L’action dans la théorie politique

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Nous allons revenir sur les théories de l’action afin de montrer comment l’action se complexifie expliquant pourquoi et comment les théories de l’action ont évolué permettant d’interpréter les acteurs dans un autre paradigme.

Lorsque l’on parle d’action, on parle de l’environnement dans lequel nous agissons. L’action est liée à un environnement, si l’environnement change les conditions d’action vont changer.

Le concept d’action est très ancien, il est lié à la philosophie politique classique d’Aristote et Platon, car la philosophie grecque a interrogé l’action afin de chercher à comprendre comment les homes pouvaient agir.

La notion d’action est très importante en science politique parce qu’elle présuppose qu’elle soit portée par l’homme accompagnant le mouvement de la nature. L’homme est en nécessité d’agir et va porter l’action avec une attention. L’action situe du côté du mouvement, cela signifie que la philosophie et la théorie politique va se l’approprier. Agir doit se faire dans une finalité, il est nécessaire d’agir pour le bien d’autant plus dans le système de la démocratie.

L’action soulève une question sur la réflexion et sur l’intelligence. Dans la philosophie classique et la philosophie chrétienne, l’action est nécessaire, car Dieu est action. Dès lors que Dieu est action et mouvement, l’homme doit incorporer ce principe d’action c’est pourquoi il est lui aussi en mouvement.

Kant travaille sur la relation entre la bonne action et la morale : y a-t-il toujours conformité entre action et morale ? L’action est un enjeu moral afin de penser le bien. Agir est dès lors dans l’intérêt du bien et dans l’intérêt collectif. De ce fait, l’action pourrait porter une dimension morale, du moins tendre vers le respect de la morale et agir serait donc du côté du devoir(ces notions se rapprochent des politiques publiques). Pour Kant le champ de l’action n’est pas nécessairement de l’ordre du bien, il peut y avoir de l’immoralité et du refus du bien commun.

La science politique née au XIXème des sciences morales et politiques. En posant la question de la morale, on ne peut que s’interroger sur la nature de l’action.

Plusieurs problèmes apparaissent :

  • l’action ne prend son sens que par rapport au concept de décision. La décision va permettre à l’acteur d’agir.
  • Dans l’interprétation classique, l’action et la décision permettent de supporter le monde.
  • La décision ou l’action pose l’acte en compétence : ai-je pris la bonne action ?
  • Agir c’est peut-être assuré la préservation sociale

La décision est ce qui permet à l’action de se réaliser et à l’acteur de définir des actes qui produisent de l‘action. La décision est fondamentale, car on ne peut agir sans décision. Agir sans décision est agir sans connaissance et sans penser ses actes. Ainsi les actes de décision font partie de différentes dimensions.

On parle de couple action/décision, signifiant que dans le cadre d’une activité on va essayer de réduire la part de l’aléatoire en posant une rationalité qui pourrait échapper à un processus global. L’action s’inscrit dans une relation présent – passé.

Les conditions de la pensée théorique de l‘action vont être liées aux conditions mêmes de l’action. Dès lors, la pensée de l’action est une pensée en constante évolution.

Ainsi, la décision détient quatre fonctions :

  • permet à l’acteur d’agir ;
  • permet au citoyen de supporter le monde ;
  • fragmenter les actes en compétences respectives ;
  • assurer la préservation sociale;

Tous les philosophes du politique se sont intéressés à l’action. Il existe de nombreuses théories de l’action.

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Les théories de l’action

Hannah Arendt et l’action comme condition de l’homme moderne

Pour Arendt, ce qui fait de l’homme un être politique est sa possibilité d’action. L’action est ce qui permet à l’homme de rester homme, c’est-à-dire à l’individu humain d’être humain ou en d’autres termes l’affirmation de sa capacité d’exister.

