Modification de La perspective communautarienne

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| cours = [[Théorie politique]]
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| professeurs = [[Matteo Gianni]]<ref>[https://unige.ch/sciences-societe/speri/membres/matteo-gianni/ Page personnelle de Matteo Gianni sur le site de l'Université de Genève]</ref><ref>Concordia University, Faculty of Arts and Science - Department of Political Science. “Dr. Matteo Gianni.” Dr. Matteo Gianni, https://www.concordia.ca/artsci/polisci/wssr/all-guest-lecturers/matteogianni.html</ref><ref>Profil de Matteo Gianni sur ResearchGate: https://www.researchgate.net/scientific-contributions/2010087511_Matteo_Gianni</ref><ref>Profil Linkedin de Matteo Gianni - https://www.linkedin.com/in/matteo-gianni-2438b135/?originalSubdomain=ch</ref><ref>[https://scholar.google.com/citations?user=QP7aLBAAAAAJ&hl=fr Matteo Gianni - Citations Google Scholar]</ref><ref>“Matteo Gianni - Auteur - Ressources De La Bibliothèque Nationale De France.” Data.bnf.fr, https://data.bnf.fr/fr/16166342/matteo_gianni/.</ref><ref>“Matteo Gianni: Università Degli Studi Di Udine / University of Udine.” Academia.edu, https://uniud.academia.edu/MatteoGianni.</ref>
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*[[Qu’est-ce que la théorie politique ? Enjeux épistémologiques]]
*[[Qu’est-ce que la théorie politique ? Enjeux méta-éthiques]]
*[[La théorie égalitariste de la justice distributive de John Rawls]]
*[[La théorie des droits de Robert Nozick]]
*[[La théorie de l’égalité des ressources de Ronald Dworkin]]
*[[La théorie des capabilités d’Amartya Sen et Marta Nussbaum]]
*[[La perspective communautarienne]]
*[[La perspective multiculturaliste]]
}}
Nous avons parlé de la question de la différence entre une position « universaliste » et une position plutôt « contextualiste ». Effectivement, nous avons d’une part des théories idéales et des théories qui tiennent davantage compte des spécificités des cas. Nous avons mentionné Rawls comme étant l’un des tenants de la théorie idéale même si cela n’est pas complètement vrai. Lorsque [[La théorie égalitariste de la justice distributive de John Rawls|Rawls]] parle de l’équilibre réfléchi, il parle du moment méthodologique général de sa position philosophique.<ref>Daniels, Norman, "[https://plato.stanford.edu/archives/fall2018/entries/reflective-equilibrium/ Reflective Equilibrium]", The Stanford Encyclopedia of Philosophy (Fall 2018 Edition), Edward N. Zalta (ed.)</ref> Il y a deux moments méthodologiques qui sont l’équilibre réfléchi qui est un peu la posture d’épistémologie morale qu’il adopte et la position originaire qui sont les outils méthodologiques qu’il utilise pour faire sens avec sa théorie de la justice. Dans son épistémologie morale, cet équilibre réfléchi occupe une place fondamentale. C’est un va-et-vient entre les principes généraux abstraits et les situations concrètes auxquelles est confronté l’individu. Pour Rawls, la détermination du bon principe de la bonne théorie peut se faire au moment où ce va-et-vient entre intuition et la théorie générale nous permet de nous arrêter et de trouver une position qu’il est possible de construire et de défendre analytiquement. Ceci revient à dire que Rawls n’est pas aveugle au contexte si par contexte on entend les intuitions des individus. Ces individus ont des intuitions dans des contextes ou des situations particulières même si elles peuvent être fictives.  
Nous avons parlé de la question de la différence entre une position « universaliste » et une position plutôt « contextualiste ». Effectivement, nous avons d’une part des théories idéales et des théories qui tiennent davantage compte des spécificités des cas. Nous avons mentionné Rawls comme étant l’un des tenants de la théorie idéale même si cela n’est pas complètement vrai. Lorsque [[La théorie égalitariste de la justice distributive de John Rawls|Rawls]] parle de l’équilibre réfléchi, il parle du moment méthodologique général de sa position philosophique.<ref>Daniels, Norman, "[https://plato.stanford.edu/archives/fall2018/entries/reflective-equilibrium/ Reflective Equilibrium]", The Stanford Encyclopedia of Philosophy (Fall 2018 Edition), Edward N. Zalta (ed.)</ref> Il y a deux moments méthodologiques qui sont l’équilibre réfléchi qui est un peu la posture d’épistémologie morale qu’il adopte et la position originaire qui sont les outils méthodologiques qu’il utilise pour faire sens avec sa théorie de la justice. Dans son épistémologie morale, cet équilibre réfléchi occupe une place fondamentale. C’est un va-et-vient entre les principes généraux abstraits et les situations concrètes auxquelles est confronté l’individu. Pour Rawls, la détermination du bon principe de la bonne théorie peut se faire au moment où ce va-et-vient entre intuition et la théorie générale nous permet de nous arrêter et de trouver une position qu’il est possible de construire et de défendre analytiquement. Ceci revient à dire que Rawls n’est pas aveugle au contexte si par contexte on entend les intuitions des individus. Ces individus ont des intuitions dans des contextes ou des situations particulières même si elles peuvent être fictives.  


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La base de la critique est la même que celle de Taylor, à savoir que la théorie de Johns Rawls repose sur des présupposés ontologiques qui ne tiennent pas la route. Elle a une conception de l’individu qui d’une part n’est pas souhaitée, mais en plus qui est fausse si le but est de faire en sorte qu’on pense le juste. Il y a une dimension aussi d’incohérence. Pour Sandel, Rawls pense mal l’individu, il pense mal la relation entre individu et communauté et il pense mal ce qui découle quelque part de son modèle de justice.<ref>Baker, C. Edwin. “Sandel on Rawls.” University of Pennsylvania Law Review, vol. 133, no. 4, 1985, pp. 895–928. JSTOR, https://www.jstor.org/stable/3312128.</ref><ref>Oliveira, N. D. (2015). REVISITANDO A CRÍTICA COMUNITARISTA AO LIBERALISMO: SANDEL, RAWLS E TEORIA CRÍTICA. Síntese: Revista de Filosofia, 41(131), 393. https://doi.org/10.20911/21769389v41n131p393-413/2014</ref>
La base de la critique est la même que celle de Taylor, à savoir que la théorie de Johns Rawls repose sur des présupposés ontologiques qui ne tiennent pas la route. Elle a une conception de l’individu qui d’une part n’est pas souhaitée, mais en plus qui est fausse si le but est de faire en sorte qu’on pense le juste. Il y a une dimension aussi d’incohérence. Pour Sandel, Rawls pense mal l’individu, il pense mal la relation entre individu et communauté et il pense mal ce qui découle quelque part de son modèle de justice.<ref>Baker, C. Edwin. “Sandel on Rawls.” University of Pennsylvania Law Review, vol. 133, no. 4, 1985, pp. 895–928. JSTOR, https://www.jstor.org/stable/3312128.</ref><ref>Oliveira, N. D. (2015). REVISITANDO A CRÍTICA COMUNITARISTA AO LIBERALISMO: SANDEL, RAWLS E TEORIA CRÍTICA. Síntese: Revista de Filosofia, 41(131), 393. https://doi.org/10.20911/21769389v41n131p393-413/2014</ref>


Pour Sandel, un peu comme Taylor, il est nécessaire pour avoir une conception du juste qu’il y ait une conception du bien. La conception de la personne qui permet de penser les principes de justice, pour Sandel, est fausse parce qu’elle se base sur l’idée que Kymlicka évoque du soi ou du « moi sans qualité » qui est une vision un peu atomiste très fine de l’individu qui fait quelque part que pour que Rawls construise sa théorie, il est obligé de penser que ce soi qu’il a à l’esprit est déraciné, détaché et complètement indépendant. Pour Sandel, nous ne pouvons pas nous comprendre si ce n’est pour personne particulière membre d’une famille, d’une communauté, d’une nation ou encore d’un peuple, nous sommes les détenteurs d’une histoire, fils et filles d’une révolution particulière nous sommes des citoyens d’une république.<ref>Youngmevittaya, W. (2019). A Critical Reflection on Michael J. Sandel: Rethinking Communitarianism. Journal of Social Sciences Naresuan University, 15(1), 15_83-116. Retrieved from https://so04.tci-thaijo.org/index.php/jssnu/article/view/201349</ref> Toute théorie de la justice ou du bien et de la morale qui ne partirait pas pour lui de ce constat que nous sommes enracinés quelque part, ne peut aboutir qu’à des choses fausses, pas très intéressantes, ou encore, pour lui, pire encore, dangereuses parce qu’il remet en question le tissu connectif d’une société.
Pour Sandel, un peu comme Taylor, il est nécessaire pour avoir une conception du juste qu’il y ait une conception du bien. La conception de la personne qui permet de penser les principes de justice, pour Sandel, est fausse parce qu’elle se base sur l’idée que Kymlicka évoque du soi ou du « moi sans qualité » qui est une vision un peu atomiste très fine de l’individu qui fait quelque part que pour que Rawls construise sa théorie, il est obligé de penser que ce soi qu’il a à l’esprit est déraciné, détaché et complètement indépendant. Pour Sandel, nous ne pouvons pas nous comprendre si ce n’est pour personne particulière membre d’une famille, d’une communauté, d’une nation ou encore d’un peuple, nous sommes les détenteurs d’une histoire, fils et filles d’une révolution particulière nous sommes des citoyens d’une république.<ref> Youngmevittaya, W. (2019). A Critical Reflection on Michael J. Sandel: Rethinking Communitarianism. Journal of Social Sciences Naresuan University, 15(1), 15_83-116. Retrieved from https://so04.tci-thaijo.org/index.php/jssnu/article/view/201349</ref> Toute théorie de la justice ou du bien et de la morale qui ne partirait pas pour lui de ce constat que nous sommes enracinés quelque part, ne peut aboutir qu’à des choses fausses, pas très intéressantes, ou encore, pour lui, pire encore, dangereuses parce qu’il remet en question le tissu connectif d’une société.


