Qu’est-ce que la violence non-étatique ? Le cas des conflits afghans

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Jusqu’à maintenant, nous nous sommes intéressé à la construction de l’État du point de vue de l’État. L’histoire est écrite par les vainqueurs. Nous allons analyser la question de la violence non-étatique en ouvrant la compétition pour la formation de l’État à d’autres acteurs. La focale va être la violence non-étatique. Les relations de l’État aux acteurs non-étatiques peuvent être appréhendées de différentes manières avec des rapports variés.

Questionner la violence non-étatique

Le nouveau désordre mondial ? La prolifération des discours sur la violence non-étatique

À la fin de la Guerre froide, les compteurs sont remis à zéro. Émerge la notion de « nouvel ordre mondial » énoncé par George Bush. Une série de thèses mettent en avant l’idée d’avènement d’un nouvel ordre mondial. Les idées les plus connues sont celles du « moment unipolaire » de Charles Krauthammer et celle de la fin de l’Histoire de Francis Fukuyama. Ces thèses ont eu peu de succès au détriment des autres thèses. On parle de différentes lectures du système international.

Les thèses qui ont eu le plus de succès sont les thèses sur le désordre mondial [« towards global disorder »]. Les thèses les plus connues sont celles de Samuel Huntington avec le choc des civilisations et celle de Robert Kaplan énoncé dans The Coming Anarchy, How scarcity, crime, overpopulation, tribalism, and disease are rapidly destroying the social fabric of our planet. Ces deux thèses sont basées sur une violence non-étatique. La fin de la Guerre froide est marquée comme le passage de la guerre comme affaire interétatique qui deviendrait comme une affaire interne de guerre civile se faisant par de la violence non-étatique. L’idée est de remettre en cause l’idée simpliste qu’avec la fin de la Guerre froide, c’est le retour à une forme de Moyen-Âge avec de l’anarchie et des États qui n’ont pas rempli leur « contrat » faisant que les acteurs non-étatiques deviennent les objets les plus dangereux pour la sécurité internationale.

Ainsi, il y a une prolifération des termes associés à la violence non-étatique qui montre que la violence étatique n’est plus la menace la plus importante :

  • insurrection ;
  • terrorisme ;
  • piraterie ;
  • guérilla ;
  • crime organisé transnational ;
  • guerre civile ;
  • milices ;
  • vigilantes ;
  • escadrons de la mort ;
  • mafias ;
  • gangs ;
  • petite criminalité ;
  • conflits ethniques ;
  • conflits religieux ;
  • combattants illégaux ;
  • rebelles ;
  • émeutes ;
  • manifestations ;
  • révolte ;
  • révolution ;
  • privatisation de la guerre ;
  • soulèvement ;
  • mercenaires ;
  • subversion.

Selon cette lecture du système international, ce qui relève de l’État renvoie à l’ordre et ce qui relève de l’interétatique renverrait au désordre. Le danger devient les failed states. Ces termes sont à mettre en lien avec les notions suivantes : « États faillis » et « États défaillants » proposé par Richard Rotberg, « effondrés » comme l’utilise William Zartman, « lame leviathan », « quasi-États » comme proposé par Robert H Jackson. Tous impliquent la prolifération d’une violence non-étatique corollaire d’une perte du monopole de la violence par l’État.

La définition restrictive de la violence non-étatique

Les thèses que nous avons vues ont une ambition totalisante soulevant la critique qu’elles fonctionnent souvent comme des prophéties autoréalisatrices est qu’elles n’ont pas de valeur explicative. La littérature s’intéresse principalement aux causes de la guerre, mais nous allons plutôt nous intéresser aux conséquences de la guerre dans certaines configurations sociales données.

Contras in Nicaragua, 1987

La violence non-étatique telle qu’elle émerge en 1989 n’est pas un point de départ pertinent puisqu’avant l’émergence de l’État moderne, des acteurs violents non-étatiques existaient. Nous avons déjà pu constater que de nombreux acteurs avaient déjà utilisé la force armée avant l’émergence de l’État moderne. C’est justement la compétition entre ces acteurs qui permet d’arriver à un monopole wébérien qui va permettre la construction d’États centralisés en Europe. Par définition, ces acteurs peuvent être qualifiés de « non-étatique ». Les thèses simplistes sur l’ordre est le désordre international sont anhistorique alors que dans toutes les territoires du monde, il y a, à différents moments, des enjeux politiques avec différents acteurs qui essaient de s’imposer sur d’autres. En fait, il n’y a pas vraiment de contradiction, du moins historiquement, entre la violence non-étatique et l’avènement de l’État, puisque l’avènement de l’État est de la violence non-étatique.

