La diffusion de la révolution industrielle en Europe continentale

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En Europe continentale

Les pays précocement industrialisés : Belgique, France et Suisse (1770 - 1810)

Portrait de William Cockerill.

L’Angleterre est le seul pays industrialisé au début, dans un monde encore agraire. La voie anglaise est une voie polarisée ; cette voie se base sur le développement de trois secteurs : le textile (coton), la sidérurgie et l’industrie mécanique. Ceci s’est accompagné d’une concentration géographique du changement (ex. Lancashire pour le textile, industrie métallurgique à Birmingham).

Viennent ensuite la Belgique, la France et la Suisse (ainsi que les États-Unis, que nous traiterons séparément). Ces pays suivent de très près l’Angleterre. La Belgique, la Suisse et la France décollent à peu près 10 ans après l’Angleterre (1770-1810), et à la fin des guerres napoléoniennes, la Belgique est déjà capable de concurrencer l’Angleterre. Le chemin suivi par ces trois pays est de très près celui du modèle anglais, et les entrepreneurs et techniciens anglais y jouent un rôle crucial. La logique mercantiliste qui se développe au cours du XVIIIème siècle oblige à adopter les méthodes anglaises afin de ne pas dépendre de l’étranger et afin de fournir du travail à la population. L’Angleterre attise la convoitise. Le savoir-faire est empirique, et il faut donc acquérir la technique par le biais de l’observation. La France et la Belgique accueillent donc des entrepreneurs anglais sur leur sol. On pense à Cockerill en Belgique ou aux frères Wilkinson : clairement, tout part du textile. Mais pour créer les machines nécessaires à l’industrie du textile, il faut du fer, et cela va donner naissance à la sidérurgie. Un exemple est le fils de William Cockerill qui crée les premières mines belges. Une fois avoir procédé à l’extractiondu fer, on doit créer la taule avec des laminoirs. Pour finir, les entreprises Cockerill vont également créer des ateliers de mécanique et créer les premières locomotives en Belgique. On voit donc émerger des complexes industriels gigantesques, où tout le processus de production est dirigé par une seule entreprise.

Dans les années 1815, des ouvriers britanniques viennent développer la sidérurgie. L’espionnage sert aussi, on envoie des missions en Angleterre et on soudoie les ouvriers et les techniciens (une expédition d’espionnage française permet de soudoyer un ouvrier travaillant dans une fabrique de boutons à Birmingham). On copie l’organisation du travail et la division des tâches ainsi que les techniques de production. La méfiance se développe. La diffusion se poursuit donc à l’ombre des réseaux de sociabilité qui transcendent les frontières.

L’Angleterre garde jalousement le secret de son développement (interdiction d’exporter des machines, artisans interdits de voyager), mais dès 1824, le parlement britannique commence à s’interroger sur la pertinence de ce protectionnisme pour une question de pragmatisme : les Anglais se rendent compte qu’ils peuvent gagner de l’argent en exportant des machines. Les usines étaient au départ un moyen de garder les secrets, mais les Anglais finissent par relâcher la contrainte (à partir de 1842 à peu près). La mécanisation se développe et les savoirs se transmettent encore à de nouveaux pays à partir du milieu du XIXème siècle. L’enchaînement du développement entre les secteurs se fait de manière plus linéaire en Belgique et en France qu’en Angleterre.

En Angleterre, il n’y a pas d’intervention massive de l’État dans l’industrialisation, tout le rôle est assumé par les entrepreneurs, tandis qu’en Belgique et en France, l’État ou certains groupements proches de l’État n’hésitent pas à appuyer des groupes d’espions et à encourager les entrepreneurs. L’État belge joue par exemple un rôle très actif dans la création de la Société Générale, tandis qu’en France: l’État est à l’origine de la création de la première usine sidérurgique.

La révolution industrielle est plus fulgurante en Belgique qu’en France, bien que la France soit le pays le plus peuplé d’Europe occidentale.

Les pays de la deuxième vague

Éxpansion de la Révolution industrielle en Europe de 1!4à à 1880.

Les pays de la deuxième vagues sont l’Empire allemand qui connaît une industrialisation fulgurante et certaines parties de l’Empire austro-hongrois comme l'Autriche et la Bohème qui correspond à la Tchéquie. On peut y dater le démarrage de la révolution industrielle aux alentours de 1840-1860. Le retard est donc considérable par rapport à l’Angleterre. La transition s’y fait cependant très rapidement. L’Allemagne se spécialise dans la production de biens de production (machines).