Il n’y a pas d’individu sans une communauté qui le porte. Dans l’ouvrage de Sandel, il y a une petite tension entre deux moments dans le chapitre où il définit ce qu’est la communauté et les relations entre individus et communauté, il évoque deux thèses notamment celle que l’individu est complètement enchâssé dans sa communauté (1) qui reviendrait à dire que l’individu n’a plus de distance avec sa communauté ; il révise partiellement et il parle d’une thèse de l’enchâssement partiel (2), l’individu est en partie enchâssée dans sa communauté, donc cela veut dire, par les fins de cette communauté, il est prédéfini en partie par les valeurs de la communauté. Cette prédéfinition n’est pas totale parce que nous ne serions plus des agents moraux. Sandel dit que nous ne pouvons pas nous démarquer par une simple décision de rationalité de cette tradition, de cette histoire et de ces valeurs. Pour lui, la critique est possible, mais cette critique devra se faire par le biais des catégories, par un langage particulier par rapport à des catégories particulières ayant un sens particulier. Il est possible de partager et de se comprendre parce qu’on partage ce socle commun. Si on ne partage pas le langage dans le cas d’espèce, il faudrait trouver une autre manière, mais certainement on ne pourrait pas se dire les mêmes choses.
Il n’y a pas d’individu sans une communauté qui le porte. Dans l’ouvrage de Sandel, il y a une petite tension entre deux moments dans le chapitre où il définit ce qu’est la communauté et les relations entre individus et communauté, il évoque deux thèses notamment celle que l’individu est complètement enchâssé dans sa communauté (1) qui reviendrait à dire que l’individu n’a plus de distance avec sa communauté ; il révise partiellement et il parle d’une thèse de l’enchâssement partiel (2), l’individu est en partie enchâssée dans sa communauté, donc cela veut dire, par les fins de cette communauté, il est prédéfini en partie par les valeurs de la communauté. Cette prédéfinition n’est pas totale parce que nous ne serions plus des agents moraux. Sandel dit que nous ne pouvons pas nous démarquer par une simple décision de rationalité de cette tradition, de cette histoire et de ces valeurs. Pour lui, la critique est possible, mais cette critique devra se faire par le biais des catégories, par un langage particulier par rapport à des catégories particulières ayant un sens particulier. Il est possible de partager et de se comprendre parce qu’on partage ce socle commun. Si on ne partage pas le langage dans le cas d’espèce, il faudrait trouver une autre manière, mais certainement on ne pourrait pas se dire les mêmes choses.


Pour Sandel, la thèse de la constitution partielle veut dire que notre possibilité de développer quelque chose ici vient du fait que nous sommes constitués partiellement de la même manière, à savoir que nous avons une maitrise suffisante de notre langue pour faire en sorte que nous puissions faire groupe, mais qui ne veut pas dire que nous pensons tous la même chose et que nous allons nécessairement faire la même chose.<ref>Pettit, Philip. “Reworking Sandel's Republicanism.” The Journal of Philosophy, vol. 95, no. 2, 1998, pp. 73–96. JSTOR, https://www.jstor.org/stable/2564572.</ref><ref>Fleming, James E. "The incredible shrinking constitutional theory: From the partial constitution to the minimal constitution." Fordham L. Rev. 75 (2006): 2885.</ref><ref>Sunstein, Cass R. The partial Constitution. Cambridge, Massachusetts: Harvard University Press, 1993. Print.</ref><ref> Sandel, Michael J. [https://books.google.fr/books?id=_KdrTfTxqvgC&printsec=frontcover&dq=Democracy%27s+discontent+:+America+in+search+of+a+public+philosophy.&hl=en&sa=X&ved=0ahUKEwjOyI6o-fHnAhWOA2MBHXyvDFwQ6AEIKTAA#v=onepage&q=Democracy's%20discontent%20%3A%20America%20in%20search%20of%20a%20public%20philosophy.&f=false Democracy's discontent : America in search of a public philosophy]. Cambridge, Mass: Belknap Press of Harvard University Press, 1998. Print</ref> Les communautariens sont souvent accusés et en partie responsables avec Sandel de défendre la thèse du soi complètement enchâssé.  
Pour Sandel, la thèse de la constitution partielle veut dire que notre possibilité de développer quelque chose ici vient du fait que nous sommes constitués partiellement de la même manière, à savoir que nous avons une maitrise suffisante de notre langue pour faire en sorte que nous puissions faire groupe, mais qui ne veut pas dire que nous pensons tous la même chose et que nous allons nécessairement faire la même chose. Les communautariens sont souvent accusés et en partie responsables avec Sandel de défendre la thèse du soi complètement enchâssé.  


Sandel, contrairement à Taylor, a une critique plus spécifique sur ce qu’il accuse d’être devenu une république procédurale.<ref>Farrelly, C. (1999). Does Rawls Support the Procedural Republic? A Critical Response to Sandel’s Democracy’s Discontent. Politics, 19(1), 29–35. https://doi.org/10.1111/1467-9256.00083</ref><ref>Sandel, M. J. (1984). The Procedural Republic and the Unencumbered Self. Political Theory, 12(1), 81–96. https://doi.org/10.1177/0090591784012001005</ref> Le terme « république » a un sens aux États-Unis. Lorsqu’on parle du républicanisme, il y a le républicanisme au sens du modèle politique du modèle républicain français qui est une construction historique qui a une certaine conception philosophique. Il y a un républicanisme qui vient d’une tradition rousseauiste plutôt créée en France et il y a le républicanisme anglo-saxon qui vient des fédéralistes d’une reprise des Grecs nourrissant toute une compréhension de la république dont font preuve les Américains. C’est pour cette raison que Sandel utilise le terme républicanisme, il se définirait davantage comme un républicain plutôt qu’un communautarien, et il dit que la conception de la justice de Rawls basée sur un individu interchangeable, rationnel et atomique, au fond, implique que la thèse de la neutralité institutionnelle ou des procédures justes a priorité sur le bien commun. Cela veut dire donc, que pour Rawls, la communauté n’est qu’instrumentale. Pour Sandel, les libéraux sont incapables de penser à une théorie de la communauté autre qu’instrumentale pour vivre bien, pour se faire plaisir, pour développer un marché ou autre. Cela est déduit ou pas d’une certaine conception de la liberté privée ou pas. Pour Sandel, ils sont incapables de penser « positivement » à ce que devrait être et est une communauté. Ceci remet en question la politique du bien commun.
Sandel, contrairement à Taylor, a une critique plus spécifique sur ce qu’il accuse d’être devenu une république procédurale. Le terme « république » a un sens aux États-Unis. Lorsqu’on parle du républicanisme, il y a le républicanisme au sens du modèle politique du modèle républicain français qui est une construction historique qui a une certaine conception philosophique. Il y a un républicanisme qui vient d’une tradition rousseauiste plutôt créée en France et il y a le républicanisme anglo-saxon qui vient des fédéralistes d’une reprise des Grecs nourrissant toute une compréhension de la république dont font preuve les Américains. C’est pour cette raison que Sandel utilise le terme républicanisme, il se définirait davantage comme un républicain plutôt qu’un communautarien, et il dit que la conception de la justice de Rawls basée sur un individu interchangeable, rationnel et atomique, au fond, implique que la thèse de la neutralité institutionnelle ou des procédures justes a priorité sur le bien commun. Cela veut dire donc, que pour Rawls, la communauté n’est qu’instrumentale. Pour Sandel, les libéraux sont incapables de penser à une théorie de la communauté autre qu’instrumentale pour vivre bien, pour se faire plaisir, pour développer un marché ou autre. Cela est déduit ou pas d’une certaine conception de la liberté privée ou pas. Pour Sandel, ils sont incapables de penser « positivement » à ce que devrait être et est une communauté. Ceci remet en question la politique du bien commun.


Ceci va de pair avec tout un tas de choses. Cet instrumentalisme de notre attachement à la sphère politique et à la communauté aboutit à un désengagement, à l’apathie politique, à des formes d’égoïsmes, aboutit quelque part pour eux à l’incapacité de penser le collectif. C’est une métaphore que devrait remettre en question l’allégeance d’une forme de citoyenneté des individus égoïstes ce qui remettrait en question notre confiance en les institutions par exemple et ce qui aboutit à une remise en question de la démocratie, pourquoi doit-on voter, accepter les injonctions de l’État ou encore pourquoi doit-on croire en la justice.  
Ceci va de pair avec tout un tas de choses. Cet instrumentalisme de notre attachement à la sphère politique et à la communauté aboutit à un désengagement, à l’apathie politique, à des formes d’égoïsmes, aboutit quelque part pour eux à l’incapacité de penser le collectif. C’est une métaphore que devrait remettre en question l’allégeance d’une forme de citoyenneté des individus égoïstes ce qui remettrait en question notre confiance en les institutions par exemple et ce qui aboutit à une remise en question de la démocratie, pourquoi doit-on voter, accepter les injonctions de l’État ou encore pourquoi doit-on croire en la justice.  


Cette idée libérale se retrouve dans ce que Sandel dit. Les libéraux s’arrêtent à dire qu’il est nécessaire que tout le monde ait la possibilité de choisir sa conception du bien. Pour Sandel et ses pairs, ceci n’est pas suffisant parce qu’il y a un moment où cela ne suffit pas de choisir, il faudrait encore se prononcer sur la qualité intrinsèque des fins et des biens que l’on choisit. C’est là que la proposition communautarienne consiste au fait de donner la supériorité à certains biens au détriment d’autres ce qui veut dire avoir une politique du bien commun et aller à l’encontre d’une manière très radicale de l’hypothèse de la neutralité de l’État.<ref>Aronovitch, H. (2000). From Communitarianism to Republicanism: On Sandel and His Critics. Canadian Journal of Philosophy, 30(4), 621–647. https://doi.org/10.1080/00455091.2000.10717547</ref><ref>Farrelly, C. (1999). Public Reason, Neutrality and Civic Virtues. Ratio Juris, 12(1), 11–25. https://doi.org/10.1111/1467-9337.00105</ref> Pour Sandel, si nous voulons que la société civile et que la société politique soit autre chose qu’un ensemble de procédures froides, fines et fondées pour faire en sorte que les individus rationnels se coordonnent et que l’on souhaite qu’il y ait une plus grande identité politique afin de soutenir l’identité, la solidarité et le bien commun, alors, il est nécessaire que l’on se prononce et que l’on décide de défendre une certaine catégorie de fins. Pas toutes sont à la hauteur de ces objectifs. C’est un peu la critique qu’ils ont. Pour Sandel, la théorie de la neutralité de l’État est fausse et ne tient pas la route parce que les États ne peuvent pas être neutres.<ref>Galston, William A. "[https://search.proquest.com/openview/bfdf7b752b60c2e2bc45cefecc5a6e77/1.pdf?pq-origsite=gscholar&cbl=41153 The Limits of Neutrality]." Commonweal 136.18 (2009): 29.</ref> La thèse de la neutralité n’est pas seulement suboptimale moralement, mais elle est aussi empiriquement fausse pour la semble et bonne raison que l’État tranche, l’État fait des choix. Il n’y a pas de théorie des obligations, tout, selon Sandel est mis sur la notion de droit.  
Cette idée libérale se retrouve dans ce que Sandel dit. Les libéraux s’arrêtent à dire qu’il est nécessaire que tout le monde ait la possibilité de choisir sa conception du bien. Pour Sandel et ses pairs, ceci n’est pas suffisant parce qu’il y a un moment où cela ne suffit pas de choisir, il faudrait encore se prononcer sur la qualité intrinsèque des fins et des biens que l’on choisit. C’est là que la proposition communautarienne consiste au fait de donner la supériorité à certains biens au détriment d’autres ce qui veut dire avoir une politique du bien commun et aller à l’encontre d’une manière très radicale de l’hypothèse de la neutralité de l’État. Pour Sandel, si nous voulons que la société civile et que la société politique soit autre chose qu’un ensemble de procédures froides, fines et fondées pour faire en sorte que les individus rationnels se coordonnent et que l’on souhaite qu’il y ait une plus grande identité politique afin de soutenir l’identité, la solidarité et le bien commun, alors, il est nécessaire que l’on se prononce et que l’on décide de défendre une certaine catégorie de fins. Pas toutes sont à la hauteur de ces objectifs. C’est un peu la critique qu’ils ont. Pour Sandel, la théorie de la neutralité de l’État est fausse et ne tient pas la route parce que les États ne peuvent pas être neutres. La thèse de la neutralité n’est pas seulement suboptimale moralement, mais elle est aussi empiriquement fausse pour la semble et bonne raison que l’État tranche, l’État fait des choix. Il n’y a pas de théorie des obligations, tout, selon Sandel est mis sur la notion de droit.  


