Modification de La théorie des droits de Robert Nozick

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| cours = [[Théorie politique]]
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| professeurs = [[Matteo Gianni]]<ref>[https://unige.ch/sciences-societe/speri/membres/matteo-gianni/ Page personnelle de Matteo Gianni sur le site de l'Université de Genève]</ref><ref>Concordia University, Faculty of Arts and Science - Department of Political Science. “Dr. Matteo Gianni.” Dr. Matteo Gianni, https://www.concordia.ca/artsci/polisci/wssr/all-guest-lecturers/matteogianni.html</ref><ref>Profil de Matteo Gianni sur ResearchGate: https://www.researchgate.net/scientific-contributions/2010087511_Matteo_Gianni</ref><ref>Profil Linkedin de Matteo Gianni - https://www.linkedin.com/in/matteo-gianni-2438b135/?originalSubdomain=ch</ref><ref>[https://scholar.google.com/citations?user=QP7aLBAAAAAJ&hl=fr Matteo Gianni - Citations Google Scholar]</ref><ref>“Matteo Gianni - Auteur - Ressources De La Bibliothèque Nationale De France.” Data.bnf.fr, https://data.bnf.fr/fr/16166342/matteo_gianni/.</ref><ref>“Matteo Gianni: Università Degli Studi Di Udine / University of Udine.” Academia.edu, https://uniud.academia.edu/MatteoGianni.</ref>
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| lectures =
*[[Qu’est-ce que la théorie politique ? Enjeux épistémologiques]]
*[[Qu’est-ce que la théorie politique ? Enjeux méta-éthiques]]
*[[La théorie égalitariste de la justice distributive de John Rawls]]
*[[La théorie des droits de Robert Nozick]]
*[[La théorie de l’égalité des ressources de Ronald Dworkin]]
*[[La théorie des capabilités d’Amartya Sen et Marta Nussbaum]]
*[[La perspective communautarienne]]
*[[La perspective multiculturaliste]]
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{{Translations
| en = The theory of rights by Robert Nozick
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= Friedrich Hayek : 1899 – 1992 (prix Nobel d’économie en 1974) =
= Friedrich Hayek : 1899 – 1992 (prix Nobel d’économie en 1974) =


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L’idée de l’État minimal est l’idée qu’on a juste besoin d’une institution qui protège contre la violence, le vol, la fraude, et la garantie du respect des contrats, est justifiée. Au-delà de ces justifications, l’intervention de l’État est injustifiée. Il y a l’idée que l’idée même d’une société est une idée qui ne veut pas dire grand-chose. La société est l’agrégation de trajectoires dynamiques universelles, mais il n’y a pas quelque chose appelé de société qui ferait objet de justice. Ce que nous avons pour axer une gestion juste des individus est la garantie de leur liberté et de leur propriété.<ref>Wolff, Jonathan. [https://books.google.be/books?id=NthSDwAAQBAJ&printsec=frontcover&dq=Robert+Nozick:+Property,+Justice+and+the+Minimal+State&hl=en&sa=X&ved=0ahUKEwiB7_qj6MnnAhXCCewKHeUNBfUQ6AEIKTAA#v=onepage&q=Robert%20Nozick%3A%20Property%2C%20Justice%20and%20the%20Minimal%20State&f=false Robert Nozick: property, justice and the minimal state]. John Wiley & Sons, 2018.</ref><ref>Wood, D. (1978). Nozick’s Justification of the Minimal State. Ethics, 88(3), 260–262. https://doi.org/10.1086/292077</ref><ref>Buchanan, James M. “Utopia, the Minimal State, and Entitlement.” Public Choice, vol. 23, 1975, pp. 121–126. JSTOR, https://www.jstor.org/stable/30022836.</ref><ref>Paul, Jeffrey, and Robert Nozick. [https://heinonline.org/HOL/LandingPage?handle=hein.journals/arz19&div=7&id=&page= Reading Nozick: Essays on Anarchy, State, and Utopia]. Rowman &amp; Littlefield, 1981.</ref>
L’idée de l’État minimal est l’idée qu’on a juste besoin d’une institution qui protège contre la violence, le vol, la fraude, et la garantie du respect des contrats, est justifiée. Au-delà de ces justifications, l’intervention de l’État est injustifiée. Il y a l’idée que l’idée même d’une société est une idée qui ne veut pas dire grand-chose. La société est l’agrégation de trajectoires dynamiques universelles, mais il n’y a pas quelque chose appelé de société qui ferait objet de justice. Ce que nous avons pour axer une gestion juste des individus est la garantie de leur liberté et de leur propriété.<ref>Wolff, Jonathan. [https://books.google.be/books?id=NthSDwAAQBAJ&printsec=frontcover&dq=Robert+Nozick:+Property,+Justice+and+the+Minimal+State&hl=en&sa=X&ved=0ahUKEwiB7_qj6MnnAhXCCewKHeUNBfUQ6AEIKTAA#v=onepage&q=Robert%20Nozick%3A%20Property%2C%20Justice%20and%20the%20Minimal%20State&f=false Robert Nozick: property, justice and the minimal state]. John Wiley & Sons, 2018.</ref><ref>Wood, D. (1978). Nozick’s Justification of the Minimal State. Ethics, 88(3), 260–262. https://doi.org/10.1086/292077</ref><ref>Buchanan, James M. “Utopia, the Minimal State, and Entitlement.” Public Choice, vol. 23, 1975, pp. 121–126. JSTOR, https://www.jstor.org/stable/30022836.</ref><ref>Paul, Jeffrey, and Robert Nozick. [https://heinonline.org/HOL/LandingPage?handle=hein.journals/arz19&div=7&id=&page= Reading Nozick: Essays on Anarchy, State, and Utopia]. Rowman &amp; Littlefield, 1981.</ref>


Pour les libertariens, les limites de l’action étatique se retrouvent dans le paternalisme, à savoir les lois visant à protéger les individus contre eux-mêmes. Ceci va de pair avec le moralisme légal qui est les lois réduisant la liberté au nom de la morale. Ce n’est pas à la loi d’inscrire des formes morales qui vont réguler notre comportement. Il n’y a aucune raison que l’État intervienne dans la redistribution des revenus et de la richesse parce que la redistribution remet en question les libertés de l’individu.<ref>Thaler, R. H., & Sunstein, C. R. (2003). Libertarian Paternalism. American Economic Review, 93(2), 175–179. https://doi.org/10.1257/000282803321947001</ref><ref>Sunstein, Cass R., and Richard H. Thaler. “Libertarian Paternalism Is Not an Oxymoron.” The University of Chicago Law Review, vol. 70, no. 4, 2003, pp. 1159–1202. JSTOR, https://www.jstor.org/stable/1600573.</ref><ref>Rebonato, Riccardo. [https://books.google.be/books?id=_qRR-unrlP4C&printsec=frontcover&dq=Taking+Liberties:+A+Critical+Examination+of+Libertarian+Paternalism&hl=en&sa=X&ved=0ahUKEwjcku6H68nnAhXusaQKHQCJBNYQ6AEIKTAA#v=onepage&q=Taking%20Liberties%3A%20A%20Critical%20Examination%20of%20Libertarian%20Paternalism&f=false Taking Liberties A Critical Examination of Libertarian Paternalism]. Palgrave Macmillan, 2015.</ref>
Pour les libertariens, les limites de l’action étatique se retrouvent dans le paternalisme, à savoir les lois visant à protéger les individus contre eux-mêmes. Ceci va de pair avec le moralisme légal qui est les lois réduisant la liberté au nom de la morale. Ce n’est pas à la loi d’inscrire des formes morales qui vont réguler notre comportement. Il n’y a aucune raison que l’État intervienne dans la redistribution des revenus et de la richesse parce que la redistribution remet en question les libertés de l’individu.<ref>Thaler, R. H., & Sunstein, C. R. (2003). Libertarian Paternalism. American Economic Review, 93(2), 175–179. https://doi.org/10.1257/000282803321947001</ref><ref>Sunstein, Cass R., and Richard H. Thaler. “Libertarian Paternalism Is Not an Oxymoron.” The University of Chicago Law Review, vol. 70, no. 4, 2003, pp. 1159–1202. JSTOR, https://www.jstor.org/stable/1600573.</ref><ref>Sunstein, Cass R., and Richard H. Thaler. [https://heinonline.org/HOL/LandingPage?handle=hein.journals/illlr99&div=43&id=&page= Libertarian Paternalism Is Not an Oxymoron]. The Law School, University of Chicago, 2003.</ref><ref>Rebonato, Riccardo. [https://books.google.be/books?id=_qRR-unrlP4C&printsec=frontcover&dq=Taking+Liberties:+A+Critical+Examination+of+Libertarian+Paternalism&hl=en&sa=X&ved=0ahUKEwjcku6H68nnAhXusaQKHQCJBNYQ6AEIKTAA#v=onepage&q=Taking%20Liberties%3A%20A%20Critical%20Examination%20of%20Libertarian%20Paternalism&f=false Taking Liberties A Critical Examination of Libertarian Paternalism]. Palgrave Macmillan, 2015.</ref>


