Great Britain: Colonization and the English Industrial Revolution

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Est-ce que les colonies américaines contribuent et si oui de quelle manière à l’expérience de démarrage industriel réussie de la Grande-Bretagne ?

C’est elle qui se lance la première dans la révolution industrielle et le cas de la Grande-Bretagne est toujours montré comme précurseur. Est-ce que son domaine colonial est un atout ? Un frein ? Sans son domaine colonial, l’industrialisation de la Grande-Bretagne se serait faite ?

La première question est au moment de la révolution industrielle qu’elle est le domaine colonial britannique ? Au milieu du XVIIIème siècle, est-ce un domaine colonial étoffé ? À titre de comparaison où peut-on le situer ? Y a-t-il des types de colonies différentes ?

Si on s’intéresse à la contribution des colonies à la révolution industrielle, il faut se poser la question des colonies. Dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, l’Inde n’est que très peu colonisée.

D’autre part, c’est un empire de création relativement récente, les premières implantations britanniques en Amérique du Nord datent du début du XVIIème siècle au plus tôt, par ailleurs, c’est un domaine colonial assez vaste, mais peu peuplé.

Il faut exclure les comptoirs et les points d’appui britanniques en Afrique occidentale et dans le sous-continent indien, ce sont des implantations dépourvues de base territoriale.

Dès lors, on distingue deux types de colonies qui composent l’Empire britannique à la veille de la révolution industrielle :

Le premier type sont celles qui vont devenir les États-Unis soit les treize colonies d’Amérique du Nord, sur le littoral atlantique ce sont des colonies d’Européens du centre et du nord. Les colonies de peuplement du centre sont le Maryland, le New Jersey, le Delaware, la Pennsylvanie et New York, au nord c’est la Nouvelle-Angleterre, le Connecticut, le Massachusetts, Rode Islande et le New Hampshire. Les habitants amérindiens de ces territoires ont été chassés au-delà de l’implantation.

Le deuxième type de colonies sont les colonies de plantations situées dans les Caraïbes, les Wests Indies, ce sont les Antilles britanniques avec la Jamaïque, la Virginie, la Géorgie, la Coraline du Nord ainsi que la Caroline du Sud qui sont exportatrice de denrées tropicales, café, indigo, tabac, sucre et de coton.

Ces possessions n’ont pas une population qui a la même composition que les colonies du premier type, les populations sont mélangées avec des esclaves africains importés qui constituent soit la majorité comme dans les Wests Indies soit de fortes minorités dans les États du sud des États-Unis.

Au total, le domaine colonial britannique d’ancien régime a des limites restreintes et vers le milieu du XVIIIème siècle la Grande-Bretagne contrôle 13 % de la superficie des terres possédées par les cinq puissances coloniales européennes et 10 % des populations qui les occupent.

Les puissances colonisatrices d’Ancien Régime sont l’Espagne et le Portugal, le domaine britannique vers le milieu du XVIIIème est moins étendu que les possessions portugaises et moins peuplées que les colonies hollandaises.

Quelle est l’importance de l’expansion coloniale pour l’industrialisation ?

Languages

La « thèse » de Williams

Eric Williams

Depuis cinquante ans, cette thèse imprègne la littérature spécialisée, les auteurs qui se posent cette question se situent par rapport à Eric Williams.

Williams est né en 1911 dans les West Indies à Trinité, colonie britannique depuis 1902, il étudie à Oxford où il présente en 1938 sa thèse de doctorat qui sera publiée en 1944 sous le titre Capitalism and Slavery[7], la traduction française est publiée à Paris en 1968.

« Cette présente étude se force de placer dans une perspective historique les rapports qui existent entre les débuts du capitalisme et les rapports entre le démarrage industriel réussi par la Grande-Bretagne trois choses : 1) la traite négrière 2) le système de plantation esclavagiste et 3) le commerce colonial ».

L’idée défendue qui est le cœur de sa thèse : « la découverte de l‘Amérique a été importante non pas pour les métaux précieux fournis par le Nouveau Monde, mais par de nouveaux et inépuisables marchés qu’elle offrit aux européens ».

Le Nouveau Monde est un débouché, un marché neuf très appréciable beaucoup plus important que les métaux précieux fournis.

