Modification de La violence politique et la pratique de la sécurité

Attention : vous n’êtes pas connecté(e). Votre adresse IP sera visible de tout le monde si vous faites des modifications. Si vous vous connectez ou créez un compte, vos modifications seront attribuées à votre propre nom d’utilisateur(rice) et vous aurez d’autres avantages.

La modification peut être annulée. Veuillez vérifier les différences ci-dessous pour voir si c’est bien ce que vous voulez faire, puis publier ces changements pour finaliser l’annulation de cette modification.

Version actuelle Votre texte
Ligne 1 : Ligne 1 :
{{Infobox Lecture
Nous allons nous intéresser à la guerre comme le point de départ des pratiques de sécurité. Par la guerre, on va entendre une forme de violence organisée. Le point d’entrée est la naissance de la guerre, ce qu’on entend par la guerre qui est un phénomène historique. À travers la guerre, en occident, les États se sont structurés autour de ce qu’implique de faire la guerre. Nous allons revenir sur une sociologie historique avec Bourdieu, Tilly ou encore Norbert Elias racontant comment les États occidentaux se sont formés dans le cadre d’un long processus permettant la concentration de pouvoir à travers la guerre. En faisant la guerre, les États deviennent plus puissants, étatisés et bureaucratisés. On parle de processus de civilisation des États. L’État et la gestion de la violence ont été des éléments centraux pour pouvoir parler de sécurité aujourd’hui.
| image = Allegory of War 1640s Jan Brueghel the Younger.jpg
| image_caption = Allégorie de la guerre de Jan Brueghel le jeune.
| faculté =
| département =
| professeurs = [[Stephan Davidshofer]]<ref>[[http://unige.academia.edu/StephanDavidshofer|Stephan Davidshofer | University of Geneva]] - Academia.edu</ref><ref>[http://www.cairn.info/publications-de-Davidshofer-Stephan--56940.htm Publications de Stephan Davidshofer] | Cairn.info</ref><ref>Davidshofer, Stephan. “[http://www.theses.fr/2009IEPP0047 La Gestion De Crise Européenne Ou Quand L'Europe Rencontre La Sécurité : Modalités Pratiques Et Symboliques D'une Autonomisation].” Http://Www.theses.fr/, Paris, Institut D'études Politiques, 1 Jan. 2009</ref> <br> [[Christian Olsson]]<ref>[http://philoscsoc.ulb.be/fr/users/colsson Page personnelle de Christian Olsson sur le site de l'Université Libre de Bruxelles]</ref><ref>[http://ulb.academia.edu/COlsson Page de Christian Olsson sur Academia.edu]</ref><ref>[https://fr.linkedin.com/in/christian-olsson-2ba437b Profile Linkedin de Christian Olsson]</ref>
| assistants = 
| assistants = 
| enregistrement = [https://mediaserver.unige.ch/collection/AN3-1220-2014-2015.rss 2014], [https://mediaserver.unige.ch/collection/AN3-1220-2014-2015.rss 2015]
| cours = [[Violence politique et pratiques de sécurité]]
| lectures =
*[[La violence politique et la pratique de la sécurité]]
*[[La naissance de la guerre moderne : war-making et state-making dans une perspective occidentale]]     
*[[Transformations de la guerre et de la violence en Europe]]
*[[La guerre au-delà de l’Occident : l’État moderne est-il une invention occidentale ?]]
*[[Qu’est-ce que la violence non-étatique ? Le cas des conflits afghans]]
*[[L’intervention : la guerre réinventée ?]]
*[[Les professionnels de la sécurité : de la bureaucratisation, institutionnalisations, professionnalisations et différenciations]]
*[[La transformation des pratiques contemporaines de sécurité : entre guerre et police globale ?]]
*[[La transformation des pratiques contemporaines de sécurité : la logique du risqué]]
*[[La coercition privatisée : du mercenariat aux compagnies militaires privées]]
*[[Renseignement et logiques de surveillance]]
}}


Nous allons nous intéresser à la guerre comme le point de départ des pratiques de sécurité. Par la guerre, on va entendre une forme de violence organisée. Le point d’entrée est la naissance de la guerre, ce qu’on entend par la guerre qui est un phénomène historique. À travers la guerre, en occident, les États se sont structurés autour de ce qui implique de faire la guerre. Nous allons revenir sur une sociologie historique avec Bourdieu, Tilly ou encore Norbert Elias racontant comment les États occidentaux se sont formés dans le cadre d’un long processus permettant la concentration de pouvoir à travers la guerre. En faisant la guerre, les États deviennent plus puissants, étatisés et bureaucratisés. On parle de processus de civilisation des États. L’État et la gestion de la violence ont été des éléments centraux pour pouvoir parler de sécurité aujourd’hui.  
[[Fichier:Allegory of War 1640s Jan Brueghel the Younger.jpg|Allégorie de la guerre de Jan Brueghel le jeune.|vignette]]


La guerre n’est pas forcément universalisable, ce n’est pas quelque chose de naturel et ahistorique. La guerre comme forme de violence politique est historiquement facile à localiser relevant d’une expérience historique en Europe et en occident. Pour comprendre le phénomène de violence en Europe, plaquer un phénomène européen n’est peut-être pas le meilleur outil pour traiter de violence politique dans le monde.  
La guerre n’est pas forcément universalisable, ce n’est pas quelque chose de naturel et ahistorique. La guerre comme forme de violence politique est historiquement facile à localiser relevant d’une expérience historique en Europe et en occident. Pour comprendre le phénomène de violence en Europe, plaquer un phénomène européen n’est peut être pas le meilleur outil pour traiter de violence politique dans le monde.  


Nous allons proposer un cadre d’analyse général. L’idée est d’alterner des considérations d’une part générales et théoriques et d’autre part de montrer que ces théories ne sont pas là pour simplement vérifier des connaissances, mais pour comprendre des conflits ou des situations conflictuelles précises notamment des pratiques de sécurités et de transformations. L’objectif est d’alterner ces considérations théoriques et de voir des études de cas très pratiques comme les conflits en Syrie et en Afghanistan.  
Nous allons proposer un cadre d’analyse général. L’idée est d’alterner des considérations d’une part générales et théoriques et d’autre part de montrer que ces théories ne sont pas là pour simplement vérifier des connaissances mais pour comprendre des conflits ou des situations conflictuelles précises notamment des pratiques de sécurités et de transformations. L’objectif est d’alterner ces considérations théoriques et de voir des études de cas très pratiques comme les conflits en Syrie et en Afghanistan.  