Posons deux expériences de pensée pour montrer le caractère contre-intuitif du principe de différence :  
Posons deux expériences de pensée pour montrer le caractère contre-intuitif du principe de différence :  
*le développement de la technique médicale permet désormais de transplanter des globes oculaires avec un taux de réussite de 100 %. Dans la mesure où certaines personnes sont nées avec des yeux et d’autres pas, faudrait-il redistribuer les yeux ? Faudrait-il organiser une loterie nationale et obliger les « perdants » à donner un de leurs yeux aux aveugles ? L’idée est de montrer le caractère injuste du modèle distributif de Rawls. Pour Nozick, si avoir un œil est une condition fondamentale afin que nos biens sociaux premiers aient sens, alors pourquoi ne devrait-on pas remplacer les yeux par une loterie. Selon Nozick, il y a par cette expérience de pensée, quelque chose qui montre qu’il y a quelque chose d’intuitif dans la position de Rawls.<ref>Kasiwaba, Takehide. "[https://eprints.lib.hokudai.ac.jp/dspace/bitstream/2115/16861/1/%E5%80%AB%E7%90%86%E5%AD%A6%E5%B9%B4%E5%A0%B154.pdf A Refutation of the Thesis of Self-ownership]." 倫理学年報 54 (2005): 15-27.</ref><ref>McCabe, Helen. "[https://www.pdcnet.org/philnow/content/philnow_2012_0092_0019_0021 John Rawls and Justice]." Philosophy Now 92 (2012): 19-21.</ref>
*le développement de la technique médicale permet désormais de transplanter des globes oculaires avec un taux de réussite de 100 %. Dans la mesure où certaines personnes sont nées avec des yeux et d’autres pas, faudrait-il redistribuer les yeux ? Faudrait-il organiser une loterie nationale et obliger les « perdants » à donner un de leurs yeux aux aveugles ? L’idée est de montrer le caractère injuste du modèle distributif de Rawls. Pour Nozick, si avoir un œil est une condition fondamentale afin que nos biens sociaux premiers aient sens, alors pourquoi ne devrait-on pas remplacer les yeux par une loterie. Selon Nozick, il y a par cette expérience de pensée, quelque chose qui montre qu’il y a quelque chose d’intuitif dans la position de Rawls.<ref>Kasiwaba, Takehide. "[https://eprints.lib.hokudai.ac.jp/dspace/bitstream/2115/16861/1/%E5%80%AB%E7%90%86%E5%AD%A6%E5%B9%B4%E5%A0%B154.pdf A Refutation of the Thesis of Self-ownership]." 倫理学年報 54 (2005): 15-27.</ref><ref>McCabe, Helen. "[https://www.pdcnet.org/philnow/content/philnow_2012_0092_0019_0021 John Rawls and Justice]." Philosophy Now 92 (2012): 19-21.</ref>
*A et B aiment Z. B « gagne » le cœur de Z, car Z aime l’intelligence ainsi que la beauté de B. Faut-il redistribuer les ressources afin de permettre à A d’avoir une chirurgie esthétique et des cours de rhétorique pour compenser ses désavantages en amour ? Si le fait d’être aimé est une condition fondamentale à ce que les individus puissent être libre, et si on part de l’idée qu’il y a des gens qui, malgré le fait qu’ils essaient souvent, mais n’arrivent pas à être aimés, faut-il prendre en charge par le biais d’une taxation, des formes de chirurgie esthétique ou des cours de soutien à l’employabilité amoureuse de ces personnes. Pour Nozick, cela parait très contrintuitif parce qu’il y a une dose de subjectivité qui ne fait aucun sens d’être redistribué.
*A et B aiment Z. B « gagne » le cœur de Z, car Z aime l’intelligence ainsi que la beauté de B. Faut-il redistribuer les ressources afin de permettre à A d’avoir une chirurgie esthétique et des cours de rhétorique pour compenser ses désavantages en amour ? Si le fait d’être aimé est une condition fondamentale à ce que les individus puissent être libre, et si on part de l’idée qu’il y a des gens qui, malgré le fait qu’ils essaient souvent, mais n’arrivent pas à être aimés, faut-il prendre en charge par le biais d’une taxation, des formes de chirurgie esthétique ou des cours de soutien à l’employabilité amoureuse de ces personnes. Pour Nozick, cela parait très contrintuitif parce qu’il y a une dose de subjectivité qui ne fait aucun sens d’être redistribué.  


Autant l’idée de loterie nationale pour donner un œil est absurde, autant l’idée de librement donner un œil garantit une propriété de soi qui est l’utilisation que nous faisons de notre corps. Un libertarien de droite aurait tendance à considérer que la prostitution ne pose aucun problème moral si la prostitution est un choix autonome est pas contraint. Pour Nozick, il faut laisser la possibilité maximale aux individus de se déterminer, on ne peut pas dire extérieurement ce qui est bien ou mal parce que ceci violerait la manière dont les individus disposent de la propriété de leur corps.<ref>Ehman, R. (1991). Rawls and Nozick; Justice Without Well-Being. In Equality and Liberty (pp. 313–329). Palgrave Macmillan UK. https://doi.org/10.1007/978-1-349-21763-2_19</ref><ref>Bardon, A. (2000). From Nozick to welfare rights: Self‐ownership, property, and moral desert. Critical Review, 14(4), 481–501. https://doi.org/10.1080/08913810008443570</ref>
Autant l’idée de loterie nationale pour donner un œil est absurde, autant l’idée de librement donner un œil garantit une propriété de soi qui est l’utilisation que nous faisons de notre corps. Un libertarien de droite aurait tendance à considérer que la prostitution ne pose aucun problème moral si la prostitution est un choix autonome est pas contraint. Pour Nozick, il faut laisser la possibilité maximale aux individus de se déterminer, on ne peut pas dire extérieurement ce qui est bien ou mal parce que ceci violerait la manière dont les individus disposent de la propriété de leur corps.<ref>Ehman, R. (1991). Rawls and Nozick; Justice Without Well-Being. In Equality and Liberty (pp. 313–329). Palgrave Macmillan UK. https://doi.org/10.1007/978-1-349-21763-2_19</ref><ref>Bardon, A. (2000). From Nozick to welfare rights: Self‐ownership, property, and moral desert. Critical Review, 14(4), 481–501. https://doi.org/10.1080/08913810008443570</ref>


=Le libertarisme philosophique de Nozick=
= Le libertarisme philosophique de Nozick =


[[File:Robert nozick.jpg|thumb|Robert Nozick.<ref>Mack, Eric, "Robert Nozick's Political Philosophy", The Stanford Encyclopedia of Philosophy (Summer 2018 Edition), Edward N. Zalta (ed.), URL = <https://plato.stanford.edu/archives/sum2018/entries/nozick-political/>.</ref>]]
[[File:Robert nozick.jpg|thumb|Robert Nozick.<ref>Mack, Eric, "Robert Nozick's Political Philosophy", The Stanford Encyclopedia of Philosophy (Summer 2018 Edition), Edward N. Zalta (ed.), URL = <https://plato.stanford.edu/archives/sum2018/entries/nozick-political/>.</ref>]]
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La critique interne de Nozick à la cohérence des principes de justice de Rawls se pose comme suit :
La critique interne de Nozick à la cohérence des principes de justice de Rawls se pose comme suit :
 
