L’âge d’or du pacifisme

De Baripedia

Le pacifisme connaît son âge d’or dans les années précédant la Première Guerre mondiale : le mouvement prend alors toute son ampleur, s’organise à travers les frontières et génère toute une série d’idées concrètes et approfondies sur une organisation internationale pour la paix, idées qui seront matérialisées par l’établissement de la Société des Nations.


• On peut structurer ces développements autour de cinq tendances générales :

- Après l’échec du pacifisme de la première vague face à la Guerre de Crimée, le mouvement renaît de ses cendres à partir de la crise de Luxembourg de 1867 où une confrontation armée entre la France et la Prusse a été évitée par la médiation : cet évènement, acclamé par les pacifistes, a marqué l’émergence de la deuxième vague pacifiste. Ce nouvel essor sera secoué par la Guerre de 1870, mais en sortira plus consolidé grâce au ralliement d’un grand nombre de personnes outrées par la guerre et le fait que le conflit soit finalement réglé de façon pacifique.

- Avec cette renaissance pacifiste, la recherche sur la structuration de la paix internationale s’approfondit, notamment grâce à l’Institut de droit international qui s’instaure en 1873 à Gand, en Belgique.

- Une nouvelle tendance ingénieuse a été la parlementarisation du mouvement, à savoir une implication organisées de membres des gouvernements du monde en vue d’établir un dialogue constructif, l’entendement et le rapprochement international ainsi que la consolidation transnationale de la paix. Cette tendance s’est cristallisée par l’Union interparlementaire, fondée en 1889 par Frédéric Passy.

- S’en suit une institutionnalisation de la coopération transnationale pacifiste avec la création du Bureau international de la paix en 1891.

- En résulte une plus grande implication du mouvement dans la haute politique internationale et des répercussions réelles grâce aux « Congrès de la paix » à l’origine des Conventions de La Haye de 1899 et 1907.

• Il faut rappeler que tous ces développements de l’âge d’or du pacifisme ont lieu sur le fond de tendances diamétralement opposées, qui compromettent les efforts des pacifistes et sapent leurs progrès. En effet, la fin du long XIXème siècle est une époque de triomphe de l’impérialisme chauvin, de la subjugation coloniale, du militarisme belliqueux et de la rivalité acharnée entre les empires européens pour la domination du monde, qui entraînent l’humanité dans une escalade aux tensions. La haine xénophobe et la cruauté des crimes contre l’humanité du colonialisme sont alors éclipsés par la rhétorique du patriotisme et de la mission civilisatrice, qui dressent un mur infranchissable aux arguments impérieux des pacifistes et des progressistes.

5.1). Le pacifisme de deuxième vague :

• La deuxième vague pacifiste commence autour de 1867, avec notamment la fondation de la ligue internationale et permanente de la paix par Frédéric Passy, un juriste, économiste, homme d’Etat républicain, progressiste, libre-échangiste et pacifiste français : en tant que militant engagé pour la paix à l’origine de l’Union interparlementaire et du Bureau international de la Paix, Passy a été le co-récipient du premier Prix Nobel de la paix de 1901 avec Henry Dunant pour ses contributions à l’humanité et à la cause pacifiste. Passy avait repris les arguments réalistes de Richard Cobden, et a constamment milité pour l’abandon de la guerre en tant que moyen pour résoudre les différents par les Etats du monde non pas par des arguments moraux, mais d’utilité, des coûts extrêmes et des bénéfices médiocres de la guerre.


• Grâce à son engagement et à son discours impérieux, Frédéric Passy est devenu le leader et la voix du mouvement pacifiste à travers le monde. Il est accédé à ce rang après avoir gagné l’estime de tous les pacifistes lors de la crise du Luxembourg.