La question du « comment » de la guerre relève du pourquoi une guerre en particulier a lieu à un tel moment. On pose souvent la question du pourquoi, mais dans ce cours nous allons plutôt poser la question du comment. La guerre doit se situer dans le temps et dans l’histoire en opposition à une conception selon laquelle les guerres ont toujours eu lieu et elles n’ont pas varié ni dans leur explication ni dans leur fait. La guerre est située dans le temps et depuis ce début la guerre a beaucoup varié, Clausewitz dit que la guerre est un caméléon qui change d’aspect dans le contexte, mais reste la même en essence.  
La question du « comment » de la guerre relève du pourquoi une guerre en particulier a lieu à un tel moment. On pose souvent la question du pourquoi mais dans ce cours nous allons plutôt poser la question du comment. La guerre doit se situer dans le temps et dans l’histoire en opposition à une conception selon laquelle les guerres ont toujours eu lieu et elles n’ont pas variées ni dans leur explication ni dans leur fait. La guerre est située dans le temps et depuis ce début la guerre a beaucoup variée, Clausewitz dit que la guerre est un caméléon qui change d’aspect dans le contexte mais reste la même en essence.  


Le but est de regarder la pratique de la violence organisée, non pas pour elle-même, mais afin de mieux pouvoir analyser son contexte social et historique. Ce qui est important de comprendre est qu’en cherchant à comprendre la pratique de la violence organisée, ce n’est pas chercher à comprendre la violence dans l’absolu. La violence organisée a des dynamiques et des logiques qui lui sont propre et qui la distingue des formes de violence des formes interindividuelles et on ne peut comprendre les guerres et les conflits armés si on ne les interprète pas avec la bonne focale. Il s’agit de montre que la violence organisée a ses logiques propres qui nécessitent des outils spécifiques pour la comprendre.  
Le but est de regarder la pratique de la violence organisée, non pas pour elle-même, mais afin de mieux pouvoir analyser son contexte social et historique. Ce qui est important de comprendre est qu’en cherchant à comprendre la pratique de la violence organisée, ce n’est pas chercher à comprendre la violence dans l’absolu. La violence organisée a des dynamiques et des logiques qui lui sont propre et qui la distingue des formes de violence des formes interindividuelles et on ne peut comprendre les guerres et les conflits armés si on ne les interprète pas avec la bonne focale. Il s’agit de montre que la violence organisée a ses logiques propres qui nécessitent des outils spécifiques pour la comprendre.  


Nous ne regardons pas seulement les conflits armés, mais aussi la « vie sociale » des acteurs et des organisations qui les rendent possibles et/ou y participent. Il y a un principe de limitation du sujet, mais en même temps nous l’élargissons puisque nous allons traiter également des acteurs qui peuvent y avoir recours, il s’agit aussi de comprendre comment émergent ces acteurs. Comment se déploie la violence organisée auquel recourent ces organisations. Nous allons nous intéresser donc aux :
Nous ne regardons pas seulement les conflits armés mais aussi la « vie sociale » des acteurs et des organisation qui les rendent possibles et/ou y participent. Il y a un principe de limitation du sujet mais en même temps nous l’élargissons puisque nous allons traiter également des acteurs qui peuvent y avoir recours, il s’agit aussi de comprendre comment émergent ces acteurs. Comment se déploie la violence organisée auquel recours ces organisations. Nous allons nous intéresser donc aux :
   
   
*Pratiques de sécurité :
*Pratiques de sécurité :
Ligne 43 : Ligne 21 :
#Insurrection ;
#Insurrection ;
#Guérilla, etc.
#Guérilla, etc.
{{Translations
| en = Political violence and the practice of security
| es = Violencia política y práctica de la seguridad
| lt = Politinis smurtas ir praktika saugumo srityje
}}
   
   
= La guerre : comment ? =
= La guerre : comment ? =
L’idée n’est pas de se demander pourquoi certaines guerres ont lieu à un moment donné et pas à un autre, voire à se demander pourquoi certaines guerres n’ont pas eu lieu alors qu’on aurait pu croire qu’elles allaient commencer. Dans les peace and conflict studies, on se pose la question des déterminants des conflits pour comprendre dans quelle situation on peut voir une guerre émerger, pourquoi dans certaines situations une guerre n’a pas émergé.  
L’idée n’est pas de se demander pourquoi certaines guerres ont lieu à un moment donné et pas à un autre, voire à se demander pourquoi certaines guerres n’ont pas eu lieu alors qu’on aurait pu croire qu’elles allaient commencer. Dans les peace and conflict studies, on se pose la question des déterminants des conflits pour comprendre dans quelle situation on peut voir une guerre émerger, pourquoi dans certaines situations une guerre n’a pas émergé.  


Nous allons chercher à comprendre quelles sont les conditions de possibilités structurelles de la guerre, c’est-à-dire ce qui rend possible la guerre dans l’absolu. Comment les êtres humains rendent le phénomène de guerre possible quelque soit l’aire régionale, quelque soit l’époque. Quelles sont les conditions qui rendent le phénomène de guerre possible. Si on pose la question ainsi, on ne pose plus la question de savoir pourquoi la Première guerre mondiale commence en 1914 et pas en 1915, on ne pose plus la question de savoir pourquoi il n’y a pas eu de Troisième guerre mondiale, mais on pose la question de savoir quelles sont les conditions permissives, donc les conditions de possibilités qui ont permis la guerre et d’en faire une pratique qui nous semble aujourd’hui permanente et universelle, mais qui aussi ne l’est pas. Quelles sont les conditions sine qua non de la « guerre » ? En d’autres termes, quelles sont les conditions nécessaires de la guerre, comment une guerre est possible et pourquoi et comment une guerre a été impossible et pourquoi ?
Nous allons chercher à comprendre quels sont les conditions de possibilités structurelles de la guerre, c’est-à-dire ce qui rend possible la guerre dans l’absolu. Comment les êtres humains quelque soit l’aire régionale, quelque soit l’époque, quelles sont les conditions qui rendent le phénomène de guerre possible. Si on pose la question ainsi, on ne pose plus la question de savoir pourquoi la Première guerre mondiale commence en 1914 et pas en 1915, on ne pose plus la question de savoir pourquoi il n’y a pas eu de Troisième guerre mondiale, mais on pose la question de savoir quelles sont les conditions permissives, donc les conditions de possibilités qui ont permis la guerre et d’en faire une pratique qui nous semble aujourd’hui permanente et universelle, mais qui aussi ne l’est pas. Quelles sont les conditions sine qua non de la « guerre » ? En d’autres termes, quelles sont les conditions nécessaires de la guerre, comment une guerre est possible et pourquoi et comment une guerre a été impossible et pourquoi ?


== La guerre selon Hedley Bull ==
== La guerre selon Hedley Bull ==
Ligne 65 : Ligne 37 :
[[Fichier:Discurso funebre pericles.PNG|thumb|300px|alt=Tableau montrant Périclès durant son oraison funèbre.|Périclès durant son oraison funèbre.]]
[[Fichier:Discurso funebre pericles.PNG|thumb|300px|alt=Tableau montrant Périclès durant son oraison funèbre.|Périclès durant son oraison funèbre.]]


