Les organisations internationales et le règlement pacifique des différends

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Rappel :

  • Article 33 de la Charte comme corollaire de l’article 2 chapitre 4 (interdiction de la force ó règlement pacifique des litiges)
  • Les États peuvent recourir à tous les moyens pacifiques possibles (grand principe de l’article 33) :

Négociations bilatérales (termes de l’arrangement souvent inconnus)

  • Mécanismes softs (dit politiques/diplomatiques) faisant intervenir des tiers (droit en second plan) : bons offices (intervention limitée d’un tiers ayant pour but d’encourager la reprise du dialogue), médiation (le médiateur, une fois le dialogue repris, participe au règlement du différend en proposant des solutions)…
  • Mécanismes hards faisant intervenir des juridictions arbitrales soit des tribunaux ad hoc ou permanents

Note : La CIJ, dans l’affaire du Nicaragua, a déclaré que la résolution de litiges de manière pacifique et une manière coutumière de faire.

Les États sont obligés de recourir aux négociations (obligations de moyens pas de résultats = il faut au moins tenter la négociation) mais ils le font le plus souvent naturellement car c’est la voie la plus facile pour eux avant de se tourner vers l’intervention d’un tiers

Le rôle des organisations internationales dans la résolution pacifique des différends[modifier | modifier le wikicode]

L’organisation internationale sert de forum pour les négociations, par exemple l’AG et l’OMC (recueil chapitre 2.5, article 3 chiffre 2 à les États peuvent régler leur différends sans forcément passer par la voie juridique et ce même lorsque l’affaire est en cours d’instance ou après que l’organe d’appel a rendu son jugement = le juge n’a pas la compétence de terminer l’instance car celle-ci revient aux parties).

Règlement diplomatique des différends : rôle du Secrétaire général des Nations Unies[modifier | modifier le wikicode]

Lorsque les États n’arrivent pas à se mettre d’accord, ils peuvent recourir à un tiers. Ce dernier peut être une personne : diplomate, roi, chef d’État ou même le Pape mais également un État ou un organe d’une organisation internationale.

Note : en 1481, l’ermite Nicolas de Flue a permis, grâce à sa médiation, d’éviter une guerre civile suisse.

Le Secrétaire Général des Nations Unies[modifier | modifier le wikicode]

Il est le médiateur par excellence. Son indépendance lui est garantie par l’article 100. Il est le représentant numéro uno de l’ONU, son chef administratif et sa tâche emblématique est le rapport annuel sur l’activité dans lequel il préconise une doctrine onusienne (Boutros-Ghali avait insisté sur la question du respect des Droits de l’Homme et la diplomatie préventive comme priorités onusiennes).

Cependant, depuis Hammarskjöld (fortement opposé à l’URSS), les membres permanents du CS essaient d’avoir des SG malléables et passifs qui ne leur tiennent pas tête.

Note : lors des négociations sur la mise en place de l’ONU, on hésitait entre un ou plusieurs SG. Au final, même si on a décidé qu’il n’y en aurait qu’un, les SG ont eux-mêmes décidé de s’entourer de secrétaires adjoints (allant jusqu’à 37).

L'affaire du Rainbow Warrior[modifier | modifier le wikicode]

Litige entre la France et la Nouvelle-Zélande en 1985. Un navire de l’ONG Greenpeace a été saboté dans un port néo-zélandais par des agents secrets français car Greenpeace s’opposait aux essais nucléaires de la France dans la région.

Déroulement du litige :

La France a reconnu son implication dans l’affaire et a également reconnu avoir violé la souveraineté territoriale et la nécessité de s’excuser pour cette dernière. Le litige portait donc sur :

  • le sort des deux agents secrets arrêtés, jugés et condamnés à des peines de prison par les autorités néo-zélandaises (manière de faire pression sur la France). La France s’opposait aux mesures néo-zélandaises car elle voulait exercer sa juridiction sur ses ressortissants à point le plus litigieux
  • le montant des réparations : la Nouvelle-Zélande réclamait 9 millions de dollars de dommages et intérêts alors que la France estimait ne devoir lui verser que 4 millions.

Par accord, les deux parties ont décidé de recourir à la médiation du SG. Cependant, les deux États s’étaient préalablement accordés pour accepter sa décision. Ceci est étrange car cela va au-delà de la simple médiation. En effet, le médiateur est censé ne donner que des propositions de solutions. Dans ce cas-là, on a donc parlé d’arbitrage politique.

La Nouvelle-Zélande a également demandé au SG de prévoir, à l’avance, un autre moyen de régler un différend futur qui surviendrait si la France refusait d’exécuter la première solution. La France ne s’est pas opposée à cette demande.

