Modification de Principes et Dilemmes des Biens Publics dans l'Économie de Marché
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| | | cours = [[Introduction à la microéconomie]] | ||
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| | [[Emmanuel Milet|Milet, Emmanuel]] <br> [[Federica Sbergami|Sbergami, Federica]]<ref>[https://www.unige.ch/gsem/en/research/faculty/all/federica-sbergami/ Page personnelle de Federica Sbergami sur le site de l'Université de Genève]</ref><ref>[https://www.unine.ch/irene/home/equipe/federica_sbergami.html Page personnelle de Federica Sbergami sur le site de l'Université de Neuchâtel]</ref><ref>[https://www.researchgate.net/scientific-contributions/14836393_Federica_Sbergami Page personnelle de Federica Sbergami sur Research Gate]</ref> <br> [[Giovanni Ferro-Luzzi |Ferro-Luzzi , Giovanni]] | ||
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| lectures = | |||
*[[Introduction au cours d'introduction à la microéconomie]] | |||
*[[Approche méthodologiques au cours d'introduction à la microéconomie]] | |||
*[[Les forces du marché : l'offre et la demande]] | |||
*[[Les élasticités et ses applications]] | |||
*[[Offre, demande et politiques gouvernementales]] | |||
*[[Surplus du consommateur et du producteur]] | |||
*[[Les externalités et le rôle de l'État]] | |||
*[[Les biens publics]] | |||
*[[Les coûts de production]] | |||
*[[Les entreprises en concurrence parfaite]] | |||
*[[Les entreprises en monopole]] | |||
*[[Concurrence monopolistique]] | |||
*[[Oligopole]] | |||
*[[Contrainte et préférences du consommateur]] | |||
*[[Choix du consommateur]] | |||
*[[Les problèmes d'information et les choix publics]] | |||
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Dans ce contexte, l'échec du marché se manifeste lorsque le mécanisme de marché seul ne parvient pas à distribuer efficacement les ressources pour atteindre un optimum social. Cela nécessite une intervention de l'État ou des collectivités publiques pour corriger ces défaillances et assurer une allocation des ressources qui soit à la fois efficace et équitable. Cette introduction aux biens publics met en lumière la complexité et l'importance de leur gestion dans une économie moderne. | Dans ce contexte, l'échec du marché se manifeste lorsque le mécanisme de marché seul ne parvient pas à distribuer efficacement les ressources pour atteindre un optimum social. Cela nécessite une intervention de l'État ou des collectivités publiques pour corriger ces défaillances et assurer une allocation des ressources qui soit à la fois efficace et équitable. Cette introduction aux biens publics met en lumière la complexité et l'importance de leur gestion dans une économie moderne. | ||
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| es = Los bienes públicos | |||
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= | = Nature des biens publics = | ||
== | == Caractéristiques des biens publics == | ||
Les biens publics et les externalités partagent plusieurs caractéristiques communes qui les placent au cœur des discussions sur l'économie et la politique publique. Ces biens sont souvent confrontés à une mésallocation par le marché, ce qui signifie que le marché seul ne parvient pas à fournir ces biens en quantité ou en qualité optimales. Cela est dû en grande partie à la présence de fortes externalités associées à ces biens. | Les biens publics et les externalités partagent effectivement plusieurs caractéristiques communes qui les placent au cœur des discussions sur l'économie et la politique publique. Ces biens sont souvent confrontés à une mésallocation par le marché, ce qui signifie que le marché seul ne parvient pas à fournir ces biens en quantité ou en qualité optimales. Cela est dû en grande partie à la présence de fortes externalités associées à ces biens. | ||
Les externalités, qu'elles soient positives ou négatives, sont des effets induits par une activité économique qui affectent d'autres parties sans que ces effets soient reflétés dans les prix du marché. Par exemple, la pollution est une externalité négative, tandis que l'éducation a des externalités positives. Dans le cas des biens publics, ces externalités sont souvent si importantes qu'elles entraînent une sous-production ou même une absence de production dans une économie entièrement privée. | Les externalités, qu'elles soient positives ou négatives, sont des effets induits par une activité économique qui affectent d'autres parties sans que ces effets soient reflétés dans les prix du marché. Par exemple, la pollution est une externalité négative, tandis que l'éducation a des externalités positives. Dans le cas des biens publics, ces externalités sont souvent si importantes qu'elles entraînent une sous-production ou même une absence de production dans une économie entièrement privée. | ||
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Ces caractéristiques ensemble soulignent pourquoi les biens publics posent souvent un défi aux mécanismes du marché et pourquoi l'intervention de l'État est fréquemment nécessaire pour assurer leur fourniture adéquate et leur gestion efficace. | Ces caractéristiques ensemble soulignent pourquoi les biens publics posent souvent un défi aux mécanismes du marché et pourquoi l'intervention de l'État est fréquemment nécessaire pour assurer leur fourniture adéquate et leur gestion efficace. | ||
== | == Propriétés des biens publics == | ||
Les distinctions entre les biens publics et privés dans le domaine de l'économie sont essentiellement basées sur deux propriétés clés qui déterminent la manière dont ces biens peuvent être fournis sur le marché : la non-exclusion et la non-rivalité. | Les distinctions entre les biens publics et privés dans le domaine de l'économie sont essentiellement basées sur deux propriétés clés qui déterminent la manière dont ces biens peuvent être fournis sur le marché : la non-exclusion et la non-rivalité. | ||
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Ces différences fondamentales entre les biens publics et privés influencent grandement la manière dont ils sont produits, distribués et financés dans une économie. Les biens publics, en raison de leur nature, requièrent souvent une intervention ou un financement public pour garantir qu'ils soient fournis de manière adéquate, car les marchés privés pourraient ne pas les produire de façon optimale en raison de ces caractéristiques uniques. | Ces différences fondamentales entre les biens publics et privés influencent grandement la manière dont ils sont produits, distribués et financés dans une économie. Les biens publics, en raison de leur nature, requièrent souvent une intervention ou un financement public pour garantir qu'ils soient fournis de manière adéquate, car les marchés privés pourraient ne pas les produire de façon optimale en raison de ces caractéristiques uniques. | ||
== La | == La non-rivalité == | ||
La notion de non-rivalité dans la consommation est un élément fondamental dans la compréhension des biens publics. Elle se manifeste lorsque, une fois un bien produit, le coût additionnel pour permettre à une personne supplémentaire de consommer ce bien est nul. Ce concept joue un rôle crucial dans la différenciation des biens publics des biens privés. Prenons l'exemple d'un phare : une fois qu'il est construit et allumé, le coût pour qu'il éclaire un bateau supplémentaire ne représente aucun coût additionnel. Le phare fonctionne de la même manière, que ce soit pour un seul bateau ou pour plusieurs bateaux en mer. Cela illustre parfaitement la non-rivalité, car la consommation du bien (la lumière du phare) par un bateau n'empêche pas et ne réduit pas sa disponibilité pour d'autres bateaux. | La notion de non-rivalité dans la consommation est un élément fondamental dans la compréhension des biens publics. Elle se manifeste lorsque, une fois un bien produit, le coût additionnel pour permettre à une personne supplémentaire de consommer ce bien est effectivement nul. Ce concept joue un rôle crucial dans la différenciation des biens publics des biens privés. Prenons l'exemple d'un phare : une fois qu'il est construit et allumé, le coût pour qu'il éclaire un bateau supplémentaire ne représente aucun coût additionnel. Le phare fonctionne de la même manière, que ce soit pour un seul bateau ou pour plusieurs bateaux en mer. Cela illustre parfaitement la non-rivalité, car la consommation du bien (la lumière du phare) par un bateau n'empêche pas et ne réduit pas sa disponibilité pour d'autres bateaux. | ||
