Modification de Évolution des Structures Socioéconomiques au XVIIIe Siècle : De l’Ancien Régime à la Modernité
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Basé sur un cours de Michel Oris<ref>[ | Basé sur un cours de Michel Oris<ref>[http://cigev.unige.ch/fr/team-cigev/oris/ Page personnelle de Michel Oris sur le site de l'Université de Genève]</ref><ref>[http://www.unige.ch/rectorat/home/vice-recteur-michel-oris/ Page du Vice-recteur Michel Oris sur le site l'Université de Genève]</ref><ref>[http://cigev.unige.ch/files/4114/3706/0157/cv_oris_fr_20150716.pdf CV de Michel Oris en français]</ref> | ||
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|[[Histoire économique et sociale de la globalisation, 16e-21e siècles]] | |[[Histoire économique et sociale de la globalisation, 16e-21e siècles]] | ||
|[[Structures Agraires et Société Rurale: Analyse de la Paysannerie Européenne Préindustrielle]] ● [[Le régime démographique d'ancien régime : l'homéostasie]] ● [[ | |[[Structures Agraires et Société Rurale: Analyse de la Paysannerie Européenne Préindustrielle]] ● [[Le régime démographique d'ancien régime : l'homéostasie]] ● [[Structures et changements de structures : le XVIIIe siècle]] ● [[Origines et causes de la révolution industrielle anglaise]] ● [[Mécanismes structurels de la révolution industrielle]] ● [[La diffusion de la révolution industrielle en Europe continentale ]] ● [[Au-delà de l'Europe]] ● [[Les coûts sociaux de la révolution industrielle]] ● [[Introduction : les trois temps de la conjoncture]] ● [[Marchés nationaux et marchés mondiaux de produits]] ● [[La formation de systèmes migratoires mondiaux]] ● [[La mondialisation des marchés de l'argent]] ● [[La transformation des structures et des relations sociales durant la révolution industrielle]] ● [[Aux origines du tiers-monde]] ● [[Echecs et blocages dans les Tiers-Mondes]] ● [[L’organisation des rapports de production : un raccourci pour aller de la fin du XIXe au milieu du XXe siècle]] ● [[Les Trente Glorieuses]] ● [[Une nouvelle économie : 1973 - 2007]] ● [[Les défis de l’État-Providence]] ● [[Autour de la colonisation : peurs et espérances du développement]] ● [[Le temps des ruptures]] ● [[Globalisation et modes de développement dans les « tiers-mondes »]] | ||
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Dans le contexte du capitalisme, la structure peut être envisagée comme l'ensemble des cadres réglementaires, des institutions, des réseaux d'entreprises, des marchés et des pratiques culturelles qui façonnent et soutiennent l'activité économique. Cette structure est essentielle pour le bon fonctionnement du capitalisme, qui repose sur les principes de la propriété privée, de l'accumulation de capital, et des marchés concurrentiels pour la distribution des biens et services. L'intégrité structurelle d'un système capitaliste, c'est-à-dire la robustesse et la résilience de ses composantes et institutions, est cruciale pour assurer sa stabilité et sa capacité à s'auto-réguler. Dans un tel système, chaque élément – qu'il s'agisse d'une institution financière, d'une entreprise, d'un consommateur ou d'une politique gouvernementale – doit fonctionner efficacement et de manière autonome, tout en étant en cohérence avec l'ensemble du système. Le capitalisme est théoriquement conçu pour être un système autorégulé où l'interaction des forces de marché – principalement l'offre et la demande – mène à un équilibre économique. Par exemple, si la demande pour un produit augmente, le prix tend à augmenter, ce qui signifie une plus grande incitation pour les producteurs à produire plus de ce produit, ce qui, à terme, devrait rétablir l'équilibre entre l'offre et la demande. Cependant, l'histoire économique montre que les marchés et les systèmes capitalistes ne sont pas toujours auto-correctifs et peuvent parfois être sujets à des déséquilibres persistants, tels que des bulles spéculatives, des crises financières, ou des inégalités croissantes. Dans ces cas, les éléments du système peuvent ne pas s'adapter efficacement ou rapidement, entraînant une instabilité qui peut nécessiter une intervention extérieure, comme la réglementation gouvernementale ou les politiques monétaires et fiscales, pour rétablir la stabilité. Ainsi, bien que le capitalisme tende vers une certaine forme d'équilibre grâce à la flexibilité et l'adaptabilité de ses structures, la réalité de son fonctionnement peut être beaucoup plus complexe et nécessite souvent une gestion prudente et une régulation pour éviter les dysfonctionnements. | Dans le contexte du capitalisme, la structure peut être envisagée comme l'ensemble des cadres réglementaires, des institutions, des réseaux d'entreprises, des marchés et des pratiques culturelles qui façonnent et soutiennent l'activité économique. Cette structure est essentielle pour le bon fonctionnement du capitalisme, qui repose sur les principes de la propriété privée, de l'accumulation de capital, et des marchés concurrentiels pour la distribution des biens et services. L'intégrité structurelle d'un système capitaliste, c'est-à-dire la robustesse et la résilience de ses composantes et institutions, est cruciale pour assurer sa stabilité et sa capacité à s'auto-réguler. Dans un tel système, chaque élément – qu'il s'agisse d'une institution financière, d'une entreprise, d'un consommateur ou d'une politique gouvernementale – doit fonctionner efficacement et de manière autonome, tout en étant en cohérence avec l'ensemble du système. Le capitalisme est théoriquement conçu pour être un système autorégulé où l'interaction des forces de marché – principalement l'offre et la demande – mène à un équilibre économique. Par exemple, si la demande pour un produit augmente, le prix tend à augmenter, ce qui signifie une plus grande incitation pour les producteurs à produire plus de ce produit, ce qui, à terme, devrait rétablir l'équilibre entre l'offre et la demande. Cependant, l'histoire économique montre que les marchés et les systèmes capitalistes ne sont pas toujours auto-correctifs et peuvent parfois être sujets à des déséquilibres persistants, tels que des bulles spéculatives, des crises financières, ou des inégalités croissantes. Dans ces cas, les éléments du système peuvent ne pas s'adapter efficacement ou rapidement, entraînant une instabilité qui peut nécessiter une intervention extérieure, comme la réglementation gouvernementale ou les politiques monétaires et fiscales, pour rétablir la stabilité. Ainsi, bien que le capitalisme tende vers une certaine forme d'équilibre grâce à la flexibilité et l'adaptabilité de ses structures, la réalité de son fonctionnement peut être beaucoup plus complexe et nécessite souvent une gestion prudente et une régulation pour éviter les dysfonctionnements. | ||
