Système de Bretton Woods : 1944 – 1973

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Nous allons essayer de comprendre la gouvernance pour les aspects monétaires et financiers pour les économies de l’après-guerre. La planification du système financier et monétaire international d’après-guerre commence très tôt. Les alliés s’interrogent sur la forme que vont prendre les futures relations monétaires et financières internationales avant la chute du régime nazi. Il faut s’intéresser au contexte dans lequel ces discussions sont entamées liées à l’héritage du passé issu des années 1920 et 1930, mais aussi de la Deuxième guerre mondiale.

Le débat sur le nouvel ordre

Les souvenirs des années 1920 et 1930 sont vifs. La volonté de la part des hommes politiques de trouver des solutions mène à une meilleure gestion suite à un processus d’apprentissage aidant beaucoup la tâche de la reconstruction de l’économie mondiale après la guerre. Malgré le fait que l’on voit pendant la Deuxième guerre mondiale la même dépendance financière que la Première guerre mondiale, les conséquences financières sont différentes. Cela est du a un programme institué par Roosevelt qui est le programme Prêts-Bails qui est un programme d’armement mis en place par les États-Unis pour fournir les alliés en matériel de guerre. Cette loi autorise le président des États-Unis à vendre, louer, doter par tout moyen un programme de défense à tout gouvernement dont le président estime la défense vitale à la défense des États-Unis. Cela ouvre la possibilité aux États-Unis à presque donner des équipements aux pays alliés changeant tout aux conséquences financières d’après la Deuxième guerre mondiale.

Les principaux bénéficiaires du Prêts-Bails étaient la Grande-Bretagne qui profitait de 30 milliards de dollars et l’Union soviétique qui profitait de 11 milliards de dollars. Les États-Unis comptent sur le retour de ces biens après la guerre.

« 

"What do I do in such a crisis?" the president asked at a press conference.
"I don't say... 'Neighbor, my garden hose cost me $15; you have to pay me $15 for it' …
'I don't want $15 — I want my garden hose back after the fire is over." »

— Presidential Press Conference, December 17, 1940

L’idée est de prêter de l’aide aux alliés pour mettre fin au feu selon l’analogie de Roosevelt. Il y a une attitude différente des États-Unis face aux échanges rendus nécessaires par la Deuxième guerre mondiale. De plus, les pays alliés peuvent garder ces biens pour un paiement de seulement 10% de la valeur. Il y a un esprit de subvention. Le programme Prêts-Bails joue un rôle dans l’aide des alliés à poursuivre la guerre, mais aussi à éviter un endettement trop lourd comme vu après la Première guerre mondiale. On voit avec certains accords bilatéraux et surtout entre la Grande-Bretagne et les États-Unis en décembre 1945 que les États-Unis décident d’annuler la quasi-totalité de la dette britannique. L’existence du programme Prêts-Bails ne veut pas dire que les pays belligérants ne contractent pas des dettes importantes afin de financer la Deuxième guerre mondiale.

British public desbt, 1700 - 2013 (% of GDP).png

On voit que les guerres coûtent toujours cher. Le programme Prêts-Bails ne peut pas aider les britanniques à éviter toutes les conséquences financières de la guerre. Le taux de change durant la Deuxième guerre mondiale est plus modéré que la Première guerre mondiale alors que la Deuxième guerre mondiale coûte plus cher que la Première guerre mondiale. Ce fardeau aurait été beaucoup plus lourd sans la politique Prêts-Bails des États-Unis. On voit une meilleure gestion de l’économie de guerre par les pays alliés.

Il faut aussi s’intéresser aux réparations imposées aux pays défaits après la Deuxième guerre mondiale. À la fin de 1945, il y a des discussions de réparations avant même la fin de la guerre tentant de préciser le montant des réparations imposées à l’Allemagne. Mais on voit une réticence importante de la part des États-Unis, car au début ce sont les trois grandes puissances qui sont concernées à savoir les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Union soviétique. Un seul pays pousse à avoir des réparations importantes qui est l’Union soviétique. L’Union soviétique joue le rôle de victime parmi les pays victorieux souffrant le plus de la guerre en termes de pertes humaines, mais aussi en termes de pertes matérielles. Le fait que l’Union soviétique revendique des réparations n’est pas surprenant. Toutefois, les États-Unis et la Grande-Bretagne hésitent à faire poser un fardeau financier sur un pays qui est beaucoup plus dévasté après la Deuxième guerre mondiale qu’après la Première guerre mondiale. Il y a la crainte que faire peser des réparations sur certains pays risque d’engendrer des conséquences plus vastes qu’à la fin des années 1930. Au final, le montant imposé n’est pas si important qu’après la Première guerre mondiale et les réparations sont imposées en nature. On parle de la confiscation immédiate de certains avoirs industriels avec la vente d’industries allemandes exportées en Union soviétique. C’est par le biais de la confiscation des biens qui existent déjà qu’on voit le montant des réparations. Les États-Unis veulent limiter les réparations en nature en insistant sur le fait que l’Union soviétique prenne ces réparations en nature de leurs propres zones de l’Allemagne. Les États-Unis veulent limiter la possibilité de l’Union soviétique de prendre les réparations des autres zones de l’Allemagne. On voit la volonté de contrôler les implications financières des réparations de la part des grandes puissances. Dans les années 1950, d’autres réparations sont négociées entre la République fédérale allemande avec d’autres pays, mais surtout avec Israël.