De la même manière, des infrastructures comme les ponts ou les autoroutes démontrent cette caractéristique. Une fois construits, le coût pour qu'une voiture supplémentaire les emprunte est négligeable. De même, la jouissance d'un paysage ou la sécurité fournie par les services de police ou de défense nationale sont des exemples où la consommation par un individu n'entrave pas celle des autres. Cette caractéristique de non-rivalité est essentielle car elle signifie que le bien peut être consommé simultanément par de multiples personnes sans que cela n'entraîne de coûts supplémentaires significatifs. En conséquence, cela pose des défis pour le financement et la fourniture de ces biens par le secteur privé, car il est difficile de charger les utilisateurs directement pour leur consommation. Cela mène souvent à la nécessité d'une intervention publique pour assurer que ces biens soient disponibles pour le bénéfice de tous, reflétant leur importance pour la société dans son ensemble. | De la même manière, des infrastructures comme les ponts ou les autoroutes démontrent cette caractéristique. Une fois construits, le coût pour qu'une voiture supplémentaire les emprunte est négligeable. De même, la jouissance d'un paysage ou la sécurité fournie par les services de police ou de défense nationale sont des exemples où la consommation par un individu n'entrave pas celle des autres. Cette caractéristique de non-rivalité est essentielle car elle signifie que le bien peut être consommé simultanément par de multiples personnes sans que cela n'entraîne de coûts supplémentaires significatifs. En conséquence, cela pose des défis pour le financement et la fourniture de ces biens par le secteur privé, car il est difficile de charger les utilisateurs directement pour leur consommation. Cela mène souvent à la nécessité d'une intervention publique pour assurer que ces biens soient disponibles pour le bénéfice de tous, reflétant leur importance pour la société dans son ensemble. | ||
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Cette caractéristique de rivalité dans les biens privés conduit à des dynamiques de marché différentes de celles des biens publics. Dans un marché de biens privés, les producteurs peuvent exclure ceux qui ne paient pas pour le bien, et la consommation est régulée par le prix. Les consommateurs qui sont prêts et capables de payer le prix peuvent obtenir le bien, tandis que les autres en sont exclus. Cette logique de marché est moins complexe à gérer que celle des biens publics, où la non-exclusion et la non-rivalité exigent souvent une intervention extérieure, telle que celle de l'État, pour une distribution efficace et équitable. | Cette caractéristique de rivalité dans les biens privés conduit à des dynamiques de marché différentes de celles des biens publics. Dans un marché de biens privés, les producteurs peuvent exclure ceux qui ne paient pas pour le bien, et la consommation est régulée par le prix. Les consommateurs qui sont prêts et capables de payer le prix peuvent obtenir le bien, tandis que les autres en sont exclus. Cette logique de marché est moins complexe à gérer que celle des biens publics, où la non-exclusion et la non-rivalité exigent souvent une intervention extérieure, telle que celle de l'État, pour une distribution efficace et équitable. | ||
Il y a une distinction importante dans la compréhension des biens publics : la différence entre le coût marginal de production et le coût marginal de consommation d'un consommateur additionnel. Le coût marginal de production d'un bien, comme une autoroute, peut être croissant avec l'augmentation de la densité du réseau. Cela signifie que plus le réseau s'élargit, plus le coût de construction de chaque kilomètre supplémentaire peut augmenter, en raison de facteurs tels que la complexité accrue, les contraintes d'espace, ou les matériaux nécessaires. | Il y a une distinction importante dans la compréhension des biens publics : la différence entre le coût marginal de production et le coût marginal de consommation d'un consommateur additionnel. Le coût marginal de production d'un bien, comme une autoroute, peut en effet être croissant avec l'augmentation de la densité du réseau. Cela signifie que plus le réseau s'élargit, plus le coût de construction de chaque kilomètre supplémentaire peut augmenter, en raison de facteurs tels que la complexité accrue, les contraintes d'espace, ou les matériaux nécessaires. | ||
Cependant, une fois que l'autoroute est construite, le coût associé à la consommation de ce bien par un utilisateur supplémentaire est nul ou très faible. Cela illustre la non-rivalité : un conducteur supplémentaire sur l'autoroute ne coûte pratiquement rien de plus en termes de ressources ou d'infrastructure, tant que l'autoroute n'est pas saturée. En outre, cette situation met en lumière la caractéristique d'indivisibilité des biens publics. Une fois que le bien, comme l'autoroute, est créé, il est fourni en bloc et il est difficile, voire impossible, de le fractionner en fonction de la demande individuelle. Contrairement aux biens privés, où chaque unité peut être vendue séparément, les biens publics sont souvent utilisés collectivement. Cela pose des défis en termes de financement et de gestion, car il n'est pas facile d'allouer le coût de ces biens aux utilisateurs individuels, ce qui renforce souvent le rôle de l'État ou des institutions publiques dans la fourniture et la maintenance de ces biens. | Cependant, une fois que l'autoroute est construite, le coût associé à la consommation de ce bien par un utilisateur supplémentaire est effectivement nul ou très faible. Cela illustre la non-rivalité : un conducteur supplémentaire sur l'autoroute ne coûte pratiquement rien de plus en termes de ressources ou d'infrastructure, tant que l'autoroute n'est pas saturée. En outre, cette situation met en lumière la caractéristique d'indivisibilité des biens publics. Une fois que le bien, comme l'autoroute, est créé, il est fourni en bloc et il est difficile, voire impossible, de le fractionner en fonction de la demande individuelle. Contrairement aux biens privés, où chaque unité peut être vendue séparément, les biens publics sont souvent utilisés collectivement. Cela pose des défis en termes de financement et de gestion, car il n'est pas facile d'allouer le coût de ces biens aux utilisateurs individuels, ce qui renforce souvent le rôle de l'État ou des institutions publiques dans la fourniture et la maintenance de ces biens. | ||
== | == La non-exclusion == | ||
La non-exclusion dans la consommation est un concept clé dans la théorie des biens publics. Elle se réfère à la difficulté, voire l'impossibilité, d'empêcher les individus de consommer un bien, indépendamment de leur contribution à sa production ou à son financement. Cette caractéristique est l'une des principales raisons pour lesquelles les marchés privés peuvent ne pas être efficaces pour fournir certains types de biens. Dans le contexte des biens publics, la non-exclusion signifie que lorsque le bien est disponible pour une personne, il est également disponible pour d'autres sans coût additionnel significatif. Prenons l'exemple de la sécurité nationale : une fois qu'un pays a mis en place ses forces de défense, il est pratiquement impossible d'exclure des citoyens spécifiques de la protection qu'elles offrent. De même, les biens tels que les programmes de télédiffusion ou l'éclairage public sont accessibles à tous ceux qui se trouvent dans leur portée, sans possibilité d'exclure des individus spécifiques. | La non-exclusion dans la consommation est un concept clé dans la théorie des biens publics. Elle se réfère à la difficulté, voire l'impossibilité, d'empêcher les individus de consommer un bien, indépendamment de leur contribution à sa production ou à son financement. Cette caractéristique est l'une des principales raisons pour lesquelles les marchés privés peuvent ne pas être efficaces pour fournir certains types de biens. Dans le contexte des biens publics, la non-exclusion signifie que lorsque le bien est disponible pour une personne, il est également disponible pour d'autres sans coût additionnel significatif. Prenons l'exemple de la sécurité nationale : une fois qu'un pays a mis en place ses forces de défense, il est pratiquement impossible d'exclure des citoyens spécifiques de la protection qu'elles offrent. De même, les biens tels que les programmes de télédiffusion ou l'éclairage public sont accessibles à tous ceux qui se trouvent dans leur portée, sans possibilité d'exclure des individus spécifiques. | ||
