Les problèmes juridico-politiques de la conquête I

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Nous avons vu que l’idée romaine d’empire donne naissance à deux branches : la conception papale et la conception impériale de l’empire à travers la naissance et la réflexion sur le Saint Empire romain germanique. Avec la découverte du Nouveau Monde, les deux idées d’empire ne vont plus pouvoir s’affronter et vont être absorbées dans une troisième vision de l’empire liée à ce fait historique majeur. Les prémices, les caractéristiques de deux grandes branches ne sont plus applicables aux deux grandes formes impériales qui naissent.

Cette découverte a eu un impact colossal sur l’idée d’empire parce qu’elle a obligé les théories de l’empire à proposer un modèle d’empire nouveau. La vision papale et germanique ne permettaient plus de proposer un modèle parce que les questions auxquels vont être confrontés les européens à partir de 1492 sont des questions radicalement différentes que celles que se posaient le pape ou l’empire germanique. Un autre modèle va émerger. Les grands théoriciens de l’empire, et les grands juristes impériaux vont se poser deux grandes catégories de questions à savoir les questions théoriques et les questions pratiques.

Les questions pratiques qu’ils vont se poser à partir de la découverte du Nouveau Monde sont :

  • comment administrer ces nouveaux territoires ?
  • quel type d’ordre juridique doit-on appliquer à ces territoires ?

Les questions théoriques sont très importantes. La découverte du Nouveau Monde oblige les juristes impériaux à se poser toute une série de questions théoriques :

  • quel est le statut des peuples conquis ? Quel est le statut des individus découvert ? L’enjeu est de taille parce que ces individus auront des droits ou bien n’en auront pas. Sont-ce des hommes ?
  • ces deux visions d’empire ne sont pas fondées sur un droit de conquête, se pose la question à partir de 1492 de savoir s’il existe un droit de conquête, peut-on constituer un empire à partir d’un droit jus ocupacio ? C’est le problème de la légitimité des territoires nouvellement conquis.
  • existe-t-il un mode de souveraineté particulière ? Qui détient la souveraineté sur ces nouveaux territoires ?

La première grande réponse théorique à ces questions que l’on voit émerger au milieu du XVème siècle va être apportée par Vitoria.

Les Turcs sous les murailles de Constantinople. Miniature attribuée à Philippe de Mazerolles, extraite d’un manuscrit de la Chronique du règne de Charles VII de Jean Chartier, BNF Fr.2091.

Trois dates permettent de comprendre la découverte du Nouveau Monde est mettent en perspective cette découverte :

  • l’Empire byzantin chute en 1453. Constantinople tombe aux mains de l’Empire ottoman, c’est la chute de l’Empire romain d’Orient. Cette chute de Constantinople à toute une série de conséquences dont deux importantes. La première est la rupture de la route des indes, c’est la fin du commerce entre l’Inde et l’Europe avec la rupture des voies de communication entre l’Europe, l’Inde et la Chine. Cela va forcer les Européens à regarder vers l’ouest. Il y a un déplacement très clair du regard des Européens de Constantinople vers le Nouveau Monde. Le Portugal va émerger comme la puissance relais qui va tenter de s’imposer dans ce processus de découverte et de conquête.
  • 1492 n’est pas tant la conquête du Nouveau Monde, en Europe se passe la reconquête par Isabelle la Catholique de l’Espagne face aux troupes musulmanes. 1492 est la chute de Grenade qui achève le mouvement de reconquête de la chrétienté sur l’Islam en Espagne. La reine d’Espagne extrêmement puissante va financer en lui donnant le titre d’amiral Christophe Colomb afin d’avoir accès aux indes puisque la chute de Constantinople a coupé cette voie.
  • 1493 – l’Espagne et le Portugal vont solliciter l’avis du pape Alexandre VI afin qu’il prenne position au droit de conquête et par rapport aux territoires nouvellement conquis. Alexandre VI promulgue en 1493 la bulle inter caetera qui ferra autorité pendant des décennies. Cette bulle va promulguer l’idée qu’on va défendre le principe que tous les territoires conquis ou à conquérir au-delà de l’Espagne appartiendront au Portugal et à l’Espagne. Le pape donne la pleine souveraineté aux Portugais et aux Espagnols « sur toutes les iles Canaries découvertes ou à découvrir ». La bulle inter caetera va attribuer aux deux grandes puissances impériales en devenir les territoires du Nouveau Monde. Cela sera contesté un peu plus tard par les Anglais, par les Français et par les Néerlandais.

Il existe globalement trois États qui conditionnent le débat juridique et politique sur la découverte du Nouveau Monde. Traditionnellement, on divise ce troisième mouvement impérial en trois étapes :

  • 1492 – 1530 : le Portugal et l’Espagne vont occuper le maximum de territoires que sont actuellement Saint-Domingue, Cuba, le Mexique et le sud de l’Amérique. C’est l’étape d’une conquête un peu débridée. Il va y avoir tout un débat sur la question des insignes et des drapeaux, les Français, les Néerlandais et les Anglais vont les contester, car c’est celui qui aurait la force qui peut détenir le territoire.
  • 1530 – 1625 : à partir de 1530, il y a une réflexion sur les conséquences politiques et militaires de l’empire.
  • 1625 – 1960/70 : cette période va durer jusqu’en 1625 où commence la nouvelle réflexion sur l’idée d’empire parce que sort un livre majeur en droit international public, De jure belli ac pacis de Grotius qui ouvre la nouvelle réflexion sur l’idée d’empire européen. Le moment grotien ne s’achèvera que relativement récemment. On trouvera des arguments des Grotius jusqu’à dans certains traités de droit international public dans les années 1960 et 1970.
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Le débat juridique et politique sur la découverte du Nouveau Monde[modifier | modifier le wikicode]

À partir de 1530, on réfléchit en Europe à une série de questions théoriques. Un empire peut-il se constituer sur une conquête, sur une acquisition territoriale ? Ce débat émerge en Espagne à partir de 1530 à travers toute une série d’écrits sur le statut et la légitimité de l’occupation espagnole. Entre 1594 et 1530, on ne s’intéresse pas au statut des Indiens. Le débat sur la nature des Amérindiens dans une réflexion sur l’empire émerge et émergera en Espagne parce que l’Espagne avec le Portugal sont les grands Premiers empires européens qui naissent en parallèle au Saint Empire romain germanique.