L’agissement est de l’ordre du devenir parce que l’action s’oppose à la mort. La naissance du politique se cherche dans la condition humaine de l’agir. L’existence humaine c’est l’être et mourir, mais aussi, entre-temps, l’appartenance au monde. La nécessité d’agir transcende chaque individu et même si la situation est très difficile, pour Arendt, sa seule possibilité et ce qui caractérise l’être humain en tant qu’être humain et politique est de continuer à agir dès lors qu’il détient la capacité d’action. Il ne peut y avoir de renoncement, chaque génération a un devoir d’agir.

Le propre de la démocratie est de pouvoir agir puisqu’elle interroge le peuple dans sa capacité de poser l’action. Qu’est-ce qui caractérise un régime totalitaire ? C’est le fait que l’individu ne peut plus agir. Une chose fondamentale est dès lors la parole qui renvoie à la question de la démocratie. Il y a dans la condition humaine un principe de spontanéité. Avec la naissance nait la capacité d’advenir, c’est-à-dire que quelque chose se produit. Le fait que chaque génération se trouve dans l’obligation de l’action est donc dans la nécessité de prendre des décisions. Ce qui fonde la capacité d’intégration et d’action c’est la parole. Ainsi, ce qui fonde l’humanité est la capacité d’agir.

Ainsi, agir c’est advenir, il fabrique la capacité de devenir quelqu’un et de se construire en tant qu’être humain. Les conditions de l’existence humaine sont la vie, mais en même temps la pluralité des conditions de vie qui sont les différences et le fait que nous appartenons tous au même monde qui nous propulse ans une sorte d’égalité ou nous avons le devoir d’agir.

La pluralité est à la fois un concept d’égalité, mais aussi un concept de distinction. Nous sommes à la fois unique et pluriel. Ce double caractère est au fondement de la vie politique.

À partir de là, elle va développer le « monde commun », c’est-à-dire que l’homme n’est pas isolé, mais il participe à un monde commun à tous les hommes.

L’homme, par l’action, peut changer le monde, dépasser des antagonismes, affirmer sa liberté ou encore déployer son sens de la responsabilité. L’action est l’activité humaine qui a le plus besoin de la parole.

Dès lors que l’homme est doté de la parole et détient la capacité de réfléchir, il peut changer son destin et si doué de spontanéité, ils agissent ensemble pour transformer le monde commun. Le dialogue est un mode de la construction de la relation politique au monde. Ainsi pour Arendt un régime totalitaire est deux choses :

  • disparité de la pluralité : la pluralité contingente est éliminer les différences ;
  • homme unique ;
  • concept politique d’universalisation ;
  • enjeu central du régime autoritaire est de supprimer la parole.

Ce qui est le plus frappant est que l’enjeu le plus fondamental de ces régimes est la destruction de la parole. Peu importe l’origine du régime totalitaire, il se focalise sur la suppression de la parole parce que c’est la capacité d’agir, l’élément constitutif même de l’action en réduisant les individus a un collectif anonyme.

Ainsi, la parole est contingente à l’action et à la démocratie.

Le monde commun est un monde où il y a la parole est l’action c’est-à-dire ou il y a la parole et l’action, un monde fait d’égalité et de différence, une capacité de parler pour changer le monde et se fixer des destins. C’est une fabrication du collectif, avec la spontanéité on a la capacité à agir pour transformer le monde commun.

"Action – Décision – Parole" sont les fondements du système de démocratie, ainsi le langage fait de l’homme un animal politique en se définissant comme un acteur ayant la capacité à penser le monde.

Au fond, l’action est une activité humaine nécessaire qui a nécessairement besoin de la parole, la parole et l’action qui permette de s’échapper de l’isolement. La parole et l’action se développent dans le cadre de relations humaines et s’actualisent de façon continue.

L’action est à la fois du nouveau, elle ne peut épuiser l’imprévisible avançant sans pour autant tout contrôler. En même temps que l’on produit de la connaissance on produit de la non-connaissance. En d’autres termes, quand l’homme avance, il veut construire un destin prévisible mis doit faire face à de l’imprévisible.