Si on prend Rawls sérieusement, nous n’avons que peu de droits. Nous avons le droit de bénéficier des plus grandes libertés possibles, d’être aidé par le deuxième principe de justice, être embauché sans discrimination sur les positions. Lui et d’autres comme Etzioni s’interrogent sur comment penser les obligations. Si tout le monde a des droits, est-il possible de faire en sorte de garder ensemble cette société politique de manière suffisante, à ce que ces droits-là soient garantis. Le langage des droits, le fait que nous thématisons systématiquement le langage des droits, les droits sont devenus la ressource principale de tout débat politique. Pour Sandel, la centralité des droits est précisément le signe du fait que nous avons perdu en obligations et en connexions sociales. Avec des obligations partagées, nous aurions moins besoin de droits. Si on partait de l’idée qu’il y a des conceptions du bien auxquelles il faut donner allégeance pour de bonnes raisons, à ce moment, on arrêterait de demander le droit d’aller à l’encontre de ceci.<ref>John Tomasi, "Individual Rights and Community Virtues," Ethics 101, no. 3 (Apr., 1991): 521-536.  https://doi.org/10.1086/293315</ref><ref>West, Robin. "[https://heinonline.org/HOL/LandingPage?handle=hein.journals/flr69&div=68&id=&page= Rights, Capabilities, and the Good Society]." Fordham L. Rev. 69 (2000): 1901.</ref> Donc, pour Sandel, ce qui pour les libéraux est une forme de progrès et de libération par la garantie de droits qui nous permettent de rendre notre sphère quelque part un minimum inviolable face aux envies de la majorité, pour eux, c’est le symptôme d’un problème parce qu’ils se disent que cette centralité des droits précisément, ce qui nous montre que ces droits sont en train de transformer la société ou encore la république en une espère d’addition d’égos, chacun voulant être protégé dans sa liberté, mais va remettre en question ce qui fonde la possibilité d’être libre et de faire des choix. Il ne faut pas oublier que la communauté, pour les communautariens, est ce qui donne les options et nous ne pouvons pas être libres sans options.  
Si on prend Rawls sérieusement, nous n’avons que peu de droits. Nous avons le droit de bénéficier des plus grandes libertés possibles, d’être aidé par le deuxième principe de justice, être embauché sans discrimination sur les positions. Lui et d’autres comme Etzioni s’interrogent sur comment penser les obligations. Si tout le monde a des droits, est-il possible de faire en sorte de garder ensemble cette société politique de manière suffisante, à ce que ces droits-là soient garantis. Le langage des droits, le fait que nous thématisons systématiquement le langage des droits, les droits sont devenus la ressource principale de tout débat politique. Pour Sandel, la centralité des droits est précisément le signe du fait que nous avons perdu en obligations et en connexions sociales. Avec des obligations partagées, nous aurions moins besoin de droits. Si on partait de l’idée qu’il y a des conceptions du bien auxquelles il faut donner allégeance pour de bonnes raisons, à ce moment, on arrêterait de demander le droit d’aller à l’encontre de ceci. Donc, pour Sandel, ce qui pour les libéraux est une forme de progrès et de libération par la garantie de droits qui nous permettent de rendre notre sphère quelque part un minimum inviolable face aux envies de la majorité, pour eux, c’est le symptôme d’un problème parce qu’ils se disent que cette centralité des droits précisément, ce qui nous montre que ces droits sont en train de transformer la société ou encore la république en une espère d’addition d’égos, chacun voulant être protégé dans sa liberté, mais va remettre en question ce qui fonde la possibilité d’être libre et de faire des choix. Il ne faut pas oublier que la communauté, pour les communautariens, est ce qui donne les options et nous ne pouvons pas être libres sans options.  


Dans l’article ''Citizenship in a communitarian perspective'' publié en 2011, Etzioni postule que : {{citation|A neo-communitarian concept of citizenship views citizens as both right-bearing individuals and as persons who must assume responsibilities toward each other and toward the community at large. These communitarians draw a distinction between state and society (or community) and view the nation as a community invested in a state. Hence for the neo-communitarian, a citizen has responsibilities not merely toward the political entity (e.g. obeying the state’s laws), but also toward the national community (e.g. supporting its core of shared values). Citizenship tests that are suitable from a neo-communitarian perspective must encompass normative commitments and not merely knowledge. They should test not just knowledge of one’s rights, but also a readiness to assume responsibilities}}.<ref>Etzioni, A. (2011). Citizenship in a communitarian perspective. Ethnicities, 11(3), 336–349. https://doi.org/10.1177/1468796811407850</ref> Dans cette citation, Etzioni décrit la position néocommunautarienne qui serait la position « moderne ». Il est possible de comparer cette position avec la position autoritaire que lui-même récuse. Ainsi, dans cette citation, il y a une situation où tous les droits sont subordonnés à l’exigence d’harmonie sociale. Dans cette citation, {{citation|Authoritarian communitarians view citizenship as being an integral part of the whole. They hold that to maintain social harmony, individual rights and political liberties must be curtailed. Some seek to rely heavily on the state to maintain social order (for instance, leaders and champions of the regimes in Singapore and Malaysia), and some on strong social bonds and moral culture (a position widely held in Japan)}}, il s’agit de partager des valeurs communes qui sont compatibles avec une conception nationaliste civique.
Dans l’article « 'Citizenship in a communitarian perspective » publié en 2011, Etzioni postule que : {{citation|A neo-communitarian concept of citizenship views citizens as both right-bearing individuals and as persons who must assume responsibilities toward each other and toward the community at large. These communitarians draw a distinction between state and society (or community) and view the nation as a community invested in a state. Hence for the neo-communitarian, a citizen has responsibilities not merely toward the political entity (e.g. obeying the state’s laws), but also toward the national community (e.g. supporting its core of shared values). Citizenship tests that are suitable from a neo-communitarian perspective must encompass normative commitments and not merely knowledge. They should test not just knowledge of one’s rights, but also a readiness to assume responsibilities}}. Dans cette citation, Etzioni décrit la position néocommunautarienne qui serait la position « moderne ». Il est possible de comparer cette position avec la position autoritaire que lui-même récuse. Ainsi, dans cette citation, il y a une situation où tous les droits sont subordonnés à l’exigence d’harmonie sociale. Dans cette citation, {{citation|Authoritarian communitarians view citizenship as being an integral part of the whole. They hold that to maintain social harmony, individual rights and political liberties must be curtailed. Some seek to rely heavily on the state to maintain social order (for instance, leaders and champions of the regimes in Singapore and Malaysia), and some on strong social bonds and moral culture (a position widely held in Japan)}}, il s’agit de partager des valeurs communes qui sont compatibles avec une conception nationaliste civique.


== Michael Walzer : L’égalité complexe (Sphères de justice. Une défense du pluralisme et de l’égalité, [1983] 1997) ==
== Michael Walzer : L’égalité complexe (Sphères de justice. Une défense du pluralisme et de l’égalité, [1983] 1997) ==


[[Fichier:MichaelWalzer-USNA-Lecture.jpg|thumb|200px|Michael Walzer.<ref>“Michael Walzer.” Institute for Advanced Study, https://www.ias.edu/scholars/walzer.</ref><ref>[https://www.sss.ias.edu/sites/sss.ias.edu/files/pdfs/Walzer/Walzer%20CV%2C%20Apr%202019.pdf Michael Walzer's CV on the website of the Institute for Advanced Study] (as of April 2019)</ref>]]
[[Fichier:MichaelWalzer-USNA-Lecture.jpg|thumb|200px|Michael Walzer.]]


L’intérêt de [https://fr.wikipedia.org/wiki/Michael_Walzer Walzer] est de proposer ce qui pourrait être une théorie communautarienne de la justice distributive. Il est peut-être moins intéressé aux questions d’atomisme ou d’ontologie du soi. Walzer, en 1983 publie ''[https://en.wikipedia.org/wiki/Spheres_of_Justice Sphères de justice. Une défense du pluralisme et de l’égalité]'' qui attaque aussi la théorie de la justice de Rawls à partir aussi d’une posture métaéthique particulière.<ref>Walzer, Michael. Spheres of justice : a defense of pluralism and equality. New York: Basic Books, 1983. Print.</ref><ref>Cohen, Joshua. "[https://dspace.mit.edu/bitstream/handle/1721.1/5448/J-Philosophy-1986.pdf?sequence=1 Review of" Spheres of Justice: A Defense of Pluralism and Equality]" by Michael Walzer." (1986).</ref><ref>William A. Galston, "Spheres of Justice: A Defense of Pluralism and Equality. Michael Walzer ," Ethics 94, no. 2 (Jan., 1984): 329-333.  https://doi.org/10.1086/292540</ref><ref>Cohen, J., & Walzer, M. (1986). Spheres of Justice: A Defense of Pluralism and Equality. The Journal of Philosophy, 83(8), 457. https://doi.org/10.2307/2026330</ref><ref>Kahn, R. (1984). Spheres of Justice: A Defense of Pluralism and Equality. By Michael Walzer. (New York: Basic Books, Inc., 1983. Pp. xviii + 345. $19.95.). American Political Science Review, 78(1), 289–290. https://doi.org/10.2307/1961356</ref> Ce que Walzer propose est une vision qu’il qualifie d’interprétationniste ou d’herméneutique. Pour Walzer, les biens qu’une théorie de la justice vise à distribuer sont des biens qui sont déjà le produit de significations sociales qui découlent de cette communauté-là. Pour Walzer, l’idée de distribuer des biens qui seraient définis comme ayant une caractéristique générale, universelle donc valable dans tout contexte culturel, ne permet pas de saisir les spécificités d’interprétation et de sens que ces différents biens-là ont dans une société particulière.  
L’intérêt de Walzer est de proposer ce qui pourrait être une théorie communautarienne de la justice distributive. Il est peut-être moins intéressé aux questions d’atomisme ou d’ontologie du soi. Walzer, en 1983 publie « Sphères de justice ». Une défense du pluralisme et de l’égalité qui attaque aussi la théorie de la justice de Rawls à partir aussi d’une posture métaéthique particulière. Ce que Walzer propose est une vision qu’il qualifie d’interprétationniste ou d’herméneutique. Pour Walzer, les biens qu’une théorie de la justice vise à distribuer sont des biens qui sont déjà le produit de significations sociales qui découlent de cette communauté-là. Pour Walzer, l’idée de distribuer des biens qui seraient définis comme ayant une caractéristique générale, universelle donc valable dans tout contexte culturel, ne permet pas de saisir les spécificités d’interprétation et de sens que ces différents biens-là ont dans une société particulière.  