== | == Structure d’ancien régime == | ||
L'économie de l'Ancien Régime, qui prévalait en Europe jusqu'à la fin du XVIIIe siècle et qui est particulièrement associée à la France pré-révolutionnaire, était principalement dominée par l'agriculture. Cette prédominance agraire était fortement marquée par la monoculture céréalière, avec le blé comme étalon de cette production. Cette spécialisation reflétait les besoins alimentaires fondamentaux de l'époque, les conditions climatiques et environnementales, ainsi que des pratiques agricoles ancrées dans la tradition. La terre constituait la source principale de richesse et le symbole du statut social, ce qui engendrait une structure socio-économique rigide peu encline au changement et à l'adoption de nouvelles méthodes de culture. | L'économie de l'Ancien Régime, qui prévalait en Europe jusqu'à la fin du XVIIIe siècle et qui est particulièrement associée à la France pré-révolutionnaire, était principalement dominée par l'agriculture. Cette prédominance agraire était fortement marquée par la monoculture céréalière, avec le blé comme étalon de cette production. Cette spécialisation reflétait les besoins alimentaires fondamentaux de l'époque, les conditions climatiques et environnementales, ainsi que des pratiques agricoles ancrées dans la tradition. La terre constituait la source principale de richesse et le symbole du statut social, ce qui engendrait une structure socio-économique rigide peu encline au changement et à l'adoption de nouvelles méthodes de culture. | ||
La productivité de l'agriculture de l'Ancien Régime était faible. Les rendements des terres étaient limités par l'usage de techniques agricoles traditionnelles et un manque criant d'innovation. La rotation triennale des cultures et la dépendance aux aléas de la nature, sans moyens technologiques avancés, restreignaient l'efficience agricole. L'investissement dans des technologies susceptibles d'améliorer la situation était rare, freiné par une combinaison de manque de connaissances, de capital, et d'un système social qui ne valorisait pas l'entrepreneuriat agricole. | La productivité de l'agriculture de l'Ancien Régime était faible. Les rendements des terres étaient limités par l'usage de techniques agricoles traditionnelles et un manque criant d'innovation. La rotation triennale des cultures et la dépendance aux aléas de la nature, sans moyens technologiques avancés, restreignaient l'efficience agricole. L'investissement dans des technologies susceptibles d'améliorer la situation était rare, freiné par une combinaison de manque de connaissances, de capital, et d'un système social qui ne valorisait pas l'entrepreneuriat agricole. | ||
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Cet ensemble de caractéristiques définissait une économie et une société où le statu quo prévalait, laissant peu de place à l'innovation et au changement dynamique. La rigidité des structures de l'Ancien Régime a, par conséquent, joué un rôle dans le retard de l'entrée de pays comme la France dans la Révolution industrielle, par rapport à l'Angleterre où des réformes sociales et économiques ont ouvert la voie à une modernisation plus rapide. | Cet ensemble de caractéristiques définissait une économie et une société où le statu quo prévalait, laissant peu de place à l'innovation et au changement dynamique. La rigidité des structures de l'Ancien Régime a, par conséquent, joué un rôle dans le retard de l'entrée de pays comme la France dans la Révolution industrielle, par rapport à l'Angleterre où des réformes sociales et économiques ont ouvert la voie à une modernisation plus rapide. | ||
== | == Conjoncture == | ||
L'histoire économique et sociale est marquée par des cycles de croissance et de récession, des crises et des périodes de reprise qui se déroulent sur le long terme. La modification des structures socio-économiques est un processus ardu, notamment parce qu'il implique de perturber l'équilibre de systèmes qui sont en place depuis des siècles. Ces structures ne sont toutefois pas figées et témoignent de la dynamique constante de la société qui évolue continuellement, même si les modalités de cette évolution peuvent être subtiles et complexes à discerner. | L'histoire économique et sociale est en effet marquée par des cycles de croissance et de récession, des crises et des périodes de reprise qui se déroulent sur le long terme. La modification des structures socio-économiques est un processus ardu, notamment parce qu'il implique de perturber l'équilibre de systèmes qui sont en place depuis des siècles. Ces structures ne sont toutefois pas figées et témoignent de la dynamique constante de la société qui évolue continuellement, même si les modalités de cette évolution peuvent être subtiles et complexes à discerner. | ||
Les crises sont souvent le résultat d'une accumulation de tensions au sein d'un système qui a connu une longue période de stabilité apparente. Ces tensions peuvent être exacerbées par des événements catastrophiques qui forcent une réorganisation du système en place. Les crises peuvent également engendrer une polarisation sociale plus marquée, avec des gagnants et des perdants plus distincts à mesure que la société s'adapte et réagit aux changements. | Les crises sont souvent le résultat d'une accumulation de tensions au sein d'un système qui a connu une longue période de stabilité apparente. Ces tensions peuvent être exacerbées par des événements catastrophiques qui forcent une réorganisation du système en place. Les crises peuvent également engendrer une polarisation sociale plus marquée, avec des gagnants et des perdants plus distincts à mesure que la société s'adapte et réagit aux changements. | ||
