Morphologie des contestations

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La forme que prend une contestation est un reflet des structures sociales qui l'ont engendrée. De même, les systèmes d'organisation sociale ont des formes caractéristiques qui se manifestent à travers différentes actions et initiatives. Cependant, il est important de noter que ces formes ne sont pas statiques et peuvent évoluer au fil du temps en réponse à divers facteurs, comme le changement des valeurs sociétales, l'évolution technologique, ou encore les crises économiques ou politiques. Par exemple, les mouvements sociaux du XXe siècle, comme ceux pour les droits civiques ou le féminisme, étaient souvent structurés autour de grandes organisations et de leaders charismatiques, avec des manifestations de masse comme mode d'action privilégié. A l'ère numérique, nous voyons de plus en plus de mouvements "en réseau", où l'organisation est décentralisée et l'action peut prendre des formes très diverses, allant des manifestations de rue aux campagnes de sensibilisation en ligne. Quant à l'homogénéité dans les actions entreprises, elle peut être due à plusieurs facteurs. Dans un contexte donné, certaines formes d'action peuvent être perçues comme plus efficaces ou légitimes et donc être adoptées plus largement. De plus, l'existence de "scripts" culturels ou de normes sociales peut orienter les gens vers certaines formes d'action plutôt que d'autres.

Le langage reflète la complexité de la vie sociale et offre un nombre incalculable de mots pour décrire des situations différentes. Cependant, ces termes ne sont pas toujours précis ou distincts les uns des autres. Par exemple, des mots comme "société", "communauté", "groupe" et "réseau" peuvent parfois être utilisés de manière interchangeable, bien qu'ils aient des nuances de sens. Certains sociologues, philosophes et autres penseurs ont suggéré que nos catégories linguistiques et conceptuelles peuvent nous tromper en nous faisant percevoir des divisions plus nettes entre les phénomènes sociaux que celles qui existent réellement. Par exemple, nous pourrions penser à la distinction entre le "privé" et le "public" comme étant claire et nette, alors qu'en réalité, ces domaines se chevauchent et interagissent de manière complexe. En outre, l'usage de certains mots et leur signification peuvent varier en fonction du contexte culturel, historique, et même personnel. Par exemple, le concept de "liberté" peut avoir des significations très différentes dans des contextes politiques, philosophiques, ou personnels. Cela dit, bien que les mots et concepts utilisés pour décrire le social soient parfois flous ou interconnectés, ils restent un outil précieux pour analyser et comprendre notre monde. En prenant en compte leur complexité et leur contexte, nous pouvons approfondir notre compréhension des dynamiques sociales et des expériences humaines.

L'étymologie du mot "protestation" est effectivement liée à l'idée de "témoignage" ou "affirmation". Le mot "protestare" en latin signifie "déclarer publiquement" ou "affirmer solennellement". En effet, le terme protestant, dérivé du latin, est apparu au XVIe siècle lors de la Réforme protestante, un mouvement religieux qui a contesté certaines doctrines et pratiques de l'Église catholique. Le protestantisme était caractérisé par une insistance sur la lecture personnelle de la Bible et l'interprétation individuelle de sa signification, en contraste avec l'insistance catholique sur l'autorité de l'Église et du clergé. En ce sens, la "protestation" dans le protestantisme était une affirmation de la foi individuelle et une critique de l'autorité religieuse instituée. Au fil du temps, le mot "protestation" en contexte séculier a pris une signification plus large pour désigner toute forme de désaccord ou de contestation contre un état de fait ou une autorité. Il peut s'agir de manifestations de masse dans la rue, de grèves, de boycotts, ou d'autres formes d'action collective. Ces formes de protestation peuvent, bien sûr, varier en termes de leur niveau de confrontation ou de violence.

Le protestantisme, comme son nom l'indique, est né d'une protestation, d'une attestation de foi qui s'opposait à certaines pratiques et croyances de l'Église catholique de l'époque. Le protestantisme a marqué une rupture significative avec l'Église catholique, en proposant une nouvelle interprétation de la foi chrétienne et en critiquant ce que ses fondateurs considéraient comme des dérives du catholicisme. Le protestantisme, en se distinguant du catholicisme, a introduit des notions progressistes, jetant les bases de certains principes fondamentaux de la pensée moderne. Au cœur de ces principes se trouvent la dignité inhérente de l'homme, le libre arbitre et un appel à l'opposition au statu quo dans le but de construire un monde meilleur. La dignité de l'homme, un concept fondamental du protestantisme, découle de la conviction que tous les individus sont égaux devant Dieu et possèdent une valeur intrinsèque. Ce concept est en contraste direct avec certaines interprétations du catholicisme, qui accordaient une autorité considérable au clergé. Le protestantisme a également mis en avant le libre arbitre dans la foi, affirmant que chaque individu a la capacité et la responsabilité de lire et d'interpréter la Bible par lui-même. Cette idée a contribué à démocratiser la foi et à la rendre plus accessible au laïc. Enfin, le protestantisme a souvent encouragé une forme d'engagement dans le monde visant à transformer la société afin qu'elle soit plus conforme aux principes bibliques. Cela a incité de nombreux protestants à s'impliquer dans des mouvements de réforme sociale, de justice économique et d'éducation. Ces principes ont joué un rôle essentiel dans le développement de la pensée moderne et ont influencé des domaines aussi variés que la politique, l'économie, la philosophie et la science. Ils continuent d'être un moteur puissant du discours et des pratiques contemporains dans de nombreux aspects de la vie sociale.

