souvent une réaction à une situation spécifique, un conflit peut impliquer une opposition plus systématique et plus profondément enracinée. Il peut également être plus complexe et difficile à résoudre, car il peut impliquer des désaccords fondamentaux sur les valeurs, les intérêts ou les structures de pouvoir. Bien que le conflit puisse être une source de tension et de désordre, il peut aussi être un moteur de changement et d'innovation. En mettant en lumière les problèmes et les injustices, le conflit peut stimuler le débat, la réflexion et l'action, conduisant éventuellement à de nouvelles solutions et à des changements positifs. Ainsi, la science politique, ainsi que d'autres disciplines des sciences sociales, s'intéressent de près à la dynamique du conflit, à la façon dont il évolue et à son impact sur la société. C'est un domaine complexe et multidimensionnel qui nécessite une compréhension approfondie des processus sociaux, politiques et psychologiques.

Julien Freund est un sociologue et philosophe politique français né en 1921 et décédé en 1995. Il est connu pour son travail sur la théorie du conflit, l'essence du politique et le réalisme politique. Freund est surtout connu pour son livre "L'Essence du politique" (1965), dans lequel il développe une analyse réaliste de la politique basée sur les idées de Carl Schmitt, un théoricien politique allemand. Dans ce livre, Freund soutient que le conflit est un élément inévitable et fondamental de la politique. Freund a également écrit sur d'autres sujets liés à la politique, à la sociologie et à la philosophie, notamment la guerre et la paix, l'éthique, le pouvoir, la liberté et l'autorité. Bien que ses idées aient été controversées en raison de leur association avec Schmitt, qui a été critiqué pour ses liens avec le régime nazi, Freund a néanmoins contribué de manière significative à la théorie politique et sociologique. Freund a résisté à l'occupation nazie pendant la Seconde Guerre mondiale, a été arrêté par la Gestapo et a survécu à plusieurs camps de concentration. Ces expériences ont sans doute eu un impact sur ses vues ultérieures sur la politique et le conflit.

Julien Freund a eu une contribution significative à la compréhension de la légitimité politique et de la violence. Son travail sur ces sujets est principalement basé sur une relecture et une réinterprétation de travaux antérieurs dans ces domaines, en particulier ceux de Max Weber et Carl Schmitt. Sur la question de la légitimité politique, Freund s'est fortement appuyé sur les travaux de Max Weber. Pour Weber, la légitimité est l'une des sources clés de l'autorité politique, et il a distingué trois types de légitimité : la légitimité traditionnelle (basée sur des coutumes et des traditions établies), la légitimité charismatique (basée sur la personnalité et le charisme d'un leader), et la légitimité rationnelle-légale (basée sur des règles et des lois établies). Freund a repris et développé ces idées, en se concentrant sur le rôle des conflits et de la violence dans l'établissement et le maintien de la légitimité politique. Pour Freund, la légitimité n'est pas simplement une question de consentement ou d'acceptation, mais implique aussi une dimension coercitive : pour être légitime, une autorité doit être capable de maintenir l'ordre et de résoudre les conflits, y compris par l'usage de la force si nécessaire. En ce qui concerne la violence, Freund a été fortement influencé par Carl Schmitt et sa théorie du politique. Schmitt soutient que l'essence du politique réside dans la distinction entre "ami" et "ennemi", et que la possibilité de conflit - y compris la violence - est une caractéristique fondamentale de la politique. Freund a repris ces idées, en soulignant que la violence n'est pas simplement une aberration ou un échec de la politique, mais peut en fait jouer un rôle central dans l'établissement et la préservation de l'ordre politique. Ces idées ont été controversées, mais elles ont néanmoins apporté une contribution importante à la théorie politique, en mettant l'accent sur les aspects du pouvoir, du conflit et de la violence qui sont souvent négligés dans les approches plus idéalisées de la politique.

Freund propose une réflexion approfondie sur le conflit, insistant sur le fait qu'il ne s'agit pas d'un accident ou d'une anomalie, mais qu'il est intrinsèquement lié à la nature de la société et de la politique.

Freund considère le conflit comme une divergence profonde d'intérêts qui peut surgir lorsqu'il y a tension entre ceux qui acceptent l'état actuel de l'espace public et ceux qui désirent un changement. Le conflit émerge alors des contradictions inhérentes à la société, façonnant des positionnements et des attitudes diverses. Selon Freund, le conflit n'est pas simplement une aberration ou un incident fortuit, mais plutôt une réalité inhérente à l'existence humaine et sociale. Pour le démontrer, il cite l'exemple du marxisme, qui ne peut être considéré comme un accident de l'histoire. Au contraire, le marxisme est fondamentalement ancré dans la pensée du conflit. Karl Marx lui-même a conceptualisé la société en termes de conflit de classes, arguant que les luttes de pouvoir entre les classes sociales - spécifiquement entre la bourgeoisie, qui possède les moyens de production, et le prolétariat, qui vend sa force de travail - sont le moteur central du progrès historique et du changement social. Dans cette optique, le conflit n'est pas un accident, mais un mécanisme nécessaire et inévitable de la dynamique sociale. Cette perspective rejoint celle de Freund, qui voit le conflit comme un phénomène structurel et non comme une anomalie. Pour lui, comprendre le conflit est essentiel pour comprendre la nature de la politique et de la société.

Freund soutient que le conflit est le résultat d'une divergence profonde d'intérêts. Il identifie une tension inhérente au conflit, qui existe entre ceux qui sont satisfaits de l'état actuel de l'espace public et ceux qui souhaitent un changement. Ce conflit est alimenté par les contradictions sociétales, donnant lieu à diverses positions et orientations. Il reconnaît l'existence de plusieurs types de conflits, dont le conflit social et le conflit de classe. Dans le contexte social, le conflit façonne la structure des négociations. Le syndicalisme, un élément inhérent à toute démocratie, est un exemple représentatif de cela. Les syndicats représentent des intérêts spécifiques et négocient ces intérêts avec les gouvernements sur la base de conflits sociaux. Pour les marxistes, ces conflits sont l'expression d'un mode de production intrinsèquement contradictoire. Il s'agit d'un rapport de force qui émane des changements sociétaux auxquels certains s'opposent. Le conflit de classe est un autre type de conflit important. Selon la théorie marxiste, la société est divisée en différentes classes, dont les intérêts sont fondamentalement en conflit. Par exemple, la bourgeoisie, qui possède les moyens de production, est en conflit avec le prolétariat, qui vend sa force de travail. Ce conflit de classe est perçu comme le moteur de l'histoire et du changement social.