Source: Eugene White, 2001, “Making the French pay: costs and consequences of the Napoleonic reparations,” European Review of Economic History.

La question des réparations n’est pas une chose nouvelle. Les estimations pour l’Allemagne ne comprennent pas les confiscations immédiates matérielles, mais on estime un montant beaucoup plus bas que pour la Première guerre mondiale. Suite à la Deuxième guerre mondiale, il y a une politique différente de la part des pays alliés. D’autres pays sont concernés comme l’Italie et le Japon. La plupart des spécialistes considèrent que les alliés ont appris des conséquences économiques de l’après-Première guerre mondiale.

La complication de la Deuxième guerre mondiale et le fait qu’il y a une Première guerre mondiale avant. Il y a une interaction possible entre les conséquences financières de la Première guerre mondiale et les conséquences financières de la Deuxième guerre mondiale. Pour la Première guerre mondiale, des accords mettent fin aux réparations financières dans les années 1930 dans le cas d’un moratoire initié par Hoover en 1931 afin de geler les dettes pour une année. La conférence de Lausanne de 1932 met fin aux réparations. Les dettes contractées par l‘Allemagne au long des années 1920 sont contractées afin de payer les réparations avec une interaction étroite entre paiement des réparations et augmentation des dettes. Le plan Dawes et le plan Young permettent aux allemands de payer les réparations. D’autres prêts sont contractés par les firmes ou encore les villes. Ainsi, on voit un niveau important de dette internationale pour l’Allemagne.

Dans les années 1930, les nazis essaient de répudier les dettes. On voit une éventuelle répudiation de ces dettes par les nazis dans les années 1920. À la fin de la Deuxième guerre mondiale, se pose la question de savoir si les allemands sont responsables du paiement des dettes d’avant-guerre et des prêts nouveaux s’ajoutant pour la reconstruction après la Deuxième guerre mondiale. Il y a la question de ces dettes d’avant-guerre et d’après-guerre qui se pose. En ce qui concerne la dette de l’avant-guerre, on parle d’un montant de 13,5 milliards de marks. En ce qui concerne les dettes contractées tout de suite après la guerre, on parle d’une dette de 16,2 milliards de marks. Entre les deux, on parle de près de 30 milliards de marks qui restent à déterminer pour le montant des dettes. En 1951, Eisenhower accepte la responsabilité le la République fédérale allemande afin de payer ces dettes. Les alliés occupent l’Allemagne de l’Ouest, est il insiste sur le fait qu’il faut relancer le commerce international allemand menant à un accord en 1953 qui réduit le montant des dettes de la République fédérale allemande de 50%. On parle d’un fardeau pour une économie en pleine reconstruction en 1953, mais qui permet de lancer un certain essor.

On peut dire qu’il y a un apprentissage important des pays alliés suite à l’expérience de la Première guerre mondiale avec une volonté de limiter les conséquences financières après la Deuxième guerre mondiale ne voulant pas dire qu’il y a des problèmes importants à régler après la Deuxième guerre mondiale afin de créer un nouveau système financier et monétaire international. Les alliés ont surtout peur de l’effondrement du système mondial d’échange et de l’économie mondiale. L’idée est de créer un système d’économie mondiale qui permet de donner un nouvel essor au commerce international, mais tout le monde comprend vite que pour démarrer le commerce international, il faut avant tout résoudre les problèmes des paiements internationaux.

Les caractéristiques du système de Bretton Woods

L’importance du débat sur le nouvel ordre monétaire et financier peut sembler bizarre, car on parle d’un défi technique et même obscure mais il y a une véritable obsession de la forme de ce nouveau système monétaire international après la fin de la guerre et après. C’est considéré comme le mécanisme le plus important afin de relancer le commerce international dans l’après-guerre. Ce sont surtout les américains et les britanniques qui prennent en charge la reconstruction du nouveau système monétaire international. D’un côté, les britanniques sont menés à y penser par les américains dans le contexte du principe de la préférence impériale. Les États-Unis revendiquent l’implication de la Grande-Bretagne dans le cadre des accords préférentiels qu’elle dispose avec son empire. La Grande-Bretagne résiste beaucoup parce que vu l’importance de son déficit commercial, elle a peur des conséquences du système libre-échangiste sur son économie extérieure. Les britanniques doivent trouver une autre réponse que la résistance.

