La politique identitaire et les mouvements sociaux

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Nous allons nous intéresser à cette thématique pour deux raisons principales :

  • avec l’évolution de l’État, l’État s’intéresse de plus en plus à la population en particulier dans le contexte de l’émergence de l’État providence et des fonctions qu’il devrait fournir. La géographie politique s’est intéressée à la manière dont les stratégies et les décisions politiques influencent le caractère de la distribution et de contrôle de la population. Des auteurs pensent que c’est un des derniers pouvoirs qui reste à l’État. Un des outils pour contrôler la population est l’identité. C’est un concept multidimensionnel.
  • au moment où les auteurs de la géographie politique commencent à diversifier leurs intérêts dans les années 1960 et 1970, après un long focus sur l’État comme acteur politique, cette transformation arrive dans une période d’émergence de mouvements sociaux dans lesquels l’identité joue un rôle crucial.
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Récapitulatif[modifier | modifier le wikicode]

La géographe politique est un discours. Si on parle de la géographe politique comme discipline est justement parce qu’un aperçu de l‘évolution de cette sous-discipline nous aide à comprendre les concepts clefs dans une perspective variée pour nous donner les outils afin de les appliquer à des problématiques d’aujourd’hui. Il faut reconnaître que des concepts dont on parle beaucoup sont des concepts assez vieux, de concepts qui ont changé dans le temps et qui ont des significations qui changent dans le temps. Pour être capable de mieux comprendre une problématique aujourd’hui, il est important de comprendre que ces concepts n’ont pas toujours été compris de la même manière.

Timeline history geopolitic.png

On s’aperçoit qu’il y a des groupes qui émergent. Le premier avec les philosophes des lumières, un second avec les initiateurs de la géographie politique, un troisième qui participe à la diversification des objets et d’intérêts à partir des années 1970. Cette émergence de la discipline de la pensée de la géographie politique est également liée à des évènements historiques et notamment la Première guerre mondiale et la chute de la l’Union soviétique. Ces évènements fournissent le monde autour de ces penseurs, ils fournissent le matériel que ces penseurs vont utiliser pour construire cette théorie. Pour comprendre pourquoi Ratzel s’est focalisé autant sur l’État, cela est parce qu’au moment de la rédaction de ses travaux, l’État était l’acteur principal. En fonction de l’origine nationale, on se rend compte que pour la plupart, la géographie politique servait les intérêts des nations puissantes.

Le long de l’évolution de la discipline, on peut constater une inversion de la causalité. Dans une perspective naturaliste, les initiateurs de la pensée de la géographie politique s’intéressaient pour la plupart aux manières selon lesquelles les formes biophysiques déterminaient la politique. C’était les incidences des politiques sur les faits spatiaux.

Cette causalité va s’inverser dans les années 1970, on va s’intéresser plutôt aux effets spatiaux. Des faits politiques à savoir comment l’organisation de la politique, de décisions politiques, de la politique publique va s’inscrire dans l’espace, comment la distribution spatiale des égalités ou des inégalités peut s’expliquer à travers l’organisation politique.

On constate également une évolution de la discipline de l’universelle vers l’État. Les initiateurs de la géophagie politique qui s’intéressaient presque exclusivement à l’État. Il y a aussi une évolution des postures analytiques en commençant avec un naturalisme qui prédomine parmi les permis initiateurs de la géographie politique et cela évolue vers un rationalisme et vers un postmodernisme. Il y a une évolution des méthodes en géographie politique. Jusqu’au début du XXème siècle, ce sont des méthodes d’argumentations plutôt philosophiques normatives. De plus en plus, il va y avoir une argumentation scientifique empirique et surtout avec la révolution scientifique dans les sciences sociales dans les années 1960. Il y a eu une évolution des échelles d’analyses. Nono seulement, on va parler de l’individu, de la ville, de la région, du transfrontalier ou encore du global et on va commencer à interpréter ces échelles comme une construction sociale également. On va s’intéresser de plus en plus à l’interaction entre ces différentes échelles.

Désormais, on s’intéresse à des acteurs politiques autres que l’État qui peuvent avoir des incidences spatiales. L’État ne va pas disparaître, mais pour la plupart, ces acteurs politiques divers vont être en relation avec l’État ayant une forte influence sur la manière dont les faits politiques s’inscrivent dans l’espace.

Identité, politique identitaire[modifier | modifier le wikicode]

On constate une importance politique croissante des enjeux d’identité. L’identité est la base de la démocratie actuelle. La manière dont la criminalisation de l’identité et du vol de l’identité est plus importante. Parler de l’identité personnelle et identité collective renvoie à la question de l’identité comme quelque chose que l’on peut choisir ou imposer. Derrière l’interprétation de l’identité, il y a des dynamiques politiques.