Freund avance que toute société est, par nature, conflictuelle. Le conflit est inhérent à l'existence sociale, il n'est pas nécessairement négatif, mais peut être un vecteur de progression. L'histoire démontre que toutes les sociétés ont expérimenté diverses formes de conflits. Lorsqu'une société subit des changements rapides et majeurs, elle peut lutter pour maintenir le rythme, ce qui augmente la potentialité de conflit. Il y a un décalage entre la rapidité de l'évolution des temps et la capacité de l'être humain à s'adapter. Lorsque les transformations sociales et politiques sont particulièrement drastiques, cela peut entraîner une résistance et une opposition au changement. En somme, le conflit peut être considéré comme un concept de discordance, reflétant les tensions inhérentes à toute société en mouvement. Les conflits ne sont donc pas simplement des perturbations indésirables, mais peuvent être vus comme des indices des tensions profondes et des luttes de pouvoir qui structurent la société, et qui peuvent conduire à son évolution.

Finalement, pour Freund le conflit est intrinsèquement lié à la conception de l'espace public. Il est non seulement une caractéristique inévitable de l'espace public, mais il joue également un rôle déterminant dans la façon dont cet espace est compris et structuré. Au sens philosophique et politique du terme, l'espace public est le lieu où les individus se réunissent pour débattre, échanger des idées et résoudre leurs différences. Par conséquent, le conflit est inévitable dans l'espace public, car les individus et les groupes ont souvent des points de vue divergents, des intérêts conflictuels et des idéologies différentes. Ainsi, en s'engageant dans l'espace public, les individus entrent potentiellement en conflit. Cela ne signifie pas que chaque interaction dans l'espace public est conflictuelle, mais plutôt que la conflictualité est une possibilité inhérente à la participation à l'espace public. Dans ce sens, le conflit peut être vu comme une caractéristique fondamentale et nécessaire de la démocratie, qui valorise le débat ouvert et la diversité des opinions.

Selon Freund et d'autres théoriciens sociaux, le conflit est une composante inévitable des relations sociales. Cela ne signifie pas que chaque interaction sociale est conflictuelle, mais plutôt que le potentiel pour le conflit existe dans toute relation sociale. Les différences d'intérêts, de valeurs, de perspectives, et même de compréhension des situations peuvent conduire à des conflits. Les relations sociales sont dynamiques et évolutives, et le conflit peut être une force motrice pour le changement et l'adaptation. Par exemple, le conflit peut stimuler l'innovation, favoriser l'évolution des normes sociales, ou inciter les individus à réévaluer leurs croyances et leurs comportements. De cette façon, bien que le conflit puisse être source de tension et de désaccord, il peut également contribuer à la vitalité et au progrès de la société.

Les sociétés modernes présentent des formes spécifiques de conflictualité dues à des causes multiples. Ces formes de conflictualité peuvent être le reflet de l'évolution de nos sociétés en termes de valeurs, de structures économiques, de technologies et de relations de pouvoir. Voici quelques exemples de causes potentielles :

  • L'inégalité économique et sociale : Les disparités de revenus et de richesses peuvent engendrer des tensions et des conflits. Les personnes qui se sentent injustement traitées ou dépossédées peuvent protester contre le statu quo, conduisant à des conflits sociaux.
  • La diversité culturelle et les différences idéologiques : Les sociétés modernes sont souvent caractérisées par une grande diversité de cultures, de religions et de valeurs. Cela peut entraîner des conflits lorsque différents groupes ont des visions du monde incompatibles ou lorsque les droits et les libertés de certains groupes sont perçus comme étant menacés.
  • La mondialisation et la compétition pour les ressources : La mondialisation a augmenté la concurrence pour les ressources limitées, ce qui peut entraîner des conflits entre nations, régions, ou groupes au sein d'une même société.
  • Les changements technologiques : L'évolution rapide des technologies a transformé de nombreux aspects de la vie quotidienne et de l'économie, ce qui peut créer des tensions entre ceux qui s'adaptent aux nouvelles technologies et ceux qui se sentent laissés pour compte.
  • Les problèmes environnementaux : Les défis environnementaux, comme le changement climatique, peuvent générer des conflits autour de la répartition des ressources, des responsabilités pour atténuer les effets du changement climatique, et des stratégies pour adapter nos sociétés à ces changements.

La nature et l'ampleur du conflit dans une société peuvent être grandement influencées par la vitesse à laquelle la société change. Dans nos sociétés modernes, caractérisées par un rythme rapide de changement technologique, économique, social et culturel, le conflit peut devenir plus fréquent ou plus intense. Ces changements rapides peuvent provoquer des sentiments d'insécurité, d'anxiété et de désorientation, car les gens ont du mal à s'adapter ou à comprendre les implications des changements qui se produisent autour d'eux. De plus, les bénéfices de ces changements rapides ne sont pas toujours également répartis dans la société, ce qui peut créer des tensions entre ceux qui profitent des changements et ceux qui se sentent laissés pour compte ou menacés par eux. En effet, on observe souvent des conflits entre les défenseurs de la modernité, qui voient les changements rapides comme une source d'opportunités et de progrès, et ceux qui valorisent plus la tradition, la stabilité et la continuité, et qui peuvent percevoir les changements rapides comme une menace pour leur mode de vie ou leurs valeurs.