Le protestantisme a apporté une interprétation humaniste de la société et de la religion, centrée sur la dignité et le libre arbitre de l'individu. Cette perspective a conduit à une relecture et une réinterprétation des textes bibliques, ce qui a à son tour donné naissance à de nouvelles institutions et pratiques religieuses. L'un des changements majeurs introduits par le protestantisme est le concept du "sacerdoce universel" - l'idée que chaque croyant a un accès direct à Dieu et peut interpréter la Bible par lui-même, sans avoir besoin d'un prêtre ou d'un autre intermédiaire. Cela a contribué à démocratiser l'accès à la foi et à donner aux individus une plus grande responsabilité dans leur propre pratique religieuse. Le protestantisme a également mis l'accent sur la formation de communautés de croyants qui se rassemblent pour adorer et étudier la Bible ensemble. Ces communautés, ou églises, sont souvent gouvernées de manière démocratique, avec des membres de la communauté qui jouent un rôle actif dans la prise de décision. Cela contraste avec le modèle hiérarchique plus traditionnel de l'Église catholique. Enfin, le protestantisme a encouragé un engagement actif dans le monde, y compris par des efforts pour transformer la société selon les principes chrétiens. Cela a souvent conduit les protestants à s'engager dans des actions sociales et à défendre des causes telles que la justice sociale et économique.

Les principes introduits par le protestantisme tels que la dignité individuelle, le libre arbitre, l'engagement dans la communauté et le monde, ont tous des implications profondes pour la façon dont nous nous comprenons en tant qu'individus et sociétés. La question de la cohésion sociale est particulièrement pertinente aujourd'hui, dans un contexte de plus en plus diversifié et pluraliste. Le principe du respect de la dignité de chaque individu, indépendamment de ses croyances, origines ou statut, est fondamental pour maintenir une société inclusive et harmonieuse. De même, l'idée du libre arbitre invite à la tolérance et au respect des choix individuels, y compris en matière de croyance religieuse ou d'absence de religion. C'est une notion clé pour la liberté de conscience et la liberté de religion, deux principes fondamentaux des sociétés démocratiques. L'engagement dans la communauté et dans le monde, autre valeur centrale du protestantisme, souligne l'importance de la participation active à la vie sociale et politique pour le bien-être de la société dans son ensemble. Cela peut se manifester de différentes manières, de l'implication dans des organisations bénévoles locales à l'activisme pour des causes globales. Enfin, l'idée de l'interprétation individuelle des textes sacrés rappelle l'importance de l'éducation et de la littératie, non seulement pour la pratique religieuse personnelle, mais aussi pour la participation éclairée à la vie publique. Ces principes n'ont pas seulement façonné le protestantisme, mais aussi la façon dont nous concevons et vivons dans nos sociétés contemporaines. Ils continuent d'éclairer des questions clés d'actualité, comme la cohésion sociale et la participation collective.

Au-delà de l'indignation ou de la protestation, ce qui est essentiel c'est la création d'un sens collectif, la construction d'une vision commune qui permet d'unir les individus et de les mobiliser vers un objectif commun. C'est souvent cette capacité à créer un sens collectif qui détermine le succès ou l'échec d'un mouvement social ou d'une transformation sociétale. Ce processus de création de sens peut être vu comme un paradigme du changement. Au lieu de se concentrer uniquement sur les problèmes ou les injustices, il s'agit de proposer une alternative, une vision d'un avenir meilleur. C'est ce qui permet de transformer l'indignation en action constructive. Le changement social peut prendre de nombreuses formes et impliquer une variété de stratégies et de tactiques. Cependant, quelle que soit la forme qu'il prend, il est presque toujours marqué par un fort symbolisme. Les symboles sont puissants parce qu'ils peuvent encapsuler des idées complexes et des sentiments profonds de manière concise et mémorable. Ils peuvent aider à donner une identité à un mouvement, à mobiliser les supporters et à communiquer le message du mouvement à un public plus large. Qu'il s'agisse de slogans, de logos, de chansons, de gestes ou d'actes de désobéissance civile, ces symboles jouent un rôle clé dans la construction d'un sens collectif et la facilitation du changement social. Ils servent à la fois à unifier les participants au mouvement et à diffuser leurs idées à un public plus large, créant ainsi les conditions nécessaires pour le changement social.

le concept de protestation est intrinsèquement lié à l'idée de dialogue et d'échange. Une protestation est souvent le résultat d'une insatisfaction ou d'un désaccord avec une situation existante, et représente une forme de communication de ces préoccupations à un public plus large, qu'il s'agisse des autorités, du public en général ou d'autres acteurs concernés. Cependant, à mesure que l'intensité d'une protestation augmente, la possibilité d'un dialogue véritable peut parfois diminuer. Les protestations plus intenses peuvent être le reflet d'une frustration ou d'une colère profondes, et peuvent parfois entraîner une polarisation accrue et une diminution de la communication entre les différents groupes. C'est pourquoi la protestation, bien qu'elle soit une forme importante d'expression sociale et politique, n'est qu'un aspect de la réponse à l'injustice ou à l'insatisfaction. Pour être vraiment efficace, elle doit souvent être complétée par d'autres formes d'action, y compris le dialogue, la négociation, l'éducation et l'organisation communautaire.