Les identités peuvent être multiples. L’identité immuable est une approche naturaliste qui est la notion que l’identité de quelqu’un est son caractère unique. L’identité contextuelle signifie qu’il y a un ensemble d’identités que l’on peut avoir et les différentes identités sont mobilisées et activées selon le contexte. C’est la construction d’une problématique qui ensuite active et mobilise une certaine identité à des fins politiques. L’identité peut être changeante soit une expression passive ou une performance active. La politique identitaire est quand les divergences d’identité collective deviennent une source de conflit ou un objet d’efforts pour apporter une transformation sociale.

Espaces identitaires[modifier | modifier le wikicode]

Dans la géographie politique, on s’intéresse particulièrement aux dimensions afin de parler des espaces identitaires. La fondation de la plupart des théories sur l’identité a des liens forts avec l’espace dans le cadre d’un « Moi » et d’un « Autre » – Other/Othering – qui peut être spatialité. L’idée est de désigner quelqu’un comme autre afin de mieux s’identifier soi-même. Dans Orientalism publié en 1978, Edward Said montre comment les occidentaux ont créé l’orient comme concept et comme région. Dans Under Western Eyes publié en 2003, Chandra Mohanty s’est intéressé au féminisme du nord qui aurait créé une image de femmes du sud dessaisie de leur capacité.

Découpage région genève.jpg

La distribution de ces identités peut se voir un peu partout. Par exemple, l’identité européenne trouve des variations spatiales que l’on peut lier à la politique. La géographie politique examine les qualités spatiales de la politique identitaire et l’utilisation de l’espace pour mobiliser l’appui pour les droits politiques de groupes identitaires spécifiques.

Mouvements sociaux[modifier | modifier le wikicode]

Cette désignation trouve son origine dans les mouvements identitaires des années 1960. Il s’agit de mouvement que les théories d’alors ne pouvaient pas expliquer. Ce n’était pas faire face à des questions identitaires, mais sur la base de clivages classiques, on n’arrivait pas à expliquer ces mouvements identitaires. La naissance de mouvements (sociaux) identitaires dans les années 1960 et 1970 se fait autour du féminisme, du « Black Power », de la défense des droits des homosexuels, de l’Islam politique, du droit religieux, mais aussi de l’ethnorégionalisme. Les difficultés sont de les comprendre à travers des catégories standards.

Ce qui lie ces mouvements est qu’il s’agit de réseaux d’organisations et d’individus, on ne parle pas d’institution unitaire bien que dans beaucoup de mouvements se soient créé des organisations professionnelles qui dominent même les mouvements, mais on parle de mouvement en tant qu’ensemble d’organisation et d’individus expliquant aussi pourquoi il y a une géographie diffuse du mouvement. Ces mouvements vont utiliser des tactiques non traditionnelles comme des manifestations, du boycottage, des vigiles, de la désobéissance civile. Ces stratégies sont en dehors des outils classiques d’analyse puisqu’il s’agit de mobiliser des identités qui sont sujettes à des injustices dans les politiques publiques du jour. Pour la plupart des géographes qui s’intéressent aux mouvements sociaux, ils s’intéressent aux mouvements urbains.

Justice environnementale[modifier | modifier le wikicode]

La justice environnementale est un mouvement qui émerge aux États-Unis dans les années 1980. Les enjeux raciaux et environnementaux ont déjà été sujets de débats politiques, mais avant les années 1980, ils n’étaient pas vraiment liés. Il y a un contexte spécifique dans lequel émergence ce mouvement suite au rapport Toxic Waste and Race in the United States publié en 1987 qui invente le terme de « racisme environnemental ».

Géopo carte US découpage justice environnementale.jpg

Sur cette carte, les zones noires indiquent les endroits ou le taux de population afro-américaine et hispano-américaine est au-dessus du moyen de contrôle du pays. Ce rapport a montré le lien entre le positionnement des sources de déchets toxiques et les habitations des minorités aux États-Unis. Ce rapport va lancer le mouvement de la justice environnementale.

Toxic Waste and Race in the United States[modifier | modifier le wikicode]

Percent people of color living near hazardous waste facilities.jpg

Vingt ans après, il y a peu de progrès et de nouveaux problèmes dus à des réductions budgétaires dans l'application des lois, à l’affaiblissement de la protection de la santé publique, mais aussi au démantèlement des lois de protection contre le racisme environnemental.

Ce graphique indique le pourcentage de la population afro-américaine est hispanolatino qui habite à proximité des sites toxiques. Presque 50% de la population de couleurs se trouve à moins d’un kilomètre de zones dangereuses.

Justice environnementale dans le Sud[modifier | modifier le wikicode]

Dans les pays du Sud a lieu la catastrophe de Bhopal en Inde en 1988, la privatisation de l'eau à Cochabamba en Bolivie en 2000 qui est une guerre de l’eau, les seringueros au Brésil ou encore le Green Belt Movement au Kenya afin de lutter contre la déforestation et l’érosion des sols. C’est une série de mouvements où il y a un lien entre l’inégalité des populations et l’accès aux ressources que l’on peut entendre comme un exemple de justice environnementale.

