Introduction à la politique suisse

De Baripedia

Les élections fédérales ont eu lieu le 19 octobre 2015 avec l’élection du Conseil fédéral et du Conseil des États. Ces élections se sont prolongées dans certains cantons avec un deuxième tour pour le Conseil des États comme à Genève ou dans le canton de Vaud. Aujourd'hui (novembre 2015), elles se poursuivent encore dans quelques cantons alémaniques pour le Conseil des États et se termineront fin décembre 2015 pour l’élection du Conseil fédéral.

Nous allons utiliser cet évènement concret pour voir ce que la science politique peut nous dire sur ce cas. D’une part, en partant de la perspective de la politique suisse, en quoi est-ce que le contexte des élections a une influence sur les élections? En d’autres termes, en quoi est-ce que le contexte institutionnel, le contexte politique influence le comportement des électeurs et électrices, les stratégies des parties politiques et peut-être aussi l’issue des élections ?

Le contexte institutionnel permet de donner un aperçu très introductif des principales institutions du système politique suisse. Nous allons aborder le système de gouvernement, de la démocratie directe, du fédéralisme et du système électoral et essayer de montrer en quoi ces institutions fondamentales de la Suisse influencent les élections fédérales. C’est dans ce contexte que les partis politiques agissent et que les électeurs et électrices se comportent, votent et forment leurs opinions. Nous allons voir en quoi ce contexte prédétermine en quelque sorte le choix des électeurs et électrices. Nous parlerons aussi du contexte politique des élections, à savoir la structure des clivages et le système de partis au niveau national et dans les cantons ainsi que les différences existantes d’un canton à l’autre.

Évaluation des forces en présence

Force des partis au Conseil national (% des suffrages).

Le graphique montre l’évolution de la force électorale des principaux partis politiques suisses de 1947 à 2015. Les données montrent le pourcentage de vote obtenu pour chacun des partis lors de l’élection au Conseil national. Le Conseil national qui est la chambre la plus représentative des forces politiques existantes dans le pays (aussi appelé "chambre du peuple").

Monté en puissance de l'UDC

L’élément spectaculaire pour la politique suisse au cours des vingt dernières années est la formidable montée en puissance de l’Union Démocratique du Centre (UDC). L'UDC n’est pas un parti du centre, mais un parti de droite conservatrice et nationaliste. D’ailleurs, l’appellation allemande du parti est plus fidèle à son positionnement s’appelant le Schweizerische Volkspartei, à savoir le « parti du peuple suisse » correspondant un peu mieux à son souci de défendre le peuple que l’UDC revendique. L’UDC était un petit parti qui stagnait autour de 10% et 12% autour des décennies qui suivent la Deuxième Guerre mondiale et qui a commencé en 1995 une progression très spectaculaire qui a d’abord culminé en 2005. Mais en 2015, l’UDC, grâce à un nouveau succès, a frôlé la barre mythique des 30%. Le mot « mythique » est utilisé parce qu’en Suisse, aucun parti politique, depuis l’introduction du suffrage proportionnel en 1919 n’a dépassé la barre des 30%. Avec ces dernières élections, l’UDC s’approche très sérieusement de ce seuil.

Stabilité jusqu'en 1990

Remarquons également que pendant toute la période allant jusqu’aux années 1990, il y avait une très grande stabilité dans le système de parti en Suisse. D’une élection à l’autre, il y avait quelques variations, mais dans l’ensemble on conservait une position entre les différents partis, valant pour le parti socialiste en rose, le parti libéral radical en bleu ou le parti démocrate chrétien en orange. Le système de parti dans les années 1990 et 2000 a été profondément bouleversé par la montée en puissance de l’UDC. Donc, on est passé d’un système de parti stable à un système de parti avec beaucoup de changement relativement instable. Cette montée en puissance de l’UDC s’est faite au détriment d’autres partis. Il y a deux partis qui ont souffert de la montée en puissance de l’UDC que sont le partie démocrate chrétien en orange qui est sur une pente à peu près linéaire descendante depuis la fin des années 1970 et 1980, et idem pour le parti libéral radical qui a aussi subi une forte érosion assez constante de son électorat jusqu’à l’année 2015 où l’on peut percevoir un petit redressement.

Nouveaux partis

Les verts, un parti récent créé en 1979 et le premier parlement européen où l’un de ses représentants a été élu avec Daniel Brélaz. Les verts ont ensuite connu une progression assez importante jusqu’en 2007 avant de décliner. Daniel Brélaz vient de se faire réélire au Conseil national faisant son retour après avoir été le premier vert élu, il revient en 2015 au Conseil national.

Deux nouveaux partis apparaissent. Le parti vert libéral et le parti bourgeois démocratique. Ces deux partis ont fait une très belle élection en 2011 et ont eu un peu plus de mal en 2015.

Des années de transformation

Ce graphique est donc l’image générale de l’évolution de la force des partis politiques en suisse et on voit qu’il s’est passé beaucoup de choses importantes au cours des trente dernières années. Alors qu’il y avait un système de parti relativement stable, il y a une profonde transformation de ce système de parti en particulier sous l’effet de la montée en puissance de l’UDC.

Le contexte institutionnel des élections

Quelles sont les institutions qui de près ou de loin influencent le comportement électoral des votants, les stratégies des partis, la couverture médiatique et in fine l’issue des élections ?

Système de gouvernement

Qu’entend-on par « système de gouvernement » ?

Par « système de gouvernement », on entend d’abord le mode d’élection du gouvernement, comment l’exécutif, comment le gouvernement est-il élu, est-ce que c’est par le peuple ou par le parlement et on entend ensuite le type de rapport entre gouvernement et parlement, à savoir est-ce que le pouvoir exécutif d’un côté, le pouvoir législatif de l’autre sont indépendant l’un de l’autre ou au contraire sont-ils dépendant au sens que l’un peut contrôler voire sanctionner l’autre. En fonction de ce degré de dépendance ou d’indépendance, on aura une fusion plus ou moins élevée des pouvoirs exécutifs et législatifs.

En politique comparée, dans la littérature, on distingue deux grands types de systèmes de gouvernement dit aussi types de régimes politiques.

Deux grands types de régimes

Le système parlementaire

Il y a d’abord le système parlementaire. Dans un système parlementaire, le gouvernement est élu de manière indirecte, c’est-à-dire qu’il n’est pas élu directement par le peuple, mais il est de manière indirecte via le parlement. En général, le gouvernement est issu de la majorité parlementaire variant selon les pays pouvant être un parti ou une coalition de partis, en tout cas, cette coalition de partis est issue du parlement et c’est elle qui va être en suite représentée au sein du gouvernement. Dans un tel système, le pouvoir exécutif est exercé collectivement par un conseil des ministres avec à sa tête un Premier ministre dont le nom change selon les pays pouvant être le président du Conseil en Italie, la chancelière en Allemagne, un Premier ministre en Angleterre, mais la logique est toujours un peu la même. Il y a un conseil des ministres avec à sa tête un capitaine qui donne le cap qui est le Premier ministre.

Il y a deux critères importants pour définir un régime, à savoir le mode d’élection du gouvernement qui est ici clairement une élection indirecte du gouvernement par le parlement, et le type de rapport entre gouvernement et parlement.

Dans un système parlementaire, il y a des mécanismes institutionnels qui permettent le contrôle mutuel du gouvernement et du parlement. Le gouvernement peut contrôler le parlement et le parlement peut contrôler le gouvernement. Concrètement, il y a des mécanismes institutionnels comme la motion de censure qui permettent au parlement de destituer le gouvernement pour autant que cette motion de censure obtienne une majorité. De même, le gouvernement peut poser la question de confiance, il peut sur une règle importante demander au parlement s’il le soutient ou non. Si le parlement dit qu’il ne soutient plus, alors le gouvernement tombe et il faut en trouver un autre.

Dans un tel système, le gouvernement est responsable devant le parlement au sens que le gouvernement ne peut pas faire n’importe quoi, le parlement a les moyens si le gouvernement dévie de la position qui plaît à la majorité parlementaire de faire tomber le gouvernement avec une motion de censure ou si le gouvernement pose la question de confiance. Inversement, le gouvernement a aussi la possibilité de dissoudre le parlement et de convoquer des élections anticipées. Dans un système parlementaire, ce n’est pas seulement le parlement qui contrôle le gouvernement, mais c’est aussi le gouvernement qui peut contrôler le parlement, sanctionner le parlement en disant qu’il n’y a plus de majorité possible dans le pays, il faut clarifier les choses et donc on dissout le parlement et on convoque des élections anticipées.

Avec ces mécanismes de sanctions mutuelles, le gouvernement et le parlement sont obligés de coopérer l’un avec l’autre. S’ils ne coopèrent pas, l’un va sanctionner l’autre. Soit le gouvernement prend des décisions qui déplaisent au parlement et alors il peut se faire sanctionner, soit le parlement n’accepte pas de voter les lois que propose le gouvernement et alors le gouvernement peut décider de dissoudre le parlement.

Le point important est le fait que c’est parce qu’il y a ces mécanismes de sanction mutuelle possible entre gouvernement et parlement, cela force les deux pouvoirs à collaborer et en particulier, cela force les partis qui sont au pouvoir à collaborer entre eux. Les partis qui sont au gouvernement doivent collaborer entre eux pour pas qu’il y en ait un qui fasse défaut et qui vote contre le gouvernement avec l’opposition. Ceci amène une grande fusion des pouvoirs exécutifs et législatifs, c’est-à-dire que dans les pays à système parlementaire, le gouvernement et le parlement collaborent tellement étroitement qu’il est difficile parfois de distinguer qui est le pouvoir exécutif et qui est le pouvoir législatif. Dans certains pays comme la Grande-Bretagne, avec le parlement de Westminster qui est l’exemple type de système parlementaire, il y a même des ministres qui sont en même temps députés ce qui renforce la fusion des pouvoirs entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif.