La protestation elle-même peut prendre de nombreuses formes différentes, allant des manifestations de rue aux grèves, en passant par les actions directes et la désobéissance civile. Chaque forme de protestation a ses propres forces et faiblesses, et peut être plus ou moins adaptée en fonction du contexte spécifique et des objectifs visés.

Du conflit à la subversion

Le conflit

Julien Freund.

La science politique s'intéresse de près aux protestations et aux mouvements sociaux en tant que forces majeures de changement social et politique. Dans ce contexte, la notion de conflit est souvent une composante centrale de l'analyse. Le conflit, dans le cadre de la science politique, ne désigne pas nécessairement la violence ou la guerre, mais plutôt toute situation dans laquelle deux ou plusieurs parties ont des objectifs ou des intérêts contradictoires. Les conflits peuvent survenir à tous les niveaux de la société, des désaccords individuels aux conflits sociaux et politiques de grande envergure. La protestation est souvent une réponse à un conflit perçu, que ce soit un conflit d'intérêts économiques, de valeurs sociales ou de pouvoir politique. Les personnes ou groupes qui se sentent lésés ou marginalisés par le statu quo peuvent recourir à la protestation pour exprimer leur insatisfaction et revendiquer des changements. La science politique s'intéresse à la façon dont ces conflits surgissent, comment ils sont gérés ou résolus, et quelles sont les conséquences pour la société dans son ensemble. Cela peut impliquer l'étude des structures de pouvoir, des ressources disponibles pour différents groupes, des stratégies et tactiques utilisées dans les conflits, et des facteurs qui peuvent faciliter ou entraver la résolution des conflits.

Le conflit peut être considéré comme allant au-delà de la protestation, et parfois même comme une phase qui suit la protestation. Dans le cadre de la protestation, les individus ou les groupes expriment leur désaccord ou leur insatisfaction, souvent de manière publique et visible. Lorsque ces protestations ne sont pas prises en compte ou résolues de manière satisfaisante, elles peuvent évoluer en conflits plus profonds et plus durables. Un conflit peut prendre de nombreuses formes, allant des disputes verbales aux actions directes, en passant par la désobéissance civile et parfois même la violence. Contrairement à une protestation, qui est souvent une réaction à une situation spécifique, un conflit peut impliquer une opposition plus systématique et plus profondément enracinée. Il peut également être plus complexe et difficile à résoudre, car il peut impliquer des désaccords fondamentaux sur les valeurs, les intérêts ou les structures de pouvoir. Bien que le conflit puisse être une source de tension et de désordre, il peut aussi être un moteur de changement et d'innovation. En mettant en lumière les problèmes et les injustices, le conflit peut stimuler le débat, la réflexion et l'action, conduisant éventuellement à de nouvelles solutions et à des changements positifs. Ainsi, la science politique, ainsi que d'autres disciplines des sciences sociales, s'intéressent de près à la dynamique du conflit, à la façon dont il évolue et à son impact sur la société. C'est un domaine complexe et multidimensionnel qui nécessite une compréhension approfondie des processus sociaux, politiques et psychologiques.

Julien Freund est un sociologue et philosophe politique français né en 1921 et décédé en 1995. Il est connu pour son travail sur la théorie du conflit, l'essence du politique et le réalisme politique. Freund est surtout connu pour son livre "L'Essence du politique" (1965), dans lequel il développe une analyse réaliste de la politique basée sur les idées de Carl Schmitt, un théoricien politique allemand. Dans ce livre, Freund soutient que le conflit est un élément inévitable et fondamental de la politique. Freund a également écrit sur d'autres sujets liés à la politique, à la sociologie et à la philosophie, notamment la guerre et la paix, l'éthique, le pouvoir, la liberté et l'autorité. Bien que ses idées aient été controversées en raison de leur association avec Schmitt, qui a été critiqué pour ses liens avec le régime nazi, Freund a néanmoins contribué de manière significative à la théorie politique et sociologique. Freund a résisté à l'occupation nazie pendant la Seconde Guerre mondiale, a été arrêté par la Gestapo et a survécu à plusieurs camps de concentration. Ces expériences ont sans doute eu un impact sur ses vues ultérieures sur la politique et le conflit.

Julien Freund a eu une contribution significative à la compréhension de la légitimité politique et de la violence. Son travail sur ces sujets est principalement basé sur une relecture et une réinterprétation de travaux antérieurs dans ces domaines, en particulier ceux de Max Weber et Carl Schmitt. Sur la question de la légitimité politique, Freund s'est fortement appuyé sur les travaux de Max Weber. Pour Weber, la légitimité est l'une des sources clés de l'autorité politique, et il a distingué trois types de légitimité : la légitimité traditionnelle (basée sur des coutumes et des traditions établies), la légitimité charismatique (basée sur la personnalité et le charisme d'un leader), et la légitimité rationnelle-légale (basée sur des règles et des lois établies). Freund a repris et développé ces idées, en se concentrant sur le rôle des conflits et de la violence dans l'établissement et le maintien de la légitimité politique. Pour Freund, la légitimité n'est pas simplement une question de consentement ou d'acceptation, mais implique aussi une dimension coercitive : pour être légitime, une autorité doit être capable de maintenir l'ordre et de résoudre les conflits, y compris par l'usage de la force si nécessaire. En ce qui concerne la violence, Freund a été fortement influencé par Carl Schmitt et sa théorie du politique. Schmitt soutient que l'essence du politique réside dans la distinction entre "ami" et "ennemi", et que la possibilité de conflit - y compris la violence - est une caractéristique fondamentale de la politique. Freund a repris ces idées, en soulignant que la violence n'est pas simplement une aberration ou un échec de la politique, mais peut en fait jouer un rôle central dans l'établissement et la préservation de l'ordre politique. Ces idées ont été controversées, mais elles ont néanmoins apporté une contribution importante à la théorie politique, en mettant l'accent sur les aspects du pouvoir, du conflit et de la violence qui sont souvent négligés dans les approches plus idéalisées de la politique.