L’action peut aussi être par moment une angoisse, car elle présuppose des choix qui ne peuvent être en nécessairement maitrisés.

Sans action, il n’y a pas la capacité à penser le monde, à être présent au monde et de changer le monde.

L’action dans le monde rationnel

Le monde rationnel est l’interprétation dans les années 1920 qui va substituer jusque dans les années 1970 postulant que le monde va se construire positivement. On pense qu’on s’achemine vers quelque chose de plus rationnel. Les premiers théoriciens vont chercher à poser ce concept d’action rationnel. Étant rationnel, l’homme va interpréter l’action comme allant vers de plus en plus de rationalité.

Max Weber décèle quatre types d’actions :

  • action émotionnelle : irréfléchi et spontané induit par l’émotion ;
  • action traditionnelle : définition d’action par habitude ;
  • action rationnelle par rapport à des valeurs : agissement en fonction d’un ensemble de valeurs dont la rationalité de l’action se définit dans leur cadre ;
  • action rationnelle en finalité : un objectif est fixé dont il faut produire des rationalités pour l’atteindre.

Cela permet de poser l’action politique et d’institutionnalisation moderne. Pour Weber, l’histoire d’humanité est le passage de l‘action émotionnel vers l’action rationnelle.

Ainsi, nous progressons vers de la rationalité, nous allons vers une action de plus ne plus rationnel. Nous allons abandonner l’émotionnel afin d’aller vers des systèmes pensés et raisonnés.

La théorie de l’action rationnelle va ensuite aboutir aux théories du choix rationnel. On s’interroge à partir de l’action qui est un processus, mais qui peut être un processus d’action dans le champ économique. L’action politique n’est pas différente de l’action économique.

Pour Campbell, la réalité politique serait déterminée par des individus qui agissent selon une logique utilitariste du rapport de coût – bénéfice.

En d’autres termes, dans le système économique, l’action est instrumentale. Toutes les décisions sont prises selon une analyse relationnelle des coûts - bénéfices. Cette vision reste utilitariste, chaque acteur politique calcule naturellement le coût et le bénéfice de ses actions. Cette approche est collectiviste, car la rationalité n’est plus de type moral, mais économique.

Selon John Campbell et James Rule, l’action politique se calquerait sur un principe d’action économique au sens classique du terme qui est que l’action humaine est un calcul rationnel. Ainsi, en tant qu’acteur, il est nécessaire de faire des calculs coûts - bénéfices et si ce calcul n’est pas rentable il ne vaut mieux pas la prendre.

Le risque perçu est que si nous sommes dans un pur calcul coût/bénéfice nous pouvons être dans une logique opportuniste et non altruiste qui limite l’engagement dans tout processus d’action à risque.

La réalité politique est déterminée par des individus instrumentalement motivés, mais qui agissent dans une logique utilitariste coût – bénéfice. C’est une logique de calcul qui décrit tout un monde où les actions ne sont pas dictées par une rationalité pure.

Il y a une double contrainte à savoir minimiser la décision et maximiser les bénéfices.

La théorie du choix rationnel a été bâtie sur un processus de décision linéaire, en d’autres termes elle se projette dans une version linéaire de l’environnement. Un processus linéaire d’action signifie que le point A décidé, cela peut être une décision publique, B et C relève de la mise en œuvre de la décision et D est l’output. Il n’y a pas de surprises, il suffit d’affecter les objectifs et les moyens afin d’obtenir l’output.

Si la théorie du choix rationnelle se positionne dans le champ de la rationalité, c’est qu’elle présuppose que le champ environnemental dans lequel se situe l’action est lui-même rationnel.

L’hypothèse reste de dire que la meilleure façon de faire de la politique est de limiter sa conviction. Il faut évaluer les conséquences globales de l’action ou l’on passe à un schéma de prévention de l‘action plus compliqué.