En prenant l’exemple du mercenariat, Janice Thompson montre dans Mercenaries, Pirates and Sovereigns : State-building and Extraterritorial Violence in Early Modern Europe publié en 1994 comment du XVIème siècle au XIXème siècle en Europe, il y a la construction d’un monopole de la violence interne avec de l’accumulation des ressources, mais pendant cette période qui est censée être la période où se constituent les États européens, on n’est pas dans un monopole de la violence externe. Jusqu’au XIXème siècle, l’exercice de la violence, en dehors de la frontière des États européens, était mené principalement par de la violence non-étatique donc de la violence privée. Le monopole de la violence externe est le fait que les États déléguaient une partie de ces tâches à des acteurs non-étatiques comme, par exemple, à des mercenaires.

La séquence depuis la paix de Westphalie doit être remise en question. L’étatisation de nos sociétés complète est quelque chose d’assez récent. L’exemple de Janis Thompson est intéressant dans le sens où il nous permet de rester sur les États occidentaux. Si on applique une lecture sérieuse de ces thèses aux guerres civiles, les choses sont plus compliquées que le fait que les acteurs non-étatiques soient des ennemis de l’État présent pour faire effondrer un État.

Max Weber définit l’État comme projet politique revendiquant, en général avec succès, un monopole sur l’usage légitime de la violence. Le cas de la Guerre civile espagnole qui dura de 1936 à 1939 démontre que ce projet n’est pas toujours couronné de succès. Ce conflit a été déclenché par une rébellion militaire contre le gouvernement élu de la Deuxième République espagnole. Des deux cotés, Républicains et Franquistes, des éléments « non-étatiques » ont combattus à savoir des anarchistes, des volontaires internationaux, le POUM ou encore la Phalange. L’enjeu n’a jamais été de provoquer l’effondrement de l’État espagnol.

Est-ce que cela implique que l’État espagnol en tant que modèle politique a été remis en question ? Pas nécessairement. Les deux camps se sont battus pour le contrôle de l’État plutôt que pour une autre forme d’organisation politique. Souvent, la guerre civile peut être un phénomène dans un contexte précis dont l’enjeu n’est pas de remettre en question l’État lui-même. Il n’y a donc pas forcément de contradiction entre la « violence non-étatique » et la prégnance de l’État. Une guerre civile peut être le fruit d’une compétition interne afin de contrôler l’État.

Il faut prendre en considération trois niveaux de compréhension qui soulèvent trois questions :

  • contrôle : ce qui est contrôlé par le gouvernement et ce qui est en dehors du contrôle gouvernemental. Dans une guerre civile, la question qui se pose en premier lieu est : y a-t-il disparition de l’autorité centrale ?
  • objectif stratégique – « State-making/ state-breaking » : est-ce que l’objectif est celui de construction de l’État ou celui de dissolution de l’État. La question qui ressort est de savoir dans quelle mesure le conflit se situe-t-il toujours dans les limites territoriales d’un État ou alors dans une entité séparée.
  • effet : construction de l’État/faillite de l’État. Selon différentes contingences, on peut avoir un État renforcé ou qui s’effondre. Lorsqu’on s’intéresse aux guerres civiles, il faut se demander quelles vont être les effets en se demandant dans quelle mesure, y a-t-il fragmentation, régionalisation, polarisation, ou monopolisation ?

Cette façon de séquencer les guerres civiles est une façon intéressante d’aborder le sujet.

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Un cas de régionalisation est la Somalie. À la fin de la Guerre froide, la Somalie a traversée un certain nombre de conflits. Dans cette anarchie apparente, la Somalie a été fragmentée en entités à peu prés cohérentes qui sont le Somaliland et le Puntland. Après une fragmentation du pays, certains acteurs on recréé des territoires assez cohérents faisant que le conflit somalien s’est régionalisé. En même temps, c’est un équilibre précaire.