#Il n’est pas cohérent de défendre en même temps le principe de liberté et le principe de différence, car défendre la liberté veut dire s’abstenir de limiter les droits de propriété. Or le principe de différence remet en cause les droits de propriété, va à l’encontre du principe de liberté et donc remet en cause l’inviolabilité de droits fondamentaux. Toute ingérence de l’État implique une ingérence dans la propriété de soi amenant à nier la liberté au nom de l’égalité. La protection de nos libertés implique une abstention de l’État à s’impliquer dans nos vies. Nozick est une théorie de la liberté négative voulant démarquer l’idée que nous sommes libres grâce à la non-ingérence de la part de l’État. Ce qui compte pour lui est d’éviter qu’un appareil d’État fondé pour des fins injustes intervienne dans notre sphère de liberté en la limitant.<ref>Carter, Ian, "Positive and Negative Liberty", The Stanford Encyclopedia of Philosophy (Winter 2019 Edition), Edward N. Zalta (ed.), URL = <https://plato.stanford.edu/archives/win2019/entries/liberty-positive-negative/>.</ref><ref>Skinner, Quentin. "[https://books.google.fr/books?hl=en&lr=&id=Jmi1M8BFyFMC&oi=fnd&pg=PA193&dq=nozick+negative+liberty&ots=ftJ-WnWpMt&sig=FEJXOj-7C6-54eXdRHog_w9st64#v=onepage&q=nozick%20negative%20liberty&f=false The idea of negative liberty: philosophical and historical perspectives]." Philosophy in history (1984): 193-221.</ref><ref>Brennan, J. (2018). Libertarianism after Nozick. Philosophy Compass, 13(2), e12485. https://doi.org/10.1111/phc3.12485</ref>  
#Il n’est pas cohérent de défendre en même temps le principe de liberté et le principe de différence, car défendre la liberté veut dire s’abstenir de limiter les droits de propriété. Or le principe de différence remet en cause les droits de propriété, va à l’encontre du principe de liberté et donc remet en cause l’inviolabilité de droits fondamentaux. Toute ingérence de l’État implique une ingérence dans la propriété de soi amenant à nier la liberté au nom de l’égalité. La protection de nos libertés implique une abstention de l’État à s’impliquer dans nos vies. Nozick est une théorie de la liberté négative voulant démarquer l’idée que nous sommes libres grâce à la non-ingérence de la part de l’État. Ce qui compte pour lui est d’éviter qu’un appareil d’État fondé pour des fins injustes intervienne dans notre sphère de liberté en la limitant.<ref>Carter, Ian, "Positive and Negative Liberty", The Stanford Encyclopedia of Philosophy (Winter 2019 Edition), Edward N. Zalta (ed.), URL = <https://plato.stanford.edu/archives/win2019/entries/liberty-positive-negative/>.</ref><ref>Skinner, Quentin. "[https://books.google.fr/books?hl=en&lr=&id=Jmi1M8BFyFMC&oi=fnd&pg=PA193&dq=nozick+negative+liberty&ots=ftJ-WnWpMt&sig=FEJXOj-7C6-54eXdRHog_w9st64#v=onepage&q=nozick%20negative%20liberty&f=false The idea of negative liberty: philosophical and historical perspectives]." Philosophy in history (1984): 193-221.</ref><ref>Brennan, J. (2018). Libertarianism after Nozick. Philosophy Compass, 13(2), e12485. https://doi.org/10.1111/phc3.12485</ref>
#La [[La théorie égalitariste de la justice distributive de John Rawls|conception de la théorie de Rawls]] est le modèle de l’équité. Contrairement à Rawls, Nozick défend une conception historique qui veut dire que la situation actuelle et juste, sa propriété est juste à condition de l’avoir acquis de manière moralement fondée à un moment historique. Pour Nozick, si on acquit un objet selon des principes de justice en vigueur, alors l’objet est acquis de manière juste. C’est l’idée que par ce qui était préalable à la situation de justice analysée que nous allons trouver si la possession d’aujourd’hui est justifiée ou pas et ce n’est pas en référence à un critère externe.<ref>Schaefer, D. L. (2006). PROCEDURAL VERSUS SUBSTANTIVE JUSTICE: RAWLS AND NOZICK. Social Philosophy and Policy, 24(1), 164–186. https://doi.org/10.1017/s0265052507070070 </ref> En d’autres termes, il y a une distinction de deux types de théories de la justice :  
#La [[La théorie égalitariste de la justice distributive de John Rawls|conception de la théorie de Rawls]] est le modèle de l’équité. Contrairement à Rawls, Nozick défend une conception historique qui veut dire que la situation actuelle et juste, sa propriété est juste à condition de l’avoir acquis de manière moralement fondée à un moment historique. Pour Nozick, si on acquit un objet selon des principes de justice en vigueur, alors l’objet est acquis de manière juste. C’est l’idée que par ce qui était préalable à la situation de justice analysée que nous allons trouver si la possession d’aujourd’hui est justifiée ou pas et ce n’est pas en référence à un critère externe.<ref>Schaefer, D. L. (2006). PROCEDURAL VERSUS SUBSTANTIVE JUSTICE: RAWLS AND NOZICK. Social Philosophy and Policy, 24(1), 164–186. https://doi.org/10.1017/s0265052507070070 </ref> En d’autres termes, il y a une distinction de deux types de théories de la justice :  
##les théories stipulant un état final de redistribution dont on peut évaluer la réalisation sur la base des données présentes, ou un modèle de distribution donné [patterned; en fonction des besoins, du mérite, etc.]. C’est le cas de Rawls ;
##les théories stipulant un état final de redistribution dont on peut évaluer la réalisation sur la base des données présentes, ou un modèle de distribution donné [patterned; en fonction des besoins, du mérite, etc.]. C’est le cas de Rawls ;  
##les théories historiques, selon lesquelles seule la nature des échanges antérieurs ou des circonstances qui ont doté certains de ressources (ou pas) permettent de définir le caractère juste ou injuste de la situation présente. C’est l’approche de Nozick.
##les théories historiques, selon lesquelles seule la nature des échanges antérieurs ou des circonstances qui ont doté certains de ressources (ou pas) permettent de définir le caractère juste ou injuste de la situation présente. C’est l’approche de Nozick.  
#L’exemple de Wilt Chamberlain. Imaginons qu’un modèle de distribution soit introduit, par exemple axé sur les besoins de chacun (D1). Imaginons que W. Chamberlain, star du basket, demande que chaque spectateur verse 25 centimes dans une cagnotte pour l’admirer jouer. À la fin de la saison, si 1 million de personnes ont voulu admirer WC, ce dernier aura constitué un patrimoine de 250’000.-. Ce patrimoine consiste en une nouvelle forme de redistribution (D2). Pour Nozick, on ne peut pas obliger les gens à leur dire quoi faire de leur argent. C’est une nouvelle distribution D2 qui n’est plus la même que D1. Pour Rawls, il faudrait redistribuer ce revenu. Pour Nozick, à partir du moment où les individus ont payé en âme et conscience d’aller voir jouer un joueur, rien ne peut justifier de le déposséder.<ref>Fried, Barbara. “Wilt Chamberlain Revisited: Nozick's ‘Justice in Transfer’ and the Problem of Market-Based Distribution.” Philosophy & Public Affairs, vol. 24, no. 3, 1995, pp. 226–245. JSTOR, https://www.jstor.org/stable/2961901.</ref><ref>Cohen, G.A. Robert Nozick and Wilt Chamberlain: How patterns preserve liberty. Erkenntnis 11, 5–23 (1977). https://doi.org/10.1007/BF00169842</ref><ref>Davis, Lawrence. “Comments on Nozick's Entitlement Theory.” The Journal of Philosophy, vol. 73, no. 21, 1976, pp. 836–844. JSTOR, https://www.jstor.org/stable/2025404.</ref><ref>Pressman, Steven. "[https://web.a.ebscohost.com/abstract?direct=true&profile=ehost&scope=site&authtype=crawler&jrnl=13637029&AN=88335964&h=oYqQJ6%2bfX5m3ynm49rbNFig9V1kyiDZMKq4aO6%2bwY09s1JtOfncPLgY5UlgGhrtUODZQ6KIgLgMT1MclSEmwBg%3d%3d&crl=c&resultNs=AdminWebAuth&resultLocal=ErrCrlNotAuth&crlhashurl=login.aspx%3fdirect%3dtrue%26profile%3dehost%26scope%3dsite%26authtype%3dcrawler%26jrnl%3d13637029%26AN%3d88335964 Justice and History: the big problem of Wilt Chamberlain]." Economic Issues 18.1 (2013).</ref><ref>Fitz-Claridge, Liberty. "[https://heinonline.org/HOL/LandingPage?handle=hein.journals/libpa7&div=6&id=&page= Wilt Chamberlain Revisited Revisited: Interpretive, Practical, and Theoretical Problems for Fried's Left-Lockeanism]." Libertarian Papers 7 (2015): 55.</ref>
#L’exemple de Wilt Chamberlain. Imaginons qu’un modèle de distribution soit introduit, par exemple axé sur les besoins de chacun (D1). Imaginons que W. Chamberlain, star du basket, demande que chaque spectateur verse 25 centimes dans une cagnotte pour l’admirer jouer. À la fin de la saison, si 1 million de personnes ont voulu admirer WC, ce dernier aura constitué un patrimoine de 250’000.-. Ce patrimoine consiste en une nouvelle forme de redistribution (D2). Pour Nozick, on ne peut pas obliger les gens à leur dire quoi faire de leur argent. C’est une nouvelle distribution D2 qui n’est plus la même que D1. Pour Rawls, il faudrait redistribuer ce revenu. Pour Nozick, à partir du moment où les individus ont payé en âme et conscience d’aller voir jouer un joueur, rien ne peut justifier de le déposséder.
#Quelles implications générales Nozick tire-t-il de cet exemple ? L’action libre et volontaire des individus (D2) remet inéluctablement en cause le modèle de distribution de départ ; le modèle D1 est ainsi vulnérable. Quelque part, l’idée est d’organiser la coopération sociale autour d’un modèle de justice qui produit toujours des effets vertueux et réfutés. Si D1 est juste, alors le fait qu’il ait été produit par l’action libre et volontaire des individus rend D2 juste aussi, et ceci même si cette distribution n’est pas conforme au modèle (D1) de départ. Ainsi, l’idée même de l’existence d’un modèle de distribution déterminé est réfutée. Donc, les modèles de distribution ne peuvent être appliqués qu’en provoquant de graves entorses au principe de liberté, car dans le cas de D2, afin de rétablir la prépondérance de D1, la seule possibilité est de (a) interdire D2 ou (b) intervenir dans D2 pour en redistribuer les ressources. Dans les deux cas, il existe une intrusion illégitime dans les libres choix des individus. Pour Nozick, l’intervention de l’État remet en cause la propriété de soi des individus et la volonté des spectateurs de financer Chamberlain pour le voir en question.
#Quelles implications générales Nozick tire-t-il de cet exemple ? L’action libre et volontaire des individus (D2) remet inéluctablement en cause le modèle de distribution de départ ; le modèle D1 est ainsi vulnérable. Quelque part, l’idée est d’organiser la coopération sociale autour d’un modèle de justice qui produit toujours des effets vertueux et réfutés. Si D1 est juste, alors le fait qu’il ait été produit par l’action libre et volontaire des individus rend D2 juste aussi, et ceci même si cette distribution n’est pas conforme au modèle (D1) de départ. Ainsi, l’idée même de l’existence d’un modèle de distribution déterminé est réfutée. Donc, les modèles de distribution ne peuvent être appliqués qu’en provoquant de graves entorses au principe de liberté, car dans le cas de D2, afin de rétablir la prépondérance de D1, la seule possibilité est de (a) interdire D2 ou (b) intervenir dans D2 pour en redistribuer les ressources. Dans les deux cas, il existe une intrusion illégitime dans les libres choix des individus. Pour Nozick, l’intervention de l’État remet en cause la propriété de soi des individus et la volonté des spectateurs de financer Chamberlain pour le voir en question.  
#Quelles implications pour les principes de justice de Rawls ? Le principe de différence (PD) est un modèle de distribution. Une fois que les individus auront reçu des ressources conformément au PD, ils feront des choix d’utilisation (dépenser, investir, épargner, etc.) qui aboutiront à terme à une situation dans laquelle la distribution du PD ne sera plus satisfaite. Les ressources devront être encore redistribuées, ce qui entraîne l’interférence de l’État dans les choix libres des individus. Ainsi, le fait de maintenir le PD entraîne une restriction de la liberté. Il en découle que si Rawls veut défendre la priorité du principe d’égale liberté, il doit renoncer au PD, car prendre la liberté au sérieux est incompatible avec l’application d’un modèle déterminé de redistribution. Les principes de justice de Rawls sont donc incohérents.
#Quelles implications pour les principes de justice de Rawls ? Le principe de différence (PD) est un modèle de distribution. Une fois que les individus auront reçu des ressources conformément au PD, ils feront des choix d’utilisation (dépenser, investir, épargner, etc.) qui aboutiront à terme à une situation dans laquelle la distribution du PD ne sera plus satisfaite. Les ressources devront être encore redistribuées, ce qui entraîne l’interférence de l’État dans les choix libres des individus. Ainsi, le fait de maintenir le PD entraîne une restriction de la liberté. Il en découle que si Rawls veut défendre la priorité du principe d’égale liberté, il doit renoncer au PD, car prendre la liberté au sérieux est incompatible avec l’application d’un modèle déterminé de redistribution. Les principes de justice de Rawls sont donc incohérents.