Quatre facteurs influencent la révolution industrielle allemande :

  • La présence de techniciens et d’entrepreneurs anglais ou français voire belges,
  • le rôle important de l’industrie lourde,
  • l’intervention du capital étranger,
  • le système bancaire plus élaboré et engagé.

Les Français jouent un rôle particulièrement actif dans la diffusion de la révolution industrielle au reste de l’Europe. Le transfert des savoirs se fait de manière plus facile et plus active. Le financement des investissements provient de capitaux étrangers : les Français, les Belges, les Suisses et les Anglais ayant accumulé du capital étranger, ils peuvent lancer la révolution industrielle d’outre-Rhin. Les banques jouent un rôle important dans le financement de l’industrie allemande. Des places boursières sont déjà développées à Paris ou à Londres, ainsi que les banques…grâce à la capacité de collecte de l’épargne qui a suivi la révolution industrielle dans ces pays. Vu que la révolution industrielle y apparaît plus tardivement, l’Allemagne bénéficie des innovations et inventions qui ont émergée en Angleterre, en France… L’industrie lourde (métallurgie, sidérurgie, industrie chimique, armement) est centrale dans la révolution industrielle en Allemagne (le textile est par exemple considéré comme étant une industrie légère). L’investissement est donc plus coûteux et se fait sur le long terme (vu que le capital fixe est plus important) et le chemin de fer joue un rôle central en Allemagne ; entre 1850 et 1870, l’Allemagne construit des milliers kilomètres de voie ferrée par an. La richesse des sous-sols aide l’Allemagne, notamment la présence du charbon dans la Ruhr (la production de charbon allemande égale celle de la France en 1840 avant de la devancer et de devenir 13 fois plus élevée en 1913. À la veille de la guerre mondiale, l’Allemagne produit 60% du charbon mondial).

Le niveau d’éducation y est particulièrement élevé (seulement 20% de la pop adulte est illettrée, pour 44% en Angleterre et 46% en France), et le gouvernement met rapidement en place un système de formation technique et un enseignement généralisé. Très tôt, Bismarck crée les assurances sociales et permet aux ouvriers de faire face aux maladies et aux aléas de l’existence. Vers 1890, l’emploi public en Allemagne est plus important qu’en Angleterre. La part des dépenses publiques dans le PIB est deux fois supérieure qu’outre-Manche. L’Allemagne s’industrialise de manière très rapide. À la veille de la Première guerre mondiale, l’Allemagne s’est hissée au premier rang des pays industrialisés d’Europe, tandis que l’Autriche-Hongrie, deuxième pays de la seconde vague, n’est qu’à la dixième place. L’Allemagne retourne dès 1869 à une forme de protectionnisme afin de protéger sa production (école de Friedrich Liest). Il y a une alliance plutôt favorable entre les grands propriétaires fonciers et les industriels, aucune des deux catégories n’ayant foi en le libre échange (le blé des États unis concurrence déjà les produits allemands).

Les pays tard-venus : Espagne, Italie, Russie et Suède (1860 - 1890)

L’Espagne, l’Italie, la Suède et l’Empire russe. Ce sont des « pays de la périphérie ». La révolution industrielle n’y arrive qu’en 1860-1890. Ces pays sont partiellement industrialisés (certaines régions uniquement, ex. Catalogne en Espagne).

La Russie est un cas intéressant. L’État joue un rôle extrêmement important, puisque la décision d’industrialiser le pays est venue du Tsar Alexandre II. La population russe est figée, il n’y a pas de dynamique entrepreneuriale, comme celle qui a fait la force de l’Angleterre, et cela bien que les élites russes avaient des contacts avec les pays d’Europe de l’Ouest. Le Tsar fait la constatation d’un retard très fort et prend la décision géostratégique de mettre la Russie sur la voie de l’industrialisation. L’enjeu est de maintenir la souveraineté nationale et d’impulser un secteur permettant de renforcer l’armée. L’approvisionnement commence auprès des partenaires, mais ceci devient problématique. L’abolition du servage afin que la main-d’œuvre ainsi libérée puisse se mouvoir vers le secteur industriel (à peu près 25 millions de personnes) devient prioritaire. La Russie est confrontée à la concurrence étrangère à cause de son industrialisation tardive. L’État actionne donc plusieurs politiques, telles que le financement de l’industrie (les capitaux étrangers demeurent très importants malgré tout) et assure par ses commandes des débouches aux produits nationaux. L’État ouvre la Russie aux capitaux étrangers pour le financement des chemins de fer. Les Français aident les Russes à se constituer un capital industriel conséquent. On considère en 1913 que 90% des mines appartiennent à des étrangers: 50% dans le textile, et 30-40% dans la métallurgie. 1/3 des capitaux étrangers en Russie sont français.