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Le cas espagnol est un cas de polarisation, c’est-à-dire qu’on lutte autour d’un centre. C’est un champ politique où le but est de prendre le pouvoir en Espagne. L’escalade de la violence mène à la polarisation au sein d’un État donné. La guerre civile aux États-Unis était un cas de polarisation avec deux différentes visions de ce qu’étaient les États-Unis et ce qui en est sorti est un État américain renforcé. Ce sont des guerres civiles qui ont contribué à l’accumulation des ressources au sein de ces États permettant de construire ces États au travers des mécanismes classiques du « war making/state making ».

Lorsqu’on parle de guerre civile, on se retrouve face à des dynamiques potentiellement très différentes pour ce qui touche des relations entre la guerre et la construction de l’État.

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Cette carte pose la question de la fragmentation avec différents mécanismes et différents effets. Ce qui est sûr est que cela serait réducteur de comprendre ce qui se passe aujourd’hui en Syrie sous le prisme d’un État failli. Se pose la question de la fragmentation. À l’origine du conflit, il y avait une polarisation avec pour enjeu la prise du pouvoir en Syrie.

Pour certains acteurs en Syrie et des enjeux socioéconomiques faisaient qu’il pouvait y avoir un sentiment de dépossession au profit de la famille Assad. S’en suit un cas de régionalisation avec certains territoires qui sont plus que simplement contrôlés par certains acteurs mettant en place un système par l’accaparation du monopole de la violence domestique. La logique de la monopolisation montre qu’on est entre une forme de monopolisation des ressources dans la mesure où l’État islamique, dans les zones occupées, a commencé à développer des caractéristiques proches de celles d’un État.

Avec ce cas, on est face à des logiques diverses où le rapport à l’État n’est absolument pas clair avec de la fragmentation, de la régionalisation et même de monopolisation. Le rapport dans la construction de l’État n’est pas à sens unique.

Le cas des conflits afghans

L’Afghanistan est un pays issu d’un processus de constitution fragile, jalonné d’un grand nombre de guerres, d’un grand nombre d’interventions extérieures et d’un pouvoir fragmenté entre différents clans. Se succèdent différentes phases dans le rapport à la construction de l’État. Cette lecture va permettre d’approcher d’une nouvelle façon les conflits afghans. Taylor et Botea dans Tilly: War-Making and State- Making in the Contemporary Third World publié en 2008 vont comparer le Vietnam et l’Afghanistan en montrant que le rapport à la construction de l’État est différent. Au Vietnam, la guerre civile a permis de construire un État alors qu’en Afghanistan, les guerres civiles ont empêché à l’État afghan d’arriver à un monopole de la violence domestique.

Un monopole jamais achevé ou la formation fragile de l’État afghan : 1747 – 1979

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L’Afghanistan est un État fragile dès sa naissance dépendant de l’aide extérieure provenant de la Grande-Bretagne puis de l’URSS et des États-Unis. C’est une construction de l’État par la guerre avec une certaine proximité avec la thèse de Charles Tilly. Une guerre défensive va rassembler des tribus en 1838, 1878 et 1919.

La construction de l’État afghan est représentative des difficultés que l’on voit dans le cadre de construction d’un État hors du cadre occidental. C’est un État fragile : l’Empire de Ahmed Shah est déchiré au XVIIIème par des guerres dynastiques qui ne mènent pas au changement à la tête de l’État. L’État tire ses ressources plus de l’extérieur que de l’intérieur notamment par un financement externe du monopole plutôt qu’interne faisant qu’on s’éloigne du modèle européen. Ainsi, l’État afghan est dépendant du soutien extérieur. Il n’y a pas eu de colonisation directe, mais plutôt une domination indirecte. Cette logique va systématiquement être entretenue par des invasions étrangères. De la même façon, le départ des Soviétiques en 1989 mène à la guerre civile et à la fragmentation politique.

Dès les années 1830, l’Afghanistan n’est basé que sur un monopole externe de la violence. On retrouve ce que dit Thomson : on voit que la seule forme de monopole qu’avait l’État afghan était une politique étrangère commune dans le sens où les chefs locaux n’allaient pas faire de guerre à l’extérieur. En effet, l’État afghan n’est absolument pas en mesure de prétendre à un monopole sur la violence domestique qui est partagée avec d’autres autorités traditionnelles notamment par les khans et chefs locaux. Il s’agit ici d’une grande divergence avec la trajectoire européenne. Lorsque l’autorité centrale arrive à s’imposer, elle n’arrive jamais à le faire de manière efficace menant à un blocage au niveau de l’accumulation des ressources qui mènerait au monopole de la violence.