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La même logique s'applique à d'autres biens comme l'éclairage public, la sécurité nationale ou la qualité de l'environnement. Même si techniquement, il serait possible de concevoir des mécanismes pour exclure les non-payeurs, les coûts associés à une telle exclusion seraient souvent prohibitifs et dépasseraient largement les bénéfices. De plus, cela irait à l'encontre de l'intérêt public et de la valeur sociale que ces biens représentent. C'est pourquoi dans de tels cas, l'intervention de l'État ou des autorités publiques est cruciale. Par le biais de la taxation générale ou d'autres mécanismes de financement collectif, ces biens peuvent être fournis de manière plus efficace et équitable, garantissant leur accessibilité à l'ensemble de la population sans les coûts prohibitifs liés à l'exclusion des non-payeurs. | La même logique s'applique à d'autres biens comme l'éclairage public, la sécurité nationale ou la qualité de l'environnement. Même si techniquement, il serait possible de concevoir des mécanismes pour exclure les non-payeurs, les coûts associés à une telle exclusion seraient souvent prohibitifs et dépasseraient largement les bénéfices. De plus, cela irait à l'encontre de l'intérêt public et de la valeur sociale que ces biens représentent. C'est pourquoi dans de tels cas, l'intervention de l'État ou des autorités publiques est cruciale. Par le biais de la taxation générale ou d'autres mécanismes de financement collectif, ces biens peuvent être fournis de manière plus efficace et équitable, garantissant leur accessibilité à l'ensemble de la population sans les coûts prohibitifs liés à l'exclusion des non-payeurs. | ||
== | == Résumé == | ||
Ce tableau classifie les différents types de biens selon deux critères : la possibilité d'exclure des consommateurs (Exclusion vs Non-exclusion) et le caractère rival ou non des biens (Rivalité vs Non-Rivalité).[[Fichier:Nature des biens publics résumé 1.png|400px|vignette|centré]]Dans le quadrant supérieur gauche, nous avons les "Biens privés purs", qui sont à la fois exclusifs et rivaux. Cela signifie que les consommateurs peuvent être empêchés d'utiliser ces biens s'ils ne les achètent pas, et que l'utilisation de ces biens par une personne empêche leur utilisation simultanée par une autre. Les exemples donnés ici sont les vêtements et les glaces, qui ne peuvent être consommés que par une personne à la fois, et dont la consommation par un individu empêche un autre de les utiliser. | |||
Ce tableau classifie les différents types de biens selon deux critères : la possibilité d'exclure des consommateurs (Exclusion vs Non-exclusion) et le caractère rival ou non des biens (Rivalité vs Non-Rivalité). | |||
[[Fichier:Nature des biens publics résumé 1.png|400px|vignette|centré]] | |||
Dans le quadrant supérieur gauche, nous avons les "Biens privés purs", qui sont à la fois exclusifs et rivaux. Cela signifie que les consommateurs peuvent être empêchés d'utiliser ces biens s'ils ne les achètent pas, et que l'utilisation de ces biens par une personne empêche leur utilisation simultanée par une autre. Les exemples donnés ici sont les vêtements et les glaces, qui ne peuvent être consommés que par une personne à la fois, et dont la consommation par un individu empêche un autre de les utiliser. | |||
Dans le quadrant supérieur droit, nous avons les "Biens mixtes" dans le contexte de la non-rivalité. Ces biens sont non-rivaux, ce qui signifie que leur consommation par une personne n'empêche pas leur consommation par une autre. Cependant, contrairement aux biens publics purs, il est possible d'exclure des individus de leur utilisation. Les exemples incluent les monopoles naturels et les autoroutes à péage. La télévision est également un bon exemple ; bien qu'une émission puisse être regardée par de nombreuses personnes simultanément sans se gêner mutuellement, l'accès aux chaînes peut être restreint par un abonnement. | Dans le quadrant supérieur droit, nous avons les "Biens mixtes" dans le contexte de la non-rivalité. Ces biens sont non-rivaux, ce qui signifie que leur consommation par une personne n'empêche pas leur consommation par une autre. Cependant, contrairement aux biens publics purs, il est possible d'exclure des individus de leur utilisation. Les exemples incluent les monopoles naturels et les autoroutes à péage. La télévision est également un bon exemple ; bien qu'une émission puisse être regardée par de nombreuses personnes simultanément sans se gêner mutuellement, l'accès aux chaînes peut être restreint par un abonnement. | ||
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Ce tableau est un outil utile pour comprendre la diversité des biens dans une économie et les défis associés à leur provision. Il aide également à identifier les cas où l'intervention de l'État peut être justifiée pour assurer la provision adéquate de biens publics et corriger les inefficacités du marché. | Ce tableau est un outil utile pour comprendre la diversité des biens dans une économie et les défis associés à leur provision. Il aide également à identifier les cas où l'intervention de l'État peut être justifiée pour assurer la provision adéquate de biens publics et corriger les inefficacités du marché. | ||
= Le | = Le problème du resquilleur = | ||
== La | == La non-exclusion et le problème du resquilleur == | ||
La non-exclusion est étroitement liée au problème du passager clandestin, également connu sous le nom de free rider problem en anglais. Ce problème survient lorsque des individus profitent d'un bien ou service sans contribuer à son coût. Cela est particulièrement problématique pour les biens publics, où la caractéristique de non-exclusion signifie que les fournisseurs ne peuvent pas empêcher les gens de consommer le bien, même s'ils ne paient pas pour celui-ci. Dans un tel contexte, certains individus peuvent choisir de ne pas payer pour le bien ou service en question, sachant qu'ils pourront tout de même en bénéficier grâce aux paiements des autres. Cela peut conduire à une sous-fourniture du bien, puisque les fournisseurs n'ont pas la recette nécessaire pour couvrir les coûts de production ou de maintien du bien. Si suffisamment d'individus choisissent de ne pas payer, le bien risque de ne pas être fourni du tout, malgré le fait qu'il soit socialement bénéfique. | La non-exclusion est en effet étroitement liée au problème du passager clandestin, également connu sous le nom de free rider problem en anglais. Ce problème survient lorsque des individus profitent d'un bien ou service sans contribuer à son coût. Cela est particulièrement problématique pour les biens publics, où la caractéristique de non-exclusion signifie que les fournisseurs ne peuvent pas empêcher les gens de consommer le bien, même s'ils ne paient pas pour celui-ci. Dans un tel contexte, certains individus peuvent choisir de ne pas payer pour le bien ou service en question, sachant qu'ils pourront tout de même en bénéficier grâce aux paiements des autres. Cela peut conduire à une sous-fourniture du bien, puisque les fournisseurs n'ont pas la recette nécessaire pour couvrir les coûts de production ou de maintien du bien. Si suffisamment d'individus choisissent de ne pas payer, le bien risque de ne pas être fourni du tout, malgré le fait qu'il soit socialement bénéfique. | ||
Ce problème est également lié à celui des préférences non révélées, car les individus qui choisissent de ne pas payer pour le bien ne révèlent pas leur véritable évaluation ou demande pour celui-ci. Cela rend difficile pour les fournisseurs de mesurer la demande réelle et de planifier efficacement la provision du bien. La difficulté d'exclusion entraîne donc une défaillance du marché, car le mécanisme de prix ne fonctionne pas comme il le devrait pour rationner l'accès au bien et pour financer sa provision. C'est pourquoi les biens publics sont souvent financés par des mécanismes obligatoires comme les impôts, où la contribution individuelle n'est pas directement liée à la consommation, mais plutôt imposée pour couvrir le coût collectif du bien. | Ce problème est également lié à celui des préférences non révélées, car les individus qui choisissent de ne pas payer pour le bien ne révèlent pas leur véritable évaluation ou demande pour celui-ci. Cela rend difficile pour les fournisseurs de mesurer la demande réelle et de planifier efficacement la provision du bien. La difficulté d'exclusion entraîne donc une défaillance du marché, car le mécanisme de prix ne fonctionne pas comme il le devrait pour rationner l'accès au bien et pour financer sa provision. C'est pourquoi les biens publics sont souvent financés par des mécanismes obligatoires comme les impôts, où la contribution individuelle n'est pas directement liée à la consommation, mais plutôt imposée pour couvrir le coût collectif du bien. | ||