Les pays qui ne se sont pas industrialisés au XIXème siècle

  • Les pays complémentaires de la Grande-Bretagne : Pays-Bas, Portugal, Danemark.
  • Les anciennes colonies de l’Empire ottoman : Albanie, Bulgarie, Grèce, Roumanie et Ex-Yougoslavie.
  • Les futurs pays, mais qui font encore parti d’un empire (on parle de colonies intérieures : Pologne et Finlande (Russie), Hongrie (empire Austro-Hongrois), Irlande (Grande-Bretagne) et Norvège (Suède).

Mais tous ces pays ne représentent que 10% de la population européenne. Donc, 90% de la population a basculé vers une civilisation industrielle et de plus en plus urbanisée. L’industrialisation a été rapide et a touché la quasi-totalité des européens.

Alexander Gerschenkron

Alexander Gerschenkron est un historien des années 1960, qui met l’accent sur le retard, au lieu de glorifier les premiers pays à s’être industrialisés, construisant ainsi sa théorie par l’arrière. Pour lui, plus un pays était en retard, plus on a investi massivement et donc plus l’industrialisation a été rapide et les technologies seront modernes. L’Angleterre commence avec beaucoup de petites usines qui grandissent. En Allemagne, l’industrialisation débute tout de suite avec des investissements massifs.

Plus un pays est en retard, plus sont fabriqués des biens de production, des biens industriels (le fer par exemple, en opposition aux biens de consommation comme le textile).

En Angleterre, plus le temps passe, plus il y a d’innovations et plus les usines sont vieilles. Donc, les nouveaux pays qui s’industrialisent utilisent directement les nouvelles technologies et ont donc des usines plus performantes que les pays de la première vague.

Plus un pays est en retard, plus le rôle des banques et de l’État sera important. L’État de l’Europe du XIXème siècle intervient rarement en temps qu’investisseur. Toutefois, c’est lui qui crée les écoles de formation, qui lance la construction de chemins de fer, ou l’armement, ce qui dynamise l’économie. Plus on avance dans la révolution, plus l'État a un rôle dans le développement. Les banques aussi jouent un rôle plus important, car les investissements sont de plus en plus importants, et les banques prêtent de plus en plus.

Plus le pays est en retard, plus les pressions sur les travailleurs sont importantes.

Les trois éléments fondamentaux de la théorie de Gerschenkron :

  • le développement européen a été la référence pour les pays du tiers monde. Or, Gerschenkron insiste sur le fait qu’il n’y a pas un seul type d’industrialisation. Par exemple, l’industrialisation n’a pas été la même que ce soit dans l’industrie lourde ou celle du textile. Il n’y a pas un seul mode de développement comme on l’a longtemps admis. Avec le temps, l’État s’investit de plus en plus dans l’économie et l’industrie ;
  • le retard peut être avantageux, car ces pays disposent dès le début de leur industrialisation de technologies modernes ;
  • un des reproches que l’on peut faire à la théorie de Gerschenkron est qu’il évoque le retard de développement sans pour autant le définir. De plus, sa théorie ne prend pas en compte le facteur humain et l’influence qu’il a eue sur l’industrialisation : par exemple, l’intérêt soudain des nobles britanniques pour l’agronomie, ce qui a permis le débloquement de la société agraire. Il ne prend pas en compte également le taux d’alphabétisation et d’éducation des population,s qui a parfois joué un rôle important comme au Danemark ou en Suisse, où à la fin du XIXème siècle 90% de la population sait lire et écrire.

Les causes de la précocité de la révolution industrielle en Suisse

La Suisse fait figure d’exception dans l’histoire de la révolution industrielle. Avant la révolution, elle présentait des désavantages, des handicaps par rapport aux autres pays comme la France et la Belgique.

Le paradoxe suisse et les handicaps du pays

  • L’absence de matières premières

La Suisse ne produit pas de charbon, or il est a priori indispensable à l’industrialisation étant donné que les machines tournent au charbon et il faut donc l’importer. Mais le charbon est lourd et le transport extrêmement cher.