=De la critique à la proposition : la théorie des droits de propriété légitimes (Nozick, Anarchie, État et utopie, 1988 [1974])=
= De la critique à la proposition : la théorie des droits de propriété légitimes (Nozick, Anarchie, État et utopie, 1988 [1974]) =
 
Dans « Anarchie, État et Utopie » publié en 1974, Nozick propose deux principes importants et des principes de justice :
Dans ''Anarchie, État et Utopie'' publié en 1974, Nozick propose deux principes importants et des principes de justice<ref>Barry, Brian. Political Theory, vol. 3, no. 3, 1975, pp. 331–336. JSTOR, https://www.jstor.org/stable/191118.</ref> :
#la propriété de soi comme principe moral premier (la propriété privée comme concept central du libéralisme ; il s’inscrit dans la tradition de Locke) ;  
 
#toute limitation ou entorse au droit de propriété de soi est incompatible avec la position de Kant selon laquelle il faut traiter les personnes comme des fins en soi et non en tant que moyens et est donc immorale. Si on nous traite comme une fin, cela signifie qu’on nous respecte d’être dans notre autonomie d’être soi.  
#la propriété de soi comme principe moral premier (la propriété privée comme concept central du libéralisme ; il s’inscrit dans la tradition de Locke)<ref>Drury, S. B. (1982). Locke and Nozick on Property. Political Studies, 30(1), 28–41. https://doi.org/10.1111/j.1467-9248.1982.tb00517.x</ref> ;
#l’État n’a ainsi aucun droit à intervenir dans les échanges privés et les gains de propriété afin de les taxer et de les redistribuer. Ceci est injuste et illégitime.  
#toute limitation ou entorse au droit de propriété de soi est incompatible avec la position de Kant selon laquelle il faut traiter les personnes comme des fins en soi et non en tant que moyens et est donc immorale. Si on nous traite comme une fin, cela signifie qu’on nous respecte d’être dans notre autonomie d’être soi.<ref>Corlett, J. Angelo, ed. [https://books.google.fr/books?id=JvC-DAAAQBAJ&printsec=frontcover&dq=Equality+and+Liberty:+Analyzing+Rawls+and+Nozick&hl=en&sa=X&ved=0ahUKEwit3NT59sznAhWx4IUKHddgB-gQ6AEIKTAA#v=onepage&q=Equality%20and%20Liberty%3A%20Analyzing%20Rawls%20and%20Nozick&f=false Equality and liberty: analyzing Rawls and Nozick. Springer], 2016.</ref>
#l’État n’a ainsi aucun droit à intervenir dans les échanges privés et les gains de propriété afin de les taxer et de les redistribuer. Ceci est injuste et illégitime.<ref>Cohen, G. A. "[https://newleftreview.org/issues/I150/articles/g-a-cohen-nozick-on-appropriation.pdf Nozick on appropriation]." New Left Review 150 (1985): 89-105.</ref>
#Nozick propose trois principes pour déterminer qui est propriétaire légitime de biens et des ressources.  
#Nozick propose trois principes pour déterminer qui est propriétaire légitime de biens et des ressources.  
##L’acquisition initiale : elle est juste si fondée sur le droit du premier occupant (et si conforme à la clause restrictive lockéenne, à savoir l’acquisition initiale doit laisser suffisamment de ressources pour les autres et ne pas empirer leur situation). Pour Nozick, il est relativement simple de déterminer ce qu’est une acquisition initiale ;
##L’acquisition initiale : elle est juste si fondée sur le droit du premier occupant (et si conforme à la clause restrictive lockéenne, à savoir l’acquisition initiale doit laisser suffisamment de ressources pour les autres et ne pas empirer leur situation). Pour Nozick, il est relativement simple de déterminer ce qu’est une acquisition initiale ;
##Le transfert volontaire : seul ce qui est librement transféré, vendu ou donné est juste et entraîne une juste répartition des ressources ;
##Le transfert volontaire : seul ce qui est librement transféré, vendu ou donné est juste et entraîne une juste répartition des ressources ;  
##La rectification et correction des injustices est liée à une acquisition injuste comme, par exemple, des compensations notamment afin de déterminer des droits de propriété légitime. Pour Nozick, il faut encore qu’il reste suffisamment de ressources de propriétés pour les autres. Nozick met des clauses sur ce qu’on peut acquérir et comment l’utiliser.
##La rectification et correction des injustices est liée à une acquisition injuste comme, par exemple, des compensations notamment afin de déterminer des droits de propriété légitime. Pour Nozick, il faut encore qu’il reste suffisamment de ressources de propriétés pour les autres. Nozick met des clauses sur ce qu’on peut acquérir et comment l’utiliser.  


Pour Nozick, Rawls est incohérent, à savoir que ses principes de justice et plus spécifiquement le principe de différence ne peut pas être défendu si Rawls acceptait véritablement d’établir que la liberté ne peut être remise en question que par la liberté. Selon lui, du moment où un État redistributif veut imposer des formes d’égalité par le biais d’une taxation a visée distributive, il enfreint le principe de liberté. À ce moment, il y a une incohérence entre le premier principe d’égale liberté et le deuxième principe qui est le principe de différence.<ref>Meadowcroft, John. "[https://www.researchgate.net/profile/John_Meadowcroft/publication/313766342_Nozick's_critique_of_Rawls_Distribution_entitlement_and_the_assumptive_world_of_a_theory_of_justice/links/59330331a6fdcc89e7c5a31e/Nozicks-critique-of-Rawls-Distribution-entitlement-and-the-assumptive-world-of-a-theory-of-justice.pdf Nozick’s critique of Rawls: distribution, entitlement, and the asumptive world of A Theory of Justice]." The Cambridge companion to Nozick's Anarchy, State, and Utopia (2011): 168-196.</ref> 
Pour Nozick, Rawls est incohérent, à savoir que ses principes de justice et plus spécifiquement le principe de différence ne peut pas être défendu si Rawls acceptait véritablement d’établir que la liberté ne peut être remise en question que par la liberté. Selon lui, du moment où un État redistributif veut imposer des formes d’égalité par le biais d’une taxation a visée distributive, il enfreint le principe de liberté. À ce moment, il y a une incohérence entre le premier principe d’égale liberté et le deuxième principe qui est le principe de différence.  


Une fois cette critique établit, Nozick pose les jalons de sa propre démarche qui tourne autour de l’idée de propriété de soi qui est le principe fondamental de la position libertarienne de Nozick, à savoir que, quelque part, la propriété que nous avons sur nous-mêmes et sur ce que nous produisons permet aux individus d’acquérir des droits (entitlement) permettant par la suite d’établir ce qui est juste et ce qui ne l’est pas dans la manière de traiter quelqu’un.<ref>Davis, Lawrence. “Comments on Nozick's Entitlement Theory.” The Journal of Philosophy, vol. 73, no. 21, 1976, pp. 836–844. JSTOR, https://www.jstor.org/stable/2025404.</ref> L’acquisition initiale est ce qui a été acquis de manière juste, le premier venu qui s’est servi a un droit à l’acquisition. Si un individu décide de transférer sa propriété, pour que celle-ci soit juste, elle doit être volontaire et suivre un certain nombre de procédures par exemple en ayant un contrat qui établit la cession de propriété. Au cas où l’acquisition initiale n’a pas été faite selon les règles de l’art, à savoir au cas où cette acquisition initiale était déjà injuste en tant que telle comme l’occupation à la suite d’une guerre ou d’un vole, pour Nozick, il est nécessaire de rectifier cette acquisition par une compensation.  
Une fois cette critique établit, Nozick pose les jalons de sa propre démarche qui tourne autour de l’idée de propriété de soi qui est le principe fondamental de la position libertarienne de Nozick, à savoir que, quelque part, la propriété que nous avons sur nous-mêmes et sur ce que nous produisons permet aux individus d’acquérir des droits (entitlement) permettant par la suite d’établir ce qui est juste et ce qui ne l’est pas dans la manière de traiter quelqu’un. L’acquisition initiale est ce qui a été acquis de manière juste, le premier venu qui s’est servi a un droit à l’acquisition. Si un individu décide de transférer sa propriété, pour que celle-ci soit juste, elle doit être volontaire et suivre un certain nombre de procédures par exemple en ayant un contrat qui établit la cession de propriété. Au cas où l’acquisition initiale n’a pas été faite selon les règles de l’art, à savoir au cas où cette acquisition initiale était déjà injuste en tant que telle comme l’occupation à la suite d’une guerre ou d’un vole, pour Nozick, il est nécessaire de rectifier cette acquisition par une compensation.  


La question qui va se poser est comment rectifier les acquisitions établies à la suite d’esclavage ou de guerre et d’un point de vue politique cela semble compliqué, mais d’un point de vue purement théorique et idéale, Nozick propose une vision procédurale, simple et efficace afin d’établir comment on transfère d’une manière légitime des propriétés.
La question qui va se poser est comment rectifier les acquisitions établies à la suite d’esclavage ou de guerre et d’un point de vue politique cela semble compliqué, mais d’un point de vue purement théorique et idéale, Nozick propose une vision procédurale, simple et efficace afin d’établir comment on transfère d’une manière légitime des propriétés.


= (Quelques) Implications =
= (Quelques) Implications =
Qu’est-ce qu’il ressort de ces principes ?  
Qu’est-ce qu’il ressort de ces principes ?  


Dans la logique de Nozick, ce qui compte ce n’est pas le résultat de l’acquisition et la production de richesses, mais comment ces dernières ont été obtenues. C’est une forme de justice procédurale, fondée sur des principes historiques d’acquisition de la propriété. Nozick a une vision procédurale, il ne se pose pas la question éthique du bien inhérent à la propriété que l’on souhaite transférer ou pas, il ne se pose pas la question de savoir si les gens ont des bonnes raisons ou pas d’acquérir ou de transférer de la propriété. Ce qui l’intéresse est de savoir comment établir un certain nombre de règles et de procédures, d’établir que ce qu’on procède nous revient de manière juste ou légitime.
Dans la logique de Nozick, ce qui compte ce n’est pas le résultat de l’acquisition et la production de richesses, mais comment ces dernières ont été obtenues. C’est une forme de justice procédurale, fondée sur des principes historiques d’acquisition de la propriété. Nozick a une vision procédurale, il ne se pose pas la question éthique du bien inhérent à la propriété que l’on souhaite transférer ou pas, il ne se pose pas la question de savoir si les gens ont des bonnes raisons ou pas d’acquérir ou de transférer de la propriété. Ce qui l’intéresse est de savoir comment établir un certain nombre de règles et de procédures, d’établir que ce qu’on procède nous revient de manière juste ou légitime.


Quelle que soit la distribution des ressources qui découle d’échanges volontaires, cette dernière est juste. Un échange volontaire est un échange qui n’est pas limité par d’autres personnes (a) et qui ne cause pas d’entorse aux droits des personnes (b). Pour Nozick, tout est valable d’un point de vue procédural essentiellement à condition que la mode de transfert ou d’acquisition de la propriété ne touche pas les droits des autres. Nous verrons que cette clause est une clause qui peut être un peu problématique dans la conception de Nozick.  
Quelle que soit la distribution des ressources qui découle d’échanges volontaires, cette dernière est juste. Un échange volontaire est un échange qui n’est pas limité par d’autres personnes (a) et qui ne cause pas d’entorse aux droits des personnes (b). Pour Nozick, tout est valable d’un point de vue procédural essentiellement à condition que la mode de transfert ou d’acquisition de la propriété ne touche pas les droits des autres. Nous versons que cette clause est une clause qui peut être un peu problématique dans la conception de Nozick.  


