Modification de The era of the Reformation
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In other words, there is not in the idea of the Christian prince the idea of mixing political and religious power, but there is the will of a political power that defends religious values to perhaps support a certain coherence within society. | In other words, there is not in the idea of the Christian prince the idea of mixing political and religious power, but there is the will of a political power that defends religious values to perhaps support a certain coherence within society. | ||
For Luther, the prince is above all a prince, but Christian in the sense that he must defend Christian values. In 1525, he wrote a work that criticized Erasmus by denouncing Erasmus' humanistic ideals, but also the free will that for him is an aberration since we are predetermined by God's will, the ''On the Bondage of the Will''. | For Luther, the prince is above all a prince, but Christian in the sense that he must defend Christian values. In 1525, he wrote a work that criticized Erasmus by denouncing Erasmus' humanistic ideals, but also the free will that for him is an aberration since we are predetermined by God's will, the ''On the Bondage of the Will''. | ||
== Spiritual Power and Temporal Power == | == Spiritual Power and Temporal Power == | ||
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Calvin takes up Luther's theory, and more precisely the question of how he offers us this radical reading and how he defends the right of resistance. | Calvin takes up Luther's theory, and more precisely the question of how he offers us this radical reading and how he defends the right of resistance. | ||
== | == Théologie de Calvin == | ||
[[File:Jean Calvin 1562.jpg|thumb|right| | [[File:Jean Calvin 1562.jpg|thumb|right|Jean Calvin à l'âge de 53 ans. Gravure de René Boyvin.]] | ||
Calvin | Les premiers écrits de Calvin soulignent la nécessité d’obéir à l’autorité politique. Il soutient une claire séparation entre l’État et l’église, mais surtout il souligne la nécessité potestas a deo soit de respecter le pouvoir voulu par dieu. | ||
Une lecture attentive de Calvin montre qu’il devient de plus en plus ambigu : si sur le fond il rejoint Luther dans sa méfiance face à la résistance en politique, il introduit dans son ouvrage toute une série d’exceptions. Pour Luther, la seule exception est si le prince oblige à blasphémer ou renier sa foi. | |||
Calvin | Calvin élargit ces exceptions vidant de sa substance le prince de non-résistance et en en faisant un principe de résistance. Il va peu à peu présenter des cas ou des magistrats peuvent eux agir, intervenir au nom du corps politique. | ||
Calvin | Calvin est hostile à une intervention directe du corps politique ; toutefois, bien que le corps politique ne puisse pas au fond diriger par lui-même, il peut mandater des magistrats qui peuvent intervenir auprès du pouvoir politique, il y a très clairement une vision et un élargissement des exceptions, le peuple ne peut résister, mais mandater des gens pour le faire ou élargir le spectre des possibilités. | ||
C’est le début très clair d’une justification de la résistance politique si cette résistance est faite par des magistrats légitimes et légitimités. | |||
Calvin | Calvin va véritablement soutenir une thèse qui à des conséquences dans la résistance : la question qui occupe les philosophes du politique est la question suivante : Calvin a lu ses classiques de la philosophie politique et les ouvrages qui réfléchissent à la question cruciale de savoir qui détient l’imperium ? On traduit communément l’imperium par le terme de souveraineté. Qui détient la souveraineté ? | ||
À l’époque de Calvin, ce débat sur le détenteur de l’imperium, sur la capacité à détenir le pouvoir à faire et défaire la loi, à exécuter la loi, qui détient ce pouvoir souverain ? Calvin s’y intéresse et est âprement débattu ; la réponse va quelque part l’obliger d’une certaine manière à tailler en brèche ou en tout cas à ouvrir encore plus la brèche du droit de résistance. | |||
À la question de qui détient l’imperium, Calvin va répondre que c’est le corps politique qui détient l’imperium et il le délègue à des magistrats, à un prince. Qui dit délégation, dit également rupture de cette délégation, en d’autres termes on peut décider de ne plus déléguer ce pouvoir ; si nous déléguons le pouvoir à certaines conditions et qu’elles ne sont pas respectées, on peut reprendre le pouvoir. | |||
Calvin | Calvin au nom d’un imperium détenu par un corps politique délégué va non seulement défendre un droit de résistance et dans certains cas une obligation de résistance notamment lorsque le prince et les magistrats trahissent et violent injustement les conditions contractuelles qui leur ont été données. En affirmant que le corps politique et les magistrats détiennent l’imperium va très clairement nourrir la possibilité de résister au prince. | ||
Il faut faire attention parce que lorsqu’on lit attentivement Calvin, on ne voit jamais chez Calvin une affirmation très claire des cas dans lesquels il faut résister, c’est une époque ou la censure existe, une certaine terminologie doit être utilisée. Calvin dans un langage souvent métaphorique défend dans certains cas le droit de résistance. | |||
Calvin | Calvin donne au pouvoir politique, au corps politique et aux magistrats un pouvoir non négligeable ; il n’est pas un thuriféraire, il ne défend pas le droit de résistance dans tous les cas, mais dans des cas beaucoup plus nombreux que défendus par Luther. | ||
Nous avions vu que Jean Calvin avait repris d’une certaine manière la réticence de Luther sur le droit de résistance et qu’il avait peu à peu modifié son point de vue et ouvert des brèches, des exceptions qui permettaient et justifiaient une forme de résistance par l’intermédiaire des magistrats. Si dans le discours de Calvin omni potestas a deo et la résistance doit être condamné, en fait il ouvre la possibilité à la résistance qui ne doit pas être fait directement par le corps politique, mais par l’intermédiaire de magistrats supérieurs. | |||