Processus de décision linéaire.png

Dans la linéarité, il n’y a pas de processus de déviation, dès lors la linéarité est une absence de rupture, une absence de changement, une action droite qui se pense comme un processus de rationalité. Dans un monde rationnel, il est possible de faire des choix en fonction d’un processus de rationalité.

L’un des problèmes est que la théorie du choix rationnel se détache de toute réflexion culturelle. Par exemple, les rites sont une rationalité. La théorie du choix rationnelle nous ramène vers l’économie et une interprétation de la société très classique.

La vision linéaire est la vision traditionnelle du processus de décision qui aujourd’hui ne marche plus.

L’action dans la théorie des jeux

La théorie des jeux est une autre théorie de l’action, c’est le fait que nous sommes dans un système concurrentiel et plus complexe ou il ne faut comprendre les acteurs dans leur manière d’interagir, cela ne se fonde pas sur une rationalité pure. C’est une théorie interactionniste, dès lors, le comportement de l‘individu n’est pas lié uniquement par des choix rationnels est aussi lié aux contraintes intérieures et extérieures se fondant dans le jeu collectif. Le processus de décision est un jeu ou il est nécessaire de jouer en prenant en compte les jeux et les prises de décision des acteurs rivaux.

Cette théorie pose que l’acteur politique est un joueur qui joue avec des contraintes extérieures, mais qui interagit dans le jeu pour gagner en efficacité dans la décision même de l’action.

Le politique prend en considération qu’il doit construire un système d’alliance dans l’espace-temps. C’est un modèle plus pragmatique qui nécessite de prendre en compte les paramètres nombreux pouvant maximiser les gains. Elle cause une vision rationnelle de l’action et du jeu d’acteur. C’est une théorie comportementaliste.

L’enjeu n’est plus de la pure rationalité économique, elle s’inscrit dans une gestion de la durée pour garder le pouvoir et tenir. Dès lors, c’est une compétitivité, mais beaucoup plus équilibrée.

La théorie du jeu évolutionniste pose le fait que lorsque l’on veut absolument agir, la capacité à voir à long terme est atténuée, car le jeu immédiat monopolise la capacité d’agir sur l’instant. Ce sont Axelrod et Maynard Smith qui postulent que les joueurs sont des organismes vivants sans rationalité; leur hypothèse est que de la rationalité a disparu au nom de la gestion de proximité incessante. C’est une complexité, une compétitivité et une adaptation qui se fait dans un processus de façon permanente.

Les théories de l’action dans un système complexe

Dans les théories de l’action classique, l’interprétation est que toute action amène à des conséquences, au fond toute action produit des résultats.

Un système complexe est un système dans lequel tous les éléments sociétaux sont liés les uns aux autres. Dans la théorie classique dite « linéaire », on ne peut postuler qu’à partir du moment où l’on agit, il y a un résultat qui est positif.

Dans la théorie du système complexe, on agit dans un monde incertain dont les limites sont floues, cela signifie que nous sommes dans des situations évolutives et beaucoup plus mouvantes.

La théorie des effets pervers

Les théories plus classiques comme chez Machiavel, tout acteur est artisan de modification, il transforme le domaine dans lequel il agit, mais pas nécessairement dans le sens souhaité. On distingue les effets non voulus des effets pervers :

  • Effet non voulu : en agissant, on transforme des choses qui n’ont pas été souhaitées, les résultats de l’action vont dépasser l’intention originale.
  • Effet pervers : c’est quelque chose qui n’a pas été pensé ni souhaité. C’est l’engagement d’une action avec un résultat totalement différent. Par exemple, le featuring down prétend qu’on ne peut pas produire du logement pour les pauvres de bidonvilles, mais on peut pour les plus riches. Ainsi, on crée une discrimination urbaine et territoriale. L’effet pervers est que les plus riches accumulent du capital immobilier tandis que les pauvres restent pauvres.