Que gagne-t-on avec la colonisation de l’Amérique et qui gagne ? C’est le commerce mondial, l’accroissement considérable qui gagne « le commerce mondial est principalement dû au commerce triangulaire dans lequel la Grande-Bretagne fournie les exportations de biens industriels, l’Afrique les marchandises humaines et les plantations américaines les matières premières coloniales brutes ».

C’est un réseau et au sein de ce réseau, les colonies nord-américaines jouent un rôle particulier de fournisseur de denrées alimentaires pour les planteurs de canne à sucre et de leurs esclaves. Les colonies du nord et de l’est des États-Unis sont complémentaires de l’agriculture spécialisée des Antilles.

Schéma classique du commerce triangulaire entre l'Afrique, les Amériques et l'Europe.

Le réseau atlantique qui repose sur l’esclavage remplit ainsi trois fonctions pour l’économie de la Grande-Bretagne :

  • découché de produits britanniques
  • source d’approvisionnement de produits bruts et de matières premières
  • source de profits

Les trois fonctions sont dévolues aux colonies qui peuvent de ces différentes manières contribuer à l’industrialisation, au démarrage industriel de la Grande-Bretagne dans la seconde moitié du XVIIIème siècle.

Si les colonies le font efficacement, alors elles contribuent à l’industrialisation en la facilitant et en la portant.

L’une des idées de Williams était que sur le réseau atlantique, il y a toute une série d’activités : la traite négrière, le commerce colonial et également mis en place notamment dans les est Indes et les États-Unis à savoir le système de plantation.

Ce commerce se déroule dans le cadre du commerce triangulaire ; ces activités génèrent des profits, l’idée est que les bénéfices issus et générés sur ce réseau alimentent l’accumulation du capital en Grande-Bretagne contribuant au financement de la révolution industrielle. Ces bénéfices constituent un des courants soit une des sources de l’accumulation de capital afin de financer la révolution industrielle.

Profits d’outre-mer et formation du capital industriel

Ce qui a beaucoup attiré l’attention des historiens économistes parce que c’est quelque chose qui a tenu la vedette, ce sont les profits du trafic négrier.

Est-ce que le trafic des esclaves au XVIIIème siècle – qui est l’apogée de la traite atlantique et dont la première nation négrière d’Europe est la Grande-Bretagne – génère des profits et dans quelle mesure ont-ils contribué à la formation du capital industriel ? Est-ce qu’une partie du financement a pu prévenir des gains générés par la traite négrière ?

Pour retenir l’essentiel, il y a deux caractéristiques qu’il faut rappeler de la traite des esclaves et qui ont une incidence sur le taux de profit :

  • la première caractéristique est que pour lancer une expédition négrière il faut beaucoup d’argent, au XVIIIème siècle on disait que la traite est un commerce risque.
  • la deuxième caractéristique est que c’est un commerce hasardeux et risqué, la traite peut mener à des profits spectaculaires comme à des pertes retentissantes.

On s’est intéressé à évaluer les gains et surtout d’estimer la rentabilité soit le taux de profit. Connaissant le nombre de captifs transportés étant en mesure de déterminer l’évolution des prix, on arrive à évaluer le montant de l’évolution des gains.

Ce qui nous intéresse est le taux de profit ; les premières évaluations de la rentabilité du trafique négrier date déjà de la fin du XVIIIème siècle, l’une de ces évaluations qui aura un succès et une durée de vie très longue faisant office de référence est une évaluation de 30 % pour le port de Liverpool.

Ce taux a été repris notamment par Williams sans faire objet de vérifications ou de critiques jusqu’au milieu du XXème siècle. Avec un tel taux supposé, grâce aux intérêts composés, un capital placé à plus de 30 % double en moins de 3 ans, il n’est guère étonnant que les profits de la traite négrière aient été justifiés comme étant un apport important dans la révolution industrielle.

Ce taux de rentabilité a été revu à la baisse et plus personne ne retient ce taux, la plupart des spécialistes retiennent un taux de 8 % à 10 % par an pour la traite britannique de la seconde moitié du XVIIIème siècle.

À partir des années 1970 – 1980, les tentatives vont se poursuivre par la suite, les spécialistes vont se poser la question de ce que cela représente en faisant des rapports. Plus le dénominateur est important, plus le rapport en pourcentage sera faible.