  • Un territoire peu propice

La Suisse est avant tout un pays alpin. La présence de montagnes a pour effet immédiat d’empêcher le développement d’une agriculture performante, car il n’y a pas de grandes plaines. De plus, la Suisse n’a aucun accès direct à la mer, ce qui rend le transport de marchandises encore plus difficile.

  • Un faible marché intérieur

La Suisse de 1800 est peu peuplée, on y trouve à peine deux millions d’habitants. On a donc un marché intérieur réduit, avec très peu de consommateurs potentiels. Dans les autres pays industrialisés, il y a des dizaines de millions d‘habitants et autant de consommateurs potentiels, ce qui leur donne une base solide contrairement à la Suisse.

  • La position géographique

La Suisse n'a pas d'accès à la mer et donc pas au commerce international non plus.

Les atouts de la Suisse

  • une main-d’œuvre abondante

Durant très longtemps, on a cru que les Alpes étaient très pauvres. Mais dans les grands bassins industriels, si on meurt c’est avant tout à cause de la mauvaise hygiène, et particulièrement de la mauvaise qualité des eaux. Or en montagne, les eaux sont extrêmement pures, ce qui cause une mortalité moins forte, en particulier chez les enfants. De plus, les vaches permettent un accès rapide au lait, ce qui renforce les nourrissons et les enfants. Enfin, l’élevage n’a pas besoin de beaucoup de main d’œuvre. Les employeurs vont donc être attirés par cette main-d’œuvre abondante, car les salaires seront bas.

  • Une main-d’œuvre qualifiée

En Suisse, en 1900, 90% des adultes sont alphabétisés. Cela est dû à l’imbrication des catholiques et des protestants dans la société. La réforme protestante demande que tous les protestants sachent lire la Bible, et par logique la contre-réforme catholique insiste à l’alphabétisation pour ne pas perdre ses fidèles.

  • L’insuffisance des terres agricoles a poussé à l’activité industrielle

En Suisse, encore plus qu’ailleurs, les petits paysans ont complété leur revenu avec une activité proto-industrielle. On se retrouve donc, au début de la révolution industrielle, avec une masse de paysans qui n’ont plus de revenus, mais qui grâce à la proto-industrie savent manier des machines comme les métiers à tisser. Ils sont donc moins longs à former, et on sait comment la proto-industrie a bien préparé l’industrialisation.

  • La présence de ressources hydrauliques

La Suisse profite, avec son environnement montagnard, de la présence de torrents, de rivières et autre cours d’eau qui produisent de l’énergie hydraulique. Ainsi, le désavantage de ne pas disposer de charbon est compensé par une autre source d’énergie.

Le choix d’une voie spécifique

  • L’exportation

Avec un marché intérieur trop petit, la Suisse se lance dans l’exportation. Vers 1830, la Suisse exporte chaque année 18$ par habitant, contre 10$ pour le Royaume-Uni, 7$ pour la Belgique et 3$ en moyenne pour toute l’Europe. Pour être bon en exportation, il faut être meilleur que ses concurrents. Il faut donc se focaliser sur des marchés spécifiques pour faire en sorte que les produits "made in Suisse" soient les meilleurs sur le marché.

  • Une haute spécialisation : l’exemple du textile

La Suisse ne va pas concurrencer l’Angleterre sur le textile de base, car cette dernière domine ce marché. La Suisse va proposer des textiles plus raffinés comme la soie, les tissus brodés qui sont des produits de très bonne qualité. Ce segment de marché est petit, mais la Suisse n’a pas besoin de vendre énormément pour se développer étant donné qu’il n’y a que deux millions d’habitants.

  • Une forte valeur ajoutée : l’exemple de l’horlogerie

Pour fabriquer une montre, on a essentiellement besoin d’acier. L’importation est certes coûteuse, mais avec une petite quantité d’acier, il est possible de produire beaucoup de montres. De plus, avec une main-d’œuvre de qualité et hautement spécialisée, le prix va fortement augmenter par rapport au véritable coût de fabrication.

Les étapes du démarrage

  • la filature : 1800 - 1820

L’organisation de la production est différente en Suisse à cause de l’absence de charbon. De plus, pour se différencier des productions textiles de l’Angleterre notamment, on va chercher à ajouter de la valeur au textile en ayant recourt à la teinture, pour rendre l’objet plus attractif et plus rare, donc plus cher.