En ce sens, les organisations impliquent généralement des relations différentes de celles des groupes primaires qui sont présumées spontanées, non planifiées ou informelles comme, par exemple, dans le cadre de la famille ou encore dans celui d’un clan. Dans la sociologie générale, un groupe primaire est les groupes fondés sur le fait que chaque individu partage des mêmes référents notamment culturels partage les mêmes croyances, le même sens de solidarité au sein du groupe ainsi qu’une culture commune qui implique une socialisation comme la famille, le clan, la communauté villageoise. Une organisation relève beaucoup plus d’un principe de différenciation, ce n’est pas le fait que les individus au sein de l’organisation ont le même rôle ou la même croyance qui fait la solidité d’une organisation, mais ce qui fait la socialisation est le fait que chacun connaisse sa place. Une organisation implique des relations différentes, parce que hiérarchisée, organisée et parce que visant un but précis. Dans la doctrine militaire américaine, il est clairement stipulé qu’il faut « The Army's mission is to fight and win our Nation's wars ». Il y a un objectif explicite écrit qui est l’une des caractéristiques que de formuler explicitement une organisation ce qui n’est pas le cas des groupes primaires.  
En ce sens, les organisations impliquent généralement des relations différentes de celles des groupes primaires qui sont présumées spontanées, non planifiées ou informelles comme par exemple dans le cadre de la famille ou encore dans celui d’un clan. Dans la sociologie générale, un groupe primaire sont les groupes fondés sur le fait que chaque individu partage des mêmes référents notamment culturel partage les mêmes croyances, le même sens de solidarité au sein du groupe ainsi qu’une culture commune qui implique une socialisation comme la famille, le clan, la communauté villageoise. Une organisation relève beaucoup plus d’un principe de différenciation, ce n’est pas le fait que les individus au sein de l’organisation ont le même rôle ou la même croyance qui fait la solidité d’une organisation, mais ce qui fait la socialisation est le fait que chacun connaisse sa place. Une organisation implique des relations différentes, parce que hiérarchisées, organisée et parce que visant un but précis. Dans la doctrine militaire américaine, il est clairement stipulé qu’il faut « The Army's mission is to fight and win our Nation's wars ». Il y a un objectif explicite écrit qui est l’une des caractéristiques que de formuler explicitement une organisation ce qui n’est pas le cas des groupes primaires.  


Sans organisation complexe et hiérarchique, c’est-à-dire aussi contraignante et éventuellement coercitive, il ne peut pas y avoir de guerre. En d’autres termes, entre individus que nous sommes étant a priori pas organisés, il ne peut y avoir de guerre parce que la guerre nécessite des organisations complexes avec un principe de différenciation, des fonctions imposées par une hiérarchie fondée notamment sur la contrainte et dont nombre d’aspects sont sanctionnés par des mesures disciplinaires.  
Sans organisation complexe et hiérarchique, c’est-à-dire aussi contraignante et éventuellement coercitive, il ne peut pas y avoir de guerre. En d’autres termes, entre individus que nous sommes étant a priori pas organisés, il ne peut y avoir de guerre parce que la guerre nécessite des organisations complexes avec un principe de différenciation, des fonctions imposées par une hiérarchie fondée notamment sur la contrainte et dont nombre d’aspects sont sanctionnés par des mesures disciplinaires.  
Ligne 79 : Ligne 51 :
[[File:Conseil Tenu par les Rats.jpg|thumb|200px|left|Conseil Tenu par les Rats.]]
[[File:Conseil Tenu par les Rats.jpg|thumb|200px|left|Conseil Tenu par les Rats.]]


Dans le conseil tenu par les rats tirés d’une fable de La Fontaine, les rats tiennent un conseil parce qu’ils sont menacés par un chat qui veut les dévorer un à un. Face à cette menace, les rats se rendent compte qu’ils ont tous individuellement à faire quelque chose. S’ils ne font rien, ils sont menacés en tant que groupe et en tant qu’individu. La solution proposée est de mettre une cloche autour du cou du chat permettant aux rats d’être prévenus et de fuir. Se pose la question de qui va mettre une cloche autour du chat sachant que le rat qui va le faire va prendre un risque conséquent. Individuellement, dans le conseil, personne n’a envie de prendre le risque. Certes, si ils ne mettent pas cette cloche autour du chat ils vont tous mourir à terme, mais si un rat se propose lui-même de mettre la cloche autour du rat il risque de mourir immédiatement.  
Dans le conseil tenu par les rats tiré d’une fable de La Fontaine, les rats tiennent un conseil parce qu’ils sont menacés par un chat qui veut les dévorer un à un. Face à cette menace, les rats se rendent compte qu’ils ont tous individuellement à faire quelque chose. S’ils ne font rien, ils sont menacés en tant que groupe et en tant qu’individu. La solution proposée est de mettre une cloche autour du coup du chat permettant aux rats d’être prévenus et de fuir. Se pose la question de qui va mettre une cloche autour du chat sachant que le rat qui va le faire va prendre un risque conséquent. Individuellement, dans le conseil, personne n’a envie de prendre le risque. Certes, si ils ne mettent pas cette cloche autour du chat ils vont tous mourir à terme, mais si un rat se propose lui-même de mettre la cloche autour du rat il risque de mourir immédiatement.  


