La lacune de la loi

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Lacunes: notions et définitions

  • lacune proprement dite (lacune véritable ou authentique, lacune praeter legem): lacune non voulue par le législateur – vide contraire à l’économie de la loi – situation qui exige solution
  • silence qualifié : silence voulu par le législateur qui entendait exclure une possibilité
  • lacune improprement dite (défaut dela loi, "faute" du législateur) : résultat insatisfaisant du point devue du droit désirable (jugement de valeur porté sur la règle). C'est aulégislateur de corriger cette règle
  • lacune volontaire (lacune intralegem) : lacune voulue par le législateur qui charge le juge de compléter la loi dans les contours fixés

Lacune véritable, silence qualifié, lacune improprement dite: distinctions

Lacune véritable

Lacune véritable: "à défaut d’une disposition légale applicable ... " (art. 1 al. 2 CC).

Il n’y a lacune véritable que si le législateurn’a pas réglé la situation - tel n’est pas le cas s’il y a silence qualifié (ex.pas d’adoption conjointe des concubins)

Pour départager la lacune véritable du silencequalifié: il faut interpréter la loi (lettre, système, genèse, but...).

Résultat de l’interprétation peut êtreinsatisfaisant du point de vue de l’interprète = « lacune improprement dite ».Cependant, seul le législateur peut changer la loi.

Comblement deslacunes véritables par la coutume – art. 1 al. 2 CC Conditions:

  1. Usage durable
  2. Conviction de son caractère obligatoire (opinio necessitatis)

Comblement deslacunes véritables – par le juge (droit prétorien) – art. 1 al. 2 CC

Modus legislatoris:

  • constatation des intérêts en présence
  • pesée des intérêts
  • respect du principe d’insertion : il faut respecter le systèmejuridique

→ établissement d’une règle de droit

Points d’appui dansle droit positif  :

  • emprunts audroit en vigueur : application par analogie, solutions qui déjà existent
  • recours aux principes généraux : pas nécessairement codifié


Points d’appui àl’extérieur du droit positif:

  • histoire du droit
  • droitcomparé : quelle sont les solutions dans les pays voisins

Sources d’ "inspiration" (art. 1 al. 3CC): doctrine et jurisprudence

Comblement de la lacune véritable par un emprunt au droit en vigueur

A. Raisonnement par analogie : levier de l’argument : la similitude

  • Le raisonnement par analogie consiste à appliquer à une situation non régie par la loi une règle établie pour une situation différente mais avec laquelle la première présente une similitude.
  • Le levier de l’argument: la similitude
  • Le but et les valeurs poursuivis par la règle appliquée par analogie justifient son application au cas non réglé par la loi.
  • Voir aussi égalité de traitement des justiciables (art. 8 Cst.)

B. Emprunt au droit en vigueur: analogie généraleet principes généraux Exemple : résiliation d’un contrat de licence(contrat non réglé dans le CO) pour justes motifs?

C. Silence qualifié et raisonnement a contrario: exemples Art. 267 al. 2 CC Les liens de filiation antérieurs sont rompus,sauf à l’égard du conjoint de l’adoptant. Exception pas applicable au concubin(sous réserve de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme: enfantmajeur handicapé)

Art. 23 Cst. Vaud (en vigueur en 1957) "Sont citoyens actifs tous les Suisses âgésde vingt ans révolus, établis ou en séjour dans le canton depuis trois mois etn'exerçant pas leurs droits politiques dans quelque autre État de laConfédération."

Suisses = hommes. A contrario, pas de droit devote des femmes (arrêt Quinche; voir toutefois arrêt Rohner).

Lacune vs. silence qualifié et arguments de logique réductive

  • Procédé par analogie(a simili, a pari, per analogiam)

Application à une situation non régie par la loi d’une règle établie pour une situation différente mais avec laquelle la première présente une ressemblance essentielle.

  • Procédé a fortiori("qui peut le plus peut le moins" )

Par l’argument a fortiori le juge étend une solution légale ou jurisprudentielle donnée à un cas non prévu, parce que les raisons qui ont guidé le législateur se retrouvent avec encore plus de force dans le cas non prévu.

  • Raisonnement a contrario

Pour arriver à la conséquence juridique contraire de la règle examinée, il faut nier une condition nécessaire (ou nécessaire et suffisante) à la réalisation de cette conséquence juridique.


  • Raisonnement a contrario ↔ Raisonnements a simili et a fortiori:

doivent être départagés, cf. interprétation de la règle et importance du but et des valeurs poursuivis par la règle (ratio legis) Si nous arrivons à des résultats contradictoires on doit se baser sur l'interprétation de la loi.

Lacune improprement dite

En cas de lacune improprement dite: pas de"correction" par le juge sous réserve d’un abus de droit ou d’uneviolation de la Constitution (voir arrêt Rohner). On peut écarter la règle constitutionnelles'elle est contre le droit (ex : règle appenzell, contre le droit helvétique,droit de vote). C'est exceptionnelle qu'on ait une abus de droit.