Si on répond à la question de savoir si ce sont des hommes, on répond à la question de savoir s’ils ont des droits et notamment le droit de propriété. Cette réflexion se fait dans trois directions. Trois textes répondent à la question du statut des Amérindiens. Sepulveda n’avait fait qu’un seul voyage tandis que La Casas avait vécu parmi les Indiens. Dans ses mémoires, Las Casas a fait œuvre de juriste, mais aussi d’anthropologue. Lors de la controverse de la Valladolid, sous la présidence du pape, il fallait déterminer si les Indiens avaient des droits ou pas et verra deux grands théologiens et juristes s’affronter.

Juan Ginés de Sepúlveda.

Le premier texte de Sepulveda est le texte le plus indienophobe de l’époque qui répond au statut des autochtones et des peuples conquis.

« Comparons ces qualités de prudence, de caractère, de maniabilité, de tempérance, d’humanité et de religion (des Espagnols) avec celles de ces hommelets (humunculi), dans lesquels on trouve à peine quelques vestiges d’humanité, qui non seulement manquent de toute culture, mais n’ont même pas l’usage, ni la connaissance de l’alphabet, ni ne conservent de monuments de leur histoire, SI ce n’est quelque vague, obscure et aveugle mémoire de quelques faits consignés dans quelques peintures, qui sont dépourvues de toute loi écrite et n’ont que des institutions et des coutumes barbares. Et à propos de leurs qualités, si l’on s’enquiert de leur tempérance et de leur douceur, qu’y a-t-il à espérer de ces hommes livrés à toutes espèces de passions et qui n’hésitent par pour certains à se nourrir de chair humaine (...) Quant au fait que certains d’entre eux paraissent avoir un certain talent comme en témoigne l’édification de certains ouvrages d’art, cela n’est pas un argument en faveur d’une quelconque prudence humaine, puisque nous voyons certaines bestioles comme les abeilles ou les araignées réaliser ce qu’aucune industrie humaine ne parvient à imiter [...]. Je me suis référé aux coutumes et aux caractères de ces barbares - que dire alors de leur religion impie et des sacrifices odieux qui la caractérisent, puisque vénérant comme des dieux le démon, ils ne croient pas pouvoir les apaiser avec de meilleurs sacrifices qu’en leur offrant des cœurs humains ? »

Ce texte date de 1547 fut écrit par Sepulveda et traite des justes causes de la guerre contre les Indiens. C’est le premier grand texte de réflexion sur la nature des Amérindiens. C’est un texte représentatif de ceux qui répondront que les Indiens dans le nouvel empire en devenir n’ont pas de droits. Il est possible de diviser ce texte en trois parties.

  • Au fond, ce que Sepulveda nous dit, l’argument central de cette partie est que ces peuples n’ont pas de culture parce que la culture est une culture fondée sur l’écrit, sur l’histoire et sur les lois. En d’autres termes, Sepulveda a une définition européocentriste de la culture. Une civilisation ou une culture ne peut porter ce nom de culture ou de civilisation que si une communauté a des lois écrites, a une histoire, des monuments, un rapport à son passé qui est le même que le « notre ». Ce type d’argument rejaillit aujourd’hui avec l’idée de supériorité de culture sur d’autres. Les référents sont souvent des référents qui renvoient à Sepulveda.
  • Ce ne sont pas des hommes, mais des animaux parce ce sont des hommes qui ne sont pas dotés de raison et livrés à leurs vils passions et parce qu’ils sont livrés à leurs passions sont comme des animaux qui n’ont pas de raison. Il y a une double transition logique : les peuples indiens sont des êtres de passion, les animaux sont des êtres de passion non doués de raison, et donc les Indiens sont des animaux. L’équation entre les Indiens et les animaux est liée à l’absence de raison.
  • L’argument du théologien l’emporte sur l’argument du juriste, parce qu’il n’y a qu’une seule culture, un critère permet de distinguer les animaux des hommes et il n’y a qu’une religion qui est la religion chrétienne à laquelle n’adhèrent pas les Indiens.

L’autre réponse est donnée par Las Casas qui est une grande réponse à Sepulveda. Ce texte est publié en 1542.

« Les hommes qui habitent ces immenses régions ont un caractère simple, sans malice et sans duplicité ; ils sont soumis et fidèles à leurs maîtres indigènes il, ou aux chrétiens qu’ils sont obligés de servir : patients, tranquilles, pacifiques, incapables d’insubordination et de révolte, de division, de haine ou de vengeance [...]. Ces peuples ont l’intelligence vive, prompte ; ils sont sans préjugés ; de là leur grande docilité à recevoir toutes sortes de doctrines, qu’ils sont d’ailleurs très capables de comprendre ; leurs mœurs sont pures et on les trouve dans d’aussi bonnes et peut-être dans de meilleures dispositions pour embrasser la religion catholique qu’aucune autre nation qui soit au monde [...] »

Portrait de Bartolomé de las Casas (anonyme, xvie siècle).

C’est l’exact opposé de Sepulveda. La Casas, dans un texte très indienophile, défend le statut humain des indiens qui ont une capacité à comprendre et à apprendre. En disant que leurs mœurs sont pures, cela répond à Sepulveda qui faisait des Indiens des animaux quelque part par impureté de leurs mœurs. L’argument religieux est invoqué pour justifier sa position faisant des indiens des capables d’embrasser la religion catholique.

