La géographie économique : approches et enjeux

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La géographie économique en plein essor

On communique aussi facilement avec son voisin qu’avec un collègue qui habite à l’autre bout de la planète est un postulat qui est faux. Les modes de communications sont différents et adaptatifs. Internet, loin de faire disparaître les logiques spatiales, les fait apparaître. On peut argumenter l’idée que le transport de l’information est plus facile aujourd’hui que dans le passé, mais il y a eu une telle augmentation dans la quantité de l’information transportée et dans la complexité de l’information transportée que c’est aujourd’hui un plus grand problème qu’hier. L’amélioration des conditions de transport de l’information ne compense pas l’augmentation colossale de nos besoins en informations et en informations complexes.

Dans les années 1970, on pensait que les universités étaient terminées. Il y avait l’idée que dans l’avenir on arriverait à faire des cours à distance. La coprésence matérielle représente un coût énorme. La complexité de l’information ne résume pas à un discours. L’information ne passe pas uniquement par la parole, mais par d’autres aspects. L’incapacité à transporter facilement de l’information complexe explique certains modes de communications plus classiques qui nécessitent de se déplacer dans l’espace. La délocalisation nécessite du contrôle.

La géographie économique en plein renouveau

La géographie économique a connu un essor lié à ces nouveaux enjeux et ces nouvelles demandes, mais cela est aussi lié à des mutations épistémologiques et théoriques qui sont celles d’un tournant culturel de la géographie économique qui fut pris dans les années 1990. Pendant longtemps, le monde de l’économie a été considéré comme un monde autonome qui avait ses propres logiques comme des logiques de la rationalité avec le modèle de Christaller par exemple qui ramenait l’espace à quelques explications. Ce consensus s’est effrité dans les années 1980 et ont émergé des approches culturelles dans les années 1990.

L’irruption de la culture dans l’économie est liée au fait qu’on vend de moins en moins de biens matériels et de plus en plus de biens symboliques. Autrement dit, il y a de plus en plus de symboles dans les biens que l’on vend et les biens matériels. On fabrique de moins en moins d’objets et de plus en plus d’idée et que dans les objets qu’on fabrique, la composante utilitaire est de moins en moins importante que la composante symbolique qui l’est de plus en plus. La culture est devenue sans doute le premier bien économique des pays riches. Il y a un phénomène de tertiarisation de l’industrie, tandis que l’industrie se tourner vers de plus en plus de la manipulation de symbole. Cela ne veut pas nécessairement dire qu’il faut analyser ces industries culturelles d’une nouvelle façon. Lorsqu’on parle d’un tournant culturel, ce sont les économistes eux-mêmes avec trois grandes tendances :

  • une économie « encastrée » (Polanyi [1943], Granovetter [1985] et la new economic sociology) (dans le social, dans l’espace) : c’est l’idée de marquer une rupture vis-à-vis des modes de pensées des économistes qui considéraient le monde de l’économie comme un monde à part qu’on pouvait considérer, modéliser et théoriser en faisant abstraction du contexte dans lequel il se trouvait. C’était l’autonomisation de l’économique. Il était possible de comprendre le fonctionnement d’une société en la coupant de son fonctionnement politique ou de son fonctionnement spatial, mais également de son inscription dans l’espace. Polania et Granovetter ont montré que l’économie est très profondément encastrée dans le social et le politique, il n’y a pas à distinguer le tissu social, politique et économique. Lorsqu’on regarde le fonctionnement réel de l’économique et du sociale, l’économie est profondément encastrée dans l’économique et le social. Au fond, on ne pouvait pas le comprendre parce qu’on travaillait sur une fiction dégagée de son caractère encastré dans le social.
  • les économistes hétérodoxes (post-autistic economics) : il y a eu le développement des économistes hétérodoxes qui acceptent et qui ont développé d‘autres façons de faire de l’économie. Ces économistes hétérodoxes ont pris en compte le social, le politique avec l’école des conventions, l’économie institutionnelle, l’idée du marché comme fiction notamment. Cela a amené au développent de nouveaux courants économiques pris en compte par les géographes qui ont essayé de comprendre dans quelle mesure on peut le théoriser dans le cadre de la compréhension de l’espace.
  • variété des cultures de production et de consommation, des formes de capitalisme (épistémologie « réaliste ») : pour comprendre les modes de consommation et de production, il faut regarder la réalité dans l’espace de la variété des comportements.