Comme le tissu social est dense, on peut prendre des décisions avec des intentions dans le but de produire un résultat inverse à l’intention proposée. Pourquoi va-t-elle produire un résultat diffèrent ? Parce que la société est complexe.

Par exemple, la lutte contre la pauvreté nécessite de l’argent, mais comme nous ne sommes que dans des dispositifs sectoriels, on entretient la pauvreté.

Dans le welfare state, la question des logements relève de l’État. Aujourd’hui, sa capacité d’action diminue. Dans certains pays des sociétés privées ont créé des agences immobilières à vocation sociale. En privatisant un segment social où la vision pécuniaire n’a pas lieu d’être, d’autant plus penser dégager des profits à partir de populations pauvres, on va fabriquer des logements encore plus précaires.

Lorsqu’on est pauvre la capacité à investir le temps n’existe pas cardes postes vitaux pour la survie doivent être comblés comme la nourriture qui nécessite un investissement temporaire majeur. Dans certains pays des promoteurs ont réactivé des solutions anciennes comme le compteur à pièce pour l’électricité. C’est un effet pervers découlant du désengagement de l’État sur le secteur des logements sociaux.

C’est un enjeu est institutionnel qui parce qu’il a mal été analysé arrive à un effet contraire. Le concept d’effet pervers laisse apparait un autre concept d’action qui est le fait qu’il peut y avoir un écart entre l’enjeu traité et l’effet recherché.

Pour Machiavel, des effets indésirables peuvent surgir des actions volontaires des hommes. L’action est importante, mais doit être usée avec précaution. Apparait le fait qu’il peut y avoir un écart entre l’enjeu traité et la réalité.

Cette thèse explicite la rencontre avec la société complexe et montre d’autre part que la complexité dans laquelle nous vivons a une force de résistance contre les politiques publiques.

Albert Hirschman

Hirschman (left) translates accused German Anton Dostler in Italy 1945.

Pour Hirschman, il existe toujours dans l’action des conséquences insoupçonnées et insoupçonnables qui engendre des modifications qui peuvent être dramatiques. L’invention de la topographie a été inventée pour rassembler les peuples, mais est devenue un outil de revendications nationales et nationalistes.

Hirschman analyse le discours politique de l’effet pervers comme construction politique ; dans la rhétorique conservatrice et réactionnaire qui s’oppose à la modernité, il y a cette utilisation de l’argument de l’effet pervers qui dit que toutes les mesures prises sont des mesures qui détruit le social au lieu de le construire.

Selon Hirschman, la rhétorique se construit selon trois arguments :

  • l’argument de l’effet pervers (perversity)
  • l’argument de l’inanité (futility): soutient que les projets de transformation de l’ordre existant sont stériles.
  • l’argument de la mise en péril (jeopardy): l’action politique progressiste constitue une menace contre des acquis, des avantages ou des droits obtenus par la lutte.

Au fond, l’argument de l’effet pervers peut être utilisé de manière politique.

Edgar Morin

Edgar Morin .

La théorie de Morin est de faire que par l’industrialisation, nos sociétés sont rentrées dans un environnement complexe. C’est un paradoxe intéressent qui est que lorsque l’on veut agir, l’action nous mène du côté de la simplification.

Par exemple, la télévision est une réduction de la complexité, c’est un paradigme de simplification. C’est-à-dire que l’acteur public veut simplifier la nature des questionnements tout comme le fait la science, car la science procède par isolation et segmentation des connaissances ce qui permet d’éradiquer le principe de complexité.

La complexité est un tissu de constituants hétérogènes inséparablement associés. L‘action doit prendre en compte le complexe pour réussir. L’ensemble constitutif va marquer de façon importante l’évolution dans le cadre du schéma.

Pour Morin, il y a une contradiction entre un système complexe qui est un système ouvert dans lequel il y a des sommes d’interaction qui s’articule et qui bouge dans leur configuration, qui n’est pas linéaire et qui peut produire des rétroactions.