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Ces exemples mettent en lumière un défi central de la provision des biens publics : comment s'assurer que ceux qui bénéficient des biens contribuent équitablement à leur création et à leur maintien. Les solutions à ce problème varient, mais elles impliquent souvent une forme de financement obligatoire, comme les taxes ou les redevances, pour garantir que ces services essentiels restent disponibles pour le bien commun. | Ces exemples mettent en lumière un défi central de la provision des biens publics : comment s'assurer que ceux qui bénéficient des biens contribuent équitablement à leur création et à leur maintien. Les solutions à ce problème varient, mais elles impliquent souvent une forme de financement obligatoire, comme les taxes ou les redevances, pour garantir que ces services essentiels restent disponibles pour le bien commun. | ||
== | == Comportement stratégique du resquilleur == | ||
La théorie des jeux est une branche des mathématiques et de l'économie qui analyse les stratégies adoptées par les individus dans des situations où leurs choix sont interdépendants. Un des concepts les plus connus dans ce domaine est celui du dilemme du prisonnier, qui met en lumière les difficultés de coopération entre parties ayant des intérêts interdépendants. John Nash, qui a reçu le prix Nobel d'économie en 1994 pour ses contributions, a développé un concept clé connu sous le nom d'équilibre de Nash. Cet équilibre survient dans un jeu lorsque chaque joueur a choisi la meilleure stratégie possible, compte tenu des choix des autres joueurs. Aucun joueur n'a alors intérêt à changer unilatéralement de stratégie. | La théorie des jeux est une branche des mathématiques et de l'économie qui analyse les stratégies adoptées par les individus dans des situations où leurs choix sont interdépendants. Un des concepts les plus connus dans ce domaine est celui du dilemme du prisonnier, qui met en lumière les difficultés de coopération entre parties ayant des intérêts interdépendants. John Nash, qui a reçu le prix Nobel d'économie en 1994 pour ses contributions, a développé un concept clé connu sous le nom d'équilibre de Nash. Cet équilibre survient dans un jeu lorsque chaque joueur a choisi la meilleure stratégie possible, compte tenu des choix des autres joueurs. Aucun joueur n'a alors intérêt à changer unilatéralement de stratégie. | ||
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Dans le contexte du dilemme du prisonnier, deux détenus sont confrontés à un choix : coopérer avec l'autre en restant silencieux ou trahir l'autre en confessant. Le choix de trahir peut sembler rationnel pour un individu car il maximise son gain personnel, sans tenir compte de l'impact de ce choix sur l'autre prisonnier ou sur le résultat collectif. Si les deux détenus optent pour la trahison, croyant agir dans leur meilleur intérêt, ils se retrouvent finalement tous les deux dans une situation pire que si ils avaient coopéré. Cette situation est analogue au problème du passager clandestin dans la provision de biens publics. Chaque individu peut choisir de ne pas contribuer au financement d'un bien public (trahir dans le dilemme du prisonnier), ce qui est rationnel du point de vue individuel si l'on considère uniquement l'intérêt personnel immédiat. Cependant, si tout le monde adopte cette stratégie, le bien public ne sera pas financé ou sera sous-financé, ce qui est préjudiciable à tous les individus de la société. Ainsi, bien que le choix individuel de ne pas payer puisse sembler rationnel, il conduit à une situation collective sous-optimale où personne ne bénéficie du bien public, ce qui reflète le résultat sous-optimal du dilemme du prisonnier. La théorie des jeux, et en particulier l'équilibre de Nash, aide à comprendre ces dynamiques et à expliquer pourquoi les incitations individuelles peuvent mener à une coopération insuffisante, justifiant ainsi l'intervention de mécanismes externes tels que la régulation gouvernementale ou les incitations pour encourager la contribution au financement des biens publics. | Dans le contexte du dilemme du prisonnier, deux détenus sont confrontés à un choix : coopérer avec l'autre en restant silencieux ou trahir l'autre en confessant. Le choix de trahir peut sembler rationnel pour un individu car il maximise son gain personnel, sans tenir compte de l'impact de ce choix sur l'autre prisonnier ou sur le résultat collectif. Si les deux détenus optent pour la trahison, croyant agir dans leur meilleur intérêt, ils se retrouvent finalement tous les deux dans une situation pire que si ils avaient coopéré. Cette situation est analogue au problème du passager clandestin dans la provision de biens publics. Chaque individu peut choisir de ne pas contribuer au financement d'un bien public (trahir dans le dilemme du prisonnier), ce qui est rationnel du point de vue individuel si l'on considère uniquement l'intérêt personnel immédiat. Cependant, si tout le monde adopte cette stratégie, le bien public ne sera pas financé ou sera sous-financé, ce qui est préjudiciable à tous les individus de la société. Ainsi, bien que le choix individuel de ne pas payer puisse sembler rationnel, il conduit à une situation collective sous-optimale où personne ne bénéficie du bien public, ce qui reflète le résultat sous-optimal du dilemme du prisonnier. La théorie des jeux, et en particulier l'équilibre de Nash, aide à comprendre ces dynamiques et à expliquer pourquoi les incitations individuelles peuvent mener à une coopération insuffisante, justifiant ainsi l'intervention de mécanismes externes tels que la régulation gouvernementale ou les incitations pour encourager la contribution au financement des biens publics. | ||
La théorie de Nash, souvent illustrée par l'équilibre de Nash dans la théorie des jeux, révèle une tension profonde entre les intérêts individuels et collectifs. Selon cette théorie, les individus agissant rationnellement en poursuivant leur propre intérêt peuvent aboutir à des résultats qui sont non seulement sous-optimaux mais également défavorables pour le groupe dans son ensemble. Cela contraste avec l'idée d'Adam Smith de la "main invisible", selon laquelle les actions individuelles guidées par l'intérêt personnel peuvent conduire à un bien-être collectif optimal. La main invisible suggère que les marchés concurrentiels transforment les actions égoïstes en résultats socialement désirables, régulant naturellement l'économie sans nécessiter une intervention extérieure. En revanche, l'équilibre de Nash montre que dans de nombreux cas, surtout lorsqu'il y a des dilemmes de coordination ou des jeux à somme non nulle, les actions purement égoïstes des individus peuvent conduire à des impasses ou à des résultats inefficaces pour la société. | La théorie de Nash, souvent illustrée par l'équilibre de Nash dans la théorie des jeux, révèle en effet une tension profonde entre les intérêts individuels et collectifs. Selon cette théorie, les individus agissant rationnellement en poursuivant leur propre intérêt peuvent aboutir à des résultats qui sont non seulement sous-optimaux mais également défavorables pour le groupe dans son ensemble. Cela contraste avec l'idée d'Adam Smith de la "main invisible", selon laquelle les actions individuelles guidées par l'intérêt personnel peuvent conduire à un bien-être collectif optimal. La main invisible suggère que les marchés concurrentiels transforment les actions égoïstes en résultats socialement désirables, régulant naturellement l'économie sans nécessiter une intervention extérieure. En revanche, l'équilibre de Nash montre que dans de nombreux cas, surtout lorsqu'il y a des dilemmes de coordination ou des jeux à somme non nulle, les actions purement égoïstes des individus peuvent conduire à des impasses ou à des résultats inefficaces pour la société. | ||