On distingue essentiellement trois directions principales :

  • l’espace est fondamentalement impliqué dans les processus économiques (école de Los Angeles, école française de la proximité) : les deux écoles sont parties d’une même interrogation qui est celle qu’alors que le transport n’a jamais été aussi bon marché, alors qu’on produit des biens de plus en plus matériels,l’économie n’a jamais été aussi concentrée dans l’espace avec l’émergence de districts industriels. L’exemple paradigmatique est la Silicon valley au sud de San Francisco où se trouve l’université de Sanford. Ce district est devenu l’hypercentre mondial de la production et de la recherche en la matière soulevant la question de savoir pourquoi ils se sont tous mis au même endroit. L’une des réponses et que ce sont des informations tellement sensibles et complexes qu’il faut se voir. Les districts industriels sont des endroits où va se concentrer un type de production avec des structures de production assez particulières. On utilise aussi le terme de district de production spécialisé (SPL). Dans les politiques d’aménagent du territoire, on essaie de faire émerger des districts industriels. C’est ce mystère qui a amené à l’école de la proximité de Los Angeles et française à se développer. C’est une direction dans la recherche qui est d’autant plus importante qu’elle a un impact direct sur les politiques de développement.
  • les composantes non-économiques de l’économie (modes de régulation, institutions, cultures d’entreprise, cultures de consommation, etc.) : des géographes se sont mis à travailler sur des objets que l’on considérait comme des objets économiques comme le shopping mall que l’on ne peut comprendre si on le réduit à un objet économique. Le shopping mall est devenu une forme de lieu de sociabilité.
  • la nouvelle économie géographique : Krugman propose une nouvelle théorie des échanges internationaux et des inégalités. Contrairement aux deux précédents, Krugman est dans le modèle de l‘économie libérale. Dans les grandes hypothèses de l’économie libérale, il va laisser tomber l’hypothèse de la concurrence pure et parfaite en mettant l’accent sur les rendements croissants qui permet de mieux comprendre les inégalités de développement.

Exemples

San Paolo

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Sur cet immeuble, une plateforme a été installée. San Paolo est une agglomération énorme. Cet immeuble se trouve dans un centre historique. La présence d’un café internet atteste probablement que les gens n’ont pas internet chez eux. Le café internet manifeste la potentialité d’être en contact avec le monde entier pour un coût quasiment nul, mais en même temps il ne l’est pas.

Avec ce paysage urbain, il y a comme trois espaces économiques qui cohabitent :

  • l’espace de la rue ;
  • l’espace de la mondialisation ;
  • l’espace manifesté par les tours de bureaux et l’héliport.

Il y a des incompatibilités entre ces trois types d’espaces. Des choses ne peuvent fonctionner en même temps. Toutes ces échelles fonctionnent en même temps.

Les Indes occidentales – Théodore de Bry

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Cette gravure de Théodore de Bry montre l’arrivée de Christophe Colomb dans les Indes occidentales. La gravure date de 1590 environ cent années après l’arrivée de Christophe Colomb imaginant cette rencontre. Apparaissent les trois caravelles de Christophe Colomb, les hommes qui débarquent, l’urgence est de poser une croix puisqu’il y a la question de l’évangélisation, et puis il y a le pouvoir, l’armée et le drapeau. Les indigènes sont nus parce que ce sont des sauvages et il fait chaud, d’autres s’enfuient. Les indigènes offrent des présents.

A lieu un échange économique. Il y a deux attitudes chez les sauvages avec ceux qui se sauvent et ceux qui offrent des présents. Il y a un échange de richesses qui ne passe pas par le marché. Il y a un échange unilatéral qui pose la question de la logique de cet échange. Pourquoi offre-t-il a Colomb ? Ils font de Christophe Colomb leur débiteur en échange de la vie. L’idée est qu’on essaie d’amadouer des agresseurs potentiels en leur offrant quelque chose. Christophe Colomb est parti pour court-circuiter la route de la soie et d’arriver directement en Chine par l’ouest. Le but du voyage était purement économique pour alimenter les caisses hispaniques en se déroutant de la route de la soie. Il est possible de faire une analyse en termes de géographie économique.

Initiation à la géographie régionale – Paul Claval

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Paul Claval était l’un des penseurs importants de la géographie économique. On a l’impression qu’il y a deux types d’organisation de l’espace très différents. En bas de l’espace, on sent une présence humaine et une artificialisation très marquée. Le quadrige très marqué n’est pas la nature, cela est une organisation de l’espace faite par les sociétés humaines. Au nord on ne retrouve pas ce quadrillage, de plus, cela n’est pas la même couleur. En bas, ce sont des champs cultivés et en haut ce sont des forêts.