C’est le problème du free rider, face à une mobilisation collective tout le monde a intérêt à faire quelque chose, en réalité chacun va vouloir que quelqu’un d’autre le fasse plutôt que de payer le coût et de prendre le risque. Le même phénomène se constate dans les phénomènes de grève et de mobilisation des travailleurs. La solution à ce problème est simple qui est celle de s’organiser. À partir du moment qu’il y a une organisation hiérarchique et contraignante, par exemple les syndicats face au patronat, dans le cadre des conflits armés, ce sont les armées, dans une guerre interétatique se sont les gouvernements, en se basant sur une autorité, un principe de discipline et de contrainte, on va sélectionner le rat qui sera obligé de mener l’action qui sera sélectionnée pour mener l’activité.  
C’est le problème du free rider, face à une mobilisation collective tout le monde a intérêt à faire quelque chose, en réalité chacun va vouloir que quelqu’un d’autre le fasse plutôt que de payer le coût et de prendre le risque. Le même phénomène se constate dans les phénomènes de grève et de mobilisation des travailleurs. La solution à ce problème est simple qui est celle de s’organiser. À partir du moment qu’il y a une organisation hiérarchique et contraignante, par exemple les syndicats face au patronat, dans le cadre des conflits armés, ce sont les armées, dans une guerre interétatique se sont les gouvernements, en se basant sur une autorité, un principe de discipline et de contrainte, on va sélectionner le rat qui sera obligé de mener l’action qui sera sélectionnée pour mener l’activité.  
Ligne 85 : Ligne 57 :
Lorsqu’il y a un dilemme de l’action collective, un intérêt individuel et collectif de mener une action, cela ne va pas dire qu’il va y avoir l’action puisqu’il faut une organisation. Si on regarde la guerre civile en Syrie, quelle est la situation ? On suppose qu’une majorité de syriens veut se débarrasser du dictateur Bachar Al Assad considérant pas simplement qu’il menace leur communauté. Il ne suffit pas d’avoir un intérêt individuel et collectif à cet objectif de se débarrasser d’un dictateur pour que quelqu’un se dévoue, accepte les sacrifices pour prendre les risques et payer les coûts liés à l’action collective. On suppose que ce n’est pas parce qu’il y un mécontentement interne pour qu’il y a ait un soulèvement militaire, il faut qu’il y ait une organisation qui soit capable d’imposer les choix que chacun estime être dans l’intérêt individuel, mais pour lequel personne ne veut prendre la responsabilité. En Syrie, il n’y avait pas une telle organisation ou plutôt qui était du côté de Bachar Al Assad. Ce sont des organisations qui vont progressivement apparaitre, la guerre ne va apparaitre, il ne va y avoir conflit armé qu’à partir du moment où il y a des organisations hiérarchiques et contraignantes qui vont imposer de combattre. L’armée syrienne libre va être créée à partir d’anciens soldats de Bachar Al Assad.  
Lorsqu’il y a un dilemme de l’action collective, un intérêt individuel et collectif de mener une action, cela ne va pas dire qu’il va y avoir l’action puisqu’il faut une organisation. Si on regarde la guerre civile en Syrie, quelle est la situation ? On suppose qu’une majorité de syriens veut se débarrasser du dictateur Bachar Al Assad considérant pas simplement qu’il menace leur communauté. Il ne suffit pas d’avoir un intérêt individuel et collectif à cet objectif de se débarrasser d’un dictateur pour que quelqu’un se dévoue, accepte les sacrifices pour prendre les risques et payer les coûts liés à l’action collective. On suppose que ce n’est pas parce qu’il y un mécontentement interne pour qu’il y a ait un soulèvement militaire, il faut qu’il y ait une organisation qui soit capable d’imposer les choix que chacun estime être dans l’intérêt individuel, mais pour lequel personne ne veut prendre la responsabilité. En Syrie, il n’y avait pas une telle organisation ou plutôt qui était du côté de Bachar Al Assad. Ce sont des organisations qui vont progressivement apparaitre, la guerre ne va apparaitre, il ne va y avoir conflit armé qu’à partir du moment où il y a des organisations hiérarchiques et contraignantes qui vont imposer de combattre. L’armée syrienne libre va être créée à partir d’anciens soldats de Bachar Al Assad.  


Sans organisation capable de résoudre le dilemme de l’action collective, il ne peut pas y avoir de rat qui mette la cloche autour du cou du chat, il ne peut pas y avoir de grève systématique et efficace de la part des travailleurs face au patronat et il ne peut y avoir de soulèvement armé de la part d’une population face à un groupe armé, un gouvernement ou face à toute autre menace. Sans organisation, le problème de l’action collective ne peut pas être résolu et il ne peut y avoir d’action collective plus large, efficace. Le principe de la guerre selon Bull est de la violence organisée entre unités politiques agissant au nom d’un bien commun qui ne peut être servi que si le dilemme de l’action commune est résolu d’où l’importance de l’organisation.  
Sans organisation capable de résoudre le dilemme de l’action collective, il ne peut pas y avoir de rat qui mette la cloche autour du coup du chat, il ne peut pas y avoir de grève systématique et efficace de la part des travailleurs face au patronat et il ne peut y avoir de soulèvement armé de la part d’une population face à un groupe armé, un gouvernement ou face à toute autre menace. Sans organisation, le problème de l’action collective ne peut pas être résolu et il ne peut y avoir d’action collective plus large, efficace. Le principe de la guerre selon Bull est de la violence organisée entre unités politiques agissant au nom d’un bien commun qui ne peut être servi que si le dilemme de l’action commune est résolu d’où l’importance de l’organisation.  


=== L’usage de la violence ===
=== L’usage de la violence ===
Le problème de la contrainte et de la coercition. Sur une ligne de front, ceux en première ligne sont quasiment sûrs de périr ne vont pas combattre s’il n’y a pas de contrainte et de discipline de la guerre. Il y a une organisation qui fait que les hommes restent debout et continuent à combattre même s’ils sont certains de périr plutôt que de reculer ou de fuir. Si la guerre est une forme de violence organisée par des unités politiques, soutenue dans le temps, à priori, la violence interindividuelle est un moment bien précis, une action ponctuelle alors que la guerre est une action dans le temps long qui impose une contrainte et un principe disciplinaire permanent qui fait que les individus qui prennent les risques principaux ne soient pas tentés de s’enfuir ou d’éviter le combat. Pour qu’il y ait usage de la violence systématique et organisée, il faut qu’il y ait un principe de contrainte qui s’impose sans quoi il ne peut pas y avoir de guerre.  
Le problème de la contrainte et de la coercition. Sur un ligne de front, ceux en première ligne sont quasiment sûr de périr ne vont pas combattre s’il n’y a pas de contrainte et de discipline de la guerre. Il y a une organisation qui fait que les hommes restent debout et continuent à combattre même s’ils sont certains de périr plutôt que de reculer ou de fuir. Si la guerre est une forme de violence organisée par des unités politiques, soutenue dans le temps, à priori, la violence interindividuelle est un moment bien précis, une action ponctuelle alors que la guerre est une action dans le temps long qui impose une contrainte et un principe disciplinaire permanent qui fait que les individus qui prennent les risques principaux ne soient pas tentés de s’enfuir ou d’éviter le combat. Pour qu’il y ait usage de la violence systématique et organisée, il faut qu’il y ait un principe de contrainte qui s’impose sans quoi il ne peut pas y avoir de guerre.  


=== Le but collectif ===  
=== Le but collectif ===  
Le problème de l’unité. La manière dont on s’imagine la guerre aujourd’hui est qu’on ne fait pas la guerre simplement en tant que loisir ou passe-temps, mais c’est une pratique orientée par un objectif politique et stratégique, or s’il n’y a pas d’organisation structurée et hiérarchique définissant la violence constitutive de la guerre, il y a un risque que le but collectif quel qu’il soit, s’émousse et que ce ne soit plus une guerre pour un but collectif, mais une violence individuelle pour des buts privés avec des risques multiples comme des risques de division intérieure.  
Le problème de l’unité. La manière dont on s’imagine la guerre aujourd’hui est qu’on ne fait pas la guerre simplement en tant que loisir ou passe temps mais c’est une pratique orientée par un objectif politique et stratégique, or s’il n’y a pas d’organisation structurée et hiérarchique définissant la violence constitutive de la guerre, il y a un risque que le but collectif quel qu’il soit, s’émousse et que ce ne soit plus une guerre pour un but collectif, mais une violence individuelle pour des buts privés avec des risques multiples comme des risques de division intérieure.  