La voie médiane est proposée par Vitoria qui publie en 1539 un texte fondateur sur les empires modernes intitulé De Indis. Il est possible de voir la dimension synthétique de ce texte.

« Car, en toute vérité, ils ne sont pas fous, mais ils possèdent à leur manière l’usage de la raison. 1. Ils ont, en effet, une certaine organisation dans leurs affaires, puisqu’ils ont des villes où l’ordre règne ; ils connaissent l’institution du mariage ; ils ont des magistrats, des chefs, des lois, des œuvres d’art ; ils font du commerce. Tout cela suppose l’usage de la raison. 2. De même, ils ont une sorte de religion [...]. S’ils paraissent aussi stupides et obtus, je pense que cela vient en très grande partie d’une éducation mauvaise et barbare ; car on voit également chez nous beaucoup de paysans qui diffèrent à peine des animaux [...]. De tout ce qui précède, il résulte donc que, sans aucun doute, ces barbares avaient, tout comme les Chrétiens, un pouvoir véritable, tant public que privé. »

Pour Vitoria, ce sont des hommes parce qu’ils sont rationnels. La culture amérindienne est certes différente de la culture européenne, mais elle n’est pas si différente que le prétend Sepulveda, de plus ils connaissent l’institution du mariage qui du point de vue juridique et théologique était un signe important de la culture européenne comme une sorte de référent.

Dans la deuxième partie surgissent deux éléments importants. Ce ne sont pas des animaux parce qu’ils sont doués de raison. Ce sont des hommes qui ont tant un pouvoir public que privé, en d’autres termes, ils ont des droits. Cette affirmation fera de Vitoria un défenseur du droit de propriété des peuples indigènes.

Existe-t-il des points communs entre ces trois auteurs ? Tous ces auteurs ont une claire conscience de la diversité dans lesquelles évoluent les cultures amérindiennes. Toutefois, ils raisonnent toujours dans des termes européens employant un langage eurocentriste. Sur le plan philosophique ou théorique, ils plaquent sur les Amérindiens des catégories européennes pour définir les Amérindiens.

Dans ces trois textes apparaît une vieille division qui vient du droit romain entre hommes libres et hommes esclaves. Pour ces auteurs, le monde est divisé entre hommes libres et hommes esclaves. Il y a aussi l’opposition entre peuples civilisés et entre peuples barbares irriguant, drainant toutes les conceptions impériales jusqu’à récemment. Jusque dans les années 1970, les grands traités de droit international public commençaient par diviser le monde entre États civilisés et État non civilisé. Encore aujourd’hui existe la division entre États civilisés et États non civilisés. Cette théorisation continue à irriguer notre mode de penser. La troisième catégorie qui permet de penser la relation entre les Amérindiens et les Espagnols est la relation entre croyant et infidèles. Tous ces auteurs comprennent le monde à travers le prisme entre croyants et infidèles. Ces catégories conceptuelles se retrouveront dans l’ordre juridique international jusqu’à très récemment.

La ligne de partage selon la bulle Inter cætera (en pointillés), selon le traité de Tordesillas (en violet), et son prolongement selon le traité de Saragosse (en vert).

Quelle est l’autorité légitime ? Qui a la souveraineté ? La bulle inter caetera a répondue à la question en 1493 parce qu’elle avait attribué au Portugal et à l’Espagne la juridiction les terres nouvellement conquises, mais elle n’avait pas répondu à la question de savoir si le droit de propriété s’applique, qui détient la souveraineté, qui est le souverain, qui est titulaire du dominus mundi. L’empereur germanique aura se déclare le dominus mundi tout comme le pape, mais qui le détient alors ?

Vitoria va renvoyer à dos et l’empereur et le pape dans De Indis de 1539 :

  • l’empereur n’est pas titulaire du dominum mundi ;
  • le pape n’est pas titulaire du dominum mundi ;
  • il n’existe pas de droit de découverte à proprement parler, rien ne peut légitimer une prise de possession des Espagnols. En d’autres termes, il n’existe pas de droit du premier occupant ;
  • Vitoria accepte et reconnaît la nécessité de propager le christianisme ;
  • Vitoria récuse l’idée que le Nouveau Monde a été donné aux Espagnols par la volonté de Dieu.

Vitoria a un esprit de synthèse extrêmement fort, il procède par sommaire en présentant ces arguments qu’il développe ensuite :

  • 1. l’empereur n’est pas le maitre du monde entier.
  • 2. même s’il était le maître du monde, l’empereur ne pourrait pas pour autant s’emparer des provinces des barbares, ni instituer de nouveaux maîtres, ni déposer les anciens, ni percevoir des impôts.
  • 3. Si l’on parle proprement de la souveraineté et du pouvoir civils, le pape n’est pas le maître civil ou temporel du monde entier.
  • 6. Le pape n’a aucun pouvoir temporel sur les barbares des Indes, pas plus que sur les autres infidèles.
  • 12. Si les barbares sont invités et exhortés à entendre paisiblement les prédicateurs de la religion et s’ils refusent de le faire, ils ne sont pas excusés du péché mortel.
Francisco de Vitoria.

Lorsque Vitoria publie De Indis en 1539, il veut renvoyer dos à dos l’empereur et le pape voulant proposer une nouvelle vision de l’empire. Il accepte l’idée que les Indiens sont des hommes et donc ils ont des droits naturels. Un des droits essentiels est le droit de propriété. L’enjeu, puisque c’est un fait que les Espagnols sont en train de conquérir le Nouveau Monde, lequel est-il ? Vitoria remarque les Espagnols sont en train de conquérir, tuer et piller une partie de ce continent. La question est désormais de savoir quelles sont les conditions possibles afin d’entrer en guerre et quelles sont les conditions de la guerre juste. Si les Espagnols ou quelconques colonisateurs ont des droits, lesquels sont-ils ? Peut-il agir par la guerre ? À quelles conditions peut-on faire la guerre pour conquérir le monde ? Existe-t-il des critères de guerre juste qui permettent ou ne permettent pas de conquérir le monde ?