- La crise du Luxembourg s’était développée entre la France de Napoléon III et la Confédération de l’Allemagne du Nord dominée par la Prusse de Guillaume I dans leur confrontation pour le contrôle du Luxembourg, place d’arme stratégique de l’Europe occidentale. L’élément déclencheur de la crise a été la démarche osée de Napoléon III qui avait profité de la guerre imminente entre l’Autriche et la Prusse pour s’approprier des terres allemandes en misant sur la victoire de l’Autriche. Le calcul s’est avéré faux, alors que la Prusse qui a remporté la victoire après six semaines de combat, s’est tournée à l’ouest pour revendiquer le Luxembourg que Napoléon III visait à s’octroyer.

- La Confédération, dirigée par le Chancelier Otto von Bismarck, était prête à défendre son emprise sur le Luxembourg et sa garnison déployée dans la région depuis des décennies. Pour éviter une guerre ouverte entre avec l’Empire français, les deux Etats se sont convenus pour ouvrir une Conférence diplomatique multilatérale à Londres, mettant le sort du conflit entre les mains du Concert de l’Europe. Ce dernier est parvenu à résoudre le conflit en accordant la souveraineté et la neutralité du Luxembourg, soumise à la garantie des quatre grandes puissances : ainsi, la médiation avait parmis d’éviter une confrontation majeure, ou plutôt de la retarder, puisque les ressentiments qu’elle avait nourri des deux côtés du Rhin mèneront à la Guerre franco-prusse de 1870

- Dans le cadre de cette crise et de sa résolution, le rôle du pacifiste Frédéric Passy a été de lancer une initiative de courriers aux lecteurs du journal Le Temps où Passy s’était proclamé ardemment contre la revendication du Luxembourg par la France et revendiquait la résolution pacifique du conflit : cette démarche avait largement sensibilisé le public français et européen en apaisant les passions nationalistes et belliqueuses, alors que les Etats s’étaient avérés incapables ou réticents à le faire.

• Le succès de cette initiative et l’intérêt qu’elle a suscité a permis de rallier un grand nombre de nouveaux adeptes au mouvements ainsi que la création de la Ligue internationale et permanente de la paix. Celle-ci a été largement reconnue pour son esprit de tolérance, notamment de tolérance religieuse, puisque des membres de toutes les ethnies et de toutes les confessions de la région se retrouvaient dans un esprit de fraternité dans ses rangs. Néanmoins, la Ligue avait ses points faibles et ses sources de division, qui ont culminé à sa dissolution suite à la Guerre franco-prusse.

• La même année, Passy fonde une nouvelle organisation, cette fois strictement française et beaucoup plus ciblée et pragmatique que la précédente : la Société française pour l’arbitrage entre les nations, couplée dès 1872 par une nouvelle société idéologique, la Société française des amis de la paix. La lutte pour l’arbitrage entrait alors au centre d’intérêt.

• Une autre organisation pacifiste transnationale avait été créée en 1867 par l’initiative du philosophe français Charles Lemonnier et des membres suisses du mouvement pacifiste : la Ligue internationale pour la paix et la liberté, dirigée par l’idée de rallier les mouvement républicains et socialistes à la cause pacifiste. Celle-ci avait connu de grands succès au début, avec des congrès réguliers qui rassemblait des personnalités éminentes telles que le pacifiste romancier Victor Hugo, le socialiste français Louis Blanc, l’anarchiste russe Mikhaïl Bakounine, le publiciste socialiste russe Alexandre Herzen, mais aussi des libres échangistes britanniques tels que John S. Mill et John Bright et le révolutionnaire et général italien Giuseppe Garibaldi. - La Ligue avait développé dans ses Congrès un programme pour la solidarité de tous les peuples (bien que l’Europe en était le destinataire principal) ainsi que l’abolition des monarchies et l’établissement de républiques démocratiques se basant sur le principe de l’autodétermination des peuples, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, le désarmement progressif, avec l’abolition des armées permanentes, et finalement la création d’une confédération des Etats européens, comme dessiné par Victor Hugo lors de son discours d’inauguration au Congrès de la paix de Paris en 1849.