[[File:Allegorie du regne de Charles Quint 16th century.jpg|thumb|Allegory showing Charles Quint (center) enthroned over his defeated enemies (from left to write): Suleiman the Magnificent, Pope Clement VII, Francis I, the Duke of Cleves, the Duke of Saxony and the Landgrave of Hesse.]]
[[File:Allegorie du regne de Charles Quint 16th century.jpg|thumb|Allegory showing Charles Quint (center) enthroned over his defeated enemies (from left to write): Suleiman the Magnificent, Pope Clement VII, Francis I, the Duke of Cleves, the Duke of Saxony and the Landgrave of Hesse.]]
Ligne 97 : Ligne 69 :
La guerre civile au Salvador dans les années 1980 et jusqu’au début des années 1990 mettait en face un État soutenu par les États-Unis dans le cas de la Guerre froide ainsi que des combattants socialistes soutenus par l’Union soviétique. Lorsque la guerre prend fin à la faveur de la fin de la Guerre froide et d’un accord politique trouvé entre les politiques et les groupes rebelles en 1993, on voit la violence augmenter. Il n’y a plus d’action de guerre puisque les unités politiques ne se combattent plus, mais le niveau de violence augmente. Les combattants qui jusque là s’étaient opposés dans le cadre de ce conflit entre guérilla socialiste et gouvernement étaient également payés directement par les gouvernements et les guérillas indirectement par les États-Unis et l’Union soviétique. À partir du moment qu’il y a un accord de paix, ils ne sont plus payés et vont utiliser la violence afin d’arriver à leur fin purement économique en tant que « salaire de substitution ».  
La guerre civile au Salvador dans les années 1980 et jusqu’au début des années 1990 mettait en face un État soutenu par les États-Unis dans le cas de la Guerre froide ainsi que des combattants socialistes soutenus par l’Union soviétique. Lorsque la guerre prend fin à la faveur de la fin de la Guerre froide et d’un accord politique trouvé entre les politiques et les groupes rebelles en 1993, on voit la violence augmenter. Il n’y a plus d’action de guerre puisque les unités politiques ne se combattent plus, mais le niveau de violence augmente. Les combattants qui jusque là s’étaient opposés dans le cadre de ce conflit entre guérilla socialiste et gouvernement étaient également payés directement par les gouvernements et les guérillas indirectement par les États-Unis et l’Union soviétique. À partir du moment qu’il y a un accord de paix, ils ne sont plus payés et vont utiliser la violence afin d’arriver à leur fin purement économique en tant que « salaire de substitution ».  


Pour comprendre la différence entre « violence interindividuelle » et « guerre », il faut comprendre que la guerre poursuit un objectif collectif. Est donc mis en place à un système de prédation économique et à un système de crime organisé. Pour que la guerre poursuive un but collectif, il faut une organisation qui reste focalisée sur le but collectif et qui ne poursuit pas un agenda privé.
Pour comprendre la différence entre « violence interindividuelle » et « guerre », il faut comprendre que la guerre poursuit un objectif collectif. Est donc mis en place à un système de prédation économique et à un système de crime organisé. Pour que la guerre poursuive un but collectif, il faut une organisation qui reste focalisée sur le but collectif et qui ne poursuivent pas un agenda privé.


== Approche critique ==
== Approche critique ==
L’idée est aussi de remettre en question deux idées fréquentes et pourtant fausses venant de la philosophie et qui ont une signification spécifique en fonction des auteurs :
L’idée est aussi de remettre en question deux idées fréquentes et pourtant fausses venant de la philosophie et qui ont une signification spécifique en fonction des auteurs :
*l’état de nature défini par Hobbes dans le Léviathan en 1651 est {{citation|la guerre de tous contre tous}}. Cette citation a souvent été sortie de son contexte pour analyser les guerres civiles. En ce sens, c’est une absurdité puisque la guerre entendue dans le sens qu’on lui donne généralement et qu’on a illustré par la citation de Bull, cette guerre-là est impossible entre individus. La guerre de tous contre tous est une impossibilité empirique puisque ce ne sont pas les individus qui peuvent faire la guerre, mais l’agglomération d’individus à travers une organisation qui rend la guerre possible. Ce que décrit Hobbes est un rapport entre individus et en ce sens elle ne peut pas faire référence à la guerre telle qu’on l’entend.
*l’état de nature défini par Hobbes dans le Léviathan en 1651 est {{citation|la guerre de tous contre tous}}. Cette citation à souvent été sortie de sont contexte pour analyser les guerres civiles. En ce sens, c’est une absurdité puisque la guerre entendue dans le sens qu’on lui donne généralement et qu’on a illustré par la citation de Bull, cette guerre là est impossible entre individus. La guerre de tous contre tous est une impossibilité empirique puisque ce ne sont pas les individus qui peuvent faire la guerre, mais l’agglomération d’individus à travers une organisation qui rend la guerre possible. Ce que décrit Hobbes et un rapport entre individus et en ce sens elle ne peut pas faire référence à la guerre telle qu’on l’entend.
*pour Héraclite, {{citation|La guerre est le père de toute chose, et de toute chose elle est roi}}. Avant la guerre, il n’y avait rien. Au commencement de la civilisation, au commencement de l’histoire, il y a la guerre. Or, cela est également impossible parce que les degrés d’organisation qu’avaient nombre de collectivités humaines avant le néolithique fait que la guerre telle qu’on l’entend aujourd’hui était tout simplement impossible, il n’y avait pas la possibilité de mener des actions de guerre tel qu’entendu aujourd’hui notamment par Hadley Bull.
*pour Héraclite, {{citation|La guerre est le père de toute chose, et de toute chose elle est roi}}. Avant la guerre, il n’y avait rien. Au commencement de la civilisation, au commencement de l’histoire, il y a la guerre. Or, cela est également impossible parce que les degrés d’organisation qu’avait nombre de collectivités humaines avant le néolithique, fait que la guerre telle qu’on l’entend aujourd’hui était tout simplement impossible, il n’y avait pas la possibilité de mener des actions de guerre telles qu’entendu aujourd’hui notamment par Hadley Bull.