La troisième conception d’empire qui émerge en Europe est accompagnée par une vraie réflexion sur la guerre et plus précisément sur la guerre juste. Toute la vision impériale qui va se dessiner à partir de 1550 est accompagnée par une vaste réflexion sur la guerre qui accompagne la conception de l’idéologie impériale romaine. Chez les Romains, à la question de la justice et de la justesse d’une guerre vient avec le christianisme. Dans la doctrine chrétienne, dans l’ordre de la réflexion sur la guerre et la paix il y a le Sermon sur la montagne où Jésus Christ explique la doctrine de non-résistance du christianisme. Le Sermon sur la montagne est un « benchmark » important dans le rapport du christianisme à la violence. La doctrine de la guerre juste née dans le contexte ou l’on doit trouver une formule qui permette au citoyen romain de faire la guerre sans renier leur romanité.

Vitoria développe l’argument « si l’empereur est le maitre du monde » comme première réponse. L’empereur n’est pas le maître du monde pour au moins trois raisons ». En effet, il ne peut y avoir de droit qu’en vertu du droit naturel, du droit divin ou du droit humain. Or, on va le montrer, « l’empereur n’est maître du monde en vertu d’aucun de ces droits ». En vertu de ces trois droits, l’empereur n’est pas détenteur du dominium mundi. L’empereur n’est pas le maitre du monde en vertu du droit divin, humain et naturel.

La deuxième réponse « Même si l’empereur était le maître, du monde il ne pourrait s’emparer des Indes ». Admettons que l’empereur est le dominum mundi, il ne pourrait pas s’emparer des indes. C’est une volonté très claire d’écarter l’empereur de toute prétention territoriale sur les indes.

La rencontre de Cortés et Moctezuma vue par un peintre anonyme du Modèle:S -.

Est affirmé un argument absolument essentiel pour toute l’idéologie impériale « Ceux-là mêmes, en effet, qui attribuent à l’empereur un pouvoir sur le monde, ne disent pas qu’il a sur lui un pouvoir de possession, mais seulement un pouvoir de juridiction. Or, ce doit ne l’autorise pas à annexer des provinces à son profit personnel, ni à distribuer, à son gré, des places fortes et même des terres ». De manière très anodine, Vitoria nous dit que même si l’empereur avait des prétentions territoriales, il ne pourrait invoquer que la « juridictio » ou l’« imperium », mais pas le « dominium ».

Les Romains distinguaient l’« imperium » ou la « juridictio » qui est l’équivalent de la souveraineté du « dominium » qui est le pouvoir de propriété. L’empereur n’est pas à la fois détenteur de la propriété et de la souveraineté parce qu’il faut distinguer les deux choses. Cela va avoir des conséquences majeures du XVIème siècle au XXème siècle.

Les grands empires européens qui se mettent en place sur les décombres de la vision papale et de l’empire vont être différents proposant des modèles d’empire différents. Grotius va proposer un modèle de l’ordre international permettant aux grands empires européens de s’enraciner et de trouver un fondement juridique et de justifier leur expansion.

Entrée de Cortés à Tabasco.

Vitoria est le premier juriste et théologien qui s’interroge à partir du modèle impérial espagnol sur les limites du modèle papal est impérial remettant en cause les compétences du pape en matière de dominium mundi et les compétences de l’empereur. Il ouvre une troisième voie pour les grands empires européens qui se mettent en place. Vitoria va ouvrir la voie, mais il appartiendra à Grotius de l’affiner, de la finir et de proposer une théorie de l’ordre international très favorable aux empires européens.

Vitoria récuse à la fois les prétentions de l’empereur papal et de l’empereur germanique. Vitoria reprend la distinction que l’on doit au droit public romain entre le dominium et l’imperium. La deuxième réponse de Vitoria est « Même si l’empereur était le maître du monde, il ne pourrait s’emparer des indes ». C’est une contestation de la vision de la conception impériale de l’Empire en instrumentalisant la distinction entre le dominium et l’imperium soit le pouvoir de juridiction et le pouvoir de possession. Cette distinction que Grotius va reprendre en tant que théoricien des empires européens va servir de base à la vision grotienne.

Vitoria se pose la même question concernant le pape de savoir s’il est détenteur du dominium mundi, si le pape est le maître du monde. À la question est clairement posée « Le pape est-il le maître du monde ? », il en conclut que non. La première réponse est que « le pape n’est pas le maître temporel du monde ». Pour Vitoria, « le pape a un pouvoir ordonné au spirituel » l’explicitant ainsi : « Cela veut dire qu’il a un pouvoir temporel pour autant que c’est nécessaire à l’administration des choses spirituelles ». On voit très bien que Vitoria reprend la compétence papale issue du concordat de Worms qui laissait au pape la compétence de gestion des biens de l’Église ce que Vitoria assimile à un pouvoir temporel.

En revanche, il limite l’intrusion du pouvoir spirituel dans le pouvoir temporel. Pour appuyer son point de vue, Vitoria pose que « le pape n’a aucun pouvoir temporel sur les indiens ni sur les autres infidèles ». C’est une affirmation assez forte. En d’autres termes, les populations nouvellement conquises ainsi que les terres nouvellement conquissent ne dépendent pas de l’autorité du pape. Il n’y a pas de biens de l’Église sur les territoires nouvellement conquis, alors le pape ne peut réclamer une quelconque compétence sur ces territoires.

Cortez et Moctezuma.