- Par la suite, plusieurs branches nationales de la Ligue sont apparues, dont le Workingmen’s peace association, fondée par le pacifiste britannique William Cremer, cofondateur de l’Union interparlementaire avec Passy. Néanmoins, la Ligue s’est rapidement fragmentée et s’est dissoute sous le poids de tensions croissantes entre républicains libéraux et socialistes radicaux et leurs contradictions idéologiques.

5.2). Approfondissement de la recherche de la paix :

• Avec la Guerre franco-prusse et les nouveaux ressentiments qu’elle génère, les idées grandioses de confédération européenne et de désarmement sont brisées. L’heure est alors aux programmes pragmatiques et réalistes axés autour du développement de la coopération et du droit internationaux. C’est alors que triomphe l’idée d’arbitrage comme moyen de prédilection pour la résolution de différends interétatiques, acclamé par les pacifistes qui dénoncent les nombreuses retombées néfastes de la Guerre de 1870 et promue grâce à la résolution salutaire du cas de l’Alabama par arbitrage :

- La cas de l’Alabama fait référence à un scandale qui a rapproché le Royaume-Uni et les Etats-Unis à la confrontation lors de la Guerre de Sécession, à cause de la vente aux Sudistes de matériel militaire, dont la Corvette de l’Alabama, par l’Empire britannique en violation de son statut d’Etat neutre au conflit. Pour éviter le jeu néfastes de représailles et la dégradation évidente des relations diplomatiques qui s’en suivrait, les parties ont décidé de convoquer une Court d’arbitrage à Genève qui en 1873 a condamné le Royaume-Uni à payer des indemnités aux Etats-Unis, jugement qui sera accepté et respecté par la Grande Bretagne, alors première superpuissance mondiale :

- Dès lors, l’idée que le droit international peut résoudre tous les conflits entre Etats de façon pacifique émerge et gagne les cœurs et les esprits de moult personnes, notamment du MP britannique Henry Richardson, qui prône l’arbitrage en tant que système permanent de résolution de conflits internationaux. La question concrète qui se pose alors est : le droit international peut-il remplacer et abolir la guerre ?

• En 1873, l’Association de droit international est fondée à Bruxelles en vue d’étudier, de clarifier et de développer le droit international – il s’agit d’une des ONG les plus éminentes en la matière qui a tenu des groupes d’étude, des comités, des revues régulières ainsi qu’une Conférence tous les deux ans jusqu’à aujourd’hui. Il s’agit de l’une des nombreuses manifestations d’un mouvement pour la paix internationale plus cohérant et plus approfondi.

• L’un des avant-coureur de ce mouvements fut Franz Lieber, un intellectuel américain d’origine allemande qui fut chargé par le Président Lincoln de rédiger le Code Lieber, un code de conduite détaillé et progressiste pour l’armée nordiste lors de la Guerre de Sécession, qui va d’ailleurs inspirer de nombreuses autres codifications humanitaires, notamment les Conventions de Genève. • Ayant réfléchi sur le droit de la guerre, en vue de l’amélioration du sort des blessés, des prisonniers et des civils, Lieber s’intéresse au droit à la guerre, afin d’empêcher l’éclatement de cette dernière. C’est ainsi qu’il appel un nombre d’autres juristes internationaux à une conférence pour fonder en 1873 l’Institut de droit international à Gand, en Belgique, pour se pencher sur la question.

- L’institut va approfondir et diffuser les connaissances du Ius ad bellum à travers les Etats du monde pour établir, définir et préciser les principes généraux du droit international, améliorer la formation des juristes et des diplomates ainsi que de faire intérioriser les principes de DIP à la société internationale, le tout en vue d’abolir la guerre et de la remplacer par le droit.

- En 1880 l’Institut sort le Manuel d’Oxford, un manuel de droit de la guerre qui servira de base pour les Conventions de La Haye et dont l’auteur principal et Gustave Moynier. Le manuel concrétisait, précisait et résumait les nombreuses résolutions et études qu’avait faites l’Institut dans le domaine.