Freund propose une réflexion approfondie sur le conflit, insistant sur le fait qu'il ne s'agit pas d'un accident ou d'une anomalie, mais qu'il est intrinsèquement lié à la nature de la société et de la politique.

Freund considère le conflit comme une divergence profonde d'intérêts qui peut surgir lorsqu'il y a tension entre ceux qui acceptent l'état actuel de l'espace public et ceux qui désirent un changement. Le conflit émerge alors des contradictions inhérentes à la société, façonnant des positionnements et des attitudes diverses. Selon Freund, le conflit n'est pas simplement une aberration ou un incident fortuit, mais plutôt une réalité inhérente à l'existence humaine et sociale. Pour le démontrer, il cite l'exemple du marxisme, qui ne peut être considéré comme un accident de l'histoire. Au contraire, le marxisme est fondamentalement ancré dans la pensée du conflit. Karl Marx lui-même a conceptualisé la société en termes de conflit de classes, arguant que les luttes de pouvoir entre les classes sociales - spécifiquement entre la bourgeoisie, qui possède les moyens de production, et le prolétariat, qui vend sa force de travail - sont le moteur central du progrès historique et du changement social. Dans cette optique, le conflit n'est pas un accident, mais un mécanisme nécessaire et inévitable de la dynamique sociale. Cette perspective rejoint celle de Freund, qui voit le conflit comme un phénomène structurel et non comme une anomalie. Pour lui, comprendre le conflit est essentiel pour comprendre la nature de la politique et de la société.

Freund soutient que le conflit est le résultat d'une divergence profonde d'intérêts. Il identifie une tension inhérente au conflit, qui existe entre ceux qui sont satisfaits de l'état actuel de l'espace public et ceux qui souhaitent un changement. Ce conflit est alimenté par les contradictions sociétales, donnant lieu à diverses positions et orientations. Il reconnaît l'existence de plusieurs types de conflits, dont le conflit social et le conflit de classe. Dans le contexte social, le conflit façonne la structure des négociations. Le syndicalisme, un élément inhérent à toute démocratie, est un exemple représentatif de cela. Les syndicats représentent des intérêts spécifiques et négocient ces intérêts avec les gouvernements sur la base de conflits sociaux. Pour les marxistes, ces conflits sont l'expression d'un mode de production intrinsèquement contradictoire. Il s'agit d'un rapport de force qui émane des changements sociétaux auxquels certains s'opposent. Le conflit de classe est un autre type de conflit important. Selon la théorie marxiste, la société est divisée en différentes classes, dont les intérêts sont fondamentalement en conflit. Par exemple, la bourgeoisie, qui possède les moyens de production, est en conflit avec le prolétariat, qui vend sa force de travail. Ce conflit de classe est perçu comme le moteur de l'histoire et du changement social.

Freund avance que toute société est, par nature, conflictuelle. Le conflit est inhérent à l'existence sociale, il n'est pas nécessairement négatif, mais peut être un vecteur de progression. L'histoire démontre que toutes les sociétés ont expérimenté diverses formes de conflits. Lorsqu'une société subit des changements rapides et majeurs, elle peut lutter pour maintenir le rythme, ce qui augmente la potentialité de conflit. Il y a un décalage entre la rapidité de l'évolution des temps et la capacité de l'être humain à s'adapter. Lorsque les transformations sociales et politiques sont particulièrement drastiques, cela peut entraîner une résistance et une opposition au changement. En somme, le conflit peut être considéré comme un concept de discordance, reflétant les tensions inhérentes à toute société en mouvement. Les conflits ne sont donc pas simplement des perturbations indésirables, mais peuvent être vus comme des indices des tensions profondes et des luttes de pouvoir qui structurent la société, et qui peuvent conduire à son évolution.

Finalement, pour Freund le conflit est intrinsèquement lié à la conception de l'espace public. Il est non seulement une caractéristique inévitable de l'espace public, mais il joue également un rôle déterminant dans la façon dont cet espace est compris et structuré. Au sens philosophique et politique du terme, l'espace public est le lieu où les individus se réunissent pour débattre, échanger des idées et résoudre leurs différences. Par conséquent, le conflit est inévitable dans l'espace public, car les individus et les groupes ont souvent des points de vue divergents, des intérêts conflictuels et des idéologies différentes. Ainsi, en s'engageant dans l'espace public, les individus entrent potentiellement en conflit. Cela ne signifie pas que chaque interaction dans l'espace public est conflictuelle, mais plutôt que la conflictualité est une possibilité inhérente à la participation à l'espace public. Dans ce sens, le conflit peut être vu comme une caractéristique fondamentale et nécessaire de la démocratie, qui valorise le débat ouvert et la diversité des opinions.