Calvin | Il y a chez Calvin l’idée que dans l’idéal la résistance et la désobéissance ne sont pas une chose utile et un processus poursuivi, tout de même, on voit très bien une évolution dans son discours, il ouvre cette possibilité. Calvin s’affirme comme, a priori, opposé au droit de résistance au début de ses écrits et très vite il va ouvrir la possibilité à la résistance suggérant une série d’exceptions rendant la résistance et la désobéissance civile possible notamment dans le cas de la tyrannie. On voit très bien ce glissement et cette tension qui est aussi une contradiction, il ne souhaite pas ouvrir dans la lignée de Luther la porte à la révolte, mais d’autre part Calvin est conscient qu’on ne peut tout subir. | ||
== Institution | == Institution de la religion chrétienne == | ||
* Article wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Institution_de_la_religion_chr%C3%A9tienne | |||
[[File:CalvinInstitutio.jpg|thumb|left|200px|Couverture de la dernière édition de l'''Institution de la religion chrétienne'' qui résume sa théologie.]] | |||
Il s’en explique dans un texte de 1536 qui s’intitule ''Institution de la religion chrétienne'' ; il s’interroge au chapitre XX sur ce qu’est le gouvernement civil. Qu’entend-il par un gouvernement civil ? Quelle est l’étendue des compétences du gouvernement ? Peut-on lui résister et désobéir ? | |||
{{citation bloc|Il convient maintenant de nous préoccuper du second à qui il revient d’établir seulement une justice civile et réformer la moralité sociale. Si ce sujet semble éloigné de la théologie et de la foi que je traite, la suite des développements montrera, pourtant, que c'est à juste titre que je l'aborde ensemble avec cette doctrine. Surtout, parce qu'aujourd'hui, il y a des anarchistes violents qui voudraient renverser l'ordre dans la cité, bien qu'il soit établi par Dieu. D'autre part, ceux qui flattent les gouvernants, en faisant une apologie démesurée du pouvoir, les font quasiment jouer à être des dieux.}} | |||
Le titre les différences entre le gouvernement civil et le gouvernement spirituel montrent que Calvin est dans la lignée de Luther où il divise le monde entre le monde civil et le monde spirituel. | |||
Il y a une adhésion à la philosophie de Luther, mais bien qu’il soit le descendant de Luther, il prend ses distances sur un point précis. | |||
{{citation bloc|Il convient maintenant de nous préoccuper du second à qui il revient d’établir seulement une justice civile et réformer la moralité sociale. Si ce sujet semble éloigné de la théologie et de la foi que je traite, la suite des développements montrera, pourtant, que c'est à juste titre que je l'aborde ensemble avec cette doctrine. Surtout, parce qu'aujourd'hui, il y a des anarchistes violents qui voudraient renverser l'ordre dans la cité, bien qu'il soit établi par Dieu.}} | |||
C’est une critique vis-à-vis des radicaux protestants qui ont fait une lecture radicale des thèses de Luther en utilisant la théologie politique de Luther afin de renverser les souverains d’Europe. Calvin est une pensée de l’ordre dans le bon sens du terme, omni potestas a deo. | |||
{{citation bloc|D'autre part, ceux qui flattent les gouvernants, en faisant une apologie démesurée du pouvoir, les font quasiment jouer à être des dieux.}} | |||
D’un côté, il dénonce les anarchistes violents et de l’autre tous ceux qui flattent les princes et les rois, Luther avait une certaine tolérance vis-à-vis de pouvoir politique ; Calvin tente de trouver une voie médiane entre celui qui détient le pouvoir et ceux qui veulent tout renverser. Il y a une voie du juste milieu qui est possible. | |||
[[Image:Vergós Group Saint Augustine Disputing with the Heretics Google Art Project.jpg|thumb|upright|right|Augustin en controverse avec des hérétiques.]] | |||
[ | Il reprend les arguments de Luther et de [https://fr.wikipedia.org/wiki/Saint_Augustin Saint Augustin], les deux mondes doivent travailler en convergence. | ||
{{citation bloc|Le règne spirituel nous procure, déjà sur la terre, un avant-goût du bonheur ineffable et éternel. Le but du régime temporel du gouvernement est, tant que nous vivons dans la société des humains, de veiller sur la série extérieure de Dieu et de subvenir à ses besoins, de veiller sur la pure doctrine et la religion, de protéger le bien-être de l’Église, de nous aider à observer l’équité nécessaire, de promouvoir une justice civile dans le domaine des mœurs, en vue de la paix commune et de maintenir la loi et l’ordre pour le bien de tous.}} | |||
Il y a une définition des « buts de l’État », mais il y a une définition de Calvin et des reformés sur les buts de l’État. | |||
À partir du paragraphe trois, la responsabilité du gouvernement civil on a le sentiment que Calvin n’est pas du tout favorable à une quelconque forme de résistance, il ne faut pas modifier l’ordre établi, omni potestas a deo. | |||
{{citation bloc|Pour le moment, nous voulons seulement indiquer que vouloir le rejeter, c'est faire preuve d'une barbarie inhumaine, puisqu’il est aussi nécessaire à l’être humain que le pain, l'eau, le soleil cl l'air; et sa fonction est encore bien plus grande (…) En résumé, il veille sur l'exercice public de la religion parmi les chrétiens le sur le maintien de bonnes relations entre tous.}} | |||
Ce chapitre III est une définition de l’existence même du gouvernement et d’une réticence marquée pour toute forme de résistance. | |||
Le sous chapitre V, VI les gouvernements sont le serviteur de la justice civile, VII et VIII affirme l’importance du gouvernement pour le vivre ensemble, mais la quasi-impossibilité pour les individus de résister en tout cas de manière exagérée au gouvernement. | |||
Il ouvre une parenthèse à partir du Chapitre VIII où il peint une vision qui n’est pas monarchique du pouvoir : Calvin va presque comme Machiavel privilégier la forme aristocratique - selon Platon l’aristocrate est l’aristocratie du savoir -, Calvin emploie le terme de gouvernement aristocratique. | |||
Calvin ne croit pas au système monarchique en tant que tel, mais croit au gouvernement de plusieurs qui pour le bien de tous dirigeraient la cité. On voit très bien qu’il y a des relents de mécanismes qui appellent Machiavel et la vision florentine, voire vénitienne, de l’exécutif. | |||
