« Les États-(ré) Unis : 1877 - 1900 » : différence entre les versions

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*[http://cdl.library.cornell.edu/cgi-bin/moa/moa-cgi?notisid=ABQ7578-0148-88 ''Wealth'', by Andrew Carnegie], ''North American Review'' Vol.148, Issue 391 pp. 653–665, June 1889. (Later published as Part I of ''The Gospel of Wealth'')
*[http://cdl.library.cornell.edu/cgi-bin/moa/moa-cgi?notisid=ABQ7578-0149-83 ''The Best Fields for Philanthropy'', by Andrew Carnegie], ''North American Review'' Vol.149, Issue 397 pp. 682–699, December 1889. (Later published as Part II of ''The Gospel of Wealth'')
*[http://www.fordham.edu/halsall/mod/1889carnegie.html Excerpts from "Wealth"] by Andrew Carnegie, ''North American Review'', 148, no. 391 (June 1889)*Carnegie, ''South American View'', 223 no. 876 (October 1982)
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Version du 19 novembre 2019 à 22:47


Le train est très important dans la reconstruction des États-Unis après la guerre civile ; elle fut un échec, mais qui aura été une chance de transformer les États-Unis d’une façon différente. Les États sécessionnistes du Sud réintègrent rapidement l’Union. De 1870 à 1900, les États-Unis traversent une période de profonds changements qui les transforment en une grande puissance industrielle.

Rôle des chemins de fer

At the ceremony for the driving of the "Last Spike" at Promontory Summit, Utah, May 10, 1869.

Les chemins de fer vont jouer un rôle important alors que maintenant il n’y a pratiquement plus de trains aux États-Unis ; à la différence de l’Amérique latine, la construction de voies ferrées ne sert pas d’abord aux exportations, mais à la formation d’un gigantesque marché intérieur. Le réseau à rails lie l’Est à l’Ouest et également le Nord au Sud avec un réseau interne.

En 1870, il y avait 85 000 kilomètres de voies ferrées, en 1900 320 000 soit 4 fois plus. Toutes les compagnies de chemin de fers sont privées, elles imposent les quatre fuseaux de l’Est afin de coordonner leurs horaires. Cependant, ce réseau est formé autour de la corruption, de la précipitation, de la compétition, c’est un réseau qui n’est pas toujours bien connu. Sa construction a été largement subventionnée autant par les États que l’État fédéral. Dans le processus, les compagnies sont devenues extrêmement puissantes ayant accumulé d’immenses propriétés terriennes le long des voies ferrées.

En même temps que se construit le réseau de chemins de fer, le pays se dote d’un réseau de communications à travers le télégraphe et la poste. Même uni par le chemin de fer et les nouveaux moyens de communication les États de l’Union restent très différents les uns des autres, on peut distinguer trois régions qui sont l’Ouest, le Sud et le Nord-Est.

L’Ouest

Conquête des territoires des Amérindiens

Fosse commune avec des Lakota morts après le massacre de Wounded Knee.

Ce sont les États fraichement pris au Mexique ou à la Grande-Bretagne, ces terres étaient principalement les terres des Amérindiens. À partir de 1850 jusqu’en 1890, les survivants des grandes déportations vont encore être déplacés et cantonnés dans des petites réserves soumises au contrôle fédéral.

C’est dans cette période que dans les plaines du centre les bisons sont littéralement exterminés. La dernière grande bataille contre les Amérindiens a lieu à Wounded Knee en 1890 quand l’armée fédérale massacre 200 Sioux malades et affamés[1][2][3][4][5][6].

Le total des Amérindiens passe de 330 000 en 1860 à 237 000 en 1900. En contrepartie, la population de l’Ouest passe d’environ 2 millions d’habitants à 20 millions d’habitants. La population totale du pays passe de 31 millions à 76 millions.

De 0,1% de la population totale en 1860, les Amérindiens ne sont plus que de 0,003% en 1900.

Rapide colonisation

L’Ouest américain au-delà du fleuve Mississippi. En rouge foncé, les États qui sont toujours considérés comme en faisant partie : Californie, Oregon, Washington, Nevada, Idaho, Arizona, Nouveau-Mexique, Utah, Colorado, Wyoming, Montana, plus l’Alaska et Hawaï. En rouge hachuré, les États qui sont parfois considérés comme faisant partie du Sud ou du Middle West : Texas, Louisiane, Arkansas, Oklahoma, Missouri, Kansas, Nebraska, Iowa, Dakota du Sud, Dakota du Nord, Minnesota.

