Le constructivisme

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Le constructivisme
Professeur(s) Pierre Allan

Lectures


« Anarchy is what states make of it : the social construction of power politics. »

— Alexander Wendt (1992).

  • RI = relations inter-identitaires

Il faut voir les relations internationales comme des relations inter-identitaires ; pour les constructivistes ce qui est au cœur sont les identités des uns et des autres : si les États se comportent, veulent, ou croient que le monde est anarchique alors il le sera.

Wendt analyse les relations de pouvoir montrant que les relations de pouvoirs elles-mêmes sont le résultat d’une construction de la société internationale, dans le sens ou la société internationale est construite par ceux qui participent à cette société.

  • Contre paradigmes « rationalistes » : néo-réalisme, néo-libéralisme, globalisme; exemple: néo-réalisme ne peut prédire si deux États sont amis ou ennemis, ou si un État est statuquo ou révisionniste. La démarche constructiviste est une critique du réalisme, du libéralisme mais aussi du globalisme.
  • l'anarchie n'est pas « donnée » par la structure du SI, mais résulte de la manière dont celle-ci est construite par la pratique sociale des acteurs :
    • anarchie à la Hobbes (« ennemis ») : réalisme offensif, dans le dilemme du prisonnier la motivation offensive est la motivation d’espérer que l’autre va collaborer afin de profiter de cette situation et l’exploiter.
    • anarchie à la Locke (« rivaux »)
    • anarchie à la Kant (« amis ») : c’est la vision du libéralisme qui met l’accent sur l’échange, on peut créer de la valeur par l’échange. Chacun gagne.

C’est une démarche holiste, la manière dont le système international et le constituant voient les autres États et ce système international faisant que les relations internationales sont construites par la pratique des acteurs.

  • la politique de la puissance et le self-help sont des institutions, non des données matérielles des RI : en dernière analyse il n’y a que les pratiques, si on change les pratiques on va changer le monde international qui va devenir un autre monde international.
  • conceptions alternatives de la sécurité possibles : coopérative ou même collective (= la sécurité des autres a de la valeur pour soi)

Postulats ontologiques d'analyse du constructivisme social

Les postulats ontologiques définissent le monde par ceux qui ont une vision constructiviste des relations internationales.

  • interactions entre agents

Essentiellement déterminés par des facteurs idéels : identité, culture, valeurs, normes, représentations, arguments, etc, plutôt que directement par des forces matérielles.

  • facteurs idéels les plus importants

Ceux partagés par les acteurs de façon intersubjective (normes régulatrices ; normes constitutives d'identités); ils ne sont pas donnés par la nature.

La subjectivité est entendu ou on comprend ce que les tiers veulent dire, ce n’est pas objectif : du point de vue logique il est vrai qu’il y a une anarchie sur le système international, il y a des forces diverses qui ne sont pas toujours en communion les uns avec les autres.

  • l’État n’est pas unitaire et d’autres agents que les États interviennent en RI
  • les identités et les intérêts des agents sont changeants

Si l’Iran réintègre pleinement la communauté internationale, l’identité de l’Iran tel qu’elle est perçue va changer.

  • le système international, étant construit par les significations sociales des acteurs le constituant, est changeant : c’est un système dynamique.

Nota bene : structures sociales & acteurs se construisent/constituent mutuellement par leurs interactions → processus

Postulats ontologiques d'analyse du constructivisme social - ri - allan.png
  • rupture avec néo-réalisme, néo-libéralisme et, partiellement, avec le globalisme

Pour le constructivisme, les identités expliquent non seulement les actions mais aussi les intérêts (pas postulés a priori). Des explications néomarxistes dépassent les intérêts de classe mais intègrent des explications sociologiques par des valeurs de classes, des normes dans une classe sociale qui fait qu’on peut avoir des concepts dans le marxiste comme le concept d’aliénation.

Dans le marxisme il y a des éléments idéels au-delà de la superstructure qui rendent l’analyse marxiste riche.

Il s’agit d’identifier les acteurs, voir leurs intérêts, grâce à l’explication rationnelle on a ce que les acteurs font afin de servir pour le mieux leurs intérêts ; il y a une théorie des intérêts construit par les acteurs internationaux eux-mêmes.

  • homo sociologicus (et non homo oeconomicus):
    • n'est pas « seul », mais socialisé par des normes et valeurs sociales.
    • « joue » divers rôles selon son statut social = se comporte suivant les attentes de rôle que les autres ont à son égard ; ce jeu est sanctionné par les autres.
    • il n'a pas le « choix », mais est « poussé » par la société à laquelle il s'identifie : cf. Ferdinand Tönnies (1887) Gemeinschaft und Gesellschaft (concepts de communauté vs. société).