Selon Freund et d'autres théoriciens sociaux, le conflit est une composante inévitable des relations sociales. Cela ne signifie pas que chaque interaction sociale est conflictuelle, mais plutôt que le potentiel pour le conflit existe dans toute relation sociale. Les différences d'intérêts, de valeurs, de perspectives, et même de compréhension des situations peuvent conduire à des conflits. Les relations sociales sont dynamiques et évolutives, et le conflit peut être une force motrice pour le changement et l'adaptation. Par exemple, le conflit peut stimuler l'innovation, favoriser l'évolution des normes sociales, ou inciter les individus à réévaluer leurs croyances et leurs comportements. De cette façon, bien que le conflit puisse être source de tension et de désaccord, il peut également contribuer à la vitalité et au progrès de la société.

Les sociétés modernes présentent des formes spécifiques de conflictualité dues à des causes multiples. Ces formes de conflictualité peuvent être le reflet de l'évolution de nos sociétés en termes de valeurs, de structures économiques, de technologies et de relations de pouvoir. Voici quelques exemples de causes potentielles :

  • L'inégalité économique et sociale : Les disparités de revenus et de richesses peuvent engendrer des tensions et des conflits. Les personnes qui se sentent injustement traitées ou dépossédées peuvent protester contre le statu quo, conduisant à des conflits sociaux.
  • La diversité culturelle et les différences idéologiques : Les sociétés modernes sont souvent caractérisées par une grande diversité de cultures, de religions et de valeurs. Cela peut entraîner des conflits lorsque différents groupes ont des visions du monde incompatibles ou lorsque les droits et les libertés de certains groupes sont perçus comme étant menacés.
  • La mondialisation et la compétition pour les ressources : La mondialisation a augmenté la concurrence pour les ressources limitées, ce qui peut entraîner des conflits entre nations, régions, ou groupes au sein d'une même société.
  • Les changements technologiques : L'évolution rapide des technologies a transformé de nombreux aspects de la vie quotidienne et de l'économie, ce qui peut créer des tensions entre ceux qui s'adaptent aux nouvelles technologies et ceux qui se sentent laissés pour compte.
  • Les problèmes environnementaux : Les défis environnementaux, comme le changement climatique, peuvent générer des conflits autour de la répartition des ressources, des responsabilités pour atténuer les effets du changement climatique, et des stratégies pour adapter nos sociétés à ces changements.

La nature et l'ampleur du conflit dans une société peuvent être grandement influencées par la vitesse à laquelle la société change. Dans nos sociétés modernes, caractérisées par un rythme rapide de changement technologique, économique, social et culturel, le conflit peut devenir plus fréquent ou plus intense. Ces changements rapides peuvent provoquer des sentiments d'insécurité, d'anxiété et de désorientation, car les gens ont du mal à s'adapter ou à comprendre les implications des changements qui se produisent autour d'eux. De plus, les bénéfices de ces changements rapides ne sont pas toujours également répartis dans la société, ce qui peut créer des tensions entre ceux qui profitent des changements et ceux qui se sentent laissés pour compte ou menacés par eux. En effet, on observe souvent des conflits entre les défenseurs de la modernité, qui voient les changements rapides comme une source d'opportunités et de progrès, et ceux qui valorisent plus la tradition, la stabilité et la continuité, et qui peuvent percevoir les changements rapides comme une menace pour leur mode de vie ou leurs valeurs.

La discordance de temporalité, ou le décalage entre différentes vitesses de changement dans une société, peut être une source importante de tensions et de conflits. Les individus et les groupes sociaux ont des rythmes de vie différents, des attentes différentes quant à la rapidité et à la direction du changement, et des capacités différentes à s'adapter aux changements. Ces différences peuvent conduire à des malentendus, des frustrations et des conflits. Ces conflits se jouent généralement dans l'espace public, où différents acteurs sociaux expriment leurs opinions, défendent leurs intérêts et négocient leurs différences. L'espace public est donc non seulement un lieu de conflit, mais aussi un lieu où les règles de gestion des conflits sont définies et mises en œuvre.

Le conflit est impossible à supprimer parce que c’est quelque chose d’intrinsèque à la société, on ne peut lui supprimer quelque chose de structurant.

Oppose la lutte au combat. Pour Freund, il y a une forme démesurée ou la question de la violence revient.

  • la lutte : il faut faire face à de la violence par un procédé distinct, c’est de l’ordre de l’imprévisible. La lutte des classes est par exemple une lutte qui est structurée, elle échappe à l’imprévisibilité parce que c’est une construction, la conscience de classe et le conflit sont une construction de la notion de conflictualité, c’est quelque chose de précis qui a des formes et qui est structuré. Dans les manifestations, le service d’ordre a pour fonction de structurer ceux qui vont manifester, il est nécessaire de créer une structure de l’ordre, ainsi la manifestation permet la protestation. Dès lors, la seule forme structurée de la lutte est la lutte des classes.
  • le combat : le situe dans des types de conflits plus ou moins réglés, mais souvent peuvent se régler. Par exemple, les guerres sont un combat régulé. Le combat a pour fonction de contrôler la violence et de la contenir dans une certaine limite. On retrouve l’idée de Weber que les États modernes sont fondés sur l’usage légitime de la violence.