{{citation bloc|Si l’on compare ces trois catégories de gouvernement que j’ai présentées, lea seconde, à savoir le gouvernement par un petit nombre de personnes qui assure la liberté du peuple, me semble préférable, non pas en elle-même, mais parce qu’il n’arrive pas souvent – cela tient même du miracle – que les rois se conduisent si bien que leur volonté ne s’écarte jamais de l’équité et de la droiture.}} | |||
C’est une critique claire et ferme envers la monarchie, le régime des rois n’est pas un régime où cela relève du miracle permettant à la droiture et la justice de régner, il vise le pouvoir du roi de France ; il se réfugie à Genève en faisant le bastion du protestantisme de langue française. Machiavel n’aurait pas dit autre chose avec l’idée de gouvernement d’un petit nombre. | |||
{{citation bloc|En fait, le meilleur gouvernement est celui où règne une liberté bien tempérée et destinée à durer longtemps (…) ce sera de leur part une pensée non seulement folle et inutile, mais mauvaise et infructueuse.}} | |||
La résistance est une pensée folle et infructueuse par contre le gouvernement de quelques-uns est une bonne chose. | |||
Dans le sous-paragraphe 22, ‘’Le respect des autorités’’, il y a la question du devoir de résistance. | |||
{{citation bloc|Le premier devoir des sujets vis-à-vis de leurs supérieurs est d'avoir en grande estime leurs fonctions, les reconnaissant comme données par Dieu, et pour cette raison, manifestant. aux autorités l'honneur et le respect que l’on doit à ceux qui sont lieutenants er représentant de Dieu.}} | |||
L’autorité politique représente dieu, il y est donc extrêmement difficile de résister, cette réticence à la résistance est continuée d’être affirmée au chapitre XXIII. | |||
Il ne faut pas faire de Calvin un penseur du droit divin, il sépare le pouvoir politique du pouvoir de dieu, toutefois le pouvoir politique détient une partie de son pouvoir du pouvoir de dieu. | |||
Calvin | Quand le [https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_XIV Roi Soleil (Louis XIV)] dira qu’il détient son pouvoir de dieu et qu’il fonde politiquement son pouvoir dans l’existence même de dieu, c’est une démarche différente. Calvin ne dit pas que l’élite qui est chargée de gouverner détient son pouvoir politique de dieu. Le roi de France justifie son pouvoir plique par un pseudo pouvoir de droit divin or pour Calvin le gouvernant ne tient pas à son pouvoir par un droit divin, mais par les hommes qui lui ont confié, il est d’une certaine manière adoubé et imprégné de l’esprit de dieu qui a voulu qu’il soit à la tête de l’État. | ||
Pour Calvin tout pouvoir vient de dieu, par là même tout pouvoir politique tient quelque par une partie de sa légitimité de la volonté divine. Les rois de France qui eux diront plus tard qu’ils détiennent leur autorité de droit divin est une démarche un peu différente, toute leur légitimité selon eux et dans n’importe quelle circonstance reposant sur la volonté de Dieu. | |||
Calvin ne veut pas qu’un homme politique puisse faire tout et n’importe quoi au nom de Dieu. Les monarchies de droit divin au début XVIIème siècle et XVIIIème siècle justifient leur autorité politique au nom du droit divin au nom de l’idée qu’ils détiennent le pouvoir de dieu. | |||
Calvin | Calvin est conscient des dangers du précepte omni potestas a deo. Pour Calvin, tout pouvoir vient de dieu, mais tout homme politique ne peut tout faire au nom de Dieu, il ne peut justifier son action politique ou n’importe quelle action politique au nom de Dieu. Pour les monarchies de droit divin, tout pouvoir vient de dieu et ils peuvent tout faire parce que tout pouvoir vient de dieu. | ||
Calvin | C’est la grande différence avec Calvin qui ne justifie pas toute action au nom de Dieu, le curseur n’est pas au même endroit, c’est l’utilisation de ce principe qui est différent, l’instrumentalisation de ce principe diffère par Calvin et ceux qui se revendiquent de droit divin | ||
En d’autres termes, Calvin fait de dieu le fondement théologique du pouvoir politique alors que le roi de France fait du fondement politique le pouvoir théologique ; Calvin ne veut pas que le pouvoir et l’autorité politique justifie son pouvoir par l’existence de Dieu alors que les monarchies françaises justifiaient leur action politique par le fait qu’elles détiennent leur pouvoir par dieu. | |||
Il y a quelque chose de la volonté de Dieu dans toute autorité politique, mais cela ne justifie pas qu’elle puisse tout faire. | |||
{{citation bloc|Il s’ensuit autre chose : honorant et respectant ainsi les autorités, nous devons leur obéir en observant leurs ordonnances, soit en payant les impôts, soit en prenant en charge une tâche qui relève de la défense commune, soit en obéissant à tout autre ordre (…) Que personne ne se trompe à ce sujet. Puisqu’on ne peut pas résister aux gouvernants sans résister à Dieu, s'il semble possible de résister à un gouvernement faible et dépourvu d’autorité, prenons garde parce que Dieu est fort et assez armé pour punir le mépris que l’on a de ses ordonnances. De plus, dans cette obéissance, j'inclus la mesure que doivent avoir, dans les affaires publiques, les citoyens privés (…) Je veux dire que les particuliers n’ont pas à se mettre en action sans intermédiaire.}} | |||
Nous devons obéissance à l’autorité politique et aux gouvernants, nous ne devons pas lui résister sans intermédiaire. Quelque part, il montre que de la non-résistance est passée à la non-résistance sans recourir à un intermédiaire ce qui retourne le problème. Cela va lui permettre de clairement reconnaître la possibilité de résister, il retourne l’argument de la non-résistance, mais pas à n’importe quelle condition. | |||
Calvin affirme que tout pouvoir vient de dieu, c’est une folie de résister aux autorités politiques, il ajoute que c’est une folie de résister sans intermédiaires : il ouvre la porte à la possibilité de résister, mais pas à n’importe quelles conditions. | |||
Calvin | Dans le sous-chapitre XXXI – titre ; Calvin est confronté à la question de savoir s’il n’y a pas de situations dans lesquelles on doit résister, il ne peut conclure qu’on ne peut jamais résister. | ||