Art. 2 CC– B. Etendue des droits civils – I.Devoirs généraux 1. Chacun est tenu d’exercer ses droits et d’exécuter ses obligationsselon les règles de la bonne foi. 2. L’abus manifeste d’un droit n’est pas protégé par la loi.

ABUS DE DROIT: · Un droit existe · L’abus doit être manifeste · Conséquence de l’art. 2 al. 2 CC: le droit n’est pas protégé · Art. 2 al. 2 CC: argument de dernier recours (subsidiarité) · Art. 2 al. 2 CC: quelques catégories

TROIS CATEGORIESD’ABUS DE DROIT: 1. absence d’intérêt à l’exercice d’un droit / exercice d’un droitcontrairement à sa finalité : seulement pour nuire 2. adoption d’un comportement contradictoire qui trompe les attentesd’autrui 3. exception de la position mal acquise

ex : Construction d’unmur de chicane : Art. 641 al. 1 CC :Le propriétaire d’une chose ale droit d’en disposer librement, dans les limites de la loi. (le propriétairepeut construire dans les limites de la loi)

Prescription de lacréance de l’assuré Art. 46 al. 1, 1ère phrase de la loi sur lecontrat d’assurance :Les créances qui dérivent du contrat d’assurance seprescrivent par deux ans à dater du fait d’où naît l’obligation.

Acquisition de la propriété du livré prêté : Possessionmal acquise, la propriété reste pour A A: prêteur; B: emprunteur; C: ignore =de bonne foi. B vend le livre à C; B rachète le livre à C; B = propriétaire?

        Art.3 CC – Bonne foi 

1. La bonne foi est présumée, lorsque la loi en fait dépendre lanaissance ou les effets d’un droit. 2. Nul ne peut invoquer sa bonne foi, si elle est incompatible avecl’attention que les circonstances permettaient d’exiger de lui.

        Art.2 al. 2 CC: exemples 

3. Acquisition de la propriété du livré prêté (suite) Bonne foi("Guter Glaube") = défaut du sentiment d’irrégularité juridique dansune situation déterminée à distinguer des règles de la bonne foi de l’art. 2CC.

        Art.714 al. 2 CC 

Celui qui, étant de bonne foi, est mis à titrede propriétaire en possession d’un meuble en acquiert la propriété, même sil’auteur du transfert n’avait pas qualité pour l’opérer; la propriété lui estacquise dès qu’il est protégé selon les règles de la possession.

Art. 933 CC L’acquéreur de bonne foi auquel une chosemobilière est transférée à titre de propriété ou d’autre droit réel par celuiauquel elle avait été confiée, doit être maintenu dans son acquisition, même sil’auteur du transfert n’avait pas l’autorisation de l’opérer.

Lacune volontaire et pouvoir d’appréciation du juge

Pouvoir d’appréciation du juge

Lorsqu'il y a une lacune volontaire, pour ne pas être arbitraire le juge applique les règles du droit (il prend en compte les lois écrites) et de l’équité (ce qui est juste), lorsque la loi réserve son pouvoir d’appréciation ou qu’elle le charge de prononcer en tenant compte soit des circonstances, soit de justes motifs.


But: décision juste pour le cas concret, interpréter au cas par cas

Méthode: pondérer les circonstances du cas particulier au vu des intérêts en présence (pesée); s’inspirer des principes/valeurs de l’ordre juridique. Pour garantir l'égalité de traitement et la sécurité juridique: la jurisprudence élabore des critères. Le juge doit alors tenir compte de ces critères et expliquer les critères qui l'on amener à cette solution.

Lacunes: conséquences (synthèse)

- La lacune proprement dite ou (lacune véritable ou authentique, lacune praeter legem ) : comblement de la lacune, le juge doit constater la lacune et se référer :

1. coutume

2. droit prétorien (notamment raisonnement a simili)


- Le silence qualifié : La loi règle la situation par son silence (notamment raisonnement a contrario) (dans l’exemple de l’adoption par le concubin, par le silence le juge a exclu la possibilité de traiter le concubin comme le conjoint). On se demande parfois s’il s’agit d’un oubli ou d’un silence qualifié ?


- La lacune improprement dite ou (défaut de la loi, "faute" du législateur) : « dura lex, sed lex », pas de "correction" par le juge sous réserve d’un abus de droit ou d’une violation de la Constitution (voir arrêt Rohner), la solution du juge n’est pas bonne donc on émet une critique, défaut de la loi qui entraine une modification.


La lacune volontaire : (lacune intra legem) pour certain ce n’est pas vraiment une « lacune », c’est une latitude conféré au juge c.-à-d. une marche de manœuvre pour interpréter la loi. On laisse un pouvoir d’appréciation du juge (art. 4 CC) ou on renvoi à l’usage local.