Le système présidentiel

Le deuxième système de gouvernement est le système présidentiel. Le système présidentiel est un système dans lequel, premièrement, l’élection du président ou de la présidente se fait de manière directe par le peuple, c’est-à-dire que c’est le peuple, qui, lors des élections décidera qui sera élu président ou présidente. La deuxième caractéristique est que dans un tel système, il y a une forte concentration des pouvoirs exécutifs dans les mains du président. Le président ou la présidente concentre un grand nombre de pouvoirs exécutifs, comme nommer ses ministres et secrétaire d’État, il est à la fois chef de la diplomatie, chef des armées, et il concentre en sa personne un très grand nombre de pouvoirs exécutifs. Le troisième point, et c’est peut être là ou le système présidentiel se différencie le plus d’un système parlementaire, dans un système présidentiel, le président et son gouvernement et le parlement de l’autre son indépendant l’un de l’autre dans le sens que le président ne peut pas dissoudre le parlement et le parlement ne peut pas destituer le président, une fois qu’ils sont élus, pour toute la période de la législature, le gouvernement reste en place et le parlement reste en place, ils ne peuvent pas être destitués ni l’un ni l’autre. Il y a une seule exception relative au système américain qui est l’exemple type du système présidentiel où il y a une procédure qui permet de destituer le président appelé « impeachment » qui est prévu en cas de crise majeure parce que le président aurait perdu la tête. Dans ce cas-là, il est possible de destituer le président, mais c’est une exception à la règle qui veut sinon que le président est en place pour tout son mandat et que le parlement est en place aussi pour tout son mandat.

Donc, dans un tel système, il y a des mécanismes de « check and balance », des mécanismes d’équilibre entre les pouvoirs, mais il y a surtout une séparation claire des pouvoirs exécutif d’un côté et législatif de l’autre. Contrairement au système parlementaire, dans lequel il y a une fusion des pouvoirs exécutifs et législatifs, dans le système présidentiel, il y a une claire séparation des pouvoirs avec exécutif d’un côté et législatif de l’autre.

L’exemple type du système parlementaire est le système britannique, mais, il y en a d’autres, la plupart des pays autour de la Suisse sont des systèmes parlementaires comme l’Allemagne, l’Italie ou encore l’Autriche et les pays scandinaves, pays dans lesquels il n’est pas rare que le gouvernement soit minoritaire, c’est-à-dire qu’il y a une coalition de partis, mais qui n’a pas la majorité au parlement. C’est assez fréquent au Danemark par exemple, où le gouvernement, assez régulièrement parce que le système de partis est tellement fractionné, même s’il met plusieurs partis ensemble, ils n’ont pas la majorité au parlement et ils dépendent encore du soutien de l’un ou l’autre des petits partis. En tout cas, dans la plupart des pays autour de la Suisse où il y a un système parlementaire dont l’archétype est le système britannique tandis que l’archétype du système présidentiel vient des États-Unis.

La France est un système un peu hybride appelé semi-présidentiel parce que dans ce système, il y a un président élu au suffrage universel comme un système présidentiel, mais le gouvernement, lui, est issu de la majorité parlementaire comme dans un système parlementaire. En France, il y a un système à la fois présidentiel et à la fois parlementaire avec une double légitimité démocratique puisque, à la fois le président est élu par le peuple, mais aussi le gouvernement est élu par le peuple via le parlement.

Le système de gouvernement en Suisse

Faire une incursion par la politique comparée permet de mieux situer quelles sont les caractéristiques du système de gouvernement suisse, comment ce système de gouvernement peut être classé à la lumière de ces distinctions entre système parlementaire et système présidentiel.

Un système de gouvernement hybride

Le système politique suisse n’est pas un cas facile du point de vue de cette distinction système parlementaire – système présidentiel, ce n’est pas le cas le plus aisé à classer.

D’abord, parce que, par certains aspects, le système suisse, un peu comme le système français est un cas hybride, c’est un cas hybride parce que si on s’en tient au mode d’élection du gouvernement en suisse, le système suisse est proche d’un système parlementaire. Le Conseil fédéral et le gouvernement suisse ne sont pas élu par le peuple, il est élu par le parlement, par l’Assemblée fédérale. Il y a en Suisse, comme dans n’importe quel système parlementaire, une élection indirecte du gouvernement par le parlement, pas par le peuple. De ce point de vue là, le système suisse se rapproche d’un système parlementaire.

Mais, le système de gouvernement en Suisse, s’approche du système présidentiel pour ce qui est du rapport entre gouvernement et parlement. Dans le système suisse, comme dans tout système présidentiel, il y a dépendance mutuelle entre gouvernement et parlement. Une fois que le Conseil fédéral est élu, il est en place pour quatre ans et il ne peut pas être destitué. De même, une fois que le parlement est élu, il est aussi en place pour quatre ans et ne peut pas être destitué. Le gouvernement n’a pas les moyens de dissoudre l’Assemblée fédérale, le parlement n’a pas les moyens de destituer le Conseil fédéral. Une fois élu, ces deux sont en place pour quatre ans et ils sont élus indépendamment les uns des autres. De ce point de vue, le gouvernement suisse n’est pas responsable devant le parlement. On peut dire qu’il est irresponsable, cela veut dire que d’un point de vue institutionnel, il n’a pas à rendre de compte au parlement au point de devoir peut-être démissionner ou d’être destitué par le parlement.

De ce point de vue, on a une forme un peu hybride entre les deux grands types de régimes politiques existants.Ou cela se complique un peu, est que le système de gouvernement en Suisse et par certains autres aspects un cas particulier. C’est un cas que l’on ne trouve pas tellement ailleurs.

C’est un cas particulier d’abord parce qu’il y a en Suisse un système de concordance. Cela veut dire qu’en Suisse, tous les principaux partis politiques appartiennent au gouvernement. Là où dans d’autres pays il y aurait des coalitions soit de gauche soit de droite, en Suisse, on retrouve au gouvernement à la fois un parti de gauche et des partis de droite. Il n’y a aucune exigence institutionnelle pour une telle concordance, ce n’est pas que la constitution ou les lois obligent les partis politiques à s’entendre ou à gouverner ensemble, c’est une règle non écrite, une espèce de coutume qui fait que les partis politiques se cooptent entre eux, ils se laissent de la place à chacun pour que chacun soit représenté au Conseil fédéral, en tout cas les plus grands partis.sIl y a de ce fait un partage du pouvoir exécutif entre les principaux partis politiques et cela est quelque chose assez unique en tout cas dans l’ampleur du partage pour la stabilité du système. Il peut y avoir comme en Autriche ou en Allemagne de grandes coalitions, mais ces grandes coalitions sont plutôt ponctuelles, la règle, en général ailleurs est plutôt d’avoir un camp politique majoritaire qui a le pouvoir, mais qui peut être remplacé par un autre camp politique majoritaire qui aura le pouvoir. En Suisse, on partage le pouvoir entre les principaux partis.

Cela est vraiment important, il n’y a pas de règle institutionnelle qui force un parti suisse à gouverner sur un mode de concordance, rien ne les y oblige d’un point de vue institutionnel. Il y a des mécanismes qui expliquent pourquoi cela est comme cela, mais il n’y a pas de règle absolue qui forcerait les partis à agir de la sorte.

Partage du pouvoir

La deuxième spécificité du système de gouvernement suisse est le fait que le pouvoir exécutif est partagé entre sept personnes,à savoir les sept conseillers fédéraux que l’on appelle parfois les sept sages. Là où dans un système présidentiel on a une forte concentration du pouvoir dans une seule personne, là où dans un système parlementaire, il y a un conseil des ministres avec à la tête un Premier ministre, en Suisse, il y a un système dit « non hiérarchique ». Les sept conseillers fédéraux qui composent le Conseil fédéral sont tous sur pied d’égalité. On parle donc d’un principe de non-hiérarchisation.

Certes, il y a un président ou une présidente, mais la présidence en Suisse est tournante, elle tourne chaque année en fonction de l’ancienneté. Les présidents en Suisse n’ont pas tellement plus de pouvoir que les autres membres du collège sinon celui de diriger les séances hebdomadaires du Conseil fédéral et de représenter la Suisse à l’étranger encore plus que les autres conseillers fédéraux, il n’y a pas d’autres pouvoirs, il n’y a pas de « capitaine du navire ».

On parle d’un collège gouvernemental. On parle aussi d’un collège parce que ces sept conseillers fédéraux doivent travailler de manière collégiale, ils doivent respecter le principe de collégialité. En vertu de ce principe de collégialité, une fois qu’une décision est prise au sein du collège, les sept conseillers fédéraux doivent, en théorie en tout cas, la défendre devant le parlement, les médias et le peuple même si ces conseillers fédéraux n’étaient pas d’accord avec cette décision. Donc, même s’il y a un vote au Conseil fédéral à quatre contre trois, les trois qui ont été minorisés sont supposés défendre, une fois que la décision est prise, défendre cette décision devant le parlement, les médias et l’opinion publique.

Quand on évoque ce système, on parle volontiers d’un système directorial. Il est en fait fortement inspiré du directoire de la Révolution française de 1791 sauf que le directoire de la Révolution française a duré deux ans alors que le Conseil fédéral est en place depuis plus de 250 ans.

Conséquences pour les élections fédérales du système de gouvernement suisse

Le fait que le gouvernement soit élu indirectement, c’est-à-dire par le parlement, pas par le peuple, et le fait que les partis politiques se partagent le pouvoir, a pour effet de réduire l’importance des élections parlementaires. Dans un autre pays, lorsque les électeurs et électrices se rendent aux urnes pour les élections législatives, ces électeurs et électrices savent que leur vote est important pas seulement pour la composition du parlement, mais aussi pour la composition du gouvernement puisque ces de l’issue du scrutin parlementaire que va dépendre la composition ensuite du gouvernement. L’importance de l’élection dans ces pays est élevée ? En élisant le parlement, les électeurs et électrices élisent aussi indirectement le gouvernement. Rien de tel ou quasiment rien de tel en Suisse parce que l’élection indirecte du gouvernement, ne dépendent pas tellement des rapports de force politique qui s’expriment dans les élections parlementaires elles dépendent surtout du jeu de cooptation entre les partis politiques. Nous allons le voir, la composition du Conseil fédéral est restée stable depuis les six dernières décennies.