Un exemple d'analyse constructiviste : la construction de l'Union européenne

Au sortir de la Deuxième guerre mondiale, les pays européens sont très affaiblis, traumatisés par le danger allemand et vulnérables face au danger soviétique (= arguments réalistes).

C’est une vision à la fois constructiviste, libérale et réaliste ; il n’y a pas conflit sur les faits importants au sortir de la deuxième guerre mondiale.

changements volontaristes dans les comportements des États européens les uns face aux autres

Néo-fonctionnalisme : les élites politiques veulent développer la coopération en Europe entre d’anciens ennemis qui voyaient le monde selon la vision hobbesienne à CECA, une association des anciens ennemis France, Allemagne et Italie.

Cette vision néo-fonctionnaliste est une vision volontariste top-down.

Anarchie kantienne remplace l’anarchie hobbesienne

Après la chute du Mur de Berlin et la réunification allemande acceptée par Mitterrand et Thatcher, les pays européens ont renforcé encore leur coopération => Europe = « communauté de sécurité » qui est une Gemeinschaft (= changements pacifiques).

La critique des constructivistes est que les libéraux mettent l’accent sur la Gesellschaft qui est la société formée par les individus, ce qui se passe à Bruxelles n’est que le résultat des intérêts de ceux qui vont à Bruxelles.

La vision libérale est une vision de Gesellschaft plutôt que Gemeinschaft.

Avec la chute du mur de Berlin, il y a un changement identitaire.

La construction de l'Union Européenne : explications alternatives

Réalisme

« Union Européenne = fille de la guerre froide » et alliance défensive contre l'URSS :

  • du point de vue réaliste, l’Union Européenne devrait disparaître avec le temps.
  • les intérêts sécuritaires des États européens l'emportant : la vison réaliste est celle de conflit entre puissances.
  • Les conflits de politique extérieure européenne montrent à quel point l'Union n'est pas vraiment Européenne (cf. Iraq 2003, Libye 2011, Syrie 2013) : c’est une vision qui cherche à sauver le réalisme, c’est une anomalie du point de vue de la doctrine réaliste que d’avoir une union européenne qui continue. L’anomalie a raison, l’exception ne justifie pas la règle.

Libéralisme

L’Union Européenne persistera sur le plan économique principalement :

  • ses institutions procurent des gains absolus à ses membres : c’est une bonne affaire que de faire partie de l’Union Européenne. Pour des ukrainiens qui voudraient étudier à Genève cela serait plus facile.
  • par la transparence institutionnelle, l'exploitation mutuelle du jeu du dilemme du prisonnier a moins de chances de se réaliser (car « jeu répété ») : chacun profite de la situation, du « tit-for-tat » de Robert Axelrod.
  • l'interdépendance complexe solidifie cette coopération et divers régimes régionaux européens et internationaux renforcent l'U.E. par une gouvernance multi-niveaux.

Globalisme

Union Européenne = instrument de l'idéologie néo-libérale :

  • facilitant le développement de l'économie-monde capitaliste par les institutions européennes qui suivent les intérêts des multi-nationales .
  • les chaînes de production migrent du cœur de l'ancienne Europe vers la périphérie (= est européen, Tiers-monde), malgré les difficultés de l'État-social.

Intermède épistémologique : paradigmes et analyse rigoureuse

Un domaine scientifique comme les RI est typiquement caractérisé par la présence de plusieurs paradigmes concurrents.

Un paradigme est basé sur des postulats fondamentaux sur le monde (vrais par définition! = ontologie), des valeurs, un langage et des règles scientifiques communes (= épistémologie et méthodologie). Ses "supporters" doivent impérativement suivre la « discipline » requise par le paradigme.

Dans le cadre d'un paradigme particulier, l'activité scientifique consiste à le développer en le rendant de plus en plus cohérent sur 2 plans:

  • théorique : non-contradiction logique entre propositions théoriques (= OK en général si l'on reste dans le cadre d'un paradigme particulier).
  • empirique : pas de contradiction faits-théorie mais compatibilité des deux.

Nb 1 : quels faits ? Non seulement les faits considérés, mais également les faits passés ainsi que les « non-faits » (cf. « le chien qui n’aboya… pas ! »). Nb 2 : souvent, on utilise la théorie pour suppléer à nos informations manquantes, faute de mieux…!

Pourquoi cohérence ? Pour convaincre par l'esprit et non par le cœur, afin de persuader plutôt que de séduire ! Or, mélanger des paradigmes par nature incompatibles est incohérent!

Trois approches courantes:

  1. utiliser des paradigmes concurrents en les faisant correspondre à différents niveaux d’analyse.
  2. faire correspondre les paradigmes à divers domaines ou perspectives des relations internationales.
  3. procéder à une analyse plus riche au moyen de divers paradigmes pris isolément, l'un après l'autre, seriatim (approche la plus satisfaisante).

Notes

Références