La complexité est un système ouvert d’interaction ou les choses s’agencent selon les configurations du moment. C’est la pensée d’un monde dans lequel tout est en interaction et qu’il n’y a pas une vérité par rapport à une autre.

La théorie de la complexité utilise les logiques de complémentarité utilisant l’idée de rupture permanente et d’équilibre dans le déséquilibre avec de possible de rétroaction et un agencement de façon continue selon les conditions.

Boucle retroactive.png

Le problème est que d’un côté le réel se complexifie et en même temps on a des acteurs qui fonctionnent que sur la réduction de la complexité. Pour Morin, ce qui est fondamental est cette contradiction entre le fait que si les acteurs réduisent le champ de manière simpliste ils ne peuvent comprendre la complexité, mais surtout ils ne peuvent la gérer.

Ainsi, la complexité est un tissu de constituant, hétérogène inséparablement associé. En réalité, le grand défi du XIXème siècle est de comprendre la complexité du monde dans laquelle nous sommes entrés.

Le complexe est difficile, car il n’est pas programmable et réduit la capacité de jugement dans le futur.

La théorie de la complexité est importante parce que l’on ne peut plus agir dans le cadre d’un monde linéaire.

  • Comment agir dans les systèmes complexes ?

On ne peut connaitre le futur, le passé dans les sociétés de la modernité a tendance à être oublié ce qui fait que nous sommes prisonniers de l’immédiateté. Le problème est que le temps s’est compressé. C’est une tyrannie du temps qui fait que les conditions de pensée de l’action sont très difficiles.

La proposition de Morin et de dire que nous ne pouvons nous satisfaire d’un processus d’action linéaire entre un point de décision et une arrivée. Il faut restituer l’action dans un système complexe ce qui nécessite de fabriquer de nouveaux outils se faisant dans un système de reconstruction prospectif qui consiste à redéfinir l’action publique dans les dimensions du passé, du présent et du futur. Il faut avant tout reconceptualiser le passé, revenir sur la compression du passé en faisant de la retroprospective. Pour lutter contre la déchéance du temps et la non-explication dans le cadre d’une société complexité, il faut inventer des outils qui permettent d’analyser le passé pour réinterroger le présent.

La seule façon que l’on ait pour agir et de lui redonner de l’autonomie. Dès lors nous sommes dans un système qui a l’avantage est de pouvoir questionner à nouveau les conditions de l’action.

À la différence d’un système linéaire, il est nécessaire de questionner à chaque avancement afin de faire le bilan de son action. Cela veut dire qu’à chaque avancée, il va falloir agir en question de façon continue les conditions de l’action afin de pouvoir à chaque instant modifier le processus d’action en intégrant les avis divergeant des groupes sociaux, de population, etc. Le processus d’action publique et politique aujourd’hui est beaucoup plus difficile qu’il y a cinquante ou soixante ans en intégrant les critiques ainsi que les positionnements des individus en les réactivant et en les réinterprétant dans le champ de l’action.

C’est un processus qui est nécessairement un processus de concertation, car sans concertation, le processus se bloque à travers le conflit. Le principe de ce système et que nous sommes à chaque fois obligés d’intégrer les remarques dans un processus de remise en cause plus ou moins partielle des objectifs pour les renégocier de façon continue. Le résultat de l’action est la somme de ces négociations.

C’est un processus qui va être très lent, intégratif c’est-à-dire de la gouvernance par le fait d’associer le maximum d’individu au processus de décision et d’action, pragmatique et qu’au fond il faut pouvoir négocier ses propres arguments et objectifs.

Les processus d’action aujourd’hui doivent chercher dans un monde complexe l’ensemble de ces données sous peine radicale d’échec. Il faut prendre en conséquence l’imprévisible et le non prévisible.