Lorsqu’on va voter pour des élections parlementaires en Suisse, on sait par avance qu’on n’a pas tellement d’influence ou alors seulement à la marge sur la composition du gouvernement et cela réduit l’importance des élections parlementaire es cela explique aussi peut être pourquoi le taux de participation parlementaire est si peu élevé en comparaison international, c’est l’une des raisons. C’est parce que l’élection parlementaire, à cause de ces mécanismes, n’a pas beaucoup d’influence voire très peu d’influence sur la composition du gouvernement qui est très stable en raison du partage du pouvoir entre les différents partis politiques.

Ce graphique présente la composition du Conseil fédéral depuis 1959.

Composition du Conseil fédéral (sièges).

Pendant presque cinquante ans, entre 1959 et 2003, la composition du Conseil fédéral n’a pas changé. Il y avait une composition avec deux représentants du PLR (Parti libéral radical), deux représentants PDC (partie démocrate-chrétien), deux représentants du PS (Parti socialiste) et un UDC. C’est ce qu’on a appelé à l’époque la « formule magique ». La « formule magique » est cette composition du Conseil fédéral, cette distribution entre les principaux partis politiques. Cela correspond à la période où il y a eu très peu de changement dans les rapports de forces aux élections parlementaires. Il y a eu quelques modifications d’une élection à l’autre, mais en général une très grande stabilité dans la forme de chacun des partis et c’est ce qui a justifié pourquoi on n’a pas modifié non plus la composition du Conseil fédéral.

Il y a eu un premier changement en 2003, et ce changement a fait suite à la montée en puissance de l’UDC dans la mesure où l’UDC avait gagné tellement de force au parlement qu’il était logique de lui octroyer un second siège au Conseil fédéral. Elle était un petit parti qu’on appelait le junior partner du Conseil fédéral, mais avec ses succès électoraux, elle est devenue le premier parti du Suisse. Donc, d’un point de vue arithmétique, si on pense à des règles de proportionnalité, il était logique d’attribuer un second siège à l’UDC. Ce second siège a été attribué à monsieur Blocher qui était lui-même le chef charismatique du parti. Cette année là, pour la première fois depuis un siècle, on n’a pas réélu un conseiller fédéral sortant, en l’occurrence une conseillère fédérale. En 2003, c’est madame Metzler du PDC qui a été évincé, qui n’a pas été réélu, et à sa place, une majorité du parlement a choisi monsieur Blocher.

Donc, lorsqu’on dit que le gouvernement ne peut pas être destitué par le parlement, cela vaut bien sur pendant les quatre ans du mandat, mais chaque quatre ans, des conseillers fédéraux sont réélus par le parlement pour de nouvelles périodes de quatre ans. À cette occasion, il est possible pour le parlement de ne pas réélire un conseiller fédéral, c’est extrêmement rare. Il y a une règle non écrite qui veut que les conseillers fédéraux sont réélus tacitement, s’ils se représentent, on les réélit, c’est comme cela que ça fonctionnait. En 2003, on a changé cette règle non écrite, on ne l’a pas respecté en élisant monsieur Blocher à la place de madame Metzler. C’est un évènement rarissime parce que la dernière fois que cela s'était produit, c'était en 1897. Entre 1897 et 2003, tous les conseillers fédéraux qui se sont représentés ont été réélus.

Après, il y a eu un peu plus d’instabilité dans la composition du Conseil fédéral pour en tout cas ce qui est relatif au sixième et septième siège. En tout cas, il n’y a pas eu de changement majeur, mais une instabilité pour ce qui est du sixième et septième siège. En 2007, après quatre ans d’expérience Blocher, l’Assemblée fédérale a choisi de ne pas réélire Christoph Blocher, d’évincer Christoph Blocher. Cela se complique un peu et explique pourquoi il y a dans le tableau des « 0 » ou « 2 ». En décembre 2007, l’Assemblée fédérale fait un coup de théâtre en ne réélisant pas Christoph Blocher et choisit à sa place une autre femme de l’UDC. L’idée du parlement à ce moment là était de dire qu’on veut bien qu’il y ait deux UDC au Conseil fédéral, mais on ne veut plus de Christoph Blocher et donc on élit à sa place madame Éveline Widmer-Schlumpf de l’UDC qui rejoignait un autre UDC déjà en place, à savoir Samuel Schmid.

Formellement parlant, il y avait toujours deux UDC, sauf que l’UDC n’a pas reconnu ses deux conseillers fédéraux en disant que ces deux personnes ne représentent plus le parti, sont exclues des sections cantonales de l’UDC desquels viennent ces deux personnes et donc, indirectement, nous excluons ces deux personnes de l’UDC. Formellement, il y avait deux UDC, mais qui n'étaient plus reconnu comme étant UDC de la part de leur propre parti. Ces deux UDC n’ont pas été reconnus par leur propre parti car, il était reconnu comme étant trop modéré au gout de la nouvelle frange dominante du parti. L’UDC est blocherienne, c’est-à-dire beaucoup plus dure sur des questions d’immigration, de politique d’asile, d’intégration européenne. L’UDC est beaucoup plus à droite que ces deux personnes plutôt modérées, elle est une droite nationaliste. L’UDC ne s’est plus senti représenté au Conseil fédéral à cause de ces deux personnes qui désormais incarnaient un courant très minoritaire au sein du parti. L’UDC trouvait cela injuste que l’Assemblée fédérale ait choisie eux pour représenter l'UDC alors qu'ils ne représentent pas le courant majoritaire du parti, à savoir celui qui avait gagné aux élections.

En 2008, l’UDC sort du gouvernement, ne se considérant plus comme un parti gouvernemental, mais comme un parti d’opposition. Cela a duré une année. En 2009, Samuel Schmid est parti et a été remplacé par Ueli Maurer, à savoir le président de l’UDC qui incarnait, lui, l’aille majoritaire du parti et donc l’UDC a fait son retour au Conseil fédéral formellement et substantiellement. Entre temps, la décision de l’UDC d’exclure la section grisonne et bernoise de laquelle venaient madame Éveline Widmer-Schlumpf et monsieur Samuel Schmid, a conduit à la création du PBD, à savoir le parti bourgeois démocratique qui est donc un parti qui est né de la scission au sein de l’UDC. Pendant une année, il y a eu deux élus PBD, à savoir monsieur Samuel Schmid et madame Éveline Widmer-Schlumpf. Monsieur Samuel Schmid est parti et fur remplacé par Ueli Maurer, après quoi, on a eu cette constellation de 2009 jusqu’à aujourd’hui de cinq partis, à savoir deux PLR, deux PDC, deux PS, un UDC et un PBD. Sauf que madame Éveline Widmer-Schlumpf ne va pas se représenter en décembre 2015, qu’elle va quitter le Conseil fédéral, et donc, il y aura une vacance, un poste vacant lorsqu’il y aura l’élection du Conseil fédéral, le parlement devra élire un ou une nouvelle conseillère fédérale. Il y aura deux UDC au Conseil fédéral, mais on ne sait pas qui sera le deuxième.

Au delà de ces péripéties sur les personnes parce que cela permet d’incarner les personnes derrières ces chiffres, mais au delà de ces péripéties, si on s’interroge de savoir pourquoi les élections parlementaires en Suisse ont peu d’impact, on voir bien que c’est parce que la composition du Conseil fédéral ne change qu’à la marge, elle change un peu depuis une vingtaine d’années, mais cela se joue sur un siège, le sixième ou le septième, ce n’est pas tout le gouvernement qui est concerné.

Dans un autre pays, d’une élection à l’autre selon que la gauche ou la droite l’emporte, le gouvernement change complément et les politiques changent complètement. En Angleterre, lorsqu’un gouvernement du parti travailliste succède à un gouvernement de droite conservatrice, alors, le gouvernement nouvellement élu se dépêche pendant les six premiers mois de déférer toutes les lois que le gouvernement précédent avait fait, à savoir un changement de cap brutal dans ces pays l-. Cela n’existe pas en Suisse, c’est pour cela que les élections parlementaires ont moins d’importance qu’ailleurs.

À propos du Conseil fédéral nous avons parlé de la concordance arithmétique, c’est-à-dire qu’on distribue les sièges au Conseil fédéral à peu près proportionnellement à la force parlementaire des partis. C’est sur ce principe arithmétique que l’UDC revendique et va obtenir un deuxième siège ce qui est parfaitement logique puisque c’est le plus grand parti de loin désormais.

Mais, il faut insister sur le fait que la concordance en Suisse n’est pas qu’une règle arithmétique, c’est aussi une règle de conduite politique. La concordance est l’idée qu’un parti qui est coopté au gouvernement devient un parti gouvernemental, c’est-à-dire un parti qui est coresponsable de l’action gouvernementale. En d’autres termes, c’est l’idée que si on entre au gouvernement, on doit se conformer à certaines règles, on doit se comporter comme un vrai parti de gouvernement, on doit être coresponsable de l’action gouvernementale, on doit être solidaire du gouvernement et on doit autant que possible éviter de mettre des bâtons dans les roues du gouvernent. On peut bien montrer que l’évolution au cours des vingt dernières années a été vers la fin de la concordance. La concordance politique n’existe plus en Suisse, on a au gouvernement, deux partis qui sont très souvent opposés au gouvernement, le plus flagrant est l’UDC, mais le PS, dans son genre, est aussi un parti qui a une forte fibre positionnelle. On essaie de respecter une concordance arithmétique, mais c’est au prix de la concordance politique, car on n’arrive plus à la garantir, il y a trop d’écart entre le PS d’un côté et l’UDC de l’autre pour pouvoir gouverner de manière concordante et consensuelle dans le Conseil fédéral et la politique suisse en général.

La démocratie directe

La démocratie directe est l’une des institutions phares du système politique suisse et aussi un trait distinctif du système politique suisse. Pour se rendre compte à quel point la démocratie directe est importante et développée en Suisse, il suffit de regarder un peu les statistiques des votes populaires. Des chercheurs ont fait l’inventaire de toutes les votations populaires qui ont eu dans le monde au niveau national pendant tout le XXème siècle et la moitié de ces votations ont eu lieu en Suisse. Autrement dit, le peuple suisse a voté en démocratie directe au niveau national, autant de fois que tous les autres pays réunis. Cela donne une idée de l’importance du développement de la démocratie directe en Suisse.