Harry Dexter White (à gauche) et John Maynard Keynes en 1946. Ils furent les deux protagonistes principaux de la conférence tenue à Bretton Woods.

Le personnage le plus important qui travaille sur cette question en Grande-Bretagne est Keynes qui est le conseiller du ministre des affaires extérieures britanniques. Afin de relancer le système international, il faut un système sans punition pour les pays en déficit sur la balance commerciale. Dans The General Theory of Employment, Interest and Money, il critique la politique orthodoxe de la déflation pour rééquilibrer l’économie. Il constate dès 1936 que l’État a un rôle important pour rééquilibre l’économie. En créant un système international, il est important de soutenir la politique qu’il veut voir à l’intérieur des économies afin de créer la possibilité en dehors de la déflation pour rééquilibre la balance des paiements. Il a deux objectifs, créer un système international des paiements et créer d’autres possibilités pour les pays qui sont en déficit. En même temps, les américains commencent à parler du même défi par l’intermédiaire de la personne de par White.

Les initiatives de ces deux hommes avancent séparément, mais une fois le contact établi, il est clair que leur vision de l’ordre international du monde est différente. Dans l’éventuel accord de Breton Woods, on trouve un compromis entre leurs deux visions du système monétaire international. Les deux nouveaux systèmes reflètent les différentes expériences de leurs propres expériences de leur propre pays pendant les années 1920 et les années 1930. Keynes et White apprennent quelque chose de l’histoire, mais des différentes choses de l’histoire. Pour Keynes les leçons de l’histoire sont plutôt tristes, car la Grande-Bretagne perd sa place d’hégémon de l’économie mondiale, la guerre augmente sa dépendance extérieure et la Grande-Bretagne prévoit un après-guerre difficile suite aux problèmes qu’elle voit à partir de la fin de la Deuxième guerre mondiale. La Grande-Bretagne n’est pas un pays optimiste pour la période d’après Deuxième guerre mondiale. De plus, suite à l’expérience des années 1920 concernant l’étalon-or, les britanniques sont de plus en plus négatifs par rapport à cette expérience. Pendant les années 1920, la Grande-Bretagne avait une forte difficulté à garder la parité de la livre par rapport au dollar. Les britanniques ont une livre surévaluée, mais ils considèrent aussi que c’était la faute des autres banques centrales qu’il était difficile de garder la parité avec le dollar. Ils considèrent que l’étalon-or n’est pas le meilleur système à garder. Ils sont inquiets de la possibilité autour d’une punition reliée à une déflation, car ils ont subi cette punition pendant les années 1920.

On peut se demander qui est responsable pour un commerce international équilibré et déséquilibré. Si on a un pays avec des excédents permanents et un autre avec des déficits permanents, qui est responsable ? Certains accusent les pays déficitaires de dépenser plus que ne leur permettent leurs moyens. C‘était l’idée partagée, mais pas par Keynes qui considérait que le fardeau est partagé. Les pays qui sont en excédant, pour Keynes, ne respectent pas les règles de l’économie mondiale. Ils auraient dû stimuler leur économie intérieure afin de maitriser leur excédent. Keynes constate que les pays qui sont souvent en excèdent exploitent la demande des autres pays. C’est un débat tout à fait vif. Lorsqu’on parle de l’Allemagne et de la Grèce aujourd’hui ou des États-Unis est de la Chine aujourd’hui, on a le même débat. Au sortir de la Deuxième guerre mondiale, les britanniques sont en déficit et les États-Unis en excédent. Keynes, insiste sur le fait qu’il faut une discipline internationale pour réguler l’économie mondiale.

Pour l’économie américaine, les conséquences de la Deuxième guerre mondiale sont plutôt heureuses avec une position extérieure forte et une balance extérieure forte. C’est un pays qui profite de la Première guerre mondiale pour faire avancer ses positions et qui prévoit un après-guerre encore plus florissant après la Deuxième guerre mondiale. Concernant l’étalon-or, les États-Unis deviennent de plus en plus enthousiastes vis-à-vis d’un tel système, car White comprend les conséquences de la guerre différemment que Keynes. En Grande-Bretagne, les hommes politiques auraient dû avoir plus de rigueur budgétaire et discipliner les syndicats plutôt que de mener une politique de déficit monétaire. Pour White, l’économie mondiale doit reposer sur une compétitivité en prenant des mesures qui pèsent sur les salaires et les prix de manière générale. Il n’est pas pour hasard que les États-Unis et la Grande-Bretagne aient du mal à s’entendre dans l’entre-deux-guerres. Dans l’éventuel accord de Breton Woods, on trouver un compromis avec leurs différentes visions du système international.