Décision du Secrétaire Général (recueil de texte) :

Concernant la partie qui n’était pas vraiment en litige, il a répété que la France devait excuses à la Nouvelle-Zélande et a fixé le montant des réparations à 7 millions de dollars.

Concernant le sort des agents français, il a décidé que ceux-ci devraient être transféré aux autorités militaires françaises afin que celles-ci les transfère sur une installation militaire du Pacifique Sud pour une période de 3 ans (lettre a).

Il a également prévu, en accord avec la Nouvelle-Zélande, qu’en cas de violation de la décision par la France, l’affaire devrait être portée devant un tribunal arbitral (point 5 : arbitrage)

Remarque :

Le Secrétaire générale a forcé la Nouvelle-Zélande à libérer les agents mais il a privé la France d’un rapatriement et d’un jugement immédiat.

Il s’agit donc d’une médiation sous la forme d’une conciliation (procédure, trace écrite…), le droit international n’a pas joué un rôle très important si ce n’est d’avoir été invoqué par les deux parties pour étayer leurs arguments.

Conclusion :

La décision a été exécutée mais la France a rapatrié ses agents après seulement un an et demi d’exil pour «des raisons médicales» (opération de l’appendice et grossesse).

La Nouvelle-Zélande s’est donc tournée vers le tribunal arbitral (procédure classique). Ce dernier a estimé que le rapatriement d’un des agents (monsieur appendicite) était justifié mais pas celui de l’autre. La France aurait même dû renvoyer les deux agents sur leur île après qu’ils aient reçu leurs soins médicaux. Néanmoins, en ce qui concerne les réparations, le tribunal affirme qu’il ne sert plus à rien que la France renvoie les deux agents sur l’île étant donné que la peine a été interrompue. La seule réparation qu’il octroie à la Nouvelle-Zélande est donc une réparation par constatation. Le fait que le tribunal est constaté publiquement une violation apporte satisfaction à la Nouvelle-Zélande.

Autres formes de médiation : l’UE[modifier | modifier le wikicode]

Attention, la médiation dans le cadre de l’UE est différente. En effet, le médiateur européen (introduit en 92 par l’article 228 du traité sur le fonctionnement de l’UE) est quelqu’un qui s’occupe de conflit entre personne (particulier) et les institutions de l’Union (le plus souvent des cas de déni de justice). Il est un médiateur au sens du droit interne, il envoie son rapport au particulier, au parlement européen ainsi qu’à l’institution incriminée mais ne rend pas de décisions obligatoires (≠ arbitrage).

Règlement juridictionnel des différends : l’organisation internationale et la Cour internationale de Justice[modifier | modifier le wikicode]

Par convention, il est possible de faire apparaître l’organisation internationale comme partie devant la CIJ lors d’une procédure que l’on appelle encore consultative mais qui, en réalité, donne matériellement lieu à un arrêt qui tranche un litige (affaire du rapporteur spécial et affaire de l’OLP).

La procédure classique de la Charte : article 96[modifier | modifier le wikicode]

  • Paragraphe 1 : l’AG et le CS peuvent demander à la CIJ des avis consultatifs sur des questions juridiques
  • Paragraphe 2 : tout autre organe de l’organisation ET institution spécialisée peut recevoir de l’AG l’autorisation de demander à la cours un avis consultatif sur des questions juridiques qui se poseraient dans le cadre de leurs activités

Note : dans la pratique, c’est l’AG qui demande le plus souvent des avis à la Cour (CS une seule fois et les institutions rarement)

La Cour accepte de répondre à la question d’une institution spécialisée selon 3 conditions :

1. Il faut l’autorisation de l’AG

2. Il que la question soit de caractère juridique (et non pas politique)

Note : dans l’affaire des otages américains en Iran, par exemple, l’Iran n’a pas tenue à se défendre devant la CIJ mais elle a envoyé une lettre dans laquelle elle déclare que la Cour ne peut pas juger l’Iran sans tenir compte des tensions qui existent entre elle et les États-Unis et qui remontent à des décennies. De plus, elle accuse les États-Unis d’ingérence en affirmant que certains membres de la diplomatie américaine étaient en fait des agents de la CIA. Néanmoins, il s’agit là d’une lettre politique ne respectant donc pas la procédure et étant donc irrecevable. Juridiquement, l’Iran aurait dû présenter une argumentation expliquant que les faits en apparence illicites (attaque de l’ambassade) étaient en fait licites car s’inscrivant dans un cadre de contre-mesures censées rétablir une action illicite antérieure commise par les États-Unis. Le tout juridiquement argumenté. Résultat, la Cour ne pouvait pas se prononcer sur la vague argumentation iranienne est a donc donné droit aux États-Unis qui eux avaient des preuves juridiques.