- Pour ses contributions au mouvement pour la paix, l’Institut de droit international reçu en 1904 le Prix Nobel de la Paix.

5.3). Parlementarisation du mouvement :

• A partir des années 1870, tous les groupes pacifistes sont convaincus que l’arbitrage est la solution de prédilection pour pacifier les relations entre les Etats et éviter la guerre.

- L’un des pacifistes les plus éminents de l’époque, le syndicaliste britannique William Cremer, prend l’initiative et fonde la International Arbitration League en 1875. Peu après, il est élu au Parlement britannique où il promeut ses idées pacifistes : il oeuvrera notamment pour l’établissement d’un traité d’arbitrage général pour le règlement de litiges internationaux entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis, initiative qui n’aboutira malheureusement pas.

- En même temps, l’économiste pacifiste français Frédéric Passy retourne à la vie politique avec la fin de l’ancien régime en France et le début de la Troisième République, où il est élu député à l’Assemblée Nationale. Ici aussi, Passy s’engage pour faire de l’arbitrage l’outil obligatoire pour le règlement de différents internationaux, sans grand succès.

• Malgré l’obstination des militaristes, Cremer et Passy parviennent à rallier certains députés à leur cause et continuent à élargir leur base pacifistes à travers leurs associations respectives. Lors d’une rencontre à Paris, les deux hommes arrivent à l’idée ingénieuse de mettre sur pied une organisation internationale rassemblant les députés des Etats du monde qui ferait l’office d’un véritable forum d’échange, de coopération et de négociation multilatéraux entre les gouvernements du monde en vue d’avancer l’idée de l’arbitrage. Cette idée a s’est matérialisée en 1889 par la création de l’Union Interparlementaire. La première session session a eu lieu à Bern et a accueilli 96 délégués, issus essentiellement de la Grande Bretagne et de la France.


- L’UIP a été un véritable catalyseur pour le mouvement, qui s’est octroyé dès la première Conférence de 1889 d’une voix forte en faveur du règlement pacifique des conflits dans tous les gouvernements du monde. Les idées des délégués n’ont rien d’utopiste, mais sont tout à fait concrètes : il s’agit de promouvoir les traités d’arbitrage permanents et les clauses d’arbitrage dans tous les traités commerciaux, ainsi que d’œuvrer pour apaiser l’opinion publique et convaincre le peuple de se prononcer à travers eux pour infléchir la politique des Etats vers la paix.

- L’UIP continue d’exister aujourd’hui, son siège actuel est Genève au Petit-Saconnex, où les délégués de 194 Etats se rassemblent régulièrement. L’Union ne saura pas mettre fin à la pratique belligérante des Etats et ne saura pas prévenir les deux guerres mondiales, mais elle reste aujourd’hui encore un instrument crucial pour la promotion de la paix et l’amélioration de l’entente et du sort des peuples du monde.

5.4). Institutionnalisation de la coordination transnationale pacifiste :

• Cependant, les députés pacifistes de l’UIP demeuraient une infime minorité opposés à une pratique établie, lucrative et acclamée par les nationalistes : leur influence était trop limitée pour agir efficacement sur l’opinion publique. C’est alors qu’au troisième Congrès universel pour la Paix, qui a lieu à Rome, en 1891, par l’initiative d’un groupe de pacifistes Européens dirigés par le Danois Fredrik Bajer, fut créée le Bureau International (Permanent) de la Paix.

• Il s’agit de l’une des plus anciennes ONG transnationales pour l’abolition de la guerre. Le Bureau a été établi à Berne en tant qu’organe exécutif de l'union internationale des sociétés de paix « afin de coordonner les activités des différentes sociétés de paix et de promouvoir le concept de résolution pacifique des conflits internationaux » ; la quasi totalité des organisations de paix de l'époque y étaient affiliées, et présentaient une certaine homogénéité dans leur idéologie et leurs programmes : le mouvement pacifiste était alors plus consolidé que jamais.