Un monde financier sous contraintes

Le système de Breton Woods dispose de trois caractéristiques :

  • change fixe, mais ajustable ;
  • convertibilité des monnaies, mais des contrôles sur les flux de capitaux ;
  • nouvelles organisation : FMI et Banque mondiale.

Change fixe, mais ajustable

Les autorités monétaires de chaque pays s’engagent à maintenir leur monnaie à une parité étant obligée à maintenir leur devise à une valeur de 20% autour de la valeur de la parité. Les parités sont ajustables sous certaines conditions. La parité choisie peut être modifiée par un pays membre afin de corriger un déséquilibre fondamental de la valeur des paiements. Pour une modification à hauteur de 20% de la valeur nominale de la monnaie, le pays doit consulter le FMI sans nécessairement avoir son approbation. La décision reste nationale. Pour un changement plus important, il faut l’approbation du FMI à la majorité qualifiée. Les américains profitent des accords de Breton Woods pour placer leur monnaie au cœur du système en déclarant leur monnaie par rapport à l’or. Les autres pays ne sont pas capables de leur faire après la guerre, car leurs économies sont trop faibles pour rétablir un équilibrer, c’est pourquoi ils déclarent leur monnaie par rapport au dollar. Si on regarde le système de Breton Woods, la devise clef est le dollar qui joue un rôle important d’encrage dans ce système. Keynes a proposé une nouvelle monnaie mondiale qui s’appelle le bancor. Les américains et White ne souhaitent pas la naissance du bancor parce qu’ils craignaient une perte de discipline dans le cadre de la création de cette monnaie. Il était important de garder le dollar comme clef du système ayant réussi à imposer le dollar comme solution. Le fait qu’il y ait une possibilité d’ajustement fait qu’il y a une autre possibilité de résoudre les problèmes de déséquilibre que la déflation. C’est un système monétaire international qui essaie d’intégrer les solutions à la dévaluation dans le système international lui-même.

Convertibilité des monnaies, mais des contrôles sur les flux de capitaux

Quand on parle de la convertibilité d’une monnaie, on parle de la possibilité d’une monnaie nationale d’être échangée contre une autre monnaie ou d’être convertie en monnaie étrangère. La convertibilité se divise entre convertibilité entre transactions courantes et la convertibilité sur les opérations en capital signifie qu’on peut échanger la monnaie nationale en monnaie étrangère pour assurer des investissements dans le pays étranger. White veut avoir une convertibilité générale insistant sur le contrôle autant des échanges que les flux internationaux. Les britanniques et Keynes insistent sur le contrôle des opérations en capital. Avec le système de Breton Woods, on a seulement le contrôle de la convertibilité sur les opérations courantes. Le principe est qu’on ne peut dépendre d’une convertibilité libre et générale pour toute transaction.

Nouvelles organisations : FMI et Banque mondiale

Il y a la création d’institutions avec le FMI et la BIRD qui devient à terme la Banque mondiale. Le FMI est particulièrement important dans le système international avec pour rôle de réguler les économies internationales dans une perspective nationale et financer la balance des paiements des pays à risque. En tant que caisse de solidarité, chaque État membre doit effectuer un dépôt dont le montant dépend du PIB prédit des pays membres et si un pays a des problèmes pour équilibrer sa balance des paiements, il peut faire appel aux aides qui sont automatiques, mais aussi conditionnelles. Keynes veut un montant élevé de cette enveloppe afin de pouvoir gérer même les déséquilibres graves. Pourtant, White et les américaines sont contre cette idée, car les États-Unis ne sont pas prêts à signer des « chèques en blanc ». Keynes perd et White gagne. Lorsqu’on regarde les caractéristiques du système de Breton Woods, on peut voir un compromis étant le reflet des négociations entre les États-Unis et les britanniques. Déjà pendant les débats autour de la forme du système monétaire international. Les États-Unis dominent les négociations de Breton Woods.

« In Washington Lord Halifax; Once whispered to Lord Keynes: "It's true they have the money bags But we have all the brains." »

— "Source: "found on a yellowing piece of paper salvaged from the first Anglo-American discussions... about postwar economic arrangements" - Gardner, 1980, p. xiii

On peut comprendre cet accord aussi comme une réponse à une logique historique que l’on trouve derrière ces caractéristiques parce qu’elles sont censées apporter des solutions aux problèmes. Le système répond aux contraintes de la déflation imposées sous l’ancien système de l’étalon-or ou le seul moyen de rééquilibrer est d’imposer une déflation. L’utilisation de la déflation est même encore plus importante après la Deuxième guerre mondiale puisque les politiques déflationnistes sont encore plus importantes sur les populations, car le pouvoir des travailleurs est encore plus important qu’avant la Deuxième guerre mondiale sous l’impulsion des partis de gauche. Cette première caractéristique répond au besoin en termes d’alternative à la déflation.