La Suisse est un cas à part du fait du développement sans égal dans le monde de la démocratie directe. Il faut noter que la démocratie directe est également très développée dans certains États américains cor exemple en Californie où on vote beaucoup au niveau de l’État et pas au niveau national. En termes de taille, la Californie est beaucoup plus grande et beaucoup plus peuplée que la Suisse. La Suisse est un cas à part au niveau national, mais elle n’est pas un cas à part si on descend au niveau de certains États américains.

Le fait est que la démocratie directe offre aux citoyens et citoyennes suisse, la possibilité de s’exprimer sur des sujets concrets. Autrement dit, la démocratie directe offre un droit de codécision au peuple suisse sur la formulation des politiques publiques. En Suisse, on vote trois à quatre fois par année sur des thèmes divers et souvent. C’est assez unique cette possibilité et elle a des conséquences.

Les trois grandes institutions de démocratie directe qui existent en Suisse au niveau fédéral sont :

  • l’initiative populaire qui est une fonction qui permet à un groupe de citoyens de se réunir, de rédiger un article constitutionnel et moyennement que ce groupe soit capable de réunir 100000 signatures en dix-huit mois, ce groupe peut proposer un changement de la constitution. Ce changement devra in fine être adopté par un vote populaire adopté à la double majorité du peuple et des cantons.
  • le referendum obligatoire vise aussi des changements constitutionnels, mais qui cette fois c- n’est pas initié par la base, par des comités de citoyens, par des partis politiques, mais qui est initié par les autorités elles-mêmes comme le gouvernement ou le parlement et qui débouche sur une modification de la constitution qui est également soumise à un vote obligatoire à la double majorité du peuple et des cantons.
  • le referendum facultatif s’applique pour toute loi votée par le parlement. Toutes les lois votées à Berne par le Parlement fédéral peuvent être contestées par referendum moyennant la capacité du comité référendaire à recueillir 50000 signatures en cent jours à compter de l’annonce de la loi à la Feuille fédérale. Si ce comité est capable de réunir les signatures nécessaires, alors un vote a lieu, mais cette fois c-, la majorité simple des votants, et non pas la double majorité, s’applique.

La Suisse, d’un point de vue comparatif est très différente des autres pays en raison du développement très élevé des outils de démocratie directe qui confère au peuple suisse ce droit de codécision sur la législation.

Dans les autres pays, les élections nationales, législatives et/ou présidentielles sont souvent la seule possibilité de s’exprimer, exprimer un choix politique ou une préférence politique chaque quatre ans chaque cinq ans, cela dépend des pays. C’est donc uniquement en choisissant des candidats aux élections présidentielles ou des partis politiques pour les élections législatives qu’il est possible d’influencer la politique institutionnelle dans d’autres pays là où en Suisse il y a cette combinaison de démocratie représentative, mais on vote beaucoup sur des objets de démocratie directe.

Quelles sont les conséquences ?

La première conséquence est que la démocratie directe concurrence les élections. Dans la mesure où on peut s’exprimer, pas surement en choisissant des candidats et des partis, mais aussi en disant si on soutien ot non une réforme d’une politique publique, cela augmente les possibilités de s’exprimer et ce l fait que les élections sont un moyen d’expression parmi d’autres. Là ou dans les pays où la démocratie directe n’existe pas, les élections sont le principal rendez-vous pour s’exprimer politiquement. Donc, la démocratie directe concurrence les élections.

Deuxièmement et plus concrètement, la démocratie directe a pour conséquence de multiplier les scrutins populaires. On vote très souvent en Suisse, on vote pour les élections et on vote pour les votations populaires. Cela a pour effet très vraisemblablement de réduire la participation aux élections. S’il n’y avait que les élections comme moyen pour exprimer une préférence politique, il y aurait plus de participation aux élections même si, comme il y en a d’autres, les citoyens et citoyennes sont sélectifs, ils choisissent de cas en cas et parfois sil jugent que les élections ne sont pas si importantes que cela en Suisse.

Avec la démocratie directe, il est toujours possible de corriger une décision prise par le parlement. Même si on a élu des partis et finalement on se rend compte que ces rapports de forces partisans ne nous conviennent pas à titre individuel, il est toujours possible de contester des décisions du parlement par un référendum ou en lançant des initiatives. Donc, cela est toujours possible de contrer ou de corriger après coup des décisions prises par le parlement ce qui a pour effet de réduire l’importance des élections parlementaires en Suisse.

Le fédéralisme

Article détaillé : Le fédéralisme.

Le fédéralisme a plusieurs formes d’influence sur les élections.

Le fédéralisme a pour corolaire l’existence de deux chambres en Suisse qui sont deux chambres du parlement, à savoir la chambre du peuple et la chambre des cantons. De plus, il y a ce qu’on appelle en Suisse un système de bicamérisme parfait ou bicamérisme intégral ou encore bicamérisme symétrique. C’est l’idée que les deux chambres en Suisse ont les mêmes prérogatives. Toutes les modifications constitutionnelles, toutes les lois fédérales, tous les arrêtés fédéraux doivent être adoptés par les deux chambres et les deux chambres doivent se mettre d’accord sur le même texte. Tant qu’elles ne sont pas d’accord sur un même texte, il y a des mécanismes qui font la navette entre les deux chambres et puis il y a une conférence de conciliation qui est mise sur pied si nécessaire afin de s’assurer que les deux chambres convergent vers le même texte et que le même texte soit soumis au vote final dans les deux chambres. C’est la même prérogative pour la chambre des cantons et pour la chambre du peuple.

La chambre du peuple qu’on appelle en Suisse le Conseil national comporte 200 sièges et cette chambre du peuple distribue les sièges proportionnellement à la taille des cantons, c’est-à-dire que chaque canton reçoit un nombre de sièges qui est proportionnel à sa population, dont 35 pour le canton de Zurich, 11 pour le canton de Genève, 4 pour le canton de Neuchâtel et 1 pour les plus petits cantons.

Au Conseil des États, chambre du peuple, 46 sièges seulement et ces sièges sont distribués à chaque canton quelque soit leur taille. Quelle que soit leur taille, les cantons reçoivent deux sièges, un siège pour les demi-cantons que sont Bâle, Appenzell, Nidwald et Obwald. Cette deuxième chambre avec cette distribution des sièges indépendante de la taille du canton a pour effet de sur représenter les petits cantons. Cette manière d’allouer les sièges dans la deuxième chambre qui fut inspirée àe l’époque sur le Sénat américain, cette distribution des sièges de deux par canton indépendamment de la taille a pour effet de fortement sur représenter les petits cantons catholiques surtout. Il y a des raisons historiques à cela qui remontent à la création de l’État fédéral en 1848.

C’est une caractéristique majeure parce que s’il n’y avait pas le fédéralisme il y aurait peut-être une deuxième chambre qui n’aurait peut-être pas les mêmes prérogatives et s’il n’y avait pas le fédéralisme aussi poussé comme en Suisse, il n’y aurait pas de bicamérisme intégral avec les mêmes prérogatives à chacune des deux chambres.

La deuxième voie par laquelle le fédéralisme influence les élections est via le système de parti. Les partis politiques en Suisse sont d’abord nés au niveau cantonal et après ils se sont regroupés et fédérés au niveau national. Encore aujourd’hui, le système de parti suisse est très influencé par les différences existantes d’un canton à l’autre. Il existe de fortes variations dans les systèmes de parti d’un canton à l’autre.

Si on regarde deux cantons, si on regarde en détail les partis en présence dans ces cantons et la force de ces partis, il n’y a pas deux cantons identiques en Suisse du point de vue du nombre de partis et du point de vue de la force électorale de chacun des partis. On trouvera bien sûr des cantons où il y a le même nombre de partis , ais de canton où les partis ont le même poids. Cette variation intercantonale a pour effet d’augmenter la fragmentation globale du système de parti au niveau national. Ces variations dans les systèmes de parti d’un canton à l’autre ont pour effet d’augmenter la fragmentation globale du système de parti au niveau national. Cette fragmentation globale du système de parti au niveau national s’exprime notamment par le nombre de partis présents à l’Assemblée fédérale, il y a beaucoup de partis. Les partis qui sont forts localement, même si c’est uniquement dans un seul canton, peuvent aussi être représentés à Berne comme, par exemple, le MCG (Mouvement citoyen genevois) à Genève qui est un parti purement local, purement genevois a aussi un représentant au Conseil national. La lega ticinese, pendant du MCG au Tessin, qui est très forte dans le canton même s’il existe que dans ce canton, a aussi des représentants as Parlement fédéral. L’Union démocratique fédérale, parti très conservateur qui existe dans quelques cantons alémaniques a sa représentation à Berne. Le parti évangélique et populaire, petit parti alémanique a des représentants à Berne. Ces petits partis qui sont localement suffisamment fort pour avoir une existence cantonale sont aussi représentés à Berne ce qui augmente la variété et la fragmentation du système de parti au niveau fédéral.

Les partis nationaux sont historiquement des partis cantonaux qui se sont ensuite regroupés et fédérés au niveau central. Encore aujourd’hui, en tout cas pour certains partis, les partis nationaux ne sont pas très fort ds point de vue organisationnel, ils sont encore très marqués par les sections cantonales et la variété des sections cantonales. Ceci a pour effet de réduire la cohérence interne des partis politiques. Si on considère le parti démocrate chrétien en Valais, cela reste un parti majoritaire, voire hégémonique, un parti interclassiste , ais relativement à droite. Ce même parti à Genève est un parti minoritaire qui ne représente qu’entre 12% et 13% de l’électorat, très centriste, plus porrochesu parti socialiste valaisan que du PDC valaisan. C’est un exemple qui montre qu’un même parti dans deux cantons, selon sa position historique, selon sa position de parti majoritaire ou minoritaire peut être extrêmement différent. Cette variété, cette hétérogénéité se traduit en suite au niveau fédéral dans le système de parti que l’on connait au niveau national.