Ce sont des historiens plutôt quantitativistes, dans le cadre de ces exercices il y a des hypothèses de départ, les résultats obtenus laissent croire que ces profits négriers sont assez importants pour financer une fraction significative des investissements nécessaires dans l’industrie.

Les premiers résultats présentés font l’hypothèse que durant une grande partie du XVIIIème siècle, l’apport du capital négrier – pour autant que la totalité des profits issus de la traite sont réinvestis en Grande-Bretagne – génère des profits à hauteur de 8 % à 10 % en moyenne par an et que la totalité des bénéfices engrangés par les négriers britanniques et rapatriés en Grande-Bretagne est dans sa totalité investie, auquel cas durant une grande partie du XVIIIème siècle, cet apport représente entre 0,1 % et 0,5 % du revenu national, entre 2,5 % et 8 % de la formation brute de capital fixe, entre 16 % et 40 % du total des investissements dans le commerce et l’industrie. Si on fait l’hypothèse que les profits issus du trafic négrier sont totalement réinvestis dans l’industrie alors ils représenteraient la moitié de ce qu’il faut investir dans le secteur industriel.

Si les profits négriers sont entièrement investis dans l’industrie, cela assurerait la moitié du financement dans ce secteur au moment du démarrage.

Si on prend un grand agrégat, les profits négriers apparaissent comme négligeables ; il faut faire attention aux études qui négliges l’apport du trafique négrier à la révolution industrielle britannique, l’autre extrême est aussi à nuancer avec prudence, il faut toujours ouvrir l’éventail le plus large possible est donner toutes les possibilités de quantification.

Dans les années 1990 et au début des années 2000, les auteurs vont essayer de coller plus à la thèse de Williams, car il ne parle pas que de la traite et des profits qu’elle peut générer.

Il y a d’autres systèmes de commerce, il faut dès lors évaluer les profits du commerce triangulaire, les profits générés par les échanges de marchandises entre la Grande-Bretagne, l’Afrique et l’Amérique, il faut également ajouter les gains du système d’exploitation esclavagiste.

Cela a été tenté, mais il ne faut plus considérer que la totalité de gains générés sur le réseau atlantique est réinvestie. L’hypothèse de réinvestissement aujourd’hui est de 30 %, en supposant un tel taux de réinvestissement, les profits du commerce triangulaire suffiraient à eux seuls à financer les investissements dans l’industrie vers le dernier tiers du XVIIIème siècle.

Ce sont des exercices de quantification très intéressante parce qu’on ne disposait pas de telles indications ou ordre de grandeur, autrement dit si on peut parler d’acquis de l’historiographie, on a aujourd’hui quelque chose, mais ne nous permettant d’avancer que oui, ce qui est mis en place sur le réseau atlantique et qui repose sur l’esclavage a généré des profits importants.

Tous ces exercices résumés rapidement ne nous dirent rien cependant sur la destination effective de l’accumulation des richesses ; il y a une accumulation des richesses qui ne fait plus débat aujourd’hui.

Cette accumulation des richesses tirées des relations entre la Grande-Bretagne, l’Afrique et l’Amérique, nous n’en connaissons pas la destination finale.

L’argent des négriers, l’argent des planteurs, l’argent des marchands de sucre engagés dans le commerce colonial, cet argent contribue à accroitre le revenu national britannique, mais il est très difficile d’établir des liens directs et clairement marqués entre profits d’outre-mer et investissements industriels.

Des recherches montrent que parmi eux, notamment des planteurs retournent dans les iles britanniques et s’engagent directement dans l’industrie britannique seulement leur nombre est très réduit. Ce que nous savons des grands barons du sucre antillais est qu’ils sont attirés par les placements fonciers et les emprunts d’État, ces détenteurs de gros revenus ont des préférences marquées pour des placements sûrs et prestigieux, ils établissent « plus de châteaux que d’usines »[8]

Il y a des effets induits qui montrent les limites de la quantification, des marchands ou des planteurs ou encore des négriers enrichis par les activités sur le réseau atlantique peuvent se révéler les dispensateurs des crédits indispensables au développement d’industries qu’ils ne prennent pas directement l’initiative de se lancer à une époque où le réseau bancaire commence à émerger.