L'exemple du dilemme du prisonnier, que Nash a contribué à populariser, est typique : il montre que si chaque prisonnier choisit individuellement la meilleure stratégie pour lui (trahir l'autre), le résultat est pire pour les deux que si ils avaient coopéré. Appliquée à l'économie, cette théorie suggère que sans coopération ou régulation, les individus peuvent consommer des ressources de manière inefficace, polluer sans retenue, ou ne pas contribuer à des biens publics, ce qui nuit à la société dans son ensemble. L'importance de l'équilibre de Nash est qu'il met en lumière le besoin de mécanismes de coordination et de coopération - comme les régulations, les normes sociales, ou les contrats - pour aligner les intérêts individuels avec l'intérêt collectif. Cela peut impliquer l'intervention gouvernementale pour fournir des biens publics, réguler les externalités, ou assurer la justice et la stabilité du marché. La théorie de Nash nous invite donc à reconnaître et à gérer les situations où les actions guidées par l'intérêt personnel ne mènent pas naturellement à l'optimum social. | L'exemple du dilemme du prisonnier, que Nash a contribué à populariser, est typique : il montre que si chaque prisonnier choisit individuellement la meilleure stratégie pour lui (trahir l'autre), le résultat est pire pour les deux que si ils avaient coopéré. Appliquée à l'économie, cette théorie suggère que sans coopération ou régulation, les individus peuvent consommer des ressources de manière inefficace, polluer sans retenue, ou ne pas contribuer à des biens publics, ce qui nuit à la société dans son ensemble. L'importance de l'équilibre de Nash est qu'il met en lumière le besoin de mécanismes de coordination et de coopération - comme les régulations, les normes sociales, ou les contrats - pour aligner les intérêts individuels avec l'intérêt collectif. Cela peut impliquer l'intervention gouvernementale pour fournir des biens publics, réguler les externalités, ou assurer la justice et la stabilité du marché. La théorie de Nash nous invite donc à reconnaître et à gérer les situations où les actions guidées par l'intérêt personnel ne mènent pas naturellement à l'optimum social. | ||
== | == Exemple fictif == | ||
Ce tableau montre une matrice des gains nets, qui est un outil utilisé en théorie des jeux pour représenter les bénéfices et coûts associés aux différentes stratégies que peuvent adopter les joueurs, dans ce cas, deux voisins face à la décision d'investir dans l'éclairage d'un chemin. | Ce tableau montre une matrice des gains nets, qui est un outil utilisé en théorie des jeux pour représenter les bénéfices et coûts associés aux différentes stratégies que peuvent adopter les joueurs, dans ce cas, deux voisins face à la décision d'investir dans l'éclairage d'un chemin. | ||
[[Fichier:Biens publics exemple fictif 1.png|400px|vignette|centré]] | [[Fichier:Biens publics exemple fictif 1.png|400px|vignette|centré]]Dans cet exemple fictif, deux voisins A et B envisagent d'installer des lampadaires pour éclairer un chemin menant au village, qui est actuellement dans l'obscurité la nuit. Ils ont le choix entre financer l'installation d'un lampadaire ou ne rien faire. Si les deux voisins choisissent de financer un lampadaire, le chemin sera entièrement éclairé, leur procurant à chacun un gain net de bien-être de 4000, mais à un coût de 3000 chacun pour l'installation, ce qui leur laisse un gain net de +1000 chacun (4000 de bien-être moins 3000 de dépense). Si un seul voisin finance un lampadaire et que l'autre ne fait rien, le voisin qui paie pour le lampadaire a un bien-être partiellement augmenté de 2000, mais après avoir déduit le coût, se retrouve avec une perte nette de -1000 (2000 de bien-être moins 3000 de dépense). Le voisin qui ne paie pas bénéficie partiellement de l'éclairage sans avoir à payer, d'où un gain net de +2000. Si aucun des deux ne paie pour un lampadaire, il n'y a aucun changement dans leur bien-être et donc aucun gain ou perte net. | ||
Dans cet exemple fictif, deux voisins A et B envisagent d'installer des lampadaires pour éclairer un chemin menant au village, qui est actuellement dans l'obscurité la nuit. Ils ont le choix entre financer l'installation d'un lampadaire ou ne rien faire. Si les deux voisins choisissent de financer un lampadaire, le chemin sera entièrement éclairé, leur procurant à chacun un gain net de bien-être de 4000, mais à un coût de 3000 chacun pour l'installation, ce qui leur laisse un gain net de +1000 chacun (4000 de bien-être moins 3000 de dépense). Si un seul voisin finance un lampadaire et que l'autre ne fait rien, le voisin qui paie pour le lampadaire a un bien-être partiellement augmenté de 2000, mais après avoir déduit le coût, se retrouve avec une perte nette de -1000 (2000 de bien-être moins 3000 de dépense). Le voisin qui ne paie pas bénéficie partiellement de l'éclairage sans avoir à payer, d'où un gain net de +2000. Si aucun des deux ne paie pour un lampadaire, il n'y a aucun changement dans leur bien-être et donc aucun gain ou perte net. | |||
Ce qui est mis en évidence ici est un dilemme du prisonnier classique. La meilleure solution collective serait que les deux voisins coopèrent et financent chacun un lampadaire, menant à un gain net de +1000 chacun. Cependant, en raison des incitations individuelles, chaque voisin préférerait bénéficier du lampadaire financé par l'autre, conduisant à la tentation de ne pas payer et d'agir en passager clandestin. Si les deux voisins agissent selon leurs intérêts individuels sans coopérer, ils finiront par ne rien faire, ce qui est la pire issue collective avec un gain net de 0 pour chacun. | Ce qui est mis en évidence ici est un dilemme du prisonnier classique. La meilleure solution collective serait que les deux voisins coopèrent et financent chacun un lampadaire, menant à un gain net de +1000 chacun. Cependant, en raison des incitations individuelles, chaque voisin préférerait bénéficier du lampadaire financé par l'autre, conduisant à la tentation de ne pas payer et d'agir en passager clandestin. Si les deux voisins agissent selon leurs intérêts individuels sans coopérer, ils finiront par ne rien faire, ce qui est la pire issue collective avec un gain net de 0 pour chacun. | ||
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Cette situation démontre le besoin de coopération ou d'une forme de coordination ou d'intervention, comme un accord mutuel ou une action communautaire, pour surmonter le problème du passager clandestin et atteindre l'optimum collectif. | Cette situation démontre le besoin de coopération ou d'une forme de coordination ou d'intervention, comme un accord mutuel ou une action communautaire, pour surmonter le problème du passager clandestin et atteindre l'optimum collectif. | ||
== | == Problème de coordination == | ||
Le problème | Le problème de coordination décrit dans votre exemple est un scénario classique où les actions individuelles non coordonnées mènent à un résultat moins favorable que celui qui pourrait être atteint par une action conjointe et coordonnée. En effet, si les deux voisins A et B pouvaient parvenir à un accord pour partager les coûts de l'éclairage, chacun bénéficierait d'un gain net positif de +1000. Cela représente l'optimum social où l'éclairage est complet et les bénéfices partagés équitablement. Cependant, en raison de l'incitation à minimiser l'importance de l'éclairage et à bénéficier sans payer du lampadaire potentiellement financé par l'autre, les deux voisins sont confrontés à une stratégie dominante qui est l'inaction. Ainsi, sans coordination, chaque voisin choisit de ne rien faire, car cette option leur semble individuellement la plus sûre pour éviter les coûts sans garantie de réciprocité. L'équilibre de Nash de ce jeu est donc lorsque les deux voisins choisissent de ne pas financer l'éclairage, même si cela conduit à un résultat sous-optimal, avec un gain net de 0 pour chacun. | ||
Cet équilibre est sous-optimal car il ne maximise pas le bien-être collectif des voisins. C'est l'essence même du dilemme du prisonnier : bien que la coopération puisse conduire au meilleur résultat collectif, la méfiance mutuelle et l'incertitude quant aux actions de l'autre poussent les individus à adopter des stratégies qui sont préjudiciables à la fois à eux-mêmes et à la collectivité. Pour résoudre ce genre de problème de coordination, des mécanismes tels que les contrats, les incitations économiques, la régulation ou l'intervention de la communauté ou de l'État sont souvent nécessaires pour encourager ou imposer la coopération et assurer que le bien-être collectif soit atteint. | Cet équilibre est sous-optimal car il ne maximise pas le bien-être collectif des voisins. C'est l'essence même du dilemme du prisonnier : bien que la coopération puisse conduire au meilleur résultat collectif, la méfiance mutuelle et l'incertitude quant aux actions de l'autre poussent les individus à adopter des stratégies qui sont préjudiciables à la fois à eux-mêmes et à la collectivité. Pour résoudre ce genre de problème de coordination, des mécanismes tels que les contrats, les incitations économiques, la régulation ou l'intervention de la communauté ou de l'État sont souvent nécessaires pour encourager ou imposer la coopération et assurer que le bien-être collectif soit atteint. | ||