Derrière la convertibilité des monnaies et le contrôle de flux de capitaux, il y a l’idée de résoudre le problème de la convertibilité des années 1920. L’idée est de limiter le rôle de la spéculation financière et son effet sur les pays.

La création d’une nouvelle organisation internationale et surtout le FMI a pour objectif de sanctionner les gouvernements qui poursuivent des politiques qui déstabilisent l’économie internationale et d’aider les pays qui ont des déficits. L’idée est de créer un endroit et une organisation qui prend la responsabilité qui essaie de régler ces problèmes du système monétaire international.

La montée des pressions

Le triangle de Mundell est l’idée qu’une économie ne peut atteindre simultanément les trois objectifs suivants :

  • un régime de change fixe ;
  • une politique monétaire autonome ;
  • une parfaite liberté de circulation des capitaux.

Si on essaie de concilier ces trois objets, on arrive à une crise monétaire, mais si on abandonne l’un de ces objets, les deux autres sont réalisables. Dans les accords de Breton Woods, on a un régime de change fixe qui dispose d’une politique autonome pour les pays membres, mais qui supprime la libéralisation financière au niveau international. Dans le système de l’étalon-or, cette même logique est respectée de 1870 à 1914, mais de façon différente, avec des changes fixes, une liberté de circulation des capitaux, mais on supprime la politique monétaire autonome des pays. Pendant les années 1920, on voit un manque de respect de ce principe avec un régime de change fixe, une libre circulation des capitaux et des politiques monétaires automne qui a mené à une crise importante.

Le système fonctionne parfaitement pendant une période assez courte. Pendant un certain temps, les pays qui souffrent d’un déficit important de la balance courante continuent à mobiliser l’option du contrôle des changes afin de rétablir l’équilibre de la balance externe imposant des contrôles même sur la convertibilité de la monnaie pour des opérations courantes. La France et l’Allemagne ne sont pas capables de restaurer la convertibilité de la monnaie même sur des opérations courantes parce que leurs déficits commerciaux sont trop importants. Ils hésitent à rétablir la convertibilité sur les opérations courantes et suppriment la convertibilité sur les opérations en capital. On voit un non-respect du système de Breton Woods jusqu’à 1958. Le système de Breton Woods fonctionne parfaitement entre 1958 et 1973.

La difficulté de ces pays d’essayer de rétablir la convertibilité de la monnaie est liée à une idée générale décrite comme un problème de pénurie ou de la rareté du dollar. Le « dollar gap » est le manque de dollar dont ont souffert certains pays au lendemain de la Deuxième guerre mondiale notamment pour l’Europe. Les produits fournis par les États-Unis sont importés avec une capacité limitée de payer ces importations parce que les économies européennes sont dans une situation chaotique. Ces pays ne sont pas capables de produire suffisamment pour exporter et faire entrer des devises américaines qui permettent de payer les importations des États-Unis. Avec un tel déficit, il est très difficile de restaurer la convertibilité de la monnaie, donc, ils imposent les contrôles même sur les opérations courantes. Par conséquent, il y a un fort risque de la suspension de convertibilité des monnaies d’avec le dollar compliquant les échanges de biens et de services. Les américains sont très mécontents de cette situation, car les États-Unis attendent de profiter de l’essor de l’après-guerre. Les américains pensent que la restauration de la convertibilité des monnaies européennes est essentielle visant particulièrement les britanniques.

One of a number of posters created to promote the Marshall Plan in Europe. Note the pivotal position of the American flag. The blue and white flag between those of Germany and Italy is a version of the Trieste flag with the UN blue rather than the traditional red.

Les britanniques sont sous pression énorme parce que ce pays avait subi moins de destructions de la guerre que d’autres économies européennes. Pour cet argument, il serait plus facile de rétablir la convertibilité du livre. Or, les britanniques s’inquiètent de la convertibilité de leur monnaie, car ils ont constitué des dettes pour financer la guerre. Il y a des créances énormes, beaucoup plus importantes que les réserves officielles de la Grande-Bretagne et le problème est que ces créances mènent à une perte de confiance en la livre et une liquidation de ces créances pour les convertir en dollar. La conséquence serait une chute de la valeur du sterling. Malgré la position des britanniques, les américains insistent sur la convertibilité de la livre sterling. Les américains ont un argument important puisque les britanniques ont besoin des prêts américains afin de reconstruire leur économie en 1946, les américains octroient un prêt de 4 milliards de dollars aux britanniques en échange de quoi les américains doivent rétablir la convertibilité de leur monnaie. Le livre devient convertible en juin 1947. Les réserves fuient le pays et le prêt des américains est épuisé en quatre semaines. La crise termine par la suspension de la convertibilité de la livre le 20 août 1947.