D’autres effets induits peuvent être à l’origine du financement d’infrastructures régionales comme les canaux ou des équipements divers nécessaires à l’émergence des manufactures ; des banques comme la Lloyds peut prendre son envol grâce aux profits de la traite négrière ainsi les profits tirés de la traite atlantique qui se tournent d’abord vers des emplois financiers peut se retrouver en partie mobilisés pour le développement de l’industrie.

C’est une conclusion en demi-teinte, on obtient quelque chose, mais si on s’acharne à chercher les effets directs et immédiats, on passe à côté d’autres mécanismes qui sont probablement plus importants et qui donnent donc à cette conclusion sur cette première fonction un caractère balancé.

Les colonies en tant que sources d’approvisionnement de matières premières

La deuxième fonction est la possibilité pour les colonies et plus particulièrement des colonies de plantation de fournir à la métropole à un moment ou celle-ci vie une phase particulière de son histoire économique, ou elle est engagée dans l’industrialisation et où dans le cadre de celle-ci on considère qu’il y a des branches dynamiques motrices entrainant le reste de l’appareil productif que les colonies approvisionnent en matières premières.

Auquel cas les colonies rempliraient la deuxième fonction à savoir celle de source d’approvisionnement de matières premières en quantité importante et abondante, c’est-à-dire qu’à un moment donné précis, la colonie de fournir du coton brut en approvisionnant l’industrie de manière régulière, autrement dit, il n’y aura pas d’obstacles au niveau de l’approvisionnement en matières premières d’une telle branche.

L’industrie du coton en Grande-Bretagne pour exister et se développer doit surmonter un premier obstacle qui est la concurrence des textiles asiatiques.

Pour se développer, l’industrie cotonnière britannique a besoin de baisser ses coûts de production qui sera chose faite avec la mécanisation et pour se développer, croitre et gagner des marchés extérieurs, l’industrie cotonnière britannique doit être régulièrement approvisionnée en matières premières à bon compte.

Il faut trois conditions :

  • l’industrie doit protéger
  • l’industrie doit se mécaniser
  • l’approvisionnement de l’industrie doit être régulier

Les colonies si elles peuvent contribuer interviennent en permettant de remplir la troisième condition.

Vers le milieu du XVIIIème siècle, c’est une industrie fragile, elle doit être protégée de la concurrence de textiles asiatiques et notamment de cotonnades indiennes. Cette protection sera effective une fois que des mesures non pas seulement protectionnistes, mais aussi prohibitives d’interdiction d’importer des tissus asiatiques seront prises de 1700 à 1774.

Pendant une grande partie du XVIIIème siècle, toute une série de mesures va permettre d’assurer la survie de l’industrie cotonnière.

Une fois que l’industrie cotonnière est protégée de la concurrence extérieure qui est asiatique, un peu plus tard la Grande-Bretagne va – une fois qu’elle se sera protégée des textiles asiatiques, qu’elle aura réussi à mécaniser le processus de production dans cette branche, qu’elle aura bénéficié également de l’approvisionnement qui vient de l’autre côté de l’Atlantique alors elle – pénétrer les marchés du sous-continent indien. Au moment où s’effectue le démarrage industriel de la Grande-Bretagne, l’industrie cotonnière vers le milieu du XVIIIème siècle est encore fragile et doit bénéficier de certains appuis afin de croitre.

La deuxième condition est un facteur endogène qui est la mécanisation, selon certains auteurs les Britanniques ont adopté la mécanisation parce qu’une certaine pression provient de l’extérieur, mais la mécanisation du textile et notamment au moment de la filature relève d’un défi qu’il faut mettre au crédit de forces endogènes.

La mécanisation du textile va permettre une baisse du prix de revient et va économiser le travail. L’handicape de la Grande-Bretagne est le coût de la main-d’œuvre par rapport au coût de la main-d’œuvre dans le sous-continent indien, cet écart va être réglé et comblé à l’avantage de la Grande-Bretagne grâce à la mécanisation.

Une troisième condition doit être ajoutée parce que les deux premières ne suffisent pas pour comprendre comment l’industrie britannique résiste aux textiles indiens à bas prix est la possibilité de disposer de sources de matières premières sûres parce que la Grande-Bretagne les contrôles.

C’est une source qui est abondante, la consommation britannique sera satisfaite, et qui est bon marché, le coton est produit par des esclaves.