Le ius ocupacio ou droit de découverte ou droit du premier occupant est un droit débattu en Europe depuis le XIIème siècle et le XIIIème siècle pas tant pour les territoires des Amérindiens mais pour certains territoires européens qui ne sont pas occupés ou peu occupés. Cette question concerne à partir du XIIIème siècle des terres du nord de la Pologne, est la question est de savoir si le fait d’occuper ces terres ou de les découvrir donne à celui qui plante son drapeau le premier une base légale. C’est une question qui émerge déjà en Europe au XIIIème siècle pour des territoires européens qui sont actuellement dans des zones de l’Ukraine. La monarchie austro-hongroise les avait découvertes et se posait la question de la compétence.

Vitoria se pose la question de savoir si il y a ou existe-t-il un droit de découverte et s’il existe est-ce que ce droit donne des droits. Il pose la question de savoir si en vertu du jus gentium, il existe un droit de découverte concluant qu’en théorie oui, mais dans la pratique ce droit ne peut être invoqué pour occuper les terres amérindiennes. La raison est simple puisqu’il a tranché la question de savoir s’ils sont des hommes par l’affirmative. Donc, si ce sont des hommes, ils ont des droits et il n’est pas possible d’invoquer un droit supérieur aux droits naturels individuels, dont le droit de propriété. Il est cohérent dans sa logique, reconnaissant la possibilité d’invoquer le droit de découverte dans certaines régions du monde en théorie, toutefois, dans la pratique, dans le cadre de la conquête des indes, ce n’est pas invocable, car les Indiens sont des hommes, ont la propriété et sont propriétaires de leurs biens et de leurs terres.

Dans la troisième partie de l’ouvrage, Vitoria titre « Titres légitimes de la domination des Espagnols sur les Indiens ». C’est une chose intéressante. Les deux premières parties visent à rejeter les prétentions papales ou impériales et la troisième partie vise à délimiter, définir et préciser la légitimité de l’aventure espagnole. Ont-ils le droit de découvrir les Amériques, de revendiquer le dominium ou l’imperium sur ces terres. En d’autres termes, quel est le droit applicable en l’état ? Cette partie montre que l’homme est beaucoup plus ambigu. L’homme va ouvrir une brèche aux conséquences terribles dans la justification de l’aventure impériale européenne.

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Le sommaire de cette partie est parlant. Le deuxième paragraphe dit : « Les Espagnols ont le droit de se rendre et de demeurer dans les territoires des Indiens, mais à condition de ne pas leur porter préjudice, et ceux-ci ne peuvent les en empêcher ». Ce paragraphe est ambigu puisque les Espagnols ont le droit de conquérir et d’occuper les terres nouvellement conquises, et surtout, les autres ne peuvent les en empêcher. Le quatrième paragraphe est aussi parlant : « Il n’est pas permis aux barbares d’empêcher les Espagnols de participer aux biens qui se trouvent sur leurs territoires et qui sont communs aux citoyens et aux étrangers ». Vitoria visait l’or et les métaux précieux qui sont communs à tout le monde.

Toute l’ambiguïté de Vitoria se voit à travers l’introduction du jus comunicatio qui est le droit de société et de communication. C’est sur la base de ce droit que les Espagnols ont des titres légitimes sur ces terres nouvellement conquises. Quelle est la base légale qui permet aux Espagnols de conquérir et d’occuper les terres nouvellement découvertes ? « Les Espagnols ont le droit d’aller et de vivre aux indes ». Pour Vitoria, c’est un droit fondamental que de se déplacer.

L’ambiguïté apparaît avec le deuxième principe qui permet de justifier la conquête des Espagnols : « Les Espagnols ont le droit de faire du commerce avec les Indiens ». C’est une affirmation extrêmement claire du droit de commercer. C’est parce qu’ils ont le droit de faire du commerce avec les Indiens que les Espagnols peuvent occuper, conquérir et s’étendre. Le commerce est un élément très important parce que le droit du commerce va devenir un leitmotiv des grands juristes fondateurs du jus gentium. Le droit de faire du commerce est un droit inaliénable et fondamental. D’en faire un droit fondamental implique que ceux qui ne respectent pas sont susceptibles de faire l’objet d’une guerre. En d’autres termes, si on ne respecte pas un certain nombre de droits fondamentaux, les États, les entités responsables du maintien et du respect de ces droits peuvent le cas échant attaquer pour cela.

Les cruautés des Espagnols (Jean Théodore de Bry).

De plus, pour Vitoria : « Les Espagnols peuvent participer biens publics » affirmant que « S’il existe chez les barbares des biens communs aux citoyens et aux étrangers, il n’est pas permis aux barbares d’empêcher les Espagnols d’y participer et d’en profiter » sous-entendu de prétexte de guerre. Le titre de l’ouvrage est parlant « Leçon sur les Indiens et sur le droit de guerre ». C’est une logique d’établissement des titres de propriété espagnol et dans une logique de mettre en place les conditions pour faire la guerre. Le non-respect d’une certain nombre de comme le droit du commerce ou de participer au droit public est un juste cause de guerre.

La quatrième réponse de Vitoria est que « Les Espagnols peuvent acquérir un droit de citoyenneté aux indes ». Ils peuvent très bien être citoyens du territoire qu’ils ont conquis ouvrant la porte au partage de la souveraineté par les colons. La cinquième réponse de Vitoria est que « En cas d’hostilité de la part des Indiens, les Espagnols peuvent se défendre par la guerre ». Dans cette réponse, il n’y a plus d’ambiguïté : « supposons que les barbares veuillent interdire aux Espagnols ce qu’on a di plus haut leur être permis par le droit des gens, par exemple le commerce et les autres activités dont on a parlé. Les Espagnols doivent d’abord éviter le scandale en recourant à la sagesse et à la persuasion. Ils doivent montre pas toutes sortes de raison qu’ils ne sont pas venus pour nuire aux Indiens, mais qu’ils veulent être accueillis et vivre paisiblement sans leur porter préjudice. Et ils doivent non seulement l’affirme, mais aussi en donner des preuves, selon ce mot : il convient que les sages éprouvent d’abord toutes choses par la parole. Si les barbares ne veulent pas accepter les raisons qu’on leur donne, mais s’ils veulent recourir à la violence, alors les Espagnols peuvent se défendre et affaire tout ce qui est nécessaire pour leur sécurité, car il est permis de repousse la force par la force. Bien plus, s’ils ne peuvent obtenir la sécurité autrement, ils peuvent construire des citadelles et des fortifications ; et, s’ils ont subi une injustice, ils peuvent, sur la décision de leur prince, la punir par la guerre et exercer les autres droits de la guerre ».