Le découpage des circonscriptions électorales en Suisse est calqué sur le découpage fédéraliste. Autrement dit, les cantons constituent les circonscriptions électorales. Le découpage des circonscriptions électorales est calqué sur le découpage fédéraliste territorial et donc les cantons en Suisse sont les circonscriptions électorales. Cela signifie que lors des élections fédérales, les enjeux locaux propres à chacun des cantons comptent aussi et comptent parfois même beaucoup en plus des enjeux nationaux. Les enjeux locaux comptent beaucoup en plus des enjeux nationaux et les campagnes électorales locales comptent en plus des campagnes électorales nationales de partis.

Lorsqu’on parle d’élections fédérales en Suisse, on parle aussi d’élections qui ont lieu dans chaque canton et qui sont fortement influencés par les réalités, les contextes , ais aussi les enjeux propres à chaque canton. Henry H. Kerr disait qu’en Suisse, les élections nationales n’existent pas, les élections fédérales n’existent pas, ce ne sont en réalité que des élections cantonales parallèlement et simultanées. Cela donne l’idée de l’importance du contexte local dans la définition des préférences dans les élections fédérales.

Le fait que l’on ait ce découpage des circonscriptions calquées sur les cantons à la fois pour le national et pour les États, pour les deux chambres, cela signifie, qu’un parti, pour pouvoir progresser sur l’ensemble de la Suisse doit progresser dans plusieurs cantons à la fois et si possible dans tous les cantons à la fois. Si un parti ne progresse que dans quelques cantons, le progrès pourrait être contrebalancé par une stagnation ou des pertes dans d’autres cantons. Ce mécanisme a pour effet de rendre plus compliquée la progression d’un parti sur l’ensemble de la Suisse. Cela ne fait que mettre en évidence de manière supplémentaire à quel point la montée en puissance de l’UDC depuis vingt ans est spectaculaire. Parce que pour assurer cette montée en puissance, l’UDC a dû parvenir à progresser dans l’ensemble de la Suisse. L’UDC a progressé de manière substantielle dans tous les cantons suisses désormais.

S’agissant du rôle du fédéralisme, nous avons dit que le fédéralisme influence les élections en Suisse parce que les élections dites nationales ne sont pas tout à fait nationales en Suisse. En réalité, cela se passe beaucoup dans les cantons et le niveau national, les enjeux nationaux, la campagne nationale n’a pas grande importance. Cela était exagéré déjà à l’époque. On avait déjà à l’époque une forme d’élection nationale, et puis surtout, au cours des trente dernières années, on a assisté à une forte nationalisation des élections en Suisse. On a assisté à une forte nationalisation, les élections sont beaucoup plus nationales aujourd’hui qu’elles l’étaient il y a trente ans. Le système de parti suisse également, même s’il est toujours marqué par le contexte local est quand même beaucoup plus national aujourd’hui qu’il l’était il y a trente ans.

Cette nationalisation du système de parti et cette nationalisation des élections est dues en partie voire en bonne partie par la montée en puissance de l’UDC qui s’est faite aux quatre coins du pays. L’UDC a progressé partout y compris dans les cantons où elle était très forte, voire inexistante. Ces conquêtes de l’UDC dans tout le pays ont contribué rendre le système de parti dans son ensemble beaucoup plus national.

Le système électoral

Nous débutons ave quelques éléments de définition, notamment nous demander ce qu’est le système électoral et quels sont les effets attendus d’un système électoral.

Le système électoral, ce qu’on appel aussi le « mode de scrutin », sont les règles qui définissent et qui déterminent comment traduit-on les suffrages en siège, à savoir comment les voix exprimées se traduisent en sièges pour les partis et les candidats et en suite comment on distribue les sièges entre les différents partis. En d’autres termes, cela est comment on transfert et traduit les voies en sièges et ensuite comment on distribue les sièges entre les partis.

Définitions

Il y a deux grands types de systèmes électoraux qui sont le système majoritaire et le système proportionnel.

Le système majoritaire, comme son nom l’indique, ce système utilise la règle de la majorité comme critère afin de convertir les voies en sièges. Un parti ou un candidat, des partis ou des candidats qui ont obtenu la majorité absolue ou en tout cas plus de voies que les autres candidats et partis reçoivent tous les sièges, ils l’emportent. Dans un système comme celui-là, s’il y a trois partis, et qu’il y a un seul siège à disposition, c’est le parti qui sera en tête qui obtiendra le siège.

Ce système majoritaire a pour conséquence et but de dégager des majorités fortes et uniformes puisqu’on privilégie les grands partis, ceux qui sont devant, automatiquement, le grand parti ou les quelques grands partis vont se retrouver surreprésenter et vont donc pouvoir gouvernement avec une majorité plus homogène.

L’autre type de système est le système proportionnel, comme son nom l’indique également, ce système distribue les sièges plus ou moins proportionnellement au suffrage exprimé. Il permet donc de représenter assez fidèlement les votes exprimés par les citoyens et les citoyennes qui ont voté.

Dans ce système, on distribue les sièges de manière un peu plus prés proportionnels, on essaie de distribuer de manière proportionnelle les sièges en fonction du rapport de force qui s’est exprimé dans les urnes, en d’autres termes en fonction de la part des voies obtenues par chacun des partis.

Si on résume, il y a un système qui est le système majoritaire qui tend à distribuer les voies en fonction du critère majoritaire et qui va concentrer les sièges sur un ou quelques partis. L’autre système tend à distribuer les sièges à peu près proportionnellement à la force électorale telle qu’elle a été exprimée dans les urnes.

La loi Duverger

Sur cette base, il y a une fameuse loi dans la science politique comparée, une hypothèse qui a été développée par Maurice Duverger, un politologue français. Duverger, dans un livre sur les partis politiques en 1951 avait formulé sa thèse et son hypothèse intubée la loi Duberger.

Cette loi postule qu’il y a un lien étroit entre le système électoral que l’on choisit dans un pays ou une région et le système de parti qui va se développer dans cette région ou se pays. C’est une loi relativement simple :

  1. Le système proportionnel favorise le multipartisme, à savoir plusieurs partis qui se partagent les sièges ;
  2. Le système majoritaire favorise les grands partis voire même le bipartisme, cela favorise donc quelques grands partis ou même selon le type de règle majoritaire que l’on applique, cela peut conduire au bipartisme, donc seulement deux partis qui sont actifs e qui sont présent dans un contexte.

Cette loi se développe selon deux types d’effet, à savoir un effet mécanique (1) et un effet psychologique (2). Nous faisons référence au système majoritaire, dans le système proportionnel, la règle est assez claire, le système est proportionnel, donc il y a plusieurs partis. Dans le système majoritaire, la loi est que dans un système majoritaire, il y a quelques partis seulement voire même deux partis à cause d’un effet mécanique et d’un effet psychologique.

L’effet mécanique porte sur le mécanisme de conversion des voies en siège. SI on applique un système majoritaire, cela veut dire qu’il y a une barrière assez élevée à atteindre pour pouvoir être élue. En d’autres termes, avec ce système il y a une barrière assez haute à atteindre pour pouvoir avoir des représentants. Le cas extrême est une majorité absolue où il faudrait à un parti plus de 50% des voies pour obtenir des sièges. Dans un tel contexte, cela tend à favoriser les grands partis parce que seulement les grands partis sont capables d’obtenir suffisamment de sièges afin de passer ce cap majoritaire.

Comme le système a cette demande élevée, ce système récompense les grands partis. Dans un système majoritaire, les grands partis sont surreprésentés tandis que les petits partis sont sous-représentés.

S’il y a un système dans lequel c’est le premier parti qui passe alors le plus grand parti va passer et rafler toute la mise. On parle d’un système « winner takes all », à savoir que le gagnant prend tous les sièges à disposition. Dans ce cas là, si on multiplie les circonscriptions où le grand parti va rafler toute la mise, il y aura à la fin une surreprésentation des grands partis tandis que les petits partis seront sous-représentés.

En quelque sorte, les voies qui sont exprimées pour les petits partis sont perdues parce qu’elles ne sont jamais capables d’atteindre le seuil majoritaire. C’est le premier effet mécanique qui concerne donc comment traduit-on les voies en sièges.

Le deuxième effet est un effet psychologique, à savoir un effet psychologique qui est lié à l’effet mécanique. L’effet psychologique est lié à l’effet mécanique décrit et se produit à la fois du côté des partis politiques et des électeurs. Il y a chez les partis et les électeurs un mécanisme d’anticipation des résultats en fonction du système majoritaire à l’œuvre.

Prenons l’exemple du Conseil des États en suisse avec seulement deux sièges à disposition. Il est clair qu’avec seulement deux sièges, il faut être un grand parti pour espérer obtenir l’un des deux sièges. Si un petit parti se présente à l’élection, on sait par avance qu’il aura peu de chances de gagner parce que la barre est trop haute pour lui. Donc, cet effet psychologique a pour conséquence de décourager les petits partis à candidater, et les petits partis renoncent à se porter candidat parce qu’ils savent par avance qu’ils ont peu de chance voire pas de chance du tout de passer la rampe.

Donc, ce mécanisme psychologique tend à nouveau à favoriser les grands partis parce qu’il dissuade les petits partis de se porter candidat.

Il en va de même du côté des électeurs. Les électeurs qui se rendent à un scrutin de type majoritaire comme aux élections fédérales en Suisse avec seulement deux sièges à disposition, s’il y a six listes et que la quatrième, cinquième et sixième liste sont des petits partis dont on sait par avance qu’ils ne vont jamais être parmi les deux premiers, alors les électeurs vont avoir tendance à renoncer à voter pour les petits partis sachant par avance que ceux-ci n’ont pas de chance d’être élu.

Cet effet psychologique va à nouveau favoriser les grands partis.