Les autorités locales traditionnelles sont uniquement soumises temporairement à l’autorité centrale en lui donnant de l’argent, cela malgré le monopole du roi sur l’importation des fusils d’Inde. L’idée de la construction de l’État reste sous-entendue. L’idée de la construction de l’État au travers de la constitution d’un monopole reste présente avec la constitution d’un pouvoir central, mais qui n’arrive pas à imposer son monopole. Les chefs locaux profitent de l’instabilité du pouvoir central. Cela leur donne une large autonomie. Cette situation a perduré pendant la guerre menée par les mujahedeens contre l’URSS. Il est possible de se demander si cela signifie que Norbert Elias a tort lorsqu’il affirme que la compétition mène à un monopole de la violence domestique.

Il serait facile de dire que cela ne s’applique pas qu’à l’Afghanistan parce qu’il y a eu plusieurs tentatives d’établir un pouvoir central. Le contexte international empêche la mise en place de cette séquence. Selon Gilles Dorronsoro, du moins jusqu’à la retraite soviétique de 1989, la violente compétition et la guerre civile entre les commandants mudjahedeens a mené à l’élimination des uns par les autres jusqu’à la formation d’un relatif monopole de la violence domestique qui est l’État taliban. On entre dans une logique très elesienne avec la montée des talibans qui vont se débarrasser de leurs opposants pour imposer un monopole sur la violence domestique.

Les guerres afghanes (1989 à aujourd’hui) et les paradoxes de la violence non-étatique

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L’émergence du Mollah Omar de Afghanistan se rapproche d’une forme de compétition entre acteurs avec les talibans qui vont s’imposer sur les autres et instaurer un monopole de la violence domestique. On est loin d’un État fort, mais il faut soulever qu’au niveau du monopole de la violence domestique, le processus était avancé.

Contrairement aux régimes précédents, les talibans, malgré un intérêt apparent plus important pour la religion que pour la politique, ont réussi à imposer un relatif monopole sur la violence domestique. Mais, c’est leur perte du contrôlé sur la violence externe qui a mené à leur chute après le 11 septembre 2001. Les talibans se sont fortement appuyés sur des combattants étrangers pour imposer le monopole de la violence domestique avec un début d’accumulation des ressources et en même temps, ces acteurs non-étatiques ont commis des attentats en dehors des frontières afghanes. Depuis, le cycle de violence en Afghanistan a repris une séquence comme après 1989 avec une invasion, des insurrections, des contre-insurrections dans le cadre d’une guerre civile. Ce sont des éléments qui peuvent renvoyer à Charles Tilly et Norbert Elias.

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Le « chef de guerre d’Herat » contestait le gouvernement central de Harmid Kharzaï. Il dispose de ses propres forces de sécurité, levait ses propres impôts, avait ses propres services sociaux et un système de justice. Tout cela en dehors des compétences du pouvoir central. On pourrait alors dire que Amir Ismail Khan contrôle son propre État s’il n’y avait pas une forte compétition entre lui et gouvernement central. En 2004, l’armée afghane et les forces de Khan se sont affrontées. Khan a perdu et il a été nommé Ministre de l’Énergie devenant ainsi membre d’un gouvernement qu’il avait combattu jusque là.

Ismail Khan pose une question à propos de la définition de Maw Weber de l’État qui est que le monopole de la violence légitime que revendique l’État est toujours territorialisé. C’est un monopole de la violence légitime sur un territoire donné. En faisant varier les jeux d’échelles, peut être que les situations dites d’« effondrement de l’État » sont en réalité la constitution de plusieurs États. Si on regarde à l’échelle d’un quartier ou d’une rue, il y a un monopole de la violence et il peut y avoir de ce fait un État. Des réseaux d’interdépendances font qu’il est impossible dans la durée d’imposer un monopole de la violence légitime qui ne soit pas contesté par un pouvoir central ou un acteur qui veut prendre le pouvoir central. La dimension territoriale est très importante et le territoire n’est pas simplement une échelle spatiale que l’on veut faire varier. Le territoire se définit aussi par des chaînes d’interdépendances.