Qu’est-ce que Nozick dirait aux rawlsiens ou aux sociodémocrates concernant le fait que sa conception ne permet pas de traiter de manière juste et efficace les démunis ? Certains individus ont moins de chance que d’autres, par exemple en étant nés dans des familles pauvres : cette situation est peut-être malheureuse, mais elle n’est pas injuste. Le fait que certaines perdent dans la loterie naturelle et sociale n’entraîne pas automatiquement une obligation de redistribution de la part de l’État. Cela est triste à la limite que des pauvres existent si quelqu’un décide d’utiliser une partie de sa propriété pour les aider, mais il n’y a aucune raison de considérer que des formes de pauvreté dont ne nous sommes pas responsable sont injustes d’un point de vue moral. À ce moment-là, toute ingérence de la part de l’État, qui parle bien d’une redistribution visant à corriger ces inégalités, à les rendre moins évidentes ou alors à donner plus de bien sociaux premiers au sens de Rawls, constituerait une ingérence illégitime. La base volontaire est admissible étant donné que dans notre conception individualiste libérale, si nous décidons d’utiliser la moitié de notre richesse afin d’aider un village qui a souffert d’un tremblement de terre, rien ni personne ne peut nous empêcher de le faire, mais de là à dire que l’État peut nous obliger au même sens que l’État pourrait nous obliger à donner des yeux est quelque chose de moralement illégitime. L’État n’a pas le droit ni la base morale afin de demander ce genre d’intervention aux individus. Si des individus souhaitent aider les plus démunis, ils peuvent le faire sur une base volontaire (charitable) en leur transférant une partie de leur propriété, mais ils ne sont pas moralement tenus de le faire. La condition sociale des plus désavantagés n’est pas une responsabilité collective dans un sens de rectification des inégalités de certains.<ref>RUSSELL, P. (1987). Nozick, Need and Charity. Journal of Applied Philosophy, 4(2), 205–216. https://doi.org/10.1111/j.1468-5930.1987.tb00217.x</ref><ref>Waldron, Jeremy. “Welfare and the Images of Charity.” The Philosophical Quarterly (1950-), vol. 36, no. 145, 1986, pp. 463–482. JSTOR, https://www.jstor.org/stable/2219874.v</ref><ref>Buchanan, A. (1987). Justice and Charity. Ethics, 97(3), 558–575. https://doi.org/10.1086/292866</ref> 
Qu’est-ce que Nozick dirait aux rawlsiens ou aux sociodémocrates concernant le fait que sa conception ne permet pas de traiter de manière juste et efficace les démunis ? Certains individus ont moins de chance que d’autres, par exemple en étant nés dans des familles pauvres : cette situation est peut-être malheureuse, mais elle n’est pas injuste. Le fait que certaines perdent dans la loterie naturelle et sociale n’entraîne pas automatiquement une obligation de redistribution de la part de l’État. Cela est triste à la limite que des pauvres existent si quelqu’un décide d’utiliser une partie de sa propriété pour les aider, mais il n’y a aucune raison de considérer que des formes de pauvreté dont ne nous sommes pas responsable sont injustes d’un point de vue moral. À ce moment-là, toute ingérence de la part de l’État, qui parle bien d’une redistribution visant à corriger ces inégalités, à les rendre moins évidentes ou alors à donner plus de bien sociaux premiers au sens de Rawls, constituerait une ingérence illégitime. La base volontaire est admissible étant donné que dans notre conception individualiste libérale, si nous décidons d’utiliser la moitié de notre richesse afin d’aider un village qui a souffert d’un tremblement de terre, rien ni personne ne peut nous empêcher de le faire, mais de là à dire que l’État peut nous obliger au même sens que l’État pourrait nous obliger à donner des yeux est quelque chose de moralement illégitime. L’État n’a pas le droit ni la base morale afin de demander ce genre d’intervention aux individus. Si des individus souhaitent aider les plus démunis, ils peuvent le faire sur une base volontaire (charitable) en leur transférant une partie de leur propriété, mais ils ne sont pas moralement tenus de le faire. La condition sociale des plus désavantagés n’est pas une responsabilité collective dans un sens de rectification des inégalités de certains.  


S’il est vrai que conformément au principe kantien, il faut traiter les individus comme des fins en soi et non pas comme des moyens pour quelque chose, toute intervention de la part de l’État qui viserait à ponctionner pour redistribuer, reviendrait quelque part à sanctionner l’idée que quelqu’un doit travailler une partie de son temps annuel pour financer une redistribution à l’adresse de certains. Or, pour Nozick, ce mécanisme serait une forme de travail forcé et donc une forme d’esclavage. En d’autres termes, toute interférence à des fins de redistribution de l’État dans les droits de propriété des individus est assimilable à un travail forcé, donc à une sorte d’esclavage. En effet, tout prélèvement sur le gain implique qu’une partie du temps de travail sera consacrée uniquement à collecter des ressources pour les autres. Ceci viole la liberté négative et, plus généralement, le droit moral fondamental de la propriété de soi.  
S’il est vrai que conformément au principe kantien, il faut traiter les individus comme des fins en soi et non pas comme des moyens pour quelque chose, toute intervention de la part de l’État qui viserait à ponctionner pour redistribuer, reviendrait quelque part à sanctionner l’idée que quelqu’un doit travailler une partie de son temps annuel pour financer une redistribution à l’adresse de certains. Or, pour Nozick, ce mécanisme serait une forme de travail forcé et donc une forme d’esclavage. En d’autres termes, toute interférence à des fins de redistribution de l’État dans les droits de propriété des individus est assimilable à un travail forcé, donc à une sorte d’esclavage. En effet, tout prélèvement sur le gain implique qu’une partie du temps de travail sera consacrée uniquement à collecter des ressources pour les autres. Ceci viole la liberté négative et, plus généralement, le droit moral fondamental de la propriété de soi.  


C’est pour cette raison que l’on situe Nozick dans la catégorie des minarchies, à savoir des anarchistes, mais qui prévoient une forme d’État minimal, cet État minimal doit être là afin de garantir que certaines fonctions soient remplies, à savoir les fonctions régaliennes, mais cet État n’a pas de visée redistributive, cet État est là pour faire en sorte que les libertés soient respectées.<ref>Long, Roderick T., and Tibor R. Machan, eds. [https://books.google.fr/books?hl=en&lr=&id=xwpwuXglElEC&oi=fnd&pg=PR7&dq=nozick+minarchism&ots=2C5P331dZZ&sig=jKIYM-bcmGIuSZHdq5Op3z_6K4M#v=onepage&q=nozick%20minarchism&f=false Anarchism/minarchism: is a government part of a free country?]. Ashgate Publishing, Ltd., 2012.</ref><ref>Osterfeld, David. "[https://cdn.mises.org/4_3_7_0.pdf Internal Inconsistencies in Arguments for Government: Nozick, Rand, and Hospers]." Journal of Libertarian Studies 4.3 (1980): 331-340.</ref><ref>Block, Walter. “The Libertarian Minimal State?: A Critique of the Views of Nozick, Levin, and Rand.” The Journal of Ayn Rand Studies, vol. 4, no. 1, 2002, pp. 141–160. JSTOR, https://www.jstor.org/stable/41560207. </ref><ref>Narveson, Jan. "[https://www.openstarts.units.it/bitstream/10077/5450/1/Narveson_E&P_V_2003_2.pdf Minarchism]." (2003).</ref><ref> Block, Walter E., Anarchism and Minarchism; No Rapprochement Possible: Reply to Tibor Machan. Journal of Libertarian Studies, Vol. 21, No. 1, 2007. Available at SSRN: https://ssrn.com/abstract=1881064 </ref><ref>Quaintance, Elizabeth, et al. "[https://go.gale.com/ps/anonymous?id=GALE%7CA387059972&sid=googleScholar&v=2.1&it=r&linkaccess=abs&issn=10475141&p=AONE&sw=w Minarchism]." First Things: A Monthly Journal of Religion and Public Life, no. 247, 2014, p. 13+. Gale Academic OneFile</ref> Ainsi, l’État-providence est illégitime. L’État ne peut être que minimal, à savoir n’ayant qu’une fonction de protection du marché et de la propriété. L’État minimal est certes financé par l’impôt, mais ce dernier n’a pas un objectif de redistribution. Contrairement à ce que souvent des personnes pensent sur la base de son titre, Nozick n’est pas un anarchiste parce que Nozick présuppose une certaine théorie de l’État qui est certes minimale mais il est pour lui légitime de reconnaitre notre obligation à l’égard d’un État dans certains cas particuliers qui est un postulat remis en question par les anarchistes. Si on compare Nozick à la vision inhérente à la conception rawlsienne, il est clair que nous parlons de deux modèles d’États très différents.  
C’est pour cette raison que l’on situe Nozick dans la catégorie des minarchies, à savoir des anarchistes, mais qui prévoient une forme d’État minimal, cet État minimal doit être là afin de garantir que certaines fonctions soient remplies, à savoir les fonctions régaliennes, mais cet État n’a pas de visée redistributive, cet État est là pour faire en sorte que les libertés soient respectées. Ainsi, l’État-providence est illégitime. L’État ne peut être que minimal, à savoir n’ayant qu’une fonction de protection du marché et de la propriété. L’État minimal est certes financé par l’impôt, mais ce dernier n’a pas un objectif de redistribution. Contrairement à ce que souvent des personnes pensent sur la base de son titre, Nozick n’est pas un anarchiste parce que Nozick présuppose une certaine théorie de l’État qui est certes minimale mais il est pour lui légitime de reconnaitre notre obligation à l’égard d’un État dans certains cas particuliers qui est un postulat remis en question par les anarchistes. Si on compare Nozick à la vision inhérente à la conception rawlsienne, il est clair que nous parlons de deux modèles d’États très différents.  
 