Le seul avantage de cette crise est qu’elle ramène les américains aux problèmes globaux et à la pénurie du dollar. Cet évènement fait peur aux américains d’une possible déstabilisation des économies européennes et s’inquiètent de la propagation du communisme. Ils ont conçu le Plan Marshall afin de reconstruire les économies européennes et le Congrès ne l’a pas encore approuvé. La crise du livre-sterling aide à la ratification du Plan Marshall par le Congrès. L’aide Marshall est votée en 1948. Ce sont les européens qui se le partagent sur la base de prévisions consensuelles sur la base de leur déficit en dollar. C’est pour répondre à cette pénurie que l’aide Marshall est utilisée. Tout le monde espère que les 13 milliards de dollars de l’aide Marshall suffiront pour résoudre le problème du dollar en Europe.

Une autre crise se produit en 1948 et 1949 conduisant à une déflation des monnaies européennes en 1949 qui met en exergue que la pénurie du dollar et la déstabilisation du commerce international qu’il engendre. On voit des efforts de la part des européens de créer des mécanismes afin de résoudre le problème de la pénurie du dollar avec le mécanisme de l’Union européenne des paiements qui créé une possibilité d’avoir une convertibilité entre monnaies européennes, mais qui garde des restrictions sur la convertibilité des opérations courantes entre pays tiers. La solution se trouve dans le développement économique que l’on voit dans ces économies européennes. Le commerce international entre l’Europe et les États-Unis commence à être rééquilibré suite à la restauration des pays européens d’exporter de nouveau. C’est la reconstruction des économies européennes qui résout le problème du dollar. Une fois le problème de la pénurie de dollars résolu, on passe d’une pénurie de dollars à un excèdent de dollar.

Vulnérabilité du système de Bretton Woods

Les défis de la pénurie de dollars pour le système international cèdent la place à un nouveau problème vers la fin des années 1950 avec un inversement du problème avec l’émergence d’un excèdent du dollar dans l’économie mondiale liée à un excèdent des exportations des japonais et des américains. S’il y a une vulnérabilité endogène du système de Bretton Woods, cela est lié au problème de l’excédent du dollar. Avec le problème de la balance courante comme la République fédérale allemande et le Japon, il y a une détérioration dans les années 1960 de la balance commerciale des États-Unis. Le pays commence à dépenser plus sur ses importations et à gagner un peu moins des exportations. On voit que les États-Unis dépensent de plus en plus à l’étranger pour soutenir ses activités militaires et son aide extérieure. Si on regarde la balance des capitaux, les entreprises américaines reprennent et augmentent leurs investissements en Europe. Il y a de plus en plus d’argent qui sort des États-Unis. La balance externe des États-Unis déficitaire conduit à une redistribution vers les autres pays qui commencent à gagner plus de dollars qu’ils n’en dépensent.

Un déséquilibre sur la balance des paiements est intrigant parce qu’une balance des paiements est toujours équilibrée dans une perspective de comptabilité. Avant 1973, il est très fréquent de parler en termes d’équilibre en termes de comptabilité, mais de certains types d’équilibre qui reflètent un changement d’équilibre notamment une variation des réserves officielles d’un pays. Les États-Unis utilisent leur balance des paiements en laissant sortir de l’or et en créant des obligations officielles envers d’autres pays la situation de la balance des paiements reflète une faiblesse externe de plus en plus importante des États-Unis. Pour l’Allemagne, on voit l’inverse. Sa balance externe est de plus en plus forte, l’Allemagne est capable de faire augmenter ses réserves officielles. Il y a une faiblesse qui augmente sur la balance externe des États-Unis au long des années 1960.

Cela montre une première vulnérabilité du système de Bretton Woods qui est surprenante. On constate un problème persistant sur un déséquilibre de la balance des paiements alors que le système de Bretton Woods fut conçu pour éviter un tel problème parce qu’on parle d’un taux de change fixe ajustable. Dans le système, normalement, on a une manière de régler ce problème pourtant ce n’est pas suffisamment bien réglé. Comment expliquer ce paradoxe ? Il est possible d’ajouter de la valeur dans une condition de déséquilibre fondamentale. Cela devient un problème de plus en plus important pendant les années 1960. Un aveu de déséquilibre fondamental est gênant. C’est un problème particulièrement gênant pour des grands pays comme la Grande-Bretagne par exemple qui hésite à constater un déséquilibre fondamental. On voit une décision de dévaluer le livre-sterling en 1967, mais cette décision aurait dû être prise trois ans plus tôt. La difficulté que les règles de Bretton Woods créent pour un pays en déséquilibre fondamental rend difficile de ne pas attitrer l’attention des spéculateurs et de provoquer la chute de la monnaie concernée. Ces règles sont trop lourdes, les pays évitent de s’impliquer dans un tel processus parce qu’ils ont peur d’être sujets à une attaque des spéculateurs internationaux.