La discordance de temporalité, ou le décalage entre différentes vitesses de changement dans une société, peut être une source importante de tensions et de conflits. Les individus et les groupes sociaux ont des rythmes de vie différents, des attentes différentes quant à la rapidité et à la direction du changement, et des capacités différentes à s'adapter aux changements. Ces différences peuvent conduire à des malentendus, des frustrations et des conflits. Ces conflits se jouent généralement dans l'espace public, où différents acteurs sociaux expriment leurs opinions, défendent leurs intérêts et négocient leurs différences. L'espace public est donc non seulement un lieu de conflit, mais aussi un lieu où les règles de gestion des conflits sont définies et mises en œuvre.

Le conflit est un aspect inévitable et, dans une certaine mesure, nécessaire de toute société. Il découle des différences d'intérêts, de valeurs, de croyances et de perspectives entre les individus et les groupes sociaux. Les conflits peuvent avoir un rôle constructif dans une société. Ils peuvent stimuler le débat, l'innovation et le changement, en mettant en évidence les problèmes et les injustices et en incitant les gens à chercher des solutions. Les conflits peuvent aussi aider à clarifier les positions et les préférences, à renforcer l'identité de groupe, et à maintenir les élites au pouvoir responsables de leurs actions. Les conflits peuvent cependant aussi avoir des effets destructeurs s'ils ne sont pas correctement gérés. Ils peuvent conduire à la violence, à la polarisation sociale et à la paralysie politique, et peuvent éroder les liens sociaux et la confiance mutuelle. C'est pourquoi il est crucial d'avoir des mécanismes efficaces de résolution des conflits et de promotion du dialogue et de la coopération. Il est donc important de reconnaître et de gérer les conflits plutôt que d'essayer de les supprimer ou de les ignorer. La suppression des conflits peut simplement conduire à leur éruption de manière plus violente et destructrice à l'avenir. En revanche, une gestion efficace des conflits peut permettre à une société de tirer parti des aspects constructifs des conflits tout en minimisant leurs aspects destructeurs.

Julien Freund distingue deux formes de conflits : la lutte et le combat. Chacune a ses propres caractéristiques et son propre contexte :

  • La lutte se réfère généralement à un type de conflit qui est structuré et prévisible. Par exemple, la lutte des classes est un type de conflit qui se produit dans le cadre d'une structure sociale établie, et qui est souvent prévisible dans ses formes et ses résultats. Dans ce contexte, la lutte est souvent organisée et régulée de manière à maintenir un certain ordre, comme on le voit dans le rôle des services d'ordre lors des manifestations. La lutte est également souvent un moyen pour les groupes marginalisés ou désavantagés de revendiquer leurs droits et d'exprimer leur protestation contre les structures sociales injustes.
  • Le combat, en revanche, se réfère à un type de conflit qui peut être plus violent et moins structuré. Cependant, même les combats sont souvent régulés d'une certaine manière, comme on le voit dans les règles de conduite pour la guerre. Le but du combat est généralement de contrôler et de limiter la violence, plutôt que de la laisser s'exprimer de manière incontrôlée. Cela reflète l'idée de Max Weber selon laquelle l'État moderne est fondé sur le contrôle et l'usage légitime de la violence.

Cette distinction entre la lutte et le combat offre un cadre utile pour comprendre les différentes formes de conflits sociaux et politiques. Cela permet de comprendre que, bien que tous les conflits puissent comporter une certaine forme de violence, cette violence peut prendre différentes formes et être régulée de différentes manières.

Julien Freund distingue deux états concernant l'usage de la violence, l'état polémique et l'état agonal :

  • L'état polémique est un état de guerre ou de conflit ouvert. Le terme "polemos" vient du grec et fait référence à l'art de la guerre. Dans cet état, il existe une violence manifeste et souvent non régulée entre les entités, comme les États. La gestion de ce type de violence nécessite généralement des efforts pour canaliser et contrôler le conflit afin de prévenir une escalade incontrôlée.
  • L'état agonal, en revanche, est un état où la violence est transformée et rendue fonctionnelle afin de prévenir l'autodestruction. Dans cet état, la société trouve des moyens de substituer la sécurité à la violence. La conflictualité est alors réorientée vers la compétition, transformant ainsi la violence en un mode de fonctionnement sociétal. Dans ce processus, l'idée d'un "ennemi" est remplacée par celle d'un "adversaire". La violence pure est abolie, et à sa place, une adversité régulée et institutionnalisée est introduite.

En somme, dans un état agonal, la violence est captée par la société et institutionnalisée, transformant ainsi le conflit en compétition. Cela permet à la société de se légitimer elle-même, tout en évitant l'escalade de la violence. C'est un renoncement à la violence en faveur d'une structure institutionnalisée d'adversité. Dans ce contexte, celui qui est le plus faible est souvent celui qui n'est pas en mesure de s'adapter à cette structure d'adversité sociale au sein de l'État moderne.

L'État agonal, bien qu'il présente de nombreux avantages en canalisant et en institutionnalisant la conflictualité, pose aussi des défis significatifs. L'un des plus importants est le risque que la compétition, qui est sensée être une forme saine de rivalité, puisse dégénérer en violence véritable. Maintenir l'équilibre dans un état agonal nécessite une gestion délicate. Les institutions sociales et politiques doivent être suffisamment fortes et souples pour contenir et réguler la conflictualité, tout en permettant une compétition saine. Cela implique généralement un équilibre entre l'autorité et la liberté, entre la stabilité et le changement, et entre l'individualité et la communauté. Si la compétition devient trop intense, ou si elle est perçue comme injuste ou truquée, elle peut facilement dégénérer en violence. De même, si des individus ou des groupes se sentent opprimés, ignorés ou marginalisés, ils peuvent recourir à la violence comme moyen d'exprimer leur frustration et de faire pression pour le changement.