Aujourd’hui nous savons que l’esclavage est rentable sur le plan économique contribuant à baisser le prix du coton brut.

La consommation de coton brut en Grande-Bretagne était à un moment donné très important et il fallait la satisfaire, de 1760 à 1840 cette consommation est multipliée par près de 200. L’industrie britannique dispose d’un avantage comparatif qui est la facilité d’approvisionnement qui libère l’industrie britannique du problème de la fourniture cotonnière alors que d’autres branches de l’industrie manufacturière britannique mettent du temps à résoudre.

Dès le milieu du XVIIIème siècle, de 85 % à 90 % du coton importé en Grande-Bretagne est fourni par le système de plantations esclavagiste américain qui vient du sud des actuels États-Unis, des West Indies et du Brésil, et cela jusqu’au milieu du XIXème siècle.

Au XVIIIème siècle, le Brésil est contrôlé indirectement par la Grande-Bretagne dont le Portugal est le vassal, le Portugal se soumet parce que cela lui permet de garder le Brésil.

À partir du début du XIXème siècle, le processus d’industrialisation en Grande-Bretagne est arrivé à un point de maturation. Cela fait déjà un siècle que l’industrialisation a commencé et c’est à partir de ce moment là que l’Inde devient un fournisseur attitré en coton brut de la Grande-Bretagne.

Après la Première Guerre mondiale, la matière première reine est le pétrole, dans la seconde moitié du XVIIIème siècle et la seconde moitié du XIXème la matière première reine est le coton brut et l’industrie cotonnière est une branche dynamique et entrainante.

Pour la période qui nous concerne, c’est une industrie que l’on peut considérer comme tirant la croissance vers le haut, c’est une industrie motrice.

Débouchés d’outre-mer et industrialisation

En s’appuyant sur les statistiques commerciales de la Grande-Bretagne, que beaucoup d’auteurs ont retravaillé, montrent que le commerce extérieur de la première nation à se lancer dans le commerce industriel s’américanise au XVIIIème siècle.

Débouchés d’outre-mer et industrialisation.png

Vers 1700, 82 % des exportations de la Grande-Bretagne sont destinées à l’Europe tandis que l’Europe assure 62 % des importations de la Grande-Bretagne ; un siècle plus tard, les exportations sont destinées pour 57 % aux colonies alors que la part de l’Europe dégringole.

C’est ce qu’on appelle l’américanisation du commerce extérieur de la Grande-Bretagne ; autrement dit les débouchés coloniaux pour Williams sont « ce que l’on gagne avec le Nouveau Monde sont des nouveaux marchés ».

Disposer de nouveaux marchés est important, car nous sommes à une époque où dans le monde les marchés sont fermés. Ce qui domine jusqu’au milieu de XIXème siècle est le mercantilisme, les économies sont protégées, c’est le protectionnisme qui règne en maitre.

Le principal partenaire commercial est l’Europe continentale, mais l’Europe continentale est verrouillée d’où cet avantage qui consiste à un moment donné de disposer de nouveaux marchés qui sont des « chasses gardées ».

C’est le Pacte Colonial, les Français vont appeler plus tard cela le Régime de l’Exclusif, cela consiste à faire des marchés coloniaux des « chasses gardées » pour la métropole. Il y a des dispositions comme les Actes de Navigation en vigueur de 1751 jusqu’à 1849 qui réservent pour la Grande-Bretagne le produit des colonies aux navires britanniques et impose aux colonies de n’acheter et de vendre qu’à la métropole.

Il y a une interdiction de commercer avec d’autres pays que la métropole est donc une interdiction de s’industrialiser ce qui va notamment stimuler la révolte des treize colonies américaines menant à la déclaration unilatérale de l’indépendance des États-Unis ; c’est une liberté que ne donne pas le Régime de l’Exclusif.

Les colonies d’Amérique du Nord et des caraïbes deviennent des marchés de plus en plus importants parce que leur population s’accroit de 1700 à 1815 les colonies britanniques ont une population qui augmente de 0,4 à plus de 9 millions d’habitants ; il faut ajouter à cela les colonies et les comptoirs que la Grande-Bretagne possède sur le littoral atlantique de l’Afrique et en Asie.

Les colonies sont la partie la plus consistante de ce réseau, mais on considère qu’à l’intérieur de ce réseau la Grande-Bretagne dispose d’une zone de libre-échange réservée aux manufacturiers britanniques.