C’est pour cette raison qu’il propose une conception pluraliste de la justice qui est une conception qui ne vise pas, un peu comme Rawls, à définir une sorte de construction théorique de ce qu’est le juste et d’essayer de la transposer dans les différents contextes parce qu’elle est censée avoir une validité en soi, mais d’imaginer comment peut-on penser la justice, la distribution de certains biens, mais en les interprétants dans le cadre de références symboliques de la communauté.<ref>Trappenburg, M. (2000). In Defence of Pure Pluralism: Two Readings of Walzer’s Spheres of Justice. Journal of Political Philosophy, 8(3), 343–362. https://doi.org/10.1111/1467-9760.00106</ref> L’une des avancées que le livre de Walzer a permis d’introduire dans ce débat est d’avoir une position antiréaliste au sens que moralement parlant, il n’est pas possible de définir de manière abstraite des principes moraux, il n’est pas possible de définir le juste de manière générale comme s’il y avait une réalité morale, pour lui, notre conception morale est le produit d’une interprétation, est le produit d’une critique sociale qui vient de notre caractère particulier. Pour Walzer, cela ne sert à rien de parler de république parce que ce que la république signifie, ce qu’elle rend possible comme idée n’a rien à voir aux États-Unis ou en France. Cela ne sert à rien d’évaluer une réalité comme étant ou non républicaine tant qu’on n’a pas compris par une critique interne, une interprétation du sens de cette catégorie, ce que république veut dire dans un contexte particulier. Le même raisonnement vaut pour les biens à distribuer. Ce que Rawls définit comme étant les biens sociaux premiers, cela ne fait pas de sens d’imaginer des clefs de répartition tant que nous n’avons pas une idée précise de ce que ces biens signifient dans des contextes particuliers. Il renverse un peu la logique. Il va voir dans la réalité les théories idéales plutôt rawlsienne de découvrir les principes et d’essayer d’aller dans la réalité pour les appliquer. Walzer inverse la chose, il dit qu’il faut comprendre le sens moral et ensuite déduire des critères de distribution qui font sens, mais dans le système et dans le contexte dans lequel cette distribution se ferra et non pas dans tout contexte général. La manière dont se font les choses en un lieu est le produit d’interprétations de ces choses.  
C’est pour cette raison qu’il propose une conception pluraliste de la justice qui est une conception qui ne vise pas, un peu comme Rawls, à définir une sorte de construction théorique de ce qu’est le juste et d’essayer de la transposer dans les différents contextes parce qu’elle est censée avoir une validité en soi, mais d’imaginer comment peut-on penser la justice, la distribution de certains biens, mais en les interprétants dans le cadre de références symboliques de la communauté. L’une des avancées que le livre de Walzer a permis d’introduire dans ce débat est d’avoir une position antiréaliste au sens que moralement parlant, il n’est pas possible de définir de manière abstraite des principes moraux, il n’est pas possible de définir le juste de manière générale comme s’il y avait une réalité morale, pour lui, notre conception morale est le produit d’une interprétation, est le produit d’une critique sociale qui vient de notre caractère particulier. Pour Walzer, cela ne sert à rien de parler de république parce que ce que la république signifie, ce qu’elle rend possible comme idée n’a rien à voir aux États-Unis ou en France. Cela ne sert à rien d’évaluer une réalité comme étant ou non républicaine tant qu’on n’a pas compris par une critique interne, une interprétation du sens de cette catégorie, ce que république veut dire dans un contexte particulier. Le même raisonnement vaut pour les biens à distribuer. Ce que Rawls définit comme étant les biens sociaux premiers, cela ne fait pas de sens d’imaginer des clefs de répartition tant que nous n’avons pas une idée précise de ce que ces biens signifient dans des contextes particuliers. Il renverse un peu la logique. Il va voir dans la réalité les théories idéales plutôt rawlsienne de découvrir les principes et d’essayer d’aller dans la réalité pour les appliquer. Walzer inverse la chose, il dit qu’il faut comprendre le sens moral et ensuite déduire des critères de distribution qui font sens, mais dans le système et dans le contexte dans lequel cette distribution se ferra et non pas dans tout contexte général. La manière dont se font les choses en un lieu est le produit d’interprétations de ces choses.  


Le point de départ, un peu anthropologique, de Walzer est de dire que les biens que l’on distribue sont créés. Si on part de l’idée, comme le disait John Rawls, qu’il faut distribuer les bases du respect social, cela est très bien, mais les bases de ce respect social sont construites par des individus et le produit de sens dans un contexte particulier. Pour lui, il est déjà très important de comprendre de manière herméneutique, par une interprétation, de comprendre un tout petit peu le sens interne, la signification morale et politique de ce bien-là.<ref>Warnke, Georgia. "[https://books.google.fr/books?id=8lzBCHUOnfkC&lpg=PA136&ots=gGdWeMRxlI&dq=Walzer%2C%20Rawls%2C%20and%20Gadamer%3A%20Hermeneutics%20and%20Political%20Theory&pg=PA136#v=onepage&q=Walzer,%20Rawls,%20and%20Gadamer:%20Hermeneutics%20and%20Political%20Theory&f=false Walzer, Rawls, and Gadamer: Hermeneutics and Political Theory]." Festivals of Interpretation (1990): 136-160.</ref><ref>Marcelo, G. (2012). Making Sense of the Social: Hermeneutics and Social Philosophy. Études Ricoeuriennes / Ricoeur Studies, 3(1), 67–85. https://doi.org/10.5195/errs.2012.131</ref> C’est une critique radicale du modèle universaliste de justice. Ce qui est important est la prise en considération des critères contextuels, des situations spécifiques et c’est cela qui permet d’imaginer une justice distributive qui marche et qui soit équitable.<ref>Walzer, Michael. "Equality and civil society." Alternative conceptions of civil society (2002): 34-49.</ref> Ce n’est pas la référence à un critère de distribution hors de la communauté ou du contexte, mais c’est plutôt un critère de distribution qui est équitable par rapport à la définition que la communauté se donne de ce bien qui va rendre cette distribution acceptable et équitable aux yeux des gens qui la mettent en œuvre.<ref>Stassen, Glen. “Michael Walzer's Situated Justice.” The Journal of Religious Ethics, vol. 22, no. 2, 1994, pp. 375–399. JSTOR, https://www.jstor.org/stable/40015189.</ref>
Le point de départ, un peu anthropologique, de Walzer est de dire que les biens que l’on distribue sont créés. Si on part de l’idée, comme le disait John Rawls, qu’il faut distribuer les bases du respect social, cela est très bien, mais les bases de ce respect social sont construites par des individus et le produit de sens dans un contexte particulier. Pour lui, il est déjà très important de comprendre de manière herméneutique, par une interprétation, de comprendre un tout petit peu le sens interne, la signification morale et politique de ce bien-là. C’est une critique radicale du modèle universaliste de justice. Ce qui est important est la prise en considération des critères contextuels, des situations spécifiques et c’est cela qui permet d’imaginer une justice distributive qui marche et qui soit équitable. Ce n’est pas la référence à un critère de distribution hors de la communauté ou du contexte, mais c’est plutôt un critère de distribution qui est équitable par rapport à la définition que la communauté se donne de ce bien qui va rendre cette distribution acceptable et équitable aux yeux des gens qui la mettent en œuvre.  


Le problème est que, si, au fond, la communauté nous donne la possibilité de comprendre et on est obligé de faire sens de la signification des différents biens ou valeurs que nous voulons distribuer ou mettre en œuvre dans une société et la communauté et le cadre de définition de ces valeurs, évidemment, le problème est de savoir comment peut-on exercer une critique sociale, comment peut-on lutter face à des pratiques liberticides, comment peut-on lutter contre le mariage forcé ou le crime d’honneur si on ne peut pas sortir des valeurs et des représentations de cette communauté afin de montrer qu’elles sont fausses, injustes ou liberticides, ou bien qu’elles ne garantissent pas l’autonomie et la liberté. Walzer est tout à fait conscient qu’il doit répondre à cela parce que sinon on revient à une logique de reproduction des valeurs de la communauté de manière acritique et donc conservatrice. Pour Walzer, ce n’est pas nécessairement le cas parce que réfléchir en ces termes voudrait dire qu’il n’y a qu’une seule manière d’interpréter ces biens. Cela voudrait dire que même dans la société X, il n’y a qu’une manière de défendre, de définir ou de penser ce bien. Walzer dit que cela ne tient pas la route parce qu’il n’y a aucune société dans laquelle tout le monde est d’accord sur un point et même dans une communauté. Par contre, l’univers de référence peut être commun ou encore la relevance de certains arguments peut être commun.  
Le problème est que, si, au fond, la communauté nous donne la possibilité de comprendre et on est obligé de faire sens de la signification des différents biens ou valeurs que nous voulons distribuer ou mettre en œuvre dans une société et la communauté et le cadre de définition de ces valeurs, évidemment, le problème est de savoir comment peut-on exercer une critique sociale, comment peut-on lutter face à des pratiques liberticides, comment peut-on lutter contre le mariage forcé ou le crime d’honneur si on ne peut pas sortir des valeurs et des représentations de cette communauté afin de montrer qu’elles sont fausses, injustes ou liberticides, ou bien qu’elles ne garantissent pas l’autonomie et la liberté. Walzer est tout à fait conscient qu’il doit répondre à cela parce que sinon on revient à une logique de reproduction des valeurs de la communauté de manière acritique et donc conservatrice. Pour Walzer, ce n’est pas nécessairement le cas parce que réfléchir en ces termes voudrait dire qu’il n’y a qu’une seule manière d’interpréter ces biens. Cela voudrait dire que même dans la société X, il n’y a qu’une manière de défendre, de définir ou de penser ce bien. Walzer dit que cela ne tient pas la route parce qu’il n’y a aucune société dans laquelle tout le monde est d’accord sur un point et même dans une communauté. Par contre, l’univers de référence peut être commun ou encore la relevance de certains arguments peut être commun.  