Le sort des populations dites « autochtones » était scellé, car les justes motifs de guerres sont clairement énoncés. Vitoria ouvre une brèche majeure que la conception papale ou impériale n’avait jamais abordée qui est l’apport d’un discours sur le droit de conquête et sur les conditions du droit de conquête et plus précisément sur les conditions d’une guerre juste. C’est un élément nouveau que l’on ne retrouve pas dans la conception traditionnelle impériale germanique ni dans la conception papale. En d’autres termes, jusqu’à Vitoria, il n’y avait pas ou peu de réflexion sur la guerre et sur le droit de découverte. C’est la réflexion de Vitoria qui va donner à l’idéologie européenne un nouveau caractère et une nouvelle portée.

L’ambiguïté de Vitoria s’évapore lorsque Vitoria affirme « Les Espagnols peuvent soumettre les Indiens ». L’ambiguïté que l’on percevait et que l’on décelait au début n’est plus du tout de rigueur : « Si les Espagnols ont essayé tous les moyens et s’ils ne peuvent obtenir la sécurité de la part des barbares qu’en s’emparant de leurs villes et en les soumettant, ils peuvent aussi le faire légitimement ». Le ton était donnait. Cette phrase est capitale parce que Vitoria ouvre la voie à une vision beaucoup plus agressive des grands empires. La conquête était un élément important de l’Empire romain, mais Rome, de l’avis des historiens de Rome, n’a pas fait montre d’agressivité ou de conquête du monde. Rome n’a jamais eu la prétention de dominer le monde. Les conceptions papale et impériale ne se sont pas construites sur une vision agressive de l’ordre mondial. C’est une démarche de sécurisation des compétences de l’empereur ou de sécurisation et de protection des compétences du pape. Avec la découverte du Nouveau Monde, le nouveau modèle d’empire et les nouvelles conceptions d’empire qui voient le jour sont beaucoup plus ambitieuses et conquérantes. On voit très bien que le concept d’empire évolue dans un sens beaucoup plus expansionniste.

Bartolomé de las Casas.

La septième réponse de Vitoria est que « les Espagnols peuvent exercer contre les Indiens tous les droits de la guerre ». Il est sous-entendu que les Espagnols sont légitimés à intervenir si les Indiens ne respectent pas un certain nombre de droits naturels.

La première partie a quelque part énuméré les droits fondamentaux dans l’ordre international à savoir le droit de découverte et le droit de faire du commerce. La deuxième partie introduit un autre droit qui est le droit d’évangélisation. C’est un apport majeur de la part de Vitoria qui est une réflexion sur le droit d’évangélisation comme droit faisant partie et pouvant être invoqué par les grands empires européens en devenir : « Il peut y avoir un autre titre : l’expansion de la religion chrétienne ». La première réponse est que les chrétiens ont le droit d’évangéliser les Indiens.

La deuxième réponse est que « L’évangélisation des Indiens a été confiée spécialement aux Espagnols ». Cela sera contesté par Grotius en tant que protestant qui ne comprendra pas du tout pourquoi les Espagnols ont le monopole de l’évangélisation. La troisième réponse est que « Cette évangélisation exclut le recours à la force ». C’est un droit qui est un droit invocable, mais qui ne permet pas le recours à la guerre afin de l’imposer. La quatrième réponse évacue toute ambiguïté qui est que « Les Indiens ne doivent pas s’opposer à l’évangélisation ». S’ils le font, ils sont susceptibles de faire l’objet d’une guerre. Autrement dit, s’ils s’y opposent, c’est un juste motif de guerre pour l’Empire espagnol et l’Empire portugais : « Il ressort clairement de cette réponse que, si les Espagnols ne peuvent promouvoir autrement la cause de la religion, il leur est également permis, pour cette raison, de s’emparer de leurs terres et de leurs provinces, de créer de nouveaux chefs, de déposer les anciens et de faire, en vertu du droit de la guerre, ce qu’on pourrait légitimement faire dans d’autres guerres justes. Mais ils doivent toujours agir avec mesure et modération, afin de ne pas aller plus loin qu’il ne faut. Ils doivent préférer abandonner leur propre droit plutôt qu’entreprendre une chose qui n’est pas permise. Enfin, ils doivent constamment tout orient au bien des barbares plutôt qu’à leur propre avantage ». La marge de manœuvre des Indiens est relativement faible. En d’autres termes, s’ils refusent l’évangélisation, leur chef peut être changé, leurs provinces confisquées et toute la domination espagnole peut être exercées sans retenue. Le droit d’évangélisation n’implique pas la conversion se limitant à la prédication. En d’autres termes, on ne peut pas forcer les Indiens à se convertir, mais ils ne peuvent empêcher les Espagnols et les Portugais de propager la bonne parole.

Vitoria postule la chose suivante : « Que les Espagnols aient été obligés de recourir à la violence et aux armes pour pouvoir se maintenir là-bas, j’e n’en doute pas. Mais je crains qu’ils soient allés au-delà de ce que permettaient le droit et la justice ». Il est nécessaire que les puissances européennes qui conquièrent le monde montrent de retenu et respectent un certain nombre de droits ce qui deviendra le jus in bello.