- Parmi les actions présentées dans ces programmes figuraient majoritairement des procédures d'arbitrage, des traités de paix bilatéraux, la création d'une cour de justice internationale permanente et d'un certain nombre de corps juridictionnels interétatiques pour la coopération et la négociation entre les nations.

-Afin de répandre et de promouvoir ces idées, le Bureau organisa les congrès annuels de la paix, publia son agenda et mit en pratique ses décisions. Il créa également un moyen de communication entre les différents individus et associations œuvrant pour la paix, rassembla et publia leurs informations, le plus souvent grâce à sa Correspondance bimensuelle ou son Annuaire du mouvement pacifiste édité chaque année. En 1910, le BIP reçut le Prix Nobel de la paix pour ses contributions majeures au mouvement.

- Parallèlement avec l'union interparlementaire, avec laquelle il entretenait des liens étroits, le BIP influença tant les politiciens que le grand public dans le domaine de la recherche de la paix, contribuant à promouvoir ce qui prit finalement la forme de la Société des Nations.


• Au fur et à mesure, le mouvement des femmes pour la réforme sociale atteint le domaine de la lutte pour la paix, où les femmes deviennent de plus en plus présentes. La plus importante d’êntre elles est sans doute l’activiste et publiciste autrichienne Bertha von Suttner. Elle est devenue une figure éminente du pacifisme après la publication de son roman « Die Waffen nieder ! », ou Bas les armes, en 1889.

- Dans son roman, l’activiste radicale décrit les conséquences désastreuses de deux guerres sur le sort des familles en Allemagne, en se basant sur des faits réels et en mettant en garde la société civile contre l’industrie de l’armement qui, en bénéficiant de la croissance extrême grâce à la course aux armements, incite les Etats et les peuples d’Europe à une « guerre fratricide ».

- Son œuvre est une attaque morale et intellectuelle poignante contre la guerre en tant qu’institution. Plus encore, il s’agit d’un discours révélateur sur la nature incroyablement brutale de la guerre moderne : le danger d’une guerre totale qui déchirerait les sociétés européennes y est dévoilé.

- Von Suttner est une pacifiste radicale : dans ses écrits, elle s’oppose viscéralement à toute forme d’armement et de mobilisation militaire, y comprit celle des femmes dans la Croix Rouge. Elle justifie ce point de vue par un discours intelligent et pointu mettant en relation la disponibilité des conditions cadres matérielles, économiques, culturelles et politiques de la guerre et l’incitation, ou le danger que la guerre soit imposée par les Etats. Ainsi, la résiliation populaire face à la guerre comme réalité sociale, la mobilisation régulière des soldats et des infirmiers, la production militaire et la légalité même de la guerre contribuent à la rendre possible et donc inévitable. Ses arguments pertinents, profonds et révélateurs commanderont l’admiration de nombreuses grandes figures et rallieront une partie majeure de l’intelligentsia à sa cause.

- Parmi ces derniers, l’industrialiste et inventeur suédois Alfred Nobel, qui adhère à travers son influence au mouvement pacifiste et créée la Fondation Nobel, pour discerner d’un prix éminent toutes les personnes qui contribueront le plus pour l’avancement de la paix, du désarmement, de la fraternité et de l’entente internationale. La démarche de Nobel s’explique entre autres par la culpabilité que le Suédois a ressenti pour son invention de la dynamite et son inculpation dans l’industrie de l’armement : en rejoignant le mouvement, il appellera la bourgeoisie européenne à la responsabilité et s’engagera pour la cause pacifiste.

- Pour ses contributions majeures au mouvement pacifiste, et notamment son œuvre au sein du BIP et autres ONG pacifistes, Bertha von Suttner est devenue la première femme titulaire du Prix Nobel en 1905. Elle est décédé à Vienne à l’âge de 71 ans, la veille de l’ouverture de la Première Guerre mondiale.