[[File:Piero della Francesca 021.jpg|thumb|center|400px|Battle between Heraclius' army and Persians under Khosrau II. Fresco by Piero della Francesca, ca. 1452|alt=Idealized painting of a battle between Heraclius' army and Persians under Khosrau II ca. 1452]]
[[File:Piero della Francesca 021.jpg|thumb|center|400px|Battle between Heraclius' army and Persians under Khosrau II. Fresco by Piero della Francesca, ca. 1452|alt=Idealized painting of a battle between Heraclius' army and Persians under Khosrau II ca. 1452]]


== « La guerre de tous contre tous » ==
== « La guerre de tous contre tous » ==
La violence de tous contre tous est possible, mais cela sera plutôt de la violence ponctuelle. Au lieu d’être soutenue dans le temps, où le taux d’attrition est élevé, la réaction spontanée et le plus naturel est de fuir. Tant qu’on est dans un rapport de tous avec tous, dans un rapport entre individus, un rapport de guerre permanente de tous contre tous est une impossibilité empirique.
La violence de tous contre tous est possible mais cela sera plutôt de la violence ponctuelle. Au lieu d’être soutenue dans le temps, où le taux d’attrition est élevé, la réaction spontanée et le plus naturelle est de fuir. Tant qu’on est dans un rapport de tous avec tous, dans un rapport entre individus, un rapport de guerre permanente de tous contre tous est une impossibilité empirique.
 
Randall Collins a essayé de montrer que les individus tendent à éviter la violence lorsqu’elle les menace, ils évitent de tuer, sont généralement peu enclins à se coordonner et s’organiser lorsque pris sous le feu y compris dans les situations de guerre les plus définis. Tant qu’il n’y avait pas la hiérarchie militaire coercitive, les soldats militaires tiraient en l’air, peut-être pour des problèmes de conscience ou pour espérer que l’ennemie fasse de même. Sans la hiérarchie, sans la discipline, la contrainte et l’organisation il n’y a pas de coercition. Si on sort la citation de guerre de tous contre tous de son contexte hobbesien, la guerre devient impossible. L’agression individuelle et l’égoïsme peuvent certes conduire à des bagarres, mais pas à des conflits armés. Dans le conflit armé, il y a une action soutenue dans le temps et l’idée de mort d’homme.  


C’est la socialité de l’homme, c’est la création d’organisation, de principes de discipline, fondés sur la coercition qui permet la guerre, non son égoïsme, qui permet la violence soutenue et de « haute-intensité ». Vu que la socialité est évolutive, explique aussi pourquoi la guerre ne peut être analysée comme une réalité immuable et naturelle, mais plutôt comme un mode de société.  
Randall Collins a essayé de montrer que les individus tendent à éviter la violence lorsqu’elle les menace, ils évitent de tuer, sont généralement peu enclins à se coordonner et s’organiser lorsque pris sous le feu y compris dans les situations de guerre les plus définis. Tant qu’il n’y avait pas la hiérarchie militaire coercitive, les soldats militaires tiraient en l’air, peut être pour des problèmes de conscience ou pour espérer que l’ennemie face de même. Sans la hiérarchie, sans la discipline, la contrainte et l’organisation il n’y a pas de coercition. Si on sort la citation de guerre de tous contre tous de sont contexte hobbesien, la guerre devient impossible. L’agression individuelle et l’égoïsme peuvent certes conduire à des bagarres mais pas à des conflits armés. Dans le conflit armé, il y a une action soutenue dans le temps et l’idée de mort d’homme.
C’est la socialité de l’homme, c’est la création d’organisation, de principes de discipline, fondés sur la coercition qui permet la guerre, non son égoïsme, qui permet la violence soutenue et de « haute intensité ». Vu que la socialité est évolutive explique aussi pourquoi la guerre ne peut être analysée comme une réalité immuable et naturelle mais plutôt comme un mode de société.  


La guerre et les conflits armés sont des phénomènes sociaux, non des phénomènes naturels ou universels. Elles requièrent des organisations complexes, idéalement dotées d’administrations, bureaucratisées, avec des spécialisations fonctionnelles et de la professionnalisation. L’État est une forme d’organisation qui n’est pas universelle, mais c’est un principe d’organisation complexe, hiérarchique et disciplinaire. Les guerres entre États ont été les guerres les plus meurtrières et destructrices bien plus que les guerres qui ont précédé la création ou l’émergence historique de l’État. Nous avons donc besoin d’un regard sociologique, un regard qui s’intéresse à la socialisation des humains pour comprendre ce qui rend la guerre possible ou impossible.
La guerre et les conflits armés sont des phénomènes sociaux, non des phénomènes naturels ou universels. Elles requièrent des organisations complexes, idéalement dotées d’administrations, bureaucratisées, avec des spécialisations fonctionnelles et de la professionnalisation. L’État est une forme d’organisation qui n’est pas universelle, mais c’est un principe d’organisation complexe, hiérarchique et disciplinaire. Les guerres entre États ont été les guerres les plus meurtrières et destructrices bien plus que les guerres qui ont précédés la création ou l’émergence historique de l’État. Nous avons donc besoin d’un regard sociologique, un regard qui s’intéresse à la socialisation des humains pour comprendre ce qui rend la guerre possible ou impossible.


= La guerre : quand ? =
= La guerre : quand ? =
Ligne 124 : Ligne 95 :
[[File:Makedonische phalanx.png|thumb|300px|Phalange macédonienne.]]
[[File:Makedonische phalanx.png|thumb|300px|Phalange macédonienne.]]


Pendant l’Antiquité classique, la guerre connait un saut qualitatif, lié à un degré d’organisation plus élevé. C’est souvent la phalange grecque qui est considérée comme le père des formes modernes de guerre organisée. Une phalange est un groupe de guerriers avec des lances et des boucliers étant des unités compactent faisant qu’attaquer une phalange est une tâche difficile. Lorsque deux phalanges se font face, il est très peu probable que les phalanges se délitent même s’ils sont certains de mourir. La raison est simple, les hommes sont placés côte à côte, le principe est de tenir le bouclier d’une main et la lance de l’autre, mais le bouclier protège son voisin. Chacun protège chacun, et si un individu s’enfuit, tout le groupe est mis en danger, il y a donc une contrainte collective exercée pour que personne ne s’enfuie.  
Pendant l’Antiquité classique, la guerre connait un saut qualitatif, lié à un degré d’organisation plus élevé. C’est souvent la phalange grecque qui est considérée comme le père des formes modernes de guerre organisée. Une phalange est un groupe de guerriers avec des lances et des boucliers étant des unités compactent faisant qu’attaquer une phalange est une tâche difficile. Lorsque deux phalanges se font face, il est très peu probable que les phalanges se délitent même s’ils sont certains de mourir. La raison est simple, les hommes sont placés côte à côte, le principe est de tenir le bouclier d’une main et la lance de l’autre, mais le bouclier protège son voisin. Chacun protège chacun, et si un individu s’enfuit, tout le groupe est mis en danger, il y a donc une contrainte collective exercée pour que personne ne s’enfuit.  