3. Il faut que la question entre dans le champ de compétence de l’organisation internationale (à examiner en fonction de la charte de l’organisation et de la pratique)

L'avis de la CIJ sur la licéité de l’arme nucléaire de 1996[modifier | modifier le wikicode]

Une question qui a soulevé beaucoup de tensions, plus de 40 États sont intervenus dans la procédure pour exprimer leurs avis. La CIJ s’est retrouvé prise entre les États détenteurs de l’arme nucléaire (également les États les plus puissants) et les États non-détenteurs de l’arme nucléaire (la majorité).

Question posée par l’OMS :

Compte tenu des effets des armes nucléaires sur la santé et l’environnement, leur utilisation par un État au cours d’une guerre ou d’un conflit armé constituerait une violation de ses obligations au regard du droit international, y compris, au regard de la constitution de l’OMS ?

Réponse de l’OMS :

La Cour est passée rapidement sur les deux premières conditions par contre, elle a eu du mal à déterminer si la condition 3 était bien remplie. La Cour va donc interpréter la Charte de l’OMS ainsi que les actes qui attestent de sa pratique (résolutions, etc…) et conclure que les dispositions de l’article 2 de la Charte de l’OMS rendaient l’organisation compétente en matière d’effets de l’arme nucléaire sur la santé mais qu’elle n’était pas compétente en ce qui concerne leur licéité (paragraphe 21). En faisant référence au principe de la spécialité (effet inverse des pouvoirs implicites évoqués dans l’affaire des compétences de l’AG) et en se référant au système des Nations Unies (point de vue systémique, les tâches sont réparties de manière cohérente, l’OMS est donc limitée au domaine de la santé afin qu’elle n’empiète pas sur les compétences d’autres organes), la Cour refuse de répondre à la question de l’OMS.

La Cour a vivement été critiquée, certains ont brandi le fait que l’OMS est compétente en matière de licéité des médicaments. D’autres ont mis en avant le fait que l’OMS avait besoin de savoir si l’arme nucléaire était licite afin de pouvoir mettre en place une stratégie préventive.

Raisons pour lesquelles la Cour n’a pas évoqué la théorie des pouvoirs implicites :

La théorie des pouvoirs implicites s’applique surtout aux organisations internationales qui ne sont pas à vocations universelles. En revanche, l’ONU c’est vu assigner un but et une pratique très vaste par ses États-membres, elle n’a donc pas de limitations, elle peut agir dans tous les domaines du droit international.

Néanmoins, la Cour a fait, en quelque sorte, de la politique juridictionnelle, elle avait assez à faire avec la réponse qu’elle devait apporter à l’AG sur une question très similaire à celle de l’OMS.

Question posée par l’AG :

Le droit international permet-il la menace ou l’utilisation de l’arme nucléaire en toutes circonstances ?

L’avis a donné lieu à 14 (sur 15) opinions différents. La réponse a été désignée à la majorité via la prépondérance de la voie du président (7 vs 7). La Cour a été également très critiquée par la doctrine car son avis ménage les États détenteurs de l’arme nucléaire et manque de courage.

(non) Réponse :

La menace ou l’emploi d’armes nucléaires serait généralement contraire aux règles du droit international applicable dans les conflits armés, spécialement aux principes des règles du droit humanitaire, au vue de l’état actuel du droit international ainsi que des éléments de fait dont elle dispose, la Cour ne peut cependant conclure de façon définitive

que la menace ou l’emploi d’armes nucléaires seraient licites ou illicites dans une circonstance extrême de légitime défense dans laquelle la survie même d’un État serait en cause.

L’avis est étrangement construit. On a l’impression que la Cour déclare que l’arme nucléaire est illicite du point de vue du droit humanitaire (maux superflus ayant des répercussions sur plusieurs générations, pas de discrimination entre combattants et non-combattants) avant d’étrangement s’en référer à la légitime défense et la survie d’un État. Ces deux choses sont difficiles à interpréter puisque :

  • Si un État, riposte à une agression en employant l’arme nucléaire, il viole le principe de proportionnalité de la légitime défense.
  • Si un État est victime d’une attaque dans laquelle il y a emploi d’une arme nucléaire et qu’il réplique à son tour en utilisant ses armes nucléaires on ne voit pas en quoi sa survie est garantie…

Remarque : Une organisation internationale peut donc, sous réserves des 3 conditions, poser une question juridique à la CIJ

Annexes[modifier | modifier le wikicode]

Références[modifier | modifier le wikicode]