Le sport, en effet, est un domaine particulièrement illustratif de ce qu'est l'état agonal défini par Julien Freund. Il sert à canaliser la conflictualité naturelle des individus, et l'encadre dans une structure de compétition avec des règles clairement établies. Cette structure permet à l'agressivité et à la compétitivité de s'exprimer de manière contrôlée et productive, plutôt que destructrice. Cependant, le sport peut également être un espace où la violence peut ressurgir à tout moment. Les compétitions sportives peuvent parfois dégénérer en conflits violents, soit sur le terrain entre les joueurs, soit entre les supporters dans les tribunes. C'est particulièrement le cas dans les sports de contact, où la violence fait partie intégrante du jeu, mais c'est aussi vrai dans presque tous les autres sports. Il est donc important de maintenir un équilibre délicat dans le sport. D'une part, il faut permettre l'expression de la compétitivité et de l'agressivité dans un cadre contrôlé. D'autre part, il faut veiller à prévenir et à gérer les débordements de violence, afin de maintenir l'intégrité du sport et la sécurité des participants et des spectateurs. Le sport est donc un exemple frappant de la tension entre l'état agonal, qui cherche à canaliser la conflictualité en compétition, et la potentialité de la violence, qui menace constamment de déborder de ce cadre.

La contradiction est de devoir gérer les manifestations sportives sans violence et d’être soumit à la violence qui ressort à travers le sport. Cette contradiction est au cœur de nombreux débats dans le monde du sport. D'une part, il y a une volonté de minimiser la violence dans le sport afin de préserver son intégrité et la sécurité des participants et des spectateurs. D'autre part, il y a une reconnaissance que le sport, en tant que domaine d'expression de la conflictualité humaine, est intrinsèquement susceptible d'engendrer des comportements violents.

L’émeute

Émeute des conducteurs routiers à Minneapolis, en 1934.

L'émeute représente effectivement une forme de dégénérescence du conflit, lorsque celui-ci échappe à tout contrôle institutionnel et se transforme en violence collective non structurée. Alors que le conflit, même intense, peut généralement être contenu et géré à travers des mécanismes institutionnels (comme la négociation, la médiation, ou l'application du droit), l'émeute marque un point de rupture où ces mécanismes ne sont plus efficaces ou pertinents. La notion d'émeute englobe une diversité de situations, allant de la révolte spontanée contre une injustice ressentie à la violence de foule sans but précis. Ce qui caractérise l'émeute, c'est son caractère désorganisé et sa nature explosive, qui la distingue des formes de violence collective plus structurées comme l'insurrection ou la guerre. Si l'émeute est une forme de dégénérescence du conflit, elle est aussi parfois un symptôme de problèmes sociaux plus profonds qui n'ont pas été résolus par les voies institutionnelles habituelles. Ainsi, si l'émeute est un problème en soi, elle est aussi souvent le signe d'autres problèmes qui méritent une attention sérieuse.

L'émeute est souvent perçue, notamment par les philosophes, comme une manifestation de l'émotion collective non contrôlée, où le rationnel et le structuré font place à l'irrationnel et au chaotique. Elle symbolise une forme d'expression violente et désordonnée d'une colère ou d'une frustration collective qui n'a pas trouvé d'autres voies d'expression ou de résolution. Dans cette perspective, l'émeute est vue comme une dégénérescence du conflit, car elle échappe aux normes et aux structures habituellement associées à la gestion des conflits. Elle est dominée par l'émotion, qui peut submerger les individus et les pousser à des actions qu'ils n'auraient pas entreprises dans un état d'esprit plus calme ou plus rationnel.

L'émeute est souvent perçue comme dangereuse car elle est généralement animée par des émotions fortes plutôt que par une pensée rationnelle. Son caractère impulsif et immédiat amplifie sa nature imprévisible, contribuant ainsi à son image d'instabilité. Les rumeurs jouent souvent un rôle important dans la genèse des émeutes, propageant des informations non vérifiées qui attisent les émotions et contribuent à la montée de la tension. Ce mode de communication informel et non régulé peut alimenter la peur, la colère ou l'indignation, éventuellement conduisant à des débordements de violence. Ainsi, les émeutes mettent en évidence le pouvoir de l'émotion dans l'espace public et soulignent le rôle crucial de la gestion adéquate de l'information et des conflits pour maintenir la stabilité sociale.

Les émeutes se déclenchent souvent de manière soudaine et intense, franchissant les limites établies par les normes sociales, les lois et la morale. Elles se développent sans réflexion préalable ni planification stratégique, et peuvent parfois manifester une absence de pitié ou de discernement. Le principal défi posé par les émeutes réside dans leur difficulté à être contrôlées. Ces éruptions de violence collective représentent une transgression marquée des valeurs sociétales, où les règles habituellement acceptées sont momentanément mises de côté. C'est un phénomène complexe qui souligne la fragilité de l'ordre social et la force des émotions collectives.

L'émeute peut parfois prendre une forme de violence gratuite ou de rébellion contre l'ordre établi, parfois avec une dimension quasi récréative, comme si le chaos engendré procurait un certain plaisir ou une libération des contraintes de la vie quotidienne. Néanmoins, il est important de noter que les émeutes sont généralement le reflet de problèmes sociaux plus profonds. Elles sont souvent liées à des conditions matérielles difficiles, comme la pauvreté et le chômage, ainsi qu'à des sentiments de marginalisation et d'insécurité. Ces facteurs peuvent conduire des groupes de personnes à se sentir exclues, ignorées ou maltraitées par la société, ce qui peut, à son tour, conduire à des explosions de violence collective sous forme d'émeutes.

La philosophie classique a fortement mis l'accent sur l'importance de la rationalité en politique. Aristote, par exemple, dans son œuvre "Politique", décrit la politique comme une science pratique qui nécessite une application rationnelle de la théorie à la pratique. Aristote soutient que la politique est l'art de déterminer le meilleur moyen d'organiser la communauté, et que cela ne peut être réalisé qu'en utilisant la raison pour analyser et comprendre les situations complexes auxquelles la communauté est confrontée. En d'autres termes, le véritable politicien, selon Aristote, est quelqu'un qui peut appliquer la raison à la politique pour résoudre les problèmes et favoriser le bien-être de la communauté. Platon, dans "La République", défend également l'idée que la raison doit guider la politique. Pour Platon, la société idéale est gouvernée par des "philosophes-rois", qui sont capables d'utiliser leur raison pour voir au-delà des apparences trompeuses du monde sensible et comprendre les formes éternelles et immuables qui constituent la réalité véritable. Ainsi, pour ces philosophes classiques, la politique n'est pas simplement une affaire de pouvoir ou d'intérêt personnel, mais une question d'application rationnelle de principes éthiques pour le bénéfice de la communauté. La politique, pour eux, est une forme d'art qui requiert non seulement des compétences techniques, mais aussi la capacité de penser rationnellement et de prendre des décisions éthiques.