Il ne faut pas oublier que nous sommes dans la critique de la justice redistributive de Rawls, donc la dimension redistributive et économique est en exergue, mais en même temps, le courant libertarien a aussi des positions assez tranchées sur toute critique à l’égard de l’ingérence de l’État. La perspective libertarienne de Nozick ne s’applique pas qu’aux questions de justice distributive, mais aussi, plus généralement, à la critique de l’ingérence de l’État dans la réglementation des activités humaines comme, par exemple, dans le domaine moral, de la culture, etc. Cet État n’est pas juste illégitime lorsqu’il redistribue, cet État serait plutôt illégitime lorsqu’il s’immisce dans des questions morales qui relèvent de la propriété de soi des individus, quand ils adopteraient des positions qui viseraient à remettre en question la manière par laquelle les individus pourraient utiliser leur corps ou leur bien. Il y a cette dimension des libertariens qui fait parfois penser à des formes d’anarchisme, mais qui ne le sont pas d’un point de vue analytique et qui reviendrait à remettre en question l’idée d’un État qui vise à règlementer des domaines de la santé publique jusqu’à la culture ou alors la politique multiculturaliste visant à protéger des minorités. Pour des libertariens, ce sont souvent des domaines d’ingérence immorale de la part de l’État. Si les gens décident d’utiliser une partie de leurs ressources afin de faire vivre leur langue et leurs traditions, libre à eux de le faire, mais ce n’est pas à l’État de défendre des minorités. Pour les libertariens, à quoi bon qu’un État garde en vie une forme culturelle si les gens eux-mêmes n’ont aucun intérêt à ce qu’elle reste en vie, alors à ce moment-là mieux vaut qu’elle disparaisse. C’est quelque chose qui relève de la sphère individuelle, l’État n’a pas à utiliser de ressources pour ce genre de choses. Cette vision minimaliste de l’État s’accompagne d’une vision assez stricte de la non-ingérence de l’État pour des questions dans lesquelles l’État n’a rien à faire au-delà de la justice redistributive.<ref>Litan, R. E. (1977). II. On Rectification in Nozick’s Minimal State. Political Theory, 5(2), 233–246. https://doi.org/10.1177/009059177700500207</ref><ref>Paul, J. E. (1979). The Withering of Nozick’s Minimal State. Philosophy Research Archives, 5, 275–285. https://doi.org/10.5840/pra1979515</ref>
 
Un élément important à garder à l’esprit et qui pour certains affaiblit la position de Nozick paradoxalement et pour lequel Nozick a une certaine ambiguïté. Nozick ajoute à l’idée d’acquisition initiale la logique de la clause lockéenne. La position de Nozick n’est pas complètement antithétique à toute considération en matière d’égalité. Par exemple, la clause restrictive lockéenne implique le principe d’égale considération des intérêts des individus. C’est une condition restrictive qui impose qu’il soit possible d’occuper une terre à condition qu’en l’occupant, on en laisse suffisamment pour que les autres puissent vivre. Ainsi, la propriété doit être nuancée afin de permettre au moins aux autres d’accéder à une ressource vitale. Il faut être propriétaire en donnant la possibilité aux autres d’accéder à cette ressource vitale. En d’autres termes, selon Locke, nous pouvons acquérir une propriété légitimement seulement si nous en laissons assez pour les autres et ne pas empirer leur situation.<ref>Dang, A.-T. (1995). Libéralisme et justice sociale: la clause lockéenne des droits de propriété. Revue française d’économie, 10(4), 205–238. https://doi.org/10.3406/rfeco.1995.994</ref>


Locke se limitait quelque part à l’idée qu’il en faut assez pour les autres. Nozick ajoute qu’il faut qu’on en laisse pour les autres et en plus que l’acquisition n’empire par la situation des autres de manière illégitime. La question qui se pose est de savoir ce que veut dire « ne pas empiéter la situation des autres ». La question de savoir ce que veut dire « ne pas empirer la situation de tout le monde » selon la clause lockéenne ouvre tout un tas de considérations qui peuvent être compliquées à gérer dans une approche nozickienne parce qu’on ne sait plus très bien à partir de quel moment une situation est empirée ou pas. Vraisemblablement, une des réponses de Nozick serait de dire qu’il y a la loi, à savoir qu’il est possible de s’accorder sur un certain nombre de modalités. Il est possible d’imaginer qu’il y ait des formes d’utilisation de la propriété de la part de certains qui en plus de retomber sur la propriété de soi et des autres même si ceci échappe à un simple calcul économique.<ref>HELD, VIRGINIA. “John Locke on Robert Nozick.” Social Research, vol. 43, no. 1, 1976, pp. 169–195. JSTOR, https://www.jstor.org/stable/40970219.</ref> Pour certains, Nozick est paradoxalement trop égalitariste pour aller jusqu’au bout de sa logique libertarienne parce que selon Kymlicka, du moment où Nozick laisse place à la clause lockéenne du fait de ne pas empirer la situation des autres, il traite quelque part tout individu comme un égal moral qui a la possibilité d’exprimer et de se sentir lésé par rapport à la clause lockéenne. Donc, il y a beaucoup d’égalitaristes selon Kymlicka, qui remettent en question en partie la force de Nozick derrière cette position libertarienne un peu radicale qu’est la propriété de soi.
Il ne faut pas oublier que nous sommes dans la critique de la justice redistributive de Rawls, donc la dimension redistributive et économique est en exergue, mais en même temps, le courant libertarien a aussi des positions assez tranchées sur toute critique à l’égard de l’ingérence de l’État. La perspective libertarienne de Nozick ne s’applique pas qu’aux questions de justice distributive, mais aussi, plus généralement, à la critique de l’ingérence de l’État dans la réglementation des activités humaines comme, par exemple, dans le domaine moral, de la culture, etc. Cet État n’est pas juste illégitime lorsqu’il redistribue, cet État serait plutôt illégitime lorsqu’il s’immisce dans des questions morales qui relèvent de la propriété de soi des individus, quand ils adopteraient des positions qui viseraient à remettre en question la manière par laquelle les individus pourraient utiliser leur corps ou leur bien. Il y a cette dimension des libertariens qui fait parfois penser à des formes d’anarchisme, mais qui ne le sont pas d’un point de vue analytique et qui reviendrait à remettre en question l’idée d’un État qui vise à règlementer des domaines de la santé publique jusqu’à la culture ou alors la politique multiculturaliste visant à protéger des minorités. Pour des libertariens, ce sont souvent des domaines d’ingérence immorale de la part de l’État. Si les gens décident d’utiliser une partie de leurs ressources afin de faire vivre leur langue et leurs traditions, libre à eux de le faire, mais ce n’est pas à l’État de défendre des minorités. Pour les libertariens, à quoi bon qu’un État garde en vie une forme culturelle si les gens eux-mêmes n’ont aucun intérêt à ce qu’elle reste en vie, alors à ce moment-là mieux vaut qu’elle disparaisse. C’est quelque chose qui relève de la sphère individuelle, l’État n’a pas à utiliser de ressources pour ce genre de choses. Cette vision minimaliste de l’État s’accompagne d’une vision assez stricte de la non-ingérence de l’État pour des questions dans lesquelles l’État n’a rien à faire au-delà de la justice redistributive.  


= (Quelques) critiques à Nozick (et au libertarianisme) =
Un élément important à garder à l’esprit et qui pour certains affaiblit la position de Nozick paradoxalement et pour lequel Nozick a une certaine ambiguïté. Nozick ajoute à l’idée d’acquisition initiale la logique de la clause lockéenne. La position de Nozick n’est pas complètement antithétique à toute considération en matière d’égalité. Par exemple, la clause restrictive lockéenne implique le principe d’égale considération des intérêts des individus. C’est une condition restrictive qui impose qu’il soit possible d’occuper une terre à condition qu’en l’occupant, on en laisse suffisamment pour que les autres puissent vivre. Ainsi, la propriété doit être nuancée afin de permettre au moins aux autres d’accéder à une ressource vitale. Il faut être propriétaire en donnant la possibilité aux autres d’accéder à cette ressource vitale. En d’autres termes, selon Locke, nous pouvons acquérir une propriété légitimement seulement si nous en laissons assez pour les autres et ne pas empirer leur situation.