De plus, Freund oppose dans l’usage de la violence deux types de situations :

  • l’état polémique : vient du mot « polemos » qui renvoie à l’art de la guerre. Il y a une violence ouverte entre États gérés. Les sociétés vont devoir canaliser le conflit.
  • l’état agonal : la société est obligée de transformer la violence et de la rendre opérationnelle pour éviter la destruction. Comment, une société substitut la sécurité à la violence ? C’est, au fond, comment la société redistribue la conflictualité en compétition en en faisant un mode de fonctionnement sociétal. Ainsi, la société capte la violence pour l’institutionnaliser en abandonnant le concept d’ennemie pour le concept d’adversaire, on abolit la violence pure et on la canalise en abolissant l’adversité. Un autre ordre social légitime la société par elle-même. Les rivaux ne se comportent plus comme ennemis, mais comme adversaires par un renoncement à la violence, mais dans une structure institutionnalisée de l’adversité. Le plus faible est celui qui ne peut répondre à ce concept d’adversité sociale dans l’État moderne.

Le problème c’est que l’état agonal n’est pas facile à maintenir, car il y a le risque que la compétition puisse dégénérer sur de la violence propre.

Le sport est par essence dans un espace totalement qui rentre dans la gestion de la violence individuelle, mais c’est en même temps un espace ou la violence peut revenir à chaque instant ; d’un côté il y a le souhait de canaliser la violence sportive pour répondre aux objectifs de l’État moderne. Par ailleurs, ces sports réactivent la violence individuelle. La contradiction est de devoir gérer les manifestations sportives sans violence et d’être soumit à la violence qui ressort à travers le sport.

L’émeute

Émeute des conducteurs routiers à Minneapolis, en 1934.

Le concept d’émeute c’est une dégénérescence des conflits, parce qu’il peut être régulé par des institutions de régulation du conflit.

Ce concept est pour les philosophes la dégénérescence du conflit,renvoyant à « l’émotion ». On est sur le champ émotionnel. Elle est historiquement perçue comme dangereuse parce qu’elle est conduite par l’émotion, c’est-à-dire un comportement non rationnel ; elle est de l’ordre de l’immédiateté. Elles se construisent souvent à partir de la rumeur : elles colportent la dimension émotionnelle dans l’espace public.

Elles se déchainent brutalement est dépassent les interdits sociaux ainsi que les conventions juridiques et morales. Elles se développent sans calculs et sans moyens, sans pitié, sans raisonnement. Son problème est la difficulté de la maitriser. C’est un espace de transgression des valeurs.

L’émeute est la naissance d’une forme de violence gratuite qui a une dimension récréative. Elle est liée à des caractères objectifs notamment liés à la pauvreté, au chômage, lié au sentiment de marginalisation, au sentiment d’insécurité.

Toute l’histoire de la philosophie et de la théorie classique est de dire que ce qui fait l’art politique est la raison. Aristote et Platon postulent que la politique va devenir un art, c’est-à-dire la capacité d’agir, par l’introduction de la raison, car ce qui est politique est le dessaisissement de l‘émotion.

Toute la philosophie classique va être de dire que l’art politique est le discours de la rationalité.

Les émeutes sont une façon de s’exprimer, c’est une réaction notamment à la provocation des politiques, à la marginalisation. Ainsi, aujourd’hui le discours et celui de l’émotion.

Subversion et révolutions

La subversion est intéressante parce que le préfixe « sub » a une dimension de dépassement de quelque chose. Elle est pensée, c’est de l’ordre du processus et de l’action, mais aussi du côté du renversement en opposition à l’émeute, c’est penser le moyen du renversement à travers une intentionnalité. C’est un changement par un processus qui renvoie à des moyens et à des règles, à savoir les moyens à disposition pour renverser le processus.

C’est la constitution d’une force d’action pour transformer venant du discours militaire et géopolitique :

  • Encerclement idéologique : fabrication d’une barrière idéologique pour empêcher le développement des idées d’un adversaire ;
  • Encerclement politique : travailler les porteurs de décisions, mais aussi restreindre leur liberté d’action et les marginaliser ;
  • Encerclement stratégique : créer un environnement défavorable à l’adversaire pour limiter son action.

C’est une conceptualisation du contrôle de l’adversaire afin de le faire plier. La subversion est de l’ordre de changer les choses par différents types de moyens, dont la force.

Roger Mucchielli (1919 - 1983) développe trois enjeux de la subversion. Ce sont des techniques qui se justifient par la nature du conflit. Elles découlent de savoir-faire qui peuvent déclencher la violence si nécessaire ce qui fait qu’elle est insidieuse :

  • démoraliser la nation visée : décomposer le moral ;
  • discréditer l’autorité : faire des campagnes de communications pour présenter l’adversaire comme un danger ;
  • neutraliser les masses : construire les modalités pour empêcher le soutien des masses au dictateur concerné.

Les médias sont un outil important pour manipuler l’opinion publique. La subversion est de l’ordre de la mise en scène. L’usage des médias permet de fabriquer l’opinion publique qui à travers des diffusions peut changer la réalité telle qu’on la perçoit. En fabriquant une réalité, on fabrique une opposition et les conditions de la destruction d’un régime.

La subversion est tout un système intéressent, car c’est un dispositif qui permet de changer la nature des régimes politiques.

Le renouveau contemporain de la contestation

Le concept de contre-pouvoir

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Depuis une vingtaine d’années, la contestation renait d’une façon différente.