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L'image des "montées puis des reculs, comme des marées successives" est une métaphore puissante pour décrire ces cycles économiques et sociaux. Il y a des périodes de croissance démographique ou économique qui semblent s'inverser ou être annulées par des périodes de crise ou de dépression. Ces "flux et reflux" sont caractéristiques de l'histoire humaine, et leur étude offre des aperçus précieux sur les forces qui façonnent les sociétés au fil du temps. Cela suggère également une résilience inhérente aux systèmes sociaux, qui bien que confrontés à des "pannes" régulières, sont capables de se reprendre et de s'élever à nouveau, bien que jamais tout à fait de la même manière qu'auparavant. Chaque cycle apporte avec lui des changements, des adaptations et parfois des transformations profondes des structures existantes. | L'image des "montées puis des reculs, comme des marées successives" est une métaphore puissante pour décrire ces cycles économiques et sociaux. Il y a des périodes de croissance démographique ou économique qui semblent s'inverser ou être annulées par des périodes de crise ou de dépression. Ces "flux et reflux" sont caractéristiques de l'histoire humaine, et leur étude offre des aperçus précieux sur les forces qui façonnent les sociétés au fil du temps. Cela suggère également une résilience inhérente aux systèmes sociaux, qui bien que confrontés à des "pannes" régulières, sont capables de se reprendre et de s'élever à nouveau, bien que jamais tout à fait de la même manière qu'auparavant. Chaque cycle apporte avec lui des changements, des adaptations et parfois des transformations profondes des structures existantes. | ||
= | = La croissance, enfin ! = | ||
Le XVIIIe siècle est marqué par une expansion démographique sans précédent dans l'histoire européenne. La population du Royaume-Uni, par exemple, a connu une croissance impressionnante, passant d'environ 5,5 millions d'habitants au début du siècle à 9 millions à l'aube du XIXe siècle, soit une augmentation de près de 64%. Cette croissance démographique est l'une des plus remarquables de l'époque, reflet de l'amélioration des conditions de vie et des progrès technologiques et agricoles. La France n'est pas en reste avec une augmentation de sa population de 22 à 29 millions d'habitants, ce qui représente une hausse de 32%. Ce taux de croissance, bien que moins spectaculaire que celui du Royaume-Uni, témoigne néanmoins d'un changement significatif dans la démographie française, bénéficiant également de l'amélioration de l'agriculture et d'une relative stabilité politique. À l'échelle du continent européen, la population globale a connu une croissance d'environ 58%, un chiffre remarquable étant donné que l'Europe avait été sujet à des crises démographiques récurrentes dans les siècles précédents. Contrairement aux périodes antérieures, cette croissance n'a pas été suivie de crises démographiques majeures, comme des famines ou des épidémies à grande échelle, qui auraient pu réduire significativement le nombre d'habitants. | Le XVIIIe siècle est marqué par une expansion démographique sans précédent dans l'histoire européenne. La population du Royaume-Uni, par exemple, a connu une croissance impressionnante, passant d'environ 5,5 millions d'habitants au début du siècle à 9 millions à l'aube du XIXe siècle, soit une augmentation de près de 64%. Cette croissance démographique est l'une des plus remarquables de l'époque, reflet de l'amélioration des conditions de vie et des progrès technologiques et agricoles. La France n'est pas en reste avec une augmentation de sa population de 22 à 29 millions d'habitants, ce qui représente une hausse de 32%. Ce taux de croissance, bien que moins spectaculaire que celui du Royaume-Uni, témoigne néanmoins d'un changement significatif dans la démographie française, bénéficiant également de l'amélioration de l'agriculture et d'une relative stabilité politique. À l'échelle du continent européen, la population globale a connu une croissance d'environ 58%, un chiffre remarquable étant donné que l'Europe avait été sujet à des crises démographiques récurrentes dans les siècles précédents. Contrairement aux périodes antérieures, cette croissance n'a pas été suivie de crises démographiques majeures, comme des famines ou des épidémies à grande échelle, qui auraient pu réduire significativement le nombre d'habitants. | ||
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La croissance démographique exceptionnelle du XVIIIe siècle en Europe peut être attribuée à plusieurs facteurs interdépendants qui, ensemble, ont modifié le paysage socio-économique du continent. L'innovation agricole a été un moteur clé de cette croissance. L'introduction de cultures en provenance de différents continents a diversifié et enrichi le régime alimentaire européen. Le maïs et le riz, importés respectivement d'Amérique latine et d'Asie, ont transformé l'agriculture dans le sud de l'Europe, notamment dans le nord de l'Italie, qui s'est adapté à la culture intensive du riz. Dans le nord et l'ouest de l'Europe, la pomme de terre a joué un rôle similaire. Sa propagation rapide au cours du siècle a permis d'augmenter l'apport calorique par rapport aux céréales traditionnelles et est devenue l'aliment de base des classes populaires. Le commerce a également contribué de manière significative à la prospérité et à l'augmentation de la population, surtout dans les îles britanniques. Le Royaume-Uni, en particulier, a bâti une flotte marchande robuste, s'établissant comme le "commerçant du monde". Le développement de la Révolution industrielle a permis de produire en masse des biens qui étaient ensuite distribués à travers le continent. En 1740, lorsqu'une mauvaise récolte a frappé l'Europe de l'Ouest, l'Angleterre a pu éviter une crise de mortalité en important du blé de l'Europe de l'Est grâce à sa flotte, alors que la France, moins bien connectée par voie maritime, subissait les conséquences de cette disette. Les Pays-Bas, eux aussi, bénéficiaient d'une puissance commerciale considérable grâce à leur marine marchande. Enfin, le changement dans les structures économiques a eu un impact profond. Le passage du "domestic system", où la production se faisait à domicile, à la proto-industrialisation, a créé de nouvelles dynamiques économiques. La proto-industrialisation, qui implique une augmentation de la production artisanale souvent rurale avant l'industrialisation complète, a posé les bases pour une révolution industrielle qui allait transformer les économies locales en économies d'échelle, amplifiant la capacité de production et de distribution des biens. Ces facteurs, conjugués à des progrès dans la santé publique et une meilleure gestion des ressources alimentaires, ont non seulement permis à la population européenne d'augmenter de façon substantielle, mais ont aussi pavé la voie à un avenir où l'industrialisation et le commerce mondial deviendraient les piliers de l'économie mondiale. | La croissance démographique exceptionnelle du XVIIIe siècle en Europe peut être attribuée à plusieurs facteurs interdépendants qui, ensemble, ont modifié le paysage socio-économique du continent. L'innovation agricole a été