Grâce à ces marchés lointains, ce qui constitue un avantage pour les Britanniques de contourner les difficultés rencontrées sur les marchés habituels d’une Europe qui se ferme de plus en plus aux produits britanniques concurrentiels.

Si on regarde finement les statistiques, les colonies figurent parmi les clients les plus importants des manufacturiers, l’Amérique du Nord et les Caraïbes absorbent à elles seules la moitié des exportations d’articles manufacturés de la Grande-Bretagne. Sur le trafic colonial viennent se connecter d’autres réseaux d’échanges qui sont interdépendants, c’est le commerce de réexportation.

Le trafic colonial va lubrifier par le biais des réexportations de produits exotiques les relations commerciales de la Grande-Bretagne avec l’Europe continentale. Les réexportations concernent un ensemble de produits comme les denrées tropicales importées, mais qu’elle ne peut consommer entièrement, elles concernaient le tabac, le riz d’Amérique du Nord, le café et le rhum des Antilles ainsi que les cotonnades et les thés d’Asie.

Au cours du XVIIIème siècle, plus du tiers des exportations de ce pays est composé par les réexportations.

Il y a les exportations de produits nationaux et l’exportation de la Grande-Bretagne de produits qui viennent d’ailleurs des colonies ou des comptoirs asiatiques ; ces réexportations offrent des avantages remplissant deux fonctions :

  • ces réexportations permettent à la Grande-Bretagne de rééquilibrer sa balance commerciale avec plusieurs pays européens qui barrent la route aux produits manufacturés, mais laissent passer les denrées tropicales, car ces pays ne disposent pas des réseaux ou des moyens pour se fournir en produits tropicaux. La Grande-Bretagne va fonctionner
  • les réexportations de produits coloniaux permettent d’acheter des matières premières d’Europe septentrionale dont la Grande-Bretagne a besoin comme la résine, le goudron lin, chambre nécessaire à la construction de la flotte marchande qui fournit du travail à de nombreux marins et ouvriers britanniques.

Un autre réseau est lié aux activités que développe la Grande-Bretagne sur le réseau atlantique qui sont les échanges avec la côte occidentale de l’Afrique.

Le commerce des esclaves est un troc, contre les captifs, les négriers européens doivent amener en fond de cales des marchandises afin de les échanger. Ces marchandises constituent la cargaison de traite, mais c’est un assortiment au sein duquel dominent les textiles, mais aussi de la pacoterie. Toutefois, l’essentiel de la cargaison de traite est constitué de produits élaborés comme les produits textiles et issus de l’industrie sidérurgique.

La cargaison de traite est constituée de textiles dont les cotonnades est importantes, mais ce sont les Asiatiques qui détiennent les clefs du marché, ils sont sans rivaux jusqu’au milieu du XVIIIème siècle.

Avec la mécanisation, les Britanniques vont se mettre à copier le design, les motifs et les couleurs des cotonnades indiennes que l’on appelle l’étoile de Guinée et si prisée par les courtiers africains.

Au fur et à mesure que se développe le trafic des esclaves, il faut amener de plus en plus de marchandises sur des bateaux qui ont des capacités de plus en plus grandes, une fraction de ces cargaisons de traites sera constituée de produits britanniques. La traite négrière peut être considérée comme un réseau d’échanges qui vient s’articuler autour d’un trafic colonial à travers l’Atlantique.

Le commerce colonial déborde sur d’autres circuits marchands. Le commerce colonial est inséré sur le réseau atlantique soit le commerce triangulaire qui est plus large.

Nous pouvons mesurer le poids du commerce colonial seulement à partir la deuxième moitié du XIXème siècle qui est une phase significative.

Le premier élément est le taux d’exportation de l’économie britannique pour la période de l’industrialisation et du démarrage économique donc de la seconde moitié du XVIIIème siècle. Le taux d’exportation est un rapport de la valeur totale des exportations rapporté au produit interne brut, on l’appelle aussi le coefficient d’ouverture.

Plus une économie est petite par sa taille, plus elle doit être concurrentielle et donc son coefficient d’ouverture est important. Avec les États-Unis, plus un pays est grand par la taille plus son marché intérieur est substantiel est consistent moins son taux d’exportation est élevé.