• Parmi les autres pacifistes éminents de l’époque, l’Autrichien Alfred Fried, le publisciste le plus politique pour la paix. Editeur des périodiques « Bas les armes » et « Friedenswarte » et fondateur de nombreuses sociétés pacifistes en Europe, il est surtout connu pour avoir rédigé le manuel du pacifisme en 1905, où il argumente non seulement en faveur de la paix par arbitrage, mais aussi en faveur de le concept précurseur de sécurité collective, à savoir une consolidation militaire de toutes les nations afin de garantir la sécurité à chacun de ses membres. Pour son engagement en faveur de l’établissement de la Court Internationale d’Arbitrage à La Haye dans le cadre de la Convention de La Haye, il a reçu le Prix Nobel en 1911, qu’il a partagé avec son collègue Tobias Asser. 5.5). Répercussion et implication du mouvement dans la haute politique internationale :

• Les uns après les autres, des intellectuels et des hommes d’Etat du monde entier se rallieront à la cause des pacifistes, que ce soit par leurs discours, leurs manifestations, ou la littérature de ses guides. Cependant, la haute politique des Etats, dominée par rivalité impérialiste, la course aux armements et le mécanisme des blocs de l’Entente et de la Triplice restaient hors d’atteinte. Cependant, à l’aube du XXème siècle, les pacifistes vont rallier une personnalité si importante qu’elle va mettre un terme à la stagnation, et ouvrir tout un nouveau volet dans le développement du droit international.

• Pendant l’été de 1898, le Tsar de Russie, Nicolas II, a fait appel à tous les Etats du « monde civilisé » pour discuter des tensions dangereuses qui parcouraient l’Europe engouffrée dans la course aux armements en vue de les mitiger et assurer la paix dans le cadre d’une grande conférence diplomatique qui se tiendrait à La Haye. La déclaration de l’autocrate russe, dirigeant absolu de l’une des plus grandes puissances du monde, a fait sensation à travers le monde : les pacifistes croyaient alors trouver dans l’initiative russe la réalisation potentielle de tous leurs plans lointains. La Conférence à laquelle ils étaient conviés avec tous les Etats du monde a nourri d’autant plus d’espoirs que dans son ouverture, les buts recherchés furent énoncé comme étant la création d’une Court permanente international qui règlerait tous les contentieux internationaux par le droit d’une part, et le désarment général d’autre part.

- Le Tsar, qui avait développé un penchant pacifiste tout à fait sincère, particulièrement grâce à l’influence de pacifistes reconnus tels que Tolstoï, Hugo et Suttner, avait également une motivation tout à fait pragmatique pour lancer cette initiative. Outre la réalisation que la course aux armements mènerait l’Europe vers une guerre destructrice qui menacerait l’existence même de la civilisation européenne, le Tsar avait en tête l’idée de ralentir la course aux armements afin de pourvoir aux réformes économiques et sociales dont le pays avait si désespérément besoin, sans le placer en retard des autres grandes puissances militaires.

• La proposition russe de procéder à la substitution de la force brut par le droit international et le désarmement n’a pas fait écho parmi les rivaux du Tsar : les empires européens n’étaient pas prêts à se destituer de leur puissance militaire, et les délégations qu’ils ont envoyés à La Haye étaient chargés de bloquer cette initiative. Rapidement, les négociations se sont heurtées à l’impossibilité de la mission. Cependant, les pacifistes avaient fait leur travail, et ont mobilisé toute la force de l’opinion publique pour que la Conférence ne soit pas compromise.

• Devant cette double impossibilité de, les délégations ont pris l’initiative de détourner leur travail du droit de la paix vers le droit de la guerre, qui était en grand besoin d’une nouvelle codification internationale depuis le temps de la Convention de Genève et de la Déclaration de Saint-Pétersbourg. La Conférence a donc bel et bien donné un produit digne de ce nom avec les Conventions de La Haye, qui ont établi un grand nombre de règles de droit de la guerre, en interdisant notamment toute une série d’armes et de stratégies destructrices, dont les balles dum-dum et les « projectiles empoisonnés », tout en codifiant des domaines diverses tels que le droit de neutralité, le droit des prisonniers de guerre, et bien d’autres. Les juristes progressistes de l’Institut du droit international, du BIP et d’autres associations pacifistes ont joué un rôle crucial dans cette codification qui reste pertinente encore aujourd’hui.