Comme c’est une pensée de l’ordre il veut encadrer la résistance, il est hostile à la résistance, mais on s’aperçoit qu’il n’y est pas hostile mais il veut encadrer la résistance en recourant à des intermédiaires. | |||
{{citation bloc|En effet, s'il existait, il notre époque des magistrats établis pour let défense du peuple afin de réfréner la trop grande ambition ou la liberté des rois - comme il en existait autrefois chez les Spartes, avec les éphores, chez les Romains avec leurs défenseurs populaires et chez les Athéniens avec leurs démarques et, comme aujourd’hui dans chaque royaume lorsque les trois états sont assemblés - je ne leur défendrais pas du tout de s'opposer et de résister à l’intempérance ou à la cruauté des rois dans l'exercice de leur fonction. J’estime même que, s’ils voyaient combien les rois maltraitaient abusivement le pauvre peuple et faisaient comme si cela n'était pas, cette attitude devrait être accusée de parjure et de trahison vis-à-vis de la liberté du peuple, alors qu'ils devaient se reconnaître en avoir été ordonnés les protecteurs par la volonté de Dieu.}} | |||
Calvin ouvre la porte à certaines conditions de manière encadrée notamment à la résistance au roi et particulièrement à certains rois qui abusent de leur pouvoir et de leur autorité. La résistance est possible, mais à certaines conditions, les rois qui n’ont pas été institués par Dieu, mais dont une partie du pouvoir repose sur des fondements théologiques ont trahi la volonté de Dieu en se comportant de manière abusive ; à ce titre l’adage omni potestas a deo ne joue plus. | |||
Au sous-chapitre XXXIII Les limites de notre obéissance aux hommes il faut retenir : | |||
{{citation bloc|S’ils viennent à nous commander des choses contre le Seigneur, nous ne devons pas le supporter. Il ne faut, en ce domaine, n’avoir aucun égard à la dignité des supérieurs, que l’on respecte, lorsqu’elle est soumise à la puissance de Dieu, qui est la seule véritable au-dessus de toutes les autres.}} | |||
Cet argument est une réponse de l’argument de Luther, c’est la résistance en cas de blasphème ou en cas de décision politique qui nous invite à renoncer et à renier notre foi. Dans ce texte Calvin essaie de tenir une position médiane entre la nécessité d’obéissance à l’autorité politique et l’impossibilité d’obéir en toutes circonstances, il essaie de se situer « à la gauche de Luther ». | |||
Il pense que le dogme de non-résistance prôné par Luther est sans avenir et erroné pais il ne veut pas allé jusqu’où vont les anarchistes radicaux. | |||
« Oui » au principe de la résistance dans la mesure où elle est cadrée passant par des intermédiaires qui sont des magistrats, « non » à la révolte à tout prix et à la résistance en toutes circonstances. | |||
Calvin est entre Luther et le dernier groupe de protestants qui diront « oui » à la résistance en toute circonstance, ce sont les monarchomaques. Depuis Luther, il y a un glissement vers le droit de résistance qui n’est pas encore affirmé comme un droit, mais chez Calvin comme une possibilité, la résistance politique deviendra un droit avec la troisième vague de reformés qui feront de la résistance un vrai droit, ce sont les monarchomaques. | |||
= Les monarchomaques = | |||
* Article wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Monarchomaque | |||
Si on traduit le terme monarchomaque cela est littéralement « qui est contre les magistrats ». Les monarchomaques vont jouer un rôle important dans la définition du droit de résistance tant important dans le concept d’État. Si Luther et Calvin ont été plus « tièdes », si Calvin a ouvert la possibilité à la résistance et à la désobéissance civile, il appartient aux monarchomaques d’apposer une véritable théorie politique de la résistance. | |||
Pourquoi ? Comment se fait-il que dans les années 1570 les théories de la résistance émergent ? | |||
Il y a des raisons liées au contexte : Luther écrit en 1520 – 1523, Calvin entre 1520 – 1536, il se passe un certain nombre d’évènements dans le contexte qui explique le virage et la radicalisation des protestants ; c’est le contexte des guerres de religion. | |||
À partir de 1540 en Europe, dans le Saint Empire Romain Germanique, en France et un peu en Angleterre, il y a des authentiques guerres de religions entre catholiques et protestants. | |||
[[File:Peace-of-augsburg 1555.jpg|thumb|left|200px|Representatives of the German estates at the Augsburg conference discuss the possibilities of a religious peace.]] | [[File:Peace-of-augsburg 1555.jpg|thumb|left|200px|Representatives of the German estates at the Augsburg conference discuss the possibilities of a religious peace.]] | ||
Les reformés doivent défendre leur foi donc ils se radicalisent politiquement ; les guerres de religion en Allemagne sont très importantes et closes en 1555 presque 20 ans après la publication de l’ouvrage de Calvin, le Saint Empire romain germanique qui vit ces guerres de religion de façon importante voit la paix arriver à Augsbourg qui scelle le destin du Saint Empire Romain Germanique entre État protestant et État catholique selon [https://fr.wikipedia.org/wiki/Cujus_regio,_ejus_religio le principe « Cujus regio, ejus religio »] qui veut dire « à chaque règne sa religion », cela revenait à dénoncer le principe suivant : on adopte la religion du prince de l’État dans lequel on vit. | |||
C’est une division confessionnelle à la [https://fr.wikipedia.org/wiki/Paix_d%27Augsbourg paix d’Augsbourg de 1555]. | |||
L’Angleterre connaît aussi comme le Saint Empire Romain Germanique des affrontements à partir de 1535 entre protestants, anglicans et catholiques ; les choses s’apaisent à partir de 1547 et surtout à partir de l’avènement d’Élisabeth I d’Angleterre qui à partir des années 1560 apaise et protège les protestants et leur donne des droits. | |||
À partir de 1555 et 1560, l’Allemagne et l’Angleterre sont plus ou moins apaisées en ce qui concerne les guerres de religions ; un arrangement a été trouvé afin de vivre ensemble et vivre sa foi. | |||
Le pays qui n’a pas conclu d’accord est la France qui entre en guerre de religion à partir de 1540, les guerres de religions font rage en France pendant 30 – 40 ans, des régions passent sous la domination politique des protestants, d’autres qui restent fidèles au catholicisme. | |||