un moteur clé de cette croissance. L'introduction de cultures en provenance de différents continents a diversifié et enrichi le régime alimentaire européen. Le maïs et le riz, importés respectivement d'Amérique latine et d'Asie, ont transformé l'agriculture dans le sud de l'Europe, notamment dans le nord de l'Italie, qui s'est adapté à la culture intensive du riz. Dans le nord et l'ouest de l'Europe, la pomme de terre a joué un rôle similaire. Sa propagation rapide au cours du siècle a permis d'augmenter l'apport calorique par rapport aux céréales traditionnelles et est devenue l'aliment de base des classes populaires. Le commerce a également contribué de manière significative à la prospérité et à l'augmentation de la population, surtout dans les îles britanniques. Le Royaume-Uni, en particulier, a bâti une flotte marchande robuste, s'établissant comme le "commerçant du monde". Le développement de la Révolution industrielle a permis de produire en masse des biens qui étaient ensuite distribués à travers le continent. En 1740, lorsqu'une mauvaise récolte a frappé l'Europe de l'Ouest, l'Angleterre a pu éviter une crise de mortalité en important du blé de l'Europe de l'Est grâce à sa flotte, alors que la France, moins bien connectée par voie maritime, subissait les conséquences de cette disette. Les Pays-Bas, eux aussi, bénéficiaient d'une puissance commerciale considérable grâce à leur marine marchande. Enfin, le changement dans les structures économiques a eu un impact profond. Le passage du "domestic system", où la production se faisait à domicile, à la proto-industrialisation, a créé de nouvelles dynamiques économiques. La proto-industrialisation, qui implique une augmentation de la production artisanale souvent rurale avant l'industrialisation complète, a posé les bases pour une révolution industrielle qui allait transformer les économies locales en économies d'échelle, amplifiant la capacité de production et de distribution des biens. Ces facteurs, conjugués à des progrès dans la santé publique et une meilleure gestion des ressources alimentaires, ont non seulement permis à la population européenne d'augmenter de façon substantielle, mais ont aussi pavé la voie à un avenir où l'industrialisation et le commerce mondial deviendraient les piliers de l'économie mondiale. | ||
= Le | = Le domestic system ou Verlagsystem = | ||
Le Verlagsystem, ou système de mise en ouvrage, fut un précurseur essentiel de l'industrialisation en Europe. Caractéristique de certaines régions d'Allemagne et d'autres parties de l'Europe entre le XVIIe et le XIXe siècle, ce système marquait une étape intermédiaire entre le travail artisanal et la production industrielle en usine qui prédominerait plus tard. Dans ce système, le Verleger, souvent un entrepreneur ou un marchand aisé, jouait un rôle central. Il distribuait les matières premières nécessaires aux travailleurs – généralement des artisans ou des paysans qui cherchaient à compléter leurs revenus. Ces travailleurs, utilisant l'espace de leur propre foyer ou de petits ateliers locaux, se concentraient sur la production de biens selon les spécifications fournies par le Verleger. Ils étaient rémunérés à la pièce, et non par un salaire fixe, ce qui les encourageait à être aussi productifs que possible. Une fois les biens produits, le Verleger les récupérait, s'occupait de la finition si nécessaire, et les vendait sur le marché local ou à l'exportation. Le Verlagsystem a facilité l'expansion du commerce et a permis une plus grande spécialisation du travail. Il a été particulièrement dominant dans les industries textiles, où des articles comme les vêtements, les tissus et les rubans étaient produits en masse. | Le Verlagsystem, ou système de mise en ouvrage, fut un précurseur essentiel de l'industrialisation en Europe. Caractéristique de certaines régions d'Allemagne et d'autres parties de l'Europe entre le XVIIe et le XIXe siècle, ce système marquait une étape intermédiaire entre le travail artisanal et la production industrielle en usine qui prédominerait plus tard. Dans ce système, le Verleger, souvent un entrepreneur ou un marchand aisé, jouait un rôle central. Il distribuait les matières premières nécessaires aux travailleurs – généralement des artisans ou des paysans qui cherchaient à compléter leurs revenus. Ces travailleurs, utilisant l'espace de leur propre foyer ou de petits ateliers locaux, se concentraient sur la production de biens selon les spécifications fournies par le Verleger. Ils étaient rémunérés à la pièce, et non par un salaire fixe, ce qui les encourageait à être aussi productifs que possible. Une fois les biens produits, le Verleger les récupérait, s'occupait de la finition si nécessaire, et les vendait sur le marché local ou à l'exportation. Le Verlagsystem a facilité l'expansion du commerce et a permis une plus grande spécialisation du travail. Il a été particulièrement dominant dans les industries textiles, où des articles comme les vêtements, les tissus et les rubans étaient produits en masse. | ||
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Le système domestique, largement répandu avant l'avènement de l'industrialisation, se distinguait par sa structure de production décentralisée et la dynamique entre les artisans et les marchands. Au cœur de ce système se trouvaient les paysans qui, en dehors des saisons exigeantes des travaux agricoles comme les semailles et les moissons, consacraient leur temps à la production artisanale, notamment dans le secteur du textile. Ce modèle offrait aux travailleurs un moyen de compléter leur revenu souvent insuffisant, tout en leur garantissant une certaine souplesse d'emploi. En retour, les marchands bénéficiaient d'une main-d'œuvre abordable et adaptative. D'autre part, le marchand tenait un rôle pivot dans l'organisation économique de ce système. Non seulement il fournissait aux artisans les matières premières requises, mais il était également en charge de la distribution des outils et de la gestion des commandes. Sa capacité à centraliser l'achat et la distribution des ressources lui permettait de réduire les coûts de transport et d'exercer un contrôle sur la chaîne de production et de vente. De plus, en réglant le rythme de travail selon les commandes, le marchand adaptait l'offre à la demande, une pratique qui annonçait les principes de flexibilité du capitalisme moderne. Dans l'ensemble, le système domestique était marqué par la figure dominante du marchand-entrepreneur, qui orchestré la production et la commercialisation des produits finis, s'appuyant sur