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Dans la pratique, il est courant d'utiliser une combinaison de taxes générales et de taxes spécifiques pour financer différents types de biens publics. Les taxes générales permettent de répartir largement les coûts parmi tous les contribuables, tandis que les taxes spécifiques, comme les péages pour les routes, permettent de cibler les utilisateurs de certains biens publics. Quelle que soit la méthode choisie, l'objectif est de financer efficacement le bien public tout en maintenant l'équité parmi les citoyens. Cela peut nécessiter une planification minutieuse et souvent des ajustements politiques pour équilibrer efficacement les intérêts et les contributions de tous les membres de la société. | Dans la pratique, il est courant d'utiliser une combinaison de taxes générales et de taxes spécifiques pour financer différents types de biens publics. Les taxes générales permettent de répartir largement les coûts parmi tous les contribuables, tandis que les taxes spécifiques, comme les péages pour les routes, permettent de cibler les utilisateurs de certains biens publics. Quelle que soit la méthode choisie, l'objectif est de financer efficacement le bien public tout en maintenant l'équité parmi les citoyens. Cela peut nécessiter une planification minutieuse et souvent des ajustements politiques pour équilibrer efficacement les intérêts et les contributions de tous les membres de la société. | ||
= | = Biens mixtes = | ||
Un bien mixte, aussi appelé bien semi-public ou bien quasi-public, est un type de bien qui présente des caractéristiques à la fois des biens privés et des biens publics. Ces biens peuvent être exclusifs, mais ne sont pas nécessairement rivaux dans la consommation, ou vice versa. Ils peuvent être fournis par le marché mais souvent avec une certaine intervention de l'État pour corriger les inefficiences du marché ou pour s'assurer que le bien est accessible à ceux qui en ont besoin. | Un bien mixte, aussi appelé bien semi-public ou bien quasi-public, est un type de bien qui présente des caractéristiques à la fois des biens privés et des biens publics. Ces biens peuvent être exclusifs, mais ne sont pas nécessairement rivaux dans la consommation, ou vice versa. Ils peuvent être fournis par le marché mais souvent avec une certaine intervention de l'État pour corriger les inefficiences du marché ou pour s'assurer que le bien est accessible à ceux qui en ont besoin. | ||
== | == Exclusion et non-rivalité == | ||
Les biens mixtes peuvent présenter une non-rivalité dans la consommation jusqu'à un certain point, tout en permettant l'exclusion des non-payeurs. Ces biens peuvent être exclusifs grâce à des mécanismes de tarification ou de contrôle d'accès, mais ne deviennent rivaux que lorsque la capacité d'accueil est dépassée, ce qui entraîne une congestion ou une diminution de la qualité de l'expérience pour tous. | Les biens mixtes peuvent présenter une non-rivalité dans la consommation jusqu'à un certain point, tout en permettant l'exclusion des non-payeurs. Ces biens peuvent être exclusifs grâce à des mécanismes de tarification ou de contrôle d'accès, mais ne deviennent rivaux que lorsque la capacité d'accueil est dépassée, ce qui entraîne une congestion ou une diminution de la qualité de l'expérience pour tous. | ||
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Toutefois, lorsque l'éducation publique devient congestionnée, par exemple à cause de classes surpeuplées ou de ressources insuffisantes, la qualité de l'éducation peut en pâtir, et l'objectif redistributif peut être compromis. Les personnes disposant de plus de ressources peuvent alors se tourner vers des institutions privées, exacerbant ainsi les inégalités d'accès à une éducation de qualité. Cela peut créer un système à deux vitesses où les avantages de l'éducation sont inégalement répartis, ce qui va à l'encontre de l'idéal d'égalité des chances. Gérer l'accès et la qualité de l'éducation publique tout en s'assurant qu'elle reste inclusive et équitable est un défi de politique publique majeur. Cela nécessite un financement adéquat, une planification stratégique, et souvent des réformes pour s'assurer que l'éducation publique puisse continuer à servir son rôle de levier de mobilité sociale et de générateur d'externalités positives pour la société. | Toutefois, lorsque l'éducation publique devient congestionnée, par exemple à cause de classes surpeuplées ou de ressources insuffisantes, la qualité de l'éducation peut en pâtir, et l'objectif redistributif peut être compromis. Les personnes disposant de plus de ressources peuvent alors se tourner vers des institutions privées, exacerbant ainsi les inégalités d'accès à une éducation de qualité. Cela peut créer un système à deux vitesses où les avantages de l'éducation sont inégalement répartis, ce qui va à l'encontre de l'idéal d'égalité des chances. Gérer l'accès et la qualité de l'éducation publique tout en s'assurant qu'elle reste inclusive et équitable est un défi de politique publique majeur. Cela nécessite un financement adéquat, une planification stratégique, et souvent des réformes pour s'assurer que l'éducation publique puisse continuer à servir son rôle de levier de mobilité sociale et de générateur d'externalités positives pour la société. | ||
== Non- | == Non-exclusion et rivalité == | ||
Dans le cas d'un bien mixte caractérisé par la non-exclusion et la rivalité, nous sommes confrontés à une situation où il est difficile, voire impossible, d'empêcher les gens d'accéder à une ressource, mais où l'utilisation de cette ressource par une personne diminue la quantité ou la qualité disponible pour les autres. Ces biens sont souvent des ressources communes ou des biens communs, et ils sont sujets à des problèmes de sur-exploitation car ils sont accessibles à tous mais limités dans leur quantité. | Dans le cas d'un bien mixte caractérisé par la non-exclusion et la rivalité, nous sommes confrontés à une situation où il est difficile, voire impossible, d'empêcher les gens d'accéder à une ressource, mais où l'utilisation de cette ressource par une personne diminue la quantité ou la qualité disponible pour les autres. Ces biens sont souvent des ressources communes ou des biens communs, et ils sont sujets à des problèmes de sur-exploitation car ils sont accessibles à tous mais limités dans leur quantité. | ||
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La clé de la gestion durable des biens mixtes réside dans la capacité à établir des règles et des normes qui régulent l'utilisation et encouragent la conservation. Cela peut inclure la mise en place de quotas, de permis, de systèmes de rotation de l'utilisation, ou de sanctions pour ceux qui ne respectent pas les règles établies. Ostrom a mis en avant l'importance de la participation locale, de la surveillance, des sanctions adaptées, et du respect des règles communautaires comme facteurs essentiels pour la gestion réussie des communs. Ainsi, la gestion des biens mixtes avec non-exclusion et rivalité nécessite une compréhension nuancée des dynamiques sociales, économiques et environnementales en jeu, ainsi qu'une approche collaborative pour résoudre les dilemmes liés à leur utilisation. | La clé de la gestion durable des biens mixtes réside dans la capacité à établir des règles et des normes qui régulent l'utilisation et encouragent la conservation. Cela peut inclure la mise en place de quotas, de permis, de systèmes de rotation de l'utilisation, ou de sanctions pour ceux qui ne respectent pas les règles établies. Ostrom a mis en avant l'importance de la participation locale, de la surveillance, des sanctions adaptées, et du respect des règles communautaires comme facteurs essentiels pour la gestion réussie des communs. Ainsi, la gestion des biens mixtes avec non-exclusion et rivalité nécessite une compréhension nuancée des dynamiques sociales, économiques et environnementales en jeu, ainsi qu'une approche collaborative pour résoudre les dilemmes liés à leur utilisation. | ||
== La | == La tragédie des communaux == | ||
La tragédie des communs est un phénomène qui se produit lorsqu'une ressource partagée par plusieurs est surexploitée par des individus agissant indépendamment selon leur propre intérêt personnel immédiat, ce qui entraîne l'épuisement de cette ressource au détriment de tous. Imaginons un pâturage ouvert à tous les éleveurs d'un village. Si chaque éleveur cherche à maximiser son gain en y faisant paître le plus grand nombre possible de ses propres animaux, le pâturage sera rapidement surutilisé et sa qualité diminuera, jusqu'à ne plus être capable de régénérer naturellement. À terme, le pâturage devient inutilisable pour l'ensemble de la communauté, y compris pour les éleveurs qui, au départ, en ont tiré avantage. | La tragédie des communs est un phénomène qui se produit lorsqu'une ressource partagée par plusieurs est surexploitée par des individus agissant indépendamment selon leur propre intérêt personnel immédiat, ce qui entraîne l'épuisement de cette ressource au détriment de tous. Imaginons un pâturage ouvert à tous les éleveurs d'un village. Si chaque éleveur cherche à maximiser son gain en y faisant paître le plus grand nombre possible de ses propres animaux, le pâturage sera rapidement surutilisé et sa qualité diminuera, jusqu'à ne plus être capable de régénérer naturellement. À terme, le pâturage devient inutilisable pour l'ensemble de la communauté, y compris pour les éleveurs qui, au départ, en ont tiré avantage. | ||