On voit très bien que Vitoria est encore prisonnier de deux visions. Autrement dit, on voit bien qu’en lisant le texte de Vitoria, il oscille entre deux attitudes. Une attitude qui rejette la compétence du pape et la compétence de l’empereur voulant laisser aux Indiens le contrôle, la propriété et la souveraineté sur leur territoire. Dans la troisième partie, l’introduction d’un certain nombre de droits au nom du jus gentium comme le droit de faire du commerce, d’évangéliser et de communiquer ouvre la voie à une vision expansionniste des empires européens. Il y a une tension chez Vitoria entre un homme qui est conscient des horreurs de la conquête, mais qui quelque part fournit un certain nombre d’arguments juridiques afin de la justifier. On retrouve cette tension chez Grotius qui présentera un modèle et une vision impériale cohérente.

À la suite de Vitoria, les empires en Europe se mettent en place commençant à conquérir une partie du monde. Les caractéristiques des empires sont différentes. Les Empires espagnols et portugais ne correspondent pas à l’Empire anglais qui est beaucoup plus tardif. Les caractéristiques matérielles sont différentes.

Les empires européens[modifier | modifier le wikicode]

Empire portugais[modifier | modifier le wikicode]

L’Empire portugais à son apogée.

L’Empire portugais est un empire qui commence à voir le jour à la fin du XVème siècle avec la découverte de la route maritime des indes en 1497. Les Portugais vont conquérir une partie de l’Amérique du Sud, une partie de l’Inde avec un certain nombre de comptoirs, également en Afrique, dans la péninsule arabique avec l’occupation du détroit d’Ormuz, vont être occupés aussi des iles comme Malaka, Java et Macao. Le Portugal va également occuper le Brésil. C’est un empire éclaté avec l’Amérique du sud, quelques régions de l’Asie du Sud-Est, quelques comptoirs africains. C’est un empire de comptoirs se construisant sur la base d’un certain nombre de zones ou de ports, mais ce n’est pas un empire qui va pénétrer dans les terres. C’est un empire maritime qui est essentiellement fondé économiquement sur le monopole. Les comptoirs n’ont le droit de commercer qu’avec le Portugal.

L’Empire ne va pas durer très longtemps se délitant très vite parce que le Portugal n’a pas les moyens de contrôler ses immenses territoires et ses nombreux comptoirs. C’est un empire qui va devenir décentralisé. Les gouverneurs des comptoirs vont très vite avoir une autorité et une série de compétences importantes.

L’Empire espagnol[modifier | modifier le wikicode]

Carte anachronique de l’empire espagnol, à différentes périodes.

Ce n’est pas le cas de l’Empire espagnol qui nait à la même époque. La colonisation est extrêmement différente de celle des Portugais commençant par les Antilles dès 1510, puis vient la découverte du Mexique, de l’Amérique centrale, de l’Amérique du Sud et précisément le Pérou. Contrairement à l’Empire portugais, l’Empire espagnol est un empire extrêmement centralisé, très bien organisé divisé en royaumes et vice-royaumes. C’est un empire centralisé depuis Madrid et extrêmement bien organisé. C’est une emprise divisée en deux vice-royautés avec le royaume de la Nouvelle Espagne qui aura pour capitale Mexico et le royaume de la Nouvelle Castille qui aura pour capitale Lima. L’Empire espagnol est économiquement extrêmement bien organisé, pas fondé sur le monopole, mais fondé sur une forme de pillage s’agissant de rappeler vers l’Espagne un maximum de biens communs et de biens publics. L’Empire espagnol est au service de la monarchie espagnole économiquement parlant. Enfin, le recours et l’utilisation massives des Espagnols à l’esclavage. L’institution de l’esclavage va être faite par les espagnols une pierre cardinale de leur empire. Les peuples amérindiens étant décimés par la guerre et les maladies, les Espagnols vont être de grands importateurs d’esclaves venant d’Afrique et d’Inde. Les Espagnols seront ceux qui construiront leur empire autour de cette institution et qui en feront leur moteur économique et politique.

L’Empire anglais[modifier | modifier le wikicode]

Les zones du monde qui firent à une époque partie de l’Empire britannique. Les actuels territoires britanniques d’outre-mer sont soulignés en rouge.

Le troisième empire qui se met en place est l’Empire anglais. Tout comme l’Empire français, c’est un empire tardif. Les Espagnols et les Portugais vont occuper très vite tandis que les Anglais vont démarrer tardivement en 1583 par la découverte et l’annexion d’une partie du Canada connue sous le nom de Terre-Neuve. L’empire anglais est un empire relativement tardif qui se constitue dans certaines parties du Canada, essentiellement dans ce qui va devenir les colonies américaines et puis certains comptoirs africains et plus précisément au sud de l’Afrique. Toutefois, la conquête anglaise se ferra relativement tardivement avec l’absorbation notamment de l’Empire français en 1763. Les grandes années de l’Empire anglais sont le XVIIIème siècle et le XIXème siècle. À partir de 1587, ils prennent possession des colonies américaines où ils établissent toute une série de comptoirs au Massachusetts et en Virginie. Il est intéressant de noter que la Floride était aux mains des Espagnols. Le royaume de Mexico régnait également sur le sud de la Floride. C’est un empire tardif, assez disparate, mais concentré essentiellement en Amérique du Nord. C’est aussi un empire qui va être fondé sur le monopole. Les colonies ne pouvaient et ne devaient commercer qu’avec la Grande-Bretagne. C’est un modèle que critiqueront tous les grands économistes plus tard, mais c’est un modèle fondé sur le monopole. C’est un empire extrêmement décentralisé. Pour la partie postérieure à 1750, la couronne britannique va reprendre le contrôle de son empire, mais jusqu’en 1742, l’Empire britannique est essentiellement décentralisé.

Tout comme l’Empire néerlandais, c’est un empire protestant. Ce sont des empires fondés sur une vision de la nature humaine extrêmement protestante et calviniste. Il faut préciser cette dimension religieuse parce que les empires espagnol et portugais sont comme les bras armés de l’Église se revendiquant depuis la Bulle inter caetera de 1493 comme les représentants de l’Église catholique dans les nouveaux territoires. Depuis l’instauration de la Réforme en Europe à partir de 1517, les Britanniques et les Néerlandais veulent garder leur autonomie et ne pas s’appuyer sur l’église pour justifier leur conquête.