C’est la règle de base de la loi de Duverger qui a été largement commenté, critiqué et révise, on sait maintenant qu’il y a d’autres mécanismes qui jouent un rôle et ce n’est pas seulement le système électoral qui explique l’offre politique ou le résultat des élections, mais enfin, c’est une règle qui permet quand même de se faire une idée des effets généraux de ces deux grands types de scrutins.

Pour résumer, le système proportionnel conduit au multipartisme et le système majoritaire conduit à quelques grands partis voire même au bipartisme dans des cas bien spécifiques. Ce détour par le système électoral permet de montrer ce qui se passe en Suisse au niveau des élections fédérales, quel type de système électoral on a et comment il influence les élections.

Autres facteurs déterminants le degré de proportionnalité dans un système proportionnel

Nous avons beaucoup parlé du système proportionnel. En règle générale, un système proportionnel favorise le multipartisme, mais après, dans la grande catégorie des systèmes proportionnels, il y a toute une série de variations et de critères qui font que le système est plus ou moins proportionnel.

Donc, quels sont les autres facteurs qui déterminent le degré de proportionnalité dans un système traditionnel ?

Le premier facteur évident est le nombre de sièges à disposition comme, par exemple, dans le parlement. S’il y a un parlement avec seulement 20 sièges ou un parlement avec 200 sièges, cela va modifier le caractère proportionnel de l’élection.

Une autre question est de savoir s’il y a un quorum légal qui est prévu ? Cela veut dire que l’on fixe un seuil minimum en dessous duquel un parti n’aura pas de sièges comme, par exemple, le fait qu’il faut qu’un parti fasse au moins 5% des voies avoir des sièges, en dessous, il ne sera pas représenté. SI on fixe un tel quorum, cela défavorise les petits partis qui sont en dessous du seuil théorique.

On parle aussi d’un quorum naturel. Pour calculer, le quorum naturel, on utilise la formule suivante : . Le quorum naturel est lié au découpage des circonscriptions et au nombre de sièges à disposition par circonscription. Si on a un système proportionnel, mais que l’on applique dans une circoncision électorale où il y a peu de sièges, alors le système n’est pas tellement proportionnel parce que ce nombre limité de sièges à disposition va réduire le caractère proportionnel de l’élection. C’est ce qu’on appelle la magnitude du district qui veut dire que la taille du district est définie par le nombre de sièges à disposition.

S’il y a dans une circonscription seulement 5 sièges à pourvoir, dans une telle circonscription, il y aura un quorum naturel d’environ 16%. Cela veut dire qu’un parti qui ne ferrait pas au moins 16% ne pourra pas avoir de siège. Même si le système est proportionnel, le fait d’avoir un nombre de sièges limité à disposition crée un quorum naturel. En dessous de 16%, un parti n’a pratiquement aucune chance d’avoir un siège.

L’idée est qu’un système proportionnel dans lequel il y a un quorum légal et/ou des quorums naturels parce qu’un découpage en circonscription et une petite taille des circonscriptions, un tel système va se distancer d’un système proportionnel pour se rapprocher d’un système majoritaire.

La logique derrière est de favoriser les grands partis. Plus le quorum est élevé et plus on va s’approcher d’un système majoritaire. S’il y a une circonscription avec trois sièges à disposition, on a un quorum naturel de 25%, c’est-à-dire qu’un parti doit au moins faire 25% des voies pour avoir un siège. On s’approche d’une logique propre à un scrutin majoritaire.

Le système électoral en Suisse

En Suisse, il y a, s’agissant des élections au Conseil national un système proportionnel dans tous les cantons sauf dans les cantons qui n’ont qu’un siège pour le national. Pour le national on distribue le nombre de sièges par canton en fonction de la taille du canton, c’est-à-dire en fonction de la population. Les plus petits cantons suisses sont tellement petits qu’ils ont droit qu’à un seul siège au Conseil national. Dans ces cantons, par nécessité, par définition, c’est un système majoritaire qui s’applique. Si l’on n’a qu’un siège, le système est forcément majoritaire. On ne peut pas avoir un système proportionnel s’il n’y a qu’un siège à disposition.

Hormis cette exception des plus petits cantons qui n’ont qu’un seul siège, il y a un système proportionnel dans tous les autres cantons suisses. C’est une règle nationale, une loi fédérale sur les droits politiques qui s’applique à tous les cantons.

Donc, au Conseil national, il y a un système qui favorise le multipartisme en tout cas dans les plus grands cantons. Dans les plus grands cantons comme Zurich avec 35 sièges, même des cantons de taille moyenne comme Genève avec 11 sièges et Lucerne avec 10 sièges, dans ces cantons, même pour un petit parti, il est possible d’espérer avoir un siège et donc cela multiplie les listes et le nombre de partis qui seront représentés. Le système proportionnel favorise le multipartisme, en tout cas dans les cantons de taille moyenne et plus grande.

Dans ces petits cantons qui ont par contre un seul siège, dans lesquels le système majoritaire s’applique, dans ces cantons-là, il y a une logique majoritaire qui s’impose et elle favorise un, deux ou trois grands partis dans le canton. Cette logique majoritaire a pour effet de diminuer l’offre électorale, il y a moins de partis qui se portent candidats et il y en a un seul qui est élu puisqu’il n’y a qu’un seul siège. La compétition se résume à deux ou peut être trois partis dont un seul est élu. Cela favorise la concentration autour d’un nombre limité de partis.

Dans ce cas, il faut soit que les partis soient grands dans le contexte local et/ou capable de faire alliance pour faire une coalition et espérer ainsi renforcer le poids de la coalition électorale.

Au Conseil des États, la deuxième chambre, celle du canton, il y a une logique différente puisque là on a dans tous les cantons sauf deux, il y a un système majoritaire. Dans la plupart des cantons, on a un système majoritaire à deux tours. Cela veut dire qu’un candidat doit obtenir la majorité absolue au premier tour, seuls sont élus les candidats qui ont obtenu la majorité absolue au premier tour et si ce n’est pas le cas, il y a un deuxième tour et ce sont les deux premiers qui sont élus.

Dans un tel contexte, on retrouve cette logique majoritaire qui favorise les plus grands partis. Seuls les partis qui sont capables de se battre afin d’avoir l’un des deux sièges à disposition se portent candidat et sont le cas échéant effectivement élus.

La logique majoritaire est très forte dans les élections au Conseil des États et favorise les grands partis contrairement à la logique proportionnelle qui prévaut pour le Conseil National. Il y a donc deux logiques différentes en Suisse, à savoir une logique plus proportionnelle pour les nationales et une logique plus majoritaire pour les États.

L’exception en Suisse est illustrée par deux cantons qui ont choisi d’avoir un système proportionnel y compris pour le Conseil des États, ce sont le canton de Neuchâtel et le canton du Jura. Il faut noter qu’en la circonstance, le système n’est pas tellement proportionnel parce que de nouveau, il n’y a que deux sièges à disposition pour chaque canton et il y a donc un quorum naturel qui est très élevé de presque 33% des voies. Seuls les grands partis, même à Neuchâtel et en Jura ont la chance de passer la rampe.

Les conséquences du système électoral

Quelles sont les conséquences de ces deux types de scrutins, de ces deux chambres qui sont élues selon un système tellement différent dans une chambre et dans l’autre ?

Élections fédérales 2015: répartition (provisoire!) des sièges.

Les conséquences se voient visuellement. Si on admet que cette projection est fidèle à la réalité, au Conseil national, l’UDC domine très nettement, l’UDC a 29% des voies, mais 32% des sièges. Viennent après le parti socialiste, le PLR et le PDC. Ce qui frappe est le contraste entre la force en sièges de l’UDC au Conseil national et sa force en siège au Conseil des États. Là où l’UDC a 32% des sièges au national, il va avoir environ 15% de sièges au Conseil des États. C’est un contraste considérable de forces parlementaires pour un parti.

Il y a la situation inverse pour les deux partis de la droite modérée. Le PLR et le PDC font respectivement 17% et 13% de sièges au national, mais qui ont 26% et 28% des sièges du Conseil des États. Ces deux partis sont beaucoup plus forts en sièges au Conseil des États qu’ils ne le sont au Conseil national. Ces différences sont en bonne partie du au système électoral et au découpage en circonscriptions existant en Suisse.

Les conséquences sont qu’on a d’un côté une forte sous-représentation de l’UDC au Conseil des États. Pourquoi est-ce que l’UDC réussit si bien au Conseil national et si mal au Conseil des États ? Qu’est-ce qui explique que l’UDC ait une telle différence de succès dans une chambre et dans l’autre.

Le profil très marqué de l’UDC, sa radicalisation à droite est une arme à double tranchant comme expliqué dans l’article Les deux principales causes de la sous-représentation de l'UDC dans les gouvernements cantonaux : un profil trop marqué et des sections insuffisamment établies du professeur Pascal Sciarini[1].

D’un côté, ce profil très marqué est un avantage dans une élection à la proportionnelle. Dans une telle élection, un profil très marqué permet de fortement mobiliser l’électorat, cela permet aux partis de se distinguer des autres et donc de capter, de mobiliser fortement les personnes qui s’imaginent voter pour le parti. Le profil très marqué, la campagne très dure que mène souvent ce parti dans une élection proportionnelle lui permet de mobiliser ses voies. Tout ce qui compte est le pourcentage de voix que l’on obtient. Le pourcentage de voix que l’on obtient est proportionnellement traduit en sièges.

Par contre, dans une élection au système majoritaire où il faut être soit un très grand parti, soit être capable de faire des alliances et de « ratisser large », c’est-à-dire aller chercher des voies au-delà de son propre parti. Un parti comme l’UDC qui a un profil très marqué n’est pas capable de « ratisser large ». Il est difficilement capable de faire alliance puisqu’il a des positions tellement dures qu’il se fâche avec a peu près tout le monde est donc cela est difficile pour les autres partis de faire alliance avec l’UDC sachant que l’UDC n’arrête pas de les dénigrer. Donc, cela limite les possibilités d’alliance pour ce parti et une alliance est importante pour franchir la cape majoritaire, et en plus, les candidats de l’UDC souvent sont eux-mêmes très marqués comme le parti et donc ces candidats individuellement en sont pas tellement capables d’aller chercher des voies en dehors de leur propre parti limitant fortement leur chance de succès.