  • L’extension vers la métallurgie

Avec le développement du chemin de fer au milieu du XIXème siècle, il devient possible d’amener vers la Suisse l’excédant de production de la sidérurgie belge ou française. Dès lors, la métallurgie peut commencer à se développer en Suisse. On commence à créer des machines-outils,qui remplacent le travail de l’artisan. La production est de plus en plus précise et pointue. La Suisse se dirige également petit à petit vers l’industrie de la chimie, avec la combinaison des machines-outils et du savoir acquis avec la teinture de textile. Enfin, le développement de la chimie permet la naissance de l’industrie de l’alimentaire et pharmaceutique.

La Suisse a une chaîne d’industrialisation plus longue qui dure une centaine d’années (1800 à 1900) contre 50 à 60 ans pour la France et la Belgique. Bien que la Suisse soit un "nain" dans la quantité exportée, soit dix fois moins que l’Angleterre, elle exporte 60 dollars par habitant par an en moyenne contre dix-huit en moyenne en Europe en 1910.

Les caractéristiques majeures de la Suisse à la veille de la Première guerre mondiale

  • Un niveau de vie élevé

Le PIB suisse est de 895$ par habitant contre 550$ par an en moyenne en Europe.

  • Une forte proportion d’étrangers

À Genève en 1910, 42% de la population est étrangère, ce chiffre était de 38% en 2005. Ces immigrés sont principalement allemands et italiens.

  • L’extraversion

La Suisse est portée vers l’extérieur avec à cause de sa nécessité d’exporter. Mais les capitaux suisses sont également investis à l’extérieur du pays. La Suisse a été un des pays pionniers pour la création d’entreprises multinationales. L’administration est en Suisse, mais des usines sont rependues un peu partout en Europe. Nestlé, l’industrie pharmaceutique de Bale, Sulzer sont déjà toutes des multinationales en 1910.

  • Une faible urbanisation

En 1910, 57% de la population européenne habite en ville. En Suisse il n’y a à peine que 37% d’urbanisation. De plus, la Suisse n’a pas de grandes villes avec plus de 200 000 habitants en 1910. Cela s’explique par la présence de montagnes dans une majeure partie de la Suisse ce qui limite les possibilités de développer de grands centres urbains. De plus,l’industrialisation a été légère et éparpillée, contrairement au nord de la France où on a de grands bassins industriels.

La problématique du développement des petits pays européens

Portrait de David Ricardo.

Ce sont des petits pays dans lesquels la révolution industrielle n’est pas diffusée. Le Portugal et le Danemark sont des pays complémentaires à l’Angleterre qui ont leurs caractéristiques et leur voie de développement propres.

Prenons les avantages comparatifs conceptualisée par David Riccardo : dans un marché parfait il est avantageux de produire ce dont quoi on est le meilleur, et abandonner toute autre production si autrui fait mieux ou moins cher. Il faut se spécialiser dans les produits là ou on a des avantages comparatifs. Il faut vendre ces produits et acheter des produits à des pays qui ont un meilleur avantage comparatif. En d’autres termes, dans cette logique chacun se spécialise là où il a un avantage comparatif.

Une économie aura une productivité maximale si chacun se spécialisait là où il est le meilleur.

« Dans un monde simplifié, composé de deux pays produisant deux biens, si le pays A doit renoncer à 3 unités du bien x pour produire une unité supplémentaire du bien y, tandis que le pays B doit renoncer à seulement 2 unités du bien x pour produire une unité de y, alors chaque pays s’enrichira si A se consacre à la production de x tandis que B se spécialise dans celle de y. En effet, le pays A pourra échanger une unité de x contre entre 1/3 et 1/2 d’unité de y (contre seulement 1/3 en autarcie), tandis que le pays B échangera une unité de y contre entre 2 et 3 unités de x (contre seulement 2 en autarcie). »


Le Portugal : le prototype de la complémentarité menant à la pauvreté

Ricardo, dans son système économique, établie que dans un marché parfait, on a intérêt à produire ce dans quoi on est le meilleur soit où on peut produire le moins cher, ou où on peut produire la meilleure qualité en relation aux concurrents. Si on a cette aptitude, il faut se focaliser à 100% dessus, éliminer la concurrence et avec l’argent, acheter dans des secteurs où les autres sont les meilleurs pour se nourrir de cela et donc avoir accès à des produits de bonne qualité. Chacun se spécialise dans la production où il a un avantage en comparaison aux autres. Si tout le monde applique cette règle des avantages comparatifs, alors le monde serait parfait. Il prend pour exemple le traité de Methuen en 1703.