Même la position de la communauté A qui donne ou qui recours à des saisonniers pour la force de travail, on pourrait se dire que sans un critère extérieur pour cette situation, sans une norme morale universelle, on ne peut pas critiquer le fait que ce statut n’est pas à la hauteur, qu’il discrimine, qu’il n’intègre pas politique ou autre. Pour Walzer, il est possible de faire politiquement ce travail parce que le pays qui a permis ou qui a introduit ce statut est un pays qui a une constitution et est un pays qui a une certaine conception de la citoyenneté. Walzer dit qu’il n’y a rien dans la culture morale et politique de ce pays qui fait en sorte que le saisonnier doit être considéré nécessairement comme un non-citoyen. Le fait de donner le droit de vote et d’intégrer les saisonniers n’est pas le produit de se mettre à la hauteur d’une norme externe kantienne. Pour Walzer, si ce pays veut prendre au sérieux sa morale publique, il ne peut pas traiter les gens comme cela. L’univers de référence n’est pas la morale, mais les valeurs du pays en tant que tel. Les individus ne peuvent pas être traités n’importe comment dans un pays qui a une constitution et qui vise à défendre l’égalité et la liberté. Il y a un moment où il faut régler cette dissonance cognitive ou alors il faut accepter que ce traitement est raciste et déshumanisant. Dans ce cas, cela sera aux défenseurs de cette politique de montrer que dans leur culture morale et politique, il est possible de justifier le racisme et le caractère déshumanisant. Pour Walzer, il n’y arriveront pas, ils le feront, mais pas par rapport aux valeurs de la communauté, mais par des sophismes ou des positions fausses.<ref>Doppelt, Gerald. “Walzer's Theory of Morality in International Relations.” Philosophy & Public Affairs, vol. 8, no. 1, 1978, pp. 3–26. JSTOR, https://www.jstor.org/stable/2264877.</ref> C’est le travail du politicien ou du philosophe de montrer qu’elles sont fausses.  
Même la position de la communauté A qui donne ou qui recours à des saisonniers pour la force de travail, on pourrait se dire que sans un critère extérieur pour cette situation, sans une norme morale universelle, on ne peut pas critiquer le fait que ce statut n’est pas à la hauteur, qu’il discrimine, qu’il n’intègre pas politique ou autre. Pour Walzer, il est possible de faire politiquement ce travail parce que le pays qui a permis ou qui a introduit ce statut est un pays qui a une constitution et est un pays qui a une certaine conception de la citoyenneté. Walzer dit qu’il n’y a rien dans la culture morale et politique de ce pays qui fait en sorte que le saisonnier doit être considéré nécessairement comme un non-citoyen. Le fait de donner le droit de vote et d’intégrer les saisonniers n’est pas le produit de se mettre à la hauteur d’une norme externe kantienne. Pour Walzer, si ce pays veut prendre au sérieux sa morale publique, il ne peut pas traiter les gens comme cela. L’univers de référence n’est pas la morale, mais les valeurs du pays en tant que tel. Les individus ne peuvent pas être traités n’importe comment dans un pays qui a une constitution et qui vise à défendre l’égalité et la liberté. Il y a un moment où il faut régler cette dissonance cognitive ou alors il faut accepter que ce traitement est raciste et déshumanisant. Dans ce cas, cela sera aux défenseurs de cette politique de montrer que dans leur culture morale et politique, il est possible de justifier le racisme et le caractère déshumanisant. Pour Walzer, il n’y arriveront pas, ils le feront, mais pas par rapport aux valeurs de la communauté, mais par des sophismes ou des positions fausses. C’est le travail du politicien ou du philosophe de montrer qu’elles sont fausses.  


Walzer permet de penser quelque chose comme la critique interne. Le modèle d’intégration est-il faux ou juste parce qu’il n’est pas à la hauteur des deux principes de John Rawls ou d’une théorie de l’autonomie de Kant, ou est-ce qu’il est injuste parce qu’il est suboptimal par rapport à ce que notre culture politique nous permettrait d’imaginer. Par exemple, si on utilise la concertation, si on utilise des processus de décisions très larges en Suisse, que l’on trouve des compromis, si cela est fait pour les cantons, les cultures linguistiques, quelle est la raison qui empêche de le faire pour d’autres minorités ? C’est un exemple de critique interne.  
Walzer permet de penser quelque chose comme la critique interne. Le modèle d’intégration est-il faux ou juste parce qu’il n’est pas à la hauteur des deux principes de John Rawls ou d’une théorie de l’autonomie de Kant, ou est-ce qu’il est injuste parce qu’il est suboptimal par rapport à ce que notre culture politique nous permettrait d’imaginer. Par exemple, si on utilise la concertation, si on utilise des processus de décisions très larges en Suisse, que l’on trouve des compromis, si cela est fait pour les cantons, les cultures linguistiques, quelle est la raison qui empêche de le faire pour d’autres minorités ? C’est un exemple de critique interne.  


Pour Rawls et les libéraux, quel que soit le type de bien en question, si nous interdisons par exemple le port du voile au nom de l’argument que ceci va à l’encontre de la conception du bien qui ne nous plait pas, cet argument n’est pas tenable. Pour Walzer, si après cette discussion, il s’avère que pour les personnes membres de la communauté, le port du voile est un problème, alors on l’interdit. Le fait d’entrer dans la communauté ouvre aussi la porte à la remise en question des principes universels. Elle peut amener à des pratiques qui ne sont pas dans les communautés voisines à la hauteur de ce que nous considérons être un traitement égalitaire par exemple.<ref>Emily R. Gill, "Walzer's Complex Equality: Constraints & the Right to Be Wrong," Polity 20, no. 1 (Autumn 1987): 32-56.  https://doi.org/10.2307/3234936</ref> Il se peut qu’au nom d’une communauté que le voile n’a pas à être porté parce qu’il n’est pas à la hauteur ou parce qu’il n’est pas compatible ou cohérent avec l’interprétation première que cette communauté se donne de l’accord autour de cette signification.  
Pour Rawls et les libéraux, quel que soit le type de bien en question, si nous interdisons par exemple le port du voile au nom de l’argument que ceci va à l’encontre de la conception du bien qui ne nous plait pas, cet argument n’est pas tenable. Pour Walzer, si après cette discussion, il s’avère que pour les personnes membres de la communauté, le port du voile est un problème, alors on l’interdit. Le fait d’entrer dans la communauté ouvre aussi la porte à la remise en question des principes universels. Elle peut amener à des pratiques qui ne sont pas dans les communautés voisines à la hauteur de ce que nous considérons être un traitement égalitaire par exemple. Il se peut qu’au nom d’une communauté que le voile n’a pas à être porté parce qu’il n’est pas à la hauteur ou parce qu’il n’est pas compatible ou cohérent avec l’interprétation première que cette communauté se donne de l’accord autour de cette signification.  


Walzer mentionne le pain comme argument de redistribution. Dans ce cas, il est clair que lorsqu’on est à l’Église le dimanche, le pain a une signification différente de lorsqu’on dit que les populations du Sud ont besoin de pain. Il montre par cet exemple la polysémie des biens, il n’y a pas d’interprétations univoques. Ces interprétations seront différentes. Walzer propose la théorie qu’il existe des sphères de justice.<ref>HARTOGH, G. D. (1999). The Architectonic of Michael Walzer’s Theory of Justice. Political Theory, 27(4), 491–522. https://doi.org/10.1177/0090591799027004004</ref> Pour lui, la signification du bien et les modalités de distribution vont dépendre de la sphère dans laquelle ce bien est inséré. Pour lui, le libéralisme est l’art de la séparation. L’une des caractéristiques du libéralisme a été de séparer des sphères afin de permettre la liberté et la gestion du pluralisme. La sphère de la justice et séparée de la sphère de l’exécutif et la sphère de l’économie et partagée de la sphère culturelle, religieuse ou autre. Avec la théorie des systèmes de Luhmann, il y a une intuition qui est assez similaire à celle-ci. Dans ces sphères de signification, les biens peuvent acquérir une signification différente et donc donner lieu à des formes de redistribution qui sont différentes.  
Walzer mentionne le pain comme argument de redistribution. Dans ce cas, il est clair que lorsqu’on est à l’Église le dimanche, le pain a une signification différente de lorsqu’on dit que les populations du Sud ont besoin de pain. Il montre par cet exemple la polysémie des biens, il n’y a pas d’interprétations univoques. Ces interprétations seront différentes. Walzer propose la théorie qu’il existe des sphères de justice. Pour lui, la signification du bien et les modalités de distribution vont dépendre de la sphère dans laquelle ce bien est inséré. Pour lui, le libéralisme est l’art de la séparation. L’une des caractéristiques du libéralisme a été de séparer des sphères afin de permettre la liberté et la gestion du pluralisme. La sphère de la justice et séparée de la sphère de l’exécutif et la sphère de l’économie et partagée de la sphère culturelle, religieuse ou autre. Avec la théorie des systèmes de Luhmann, il y a une intuition qui est assez similaire à celle-ci. Dans ces sphères de signification, les biens peuvent acquérir une signification différente et donc donner lieu à des formes de redistribution qui sont différentes.  