Le système est aussi dépendant d’une seule monnaie qui est le dollar pouvant être un avantage de la perspective des États-Unis parce que les États-Unis peuvent se porter en déficit de la balance des paiements parce que les banques centrales ailleurs souhaitent acquérir des dollars. Le dollar sert comme base du système et la plupart des pays du monde détiennent des dollars dans leurs réserves officielles permettant aux États-Unis de faire augmenter leur offre de monnaie et leur économie parce que les États-Unis savent que d’autres pays vont retenir ces dollars en tant que réserve. De Gaulle va commencer à parler d’un privilège exorbitant des États-Unis.

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On voit une dimension des réserves officielles en or des États-Unis. Les États-Unis augmentent les créances dénommées en dollar afin de payer en dollar. Il est possible de critiquer les États-Unis pour leur manque de discipline créant un problème pour le système monétaire international. Si les États-Unis décident de rééquilibrer la balance externe et de faire diminuer les dépenses en dollar, cela donne un désastre total.

On parle du dilemme de Triffin. Si on regarde en détail le système de Bretton Woods, les systèmes rendent nécessaire le déficit de la balance des paiements pour alimenter une économie en pleine extension. L’économie mondiale a davantage besoin de la balance des paiements puisqu’elle est en extension. La solution est l’augmentation du nombre de dollars qui circulent dans l’économie mondiale. Les États-Unis rendent service au système monétaire international en créant davantage de liquidité pour le système. Cependant, il y a un paradoxe, car une telle augmentation du stock de dollars contribue à un affaiblissement progressif de la confiance des agents économiques étrangers envers la monnaie de référence.

The incredible shrinking gold.png

Avec l’augmentation du nombre de dollars qui circulent dans l’économie mondiale, le stock mondial d’or ne monte pas beaucoup et pas suffisamment afin de maintenir un ratio stable entre or et dollar. À la fin de la période, on ne parle que de 5% du stock d’or. C’est le système qui donne ce résultat parce qu’il est possible de résoudre le problème en demandant aux États-Unis en limitant la création de dollars, mais cela crée un manque de liquidité au niveau mondial. Avec le système de Bretton Woods, on a créé un système trop dépendant d’une seule monnaie qui est le dollar.

Il y a une réponse ponctuelle pour combler les défis du déficit. Une des solutions ponctuelles est la création du pool de l’or. Un accord international est proposé par les États-Unis est appliqué en 1961 par la Suisse et les membres de la communauté européenne menant à une chute du prix relatif du dollar créant une incitation à exiger de l’or contre les dollars auprès du trésor américain. Avec le pool de l’or, les pays membres s’engagent à limiter la vente de leur propre stock d’or. La Suisse par exemple agit contre ces propres intérêts, mais il y a un engagement de la part de ces membres de tout essayer afin de sauver le système. Dans leurs actions on voit la vulnérabilité du système de dépendance du dollar. Les efforts du contrôle du marché d’or international abouti à un échec. Dans la deuxième moitié des années 1960, il y a de plus en plus de difficultés à sauver le système du pool de l’or. On voit des efforts afin de résoudre des faiblesses structurelles du système. Le pool de l’or ne répond pas à des vulnérabilités structurelles. On voit une volonté des acteurs internationaux de s’attaquer aux faiblesses structurelles. Dans les années 1960, l’objectif est de réduire la dépendance du système de Bretton Woods et au dollar. Il n’est pas clair qu’il y a suffisamment de stock d’or dans le monde pour soutenir l’économie mondiale. On voit un retour des idées qui ne sont pas très loin des idées de Keynes avec la création du bancor. Robert Triffin constate que la seule solution pour le système de Bretton Woods est de créer une unité artificielle basée sur la valeur de plusieurs monnaies et non pas sur une seule monnaie nationale. Ce fut quelque chose rejeté au début du système en tant qu’idée de Keynes.

Au milieu des années 1960, on voit des propositions allant dans la même direction. En 1964, on voit que les français reprennent une idée développée d’abord par les britanniques d’utiliser des Droits de tirage spéciaux [DTS] pour résoudre le problème de la dépense au dollar du système international. Au début les américains sont contre voulant garder le rôle clef du dollar, mais les États-Unis changent de position à cause des craintes croissantes pour la convertibilité en or du dollar. Le système va exploser s’il n’y a rien qui change ces faiblesses structurelles.