Bien que traditionnellement la philosophie classique ait insisté sur l'importance de la raison dans la politique, il faut admettre que l'émotion joue un rôle important dans les comportements politiques, en particulier dans les situations de conflit ou de tension sociale. Les émeutes, par exemple, sont souvent le résultat d'un sentiment d'injustice, de frustration ou de marginalisation, et elles reflètent les émotions fortes de ceux qui y participent. Cela ne signifie pas pour autant que l'émotion est en soi irrationnelle ou nuisible. Les émotions peuvent fournir des informations précieuses sur notre environnement et peuvent motiver l'action de manière efficace. Cependant, elles peuvent également entraîner des comportements destructeurs ou impulsifs si elles ne sont pas bien gérées. En ce qui concerne le discours politique contemporain, il est vrai que l'émotion a acquis une importance considérable. Les politiciens ont de plus en plus recours à des stratégies rhétoriques émotionnelles pour mobiliser leurs électeurs. Cela peut être à la fois bénéfique et préjudiciable, selon la manière dont ces émotions sont utilisées. D'une part, elles peuvent favoriser l'engagement et la participation citoyenne. D'autre part, elles peuvent également être utilisées pour manipuler les opinions publiques et encourager la polarisation et le conflit.

Subversion et révolutions

La subversion est un concept intéressant en philosophie politique. Le terme "subversion" vient du latin "subvertere", qui signifie "renverser" ou "bouleverser". Le préfixe "sub" en latin signifie "sous" ou "en dessous", ce qui ajoute une dimension supplémentaire à l'idée de renversement - non seulement quelque chose est bouleversé, mais c'est fait d'une manière qui vient "d'en dessous" ou de l'intérieur. Dans un contexte politique, la subversion fait généralement référence à une tentative d'altérer ou de renverser les structures de pouvoir existantes. Cela peut impliquer diverses formes d'action, allant de la désobéissance civile à la résistance clandestine, en passant par des formes plus subtiles de critique et de remise en question des idéologies dominantes. Dans de nombreux cas, la subversion est considérée comme une forme d'activité politique radicale. Cependant, elle peut aussi être vue comme un aspect important de tout système politique sain, dans la mesure où elle permet une contestation et un débat ouverts, ce qui est essentiel pour le fonctionnement de la démocratie. C'est souvent à travers des actes de subversion que de nouvelles idées et perspectives peuvent émerger et être intégrées dans le discours politique.

La subversion est une action stratégique et délibérée visant à déstabiliser ou renverser une institution, une structure de pouvoir, ou même une idéologie. À la différence de l'émeute, qui est souvent spontanée et imprévisible, la subversion est caractérisée par la préméditation et l'intentionnalité. La subversion est souvent une démarche de long terme, car le renversement d'un système ou d'une structure de pouvoir ne se produit généralement pas du jour au lendemain. Elle implique généralement une planification soigneuse et une coordination entre les différents acteurs impliqués. En outre, la subversion peut prendre de nombreuses formes, allant de la désobéissance civile à la propagande, en passant par des actions plus directes telles que la grève, le boycott, ou même la rébellion armée. Elle peut également prendre des formes plus subtiles, comme l'usage de l'art, de la satire ou de la littérature pour critiquer ou remettre en question les structures de pouvoir existantes. La subversion est généralement perçue comme une menace par ceux qui détiennent le pouvoir, et peut donc souvent être rencontrée avec une forte résistance ou répression.

La "constitution d'une force d'action pour transformer" est une notion fondamentale dans plusieurs disciplines, notamment dans les domaines militaire, stratégique et géopolitique. Elle se réfère au processus par lequel un groupe ou une entité se prépare à instiguer un changement significatif. Dans un contexte militaire, cette idée s'applique souvent à la planification stratégique, où les forces armées se préparent à intervenir pour atteindre un objectif, que ce soit une victoire dans un conflit ou la réalisation d'un objectif politique précis. Du point de vue géopolitique, cela peut impliquer la mobilisation d'alliés, l'emploi de la diplomatie, l'offre d'aide économique, l'utilisation de la propagande, ou d'autres tactiques pour influencer la situation d'une région ou d'un pays particulier. L'objectif est de provoquer un changement qui sert les intérêts de l'acteur impliqué. Dans d'autres contextes, comme le lancement d'une nouvelle entreprise, l'innovation technologique, ou les changements sociaux et politiques, cette notion peut faire référence à la mobilisation de ressources, qu'il s'agisse de capital, de technologie, ou de ressources humaines. Néanmoins, indépendamment du contexte, la "constitution d'une force d'action pour transformer" nécessite une vision claire des changements désirés, une stratégie pour les réaliser, et la capacité de mobiliser et d'aligner les ressources nécessaires pour mettre en œuvre cette stratégie.

Les trois stratégies suivantes - l'encerclement idéologique, politique et stratégique - sont des techniques classiques de subversion. Elles ont pour objectif de restreindre, affaiblir et finalement renverser le pouvoir en place.

  1. Encerclement idéologique: Cette approche cherche à contrecarrer les idées de l'adversaire en proposant un cadre de pensée différent, souvent plus attrayant ou convaincant. L'objectif est de gagner le soutien des personnes et d'isoler l'adversaire en le privant de son soutien idéologique.
  2. Encerclement politique: Cette stratégie vise à influencer, contrôler ou neutraliser les acteurs politiques clés, tels que les législateurs, les fonctionnaires, les leaders d'opinion, ou même les médias. L'objectif est de limiter la capacité de l'adversaire à prendre des décisions et à agir.
  3. Encerclement stratégique: Il s'agit de créer un environnement hostile à l'adversaire, qui peut comprendre la mobilisation de ressources, la mise en place de sanctions économiques, ou même des actions militaires. L'objectif est de restreindre la capacité de l'adversaire à fonctionner efficacement.