Walzer propose une liste des biens que sont l’appartenance, la sécurité et le bien-être (social), l’argent et les marchandises, les charges et emplois, les travaux pénibles [Hard work], le temps libre, l’éducation, les liens de parenté et d’amour, la grâce divine, la reconnaissance et le pouvoir politique.<ref>Fishkin, James S. “Defending Equality: A View from the Cave.” Michigan Law Review, vol. 82, no. 4, 1984, pp. 755–760. JSTOR, https://www.jstor.org/stable/1288671</ref><ref>Mullenix, Linda S. “The Limits of ‘Complex Equality.’” Harvard Law Review, vol. 97, no. 7, 1984, pp. 1801–1811. JSTOR, https://www.jstor.org/stable/1340984.</ref> Son intuition est que des biens sociaux différents doivent être distribués pour une raison différente, il y a des procédures de distribution qui peuvent être différentes en fonction du bien, les agents peuvent être différents, car si c’est la grâce divine qui peut être considérée comme un bien principal important pour la haute représentation des individus, ce n’est pas l’État qui va distribuer ce bien, ce sont les églises. La manière par laquelle la sphère autour du bien de la grâce divine va donner mandat à des agents de distribuer ce bien pourra se faire par rapport à des critères de redistribution qui sont différents de critères de distribution d’autres sphères. Si par exemple, le but est de distribuer le bien social « éducation », une société part de l’idée qu’il est important pour différentes raisons que l’éducation soit un bien social premier important et donc il est nécessaire d’imaginer certaines formes d’accès à l’éducation et de distribuer les possibilités d’avoir accès à l’éducation. Selon Walzer, il est possible d’aller voir dans l’histoire comment se concept s’est forgé et est devenu un bien à distribuer. Si on va dans la culture ou l’histoire de ce pays, on pourrait imaginer assez facilement qu’on devra défendre un accès équitable à l’éducation. On pourrait par exemple imaginer qu’il n’y a pas de raisons d’exclure les filles de l’éducation. Donc, on va imaginer un critère de distribution qui soit équitable au sens de général, tout le monde doit avoir une chance d’avoir une éducation qui est donc un critère de distribution équitable. Imaginons, qu’il y ait un agent qui s’occupe de la grâce divine. Si on est universaliste, on pourrait très bien imaginer que les biens vont être distribués en fonction du même critère qui est l’équité. Walzer se demande si cela fait sens de distribuer la grâce divine équitablement, car on peut vivre sans grâce divine, la grâce divine a un sens que nous sommes libres de refuser, mais si on l’accepte a un sens en soi. Si on garantit un accès égalitaire à l’éducation, est-ce que ceci nous oblige à garantir l’accès égalitaire au sacerdoce, est-ce que ceci nous oblige à avoir des quotas de représentation entre hommes et femmes ? Pour Walzer, cela n’a aucun sens parce que réfléchir en ces termes reviendrait à remettre en question le sens du bien de la grâce divine. La même chose serait par rapport au pouvoir politique. Il serait possible d’imaginer que le fait qu’on distribue le pouvoir politique d’une certaine manière à un certain niveau ne veut pas dire que tous les niveaux doivent être distribués de la même manière pour la simple et bonne raison que les significations sont différentes. C’est pour cela que Walzer a une conception pluraliste parce qu’il a une pluralité de critères de distribution qui vont dépendre des sphères de signification donc de ce qu’il appelle les significations partagées qui sont à la base de nos critères de distribution. D’utiliser les mêmes critères de distribution dans toutes les sphères ne fait aucun sens.  
Walzer propose une liste des biens que sont l’appartenance, la sécurité et le bien-être (social), l’argent et les marchandises, les charges et emplois, les travaux pénibles [Hard work], le temps libre, l’éducation, les liens de parenté et d’amour, la grâce divine, la reconnaissance et le pouvoir politique. Son intuition est que des biens sociaux différents doivent être distribués pour une raison différente, il y a des procédures de distribution qui peuvent être différentes en fonction du bien, les agents peuvent être différents, car si c’est la grâce divine qui peut être considérée comme un bien principal important pour la haute représentation des individus, ce n’est pas l’État qui va distribuer ce bien, ce sont les églises. La manière par laquelle la sphère autour du bien de la grâce divine va donner mandat à des agents de distribuer ce bien pourra se faire par rapport à des critères de redistribution qui sont différents de critères de distribution d’autres sphères. Si par exemple, le but est de distribuer le bien social « éducation », une société part de l’idée qu’il est important pour différentes raisons que l’éducation soit un bien social premier important et donc il est nécessaire d’imaginer certaines formes d’accès à l’éducation et de distribuer les possibilités d’avoir accès à l’éducation. Selon Walzer, il est possible d’aller voir dans l’histoire comment se concept s’est forgé et est devenu un bien à distribuer. Si on va dans la culture ou l’histoire de ce pays, on pourrait imaginer assez facilement qu’on devra défendre un accès équitable à l’éducation. On pourrait par exemple imaginer qu’il n’y a pas de raisons d’exclure les filles de l’éducation. Donc, on va imaginer un critère de distribution qui soit équitable au sens de général, tout le monde doit avoir une chance d’avoir une éducation qui est donc un critère de distribution équitable. Imaginons, qu’il y ait un agent qui s’occupe de la grâce divine. Si on est universaliste, on pourrait très bien imaginer que les biens vont être distribués en fonction du même critère qui est l’équité. Walzer se demande si cela fait sens de distribuer la grâce divine équitablement, car on peut vivre sans grâce divine, la grâce divine a un sens que nous sommes libres de refuser, mais si on l’accepte a un sens en soi. Si on garantit un accès égalitaire à l’éducation, est-ce que ceci nous oblige à garantir l’accès égalitaire au sacerdoce, est-ce que ceci nous oblige à avoir des quotas de représentation entre hommes et femmes ? Pour Walzer, cela n’a aucun sens parce que réfléchir en ces termes reviendrait à remettre en question le sens du bien de la grâce divine. La même chose serait par rapport au pouvoir politique. Il serait possible d’imaginer que le fait qu’on distribue le pouvoir politique d’une certaine manière à un certain niveau ne veut pas dire que tous les niveaux doivent être distribués de la même manière pour la simple et bonne raison que les significations sont différentes. C’est pour cela que Walzer a une conception pluraliste parce qu’il a une pluralité de critères de distribution qui vont dépendre des sphères de signification donc de ce qu’il appelle les significations partagées qui sont à la base de nos critères de distribution. D’utiliser les mêmes critères de distribution dans toutes les sphères ne fait aucun sens.  


Pour Walzer, le premier critère qu’une communauté a est de définir qui est membre et qui ne l’est pas. Le bien fondamental qu’une communauté a est d’admettre et de décider qui il veut comme membre. Mais une fois qu’ils ont décidé, il faut traiter les gens d’une manière équitable donc il n’y a pas de citoyen de deuxième catégorie et l’immigré doit devenir citoyen. Cet argument selon lequel le droit principal d’une communauté politique est de définir sa frontière et de définir qui sont les membres s’entend beaucoup.
Pour Walzer, le premier critère qu’une communauté a est de définir qui est membre et qui ne l’est pas. Le bien fondamental qu’une communauté a est d’admettre et de décider qui il veut comme membre. Mais une fois qu’ils ont décidé, il faut traiter les gens d’une manière équitable donc il n’y a pas de citoyen de deuxième catégorie et l’immigré doit devenir citoyen. Cet argument selon lequel le droit principal d’une communauté politique est de définir sa frontière et de définir qui sont les membres s’entend beaucoup.
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Pour Walzer, ce qui est important pour la justice est d’éviter qu’il y ait un bien qui domine sur tous. Si on part de l’idée que l’éducation se justifie en vertu d’un certain idéal de ce qu’est la société, si on part de l’idée que la grâce divine se justifie par rapport à une certaine relation au sacré, si on part de l’idée que la santé se justifie parce qu’un certain rapport à la santé est nécessaire pour qu’une société se représente et que ses individus vivent bien, si chacun de ces biens doit se distribuer de manière cohérente avec l’interprétation de ces valeurs, pour Walzer, l’injustice commence lorsqu’il y a une sphère qui devient monopolistique à l’égard des autres sphères. La tyrannie d’un bien, de l’argent ou d’une politique sur les différentes sphères viole et dénature le sens de cette distribution et du bien en tant que tel. Pour lui, c’est cela qui pose un problème et c’est le danger qu’il voit avec un critère de distribution unique. Une distribution unique à la Rawls serait une forme d’égalité simple, il y a un critère de répartition, on le distribue à tous et on a une forme d’égalité. Pour Walzer, cela est une égalité simple, Rawls, pour lui, tient d’une égalité simple, à savoir qu’un critère équivaut à une distribution.  
Pour Walzer, ce qui est important pour la justice est d’éviter qu’il y ait un bien qui domine sur tous. Si on part de l’idée que l’éducation se justifie en vertu d’un certain idéal de ce qu’est la société, si on part de l’idée que la grâce divine se justifie par rapport à une certaine relation au sacré, si on part de l’idée que la santé se justifie parce qu’un certain rapport à la santé est nécessaire pour qu’une société se représente et que ses individus vivent bien, si chacun de ces biens doit se distribuer de manière cohérente avec l’interprétation de ces valeurs, pour Walzer, l’injustice commence lorsqu’il y a une sphère qui devient monopolistique à l’égard des autres sphères. La tyrannie d’un bien, de l’argent ou d’une politique sur les différentes sphères viole et dénature le sens de cette distribution et du bien en tant que tel. Pour lui, c’est cela qui pose un problème et c’est le danger qu’il voit avec un critère de distribution unique. Une distribution unique à la Rawls serait une forme d’égalité simple, il y a un critère de répartition, on le distribue à tous et on a une forme d’égalité. Pour Walzer, cela est une égalité simple, Rawls, pour lui, tient d’une égalité simple, à savoir qu’un critère équivaut à une distribution.  


Ce qu’il propose est une égalité complexe qui est une égalité où on est égaux de par notre navigation entre différentes sphères.<ref>Walzer, Michael. "[https://www.taylorfrancis.com/books/e/9781315257563/chapters/10.4324/9781315257563-9 Complex equality]." Distributive Justice. Routledge, 2017. 267-294.</ref><ref>Orend, B. (2001). Walzer’s General Theory of Justice. Social Theory and Practice, 27(2), 207–229. https://doi.org/10.5840/soctheorpract200127210</ref><ref>Emily R. Gill, "Walzer's Complex Equality: Constraints & the Right to Be Wrong," Polity 20, no. 1 (Autumn 1987): 32-56.  https://doi.org/10.2307/3234936</ref><ref>Armstrong, C. (2002). Complex equality: Beyond equality and difference. Feminist Theory, 3(1), 67–82. https://doi.org/10.1177/1460012002003001066</ref><ref>Mullenix, Linda S. “The Limits of ‘Complex Equality.’” Harvard Law Review, vol. 97, no. 7, 1984, pp. 1801–1811. JSTOR, https://www.jstor.org/stable/1340984.</ref><ref>Hooghe, Marc. "[https://limo.libis.be/primo-explore/fulldisplay?docid=LIRIAS1860401&context=L&vid=Lirias&search_scope=Lirias&tab=default_tab&lang=en_US&fromSitemap=1 The Notion of Complex Equality and the Beauty of Alcibiades]." Ethical Perspectives 6.3 (1999): 211-14.</ref> Il se peut que nous soyons traités de manière différente dans la sphère de l’éducation, dans la sphère de la grâce divine ou dans la sphère politique, mais cela n’est pas grave, car c’est une égalité complexe, une égalité qui est à la hauteur de la signification. Par contre, si nous sommes dans une société où systématiquement, quelle que soit la sphère, nous sommes toujours prétérité, alors dans ce cas il y a un problème. L’égalité pour Walzer n’est pas que tout le monde soit traité de la même manière, c’est que tout le monde, conformément aux critères de redistribution, s’accorde à considérer comme étant juste parce que conforme à la signification qui nous parait juste. Pour Walzer, l’égalité complexe ne veut pas dire que tout le monde est traité de la même manière et que malgré des possibilités de distribution par rapport à certains biens qui peut être différente, si la distribution est justifiée par la reconstruction morale du bien en tant que tel dans une communauté particulière, ces inégalités sont justifiables aux vues d’une égalité complexe, à savoir d’avoir droit à la distribution telle qu’elle est prévue dans les différentes sphères et pas avoir le droit à quelqu’un qui est la même chose pour tout le monde extérieur à la représentation que se donne la communauté.
Ce qu’il propose est une égalité complexe qui est une égalité où on est égaux de par notre navigation entre différentes sphères. Il se peut que nous soyons traités de manière différente dans la sphère de l’éducation, dans la sphère de la grâce divine ou dans la sphère politique, mais cela n’est pas grave, car c’est une égalité complexe, une égalité qui est à la hauteur de la signification. Par contre, si nous sommes dans une société où systématiquement, quelle que soit la sphère, nous sommes toujours prétérité, alors dans ce cas il y a un problème. L’égalité pour Walzer n’est pas que tout le monde soit traité de la même manière, c’est que tout le monde, conformément aux critères de redistribution, s’accorde à considérer comme étant juste parce que conforme à la signification qui nous parait juste. Pour Walzer, l’égalité complexe ne veut pas dire que tout le monde est traité de la même manière et que malgré des possibilités de distribution par rapport à certains biens qui peut être différente, si la distribution est justifiée par la reconstruction morale du bien en tant que tel dans une communauté particulière, ces inégalités sont justifiables aux vues d’une égalité complexe, à savoir d’avoir droit à la distribution telle qu’elle est prévue dans les différentes sphères et pas avoir le droit à quelqu’un qui est la même chose pour tout le monde extérieur à la représentation que se donne la communauté.