Les deux partis de la droite modérée à savoir le Parti libéral radical et le Parti démocrate chrétien sont dans une configuration exactement inverse à celle de l’UDC. Ces deux partis sont fortement surreprésentés au Conseil des États par rapport à leur force électorale réelle. Le PLR est environ 16% de l’électorat et le PDC est environ 14% de l’électoral. Ils sont beaucoup plus forts et surreprésentés au Conseil des États.

La raison est que ces deux partis, lors d’une élection majoritaire sont favorisés, ils ont un avantage parce qu’ils ont une position relativement centraliste qui leur permet de faire des alliances (1) entre eux ou avec d’autres partis de la droite modérée, cela permet à ces partis de présenter des candidats qui sont capables d’aller glaner des voies bien au-delà de leur propre camp électoral (2). Le PDC et le PDR sont largement capables de faire des alliances parce que leur profil modéré est un atout pour faire alliance avec le centre droit et même la droite un peu plus dure, et d’autre part, ces partis sont capables de présenter des candidats qui vont aller glaner des voies bien au-delà de leur propre parti. C’est la recette à succès pour une élection au système majoritaire.

Par contre, le prix que ces partis ont à payer est un moindre succès dans les élections au système proportionnel parce que dans ces élections, ces partis souffrent de leur manque de profil. Ce sont des partis de la droite modérée, dans un contexte très polarisé d’un gauche dur et d’une droite dure, c’est difficile pour un discours modéré d’être audible. Cela est difficile de mobiliser l’électorat donc ces deux partis sont dans une position qui est exactement inverse à celle de l’UDC. Ils souffrent aux élections à la proportionnelle, mais ils profitent pleinement des élections au système majoritaire.

Les partis politiques ont un succès très variable selon que l’on parle des élections du Conseil national ou du Conseil des États, mais cela a des implications concrètes dans l’activité législative du parlement. Les deux chambres en Suisse ont exactement les mêmes prérogatives, ce qui veut dire que les deux chambres doivent se mettre d’accord sur le même texte. Aucune loi ne peut passer en Suisse tant qu’elle n’est pas adoptée dans le même contenu par les deux chambres.

Avec une telle différence de composition des deux chambres avec l’UDC très forte au national et faible aux États, le PLR et le PDC assez faible au national, mais très fort aux États ; ces différences de compositions des chambres vont se traduire par des différences de préférences politiques dans les deux chambres par des différences de majorité politique dans les deux chambres. Donc, on peut s’attendre pour la prochaine législature a des tensions accrues entre les deux chambres parce que leur composition fait qu’elles vont donner naissance à des textes de loi qui ne sont pas les mêmes et donc il faudra se mettre d’accord. Il y a des mécanismes de va-et-vient entre les deux chambres, peut-être de conciliation pour peut-être arriver à une solution. On peut aussi imaginer que ces tensions entre les deux chambres débouchent sur des blocages, c’est-à-dire qu’on n’arrive pas à se mettre d’accord et on campe sur ses positions et donc on n’arrivera même plus à légiférer. Ce n’est pas un cas fréquent, mais c’est un cas qui pourrait bien se produire.

On voit ainsi comment les règles électorales qui débouchent sur des rapports partisans très variables en fonction des règles électorales en vigueur ont en suite des conséquences sur l’activité législative du parlement dans un contexte de bicamérisme intégral ou de bicamérisme parfait tel qu’on le connaît en Suisse.

Structure des clivages

On entend souvent parler de clivage comme, par exemple, le röstigraben qui est le clivage linguistique en Suisse entre la Suisse romande et la Suisse alémanique, on parle parfois de clivage ville – campagne. Qu’est-ce que cela est ?

Clivage politique : définition

D’un point de vue strict, Bartolini et Mair dans leur ouvrage Identity, Competition, and Electoral Availability publié en 1990 parlent de clivage politique si et seulement si trois conditions sont réunies. Un clivage politique présuppose la présence de trois composantes :

  1. Une composante structurelle empirique qui est une différence, une vision sociale ou une vision culturelle. En Suisse cela est très évident avec plusieurs langues, plusieurs religions, des classes sociales différentes. Donc les différences vont être identifiables empiriquement. Cela est assez évident de distinguer un alémanique d’un roman par exemple. On doit être capable d’observer empiriquement une différence sociale ou culturelle entre des groupes.
  2. La deuxième composante est culturelle-normative. Il faut que ces groupes distincts possèdent chacun des croyances, des valeurs, des préférences propres à leur groupe et différentes des valeurs, des croyances et de préférence des autres groupes. S’il y a d’autres groupes différents, mais qui ont les mêmes préférences, il n’y a pas de potentiel pour un clivage. Si les alémaniques et les romans avaient exactement les mêmes préférences, croyances et valeurs, il n’y aurait pas de clivage possible entre les régions linguistiques. Il faut que chacun de ces groupes possède des valeurs, des croyances et des préférences propres et que ces valeurs, ces croyances et ces préférences se distinguent de celles de l’autre ou des autres groupes. Même s’il y a ces deux conditions, il n’y a pas encore de clivage politique, il y a un clivage qui est potentiel, mais qui n’est pas manifeste.
  3. Pour rendre le clivage manifeste, il faut la troisième condition qui est une composante politico-organisationnelle. Il faut un parti politique ou une organisation qui article et mobilise le clivage. S’il n’y a pas d’organisation qui rend visible, qui articule politiquement le clivage, alors il ne se passe rien, il y a un clivage potentiel, mais personne ne le rend manifeste. Si on prend l’exemple du clivage linguistique en Suisse, selon cette définition, stricto sensu, le clivage linguistique n’existe pas parce qu’il n’y a pas d’organisation, de parti politique en Susse qui s’est créé explicitement pour défendre les intérêts de la Suisse romande contre la majorité alémanique ou pour défendre les intérêts de la majorité alémanique contre la Suisse romande. Il y a une seule exception qui est la Lega ticinesi. La Lega s’est créé au Tessin en autre pour défendre les intérêts de la minorité italophone vis-à-vis de la Berne fédérale. Sinon, il n’y a pas de clivage linguistique selon cette définition stricte. Après, il peut y avoir des votations populaires ou les différences et les préférences entre alémaniques et romans sont manifestent, mais il n’y a pas d’organisation qui articule ce clivage.

On distingue deux types de clivages politiques que sont les clivages traditionnels et les clivages plus récents. L’étude des clivages a été déjà faite depuis les années 1950 et en particulier par Lipset et Rokkan dans Party systems and voter alignments: Cross-national perspectives publié en 1967. Lipset et Rokkan ont montré l’évolution historique des quatre clivages traditionnels existant dans la plupart des pays européens dont la Suisse, à savoir le clivage religieux, le clivage centre – périphérie dit aussi linguistique en Suisse, le clivage de classe et le clivage ville – campagne.

Ces clivages sont liés soit au processus d’industrialisation comme c’est le cas avec le clivage de classe ou le clivage ville – campagne, soit ils ont liés historiquement à la création de l’État-Nation et donc aux tentatives homogénéisatrice du centre que serait le clivage centre – périphérie ou linguistique, éventuellement le clivage religieux.

Ce sont les clivages traditionnels qui sont plus ou moins importants dans les pays. Généralement, on considéré que leur importance à diminuer au cours du temps. Par exemple, le clivage religieux était très fort en Suisse au XIXème siècle et c’est même le clivage qui a donné naissance à la Suisse moderne. La guerre du Sonderbund était en grande partie une guerre sur une base religieuse et ce clivage a en suite beaucoup perdu de son importance au cours du XIXème et XXème siècle. Le clivage de classe a été un peu reformulé, mais globalement, ces clivages traditionnels ont eu tendance à perdre de l’importance au fil du temps.

Ces clivages classiques ont perdu de l’importance au fil du temps ce qui a permis à de nouveaux clivages d’émerger. On parle de pacification des clivages traditionnels. Cette pacification a créé l’espace pour l’affirmation et l’émergence de nouveaux clivages dont le clivage matérialiste – postmatérialiste.

Le clivage matérialiste – postmatérialiste est un clivage qui a été identifié dans les années 1980 et 1990. Il serait dû au renouvellement générationnel et en particulier aux expériences spécifiques que les générations nées après-guerre ont connu par opposition aux générations nées avant la Seconde guerre mondiale. Ces générations nées après-guerre auraient connu un environnement d’abord sans guerre et pacifiste, et surtout un environnement dans lequel l’éducation au fortement augmenté, la société s’est émancipée et cela a favorisé l’émergence de valeurs postmatérialistes. Cela signifie des valeurs plus d’épanouissement personnel et aussi des valeurs plus favorables à la protection de l’environnement contre la croissance économique. Le conflit environnemental est souvent rattaché à l’émergence du clivage matérialiste – postmatérialiste.

L’autre nouveau clivage est le clivage ouverture – tradition, on dit parfois intégration – démarcation ou modernisation – tradition. Ce clivage de valeurs est un clivage de plus en plus important dans la politique suisse qui a commencé à s’affirmer dans les années 1980 et 1990 et il s’est renforcé encore au cours des années 2000 et 2010 qui est l’opposition entre les milieux favorables à l’ouverture internationale, à la solidarité et à la modernisation de la société contre les milieux favorable à la défense des traditions, à l’indépendance traditionnelle de la Suisse et par exemple au refus à l’ouverture de l’Union européenne. Cela est la dimension normative de ce nouveau clivage ouverture – tradition.

On considère que ce clivage a des racines sociostructurelles. C’est ce qu’on considère aussi comme étant le clivage perdant – gagnant qui est le même que le clivage ouverture – tradition sauf que le clivage ouverture – tradition se situe au niveau des valeurs tandis que le clivage gagnant – perdant est sa traduction du point de vue sociologique des caractéristiques individuelles des personnes qui portent ces valeurs d’ouverture d’un côté ou des valeurs de tradition et de repli sur soi de l’autre.