Il y a tout un tas de questions que nous pouvons nous poser et notamment celle de Rawls de savoir si le fait de taxer Charmberlain remet vraiment en cause sa liberté ? N’est-ce qu’une question de différence entre revenu brut et revenu net ? Est-ce que le fait de passer d’un revenu brut à un revenu net implique une diminution de notre liberté ?<ref>Tebble, A. J. (2001). The tables turned: Wilt Chamberlain versus Robert Nozick on rectification. Economics and Philosophy, 17(1), 89–108. https://doi.org/10.1017/s0266267101000165</ref><ref>Pressman, Steven. "[https://web.b.ebscohost.com/abstract?direct=true&profile=ehost&scope=site&authtype=crawler&jrnl=13637029&AN=88335964&h=oYqQJ6%2bfX5m3ynm49rbNFig9V1kyiDZMKq4aO6%2bwY09s1JtOfncPLgY5UlgGhrtUODZQ6KIgLgMT1MclSEmwBg%3d%3d&crl=c&resultNs=AdminWebAuth&resultLocal=ErrCrlNotAuth&crlhashurl=login.aspx%3fdirect%3dtrue%26profile%3dehost%26scope%3dsite%26authtype%3dcrawler%26jrnl%3d13637029%26AN%3d88335964 Justice and History: the big problem of Wilt Chamberlain]." Economic Issues 18.1 (2013).</ref> Pour Rawls, Nozick se trompe parce qu’il confond richesse et liberté. Ainsi, Charmberlain est libre parce qu’il a des options, parce qu’il y a une législation qui le protège, parce qu’il a des droits, mais on ne peut pas dire qu’il est plus libre en fonction de l’étendue de sa richesse. Ceci veut dire confondre la liberté et l’autonomie comme disposition morale et un niveau de vie qui est plus ou moins accessoire. Si on partait de l’idée que Chamberlain ne serait pas libre selon Rawls avec 2 millions de dollars, que dirait-on des gens à 12000 dollars par année. Pour Rawls, l’argument de Nozick qui établit que toute forme de redistribution implique une attitude liberticide ne tient pas la route. La querelle entre Nozick et Rawls nous oblige à voir au-delà de la simple question économique des montants, mais aussi de mettre en relation cette querelle et ces montants avec une conception de l’égalité et de la liberté qui est au fond grâce à cela que l’on peut trancher. Cette considération peut ouvrir ou pas des considérations de justice.
Locke se limitait quelque part à l’idée qu’il en faut assez pour les autres. Nozick ajoute qu’il faut qu’on en laisse pour les autres et en plus que l’acquisition n’empire par la situation des autres de manière illégitime. La question qui se pose est de savoir ce que veut dire « ne pas empiéter la situation des autres ». La question de savoir ce que veut dire « ne pas empirer la situation de tout le monde » selon la clause lockéenne ouvre tout un tas de considérations qui peuvent être compliquées à gérer dans une approche nozickienne parce qu’on ne sait plus très bien à partir de quel moment une situation est empirée ou pas. Vraisemblablement, une des réponses de Nozick serait de dire qu’il y a la loi, à savoir qu’il est possible de s’accorder sur un certain nombre de modalités. Il est possible d’imaginer qu’il y ait des formes d’utilisation de la propriété de la part de certains qui en plus de retomber sur la propriété de soi et des autres même si ceci échappe à un simple calcul économique. Pour certains, Nozick est paradoxalement trop égalitariste pour aller jusqu’au bout de sa logique libertarienne parce que selon Kymlicka, du moment où Nozick laisse place à la clause lockéenne du fait de ne pas empirer la situation des autres, il traite quelque part tout individu comme un égal moral qui a la possibilité d’exprimer et de se sentir lésé par rapport à la clause lockéenne. Donc, il y a beaucoup d’égalitaristes selon Kymlicka, qui remettent en question en partie la force de Nozick derrière cette position libertarienne un peu radicale qu’est la propriété de soi.
= (Quelques) critiques à Nozick (et au libertarianisme) =
Il y a tout un tas de questions que nous pouvons nous poser et notamment celle de Rawls de savoir si le fait de taxer Charmberlain remet vraiment en cause sa liberté ? N’est-ce qu’une question de différence entre revenu brut et revenu net ? Est-ce que le fait de passer d’un revenu brut à un revenu net implique une diminution de notre liberté ? Pour Rawls, Nozick se trompe parce qu’il confond richesse et liberté. Ainsi, Charmberlain est libre parce qu’il a des options, parce qu’il y a une législation qui le protège, parce qu’il a des droits, mais on ne peut pas dire qu’il est plus libre en fonction de l’étendue de sa richesse. Ceci veut dire confondre la liberté et l’autonomie comme disposition morale et un niveau de vie qui est plus ou moins accessoire. Si on partait de l’idée que Chamberlain ne serait pas libre selon Rawls avec 2 millions de dollars, que dirait-on des gens à 12000 dollars par année. Pour Rawls, l’argument de Nozick qui établit que toute forme de redistribution implique une attitude liberticide ne tient pas la route. La querelle entre Nozick et Rawls nous oblige à voir au-delà de la simple question économique des montants, mais aussi de mettre en relation cette querelle et ces montants avec une conception de l’égalité et de la liberté qui est au fond grâce à cela que l’on peut trancher. Cette considération peut ouvrir ou pas des considérations de justice.


Une des questions qui se pose est de savoir si les conceptions de la personne et du bien-être qui sont à la base de la théorie de Nozick ne sont-elles pas excessivement économicistes, trop basées sur l’idée de l’individu rationnel qui est une position beaucoup plus individualiste qui ferrait que nous sommes des individus, des espèces de nomades ayant leurs propres propriétés. Les communautariens remettent en question cette conception de la personne.<ref>Avineri, Shlomo, and Avner Shalit. [https://philpapers.org/rec/AVICAI Communitarianism and individualism]. Oxford England New York: Oxford University Press, 1992. Print.</ref><ref>Brennan, G., & Kliemt, H. (2018). Private and Political Exchange – Nozick’s Club vs. Buchanan’s Communitarian Contractarianism. In Demokratie und Entscheidung (pp. 107–129). https://doi.org/10.1007/978-3-658-24529-0_8</ref><ref>Gutmann, Amy. “Communitarian Critics of Liberalism.” Philosophy & Public Affairs, vol. 14, no. 3, 1985, pp. 308–322. JSTOR, https://www.jstor.org/stable/2265353.</ref>
Une des questions qui se pose est de savoir si les conceptions de la personne et du bien-être qui sont à la base de la théorie de Nozick ne sont-elles pas excessivement économicistes, trop basées sur l’idée de l’individu rationnel qui est une position beaucoup plus individualiste qui ferrait que nous sommes des individus, des espèces de nomades ayant leurs propres propriétés. Les communautariens remettent en question cette conception de la personne.


La critique classique que l’on adresse à Rawls est de savoir si au fond, dans la mesure où dans la vraie vie, l’acquisition initiale n’est jamais garantie ; est-ce qu’au fond, la théorie de Nozick ne repose-t-elle pas sur un édifice qui est branlant en tant que tel parce qu’on réfléchir à des États redistributifs qui ont déjà acquis leur situation de manière injuste par la conquête et des guerres qui ne sont pas à la hauteur de l’acquisition initiale telle qu’elle est exprimée et formulée dans le premier principe de Nozick ? Quelque part, est-ce que, dans la mesure où pratiquement toute situation initiale pourrait être contestée comme étant légitime et donc devrait faire appelle à des formes de rectification ? Est-ce que Nozick ne nous donne pas une théorie qui est certes fascinante philosophiquement, mais qui est inopérante théoriquement et politiquement ? À ce moment-là, autant la laisser tomber. C’est un argument qui est aussi évoqué et qui est un argument plus général parce qu’il porte indirectement sur la question de savoir à quoi sert la théorie politique et avec le clivage entre théorie idéale et théorie contextualiste. Pour certain, la théorie politique fait sens dans un monde idéal même s’il ne peut pas être appliqué parce qu’elle pose et donne des cadres de pensées qui nous permettent d’envisager des options même si peut être ces options ne sont pas réalistes aujourd’hui et de l’autre côté, une conception de la théorie politique qui est plus pragmatique avec l’idée que la théorie politique est d’aider et de penser à des critères de justification pour certaines politiques ou décision de l’État. Du moment où les solutions préconisées ne sont pas réalistes, alors, ou bien changer de théorie ou se poser d’autres questions. Pour certains, la théorie politique doit être utile à la véritable action publique, mais pour les philosophes idéaux, il serait possible de trouver des catégories ou des principes qui pourraient faire l’objet de réflexions et de mise en œuvre politique. Dans l’histoire, il a fallu un peu d’utopie afin de rendre légitime et audible un certain nombre de caractéristiques. Il n’en demeure pas moins qu’il existe un décalage entre une théorie plus appliquée et une théorie plus philosophique. Certains reprochent à Nozick que sa théorie est tellement abstraite même si elle donne une emprise complète quelque part puisqu’elle est basée sur une métrique très basique.
La critique classique que l’on adresse à Rawls est de savoir si au fond, dans la mesure où dans la vraie vie, l’acquisition initiale n’est jamais garantie ; est-ce qu’au fond, la théorie de Nozick ne repose-t-elle pas sur un édifice qui est branlant en tant que tel parce qu’on réfléchir à des États redistributifs qui ont déjà acquis leur situation de manière injuste par la conquête et des guerres qui ne sont pas à la hauteur de l’acquisition initiale telle qu’elle est exprimée et formulée dans le premier principe de Nozick ? Quelque part, est-ce que, dans la mesure où pratiquement toute situation initiale pourrait être contestée comme étant légitime et donc devrait faire appelle à des formes de rectification ? Est-ce que Nozick ne nous donne pas une théorie qui est certes fascinante philosophiquement, mais qui est inopérante théoriquement et politiquement ? À ce moment-là, autant la laisser tomber. C’est un argument qui est aussi évoqué et qui est un argument plus général parce qu’il porte indirectement sur la question de savoir à quoi sert la théorie politique et avec le clivage entre théorie idéale et théorie contextualiste. Pour certain, la théorie politique fait sens dans un monde idéal même s’il ne peut pas être appliqué parce qu’elle pose et donne des cadres de pensées qui nous permettent d’envisager des options même si peut être ces options ne sont pas réalistes aujourd’hui et de l’autre côté, une conception de la théorie politique qui est plus pragmatique avec l’idée que la théorie politique est d’aider et de penser à des critères de justification pour certaines politiques ou décision de l’État. Du moment où les solutions préconisées ne sont pas réalistes, alors, ou bien changer de théorie ou se poser d’autres questions. Pour certains, la théorie politique doit être utile à la véritable action publique, mais pour les philosophes idéaux, il serait possible de trouver des catégories ou des principes qui pourraient faire l’objet de réflexions et de mise en œuvre politique. Dans l’histoire, il a fallu un peu d’utopie afin de rendre légitime et audible un certain nombre de caractéristiques. Il n’en demeure pas moins qu’il existe un décalage entre une théorie plus appliquée et une théorie plus philosophique. Certains reprochent à Nozick que sa théorie est tellement abstraite même si elle donne une emprise complète quelque part puisqu’elle est basée sur une métrique très basique.


Lorsqu’on s’interroge sur les limites de la propriété de soi, Nozick part de l’idée que la propriété de soi est très englobante.<ref>Brenkert, G. G. (1998). The Journal of Ethics, 2(1), 27–55. https://doi.org/10.1023/a:1009786331882</ref><ref>Stein, Mark S. "[https://heinonline.org/HOL/LandingPage?handle=hein.journals/niulr18&div=17&id=&page= Nozick: A Utilitarian Reformulation]." N. Ill. UL Rev. 18 (1997): 339.</ref> Les propriétaires sont les propriétaires moralement légitimes de leur propre corps, de leurs pouvoirs et sont donc imprégnés de leur droit d’acquisition non seulement sur leur bien personnel, mais aussi sur les moyens de production (a). Pour Nozick, la propriété de soi englobe aussi ce que nous produisons afin de produire. Une idée, un outil ou une machine que nous aurions créée pour produire ou faire quelque chose nous appartient. Or Rawls part de l’idée que le principe de propriété de soi s’arrête à b, à savoir que les propriétaires de soi sont les propriétaires moralement légitimes de leur propre corps et de leurs pouvoirs et ont le droit d’avoir et de maintenir leurs biens personnels (b).  
Lorsqu’on s’interroge sur les limites de la propriété de soi, Nozick part de l’idée que la propriété de soi est très englobante. Les propriétaires sont les propriétaires moralement légitimes de leur propre corps, de leurs pouvoirs et sont donc imprégnés de leur droit d’acquisition non seulement sur leur bien personnel, mais aussi sur les moyens de production (a). Pour Nozick, la propriété de soi englobe aussi ce que nous produisons afin de produire. Une idée, un outil ou une machine que nous aurions créée pour produire ou faire quelque chose nous appartient. Or Rawls part de l’idée que le principe de propriété de soi s’arrête à b, à savoir que les propriétaires de soi sont les propriétaires moralement légitimes de leur propre corps et de leurs pouvoirs et ont le droit d’avoir et de maintenir leurs biens personnels (b).  