[[Fichier:Francois Dubois 001.jpg|thumb|200px| | [[Fichier:Francois Dubois 001.jpg|thumb|200px|Le massacre de la Saint-Barthélemy joua un rôle essentiel dans l'émergence des thèses monarchomaques.]] | ||
Il faut retenir la date de 1572 qui est la date du massacre de la Saint Barthélémy où des dignitaires protestants sont assassinés par des dignitaires catholiques, ce massacre va véritablement affoler le monde protestant, ce n’est pas pour rien que les ouvrages monarchomaque nous allons voir furent publier. | |||
Il faut résister à la monarchie française qui ne veut pas laisser de droits aux protestants, il faut résister, à partir d’une résistance religieuse les monarchomaques vont proposer une résistance politique. Les monarchomaques en France à partir de 1560 après le massacre de la Saint Barthélémy - les reformés français - vont se réveiller et lutter pour leur survie. | |||
Les monarchomaques qui sont théoriciens du droit de résistante sont François Hotman qui publie en 1573 une année après la Saint Barthélémy ''Franco-Gallia'', Theodore de Bèze qui publie en 1574 ''Du droit des magistrats sur leurs sujets'', en 1579 on suppose qu’il est un texte signé Junius Brutus est Hubert Languet qui publie un pamphlet qui s’intitule ''Défense de la liberté contre les tyrans.'' Que ce soit la ''Franco-Gallia, Du droit des magistrats sur leurs sujets'' et ''Défense de la liberté contre les tyrans,'' ont marqué la pensée des monarchomaques et fait avancer la théorie du droit de résistance''.'' | |||
Les monarchomaques sont des protestants reformés radicaux qui veulent défendre le droit. | |||
La première remarque est que ces traités n’ont pas de finalité démocratique, il ne faut pas faire des monarchomaques les premiers démocrates des temps modernes, il ne s’agit pas de défendre la souveraineté du peuple, il s’agit avant tout de défendre le droit à l’existence de la foi reformée et du protestantisme, c’est une question de survie religieuse, ils n‘ont pas d’ambitions politiques autres que défendre la religion réformée. | |||
C’est un conflit spirituel qui motive les monarchomaques, pas un conflit politique ; leurs intentions ne sont pas a priori politiques. | |||
Au moment où ils obtiennent gain de cause avec l’Édit de Nantes de 1598, leurs revendications s’estompent parce qu’ils ont eu des garanties religieuses importantes ; leur motivation est essentiellement religieuse et non pas politique ce qui ne veut pas dire qu’on va instrumentaliser leur théorie en politique. | |||
La deuxième remarque est qu’on trouve chez les monarchomaques un certain nombre d’idées : | |||
* | *ils sont tous partisans de l’idée que le gouvernement qu’il soit roi ou plusieurs personnes ne peut tout faire, le gouvernement a passé un contrat avec les gouvernés ; pour les monarchomaques ils ont une vision du pouvoir politique contractualise, le prince ne peut pas tout faire religieusement et politiquement, il est tenu par un contrat qu’il a passé avec ses gouvernés. | ||
* | *un souverain, prince, roi indigne qui ne respecte pas les termes du contrat c’est-à-dire le respect, la justice et l’équité, peut être déposé soit renversé ; cette idée est la résistance possible, certains iront même comme Junius Brutus jusqu’à défendre l’idée qu’on peut tuer un roi qui ne respecte pas un certain nombre de règles fondamentales et qui devient un tyran, ils sont partisans de tyrannicide. | ||
* | *Fondamentalement, ils appuient leurs arguments sur la tradition scholastique. On trouve beaucoup d’arguments scholastique, c’est-à-dire qui mettent en avant l’importance des institutions et des constitutions de l’équilibre des pouvoirs beaucoup plus que sur les vertus et les qualités des gouvernants. Les monarchomaques ne sont pas tant intéressés de savoir qu’un gouvernement a des peurs ou n’en a pas, mais ils sont intéressés à créer un système qui garantisse des droits. Beaucoup de leurs arguments vont être pris à partir de 1648 pour toute la problématique du droit des minorités, on va y puiser des arguments qui visent à garantir des droits constitutionnels aux minorités. | ||
La troisième remarque est qu’au fond ils ont une vision du mot « peuple » très traditionnelle. En d’autres termes, le peuple, pour un monarchomaque, est pris dans son ensemble en tant que corps politique, comme une personne morale. C’est une sorte de communauté. En aucun cas lorsqu’un monarchomaque parle de peuple, il pense individu autonome qui se pensent comme peuple. | |||
== François Hotman - Franco-Gallia, 1573 == | == François Hotman - Franco-Gallia, 1573 == | ||
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[[Fichier:François Hotman.jpg|thumb|François Hotman.]] | [[Fichier:François Hotman.jpg|thumb|François Hotman.]] | ||
* Article wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Hotman | |||
On trouve quatre arguments qui sont révélateurs de la position constitutionnelle des monarchomaques. | |||
Lorsque Hotman publie ''Franco-Gallia'', ouvrage qui eut un fort succès, il se replonge dans l’histoire de France pour aller contre l’idée que le roi détient tous les pouvoirs, lorsqu’on lit la constitution française on se rend compte que la monarchie franque était élective, élue par des corps de l’État, la dimension de l’élection s’est perdue avec le temps ; la monarchie française doit être fondée sur le principe électif. | |||
Le deuxième argument est que le pouvoir royal a toujours été en France limité par un Conseil Public qui représente les différents éléments de la population du royaume, ce sont les États généraux. Hotman dit que le roi prétend avoir tous les pouvoirs, mais d’abord la constitution ne l’indique pas et autrefois des institutions limitaient le pouvoir du roi. | |||
Le troisième argument est lorsqu’on lit attentivement la constitution française, qui était à l’époque les lois fondamentales du royaume, on se rend compte que le Conseil Public détenait l’imperium, le vrai pouvoir souverain, la souveraineté n’était en fait pas détenue par le roi seul : le pouvoir du roi était limité. | |||