Ces trois types d'encerclement peuvent être utilisés de manière indépendante ou conjointe, en fonction de la situation et des objectifs spécifiques. Cependant, il convient de noter qu'elles impliquent toutes un certain degré de conflit et peuvent entraîner une résistance de la part de l'adversaire.

La subversion est une stratégie ou une série de tactiques visant à affaiblir un adversaire en provoquant un changement, souvent de l'intérieur. Cette stratégie ne se limite pas à l'usage de la force brute, bien que cela puisse faire partie de l'approche dans certains cas. Les actions subversives peuvent inclure des activités conçues pour saper l'autorité, le moral, la cohésion ou la crédibilité de l'adversaire. La subversion peut prendre plusieurs formes, allant de la désinformation et de la propagande à la création de dissensions internes, à la mobilisation de la population ou à l'exploitation des divisions existantes. L'objectif de ces tactiques est souvent de changer les structures de pouvoir en place, de contraindre l'adversaire à changer de comportement, ou de modifier le statu quo en faveur du groupe qui mène les actions subversives. Dans le contexte d'une lutte pour le pouvoir ou le contrôle, la subversion peut être un outil puissant. C'est un moyen d'exercer de l'influence ou d'exercer une pression sans avoir recours à une confrontation directe ou à la violence. Cependant, en raison de sa nature indirecte et souvent clandestine, la subversion peut être difficile à détecter et à contrer, ce qui en fait une stratégie potentiellement très efficace pour ceux qui cherchent à provoquer un changement.

Roger Mucchielli est un psychosociologue et un philosophe français né le 11 mars 1919 à Marseille et décédé le 29 mai 1983. Il est surtout connu pour son travail sur la psychosociologie des organisations et la communication. Mucchielli a contribué à une grande variété de domaines, y compris l'éducation, la psychologie et la philosophie. Il a reçu sa formation en philosophie et en psychologie à la Sorbonne, où il a étudié sous la direction de figures éminentes comme Gaston Bachelard et Maurice Merleau-Ponty. Plus tard, il s'est tourné vers l'étude de la psychosociologie, contribuant à l'émergence de cette discipline en France. Parmi ses contributions les plus notables, on peut citer son analyse de la communication interpersonnelle et de groupe, ses travaux sur la dynamique des groupes et ses réflexions sur le leadership. Il est l'auteur de nombreux livres sur ces sujets, dont "La dynamique des groupes" et "Le travail en équipe". Il a aussi développé le concept de "subversion", défini comme une tentative de renversement d'une structure de pouvoir en place à travers des moyens clandestins et souvent indirects. Il a analysé les techniques de subversion et leur utilisation dans divers contextes, y compris les conflits politiques et sociaux. Au cours de sa carrière, Mucchielli a occupé plusieurs postes académiques, dont celui de directeur de recherche au CNRS et de professeur à l'Université de Paris X-Nanterre. Il a aussi été actif dans le domaine de la formation professionnelle, en particulier dans le domaine de la communication et du leadership dans les organisations.

Roger Mucchielli, dans ses travaux, identifie trois principaux enjeux ou objectifs de la subversion, chacun associé à des techniques spécifiques et se justifiant par la nature du conflit engagé :

  1. Démoraliser la nation visée : Il s'agit de saper le moral, l'unité et la cohérence d'une nation ou d'un groupe spécifique, souvent par le biais de campagnes de désinformation ou de propagande visant à semer le doute et la méfiance. La démoralisation peut affaiblir la résilience d'une nation, ce qui la rend plus vulnérable aux autres formes de subversion.
  2. Discréditer l'autorité : Cela implique des efforts pour discréditer les leaders ou les institutions en position d'autorité. Cela peut se faire par des campagnes de communication qui présentent l'adversaire comme une menace, mettent en évidence ses échecs ou exploitent ses controverses pour diminuer la confiance du public envers lui.
  3. Neutraliser les masses : Ceci vise à empêcher le soutien populaire envers le régime en place. Par exemple, en manipulant l'opinion publique à travers la désinformation ou la propagande, ou en créant des divisions au sein de la population pour affaiblir son soutien à l'autorité existante.

Dans tous ces cas, la subversion est une forme de guerre psychologique, qui peut être employée de manière insidieuse et souvent sous le radar. Bien que ces tactiques puissent être non violentes en elles-mêmes, elles peuvent également déclencher ou amplifier la violence si nécessaire, ce qui rend la subversion potentiellement très déstabilisante.

Les médias jouent un rôle crucial dans le processus de subversion, car ils sont souvent utilisés pour influencer l'opinion publique. La propagation d'informations, qu'elles soient exactes ou manipulées, à travers les médias peut façonner la perception des gens et orienter leurs attitudes et leurs croyances. La subversion peut être vue comme une sorte de "mise en scène" où l'information est présentée de manière à soutenir un certain point de vue ou une certaine cause. Par exemple, certaines informations peuvent être mises en avant tandis que d'autres sont omises ou déformées, créant ainsi une certaine image de la réalité qui peut ne pas correspondre à la situation réelle. Avec l'avènement des réseaux sociaux et des plateformes numériques, la capacité de diffuser des informations rapidement et à grande échelle a été grandement amplifiée. Ces outils peuvent être utilisés de manière efficace pour influencer l'opinion publique, soit pour le bien en sensibilisant sur des problèmes importants, soit pour le mal en propageant de la désinformation ou de la propagande.

La manipulation de l'information et la construction d'une réalité spécifique peuvent conduire à l'érosion de la confiance dans un régime ou une autorité et à la création d'un environnement propice à l'opposition et à la contestation. Dans certains cas, cela peut être fait en amplifiant les problèmes existants, en déformant la réalité, ou en créant de nouvelles informations qui incitent à la mécontentement ou à la dissidence. C'est une technique souvent utilisée en politique pour discréditer les adversaires ou pour susciter le soutien à une certaine cause. Bien que cette stratégie puisse être efficace à court terme, elle peut avoir des conséquences néfastes à long terme, notamment la désinformation, l'augmentation de la polarisation, l'érosion de la confiance dans les institutions et une instabilité sociale accrue.