une main-d'œuvre agricole intermittente. Ce système allait évoluer progressivement, ouvrant la voie à des méthodes de production plus centralisées et à la révolution industrielle qui s'en suivrait. | Le système domestique, largement répandu avant l'avènement de l'industrialisation, se distinguait par sa structure de production décentralisée et la dynamique entre les artisans et les marchands. Au cœur de ce système se trouvaient les paysans qui, en dehors des saisons exigeantes des travaux agricoles comme les semailles et les moissons, consacraient leur temps à la production artisanale, notamment dans le secteur du textile. Ce modèle offrait aux travailleurs un moyen de compléter leur revenu souvent insuffisant, tout en leur garantissant une certaine souplesse d'emploi. En retour, les marchands bénéficiaient d'une main-d'œuvre abordable et adaptative. D'autre part, le marchand tenait un rôle pivot dans l'organisation économique de ce système. Non seulement il fournissait aux artisans les matières premières requises, mais il était également en charge de la distribution des outils et de la gestion des commandes. Sa capacité à centraliser l'achat et la distribution des ressources lui permettait de réduire les coûts de transport et d'exercer un contrôle sur la chaîne de production et de vente. De plus, en réglant le rythme de travail selon les commandes, le marchand adaptait l'offre à la demande, une pratique qui annonçait les principes de flexibilité du capitalisme moderne. Dans l'ensemble, le système domestique était marqué par la figure dominante du marchand-entrepreneur, qui orchestré la production et la commercialisation des produits finis, s'appuyant sur une main-d'œuvre agricole intermittente. Ce système allait évoluer progressivement, ouvrant la voie à des méthodes de production plus centralisées et à la révolution industrielle qui s'en suivrait. | ||
Dans le cadre du système domestique qui prévalait avant la révolution industrielle, le rôle du paysan était caractérisé par une forte dépendance économique. Celle-ci s'articulait autour de plusieurs axes. Tout d'abord, la vie du paysan était rythmée par les saisons et les cycles agricoles, ce qui rendait son revenu incertain et variable. En conséquence, la production artisanale, notamment dans le secteur textile, constituait un complément de revenu nécessaire pour pallier l'insuffisance des gains issus de l'agriculture. La nature de cette dépendance était double : non seulement le paysan dépendait de l'agriculture pour sa subsistance principale, mais il était également dépendant des revenus complémentaires que lui procurait le travail artisanal. D'autre part, la relation du paysan avec le marchand était de nature asymétrique. Le marchand, qui contrôlait la distribution des matières premières et la commercialisation des produits finis, avait une influence considérable sur les conditions de travail du paysan. En fournissant les outils et en passant les commandes, le marchand dictait le flux de travail et déterminait indirectement le niveau de revenu du paysan. Cette dépendance était exacerbée par le fait que le paysan ne possédait pas les moyens de commercialiser lui-même ses produits à une échelle significative, ce qui l'obligeait à accepter les termes dictés par le marchand. La dépendance du paysan vis-à-vis du marchand était renforcée par la précarité de son statut économique. Avec peu de possibilités de négocier ou d'altérer les conditions de son travail artisanal, le paysan était vulnérable aux fluctuations de la demande et aux décisions du marchand. Cette situation perdura jusqu'à l'avènement de l'industrialisation, qui transforma radicalement les méthodes de production et les rapports économiques au sein de la société. | Dans le cadre du système domestique qui prévalait avant la révolution industrielle, le rôle du paysan était en effet caractérisé par une forte dépendance économique. Celle-ci s'articulait autour de plusieurs axes. Tout d'abord, la vie du paysan était rythmée par les saisons et les cycles agricoles, ce qui rendait son revenu incertain et variable. En conséquence, la production artisanale, notamment dans le secteur textile, constituait un complément de revenu nécessaire pour pallier l'insuffisance des gains issus de l'agriculture. La nature de cette dépendance était double : non seulement le paysan dépendait de l'agriculture pour sa subsistance principale, mais il était également dépendant des revenus complémentaires que lui procurait le travail artisanal. D'autre part, la relation du paysan avec le marchand était de nature asymétrique. Le marchand, qui contrôlait la distribution des matières premières et la commercialisation des produits finis, avait une influence considérable sur les conditions de travail du paysan. En fournissant les outils et en passant les commandes, le marchand dictait le flux de travail et déterminait indirectement le niveau de revenu du paysan. Cette dépendance était exacerbée par le fait que le paysan ne possédait pas les moyens de commercialiser lui-même ses produits à une échelle significative, ce qui l'obligeait à accepter les termes dictés par le marchand. La dépendance du paysan vis-à-vis du marchand était renforcée par la précarité de son statut économique. Avec peu de possibilités de négocier ou d'altérer les conditions de son travail artisanal, le paysan était vulnérable aux fluctuations de la demande et aux décisions du marchand. Cette situation perdura jusqu'à l'avènement de l'industrialisation, qui transforma radicalement les méthodes de production et les rapports économiques au sein de la société. | ||