Le quatrième argument est qu’au fond, le roi ne pouvait pas prendre de décisions importantes concernant les impôts, la politique étrangère, etc. sans l’accord de ce Conseil Public ; le tableau que nous dépeint Hotman est un tableau qui provoque à l’époque beaucoup de critiques des partisans du droit et d’un pouvoir centralisé et monarchique. | |||
Il propose une lecture radicalement différente des lois que les juristes royaux faisaient. Son ouvrage ferra beaucoup de bruit, il va contester l’autorité du roi. | |||
Fondamentalement, Hotman va développer une théorie de la suprématie du corps intermédiaire qui est d’une certaine manière l’ancêtre de la théorie de la souveraineté populaire. | |||
De dire que le roi n’a pas la souveraineté seule, mais qu’elle est au sein d’un conseil, d’une « assemblée » qui délègue certaines de ses compétences au roi et une idée nouvelle et novatrice, surtout c’est une idée radicale qui va à l’encontre de l’idéologie dominante de la monarchie française. | |||
Le roi n’a pas tous les pouvoirs et le roi ne peut pas tout faire parce que la monarchie au départ était une monarchie limitée dans son pouvoir. | |||
== Théodore de Bèze - Du droit des magistrats sur leurs sujets, 1574 == | |||
[[Fichier:Bèze, Théodore de (1519-1605) - 1596 - inc Boissard, J.J Bibliotheca chalcographica -1652-69.gif|thumb|Portrait de Théodore de Bèze en 1596.]] | |||
* Article wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9odore_de_B%C3%A8ze | |||
Ce texte est un développement de l’ébauche que Calvin avait fait sur le droit de résistance; il publie en 1574 du droit des magistrats qui est le premier traité qui définit les conditions d’exercice du droit de résistance. | |||
Son ouvrage est un authentique traité de résistance, Théodore de Bèze est marqué par Hotman. | |||
Le point de départ de Théodore de Bèze est tout d’abord l’affirmation qu’on doit obéir à dieu et que tout pouvoir vient de dieu, il retourne cet adage. | |||
Si tout pouvoir vient de Dieu, cela signifie qu’il existe des circonstances où l’homme doit désobéir à la loi humaine au nom même de sa fidélité à dieu ; si tout pouvoir vient de dieu, il y a des cas ou des situations où l’homme doit désobéir non point à la loi divine, mais à la loi humaine. C’est parce que dieu détient le pouvoir qu’on peut désobéir à un pouvoir humain, simplement on ne peut pas lui désobéir et lui résister de n’importe quelle manière. | |||
Son traité de résistance est extrêmement marqué, il défend deux idées reprenant notamment la théorie du contrat : il y a tout d’abord une première idée que le tyran par usurpation doit être déposé, il distingue deux formes de tyrannies, il peut être déposé et il faut résister au tyran légitime c’est-à-dire celui qui a légitimement hérité du trône, mais devient un tyran dans l’exercice même du pouvoir. | |||
En France, le fils du roi succède au roi, le tyran légitime c’est un tyran qui est légitime en ce sens qu’il a le droit de régner, mais devient un tyran dans l’exercice même du pouvoir. | |||
Jusqu’à lui un tyran par usurpation pouvait être déposé, en revanche ce qui est nouveau avec De Bèze est qu’un roi légitimement couronné peut également être déposé et on peut lui résister. | |||
Théodore de Bèze | La deuxième idée est qu’on ne peut lui résister de n’importe quelle manière, chez Théodore de Bèze les intermédiaires sont les magistrats inférieurs. | ||
Théodore de Bèze est favorable à la résistance politique par l’intermédiaire des magistrats inférieurs. | |||
{{citation bloc|Telle est donc l’origine des républiques et Potentats rapportée pour bonne raison à Dieu aucteur de tout bien. Ce qu’Homere mesmes a bien congeu et voulu delcarer, appelant les Rois nourrissons de Jupiter et pasteurs des peuples.}} | |||
De ce point de vue De Bèze est tout à fait classique, tout pouvoir vient de dieu. Il a tout de même commencé son chapitre par une phrase importante. | |||
{{citation bloc|par conséquent que les peuples ne sont pas créés pour les magistrats, mais au contraire les magistrats pour les peuples.}} | |||
Il ne faut pas inverser les rôles, les rois sont là pour servir le corps politique et non l’inverse, les magistrats ont des devoirs vis-à-vis du corps politique. | |||
{{citation bloc|Chacun doncq confesse, quand il est question de parler du devoir des magistrats, qu’il es loisible de les admonnester, voire mesmes en un besoin les reprendre franchement quand ils se fourvoient de leur office. Mais s’ils es question de reprimer ou mesmes chastier selon leurs demerites les tyrans tous manifestes, alors il y en a qui recommandent tellement la patience et les prieres à Dieu, qu’ils appellent seditieux, et condamnent comme faux chrestiens, tous ceux qui presentent leur col.}} | |||
C’est une critique de Luther à peine voilée, il critique tous ceux veulent résister ou se plaindre, certains recommandent la patiente et la prière au point que de dire que ceux qui veulent résister se trompent. | |||
{{citation bloc|Ce passage st fort glissant, et pourtant je prie derechef les lecteurs se souvenir de ce que j’ai dit un peu auparavant, à la fin de ne tirer mauvaise consequence de ce que j’ai à dire sur ce point. Je louë doncques la patience chrestienne comme tres recommaendable entre toutes autres vertus, et recognoi qu’il y faut songneusement encourager les hommes, comme estant celle qui emporte le pris de la félicité eternelle. Je deteste les seditions et toute confusion, comme monstres horribles (…) je nie que pour tout cela il ne soit licite aux peuples oppressez d’une tyrannie toute manifeste d’user de justes remedes conjoints avec la repentance et les pieres ; et voici les raisons sur lesquelles je me fonde.}} | |||
Cela n’est pas vrai qu’on ne peut résister, il y a des cas où l’on peut résister et où l’on doit résister. | |||
En revanche, le cas et le roi qui est devenu un tyran dans l’exercice même de son pouvoir, il y a clairement des cas où il faut et c’est un devoir de résister ; on ne peut tout simplement descendre dans la rue, De Bèze est une pensée de l’ordre c’est pourquoi il faut recourir aux magistrats intermédiaires qui sont la courroie de transmission entre le pouvoir politique et le corps politique. | |||