La phalange est une structure organisée complexe extrêmement contraignante où chacun exerce un contrôle un pouvoir, une contrainte sur chacun. Cela montre que la guerre est fondée sur un principe d’organisation qui plus est organisé et sophistiqué et qui sera plus meurtrière. Sous l’Empire romain et l’Antiquité grecque, les guerres deviennent plus meurtrières et létales qu’elles ne l’étaient auparavant. Le principe d’organisation sophistiqué ne peut pas être séparé du contexte social et politique permettant à la phalange d’apparaitre comme mode d’organisation des unités de guerre à travers une opérationnalisation fonctionnelle des tâches. Les guerriers vont développer des savoir-faire très précis et élaborés fondés sur un principe contraignant.
La phalange est une structure organisée complexe extrêmement contraignante où chacun exerce un contrôle un pouvoir, une contrainte sur chacun. Cela montre que la guerre est fondée sur un principe d’organisation qui plus est organisé et sophistiqué et qui sera plus meurtrière. Sous l’Empire romain et l’Antiquité grecque, les guerres deviennent plus meurtrières et létales qu’elles ne l’étaient auparavant. Le principe d’organisation sophistiqué ne peut pas être séparé du contexte social et politique permettant à la phalange d’apparaitre comme mode d’organisation des unités de guerre à travers une opérationnalisation fonctionnelle des tâches. Les guerriers vont développer des savoir-faire très précis et élaborés fondés sur un principe contraignant.
Ligne 138 : Ligne 109 :


L’État moderne a une double caractéristique et est souvent vu comme coïncidant avec :
L’État moderne a une double caractéristique et est souvent vu comme coïncidant avec :
*la '''loi et l’ordre''' : en interne, il a la représentation, qui, historiquement n’est pas entièrement fausse, que la violence interindividuelle décline à partir du XVIIème siècle et XVIIIème siècle dans la plupart des sociétés politiques européennes. Les auteurs montrent un déclin constant de la violence interindividuelle entre le XVIIème siècle et aujourd’hui. La propension des individus à commettre des meurtres à l’égard de leurs conjoint, voisin, concurrent ou encore partenaire décline dans cette période pouvant nous concerter dans l’idée que la modernité politique est une marche constante vers une pacification, une civilisation progressive des mœurs dans lesquels la violence serait plus marginalisée.
*la '''loi et l’ordre''' : en interne, il a la représentation, qui, historiquement n’est pas entièrement fausse, que la violence interindividuelle décline à partir du XVIIème siècle et XVIIIème siècle dans la plupart des sociétés politiques européennes. Les auteurs montrent un déclin constant de la violence interindividuelle entre le XVIIème siècle et aujourd’hui. La propension des individus à commettre des meurtres à l’égard de leur conjoint, voisin, concurrent ou encore partenaire décline dans cette période pouvant nous concerter dans l’idée que la modernité politique est une marche constante vers une pacification, une civilisation progressive des mœurs dans lesquels la violence serait plus marginalisée.
*la '''paix internationale''' : lorsqu’on parle du grand mouvement de l’histoire dans les organisations internationales au niveau de l’ONU ou ailleurs, l’humanité marcherait vers la fin de l’histoire ou du moins vers une tentative plus ambitieuse de mettre un terme aux guerres interétatiques. On pourrait être amené à croire que la modernité coïncide avec un déclin de la violence interpersonnelle, mais aussi avec un déclin relatif de la guerre interétatique et cela même dans le berceau de l’état moderne.  
*la '''paix internationale''' : lorsqu’on parle du grand mouvement de l’histoire dans les organisations internationales au niveau de l’ONU ou ailleurs, l’humanité marcherait vers la fin de l’histoire ou du moins vers une tentative plus ambitieuse de mettre un terme aux guerres interétatiques. On pourrait être amené à croire que la modernité coïncide avec un déclin de la violence interpersonnelle, mais aussi avec un déclin relatif de la guerre interétatique et cela même dans le berceau de l’état moderne.  
*la '''violence est perçue comme primitive, pas de notre âge''' : c’est une vision de la modernité politique, mais contredite par un autre visage de la modernité politique.  
*la '''violence est perçue comme primitive, pas de notre âge''' : c’est une vision de la modernité politique, mais contredite par un autre visage de la modernité politique.  
Ligne 153 : Ligne 124 :
Max Weber nous permet de comprendre le lien intime entre construction de l’État et usage de la violence. Par le biais de ces liens, la modernité politique à un visage de pacification, mais aussi une modernité politique caractérisée par des massacres de masse. S’il y a une communauté humaine organisée qui monopolise sur son territoire la violence physique légitime, cela veut dire que cette organisation, le gouvernement et ses bureaucraties vont être capables de mobiliser des capacités de coercition et de violence qui vont faire connaître à la guerre un saut qualitatif total dans le sens de guerre de plus en plus meurtrière et violente. En monopolisant la violence sur un territoire, cela veut dire que la population qui habite le territoire perd sa capacité à faire usage de violence, mais aussi le droit de le faire de manière légitime. Aujourd’hui, il est entendu que la violence interpersonnelle de manière générale est illégitime, illégale, est punie et réprimée au nom de la loi par des services de ce même État notamment sous la forme de tribunaux et de formes de polices. La monopolisation de la violence permet les guerres totales, mais aussi ce mouvement progressif des relations humaines et interpersonnelles dans le sens où la violence n’est plus une option normale, légitime dans les relations sociales. Certains auteurs montrent bien que dans les relations entre individus dans les sociétés rurales individuelles du Moyen-Âge, la violence était un type de relations parmi d’autres non réprimé par la loi et socialement toléré comme réprimandable sinon légitime.
Max Weber nous permet de comprendre le lien intime entre construction de l’État et usage de la violence. Par le biais de ces liens, la modernité politique à un visage de pacification, mais aussi une modernité politique caractérisée par des massacres de masse. S’il y a une communauté humaine organisée qui monopolise sur son territoire la violence physique légitime, cela veut dire que cette organisation, le gouvernement et ses bureaucraties vont être capables de mobiliser des capacités de coercition et de violence qui vont faire connaître à la guerre un saut qualitatif total dans le sens de guerre de plus en plus meurtrière et violente. En monopolisant la violence sur un territoire, cela veut dire que la population qui habite le territoire perd sa capacité à faire usage de violence, mais aussi le droit de le faire de manière légitime. Aujourd’hui, il est entendu que la violence interpersonnelle de manière générale est illégitime, illégale, est punie et réprimée au nom de la loi par des services de ce même État notamment sous la forme de tribunaux et de formes de polices. La monopolisation de la violence permet les guerres totales, mais aussi ce mouvement progressif des relations humaines et interpersonnelles dans le sens où la violence n’est plus une option normale, légitime dans les relations sociales. Certains auteurs montrent bien que dans les relations entre individus dans les sociétés rurales individuelles du Moyen-Âge, la violence était un type de relations parmi d’autres non réprimé par la loi et socialement toléré comme réprimandable sinon légitime.