Le livre Du Contre-Pouvoir de Miguel Benasayag et Diego Sztulwarkal s’interrogent sur l’analyse de l’évolution des modèles de lutte dans le monde contemporain. Dans les années 1970, l’action ne pouvait être pensée que par rapport à la question de la construction de l’idéologie. Aujourd’hui, nous sommes passés à autre chose. La précédente génération a échoué aux grands utopismes en pensant que la prise du pouvoir pouvait changer les choses, c’est un constat de l’échec de sa génération. Au contraire aujourd’hui émerge une génération qui développe son discours par le bas et non plus par le top-down. Les problèmes de la planète d’aujourd’hui découlent des échecs du passé. En intégrant les institutions, les militants se sont embourgeoisés avec leurs utopismes.

Le paradoxe est de ne plus se masquer de grandes idéologies pour le changement, mais il ne faut plus avoir de grands programmes, ce qui permet d’avoir des projets et d’être plus actif au sein de la société et pour la faire évoluer.

Comment fabriquer une efficacité politique ? Ne serait-elle pas ailleurs que dans la subversion ?

Au lieu de chercher à conquérir le pouvoir au cœur, il faut peut-être regarder ce qu’il se passe aujourd’hui sur les mobilisations de terrain. L’avenir n’est pas la conquête du pouvoir, mais le contre-pouvoir. Ce qui va changer demain c’est le fait que les gens sur place vont commencer à se mobiliser sur de grandes questions. L’enjeu n’est plus de conduire le pouvoir, mais de fabriquer un contre-pouvoir. Le regard critique sur les grandes questions de société est un mode contestataire.

De nombreuses ambiguïtés apparaissent notamment vis-à-vis de la violence qui dans un rapport contestataire avec la violence institutionnelle se justifie et trouve une légitimité en faisant face à une violence institutionnelle. Le monde meilleur nécessite plus d’égalité, mais pour construire le monde meilleur selon les préceptes marxistes il faut recourir parfois à la violence. Il faut repenser les conditions de l‘action à partir de la base dans l’utilisation d’une violence contestataire pour remettre en cause les grandes orientations de notre société.

Cet ouvrage permet de comprendre les formes de contestations actuelles. Pour Benasayag, il y a un changement de paradigme de la lutte sociale qui est un glissement du syndicalisme traditionnel qui est la défense d’intérêts spécifiques à une revendication sociétale qui est d’autant plus intéressent, qu’elle peut remettre en cause des grands schémas de pensés des individus.

Les nouveaux mouvements civils de contestation

Ulrich Beck a écrit Pouvoir et contre-pouvoir à l’heure de la mondialisation[1] publié en 2003. Il s’interroge sur les nouveaux paradigmes de la contestation sociale. L’hypothèse est fondée sur le cosmopolitisme méthodologique, c’est l’idée de dire que nous rentrons dans une société mondialisée qui modifie toutes les règles de fonctionnement et des champs sociaux. À partir des mutations de la société de l’information, nous sommes rentrés dans une société mondialisée. La société mondiale qui rassemble les différences est cosmopolite.

Le constat est de dire que si nous sommes rentrés dans le cosmopolitisme nous sommes rentrés dans de nouvelles notions parce que la société est mondialisée. Cela modifie toutes les règles de fonctionnement et d’échange, l’États-Nation n’est plus le seul acteur majeur, le politique fait un qui va au-delà de l’État-nation ; l’État est dépolitisé passant vers une infrapolitisation globale des sociétés menant à une société mondiale cosmopolite qui intègre les différences de cultures. Si nous avons conscience d’appartenir à un seul monde, il est bien clair que la nature des combats contemporains est différente des précédents.

Dès lors, le concept d’État-nation est dépassé, car les combats deviennent globaux. L’État-nation est dépolitisé dans la mondialisation économique. On aboutit à une société civile mondiale ou le politique a perdu de son efficacité faisant apparaître des enjeux cosmopolitiques :

  • la pauvreté ;
  • les risques ;
  • les inégalités ;
  • le réchauffement climatique.

Ce sont les nouvelles questions qui émergent de la société cosmopolite. C’est une société qui doit affronter des défis totalement nouveaux et dont on a pas les éléments de gestion parce que c’est une autre forme de pensée qu’il faut inventer. La souveraineté étatique de l’État-nation ne répond plus à ces questions.

Il développe ce que serait la nouvelle forme de l’État politique. Les lieux de sensibilité d’action collective sont les nouveaux combats : question des boycotts de produits, les politiques écologiques... En réalité le conflit n’a pas disparu, mais ressurgie sur d’autres formes en déqualifiant les formes anciennes de la mobilisation politique.

Il faut comprendre le fait que cette position philosophique cosmopolitique va pouvoir prendre un pas considérable, car toutes les barrières sont levées. Les enjeux de demain ne sont pas de l’ordre de la souveraineté étatique.

La contestation cosmopolitique qui fait éclater le cadre national est produit un nouveau militantisme : émergence de la minorité active de la contestation, ainsi dans un climat tendu émerge des mobilisations des « sans ». De nouveaux espaces, mais aussi des acteurs de la société se mobilisent.

Dès lors que les formes classiques de la protestation ne correspondent plus à l’enjeu de ces luttes.

L’effet de balancier immédiat est que les formes traditionnelles de contestations s’effritent parce qu’elles sont fondées sur des bases corporatistes qui ne sont plus à l’échelle des problèmes.