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En réponse à ce problème, des solutions telles que la privatisation de la ressource (attribution de droits de propriété privés), l'établissement de limites d'exploitation (quotas), ou l'instauration de systèmes de gestion communautaire ont été proposées. Elinor Ostrom a remis en question l'inévitabilité de la tragédie des communs en démontrant que des groupes d'individus sont capables de créer des systèmes de gestion durable des ressources communes à travers des règles d'auto-gestion efficaces et des sanctions pour non-respect. Les approches de gestion varient considérablement, mais elles partagent une reconnaissance commune de la nécessité de réguler l'utilisation des ressources partagées pour éviter l'épuisement et garantir leur disponibilité pour les générations futures. | En réponse à ce problème, des solutions telles que la privatisation de la ressource (attribution de droits de propriété privés), l'établissement de limites d'exploitation (quotas), ou l'instauration de systèmes de gestion communautaire ont été proposées. Elinor Ostrom a remis en question l'inévitabilité de la tragédie des communs en démontrant que des groupes d'individus sont capables de créer des systèmes de gestion durable des ressources communes à travers des règles d'auto-gestion efficaces et des sanctions pour non-respect. Les approches de gestion varient considérablement, mais elles partagent une reconnaissance commune de la nécessité de réguler l'utilisation des ressources partagées pour éviter l'épuisement et garantir leur disponibilité pour les générations futures. | ||
=== | === Cooperation entre eleveurs === | ||
Ce tableau montre une matrice des gains nets pour deux éleveurs, Anne et John, qui doivent décider du nombre de vaches qu'ils vont faire paître sur un champ commun. L'équilibre de Nash est indiqué dans la matrice, mettant en lumière le résultat où Anne et John choisissent tous les deux de faire paître six vaches, ce qui est une stratégie non coopérative. | Ce tableau montre une matrice des gains nets pour deux éleveurs, Anne et John, qui doivent décider du nombre de vaches qu'ils vont faire paître sur un champ commun. L'équilibre de Nash est indiqué dans la matrice, mettant en lumière le résultat où Anne et John choisissent tous les deux de faire paître six vaches, ce qui est une stratégie non coopérative. | ||
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Cette situation illustre la "tragédie des communs", où des individus, agissant indépendamment et rationnellement selon leur propre intérêt personnel, finissent par épuiser une ressource partagée, malgré le fait que cela va à l'encontre de l'intérêt à long terme de la communauté, y compris le leur. La gestion "responsable" du champ commun n'est pas attrayante pour les individus car le bénéfice d'une telle gestion est minime, surtout si les autres éleveurs ne se comportent pas de manière responsable. La conséquence directe est une dégradation de la ressource partagée au détriment de tous. | Cette situation illustre la "tragédie des communs", où des individus, agissant indépendamment et rationnellement selon leur propre intérêt personnel, finissent par épuiser une ressource partagée, malgré le fait que cela va à l'encontre de l'intérêt à long terme de la communauté, y compris le leur. La gestion "responsable" du champ commun n'est pas attrayante pour les individus car le bénéfice d'une telle gestion est minime, surtout si les autres éleveurs ne se comportent pas de manière responsable. La conséquence directe est une dégradation de la ressource partagée au détriment de tous. | ||
=== | === Les zones de pêche === | ||
Le problème des zones de pêche illustre parfaitement la complexité de la gestion des biens communs qui sont soumis à la rivalité et à la difficulté d'exclusion. Les océans sont vastes et il est souvent techniquement ou économiquement impraticable d'exclure de nouveaux acteurs de l'exploitation des zones de pêche. Cependant, la ressource poissonnière, bien qu'apparemment abondante, est en réalité limitée et extrêmement sensible à la surpêche. | Le problème des zones de pêche illustre parfaitement la complexité de la gestion des biens communs qui sont soumis à la rivalité et à la difficulté d'exclusion. Les océans sont vastes et il est souvent techniquement ou économiquement impraticable d'exclure de nouveaux acteurs de l'exploitation des zones de pêche. Cependant, la ressource poissonnière, bien qu'apparemment abondante, est en réalité limitée et extrêmement sensible à la surpêche. | ||
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En fin de compte, la régulation des zones de pêche est un problème complexe qui nécessite une approche équilibrée pour protéger les moyens de subsistance des communautés de pêcheurs tout en préservant la durabilité des écosystèmes marins pour les générations futures. | En fin de compte, la régulation des zones de pêche est un problème complexe qui nécessite une approche équilibrée pour protéger les moyens de subsistance des communautés de pêcheurs tout en préservant la durabilité des écosystèmes marins pour les générations futures. | ||
=== | === Régulation === | ||
Lorsque des ressources naturelles, comme les zones de pêche, sont partagées entre plusieurs pays, la nécessité d'une gestion et d'une régulation transfrontalières devient particulièrement aiguë. Les océans ne connaissent pas de frontières, et les stocks de poissons migrent et se mélangent à travers les eaux internationales et les zones économiques exclusives de différents pays. Dans de tels contextes, l'action unilatérale n'est pas suffisante pour assurer la durabilité à long terme des stocks de poissons, et la coopération internationale devient impérative. | Lorsque des ressources naturelles, comme les zones de pêche, sont partagées entre plusieurs pays, la nécessité d'une gestion et d'une régulation transfrontalières devient particulièrement aiguë. Les océans ne connaissent pas de frontières, et les stocks de poissons migrent et se mélangent à travers les eaux internationales et les zones économiques exclusives de différents pays. Dans de tels contextes, l'action unilatérale n'est pas suffisante pour assurer la durabilité à long terme des stocks de poissons, et la coopération internationale devient impérative. | ||
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Cependant, de tels accords font face à des défis similaires à ceux de la "tragédie des communs", où chaque pays a une incitation à maximiser son développement économique et à minimiser les coûts de la réduction des émissions, tout en bénéficiant des efforts de réduction entrepris par les autres pays. C'est pourquoi la réussite de ces accords dépend non seulement de l'engagement des pays développés, qui sont historiquement les plus grands émetteurs, mais aussi de l'implication des pays en développement, qui sont les sources les plus importantes d'augmentation des émissions. La gouvernance climatique mondiale repose donc sur la capacité des pays à dépasser leurs intérêts immédiats et à collaborer pour le bien commun à long terme. | Cependant, de tels accords font face à des défis similaires à ceux de la "tragédie des communs", où chaque pays a une incitation à maximiser son développement économique et à minimiser les coûts de la réduction des émissions, tout en bénéficiant des efforts de réduction entrepris par les autres pays. C'est pourquoi la réussite de ces accords dépend non seulement de l'engagement des pays développés, qui sont historiquement les plus grands émetteurs, mais aussi de l'implication des pays en développement, qui sont les sources les plus importantes d'augmentation des émissions. La gouvernance climatique mondiale repose donc sur la capacité des pays à dépasser leurs intérêts immédiats et à collaborer pour le bien commun à long terme. | ||
== La | == La tragédie des communaux : coût privé versus coût social == | ||
[[Fichier:Tragédie_des_communaux_-_coût_privé_versus_coût_social_1.png|400px|vignette|centré]] | [[Fichier:Tragédie_des_communaux_-_coût_privé_versus_coût_social_1.png|400px|vignette|centré]] | ||
= Allocation du bien public = | |||
== Offre optimale == | |||