Weber ajoute que {{citation|ce qui est en effet le propre de notre époque, c'est qu'elle n'accorde à tous les autres groupements, ou aux individus, le droit de faire appel à la violence que dans la mesure où l'État le tolère : celui-ci passe donc pour l'unique source du « droit » à la violence.}}. Dans certains cas limite, en tant qu’individus, nous pouvons avoir à recourir à de la violence légitime comme cela est le cas de la légitime défense. L’État est la source du droit à la violence si on peut recourir à la violence légitime dans certain cas c’est parce que l’État permet d’y recourir dans certains cas. La légitime défense est donc respectueuse de la définition wébérienne puisque l’État nous en a donné le droit. Dans la guerre contemporaine, il est de plus en plus fréquent que des sociétés privées déploient du personnel privé et armé de façon à protéger des bâtiments privés ou publics, mais encore des diplomates. Ce personnel privé qui jadis était appelé « mercenaire » peut avoir recours légitimement à la violence. En général, ces sociétés privées se sont vues déléguer le droit de recourir à la violence et donc l’État reste la source du recours à la violence.  
Weber ajoute que {{citation|ce qui est en effet le propre de notre époque, c'est qu'elle n'accorde à tous les autres groupements, ou aux individus, le droit de faire appel à la violence que dans la mesure où l'État le tolère : celui-ci passe donc pour l'unique source du « droit » à la violence.}}. Dans certain cas limite, en tant qu’individus nous pouvons avoir à recourir à de la violence légitime comme cela est le cas de la légitime défense. L’État est la source du droit à la violence si on peut recourir à la violence légitime dans certain cas c’est parce que l’État permet d’y recourir dans certains cas. La légitime défense est donc respectueuse de la définition wébérienne puisque l’État nous en a donné le droit. Dans la guerre contemporaine, il est de plus en plus fréquent que des sociétés privées déploient du personnel privé et armé de façon à protéger des bâtiments privés ou publics, mais encore des diplomates. Ce personnel privé qui jadis était appelé « mercenaire » peut avoir recours légitimement à la violence. En général, ces sociétés privées se sont vues déléguer le droit de recourir à la violence et donc l’État reste la source du recours à la violence.  


L’État moderne ne voit pas des aristocraties guerrières être laissées en place au contraire de l’Empire romain qui gouvernait au travers d’aristocraties guerrières préconstituées. Lorsque l’Empire romain s’étend dans l’Allemagne actuelle, les tribus guerrières germaniques furent laissées en place, mais étaient considérées comme un échelon au travers duquel l’Empire romain gouvernait ses sujets. L’État moderne crée des forces de police, mais ce monopole de l’État moderne est bien plus:
L’État moderne ne voit pas des aristocraties guerrières être laissées en place au contraire de l’Empire romain qui gouvernait au travers d’aristocraties guerrières préconstituées. Lorsque l’Empire romain s’étend dans l’Allemagne actuelle, les tribus guerrières germaniques furent laissées en place, mais étaient considérées comme un échelon au travers duquel l’Empire romain gouvernait ses sujets. L’État moderne crée des forces de police, mais ce monopole de l’État moderne est bien plus:
Ligne 162 : Ligne 133 :


= Conclusions =
= Conclusions =
Il y a un lien intime entre forme et degré d’organisation politique et guerre. Il faut comprendre les formes d’organisations politiques de sociétés que l’on regarde, cela veut dire également que la guerre préexiste à l’État. L’avènement de l’État marque tout de même une étape ou une rupture importante du point de vue de l’étude de la guerre puisque l’État représente la forme de l’organisation politique la plus centralisée, la plus clairement délimitée sur un territoire et impliquant un degré de hiérarchie et des principes disciplinaires les plus intenses que l’on connaisse.  
Il y a un lien intime entre forme et degré d’organisation politique et guerre. Il faut comprendre les formes d’organisations politiques de sociétés que l’on regarde, cela veut dire également que la guerre préexiste à l’État. L’avènement de l’État marque tout de même une étape ou une rupture importante du point de vue de l’étude de la guerre puisque l’État représente la forme de l’organisation politique la plus centralisée, la plus clairement délimitée sur un territoire et impliquant un degré de hiérarchie et des principes disciplinaire les plus intense que l’on connaisse.  


Il existe une relation de co-constitution entre la guerre et l’État. La guerre constitue l’État, les guerres du Moyen-Âge dans leur logique et leur dynamique propre ont contribué en leur logique de détermination spécifique de ce que nous appelons l’État. L’État moderne a également constitué une forme particulière de guerre qui est la guerre interétatique moderne qui est la forme de guerre la plus meurtrière et total. Pour comprendre la guerre totale, il faut comprendre comment a-t-elle était façonnée.
Il existe une relation de co-constitution entre la guerre et l’État. La guerre constitue l’État, les guerres du Moyen-Âge dans leur logique et leur dynamique propre ont contribués en leur logique de détermination spécifique de ce que nous appelons l’État. L’État moderne a également constitué une forme particulière de guerre qui est la guerre interétatique moderne qui est la forme de guerre la plus meurtrière et totale. Pour comprendre la guerre totale, il faut comprendre comment a t-elle était façonnée.


= Annexes =
= Annexes =
Ligne 174 : Ligne 145 :
<references/>
<references/>


[[Category:science-politique]]
[[Category:science-politique]] [[Category:relations internationales]]
[[Category:relations internationales]]
[[Category:Stephan Davidshofer]]
[[Category:Christian Olsson]]
[[Category:sécurité]]
[[Category:2014]]
Notez bien que toutes les contributions à Baripedia sont considérées comme publiées sous les termes de la Attribution-ShareAlike 4.0 International (CC BY-SA 4.0) (voir My wiki:Copyrights pour plus de détails). Si vous ne désirez pas que vos écrits soient modifiés et distribués à volonté, merci de ne pas les soumettre ici.
Vous nous promettez aussi que vous avez écrit ceci vous-même, ou que vous l’avez copié d’une source placée dans le domaine public ou d’une ressource libre similaire. N’utilisez aucun travail sous droits d’auteur sans autorisation expresse !

Pour créer, modifier ou publier cette page, veuillez répondre à la question ci-dessous (plus d’informations) :

Annuler Aide pour la modification (s’ouvre dans une nouvelle fenêtre)