La subversion est, en effet, un outil puissant capable d'influencer et de modifier le paysage politique. Elle est utilisée pour créer un changement au sein d'un système politique en s'attaquant à ses structures de pouvoir et à ses fondements idéologiques. En exploitant les tensions internes, les désaccords politiques, les inégalités sociales, les mouvements de subversion cherchent à déstabiliser et éventuellement à renverser les régimes politiques en place. Ces actions peuvent prendre plusieurs formes, allant de la propagande et de la désinformation à l'incitation à la désobéissance civile, en passant par des activités plus directes et potentiellement violentes. En dépit de son potentiel de changement, n'est pas sans risques. Elle peut entraîner des troubles civils, l'instabilité politique, voire la violence. Par ailleurs, il n'y a aucune garantie que le système qui émergera de la subversion sera meilleur ou plus équitable que le système précédent. En fin de compte, la subversion est un outil de changement complexe et potentiellement dangereux, et son utilisation doit être soigneusement considérée en tenant compte de ses répercussions potentielles.

Le renouveau contemporain de la contestation

Le concept de contre-pouvoir

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Depuis une vingtaine d’années, la contestation renait d’une façon différente.

Le livre Du Contre-Pouvoir de Miguel Benasayag et Diego Sztulwarkal s’interrogent sur l’analyse de l’évolution des modèles de lutte dans le monde contemporain. Dans les années 1970, l’action ne pouvait être pensée que par rapport à la question de la construction de l’idéologie. Aujourd’hui, nous sommes passés à autre chose. La précédente génération a échoué aux grands utopismes en pensant que la prise du pouvoir pouvait changer les choses, c’est un constat de l’échec de sa génération. Au contraire aujourd’hui émerge une génération qui développe son discours par le bas et non plus par le top-down. Les problèmes de la planète d’aujourd’hui découlent des échecs du passé. En intégrant les institutions, les militants se sont embourgeoisés avec leurs utopismes.

Le paradoxe est de ne plus se masquer de grandes idéologies pour le changement, mais il ne faut plus avoir de grands programmes, ce qui permet d’avoir des projets et d’être plus actif au sein de la société et pour la faire évoluer.

Comment fabriquer une efficacité politique ? Ne serait-elle pas ailleurs que dans la subversion ?

Au lieu de chercher à conquérir le pouvoir au cœur, il faut peut-être regarder ce qu’il se passe aujourd’hui sur les mobilisations de terrain. L’avenir n’est pas la conquête du pouvoir, mais le contre-pouvoir. Ce qui va changer demain c’est le fait que les gens sur place vont commencer à se mobiliser sur de grandes questions. L’enjeu n’est plus de conduire le pouvoir, mais de fabriquer un contre-pouvoir. Le regard critique sur les grandes questions de société est un mode contestataire.

De nombreuses ambiguïtés apparaissent notamment vis-à-vis de la violence qui dans un rapport contestataire avec la violence institutionnelle se justifie et trouve une légitimité en faisant face à une violence institutionnelle. Le monde meilleur nécessite plus d’égalité, mais pour construire le monde meilleur selon les préceptes marxistes il faut recourir parfois à la violence. Il faut repenser les conditions de l‘action à partir de la base dans l’utilisation d’une violence contestataire pour remettre en cause les grandes orientations de notre société.

Cet ouvrage permet de comprendre les formes de contestations actuelles. Pour Benasayag, il y a un changement de paradigme de la lutte sociale qui est un glissement du syndicalisme traditionnel qui est la défense d’intérêts spécifiques à une revendication sociétale qui est d’autant plus intéressent, qu’elle peut remettre en cause des grands schémas de pensés des individus.

Les nouveaux mouvements civils de contestation

Ulrich Beck a écrit Pouvoir et contre-pouvoir à l’heure de la mondialisation[1] publié en 2003. Il s’interroge sur les nouveaux paradigmes de la contestation sociale. L’hypothèse est fondée sur le cosmopolitisme méthodologique, c’est l’idée de dire que nous rentrons dans une société mondialisée qui modifie toutes les règles de fonctionnement et des champs sociaux. À partir des mutations de la société de l’information, nous sommes rentrés dans une société mondialisée. La société mondiale qui rassemble les différences est cosmopolite.

Le constat est de dire que si nous sommes rentrés dans le cosmopolitisme nous sommes rentrés dans de nouvelles notions parce que la société est mondialisée. Cela modifie toutes les règles de fonctionnement et d’échange, l’États-Nation n’est plus le seul acteur majeur, le politique fait un qui va au-delà de l’État-nation ; l’État est dépolitisé passant vers une infrapolitisation globale des sociétés menant à une société mondiale cosmopolite qui intègre les différences de cultures. Si nous avons conscience d’appartenir à un seul monde, il est bien clair que la nature des combats contemporains est différente des précédents.

Dès lors, le concept d’État-nation est dépassé, car les combats deviennent globaux. L’État-nation est dépolitisé dans la mondialisation économique. On aboutit à une société civile mondiale ou le politique a perdu de son efficacité faisant apparaître des enjeux cosmopolitiques :

  • la pauvreté ;
  • les risques ;
  • les inégalités ;
  • le réchauffement climatique.

Ce sont les nouvelles questions qui émergent de la société cosmopolite. C’est une société qui doit affronter des défis totalement nouveaux et dont on a pas les éléments de gestion parce que c’est une autre forme de pensée qu’il faut inventer. La souveraineté étatique de l’État-nation ne répond plus à ces questions.

Il développe ce que serait la nouvelle forme de l’État politique. Les lieux de sensibilité d’action collective sont les nouveaux combats : question des boycotts de produits, les politiques écologiques... En réalité le conflit n’a pas disparu, mais ressurgie sur d’autres formes en déqualifiant les formes anciennes de la mobilisation politique.