• L’une des plus grandes réalisations des deux Congrès de La Haye (1899 et 1907) a été l’établissement de la Court Permanente d’Arbitrage à La Haye. La CPA assure l’administration des arbitrages internationaux, des conciliations, et des commissions d’enquêtes dans des litiges entre États, personnes privées et organisations intergouvernementales. Ainsi, elle se situe ainsi à la croisée du droit international public et privé. La CPA se compose d'un greffe et d'une liste d'arbitres potentiels dans laquelle les parties choisissent les arbitres chargés de régler le différend les opposant. A la grande déception du BIP, de l’UIP et de tous les pacifistes, le recourt à la CPA est resté facultatif : à cause de la primauté de la souveraineté des Etats, le consentement de ces derniers est obligatoire pour tout jugement ou enquête ; cependant, l’exécution de la sentence arbitrale rendue par les arbitres reste contraignante.

• Ainsi, si les Conventions de La Haye n’ont pas su établir le droit international comme moyen contraignant pour le règlement de litiges internationaux, elles établissent au moins trois voies de règlement pacifique de différends entre Etats :

           - Soumission d’un litige à l’arbitrage ;

           - Soumission d’un différent à la médiation par des Etats amicaux ;

- Etablissement d’une commission d’enquête internationale pour clarifier les faits disputés et apaiser le conflit ;

• La deuxième Conférence de La Haye, convoquée suite aux réclamations des pacifistes de l’UIP et du BIP à travers plusieurs Etats, dont les Etats-Unis de Théodore Roosevelt, avait pour but de compléter les lacunes de la première et d’en faire progresser les provisions, poussant les Etats à fonder une « union internationale » en vue de réaliser la coopération directe entre tous les Etats dans un forum de négociations interétatique permanent. Si la deuxième conférence a réalisé un nombre considérable d’avancées, elle n’a pas su rendre l’arbitrage à la CPA obligatoire et n’a pas réalisé non plus l’union internationale, dont l’établissement avait du être discuté lors de la troisième Conférence de La Haye, annulée en 1914 à cause de la guerre ouverte. Une dernière tentative d’éviter la guerre et de rapprocher les deux camps européens a été la Conférence interparlementaire franco-allemande de 1913, qui a échoué à cause de l’inimitié enracinée entre les deux grandes puissances.

• Au final, la deuxième vague pacifiste échouera plus lamentablement que la première : elle se dissipera sous le poids de la Première Guerre mondiale, mais non sans donner naissance à une nouvelle vague pacifiste : plus déterminé et bien plus radical que jamais, les pacifistes de la troisième vague ne prêcheront plus la paix, mais la mèneront, comme une guerre. Tout au long du massacre de la Grande guerre, les pacifistes oeuvreront sans relâche pour mettre fin à la boucherie suicidaire de la guerre, en rejoignant les forces avec le mouvement ébranlé des socialistes et des communistes, des déserteurs de conscience, mais aussi avec les indépendantistes du Tiers-monde et surtout avec les féministes, qui prennent alors les devants.

• Au fil du temps, la désillusion gagnera les esprits des Etats belligérants, qui se détournent chaque jour passant du nationalisme belliqueux à l’origine de la guerre. Lorsque la guerre prend finalement fin en 1918, c’est avant tout une victoire pour les pacifistes de la nouvelle vague qui, réunis derrière le leader américain et l’illustre idéaliste pacifiste Woodrow Wilson, saisissent l’occasion pour construire un nouvel ordre mondial avec la Société des Nations.


Références

Notes

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