Walzer précise que ce qui est important est que le caractère relatif de la distribution ne veut pas dire que toute forme de distribution est acceptable. Il faut qu’un bien social soit réparti de manière indépendante de sa signification et en plus, il ne faut pas qu’un bien particulier ne domine les différents critères de distribution. Si le bien « argent » venait à être prédominant dans les différentes sphères, on arriverait à des choses difficilement acceptables. Pour Walzer, il n’y a pas de raisons pour qu’une communauté réfléchisse en ces termes, en tout cas, il ne trouve pas de communauté de ce type. Par contre, il trouve des communautés qui définissent différemment leurs biens, ce qui veut dire qu’on ne peut pas comparer les critères de distribution de la société A, B, C et D sans prendre en considération ses spécificités symboliques. L’égalité complexe est un outil, qui lui permet paradoxalement de penser la non-domination.<ref>Stassen, Glen. "[https://books.google.fr/books?hl=en&lr=&id=CSnqfpp8VkoC&oi=fnd&pg=PA134&dq=walzer+complex+equality+domination&ots=V1TyDroxBz&sig=0-h8an09RpBVGTOjjLR1N0Hu4JQ#v=onepage&q=walzer%20complex%20equality%20domination&f=false Michael Walzer's situated justice]." The journal of religious ethics (1994): 375-399.</ref> Walzer dit que quelque part, sa conception de l’égalité, permet d’éviter qu’au nom d’une égalité simple qui pourrait être la conformité avec un principe rawlsien par exemple, des individus soient doués d’une distribution de quelque chose, mais qu’en réalité ne raisonne pas avec la signification que ce que la distribution pourrait vouloir dire dans ce contexte.  
Walzer précise que ce qui est important est que le caractère relatif de la distribution ne veut pas dire que toute forme de distribution est acceptable. Il faut qu’un bien social soit réparti de manière indépendante de sa signification et en plus, il ne faut pas qu’un bien particulier ne domine les différents critères de distribution. Si le bien « argent » venait à être prédominant dans les différentes sphères, on arriverait à des choses difficilement acceptables. Pour Walzer, il n’y a pas de raisons pour qu’une communauté réfléchisse en ces termes, en tout cas, il ne trouve pas de communauté de ce type. Par contre, il trouve des communautés qui définissent différemment leurs biens, ce qui veut dire qu’on ne peut pas comparer les critères de distribution de la société A, B, C et D sans prendre en considération ses spécificités symboliques. L’égalité complexe est un outil, qui lui permet paradoxalement de penser la non-domination. Walzer dit que quelque part, sa conception de l’égalité, permet d’éviter qu’au nom d’une égalité simple qui pourrait être la conformité avec un principe rawlsien par exemple, des individus soient doués d’une distribution de quelque chose, mais qu’en réalité ne raisonne pas avec la signification que ce que la distribution pourrait vouloir dire dans ce contexte.  


C’est une critique qui se rapproche un peu de celle de [[La théorie des capabilités d’Amartya Sen et Marta Nussbaum|Sen]] qui est que donner tous à des gens qui ont des besoins différents rate le coche. Ici, ce serait donner la même chose ou traiter de manière identique des sociétés ou des individus différents et en plus par rapport à des biens différents qui ajoutent en plus à la possibilité de domination d’un bien sur un autre. L’idée est de donner les grandes lignes qui tournent autour de ce concept qui est partagé par les grands auteurs communautariens qui est celui de signification partagée. Ces significations partagées viennent d’une tradition, d’une culture, d’un contexte. Pour eux, rien n’est possible sans une attention particulière donnée à cela. Il est possible d’imaginer que pour ces auteurs, la position originaire de Rawls, le voile d’ignorance n’est pas juste contrintuitif, mais rate une cible fondamentale : cela impute les individus de qui ils sont.  
C’est une critique qui se rapproche un peu de celle de Sen qui est que donner tous à des gens qui ont des besoins différents rate le coche. Ici, ce serait donner la même chose ou traiter de manière identique des sociétés ou des individus différents et en plus par rapport à des biens différents qui ajoutent en plus à la possibilité de domination d’un bien sur un autre. L’idée est de donner les grandes lignes qui tournent autour de ce concept qui est partagé par les grands auteurs communautariens qui est celui de signification partagée. Ces significations partagées viennent d’une tradition, d’une culture, d’un contexte. Pour eux, rien n’est possible sans une attention particulière donnée à cela. Il est possible d’imaginer que pour ces auteurs, la position originaire de Rawls, le voile d’ignorance n’est pas juste contrintuitif, mais rate une cible fondamentale : cela impute les individus de qui ils sont.  


Pour eux, la théorie de Rawls peut être fascinante en tant qu’exercice philosophique, mais elle ne repose sur rien parce qu’elle se trompe de débat et cadre mal, dans cette optique, pas seulement qui sont les individus, au niveau de la profondeur anthropologique, mais aussi leurs besoins et la manière dont un certain nombre de biens raisonnent ou pas par rapport à leur vie qui est leur vie d’une communauté donnée et pas leur vie telle qu’elle pourrait être dans un monde métaphysique ou transcendantal de Kant. Il y a d’autres représentations qui ne peuvent être perçues, selon eux, que par le recours à un travail fin de reconstruction des significations partagées en admettant que ces significations ne sont pas les mêmes partout. Certes, les pays démocratiques partagent un certain nombre de significations, il est possible de dire qu’ils partagent un certain nombre de compréhensions, mais si on ne fait pas sens des valeurs partagées, on n’arrive pas à comprendre pourquoi à constitutions et valeurs plus ou moins analogues, il y a un système qui peut prévoir la démocratie directe, d’autres pas, certains qui permettent la peine de mort et d’autres pas entre autres. Pour Walzer, s’il n’y avait pas une référence aux valeurs partagées, on ne comprendrait pas ces variations, on aurait même pire à le considérer comme étant des espèces de parasites dans la tâche de transposer la vraie démocratie ou la vraie morale dans un contexte particulier. Pour lui ce ne sont pas des parasites, mais des caractéristiques qui se justifient aux vues de la signification que les individus donnent à ces biens.  
Pour eux, la théorie de Rawls peut être fascinante en tant qu’exercice philosophique, mais elle ne repose sur rien parce qu’elle se trompe de débat et cadre mal, dans cette optique, pas seulement qui sont les individus, au niveau de la profondeur anthropologique, mais aussi leurs besoins et la manière dont un certain nombre de biens raisonnent ou pas par rapport à leur vie qui est leur vie d’une communauté donnée et pas leur vie telle qu’elle pourrait être dans un monde métaphysique ou transcendantal de Kant. Il y a d’autres représentations qui ne peuvent être perçues, selon eux, que par le recours à un travail fin de reconstruction des significations partagées en admettant que ces significations ne sont pas les mêmes partout. Certes, les pays démocratiques partagent un certain nombre de significations, il est possible de dire qu’ils partagent un certain nombre de compréhensions, mais si on ne fait pas sens des valeurs partagées, on n’arrive pas à comprendre pourquoi à constitutions et valeurs plus ou moins analogues, il y a un système qui peut prévoir la démocratie directe, d’autres pas, certains qui permettent la peine de mort et d’autres pas entre autres. Pour Walzer, s’il n’y avait pas une référence aux valeurs partagées, on ne comprendrait pas ces variations, on aurait même pire à le considérer comme étant des espèces de parasites dans la tâche de transposer la vraie démocratie ou la vraie morale dans un contexte particulier. Pour lui ce ne sont pas des parasites, mais des caractéristiques qui se justifient aux vues de la signification que les individus donnent à ces biens.  


Walzer a aussi une critique démocratique forte.<ref>Galston, W. A. (1989). Community, Democracy, Philosophy. Political Theory, 17(1), 119–130. https://doi.org/10.1177/0090591789017001009</ref> Il a rédigé des textes dans lesquels il affirme par exemple la priorité de la démocratie sur la politique et sur la philosophie.<ref>Walzer, Michael. "[https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/009059178100900307 Philosophy and democracy]." Political theory 9.3 (1981): 379-399.</ref><ref>Walzer, M. (2008). On Promoting Democracy. Ethics & International Affairs, 22(4), 351–355. https://doi.org/10.1111/j.1747-7093.2008.00170.x</ref><ref>Apperley, A. (2001). Philosophy, Democracy and Tyranny: Michael Walzer and Political Philosophy. The European Legacy, 6(1), 7–23. https://doi.org/10.1080/10848770124180</ref> Pour lui, ces sortes de modèles où ce sont des philosophes qui s’arrogent le droit d’expliquer ce qu’est la démocratie, comment devrait-elle fonctionner est une aporie. Selon Walzer, c’est démocratiquement que nous devons réussir à décider les valeurs partagées qui nous caractérisent. Cela ne veut pas dire ne pas les élargir, ni dire que ces valeurs partagées ne contiennent pas des formes d’universel, car il y a toute une dose d’universelle dans tout un nombre de cultures particulières, mais par contre, ce n’est pas aux philosophes de décider ce que nous voulons faire. C’est à nous de décider ce que nous voulons et ensuite nous devons le justifier pour qu’il devienne acceptable même dans d’autres formes culturelles.  
Walzer a aussi une critique démocratique forte. Il a rédigé des textes dans lesquels il affirme par exemple la priorité de la démocratie sur la politique et sur la philosophie. Pour lui, ces sortes de modèles où ce sont des philosophes qui s’arrogent le droit d’expliquer ce qu’est la démocratie, comment devrait-elle fonctionner est une aporie. Selon Walzer, c’est démocratiquement que nous devons réussir à décider les valeurs partagées qui nous caractérisent. Cela ne veut pas dire ne pas les élargir, ni dire que ces valeurs partagées ne contiennent pas des formes d’universel, car il y a toute une dose d’universelle dans tout un nombre de cultures particulières, mais par contre, ce n’est pas aux philosophes de décider ce que nous voulons faire. C’est à nous de décider ce que nous voulons et ensuite nous devons le justifier pour qu’il devienne acceptable même dans d’autres formes culturelles.  


Malgré ces réserves et ces éléments, il est clair qu’il reste un certain nombre de problèmes dans ce genre d’approche qu’il est possible d’imaginer comme le caractère excessivement conservateur aux vues de tout un tas de critères et de progrès moral. La question qui reste entière est de savoir si peut-on faire l’objet de critiques si on est enchâssé, si on est constitué par les valeurs d’une communauté. On retrouve les questions ethnocentriques. Une autre question est de savoir la marge de critique que nous avons si nous partons de l’idée que nos significations sont produites au détriment ou indépendamment de nous. Est-ce que ce manque d’universalisme, d’égalité complexe et de non-domination est quelque chose qui au fond n’a pas d’assise et de véritable portée. Une question suscitée est de savoir si Walzer, au fond, n’arrive pas à justifier l’injustifiable au nom des valeurs communes même si ces valeurs communes sont mauvaises pour tout un tas de raisons.  
Malgré ces réserves et ces éléments, il est clair qu’il reste un certain nombre de problèmes dans ce genre d’approche qu’il est possible d’imaginer comme le caractère excessivement conservateur aux vues de tout un tas de critères et de progrès moral. La question qui reste entière est de savoir si peut-on faire l’objet de critiques si on est enchâssé, si on est constitué par les valeurs d’une communauté. On retrouve les questions ethnocentriques. Une autre question est de savoir la marge de critique que nous avons si nous partons de l’idée que nos significations sont produites au détriment ou indépendamment de nous. Est-ce que ce manque d’universalisme, d’égalité complexe et de non-domination est quelque chose qui au fond n’a pas d’assise et de véritable portée. Une question suscitée est de savoir si Walzer, au fond, n’arrive pas à justifier l’injustifiable au nom des valeurs communes même si ces valeurs communes sont mauvaises pour tout un tas de raisons.  