Il faut comprendre le fait que cette position philosophique cosmopolitique va pouvoir prendre un pas considérable, car toutes les barrières sont levées. Les enjeux de demain ne sont pas de l’ordre de la souveraineté étatique.

La contestation cosmopolitique qui fait éclater le cadre national est produit un nouveau militantisme : émergence de la minorité active de la contestation, ainsi dans un climat tendu émerge des mobilisations des « sans ». De nouveaux espaces, mais aussi des acteurs de la société se mobilisent.

Dès lors que les formes classiques de la protestation ne correspondent plus à l’enjeu de ces luttes.

L’effet de balancier immédiat est que les formes traditionnelles de contestations s’effritent parce qu’elles sont fondées sur des bases corporatistes qui ne sont plus à l’échelle des problèmes.

On assiste à un déplacement de la lutte aujourd’hui notamment avec l’arrivée des jeunes qui sont mobilisés sur des sujets qui les interrogent sur leur devenir.

On change dans les modes d’action. Les modes d’action sont renouvelés à travers des groupes sociaux mobiles :

  • les jeunes ;
  • les femmes actives ;
  • la classe moyenne ;
  • ceux ayant un fort capital culturel qui permet de mobiliser.

La dynamique associative est aussi le fait qu’on va se choisir sa propre cause cosmopolite. On ne s’engage pas sur quelque chose de l’ordre de l’idéologie, sur quelque chose qui acte l’être légitime, mais à défendre. On choisit sa cause en résonance avec sa propre réflexion.

Il y a une réinvention de l’espace public et une émergence d’une démocratie directe. Tout est dans l’instant. La mobilisation va être efficace parce que ce sont des forums d’actions renouvelés avec une médiatisation instantanée dans le sens ou les médias sont d’autant plus puissants.

Dans tous les pays industrialisés il y a une montée en puissance du militantisme associative qui recherche quelque chose de pragmatique ainsi qu’une participative rapide et effective à des débats de société sans être écrasé par le poids des structures, il y a une capacité de sélection, il faut choisir des causes, celle en adéquation avec le sens de sa quotidienneté.

De plus, se trouve l’émergence d’une contre-expertise avec des solutions intermédiaires. Il y a une efficacité de mobilisation qui remet en cause le lobbying.

Maintenant, il existe un répertoire très large d’action qui permet de créer des actions non conventionnelles qui prennent des aspects« coup de poing » pour montrer les limites des dispositifs institutionnels et qui ne rentrent pas dans une logique structurelle.

L’usage d’internet permet de mettre en lumière des espaces qui étaient jusqu’à peu visible et permet aussi un partage et une exploitation des données dans l’instantané et le direct pour fabriquer un contre-pouvoir international à partir de l’opinion publique. C’est un nouvel investissement de l’espace public qui marginalise les syndicats. Ce sont des mobilisations réactives et rapides qui permettent des réclamations rapides hors d’une logique structurelle débordant la société civile. C’est la fabrication d’une démocratie directe instantanée.

Dès lors, la mobilisation se fait autour des « sans », c’est de l’humanitarisme émotionnel.

Les nouveaux mouvements contestataires rassemblent trois types de populations :

  • Les personnes en situation de souffrance ;
  • Les militants des associations de« sans » (individus politisés) ;
  • Les « personnes-ressources » : militants ou sympathisants requis par l’organisation en raison de leurs compétences individuelles ou de ce qu’ils représentent.

C’est un renouvellement des formes d’action qui permettent de s’interroger sur la publicisation de la lutte. La lutte altermondialiste à une publicisation et une capacité de médiatisation très forte.

Le politique étant construit dans un dispositif social institutionnel, il y a toujours un risque de récupération par le politique, c’est un paradoxe que tous ces nouveaux mouvements connaissent.

L’intérêt d’internet est que cet outil offre la capacité d’accélérer les processus. Cela produit une efficacité et bouscule les institutions sur des questions de priorité et de stimuler l’activisme. Internet fournit une grande capacité d’expertise et de mobilisation d’une communauté dans l’immédiateté. C’est une nouvelle forme de démocratie directe qui produit une efficacité et qui bouscule les partis politiques, les entreprises les firmes internationales sur des questions de priorités.

La capacité de rendre public les choses oblige les entreprises à s’intéresser aux problématiques d’actualité. Cette capacité permet de mobiliser afin d’obstruer les débats internationaux.

Conclusion - Les conflits à venir : vers une nouvelle forme de subversion ?

N’allons-nous pas vers quelque chose de plus violent. On constate un retour de la subversion avec des formes renouvelées.

Les experts constatent une radicalisation du discours dans l’extrême gauche qui prône un retour à la subversion qui doit revenir le moteur politique pour changer les choses. Réapparaît un discours binaire entre oppressants et oppressés avec une contestation de la démocratie traditionnelle en disant qu’elle n’est plus une démocratie. C’est un appel à la subversion qui réactualise les idées anciennes de la guérilla urbaine au nom de la nécessité de paralyser le système existant et de penser l’action individuelle et collective comme un mode de transformation de nos sociétés.

Le groupe Tycoon fondé dans les années 1990 s’est autodissous après le 11 septembre. Il s’interroge sur ce qui se joue sur la réflexion théorique autour de la réflexion.

Il y aurait une insurrection qui vient parce que le présent est défini sans issues. Aucune alternative ne semble possible ni à gauche ni à droite. S’il n’y a pas de solutions sociales, nous sommes dans une logique de désespoir, il faut donc faire appel à la subversion. Du coup, il faut réactualiser la guérilla urbaine. On va réactualiser la guérilla : il faut renouer avec les théories de l‘insurrection pour paralyser les moyens existants.

On trouve des nouvelles formes de subversion qui reprennent les anciens procédés, mais apporte aussi quelques innovations.

Est-ce que ces mouvements contestataires peuvent-ils s’inscrire dans la démocratie actuelle ?

Annexes

Références

  1. Pouvoir et contre-pouvoir à l'ère de la mondialisation ; en poche chez Flammarion, Champs-Essais, 2008,