On assiste à un déplacement de la lutte aujourd’hui notamment avec l’arrivée des jeunes qui sont mobilisés sur des sujets qui les interrogent sur leur devenir.

On change dans les modes d’action. Les modes d’action sont renouvelés à travers des groupes sociaux mobiles :

  • les jeunes ;
  • les femmes actives ;
  • la classe moyenne ;
  • ceux ayant un fort capital culturel qui permet de mobiliser.

La dynamique associative est aussi le fait qu’on va se choisir sa propre cause cosmopolite. On ne s’engage pas sur quelque chose de l’ordre de l’idéologie, sur quelque chose qui acte l’être légitime, mais à défendre. On choisit sa cause en résonance avec sa propre réflexion.

Il y a une réinvention de l’espace public et une émergence d’une démocratie directe. Tout est dans l’instant. La mobilisation va être efficace parce que ce sont des forums d’actions renouvelés avec une médiatisation instantanée dans le sens ou les médias sont d’autant plus puissants.

Dans tous les pays industrialisés il y a une montée en puissance du militantisme associative qui recherche quelque chose de pragmatique ainsi qu’une participative rapide et effective à des débats de société sans être écrasé par le poids des structures, il y a une capacité de sélection, il faut choisir des causes, celle en adéquation avec le sens de sa quotidienneté.

De plus, se trouve l’émergence d’une contre-expertise avec des solutions intermédiaires. Il y a une efficacité de mobilisation qui remet en cause le lobbying.

Maintenant, il existe un répertoire très large d’action qui permet de créer des actions non conventionnelles qui prennent des aspects« coup de poing » pour montrer les limites des dispositifs institutionnels et qui ne rentrent pas dans une logique structurelle.

L’usage d’internet permet de mettre en lumière des espaces qui étaient jusqu’à peu visible et permet aussi un partage et une exploitation des données dans l’instantané et le direct pour fabriquer un contre-pouvoir international à partir de l’opinion publique. C’est un nouvel investissement de l’espace public qui marginalise les syndicats. Ce sont des mobilisations réactives et rapides qui permettent des réclamations rapides hors d’une logique structurelle débordant la société civile. C’est la fabrication d’une démocratie directe instantanée.

Dès lors, la mobilisation se fait autour des « sans », c’est de l’humanitarisme émotionnel.

Les nouveaux mouvements contestataires rassemblent trois types de populations :

  • Les personnes en situation de souffrance ;
  • Les militants des associations de« sans » (individus politisés) ;
  • Les « personnes-ressources » : militants ou sympathisants requis par l’organisation en raison de leurs compétences individuelles ou de ce qu’ils représentent.

C’est un renouvellement des formes d’action qui permettent de s’interroger sur la publicisation de la lutte. La lutte altermondialiste à une publicisation et une capacité de médiatisation très forte.

Le politique étant construit dans un dispositif social institutionnel, il y a toujours un risque de récupération par le politique, c’est un paradoxe que tous ces nouveaux mouvements connaissent.

L’intérêt d’internet est que cet outil offre la capacité d’accélérer les processus. Cela produit une efficacité et bouscule les institutions sur des questions de priorité et de stimuler l’activisme. Internet fournit une grande capacité d’expertise et de mobilisation d’une communauté dans l’immédiateté. C’est une nouvelle forme de démocratie directe qui produit une efficacité et qui bouscule les partis politiques, les entreprises les firmes internationales sur des questions de priorités.

La capacité de rendre public les choses oblige les entreprises à s’intéresser aux problématiques d’actualité. Cette capacité permet de mobiliser afin d’obstruer les débats internationaux.

Conclusion - Les conflits à venir : vers une nouvelle forme de subversion ?

N’allons-nous pas vers quelque chose de plus violent. On constate un retour de la subversion avec des formes renouvelées.

Les experts constatent une radicalisation du discours dans l’extrême gauche qui prône un retour à la subversion qui doit revenir le moteur politique pour changer les choses. Réapparaît un discours binaire entre oppressants et oppressés avec une contestation de la démocratie traditionnelle en disant qu’elle n’est plus une démocratie. C’est un appel à la subversion qui réactualise les idées anciennes de la guérilla urbaine au nom de la nécessité de paralyser le système existant et de penser l’action individuelle et collective comme un mode de transformation de nos sociétés.

Le groupe Tycoon fondé dans les années 1990 s’est autodissous après le 11 septembre. Il s’interroge sur ce qui se joue sur la réflexion théorique autour de la réflexion.

Il y aurait une insurrection qui vient parce que le présent est défini sans issues. Aucune alternative ne semble possible ni à gauche ni à droite. S’il n’y a pas de solutions sociales, nous sommes dans une logique de désespoir, il faut donc faire appel à la subversion. Du coup, il faut réactualiser la guérilla urbaine. On va réactualiser la guérilla : il faut renouer avec les théories de l‘insurrection pour paralyser les moyens existants.

On trouve des nouvelles formes de subversion qui reprennent les anciens procédés, mais apporte aussi quelques innovations.

Est-ce que ces mouvements contestataires peuvent-ils s’inscrire dans la démocratie actuelle ?

Annexes

Références

  1. Pouvoir et contre-pouvoir à l'ère de la mondialisation ; en poche chez Flammarion, Champs-Essais, 2008,