Quel est le devoir des subjets envers le souverain legitime estant devenu tyran manifeste, il faut recourir aux magistrats subalternes et inférieurs. Ce sont les magistrats qui sont véritablement le réceptacle de la résistance des populations. | |||
{{citation bloc|Je vien maintenant aux Magistrats inférieurs et qui sont comme en degré subalterne, entre le souverain de la maison d’un Roi, et plustot affectez à un Roi qu’à un Roiaume, mais ceux-là qui ont les charges publiques et de l’Estat, soit touchant l’administration de Justice, soit du fait de la guerre, appelez pour ceste cause en une monarchie Officiers de la couronne, et plustot du ROiaume que du Roi, estant cces deux choses bien differentes.}} | |||
Le magistrat inférieur est l’officier de la Couronne, c’est le magistrat qui représente le roi, c’est le représentant du roi, ce n’est pas le prince ni la haute noblesse, mais c’est une petite noblesse et surtout des gens qui occupent une fonction politique importante et représentant de la couronne. | |||
De Bèze va plus loin, il affirme une idée essentielle : si les magistrats inférieurs sont le canal par lequel le corps politique peut se plaindre et résister aux décisions du roi, ils le sont parce qu’ils sont dépositaires d’une partie de la souveraineté, ils sont détenteur d’une partie de la souveraineté. | |||
{{citation bloc|ils demeurent en leurs estats tels qu’ils estoient, comme aussi la souveraineté demeure en son entier (…) Mais d’une costé, puis que ces officiers inférieurs du roiaume on receu, de par la souveraineté, l’observation et maintenance des loix entre ceux qui leur sont commus, à quoi-mesmes ils sont astreints par sement (duquel ne les peut absoudre la coulpe de celui, qui de Roi est devenu Tyran, et transgresse manifestement les conditions sous lesquelles il avoit esté receu Roi et lesquelles il avoit jurees) n’est-il pas raisonnable, par tout droit divin et humain, que quelque chose soit permise à tels inférieurs Magistrats pour le devoir de leur serment et conversation des loix, plus qu’à ceux qui sont du tout personnes privees et sans charge ?}} | |||
Comme ils ont une parcelle de souveraineté n’ont-ils pas un rôle à jouer ? | |||
{{citation bloc|je di donc que, s’ils sont reduits à telle necessité, ils sont tenus (mesmes par armes si fait se peut) de pourvoir contre une Tyrannie toute manifeste, à la salvation de ceux qu’ils ont en charge.}} | |||
Dans certaines circonstances mêmes par l’utilisation des armes, les magistrats inférieurs ou subalternes ont le devoir, de résister même par les armes de résister voir de déposer le tyran légitime, certes au départ, mais qui à peu à peu dérive et dont le pouvoir et peu à peu devenu arbitraire et abusif. | |||
Le droit de résistance est reconnu et devient même un devoir de résistance pour ces magistrats inférieurs. | |||
Un auteur ira jusqu’à dire que le droit de résistance est un droit sacré même si cela coûte la vie au tyran, un autre dira qu’on peut tuer le tyran qui se prévaut des règles par l’arbitraire, c’est le dernier des monarchomaques. | |||
Théodore de Bèze avait basculé et ouvert la voie au droit de résistance en en faisant un devoir où les individus passent par des magistrats inférieurs pour résister. | |||
Luther dit clairement non à la résistance en politique, pour Calvin dans certains cas seulement en ouvrant la porte à une série d’exceptions, de Bèze dit qu’il faut résister à des conditions de mise en œuvre précise. | |||
L’ouvrage Défense de la liberté contre les tyrans de Junius Brutus de 1579 permet de comprendre la rupture radicale du droit de résistance ; cet ouvrage est très important. | |||
== Junius Brutus - Défense de la liberté contre les tyrans, Vindiciae contra tyrannos, 1579 == | |||
* Article wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Vindiciae_contra_tyrannos | |||
Cet ouvrage est l’ouvrage le plus populaire, celui qui a eu un écho aussi si ce n’est pas plus grand que l’ouvrage de 1574 de théorie de de Bèze intitulé ‘’Du droit des magistrats sur leurs sujets’’. Cet ouvrage est édité et réédité 23 fois, traduit dans sept langues, mais surtout il sera réédité dans des langues vernaculaires comme l’anglais sept fois, le français six fois, et l’allemand trois fois. | |||
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C’est un pamphlet anonyme intitulé ''Vindiciae contra tyrannos'' signé Junius Brutus qui est dans sa forme un ouvrage classique qualifié de scholastique, il pose des questions et donne des réponses très méthodiques ; le monarchomaque qui en est l’auteur soit Hubert Languet soit Du Plessis-Mornay, le protestant à l’origine de cet ouvrage adopte une formule très scholastique dans la construction même de son pamphlet. | |||
Ces questions sont au nombre de quatre : | |||
* | *les sujets doivent-il obéir a un prince qui ordonne quelque chose qui va à l’encontre des lois de dieu ? Luther s’était déjà posé la question en tranchant par la négative, mais c’est une question que les monarchomaques se posent également, tous les partisans de la réforme vont se poser cette question. | ||
* | *est-il légitime de résister à un prince qui s’écarte de la loi de dieu ? | ||
* | *est-il légitime de résister à un prince qui opprime le corps politique soit qui fait montre d’autorité et d’autoritarisme ? | ||
* | *les monarques voisins peuvent-ils venir à la rescousse de sujets et d’individus tyrannisés dans leur propre pays ? | ||
Les réponses sont : « non », « oui », « oui », « oui ». | |||
« Non » à la première question, Junius Brutus est dans la tradition luthérienne et calviniste, « oui » il est légitime de résister à un principe qui s’écarte de la loi de Dieu, « oui » pour Junius Brutus très clairement, et pour la dernière question la réponse est « oui ». | |||
La partie la plus intéressante de ces questions est les deux dernières plus précisément ; de poser la question et de dire qu’il est légitime de résister à un prince qui opprime l’État et sans mentionner un prince qui viole les lois de Dieu, montre que la théorie de la résistance et le principe de résistance en politique est une vision séculière. | |||
C’est la première fois dans l’histoire de la philosophie et notamment de la philosophie politique qu’une théorie séculière ne justifie pas la résistance du point de vue de la violation des lois divines, mais dit que si on ne me respect pas en tant qu’être il et possible de résister au pouvoir. | |||