En 1969, le Droit de tirages spéciaux est mis en œuvre et on voit la création de nouveaux avoirs internationaux sous les auspices du FMI de nature structurelle et interétatique. Les DTS sont des actifs de réserve créés par le FMI et alloués aux pays membres. La valeur des DTS est évaluée à partir d’un panier de monnaies internationales et leur utilisation est limitée aux transactions et aux opérations officielles entre pays membres et avec le FMI. C’est une monnaie artificielle et distincte. Pour ces raisons, on ne voit pas de grand succès du DTS qui ne représente qu’une petite partie des réserves officielles même avant l’effondrement du système de Bretton Woods. Il y a des faiblesses endogènes du système contribuant à l’effondrement éventuel du système de Bretton Woods.

Un marché international commence à se développer beaucoup pendant cette période et surtout pendant les années 1960. Pendant les années 1940 et 1950, il y a une volonté de contrôler les flux de capitaux internationaux. Si ces pays membres acceptent ces consignes, ils vont proposer un règlement d’action de ces flux. On voit un contrôle des capitaux important et imposé partout limitant les possibilités pour le développement du marché financier international. On commence à voir que l’efficacité de ce genre de contrôle s’érode dans l’après-guerre et surtout dans les années 1960. Il y a d’abord la restauration de la convertibilité sur les opérations qui n’est pas restaurée avant 1958 pour les pays principaux de Bretton Woods. Une fois la convertibilité restaurée, cela crée un problème. Il est possible de faire semblant d’avoir besoin de convertir de la monnaie pour des raisons légitimes, mais de le faire autrement. Il y a une possibilité de contourner certaines règles du système une fois la convertibilité sur les opérations courantes restaurées.

Les opérateurs financiers trouvent de nouvelles manières de contourner les contrôles en se dirigeant sur les marchés de l’eurodollar. Le marché de l’eurodollar représente un terrain d’essai du monde financier. L’eurodollar crée la possibilité pour des acteurs privés et publics de faire des échanges qui n’étaient pas possibles dans les années 1950. Les eurodollars sont les dollars détenus en dehors des États-Unis, mais pas seulement en Europe. Leur origine se trouve dans les années 1950 lorsque les dépôts en dollar commencent à s’accumuler à Londres. Le premier dépôt est effectué à Londres et à Paris par une banque russe. Ce n’est pas par hasard qu’on parle d’une banque russe parce que l’Union soviétique et les pays de l’Est préfèrent détenir leurs dollars en dehors des États-Unis parce qu’ils ont peur de voir leurs dollars bloqués aux États-Unis. Surtout, les investissements américains cherchent à échapper à la règlementation américaine et notamment à la régulation qui limite les taux d’intérêt sur les dépôts bancaires aux États-Unis. Les banques en Europe et à Londres permettent la possibilité d’investir ses dollars à l’étranger, mais cela est traité différemment des dépôts détenus en libre-sterling qui crée des pôles offshores. Le gouvernement britannique ne décide pas de règlementer le marché de l’eurodollar. Le fait que ces dépôts soient en dollar permettant de différencier les systèmes financiers. Cela permet de contrôler son propre marché financier tout en permettant de profiter du marché de l’eurodollar. Les banques qui détiennent les dépôts en dollar commencent à voir qu’il y a des possibilités pour les prêter. Avec ces dollars, ils peuvent émettre des libellés en dollar.

Les euromarchés permettent aux investisseurs d’échapper aux limites de rendements fixés par le gouvernement américain et cela rend aussi le contrôle du gouvernement sur les mouvements de capitaux de moins en moins efficace. Nixon appelle au patriotisme pour ne pas faire appel au marché des eurodollars. Face aux pressions croissantes qui pèsent lourd sur le dollar pendant les années 1960 et la montée du marché des eurodollars fait que les États-Unis doivent faire face à une fuite de capitaux. Vont être imposés des contrôles de plus en plus importants, mais ces contrôles ne peuvent pas marcher dans un monde où il y a la possibilité du marché des eurodollars. Ces contrôles ont leur limite pour soutenir le dollar et le système de Bretton Woods. En 1970, la réserve fédérale diminue le taux d’escompte aux États-Unis afin de faciliter la réflexion de Nixon en 1972. En même temps, les allemands essaient de contrôle leur taux d’inflation qui devient de plus en plus élevé en augmentant leur taux d’escompte. Le résultat est d’abord un flux énorme de dollars qui se déplace des États-Unis vers d’autres marchés pour rechercher des taux d’intérêt plus importants et en même temps, les allemands empruntent à Londres pour emprunter à des taux plus bas. La pression est offerte pour maintenir une parité suffisante. Le 15 aout 1971, les États-Unis suspendent la convertibilité du dollar.

Annexes

Références