Débarrassé de ses Indiens et de ses bisons, l’Ouest est très rapidement colonisé par des chemins de fer, mais aussi colonisé par l’expansion de l’élevage de bovins par des cowboys dont un quart sont des Africains-Américains. Les vaches sont rapidement envoyées vers Chicago qui devient la capitale de l’abattage de bœuf et de l’industrialisme de la viande de bœuf grâce aux frigorifiques, c’est à ce moment-là que le steak commence à faire partie de la diète américaine.

En même temps des centaines de milliers de fermiers venant de l’Est, du centre est d’Europe viennent s’installer dans les grandes plaines pour y cultiver entre autres du maïs et du blé.

Cette colonisation par les paysans se fait de façon difficile, mais aussi par une grande partie de Chinois qui viennent s’installer surtout en Californie pour participer au minage de l’or et travailler dans des camps de mines et dans les petits commerces.

La colonisation de l’intérieur est difficile même si l’agriculture se mécanise et les transports s’améliorent l’isolement reste fort tandis que l’hiver et glacial et l’hiver et très chaud.

C’est aussi dans ce contexte que se créent de grandes compagnies de vente par correspondance comme Sears avec son fameux catalogue qui non seulement met à la disposition des fermiers des produits des villes, mais standardise la consommation au niveau national.

Même si l’Ouest est pratiquement conquis en 1890 il reste cependant très rural. C’est une conquête qui joue un rôle fondamental dans la culture nationale comme le théorise Frederick Jackson Turner, selon lui l’expérience répétée de colonisation de nouvelles frontières sur le continent a fait des Américains un peuple inique, aventuré, optimiste et démocratique.

C’est une interprétation critiquée par les récentes recherches historiques, mais partagée jusqu’à ce jour encore par la plupart des Américains et qui est entretenue au XIXème siècle par une abondante culture populaire. La métaphore de la conquête perdura, lorsque Kennedy lance ses programmes d’aide en Amérique latine et les peace corps, il dira qu’ils vont conquérir une nouvelle frontière.

Le Sud

La réunion du pays se fait au détriment des noirs qui vont très vite réagir aux codes noirs imposés par les sudistes et aux autres violations de la loi en recourant devant les tribunaux.

Dès 1876, la Cour suprême qui est toujours dominée par des anciens esclavagistes estime que le XIVème amendement concernant la citoyenneté et le Bill of Rights des noirs nés aux États-Unis n’exige pas que le gouvernement fédéral protège les droits civils des noirs et que chaque État peut régler les relations interraciales à sa guise.

En 1896, la Cour suprême légalise la séparation dans les lieux publics pour autant qu’elle n’empêche pas les deux races d’avoir le même accès aux services publics. Depuis la fin de la reconstruction, les XIV et XV amendements vont demeurer lettre morte jusqu’au milieu des années 1960.

Le droit de vote allait être supprimé par les codes, maintenant la Cour suprême légalise le « separated but equal ». La Cour suprême des États-Unis a un énorme poids, les droits ne sont jamais acquis, ce que les noirs afro-américains ont gagné dans les années 1870 disparait très vite.

Vers 1890 dans le sud, la ségrégation, la violence raciale, les lynchages, les codes noirs sont imposés avec l’assentiment de la Cour suprême. La grande plantation disparait pour être remplacée par le métayage, les métayers gagnent peu et s’endettent auprès des propriétaires puisque le prix du coton sur le marché international baisse. Pour le Sud, c’est la fin du Cotton King.

Au Sud, cette industrialisation commencée lors de la guerre civile se poursuit principalement dans la sidérurgie et le textile. L’exploitation du bois se développe aussi avec la déforestation massive du Sud. En raison de l’endettement du sud notamment pendant la guerre, très rapidement toutes ses industries passent sous le contrôle d’industriels du Nord.

Le Sud demeure principalement rural, il continue de produire surtout des matières premières transformées ou consommées au Nord et son économie dépend des capitaux et de la gestion du Nord.

Le domaine du travail est ségrégué et des systèmes proches de l’esclavage dominent en particulier le système du travail forcé à travers les codes noirs ; des milliers de noirs sont condamnés à de longues peines de travaux forcés. Tout cela est fait à des taux de mortalité énormes et sans que cela n’émeuve les financiers et même les citoyens du Nord.

En général, les noirs sont exclus du travail industriel, mais les blancs qui y travaillent généralement issus de familles paysannes pauvres et endettées sont aussi endettés et sous-payés. Vont se former des petites villes compléments dominées par une industrie textile qui fournit et contrôle tout presque comme au temps de la plantation, mais pour les blancs. Toutefois, on maintient le Sud dans l’illusion de la race blanche.

Le Nord-Est

Le nord-est se transforme profondément et beaucoup plus que le sud.