Le problème de l‘acte humain est qu’en même temps que nous avançons, en même temps nous fabriquons une méconnaissance. La grande question même de l’action aujourd’hui, est qu’on produit de nombreuses non-connaissances qui ensuite devient des connaissances tardives.

Le monde complexe selon Morin est à la lisière de la nutation extraordinaire de nos sociétés dans laquelle on est capable de faire des progrès immenses et dans lequel on produit des méconnaissances qui peuvent se relever comme grave.

Par exemple, lorsque l’on parle de l’action publique, l’action politique est très intéressante dans un processus incertain. Le principe de précaution est l’invention d’un principe d’action dans un champ incertain, c’est-à-dire que nous sommes dans un champ incertain, mais il faut agir. Le principe de précaution est qu’il faut agir, mais agir avec précaution pour ne pas provoquer quelque chose de radical même si on ne connait pas la conséquence d’où on va. C’est agir dans le cadre de boucle de rétroaction en cherchant à chaque fois de mobiliser le monde scientifique pour apporter des réponses rapidement dans le champ d’action, c’est ces contradictions soulève par Morin : difficulté d’agir, de penser le futur, surproduction de la non-connaissance en même temps que l’injonction de l’action.

Conclusion

Ceci répond à la question de savoir comment agir dans un monde incertain. Dans Agir pour un monde incertain publié en 2001[1], Michel Callon, Pierre Lascoumes et Yannick Barthes postulent qu’il faut imaginer des mondes communs devant permettre de réinventer des systèmes démocratiques nouveaux.

L’hypothèse est que l’on ne peut agir dans un monde linéaire. Il faut se donner les instruments qui permettent d’évaluer les risques de la prise de décision pour la recaler instantanément afin de développer des courbes de rétroaction.

Pour agir, il faut évaluer en temps réel l’évolution de l’action pour pouvoir prédisposer l’action. Maintenant pour agir il faut se doter d’instrument d’évaluation en temps réel des outils pour produire des rétroactions. C’est un processus qui explique pourquoi les politiques publiques sont beaucoup plus difficiles à mener qu’il y avait une cinquantaine d’années. Dès lors, il faut réinventer des processus d’action et différencier le savoir profane et le savoir d’expert, car l‘expertise devient la capacité a la société de se penser elle-même.

Nous sommes maintenant dans des temps courts et des dimensions sociétales sans difficulté, c’est pourquoi il faut développer de nouveaux outils d’évaluations et une nouvelle méthodologie avec la construction de forums.

Le partage de la connaissance à travers une expertise sociétale permet d’arriver à une démocratie, ils vont imaginer une nouvelle démocratie qui est de dire que sur la base des incertitudes il soit possible d’engager des débats et des forums et/ou la capacité collective de discuter, et la capacité collective à discuter va pouvoir aider le politique à faire des choix. Puisque personne ne sait, en engagement des forums d’échanges, il faut réfléchir collectivement afin de se saisir par la suite du politique, ce n’est pas le politique qui énonce le politique, car il ne peut la penser.

Cette théorie est révolutionnaire, car elle prône l’invention de nouveaux outils.

Les questions sur la gestion de l’incertitude vont raisonner dans le cadre de vie environnementale. Le principe de précaution préconise que lorsque l’on est dans un système d’incertitude l’enjeu n’est plus de décider, mais de fabriquer un nouveau processus de décision qui prenne en compte les données que l’on n’a pas. On va continuer d’agir pour agir, mais en tenant compte de l’incertitude.

Pour agir, il faut de la pensée, Hannah Arendt dit que « l’action sans pensée est de l’inaction ». Nous ne sommes plus dans l’action, mais dans l’inaction et agir nécessite la capacité à analyser. L’incapacité à penser est très dangereuse.

Annexes

Références

  1. Callon, Michel, Pierre Lascoumes, and Yannick Barthe. Acting in an Uncertain World: An Essay on Technical Democracy. Cambridge, MA: MIT, 2009.