Walzer, depuis les sphères de justice, a publié de nombreux ouvrages et notamment en 1994 ''Thick and Thin. Moral argument at Home and Abroad'', où il montre que son approche lui permet de penser une espèce de dénominateur commun de base qui pourrait être partagé par toute communauté sociale et politique même s’il diverge concernant les valeurs substantielles qu’il se donne.<ref>Walzer, Michael. [https://books.google.fr/books?hl=en&lr=&id=r18FDgAAQBAJ&oi=fnd&pg=PT6&dq=walzer+Thick+and+Thin.+Moral+argument+at+Home+and+Abroad&ots=mVfIRoaQGE&sig=4eD98qrVxWTpVochiTnqrs1rJ48#v=onepage&q=walzer%20Thick%20and%20Thin.%20Moral%20argument%20at%20Home%20and%20Abroad&f=false Thick and thin: Moral argument at home and abroad]. University of Notre Dame Press, 1994.</ref><ref>Chowcat, I. (1995). Thick and Thin: Moral Argument at Home and Abroad By Michael Walzer University of Notre Dame Press, U.S.A.., 1994, xi+108 pp., $16.95. Philosophy, 70(273), 472–475. https://doi.org/10.1017/s0031819100065682</ref><ref>Curtler, Hugh Mercer. "[https://search.proquest.com/openview/fd0d3a5f0ae0a6ede2b900022b9efb9a/1?pq-origsite=gscholar&cbl=1819501 Minimal Ethics Michael Walzer," Thick and Thin: Moral Argument at Home and Abroad"(Book Review)]." Modern Age 38.2 (1996): 175.</ref><ref>Rengger, N. J. (1995). Book Review: Michael Walzer, Thick and Thin; Moral Argument at Home and Abroad (Notre Dame, IN: University of Notre Dame Press, 1994, 105 pp., £15.50 hbk.). Millennium: Journal of International Studies, 24(3), 638–640. https://doi.org/10.1177/03058298950240030533</ref> Il a toute une réflexion sur ce sujet et a beaucoup travaillé sur la question de l’universalisme en prenant en question la parabole des juifs. En ce sens, il a produit toute une analyse en montrant que derrière le voyage de Moïse, il y avait une dimension très particulière qui relevait de cette histoire spécifique, mais que cette parabole particulière contient un universel qui s’est par la suite réitéré dans des pratiques jusqu’à maintenant. Pour Walzer, si on croit en des valeurs universelles, c’est parce qu’il y a eu des contextes culturels qui les ont produits, transposés et permis de nous convaincre qu’ils ne sont pas si mauvais. Walzer ne croit pas à un point de vue moral extérieur qui s’agirait de connaître afin que l’on devienne plus moral. Tout ce que nous avons au niveau moral vient de nous et de nos sociétés et de leur critique interne et de leur travail historique et social. Par ces arguments, il essaie de sortir de cette posture excessivement conservatrice. Selon les critères européens, Walzer serait un social-démocrate, mais philosophiquement, on pourrait imaginer qu’il est assez conservateur.
Walzer, depuis les sphères de justice, a publié de nombreux ouvrages et notamment en 1994 « 'Thick and Thin. Moral argument at Home and Abroad », où il montre que son approche lui permet de penser une espèce de dénominateur commun de base qui pourrait être partagé par toute communauté sociale et politique même s’il diverge concernant les valeurs substantielles qu’il se donne. Il a toute une réflexion sur ce sujet et a beaucoup travaillé sur la question de l’universalisme en prenant en question la parabole des juifs. En ce sens, il a produit toute une analyse en montrant que derrière le voyage de Moïse, il y avait une dimension très particulière qui relevait de cette histoire spécifique, mais que cette parabole particulière contient un universel qui s’est par la suite réitéré dans des pratiques jusqu’à maintenant. Pour Walzer, si on croit en des valeurs universelles, c’est parce qu’il y a eu des contextes culturels qui les ont produits, transposés et permis de nous convaincre qu’ils ne sont pas si mauvais. Walzer ne croit pas à un point de vue moral extérieur qui s’agirait de connaître afin que l’on devienne plus moral. Tout ce que nous avons au niveau moral vient de nous et de nos sociétés et de leur critique interne et de leur travail historique et social. Par ces arguments, il essaie de sortir de cette posture excessivement conservatrice. Selon les critères européens, Walzer serait un social-démocrate, mais philosophiquement, on pourrait imaginer qu’il est assez conservateur.


= L’importance théorique du débat entre libéraux et communautariens =
= L’importance théorique du débat entre libéraux et communautariens =
Le débat entre libéraux et communautariens est un débat important qui a quand même structuré des options de la théorie politique à partir des années 1980 et 1990. Aujourd’hui, ce débat s’est un peu estompé, à savoir que les maitres à penser de ce débat sont partis de l’idée que quelque part, d’un point de vue strictement philosophique et métaéthique, les choses sont posées, la querelle est plus ou moins réglée. Par contre, où le débat a acquis un nouveau souffle même s’il n’est pas nécessairement mentionné est par rapport à des analyses de théorie politique beaucoup plus impliquées. Avec le cas de la théorie du multiculturalisme, il est possible de voir comment ce débat se redéploie différemment avec plus ou moins de généalogie avec le débat entre libéraux et communautariens.


Le débat entre libéraux et communautariens est un débat important qui a quand même structuré des options de la théorie politique à partir des années 1980 et 1990.<ref>Walzer, M. (1990). The Communitarian Critique of Liberalism. Political Theory, 18(1), 6–23. https://doi.org/10.1177/0090591790018001002</ref><ref>Kymlicka, W. (1988). Liberalism and Communitarianism. Canadian Journal of Philosophy, 18(2), 181–203. https://doi.org/10.1080/00455091.1988.10717173</ref><ref>Caney, S. (1992). Liberalism and Communitarianism: A Misconceived Debate. Political Studies, 40(2), 273–289. https://doi.org/10.1111/j.1467-9248.1992.tb01384.x</ref><ref>Bell, Daniel. [https://philpapers.org/rec/BELCAI Communitarianism and its critics]. Oxford: Clarendon Press, 1993. Print.</ref> Aujourd’hui, ce débat s’est un peu estompé, à savoir que les maitres à penser de ce débat sont partis de l’idée que quelque part, d’un point de vue strictement philosophique et métaéthique, les choses sont posées, la querelle est plus ou moins réglée. Par contre, où le débat a acquis un nouveau souffle même s’il n’est pas nécessairement mentionné est par rapport à des analyses de théorie politique beaucoup plus impliquées. Avec le cas de la théorie du multiculturalisme, il est possible de voir comment ce débat se redéploie différemment avec plus ou moins de généalogie avec le débat entre libéraux et communautariens.
En tout cas, cette distinction, cette querelle, permet tout de même de proposer tout un regard assez différent sur tout un tas de catégories que l’on retrouve dans toute théorie politique contemporaine tel que les droits, le bien commun, la communauté politique, l’identité, l’intégration, l’obligation, la justice, la citoyenneté ou encore le multiculturalisme. Toutes ces catégories sont pensées de manière différente que l’on soit libéral ou communautarien. Jamais, en théorie politique, il y a une distinction binaire entre A et B. Rawls, du reste, dans « Le libéralisme politique » publié en 1993, a fait beaucoup de concessions aux communautariens parce qu’il avait dit que l’un des aspects de la morale publique qu’il défendait venait des intuitions démocratiques. Cela était une manière d’ancrer sa conception de la raison publique de la justice politique dans quelque chose qui est un produit historique contingent qu’est la démocratie. Pour certains, ceci a déjà était une concession excessive que Rawls aurait fait justement à la critique communautarienne. Beaucoup de rawlsiens universalistes se sont indignés avec tout un tas de querelles internes. Certains ont essayé de défendre Rawls contre lui-même et les dérives communautariennes. La polémique est encore ouverte, mais elle se fait plutôt sur des enjeux concrets tels que les enjeux de justice globale ou de multiculturalisme. Walzer a également beaucoup écrit sur la guerre juste. C’est au niveau de l’application à des thèmes spécifiques que le débat fait sens aujourd’hui et moins par rapport aux grandes envolées philosophiques tels que la nature de l’homme et son ontologie.
 
En tout cas, cette distinction, cette querelle, permet tout de même de proposer tout un regard assez différent sur tout un tas de catégories que l’on retrouve dans toute théorie politique contemporaine tel que les droits, le bien commun, la communauté politique, l’identité, l’intégration, l’obligation, la justice, la citoyenneté ou encore le multiculturalisme. Toutes ces catégories sont pensées de manière différente que l’on soit libéral ou communautarien. Jamais, en théorie politique, il y a une distinction binaire entre A et B. Rawls, du reste, dans ''Le libéralisme politique'' publié en 1993, a fait beaucoup de concessions aux communautariens parce qu’il avait dit que l’un des aspects de la morale publique qu’il défendait venait des intuitions démocratiques.<ref>Hittinger, Russell. “John Rawls, ‘Political Liberalism.’” The Review of Metaphysics, vol. 47, no. 3, 1994, pp. 585–602. JSTOR, https://www.jstor.org/stable/20129533.</ref><ref>Mulhall, S., Swift, A., & Rawls, J. (1994). Political Liberalism. The Philosophical Quarterly, 44(177), 542. https://doi.org/10.2307/2220257</ref><ref>Brooks, Thom, and Martha C. Nussbaum. [https://cup.columbia.edu/book/rawlss-political-liberalism/9780231149716 Rawls's political liberalism]. New York: Columbia University Press, 2015. Print.</ref> Cela était une manière d’ancrer sa conception de la raison publique de la justice politique dans quelque chose qui est un produit historique contingent qu’est la démocratie. Pour certains, ceci a déjà était une concession excessive que Rawls aurait fait justement à la critique communautarienne. Beaucoup de rawlsiens universalistes se sont indignés avec tout un tas de querelles internes. Certains ont essayé de défendre Rawls contre lui-même et les dérives communautariennes. La polémique est encore ouverte, mais elle se fait plutôt sur des enjeux concrets tels que les enjeux de justice globale ou de multiculturalisme. Walzer a également beaucoup écrit sur la guerre juste. C’est au niveau de l’application à des thèmes spécifiques que le débat fait sens aujourd’hui et moins par rapport aux grandes envolées philosophiques tels que la nature de l’homme et son ontologie.


= Un aspect crucial de l’apport des communautariens =
= Un aspect crucial de l’apport des communautariens =
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