Quelle est la différence ? Pourquoi Rawls s’arrête là ? Pour lui, il n’est juste pas possible de construire des industries, d’utiliser des terres, d’exploiter des ressources au sens large sans qu’à un certain moment, la coopération de plusieurs ne soit pas engagée. Pour Rawls, c’est donc la conception de Nozick qui individualise en rangeant sous le sceau de la propriété de soi d’un individu, individualise quelque chose qui est de facto et social et collectif. Les industries sont aussi le produit du travail et des ouvriers et pas seulement de l’entrepreneur. Dire que l’industrie n’appartient qu’au propriétaire ne faisant fi des travailleurs est un élargissement abusif de la propriété de soi. C’est pour cette raison que pour Rawls, cette dimension collective, les moyens de production et la production des richesses, sont ceux qui relèvent de la coopération sociale. C’est justement là-dessus que l’on doit appliquer selon Rawls une théorie de la justice comme équité afin de redistribuer de manière juste les ressources qui sont produites collectivement. C’est le grand désaccord avec Nozick qui part de l’idée qu’au fond, nous avons acheté un lopin de terre et deux cents ans après une industrie et implantée dessus, alors nous sommes le propriétaire de tout ce qui est produit par cette industrie. En payant les ouvriers, ils perdent le droit de demander quelque part de considérer ce qui relève de cette entreprise aussi de leur fait, s’ils n’étaient pas d’accord, ils n’avaient pas à accepter le contrat. À partir du moment où ce contrat a été établi de manière procéduralement correcte, alors il est bon. La vision de Nozick est très individualiste sur ce point.<ref>Langan, J. P. (1977). Rawls, Nozick, and the Search for Social Justice. Theological Studies, 38(2), 346–358. https://doi.org/10.1177/004056397703800206</ref><ref>Meadowcroft, John. "Nozick’s critique of Rawls: distribution, entitlement, and the asumptive world of A Theory of Justice." The Cambridge companion to Nozick's Anarchy, State, and Utopia (2011): 168-196.</ref><ref>https://www.researchgate.net/profile/John_Meadowcroft/publication/313766342_Nozick's_critique_of_Rawls_Distribution_entitlement_and_the_assumptive_world_of_a_theory_of_justice/links/59330331a6fdcc89e7c5a31e/Nozicks-critique-of-Rawls-Distribution-entitlement-and-the-assumptive-world-of-a-theory-of-justice.pdf</ref>
Quelle est la différence ? Pourquoi Rawls s’arrête là ? Pour lui, il n’est juste pas possible de construire des industries, d’utiliser des terres, d’exploiter des ressources au sens large sans qu’à un certain moment, la coopération de plusieurs ne soit pas engagée. Pour Rawls, c’est donc la conception de Nozick qui individualise en rangeant sous le sceau de la propriété de soi d’un individu, individualise quelque chose qui est de facto et social et collectif. Les industries sont aussi le produit du travail et des ouvriers et pas seulement de l’entrepreneur. Dire que l’industrie n’appartient qu’au propriétaire ne faisant fi des travailleurs est un élargissement abusif de la propriété de soi. C’est pour cette raison que pour Rawls, cette dimension collective, les moyens de production et la production des richesses, sont ceux qui relèvent de la coopération sociale. C’est justement là-dessus que l’on doit appliquer selon Rawls une théorie de la justice comme équité afin de redistribuer de manière juste les ressources qui sont produites collectivement. C’est le grand désaccord avec Nozick qui part de l’idée qu’au fond, nous avons acheté un lopin de terre et deux cents ans après une industrie et implantée dessus, alors nous sommes le propriétaire de tout ce qui est produit par cette industrie. En payant les ouvriers, ils perdent le droit de demander quelque part de considérer ce qui relève de cette entreprise aussi de leur fait, s’ils n’étaient pas d’accord, ils n’avaient pas à accepter le contrat. À partir du moment où ce contrat a été établi de manière procéduralement correcte, alors il est bon. La vision de Nozick est très individualiste sur ce point.  


Un dernier point à garder à l’esprit permettant des expériences de pensées qui sont intéressantes, est la question des limites à la propriété de soi comme la question de la vente d’organes, du suicide assisté ou encore celle du sacrifice de soi. Où met-on les limites ? La question qui se pose est quelque chose qui est extrêmement puissant de la position libertarienne qui est de nous obliger à nous dire qu’il y a tout un tas de choses qui semblent poser problème, mais est-ce qu’au fond il n’y en a pas d’autres qui semblent aller de soi, mais qui posent tout autant de problèmes. La fonction de la théorie politique est d’établir les distinctions. La raison est-elle philosophique où il y a des choses que l’on préfère à d’autres ? Les libertariens en ont peu faire, mais ce qui les intéresse est de savoir si une personne concernée a un droit de propriété sur son corps ou non. Les libertariens portent à se poser des questions menantes à déstabiliser un certain nombre de choses notamment sur la question du suicide par exemple.  
Un dernier point à garder à l’esprit permettant des expériences de pensées qui sont intéressantes, est la question des limites à la propriété de soi comme la question de la vente d’organes, du suicide assisté ou encore celle du sacrifice de soi. Où met-on les limites ? La question qui se pose est quelque chose qui est extrêmement puissant de la position libertarienne qui est de nous obliger à nous dire qu’il y a tout un tas de choses qui semblent poser problème, mais est-ce qu’au fond il n’y en a pas d’autres qui semblent aller de soi, mais qui posent tout autant de problèmes. La fonction de la théorie politique est d’établir les distinctions. La raison est-elle philosophique où il y a des choses que l’on préfère à d’autres ? Les libertariens en ont peu faire, mais ce qui les intéresse est de savoir si une personne concernée a un droit de propriété sur son corps ou non. Les libertariens portent à se poser des questions menantes à déstabiliser un certain nombre de choses notamment sur la question du suicide par exemple.  
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Cette position n’est pas uniquement celle des libertariens. Tout un tas de libéraux et aussi rawlsiens partage ces conceptions concernant des positions plus ou moins larges à propos de la morale publique, les ingérences de la part de l’État qui dans la position rawlsienne se veut neutre par rapport à la conception du bien. C’est une critique qui est plus ou moins partagée, mais évidemment les libertariens vont encore plus loin. Si on part de l’idée qu’on ne peut pas traiter les gens comme des moyens, mais comme des fins, l’idée qui est qu’on ne peut pas faire du darwinisme pour augmenter la retraite d’un tel, cette problématique sort du radar. Mais si on commence à se poser la question plus générale de la qualité de vie ou de la propriété de soi, alors, à ce moment-là, ces questions deviennent importantes. Par exemple, le paradoxe du suicide assisté est qu’il faut paradoxalement décider de se suicider lorsqu’on va bien parce que lorsqu’on va mal, cela est déjà trop tard afin de donner un consentement informé et autonome. Le paradoxe dans la législation actuelle est qu’on demande aux gens de décider de se suicider à un moment où peut être ils n’en ont pas envie parce qu’ils se sentent bien. Lorsqu’ils ne vont pas bien, cela est déjà trop tard pour faire preuve de l’autonomie et du caractère rationnel que l’on demande aux gens afin d’éviter les meurtres.
Cette position n’est pas uniquement celle des libertariens. Tout un tas de libéraux et aussi rawlsiens partage ces conceptions concernant des positions plus ou moins larges à propos de la morale publique, les ingérences de la part de l’État qui dans la position rawlsienne se veut neutre par rapport à la conception du bien. C’est une critique qui est plus ou moins partagée, mais évidemment les libertariens vont encore plus loin. Si on part de l’idée qu’on ne peut pas traiter les gens comme des moyens, mais comme des fins, l’idée qui est qu’on ne peut pas faire du darwinisme pour augmenter la retraite d’un tel, cette problématique sort du radar. Mais si on commence à se poser la question plus générale de la qualité de vie ou de la propriété de soi, alors, à ce moment-là, ces questions deviennent importantes. Par exemple, le paradoxe du suicide assisté est qu’il faut paradoxalement décider de se suicider lorsqu’on va bien parce que lorsqu’on va mal, cela est déjà trop tard afin de donner un consentement informé et autonome. Le paradoxe dans la législation actuelle est qu’on demande aux gens de décider de se suicider à un moment où peut être ils n’en ont pas envie parce qu’ils se sentent bien. Lorsqu’ils ne vont pas bien, cela est déjà trop tard pour faire preuve de l’autonomie et du caractère rationnel que l’on demande aux gens afin d’éviter les meurtres.


=L’égalité : un principe contesté=
= L’égalité : un principe contesté =
Les égalitaristes mettent davantage l’accent sur la notion d’égalité et ce sur quoi une redistribution devrait porter.  
Les égalitaristes mettent davantage l’accent sur la notion d’égalité et ce sur quoi une redistribution devrait porter.  
   
   
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Deux théories de l’égalité se posent en critique de l’approche de Rawls. Il y a la théorie de l’égalité des ressources de Ronald Dworkin et la théorie des capabilités d’Amartya Sen. Dans les deux cas, ces auteurs essaient de penser ce qu’il faut égaliser, le pourquoi, mais en essayant de se positionner par rapport à Rawls qu’ils considèrent comme étant insatisfaisant.  
Deux théories de l’égalité se posent en critique de l’approche de Rawls. Il y a la théorie de l’égalité des ressources de Ronald Dworkin et la théorie des capabilités d’Amartya Sen. Dans les deux cas, ces auteurs essaient de penser ce qu’il faut égaliser, le pourquoi, mais en essayant de se positionner par rapport à Rawls qu’ils considèrent comme étant insatisfaisant.  


=Annexes=
= Annexes =


=Références=
= Références =
<references />
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[[Category:science-politique]]
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