Après l’intervention en 2011, d’abord avec une coalition américano-britannique élargie à l’OTAN en 2003, il y a eu une régionalisation du pouvoir à l’échelle de l’Afghanistan de même qu’il y a eu une régionalisation du pouvoir entre 1993 et 1996. Depuis 2001, il y a des chefs de guerres qui contrôlent les grandes villes. Des seigneurs de guerre contrôlent l’appareil sécuritaire, fiscal et politique de toute une province en exerçant le pouvoir à partir de l’une des grandes villes d’Afghanistan. Par exemple, Amir Ismail Khan dispose d’une armée privée, il lève des impôts, il assure un certain nombre de services publics et administre la justice de manière légitime avec le consentement des parties à ce différend et en s’appuyant sur ses forces de sécurité. On peut dire qu’il dispose de son État, il y a un monopole de la violence légitime sur la province de Herat. Il est intéressant de noter que le terme « seigneur de guerre » évoque les seigneurs du Moyen-Âge.

La raison pour laquelle il est mieux de parler de fragmentation du monopole de la violence légitime à l’échelle Afghane est que les réseaux d’interdépendances qui relient les seigneurs de guerre entre eux ne sont jamais remis en question. Il y a des échanges commerciaux très importants à l’échelle Afghane, les réseaux de communications sont denses et relèvent d’interdépendances matérielles, il y a également des réseaux d’interdépendances symboliques très forts liés au fait que Amir Ismail Khan ne peut jamais contester son identité afghane et n’arrive pas à définir une identité propre à la province d’Erat. Même s’il conteste et critique très fortement le gouvernement central de Kaboul, cette contestation s’inscrit dans une opposition stratégique entre Amir Ismail Khan et Harmid Kharzaï montrant qu’il ne réfléchit pas en souverain sur son territoire. Son objectif à terme est de renforcer son pouvoir dans la province d’Erat afin de prendre la capitale pour prendre contrôle de l’ensemble du territoire afghan. On n’est pas simplement dans une configuration où il y aurait plusieurs monopoles de la violence légitime, mais des chefs de guerre sont en lutte constante pour le pouvoir central le distinguant d’une configuration interétatique classique. En 2004, l’armée afghane et les forces d’Ismail Khan s’affrontent et Ismail Khan perd. En 2004, le gouvernement central de Kharzaï essaie de consolider son monopole du pouvoir légitime et va prendre le contrôle de la région d’Erat. Dans le contexte afghan de l’époque, perdre face au pouvoir central veut dire perdre son autonomie politique face au pouvoir central et être incorporé au pouvoir central. L’intégration de Ismail Khan au sein du gouvernement afghan après sa défaite militaire marque sa défaite en matière d’autonomie et d’indépendance.

La question est de savoir ce que va advenir l’Afghanistan dans un futur à court ou à moyen terme, car à la fin de 2014, la mission de l’OTAN va se retirer du pays, mais il restera une force de 30000 hommes américains et de l’alliance dans le cadre d’une autre mission. Les forces militaires sont réduites, en même temps, le soutien apporté par les américains aux forces de police et à l’armée afghane se réduit progressivement. La question qui se pose est de savoir si le nouveau président va réussir à consolider son monopole de la violence légitime à l’échelle du territoire afghan ou si on va avoir un retour à des dynamiques de fragmentation ou encore une régionalisation autour des grandes villes ou est-ce qu’il va y avoir un changement de régime qui renverserait le pouvoir à Kaboul. Aujourd’hui, beaucoup d’acteurs en Afghanistan comptent continuer à jouer un rôle et faire en sorte que le rémige actuel fondé sur la construction de l’après 2001 reste en place. La question est de savoir si il va y avoir une continuation de la guerre civile ou des dynamiques de fragmentation. Il y a deux scénarios, à savoir, le même que celui auquel était l’Empire de Ahmed Shah au XVIIIème siècle avec de la violence non-étatique et de la fragmentions ou alors celui observé après le départ des soviétiques avec une guerre civile entre plusieurs concurrents jusqu’à ce que le dernier ne s’impose.

Annexes

Références