L’Empire français[modifier | modifier le wikicode]

Espaces colonisés par la France au long de son histoire coloniale.

L’Empire français est également un empire extrêmement tardif, mais finalement assez petit. Le Premier Empire français sera absorbé par les Anglais par le traité de Paris de 1763 où la France perdra l’intégralité de son empire colonial. Elle le reconstituera au XIXème siècle à partir de l’affaire d’Algérie en 1840 et en Afrique à partir du Congrès de Berlin. C’est un empire qui ne s’étend pas sur d’immenses territoires. La France va occuper des territoires au Canada, des colonies au Québec, et dans deux autres régions d’Amérique du Nord qui sont la région de la Floride et la Louisiane soit la région du Mississippi dès 1603. Il y a une tradition francophile en Louisiane qui d’ailleurs a été vendue aux États-Unis par Napoléon. Fondamentalement, la Louisiane est restée sous domination française qui avait créé un cordon entre le Canada et la Louisiane. C’est un empire paradoxalement peu étendu et tardif, mais surtout c’est un empire qui est constitué d’une multitude de petits comptoirs et de places fortes. Sur le plan économique, c’est un empire qui n’est pas fondé sur le monopole, mais sur une forme de libre-échange et sur un secteur économique extrêmement précis qui est le commerce des fourrures. Ce n’est pas un empire constitué sur l’or ou l’étain, ce n’est pas un empire qui se constituera sur des biens naturels, mais c’est un empire essentiellement fondé sur le commerce des fourrures. C’est un empire fondé non seulement sur une conquête politique et militaire, mais également sur le missionnariat avec l’aide extrêmement marquée d’ordres religieux et notamment l’ordre des Jésuites qui a joué un rôle capital dans la mise en place du Premier Empire français. Les Français ont fait appel à des missionnaires jésuites afin de les aider à occuper les territoires conquis. Ce que les Anglais, les Espagnols et les Portugais n’ont pas, les jésuites pouvaient communiquer avec les populations autochtones. Les premiers dictionnaires iroquois, inuit, des grands tributs indiens de l’Amérique du Nord sont des dictionnaires jésuites traduits vers le latin à partir de 1620 – 1630. Ce sont véritablement des gens qui parlent la langue, entre en contact avec les populations autochtones et qui vivent avec elles. Les médiateurs sont toujours des jésuites qui parlent les deux langues. D’une certaine manière, l’Empire français doit sa longévité et son développement à l’ordre des Jésuites. Cela veut aussi dire que l’Empire français a établi des relations différentes des Espagnols et des Anglais avec les autochtones.

L’Empire hollandais[modifier | modifier le wikicode]

Carte des territoires colonisés à un moment ou à un autre par les Pays-Bas ou les Provinces-Unies. Ceux en vert foncé sont administrés par la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales, ceux en vert clair par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales.

L’Empire hollandais va donner toute sa plénitude au XVIIème siècle. L’Empire hollandais est le plus tardif devenant un empire très vite extrêmement puissant. Il tient sa puissance du fait que les Hollandais ont compris avant tout le monde que la force d’un empire est sa flotte et sa marine. Le fait de posséder une flotte puissante de couvrir la surface de la Terre et de rapatrier les biens et un atout considérable. C’est un empire essentiellement maritime qui va permettre aux Hollandais d’occuper des régions extrêmement variées notamment en actuelle Indonésie, au Ceylan, en Afrique en Guinée et dans le golf de Guinée, en Guyane hollandaise, également au sud de l’Afrique dans la région du Cap. C’est un empire extrêmement bien organisé à la fois sur le plan de la gestion que sur le plan militaire. Est créée pour cela en 1608 la très puissante Compagnie des Indes orientales qui sera suivie en 1621 par la Compagnie des Indes occidentales. Il y a une forme de privatisation de l’empire hollandais dans le sens où l’empire hollandais a été géré par des compagnies privées. L’Espagne, le Portugal, la France, l’Angleterre, les gouverneurs devaient rapporter au pouvoir royal, mais pas dans le cas des Hollandais.

Ce sont ces deux compagnies privées à savoir la Compagnie des Indes orientales et occidentales de 1608 et 1621 qui auront la responsabilité de gérer l’Empire hollandais. Parmi les compétences qu’avaient ces deux compagnies, elles avaient la compétence accordée par le gouvernement hollandais de négocier des traités avec des puissances publiques et étrangères, de lever des armées. Ce sont des compagnies privées qui ont les compétences d’un État. C’est une véritable caractéristique de l’Empire hollandais qui a confié ses intérêts à deux compagnies avec la capacité de lever une armée et signer des traités. C’est un empire profondément fondé sur le libre-échange. Les Hollandais seront les grands défenseurs d’un droit fondamental auquel Vitoria n’avait pas pensé qui est un droit naturel dans l’ordre international qui ne relève pas du droit interne ni des droits individuels, mais du droit international classique qu’on appelait à l’époque le jus gentium dit aussi droit des gens. Jusqu’en 1781, on parlera de jus gentium. On recourt à l’appellation romaine pour le droit international. Il y a un droit fondamental que les Hollandais en bon libre-échangiste et en bon commerçant vont défendre qui est la libre circulation maritime. Ce sont des libre-échangistes qui créés un empire commercial et maritime. Afin de permettre à cet empire d’exister et de commercer, il faut non seulement défendre un droit de la mer ouvert et défendre l’idée que la mer n’appartient à personne. On doit une première réflexion sur la mer et la propriété de la mer est Grotius.

Annexes[modifier | modifier le wikicode]

Références[modifier | modifier le wikicode]