Les corporations d'artisans du textile, institutions fortes du Moyen Âge jusqu'à la période moderne, jouaient un rôle essentiel dans la régulation de la production et de la qualité des biens, ainsi que dans la protection économique et sociale de leurs membres. Lorsque le système de production décentralisé, connu sous le nom de Verlagsystem ou putting-out system, a commencé à se développer, il a présenté un modèle alternatif dans lequel les marchands externalisaient le travail aux artisans et aux paysans qui travaillaient chez eux. Ce nouveau modèle a engendré des tensions significatives avec les corporations traditionnelles pour plusieurs raisons. Les corporations étaient fondées sur des règles strictes concernant la formation, la production et la vente des biens. Elles imposaient des standards élevés de qualité et garantissaient un certain niveau de vie à leurs membres, tout en limitant la concurrence pour protéger les marchés locaux. Le Verlagsystem, cependant, opérait en dehors de ces règlementations. Les marchands pouvaient contourner les contraintes des corporations, offrant ainsi des produits à moindre coût et souvent à une échelle beaucoup plus grande. Pour les corporations, cette forme de production représentait une concurrence déloyale car elle ne respectait pas les mêmes règles et pouvait menacer le monopole économique qu'elles maintenaient sur la production et la vente des textiles. En conséquence, les corporations cherchaient souvent à limiter ou à interdire les activités du Verlagsystem afin de préserver leurs propres pratiques et avantages. Ces oppositions ont parfois mené à des conflits ouverts et à des tentatives de réglementation plus strictes visant à freiner l'expansion de ce système. Malgré cela, le Verlagsystem a gagné du terrain, particulièrement là où les corporations étaient moins puissantes ou moins présentes, préfigurant ainsi les changements économiques et sociaux qui allaient caractériser la révolution industrielle. | Les corporations d'artisans du textile, institutions fortes du Moyen Âge jusqu'à la période moderne, jouaient un rôle essentiel dans la régulation de la production et de la qualité des biens, ainsi que dans la protection économique et sociale de leurs membres. Lorsque le système de production décentralisé, connu sous le nom de Verlagsystem ou putting-out system, a commencé à se développer, il a présenté un modèle alternatif dans lequel les marchands externalisaient le travail aux artisans et aux paysans qui travaillaient chez eux. Ce nouveau modèle a engendré des tensions significatives avec les corporations traditionnelles pour plusieurs raisons. Les corporations étaient fondées sur des règles strictes concernant la formation, la production et la vente des biens. Elles imposaient des standards élevés de qualité et garantissaient un certain niveau de vie à leurs membres, tout en limitant la concurrence pour protéger les marchés locaux. Le Verlagsystem, cependant, opérait en dehors de ces règlementations. Les marchands pouvaient contourner les contraintes des corporations, offrant ainsi des produits à moindre coût et souvent à une échelle beaucoup plus grande. Pour les corporations, cette forme de production représentait une concurrence déloyale car elle ne respectait pas les mêmes règles et pouvait menacer le monopole économique qu'elles maintenaient sur la production et la vente des textiles. En conséquence, les corporations cherchaient souvent à limiter ou à interdire les activités du Verlagsystem afin de préserver leurs propres pratiques et avantages. Ces oppositions ont parfois mené à des conflits ouverts et à des tentatives de réglementation plus strictes visant à freiner l'expansion de ce système. Malgré cela, le Verlagsystem a gagné du terrain, particulièrement là où les corporations étaient moins puissantes ou moins présentes, préfigurant ainsi les changements économiques et sociaux qui allaient caractériser la révolution industrielle. | ||
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L'organisation de production qui émergea avec le domestic system offrait une innovation dans la gestion de la main-d'œuvre agricole. Ce système permettait aux paysans de profiter de leurs périodes creuses en travaillant à temps partiel pour des marchands ou des manufacturiers. Le paysan devenait ainsi une main-d'œuvre bon marché et flexible pour le marchand, qui pouvait s'adapter aux fluctuations de la demande sans les contraintes d'un engagement à plein temps. Malgré cette innovation, le domestic system est resté un phénomène relativement marginal et n'a pas eu l'impact transformateur qu'auraient pu en attendre les marchands capitalistes. Ces derniers détenaient le capital nécessaire pour acheter les matières premières et payer les paysans pour leur travail, souvent au prix le plus bas, avant de vendre les produits finis sur le marché. Cela représentait une forme de capitalisme commercial précoce, mais ce modèle économique se heurtait à un obstacle majeur : la faiblesse de la demande. La réalité sociale et économique de l'époque était celle d'une "société de misère de masse", où les famines étaient courantes et la consommation se limitait à la stricte nécessité. Les vêtements, par exemple, étaient achetés pour durer et étaient rapiécés et réutilisés plutôt que remplacés. La consommation de masse requiert un niveau de pouvoir d'achat qui n'était tout simplement pas présent dans la majorité de la population, à l'exception de quelques groupes minoritaires comme la noblesse, la bourgeoisie et le clergé. Ainsi, malgré ses aspects innovants, le domestic system n'a pas connu une croissance significative, en partie à cause de cette faiblesse de la demande et de la capacité d'achat globalement limitée. Cela a contribué à maintenir le système économique dans un état de "blocage", où les progrès technologiques et organisationnels seuls ne pouvaient pas déclencher un développement économique plus large sans une augmentation concomitante de la demande du marché. | L'organisation de production qui émergea avec le domestic system offrait une innovation dans la gestion de la main-d'œuvre agricole. Ce système permettait aux paysans de profiter de leurs périodes creuses en travaillant à temps partiel pour des marchands ou des manufacturiers. Le paysan devenait ainsi une main-d'œuvre bon marché et flexible pour le marchand, qui pouvait s'adapter aux fluctuations de la demande sans les contraintes d'un engagement à plein temps. Malgré cette innovation, le domestic system est resté un phénomène relativement marginal et n'a pas eu l'impact transformateur qu'auraient pu en attendre les marchands capitalistes. Ces derniers détenaient le capital nécessaire pour acheter les matières premières et payer les paysans pour leur travail, souvent au prix le plus bas, avant de vendre les produits finis sur le marché. Cela représentait une forme de capitalisme commercial précoce, mais ce modèle économique se heurtait à un obstacle majeur : la faiblesse de la demande. La réalité sociale et économique de l'époque était celle d'une "société de misère de masse", où les famines étaient courantes et la consommation se limitait à la stricte nécessité. Les vêtements, par exemple, étaient achetés pour durer et étaient rapiécés et réutilisés plutôt que remplacés. La consommation de masse requiert un niveau de pouvoir d'achat qui n'était tout simplement pas présent dans la majorité de la population, à l'exception de quelques groupes minoritaires comme la noblesse, la bourgeoisie et le clergé. Ainsi, malgré ses aspects innovants, le domestic system n'a pas connu une croissance significative, en partie à cause de cette faiblesse de la demande et de la capacité d'achat globalement limitée. Cela a contribué à maintenir le système économique dans un état de "blocage", où les progrès technologiques et organisationnels seuls ne pouvaient pas déclencher un développement économique plus large sans une augmentation concomitante de la demande du marché. | ||