Industrialisation

En 1865 la valeur des biens manufacturés aux États-Unis s’élevait à 2 milliards de dollars, en 1900 elle atteint 13 milliards de dollars. Les États-Unis sont devenus la nation qui a le taux de productivité le plus élevé au monde et son industrie produit un tiers des biens manufacturés du monde.

Quatre facteurs expliquent cette industrialisation fulgurante :

  • création d’un marché national de consommateurs grâce aux chemins de fer, aux communications, aux postes, à la publicité et aux ventes par correspondance.
  • innovations technologiques comme le téléphone de Bell en 1876 ou encore l’ampoule électrique de Thomas Edison en 1879. Tout cela va faire qu’il y a un développement des industries dans une mécanisation et une rationalisation du travail ou les ouvriers sont de plus en plus attelés à la machine.
  • protectionnisme économique c’est-à-dire le maintien de fortes taxes à l’importation par un gouvernement fédéral très soumis pas les grands industriels afin de protéger l’industrie de la concurrence étrangère.
  • capitalisme sauvage.

L’ère du capitalisme sauvage

Portrait de John D. Rockefeller peint par John Singer Sargent en 1917.

À l’intérieur des États-Unis se développe le capitalisme sauvage, l’entrepreneuriat a un rôle primordial devenant un modèle de la société américaine remplaçant le grand commerçant et le planteur de la première moitié du siècle. Deux hommes incarnent ce capitalisme sauvage, ce sont Carnegie et Rockefeller.

Carnegie est le symbole du rêve américain, il est né en Écosse, émigre avec sa famille à l’âge de 13 ans, fait tous les métiers puis entre dans une compagnie de chemin de fer n’hésitant pas à hypothéquer la maison de sa mère pour investir dans ses premières affaires qui sont les wagons-lits passant à l’industrie sidérurgique, aux locomotives et à l’acier ; il se spéciale dans la concentration verticale c’est-à-dire de la matière première au produit fini et dans ce cas c’est de la mine de charbon et de fer a l’industrie sidérurgique de pointe. Il est devenu multimillionnaire, mais en 1901 il renonce à son empire et devient un philanthrope jusqu’à sa mort en 1919 en dépensant 350 millions en dons.

Standard Oil Refinery No. 1 in Cleveland, Ohio, 1897.

Rockefeller est un spécialiste de la concentration horizontale c’est-à-dire de la concentration d’un maximum d’entreprises produisant le même produit soit le quasi-monopole dans un secteur donné. Il est né dans l’État de New York commençant par être comptable puis cadre dans une société de courtage ; en 1859, il comprend l’importance que va avoir le pétrole et en 1870 il fonde la Standard Oil Company, 10 ans plus tard il contrôle 95% de la production pétrolière du pays souvent grâce à la coercition fondant le premier trust pétrolier qui lui permit de fixer la quantité de pétrole et le prix de vente du pétrole.

Rockefeller va produire plus de réactions que Carnegie. Lorsque le Congrès tente de protéger les petites entreprises par une loi antitrust, Rockefeller s’entoure d’experts en matière de lois et fonde le premier holding c’est-à-dire une société qui contrôle différentes entreprises en acquérant une partie importante de leur capital, mais sans en avoir le monopole.

Durant les dernières années du XIXème siècle dans tous les grands secteurs, des centaines d’entreprises disparaissent pour être absorbées par des géants dont vont naitre Goodyear ou encore General Electric ; tout se fait avec la protection de la Cour suprême tandis qu’ironiquement la loi antitrust sera appliquée contre les syndicats sous le prétexte qu’ils sont anarchistes et menace la libre concurrence du travail.

La loi du plus fort

En 1890, 125 000 Américains sur 63 millions soit en peu moins de 2% de la population possèdent la moitié de la richesse nationale qu’ils étalent sans vergogne. La quasi-totalité de ces « happy few » est protestants pratiquants et anglo-saxons.

Leur richesse monumentale provoque certaines caricatures, mais pas vraiment de critiques de fond, car elle est justifiée par le darwinisme social de Herbert Spencer qui applique la théorie de l’évolution des espèces de Darwin à l’humanité. Le triomphe des industriels s’explique par la survie des plus forts, des plus doués, des plus méritants ; le triomphe industriel des États-Unis est expliqué par la supériorité de la race anglo-saxonne.

Tout cela est aussi la loi de la nature et la loi de dieu. Carnegie publie L’évangile de la fortune tandis que Rockefeller déclare que « dieu m’a donné mon argent[7] ». Un pasteur vend à un million d’exemplaires un pamphlet qui soutient que construire une fortune est un devoir chrétien.