Une fois décidé qu’un bien public doit être fourni, il se pose la question de savoir dans quelle quantité. | |||
Sur le marché d’un bien privé, pour un prix donné, chacun consomme une quantité optimale du bien. | |||
:::Bien privé : des quantités différentes pour le même prix. | |||
Pour un bien public la question est plutôt de savoir pour une quantité donnée du bien public (en raison de la non-rivalité) quel prix faire payer. | |||
Pour une fourniture efficiente, il faudrait que la somme des bénéfices marginaux (des volontés de payer) soit égale au coût de fabrication du bien public. Chaque individu paye ensuite l’équivalent de sa volonté de payer. | |||
:::Bien public : la même quantité avec des prix différents. | |||
== Demandes individuelles et demande agrégée : bien privé == | |||
[[Fichier:Demandes individuelles et demande agrégée bien privé 1.png|400px|vignette|centré|Au prix d'équilibre de marché, chaque consommateur consomme une quantité différente du bien]] | [[Fichier:Demandes individuelles et demande agrégée bien privé 1.png|400px|vignette|centré|Au prix d'équilibre de marché, chaque consommateur consomme une quantité différente du bien]] | ||
== Demandes individuelles et demande agrégée : bien public == | |||
La quantité consommée est la même, mais chacun paie un prix différent. | |||
Si on avait prix = Cm (marché privé), l'offre du bien serait sous-optimale ou nulle. | |||
[[Fichier:Demandes individuelles et demande agrégée bien public 1.png|400px|vignette|centré]] | [[Fichier:Demandes individuelles et demande agrégée bien public 1.png|400px|vignette|centré]] | ||
== Exemple == | |||
Par exemple, si pour avoir un service de voirie des rues donné, le coût est de 100 et que Jean est prêt à payer 20, Jacques 30 et Paul 50, on a la quantité optimale du bien public, car la somme des volontés de payer est égale au coût de production du service. | |||
== | |||
Par exemple, si pour avoir un service de voirie des rues donné, le coût est de 100 et que Jean est prêt à payer 20, Jacques 30 et Paul 50, on a la quantité optimale du bien public, car la somme des volontés de payer est égale au coût de production du service | |||
Or, une entreprise privée de voirie ne pourrait pas financer ce service en faisant payer chacun selon sa volonté de payer à cause du problème de passager clandestin et des préférences non-révélées. | |||
L'État, de son côté, pourra procéder à une évaluation des bénéfices du service de voirie et, une fois établie la quantité optimale, grâce à son pouvoir de coercition, obliger les citoyens à se partager son financement. (Mais, comment évaluer le bénéfice et répartir au mieux le fardeau entre citoyens si l'État lui-même ne connait pas les préférences de chacun? → questions très délicates...) | |||
== | == Analyse coûts-bénéfice == | ||
Une solution consiste donc à procéder à une analyse coûts-bénéfices, en procédant au décompte de tous les bénéfices et tous les coûts (monétaires et non-monétaires) pour la collectivité associés à une certaine quantité du bien public. | |||
Problème: sans prix, comment estimer les bénéfices et coûts pour la société d’un bien public? Exemples : | |||
*quelle valeur sociale pour une ambassade? Un zoo? | |||
*des routes plus sûres? Valeur d’une vie sauvée? | |||
*valeur d’une atteinte à la bio-diversité? Combien vaut une forêt? | |||
Ce type d’analyse est nécessairement complexe et emprunt de subjectivité dans l’évaluation des coûts et des bénéfices. | |||
:Selon le poids que l’on donne à l’énergie générée par un barrage hydro- électrique et les atteintes aux riverains et la bio-diversité, différentes décisions pourraient être prises. | |||
== Exemple : construction d'un pont == | |||
Analyse coût-bénéfice de la construction d'un pont sur une rivière (bien mixte). | |||
= | Bénéfices | ||
*Bénéfices monétaires: péage (si péage il y a) que les automobilistes paient. | |||
*Bénéfices non-monétaires: surplus des consommateurs = automobilistes. | |||
*Externalités positives: plus de tourisme dans des régions autrement isolées, trafic moins congestionné sur les routes. | |||
Coûts | |||
*Coûts monétaires : paiement de l’entreprise de construction. | |||
*Coûts non-monétaires : perte sèche du prélèvement d'une taxe pour financer la construction du pont. | |||
*Externalités négative : moins de profits pour le tourisme dans d’autres régions ou pour la compagnie qui faisait la traversée en bateau (externalités monétaires) + vue des riverains ou destruction de la vie sauvage dans les environs (externalités non-monétaires). | |||
== Exemple : la valeur d'une vie == | |||
Très souvent, les décideurs politiques doivent se prononcer sur l’amélioration de la sécurité (lieu de travail, circulation, loisirs...) et le projet peut nécessité des coûts qu’il faut mettre en balance avec des vies sauvées. | |||
Problème : quelle valeur donner à une vie sauvée? | |||
:'''Approche du capital humain''' : utilisée dans certains tribunaux aux USA pour évaluer des dommages compensatoires. Problème d’équité: ceux dont les proches décédés n’ont pas fait d’études reçoivent moins que ceux ayant un niveau d'éducation élevé. | |||
:'''Approche des dépenses de sécurité''' : tout ce que les gens payent pour avoir un airbag, des freins ABS ou un extincteur. | |||
:'''Approche de la valeur statistique''' : le marché du travail comporte des risques de décès que les travailleurs peuvent être prêts à prendre si on les compense avec une prime salariale de risque encouru. | |||
== Analyse coûts-bénéfice et le temps == | |||
Un autre problème qui se pose aux décideurs survient lorsque les flux de coûts et de bénéfices arrivent à des périodes différentes. | |||
Exemple: meilleur encadrement éducatif, investissement dans une meilleure épuration des eaux, reboisement d’une forêt... coûts sont subis aujourd’hui, alors que les bénéfices sont plus éloignés dans le futur. | |||
Or: “un tiens vaut mieux que deux tu l’auras”. Autrement dit, les individus ne donnent pas la même valeur à des flux de coûts ou bénéfices présents et futurs: c’est la préférence pour le présent. | |||
Il est clairement très difficile de faire des évaluations des conséquences non-monétaires ou des externalités, mais on peut aussi avoir beaucoup d'incertitude sur tout ce qui est monétaire. | |||
== L'État de droit est un bien public == | |||
Les | Les résultats d’efficience du marché dépendent crucialement du respect de l’État de droit et, en particulier, de la sauvegarde des droits de propriété, mais aussi des libertés individuelles de base. Sans respect des droits fondamentaux, pas d'efficience de l'économie de marché. | ||
Or, le marché seul ne permet pas en soi de voir émerger un État de droit. | |||
::La poursuite de l’intérêt privé (main invisible) seule donne lieu à des situations de non-droit où les échanges sont réduits, car découragés par l’expropriation (seigneurs de guerre, mafia, Far West...). | |||
::La collectivité dans son ensemble pâtit du non-respect des droits fondamentaux. Loi du plus fort : l'incitation n'est pas à la production mais à l'extorsion. | |||
Les sociétés de chasseurs cueilleurs vivent sans droits de propriété! Mais: sont peu nombreux en regard des ressources environnantes. Dès que la pression démographique augmente, les ressources sont épuisées, car il n’y a pas d’incitation à les préserver (tragédie des communaux). | |||
= Résumé = | |||
Les biens diffèrent au regard de leur nature: (non-)exclusion et (non-)rivalité. | |||
Exclusion: il est possible d’empêcher quelqu’un de l’utiliser. Un bien est rival dans le cas où, s’il est consommé par quelqu’un, la possibilité qu’il soit aussi consommé par quelqu’un d’autre est réduite. | |||
Les biens publics purs sont caractérisés par la non-exclusion et la non- rivalité. | |||
Si l’exclusion n’est pas possible, les individus sont incités à se comporter en passagers clandestins lorsque ce bien est fourni par le secteur privé. | |||
L’État prend en charge les biens publics et décide de la quantité à fournir au moyen d’une analyse coûts-bénéfices. | |||
Les ressources communes sont des biens rivaux sans exclusion possible. | |||
Comme les individus ne paient pas pour l’utilisation de ces ressources, ils tendent à les sur-exploiter. | |||
Le | L’État est dans ce cas nécessaire pour suppléer au marché. Le problème devient critique lorsque la ressource dépasse les frontières nationales d’un pays. | ||
= Annexes = | = Annexes = | ||
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[[Catégorie:Federica Sbergami]] | [[Catégorie:Federica Sbergami]] | ||
[[Catégorie:Giovanni Ferro-Luzzi]] | [[Catégorie:Giovanni Ferro-Luzzi]] | ||
[[Category:2011]] | |||
[[Category:2012]] | |||
[[Category:2013]] | |||
[[Category:2014]] |