= | = La proto-industrialisation = | ||
La proto-industrie | La proto-industrie désigne un type d'activité économique qui implique la production de biens à petite échelle, généralement dans des ménages ou de petits ateliers. La production proto-industrielle se caractérise généralement par l'utilisation de technologies simples et l'emploi d'un grand nombre de travailleurs, qui font souvent partie de la même famille ou communauté. La production proto-industrielle est souvent considérée comme un précurseur de l'industrialisation, car elle implique le développement de certaines des caractéristiques clés de la production industrielle, comme la division du travail et l'utilisation de machines spécialisées. La proto-industrialisation se produit généralement en milieu rural ou agricole, et elle est souvent associée au développement d'industries artisanales et d'autres formes de production à petite échelle. | ||
== Franklin Mendels (1972), sa thèse sur la Flandre au XVIIIème siècle == | |||
La proto-industrialisation est un terme inventé par Franklin Mendels représentant les dynamiques rurales au XVIIIème siècle. On assiste à une croissance des populations, surtout dans les campagnes, et qui se divise en deux groupes sociaux à la fin du XVIIème siècle : | |||
*les paysans sans terres qui va constituer la future « armée de réserve » de la révolution industrielle; | |||
*les paysans qui vont trouver des solutions et chercher des revenus ailleurs | |||
== Caractéristiques de la proto-industrie (« putting-out system ») == | |||
La protoindustrie est la source de la croissance au XVIIIème siècle. Franklin Mendels, avec sa thèse sur la Flandre au XVIIIe (1972), met en évidence deux évènements : | |||
*Il observe qu’au XVIIIe, la croissance de la population se fait essentiellement dans les campagnes, tandis que les populations des villes stagnaient. C’est le seul endroit au monde et le seul moment de l’histoire où la campagne est meneuse de la croissance. | |||
*La bonne unité économique est le ménage (pas la ville ni le village), qui est donc l’unité de production et de reproduction. | |||
Il fait des études de microéconomie sur les Flandres au XVIIIème siècle et suit 5000 ménages à travers les archives. Il s’aperçoit qu’au sein du monde rural d’Europe de l’Ouest il existe trois groupes sociaux en croissance : | |||
*Celui des paysans sans terre, conséquence naturelle de la croissance démographique. On a plus de deux enfants par couple, et on a donc plusieurs héritiers, et on partage désormais la terre entre eux. La niche n’est plus viable, on est en faillite. La croissance démographique met donc les paysans sous pression et conduit certains à la faillite. Certains allaient travailler pour les grands propriétaires terriens, les autres sont devenus « l’armée de réserve du capitalisme » (dixit Marx), soit ceux qui ont été travaillés dans l’industrie qui allait naître, puisqu’ils demandaient désespérément du travail. | |||
*Celui des paysans qui émigrent pour ne pas faire éclater le ménage, et vont chercher les revenus dans les villes/autres pays. Ceci dit, la mobilité paysanne était très forte, et des systèmes migratoires se mettaient en place au XVIIIe. | |||
*Celui des paysans qui s’attachaient à leur terre et étaient ceux qui se lançaient dans la proto-industrie pour pouvoir survivre. | |||
Proto-industrie : travail à domicile, à la campagne. C’est un artisanat que l’on ne voit pas. C’est toujours du temps partiel qui amène une diversification des revenus. Le travail proto-industriel est compatible avec le travail agricole ; le paysan se sert des temps morts de l’agriculture pour travailler sur les métiers à filer. Concrètement, on tire les ressources servant à se nourrir de l’agriculture (comme avant) et la proto industrielle permet d’augmenter ses revenus. S’il y a une mauvaise récolte et le prix du blé monte, on a toujours de quoi payer pour en acheter. S’il y a une crise du textile, on dispose toujours de la récolte pour se nourrir. Pour que la survie soit menacée, il faut donc qu’il y ait deux crises simultanées, un dans chacun des deux secteurs. Ceci se produit, mais est très rare. | |||
Avoir deux sources de revenus change profondément l’existence des paysans. La pauvreté est toujours « de masse », mais on a réalisé un gain important dans la sécurisation de l’existence. | |||
== Le commerce triangulaire == | |||
L’injection de la proto-industrie dans le commerce international a permis un déblocage ! C’est ce qu’on va appeler le putting-out system car on se tourne vers l’exportation. Cela donne lieu au commerce triangulaire qui lui-même donner lieu à la demande. | |||
La différence entre la proto-industrie et le domestic system est le nombre de paysans touches par chacun de ces phénomènes.. Les terroirs agricoles qui n’ont pas été touchés par la proto-industrie sont très rares. Ceci s’est fait en raison de la sortie des micromarchés. Ceci fait que si l’on fabrique du textile, on peut exporter, et il y a multiplication de la demande grâce à « l’exportation ». On fabrique des tissus, des armes… des milliers de paysans fabriquent des clous, et cette fabrication de clous sert dans la construction navale. La production pour l’exportation est donc un facteur de croissance. C’est le début du commerce triangulaire et de l’exportation : | |||
Europe (alcool, armes, textile, camelote…produits de la proto industrie) > Afrique (esclaves) > Amériques dont brésil et Îles Caraïbe (coton, sucre, café, cacao...économie de plantation) > Europe. La construction navale donne du travail (pour les paysans)… Les couts de transport baissent. La situation est « débloquée », il y a du travail pour des millions de paysans. | |||
La proto-industrie est donc un travail pour l’exportation « internationale » à une époque où a eu lieu un éclatement des micromarchés et un déblocage économique. | |||
Est-ce que la croissance de la population a poussé les gens à chercher des solutions et a mené à la proto industrie ou est-ce que la p roto industrie a permis la croissance de la population ? | |||
La proto industrielle est une transition entre l’économie ancienne et l’économie moderne. | |||