Vont être mis en compétitions des hommes, des femmes, des enfants de diverses origines, de diverses races que rien ne protège contre la crise économique, les accidents du travail, la maladie ou encore la vieillesse. Les travailleurs travaillent de 10 à 14 heures par jour, 6 à 7 jours par semaine pour un salaire journalier de moins de 1 dollar et sans aucune protection.

Les travailleurs tentent d’améliorer leurs conditions de vie émigrant d’un endroit à l’autre, en travaillant plus et en s’organisant. Cependant, il est difficile de s’organiser quand on est différent ; un syndicat nommé les chevaliers du travail formé en 1870 accepte les travailleurs de toutes origines, de couleur et qui en 1886 compte un million de membres grâce à une campagne en faveur de la journée de 8 heures.

Gravure de 1886 parue dans le journal Harper's Weekly représentant la tragédie de Haymarket Square.

Le premier mai 1886, une bombe dans une manifestation contre la violence policière à Chicago qui tue 7 policiers. La bombe est rapidement attribuée sans preuve à des anarchistes dont quatre sont condamnés à être pendus tandis que la presse accuse faussement les chevaliers du travail d’être en lien avec ces anarchistes amenant à l’interdiction de ce syndicat.

Dès mai 1886, le syndicalisme de classe est en chute libre aux États-Unis pour être remplacé par le syndicalisme de négociation par secteur. La fédération américaine du travail (FAL) est l’incarnation de ce syndicalisme ne représentant que l’aristocratie du travail, les ouvriers qualifiés, les blancs, mais non pas les migrants négociant au cas par cas de meilleures conditions pour ses adhérents tout en poliçant les travailleurs non qualifiés et en rejetant tout programme politique.

Le syndicalisme de négociation qui rejette la lutte de classe domine encore aujourd’hui à la fois à cause de la répression de tout syndicalisme et de classe et dans la foi au rêve américain que chacun peut devenir un Carnegie ou un Rockefeller ; à l’inverse si on est pauvre c’est qu’on est moins capable et qu’on ne travaille pas assez, on mérite d’être riche et on mérite d’être pauvre.

L’urbanisation

Broadway en 1909.

L’urbanisation est due au fait que les grandes fabriques se situent dans les villes et c’est là où les travailleurs se concentrent. Il faut voir que le nord-est s’urbanise encore plus, dès 1890 on a plusieurs villes de plus de 250 000 habitants, New York a plus de 3 millions d’habitants ; dans ces villes se concentre autant la grande richesse que la grande pauvreté.

De plus en plus, les habitants vivent dans des communautés distinctes dans des espaces limités et des ghettos pour les pauvres.

Les partis démocrate et républicain

On a eu une tentative d’une partie du peuple qui aurait regroupé les fermiers du Nord et du Sud, le système bipartite républicain au Nord et dans les Californie représentant l’industrie et le protectionnisme contre les importations et les démocrates représentant le Sud blanc, les fermiers et des groupes d’immigrants au centre, le bipartisme tient bon sans qu’un parti ne remporte une large majorité.

À partir de 1880, les élections représentent une mobilisation spectaculaire et coûteuse ; avec l’accroissement énorme de l’appareil d’État et de la fonction publique, chaque parti devient une machine politique recrutant des électeurs parmi les nouveaux migrants ; la corruption est largement répandue, les législateurs probusiness reçoivent des actions des industries qui les protègent et le votant et militant reçoivent des emplois publics. On est très loin de l’Amérique rurale, vertueuse et puritaine de 1776.

Annexes

  • Cosmas, Graham A. An Army for Empire; the United States Army in the Spanish-American War. Columbia: U of Missouri, 1971. Print.

Références

  1. Liggett, Lorie (1998). "Wounded Knee Massacre – An Introduction". Bowling Green State University.
  2. "Plains Humanities: Wounded Knee Massacre". Retrieved December 9, 2014. "resulted in the deaths of more than 250, and possibly as many as 300, Native Americans."
  3. Utley, Robert (1963). "The Last Days of the Sioux Nation". Yale University Press.
  4. Bateman, Robert (June 2008), "Wounded Knee", Military History, 24 (4): 62–67
  5. Hill, Richard (October 7, 1999). "Wounded Knee, A Wound That Won't Heal". First Nations issues of consequence.
  6. Jeffrey Ostler: The Plains Sioux and U.S. colonialism from Lewis and Clark to Wounded Knee, pp. 357–358, Cambridge University Press (2004) ISBN 0-521-60590-3
  7. JOHN D. ROCKEFELLER, interview in 1905. Peter Collier and David Horowitz, The Rockefellers, an American Dynasty, chapter 3, p. 48