Justice environnementale et développement durable[modifier | modifier le wikicode]

Concernant le développement durable, Banchon distingue deux initiatives dans des initiatives « top-down » sur la position « paradoxale » du développement durable, à savoir :

  • discours : « trois piliers » et une équité entre générations et sociétés ;
  • pratique : place en second la justice sociale pour une vision du développement durable « qui ne remet en cause ni les fondements de l’économie mondiale ni le mode des pays riches ».

La justice environnementale se dirige vers une éthique de l’environnement. Pour Rawls, une inégalité devient une injustice quand elle ne bénéficie pas à tous, et en particulier pas aux plus pauvres. Pour Harvey, les inégalités socioécologiques sont regardées comme des formes d’oppression.

Occupy Wall Street[modifier | modifier le wikicode]

Formes d’oppression environnementale[modifier | modifier le wikicode]

Young dans Justice and the Politics of Difference publié en 1990 et Harvey dans Justice, Nature and the Geography of Difference publié 1996, selon Blanchon permet d’identifier plusieurs formes d’oppression environnementale :

  • la non-reconnaissance des spécificités sociales et culturelles des groupes sociaux, et en particulier de la singularité de leur relation avec l’environnement ;
  • l’impuissance politique en matière d’environnement, soit l’incapacité de faire entendre sa voix ;
  • l’accaparement d’un bien environnemental par un groupe social et/ou la privation d’accès pour le groupe victime ;
  • dévastations écologiques pénalisant certains groupes sociaux plus que d’autres.

Ces formes d’oppression environnementale sont liées à une identité et peuvent donner à une politique d’action identitaire dans le cadre de la justice environnementale. La perspective de la justice environnementale est que les conséquences des mauvaises pratiques environnementales sont majoritairement focalisées sur des populations spécifiques sur la base de traits identitaires.

Occupy Wall Street (OWS)[modifier | modifier le wikicode]

Occupy Wall Street est un mouvement de contestation pacifique dénonçant les abus du capitalisme financier qui débute en mi-septembre 2011 avec une manifestation dans les environs de Wall Street, puis un camp dans le parc Zuccotti. Ce mouvement s’inspire du printemps arabe ainsi que du mouvement des Indignés en Europe. S’étend sur l’ensemble des États-Unis dès le 9 octobre. Le 15 octobre, lors de la première journée mondiale de protestation pour de vraies démocraties, le mouvement Occupy s'étend dans environ 1500 villes de 82 pays. Il s’agit d’un ensemble d’individus qui utilise des tactiques non traditionnelles manifestant surtout autour de l’anticapitalisme. Les manifestants sont expulsés du parc Zuccotti à la mi-novembre.

OWS – géographie politique urbaine[modifier | modifier le wikicode]

OWS géographie politique urbaine.png

Il y a des aspects intéressants dans la perspective de la symbolique des lieux qui tourne autour de l’espace. Certains lieux ont une importance symbolique notamment à Wall Street au parc Zuccotti et Ground Zero. Ce par s’appelait initialement Liberty Plaza jusqu’en 2006 que les contestataires ont renommés Liberty Plaza. L’idée du POPS était celle de « privately owned public space ». Deux églises se sont opposées quant aux soutiens à apport à ce mouvement à savoir la Trinity Church et la Judson Memorial Church.

OWS – géographie politique globale financière[modifier | modifier le wikicode]

Avec le mouvement Occupy Wall Street, on peut se demander quels sont les objectifs ? Comment les atteindre ? Il y a des raisons quant à l’incertitude des finalités. On peut estimer que c’est cette hétérogénéité des manifestants est une force permettant une exportation du modèle de diffusion, mais qui était en même temps une faiblesse parce que l’identité qui a pu être mobilisée par les protagonistes était trop diffuse pour que le mouvement devienne durable de la même manière que d’autres mouvements ont pu le faire. Les revendications qui se forment autour d’une critique profonde du capitalisme évoquaient le fait que dans la transformation de l’État providence, il y a des prestations que l’État n’est plus capable de fournir.

Résumé[modifier | modifier le wikicode]

On parle de politique identitaire quand des divergences d’identité collective deviennent une source de conflit ou un objet d’efforts pour apporter une transformation sociale. Les identités, individuelles et collectives, ont souvent une dimension spatiale. La géographie politique s’adresse aux qualités spatiales de la politique identitaire et à l’utilisation de l’espace pour mobiliser l’appui pour les droits politiques de groupes spécifiques.

La politique identitaire joue un rôle important pour les mouvements sociaux qui émergent dans les années 1960 et 1970. Les conséquences environnementales de la politique identitaire deviennent la cible de la mobilisation pour la justice environnementale. Les dimensions spatiales des mouvements sociaux récents deviennent à la fois plus concrètes et plus diffuses, illustrées par Occupy Wall Street. Les thèmes se répètent : l’État comme organisation politique puissante ne s’en va pas, la transformation des États par le haut et par le bas donne naissance à des nouvelles inégalités et injustices sociospatiales.

Annexes[modifier | modifier le wikicode]

Références[modifier | modifier le wikicode]