C’est un traité de libre-échange entre le Portugal et l’Angleterre. Les anglais sont libres de vendre de la laine anglaise au Portugal, sans que les agents douaniers leur fassent payer la moindre taxe. En échange, les portugais peuvent vendre en Angleterre leur vin également sans la moindre taxe. Les anglais vendaient la laine, ce dans quoi ils étaient les meilleurs. Au Portugal, on ne peut pas faire de la laine, mais ils font du vin mieux que n’importe qui.

Mais dans cet échange, on a d’un coté un produit manufacturé, issu de l’industrie britannique et de l’autre, on a un produit issu de l’agriculture. Ceci a pour conséquence que le Portugal est resté dans une économie agricole. Quand des petits entrepreneurs portugais on voulu concurrencer avec le textile anglais, ils n’ont pas pu rivaliser à cause de l’arrivé massive des produits britanniques, qui en plus n’étaient pas taxés.C’est là une des racines de la non-industrialisation du Portugal.

En 1822, le Portugal perd le Brésil. Jusqu’alors, le Brésil était contraint d’acheter portugais, mais une fois libre, ils ont commencé à acheter des produits qui n’étaient pas issus de la métropole, car ils ont trouvé des produits équivalents et moins chers. Dès lors,le Portugal dépend totalement du marché anglais, car ils ne se sont pas industrialisés. En 1850, 80% des exportations portugaises sont vers l’Angleterre. On a une production monosectorielle (le vin) et dépendante des anglais. De plus à la fin du XIXème siècle, les anglais demandent de moins en moins de porto, ils se mettent à préférer le vin français. Le Portugal sombre, et les habitants gagnent à peine 400$ par an en 1910.

Le Danemark : le prototype d’une complémentarité menant à la richesse

L’Angleterre commence à s’industrialiser en important des céréales de l’étranger grâce à sa flotte. Le Danemark, qui est l’un des greniers à blé de l’Angleterre, signe un traité de libre-échange avec elle. Au début du XIXème siècle, tout va bien au Danemark. Mais en 1873, le blé américain arrive en Europe ce qui a pour conséquence de créer une énorme crise agricole. Le Danemark est alors spécialisé dans l’agriculture, n’est pas industrialisé et n’a qu’un seul "gros" client : l’Angleterre. Cependant, au lieu de sombrer comme le Portugal, le Danemark a su se reconvertir. Il est resté dans l’agriculture, mais a développé le secteur de l’élevage ainsi que sa production de produits laitiers, de lard, d'œufs, que consomment les anglais (le petit-déjeuner anglais est d’ailleurs en réalité le petit-déjeuner typiquement danois). Le Danemark a donc gardé sa dépendance positive vis a vis de l’Angleterre.

Cela fut possible grâce à :

  • Une main-d’œuvre paysanne éduquée : on a pu expliquer aux paysans danois les problèmes liés au blé venant d’Amérique, et on a également pu leur apprendre rapidement les règles de l’élevage, son fonctionnement, etc.
  • Un gouvernement danois qui mène une politique économique et sociale.

Le roi du Danemark et les nobles possédaient, à l'époque, toutes les terres agricoles. Le gouvernement a racheté les terres et les a données aux paysans. Il a pu les racheter car avec l’arrivée des céréales américaines, leur prix avait chuté étant donnée qu'elles rapportaient moins qu’avant. Donc, si le paysan produit plus, il en profite directement, et ne donne pas ses bénéfices aux nobles.

L’État a organisé les paysans en coopératives. On avait des fermes familiales, mais également des coopératives de paysans. Un paysan seul ne peut acheter une machine à traire ou une machine à pasteuriser, mais, dans une coopérative de paysans, on peut se le permettre, ce qui améliore les productions.

Entre 1873 et 1890, durant les années de dépression, l’État met en place l’assurance chômage (1886) pour permettre aux paysans de pouvoir passer la période de reconversion entre l'agriculture de céréales et celle de l'élevage. On met également en place une assurance vieillesse. Le gouvernement sait que les vieux paysans ne pourront pas se reconvertir, ils sont trop âgés, on leur accorde donc tout de même de l’argent pour ne pas les laisser démunis.

En 1913, un danois gagne 885$ par an, contre 550$ en moyenne en Europe.

Annexes

Références