Synthèse de l'introduction à la politique suisse

D’abord, nous avons vu que le contexte institutionnel des politiques de la Suisse influence fortement les élections fédérales. Les élections fédérales sont très marquées par les caractéristiques du système institutionnel suisse notamment le rôle du système de gouvernement, de la démocratie directe, du fédéralisme et du système électoral et en plus la conjonction entre le système électoral et le fédéralisme.

Cela influence fortement le contexte des élections, pas seulement pour les partis politiques, mais aussi pour les électeurs et électrices. Cela influence déjà en amont l’offre de parti et la manière dont ils vont changer ces partis.

On pourrait se demander pourquoi parler des élections fédérales alors que nous avons cessé de dire que les élections fédérales en Suisse étaient peu importantes. Il y a une vue classique selon laquelle les élections parlementaires en Suisse ne sont pas très importantes ou en tout cas, elles sont beaucoup moins importantes qu’ailleurs. Cette vue classique continue d’être en tout cas en partie valable. Les élections parlementaires ont peu d’importance en Suisse parce qu’elles ont peu d’influence sur la composition du gouvernement, elles sont concurrencées par la démocratie directe et en raison de la fragmentation du système de parti et du fédéralisme, les changements de rapport de force entre les partis de grande ampleur sont peu probables en Suisse. La fragmentation du système de parti, ce découpage fédéraliste, limite les possibilités qu’un parti, tout d’un coup, grandisse partout très fortement.

Il y a une vue révisée de cette vue classique. Certes, les changements de grande ampleur sont peu probables en Suisse d’une élection à l’autre. Le 18 octobre 2015, on a parlé de « raz de marré UDC » pour 3% de gain au niveau national. Cela n’est pas énorme, mais il n’empêche que ces 3% viennent s’ajouter à tous les gains qui ont été faits avant et donc même si d’une élection à l’autre il n’y a pas de changement de grande ampleur, il peut y avoir sur deux ou trois élections des changements de grande ampleur. L’UDC a multiplié par plus de 2,5 sa force électorale en l’espace de vingt ans. Des changements de grande ampleur sont possibles en Suisse. Cela augmente l’importance des élections.

Lié à la montée en puissance de l’UDC, il y a eu une augmentation de la polarisation de la politique suisse, à savoir une polarisation de plus en plus grande entre l’UDC et la gauche donc, un éloignement idéologique de plus en plus marqué entre les pôles. De ce fait, la politique suisse, pas seulement les élections, mais aussi au jour le jour au parlement lorsque le parlement élabore des lois, la politique suisse est devenue plus conflictuelle et est devenue plus concurrentielle, il y a beaucoup plus de compétition entre les partis qu’avant. Cela est beaucoup plus vif à la fois en campagne électorale, mais aussi dans l’activité législative du parlement. Donc la politique est devenue beaucoup plus conflictuelle, beaucoup plus concurrentielle, cela augmente l’intérêt et l’importance des élections parlementaires.

Des chercheurs ont montré que le système de parti en Suisse est désormais l’un des plus polarisés d’Europe. Cela est quand même frappant que dans le pays du consensus, on a en réalité un niveau de polarisation qui est l’un des plus élevés d’Europe et il a fortement augmenté au cours des vingt dernières années.

D’autre part, il est vrai que les élections parlementaires n’ont pas beaucoup d’impact sur la composition du gouvernement en Suisse, mais on sait désormais que les élections parlementaires ont une influence au moins sur le septième siège et peut être sur le sixième à l’avenir. Il y a au moins un siège qui est en jeu à chaque élection, ce n’est pas tout le gouvernement, mais cela augmente tout de même l’importance des élections parlementaires.

Enfin, là où le fédéralisme réduisait l’importance des élections nationale parce que le fédéralisme avait pour conséquence d’augmenter le poids des enjeux locaux, des considérations locales, des campagnes cantonales dans les élections nationales, il y a eu une nationalisation du système de parti, une nationalisation des élections et donc les élections parlementaires nationales sont aujourd’hui beaucoup plus nationales qu’elles l’étaient il y a vingt ans et cela a aussi augmenté l’importance des élections nationales. Elles sont moins marquées qu’auparavant par les spécificités cantonales, elles sont plus nationales qu’avant.

Tout ceci contribue à augmenter l’intérêt et l’importance des élections parlementaires en Suisse.

Comment cela se traduit dans la politique suisse ?

Valeurs politiques: position moyenne de l’électorat des partis. Source: Données Selects (Pascal Sciarini).

Ce graphique nous présente la position moyenne de l’électorat des différents partis dans un espace à deux dimensions. Les données sur lesquelles nous nous appuyons sont des données d’enquêtes d’opinion, de sondages réalisés après les élections fédérales.

Depuis 1995, l’Université de Genève avec d’autres universités suisses contribue à l’enquête SELECT (Swiss election studies), enquête conduite chaque quatre an et aussi accompagné d’une enquête d’opinion postélectorale auprès de jusqu’à 4000 personnes au niveau suisse.

Dans cette enquête est demandée notamment aux personnes qui répondent formant l’échantillon d’indiquer leurs préférences sur des axes de 1 à 6 et on leur demande de dire quelle vision de la Suisse défendent-ils.

Les questions utilisées afin de produire ces deux dimensions, est, pour l’axe horizontal, des questions redistributives classiques que l’on pourrait appeler le clivage gauche – droite économique. Pour l’axe horizontal, la question est de savoir si on est pour une Suisse dans laquelle on augmente les dépenses sociales ou pour une Suisse dans laquelle on réduit les dépenses sociales de la confédération. La deuxième question est de savoir si on est pour une Suisse dans laquelle on augmente l’impôt sur les hauts revenus ou est-on pour une Suisse dans laquelle on diminue l’impôt sur les hauts revenus. Chaque fois, ce sont des préférences de gauche ou de droit et après on calcule la position moyenne des électeurs qui stipule pour quel parti ils ont voté sur cet axe.

Idem pour l’axe vertical. Il y a deux questions qui sont derrière la représentation qui est d’abord une question sur les étrangers, à savoir si on est favorable à une Suisse qui donne les mêmes chances aux étrangers et aux suisses ou, est-ce qu’on est favorable à un Suisse qui favorise les suisses sur une échelle de 1 à 6. La deuxième question est de savoir si on est favorable à une Suisse qui adhère à l’Union européenne ou à une Suisse qui fait cavalier seul.

L’axe horizontal est un axe « pour » ou « contre » l’État ou « pour » ou « contre » le marché. C’est une simplification, mais on procède de cette manière généralement. L’axe vertical est cette l’axe de fermeture ou de tradition et d’ouverture.

Apparaît la position moyenne des différents électorats de partis en 1995 et en 2011. On voit qu’il y a un électorat de gauche en haut à gauche avec le Parti socialiste et les Verts, un électorat UDC en bas à droite et au milieu l’électorat de la droite modérée.

Si on trace une droite médiane qui est la droite de régression au milieu des points, apparaît l’axe gauche – droite. La dimension gauche – droite en Suisse est un peu la synthèse de ces deux dimensions avec l’axe gauche – droite économique et le nouvel axe de valeur tradition – ouverture, intégration – démarcation. Les partis ne sont pas alignés parfaitement sur la ligne, mais c’est assez frappant de voir qu’on peut résumer l’information.

Il faut aussi souligner que l’électorat UDC se distingue à peine des autres électorats sur la dimension électorale. Sur cette dimension horizontale, l’électorat UDC est en fait presque moins à droite, moins libéral économiquement que l’électorat PLR. Ce qui fait la spécificité de l’électorat UDC et ce qui fait la spécificité du parti UDC est clairement la position sur la deuxième dimension de la politique. C’est cette dimension qui explique le profil très marqué de l’UDC, c’est-à-dire les questions qui ont trait à l’intégration européenne, la politique d’asile, la politique d’immigration ou encore la souveraineté de la Suisse. D’autres études faites par ailleurs montrent clairement que c’est le profil très marqué de l’UDC sur cette dimension d’ouverture qui est à la base de son succès électoral, c’est cela qui est clef dans l’explication du succès de l’UDC et non pas sa position en matière d’enjeu économique.

On voit également que dans tous les partis presque sans exception, on a eu entre 1995 et 2011 une diminution des préférences d’ouverture. L’électorat de presque tous les partis s’est déplacé vers le bas et c’est entre autres et en bonne partie dû au recul du soutien à l’intégration européenne. La question de savoir si on est favorable à l’adhésion dans l’Union européenne, en 1995 entre 35% et 45% des personnes répondaient « oui », à peine 10% ou 20% aujourd’hui.

Le point est de montrer l’importance très grande désormais dans la politique suisse de cette nouvelle dimension de position sur un axe ouverture – tradition. Ce conflit satisfait les trois conditions présentées précédemment, à savoir une composante structurelle empirique, une composante normative culturelle et une composante politique organisationnelle qui définit un clivage.

Dans ce graphique, nous avons vu l’image globale de synthèse au niveau suisse. Mais si on descend au niveau des cantons, on va avoir des configurations très différentes. Les cantons suisses sont très variables des uns des autres et très différents des uns des autres en termes de structure de clivage et donc de système de parti. Dans les cantons catholiques, on a des clivages spécifiques qui ne sont pas les mêmes que dans les cantons non-catholiques. Dans les cantons qui sont très urbains comme Genève, il n’y a pas les mêmes clivages que dans les cantons qui sont plus ruraux. Donc, cela produit des systèmes de parti très différent d’un canton à l’autre et c’est ce qui, en retour, contribue aux fortes variations des systèmes de parti existant en Suisse au niveau cantonal et donc contribue à la fragmentation du système de parti au niveau national.

Si on avait des cantons qui étaient tous identiques les uns avec les autres, si tous les cantons étaient des reproductions miniatures de la Suisse, on aurait les mêmes clivages dans tous les cantons et les mêmes clivages au niveau suisse. Ce n’est pas le cas. C’est parce qu’il y a cette grande variété de clivages d’un canton à l’autre qu’on se retrouve après avec un système de parti très fragmenté au niveau fédéral parce que toutes ces spécificités cantonales influencent, marquent de leur empreinte le système de parti au niveau national.

Annexes

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Références

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