On a l’impression que sont pris en photographie deux espaces cultivés donnant l’impression de deux photos d’autant plus que la limite entre les deux, il y a deux espaces rectilignes. Néanmoins, ce n’est qu’une photo qui relate un même espace où il y a simplement une opposition à la fois très forte entre deux types de productions économiques différentes.

L’une des premières explications peut être celle du climat. Le passage d’un climat à l’autre se fait graduellement, il n’y a aucune raison pour que cela corresponde à une telle limite. Cette image représente la frontière entre les États-Unis et le Canada. L’explication est dans le système politique. On est dans un endroit où normalement il n’y a aucune raison de produire des céréales parce que le coût de la main-d’œuvre, la nature des sols est tel que cela n’est pas rentable. Le Canada a arrêté de produire du blé au contraire des États-Unis qui continuent la céréaliculture à perte. Leur intérêt serait d’arrêter de produire du blé et d’en importer. La raison d’une telle production est parce que cela est subventionné. L’État va reverser la différente de prix.

La raison n’est pas liée à un état d’esprit, la nature de sol ou au froid, au nord ce n’est que de la forêt parce que le blé n’est pas subventionné. Plusieurs raisons expliquent pourquoi un pays ne peut pas renoncer à son agriculture parce qu’un pays doit être autonome sur le plan alimentaire, parce que le blé est une arme, parce que l’espace rural est un enjeu du point de vue identitaire. Il fut un temps où la géographie était les contraintes du milieu naturel. La géographie est présente dans cette ligne qui oppose deux espaces structurés différents. Il y a deux systèmes légaux et politiques différents qui prennent place de façon opposée dans la mondialisation. Les États-Unis du fait de leur puissance arrivent à imposer le libre-échange sans l’appliquer eux-mêmes au contraire du Canada. Le facteur premier qui expliquer cette opposition est un facteur strictement économique qui est les subventions versées.

Le marché à la Martinique

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C’est un marché touristique. On est dans une ancienne structure de marché qui est une structure en métal avec des poteaux ondulés. C’est une structure fin XIXème siècle et début XXème siècle qui était à l’origine certainement un marché local mise en place par l’administration française. La diffusion de l’économie de marché par l’administration française se traduisait par la mise en place de marché pour centraliser les échanges à un endroit avec une périodicité et un contrôle de poids et de mesures.

Si on regarde ces produits, on s’aperçoit que les différents stands présentent des produits comparables, mais aussi organisés de la même façon. On voit que toutes ces boutiques ont l’air de vendre exactement la même chose. Quelque chose ne semble pas rationnel qui d’une part est vendre du « made in china » dans un marché martiniquais, d’autre part, la structure commerciale de ces commerces qui vendent tous la même chose présentée de la même façon.

La raison pour laquelle l’arrangement est tel n’est sans doute pas parce que chacune de ces actrices économiques est égoïstes, pleinement rationnelle, informée et cherche à maximiser son utilité indépendamment de ses voisines. Peut être que ces actrices ne sont pas rationnelles, informées, peut être qu’elles cherchent autre chose que leur utilité, peut être qu’elles ne décident pas toutes seules. Il faut injecter quelque chose qui n’est pas le modèle de l’homo oeconomicus dans ce lieu de vente qui est le marché.

Une première explication est que nous sommes à un stade précoce du développement économique où les modèles sont peu nombreux, il n’y a pas encore eu le moment d’une diversification où chacun met en place un modèle différent. Une autre explication est que les vendeuses ne sont pas en concurrence réglant le conflit entre ces deux personnes. Le partage de la clientèle ne dépend pas des marchands, la clientèle va être distribuée de façon aléatoire par le choix des clients. La concurrence est annulée permettant d’éviter des conflits, mais aussi de maintenir les prix à un certain niveau. Un troisième type d’explication serait de se dire que ces magasins sont tenus par des propriétaires et que les vendeuses sont employées, le système économique est tel que les vendeuses n’ont pas d’intéressement à la vente et elles ne sont pas motivés pour faire du bénéfice.

En termes de géographie économique, deux éléments sont intéressants : le passage d’un marché à un autre et l’explication des stands qui sont tous exactement les mêmes.

Annexes

Références