Pour affirmer cette vision séculière, il faut souligner le mot consentement ; le monarchomaque qui écrit ce texte défend une vision séculière de la résistance et une vision de l’autorité politique qui repose sur le consentement du corps politique. | |||
Autrement dit, il est très clairement affirmé qu’un monarque est au service du corps politique dont il détient le pouvoir, d’une certaine manière le corps politique, le monarque n’est que le représentant du corps politique qui lui a délégué le pouvoir. | |||
Cette vision est importante parce que pour la première fois dans l’histoire de la pensée jusque il y a véritablement des théoriciens de la politique et du droit qui affirme que l’autorité politique suprême ne détient pas son pouvoir d’une quelconque hérédité, mais détient avant tout son pouvoir du consentement du corps politique qui lui a délégué ce pouvoir. | |||
L’imperium soit la souveraineté n’est pas détenu par la monarchie, mais par le corps politique qui véritablement délègue l’exercice de cette souveraineté au monarque. | |||
Fort logiquement, la conclusion est sans appel, si on délègue le pouvoir est qu’on abuse de la délégation de ce pouvoir, alors celui qui en a hérité peut être tué ; ce texte fait l’apologie du tyrannicide de l’autorité politique devenue tyran qui peut être éliminé en vertu du principe fondateur du consentement. | |||
Junius Brutus | Junius Brutus passe d’un droit de résistance à un devoir de résistance, c’est un ouvrage novateur. | ||
La quatrième question ouvre la porte à l’internationalisation du conflit entre protestants et catholiques, d’internationaliser le combat des calvinistes qui doivent faire appel à des monarques protestants qui pourraient les aider. | |||
Les deux grandes puissances en 1579 en Europe sont l’Angleterre et les Provinces unies libérées du joug espagnol devenues indépendantes ; l’argument vise très clairement à dire que si les protestants français sont sujets à de l’arbitraire, il est de leur devoir de faire appel à un prince protestant afin de leur venir en aide. | |||
{{citation bloc| | {{citation bloc|Nous auons montré ci deant, que c’est Dieu qui inflitue les Rois, qui les eflit, qui leur donne les Royaumes. Maintenant nous difons, que c’eft le peuple qui eftablit les Rois, qui leur met les fceptres és mains, & qui par fes fuffrages aprouve leur election.}} | ||
Si tout pouvoir vient de dieu, les rois ne tiennent leur pouvoir que du corps politique et par le consentement du peuple. | |||
{{citation bloc| | {{citation bloc|Alors du confentement de tout le pleuple, Saul, dit l’hiftoire, fut nommé Roy.}} | ||
Saint Paul | Saint Paul doit sa nomination au consentement du corps politique. | ||
{{citation bloc| | {{citation bloc|en fomme, puis qu’il n’y eut iamais homme, qui nafquift avec la couronne fur la tefte, & le fsceptre en la main, que nul ne peut eftre Roy de par foy ni regner fans peuple : & qu’au contraire le peuple puiffe eftre peuple fans Roy, & ait efté long temps auant qu’auoir des Rois, c’eft chofe trefaffeure, que tout Rois ont efté premierement eftablis par le peueple.}} | ||
C’est un discours « pseudo-révolutionnaire », c’est chose assurée que tout roi a été établi par le peuple. | |||
{{citation bloc| | {{citation bloc|Or ,ce que nous difons de tout le peuple vniuerfellement, doit eftre auffi entendu, comme dit a efté en la feconde Queftion, de ceux qui en tout royaume ou ville reprefentent legitimement le corps du peuple, & qui ordinairement font appelez les Officiers du roaume (…) les Officiers du royaume, reçoyuét leur autorité du peuple, en l’enffemblee generale des Eftats.}} | ||
II y a l’idée de la représentation en politique qui est affirmée ici ; les représentants légitimes du corps du peuple sont les officiers du peuple. | |||
Il y a l’ébauche de l’idée de représentation politique : | |||
{{citation bloc| | {{citation bloc|Si le prince pourfuit , & ne fe foucie point des diuerfes remonftrances qu’on luy aura faites, ains vife feulemét à ce but de pouvoir comettre impunément tout le mal qui luy plaira : alors il eft coupable de tyranie, & peut-on pratiquer cotre luy tout ce que le droit & une iufte violéce permettent cotre un tyran.}} | ||
Il y a l’affirmation du droit et du devoir de résistance. | |||
{{citation bloc| | {{citation bloc|Davantage, nous auons prouvé que que tous Rois reçoiuent leur dignité Royale de la main du peuple : que tout peuple confideré en un corps eft par deffus & plus grand que le Roy : qu’iceluy Roy eft tant feulement premier fouuerain fouuerneur & feruiteur du Royaume, qui n’a pour maiftre & vray Seigneur que le peuple.}} | ||
Le souverain est le peuple et parce qu’il est souverain il peut déposer et tuer le roi usurpateur ; toute cette vision est explicitée aux pages 210, 211 et 212 où Junius Brutus va justifier la nécessité de tuer le roi tyran. La souveraineté du peuple est déléguée dans la personne du monarque qui détient son pouvoir que par le consentement et que Rousseau appelle la volonté populaire. | |||
Ce dernier pamphlet monarchomaque eut un retentissement colossal, avec lui s’achève la vaste réflexion depuis Luther sur les conditions de résistance en politique. | |||
Avec Junius Brutus s’achève la vision la plus radicale du droit de résistance qui est devenue un devoir de résistance. Les monarchomaques ouvrent la voie à un déplacement de l’idée même de souveraineté ; pour Junius Brutus de dire que les rois détiennent le pouvoir de la volonté du peuple est un renversement capital et fondamental du pouvoir politique. C’est une vision plus radicale et ascendante du pouvoir qui se dessine et qui avec les monarchomaque et plus précisément Theodore de Bèze et Junius Brutus s’imposent. | |||
Ces ouvrages vont marquer les esprits provoquant une secousse dans l’ordre conceptuel ; il appartiendra à un homme de reprendre la main et de clarifier cette notion de souveraineté qui avait complètement quitté le pouvoir royal afin de se retrouver dans le corps politique, c’est Jean Bodin. | |||
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