[[Fichier:comparaison_domestic_system-protoindustrie.png]] | |||
= Les effets démographiques = | = Les effets démographiques = | ||
== | == Sur la mortalité == | ||
La mortalité a marqué la mentalité des gens de l'ancien régime. Il va y avoir une atténuation des crises de mortalité au XVIIIème siècle et XIXème siècle. La mortalité suit un trait descendant, et elle diminue, car les crises diminuent aussi. Les crises de mortalité s'espacent menant à une atténuation de la mortalité. Cela permet de changer de système démographique. On peut rattacher cela à la diversification des revenus et à la proto-industrialisation. On sait que la proto-industrialisation a fait reculer ce frein du mariage tardif, car la proto-industrie complète les revenus et permet de survivre. | |||
= | == Sur l’âge au mariage et la fécondité == | ||
La proto industrialisation a faire reculer l'âge au mariage. Le petit paysan est sur une petite terre, mais il dégage d'autres revenus issus de la proto-industrialisation rendant le mariage plus rapide. Il faut aussi souligner que les enfants permettent de ramener un revenu en plus dans la proto industrialisation à travers les métiers à tisser . | |||
Les gens se marient donc à nouveau, et plus vite. Du coup, la fécondité repart aussi. Cela est valable dans certaines régions, car dans d’autres, les paysans préféraient se marier plus tard, car ils souhaitaient d’abord s’enrichir en devenant propriétaires. | |||
= | = De nouveaux rapports au corps et à l'environnement = | ||
[[Fichier:Attenuation of mortality swing sweden 1735 - 1920.png|vignette]] | |||
== Une nouvelle vision de la mort == | |||
L’humanité occidentale prend conscience de la mort. Auparavant, au XVIème et au XVIIème, il y avait une fatalité face à la mort, le village des morts et des vivants cohabitait. Au XVIIIème siècle, il a un rejet de la mort, elle devient extérieure. Lorsque la mortalité recule elle n’est plus le quotidien, mais découle de l’exceptionnel, elle devient une fascination. En d'autres termes, cela marque le début de la modernité. Les mentalités changent et la mort recule. On a une nouvelle vision de la mort qui s'inscrit dans une mise à distance de la mort : elle devient quelque chose d’extérieur au monde des vivants. | |||
Le recul de la mortalité aurait permis de changer les rapports des bourreaux lors des exécutions. Au cours du XVIIIème siècle, il faut noter qu'on arrête les exécutions publiques{{Où}}. Avant, les condamnés étaient torturés, on leur faisait peur en leur infligeant des exécutions horribles. Par la suite, on ne torture plus, mais on tue plutôt radicalement. | |||
Au XVIIIème siècle, on va sortir les cimetières hors des villes. On sépare donc le village des morts du village des vivants<ref>Vieux Paris, jeunes Lumières, par Nicolas Melan (Le Monde diplomatique, janvier 2015) Monde-diplomatique.fr,. (2015). Vieux Paris, jeunes Lumières, par Nicolas Melan (Le Monde diplomatique, janvier 2015). Retrieved 17 January 2015, from http://www.monde-diplomatique.fr/2015/01/MELAN/51961</ref>.. Cette externalisation est renforcée, car l’humanité occidentale se dit maintenant « qu’on peut faire quelque chose ». | |||
== Lutte contre les maladies == | |||
L'externalisation de la mort accentuée par le fait que l'homme a l'impression de pouvoir faire quelque chose. La variole est le premier triomphe de l'humanité sur les épidémies. | |||
La variole, est la première victoire de l’humanité sur une épidémie : on pense que la variole a pris le relais de la peste, puisque l’humanité n’aurait pas pu supporter les deux fléaux à la fois. La variole tuait souvent, et si elle ne tuait pas, elle défigurait (ex. Mirabeau). Les gens de l’époque n’ont alors aucune idée de ce qu’est un virus. Au XVIIIe, on sort de l’impuissance. On bricole des solutions. En 1721 apparait l’inoculation (on permet à des enfants de développer des anticorps en leur donnant une variole affaiblie). Globalement, cela fonctionnait, même si c’était extrêmement dangereux. En 1796 apparait le vaccin de Jenner, qui inocule une variole dont souffrent les vaches à des enfants, ce qui fait générer à ces derniers des anticorps (petite précision, en 1796, l’Angleterre est en guerre avec la France, mais veille à transmettre quand même la solution à la France). On se rend donc compte que l’on peut lutter contre les épidémies. Les humains se placent dans une posture conquérante envers la nature. On sort de la « faiblesse face à la nature ». Il y a le développement d’une culture savante de la nature (encyclopédies, etc.). Les premiers débats viennent très vite concernant la soutenabilité (XIXe), par ex. de la production de bateaux par rapport aux réserves de forêts. L’anthropocentrisme est de mise, de manière générale. L’exploitation des ressources de minerai, etc. se fait dans la continuité de ce changement de mentalité. | |||
== Culture de la nature == | |||
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[[Image:Carlowitz Sylvicultura.jpg|thumb|200px|Cover of ''Sylvicultura oeconomica, oder haußwirthliche Nachricht und Naturmäßige Anweisung zur wilden Baum-Zucht'' of 1713.]] | [[Image:Carlowitz Sylvicultura.jpg|thumb|200px|Cover of ''Sylvicultura oeconomica, oder haußwirthliche Nachricht und Naturmäßige Anweisung zur wilden Baum-Zucht'' of 1713.]] | ||
Dans les années 1700, le concept de développement durable n'aurait pas été pertinent, car les gens de l'époque se concentraient sur d'autres questions et priorités. Cependant, il y ait eu une certaine prise de conscience de la nécessité d'utiliser les ressources naturelles de manière responsable et durable, ainsi que de l'importance de préserver l'environnement pour les générations futures. En 1713, Von Karlowitz parlait déjà d’une première définition du développement durable<ref> Grober, Ulrich. "Hans Carl Von Carlowitz: Der Erfinder Der Nachhaltigkeit | ZEIT ONLINE." ZEIT ONLINE. 25 Nov. 1999. Web. 24 Nov. 2015 url: http://www.zeit.de/1999/48/Der_Erfinder_der_Nachhaltigkeit</ref>. | |||
L' | L'homme commence à croire qu'il peut dominer la nature. L’œuvre de l’homme s’impose sur la nature, c'est le développement d'une culture de l'usage du monde. Dieu leur a donné une terre que les humains peuvent exploiter: c'est l'anthropocentrisme. Va se mettre en place une culture savante de la nature avec entre autres l'agronomie, la sylviculture ou encore les voyages d’explorations. C'est une démarche anthropocentrique qui met la nature au service de l’être humain. | ||
= Annexes = | = Annexes = | ||
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