Pour l’économie britannique, le taux d’exportation est de 12 % à 13 % durant les phases de la révolution industrielle.

De la même manière que nous devons connaître la fraction de la production nationale qui est exportée, nous devons déterminer la fraction de la production industrielle vendue sur les marchés extérieurs : c’est environ 30 % de la production industrielle britannique qui est vendue sur les marchés extérieurs.

Les colonies captent 40 % du total des exportations de la Grande-Bretagne est 45 % de ses produits manufacturés.

Si on combine ces quatre éléments, on arrive à déterminer le poids des marchés coloniaux. Ils absorbent environ 5 % du produit national de la Grande-Bretagne et de 13 % à 14 % de sa production industrielle.

Parfois, quelques pourcentages suffisent à une réussite.

Le marché colonial est protégé ; on pourrait avancer une idée qui existe dans la littérature spécialisée, à savoir que les marchés protégés sont des marchés réservés, facile d’accès et donc pouvant exercer un effet d’assouplissement.

Il se trouve que les marchés coloniaux sont importants non pas pour des branches manufacturières en déclin, il s’agit de branches qui sont à ce moment motrices tirant la croissance vers le haut, en ce sens, la demande coloniale concerne surtout des produits de standardisation et d’industrie nouvelle.

Ainsi on peut expliquer que dans certains cas pour une réussite, de petits pourcentages suffisent.

Il est entendu que la demande extérieure est beaucoup moins importante que la demande intérieure.

Les marchés coloniaux sont 5 % du PNB et 12 % à 13 % de la production industrielle, mais il s’agit d’un commerce qui a eu une importance cruciale pour quelques branches innovantes. C’est un commerce international qui a une importance pour des pôles régionaux comme pour Liverpool et Manchester.

Sur ces deux registres, ce sont et des branches et des pôles tournés vers le grand large, c’est-à-dire insérés sur le réseau atlantique.

Il faut donner à chacun son poids, il faut faire la part des choses. La conclusion est proposée pour reconnaître certains points, cette conclusion a aussi pour objectif de dire que Williams avait probablement raison.

Il faut tenir compte de ce qu’apportent les colonies, mais qu’il ne faut pas exagérer cet apport, mais il ne faut pas non plus le dénigrer.

Dans cette leçon consacrée de la contribution des colonies au démarrage industrielles de la Grande-Bretagne, il faut d’abord reconnaitre que les profits du commerce triangulaire ont financé l’industrie naissance, mais il est difficile de calculer leur contribution effective.

Sans le système de plantation esclavagiste américain, l’industrie du coton n’aurait pas connu son succès, mais on peut s’interroger de savoir si sans cette réussite le processus d’industrialisation aurait été avorté, on peut toutefois avancer que cela a facilité les choses.

Il y a des éléments que l’on peut quantifier, mais on n’arrive pas à des conclusions définitives, il y a aussi des effets non quantifiables. L’essor du commerce atlantique basé sur la traite négrière et le commerce de sucre contribuent à l’amélioration et à la sophistication des techniques d’assurance, de pratiques commerciales et de l’industrie navale, par ailleurs le grand commerce colonial joue un rôle dans l’affirmation de valeurs et d’élites nouvelles qui contribuent pour une part à l’ère des révolutions.

Le démarrage économique de la Grande-Bretagne aurait eu lieu sans les avantages et les gains générés par la traite négrière, le commerce colonial et le système esclavagiste des plantations américaines.

Il est vrai que les profits tirés de la traite négrière auraient pu contribuer à la moitié des investissements de l’industrie, mais il faut faire intervenir les facteurs endogènes, le secteur secondaire et l’industrie fait partie d’une économie nationale dont le développement dépend d’une multitude de facteurs économiques, sociaux, politiques et culturels. Les facteurs endogènes de développement sont par exemple le progrès agricole, l’essor de démographique, la nature de l’État, la vigueur du marché, ce sont des structures qui dépendent d’un temps long, les choses se sont misent en place avant que la Grande-Bretagne ne se taille un empire américain.

Contrairement à une historiographie qui a dominé entre les années 1960 et 1980, il faut reconnaître que les colonies américaines et les esclaves africains ont contribué ; leur rôle ne doit pas être escamoté, mais leur rôle ne doit pas non plus être exagéré.

Aujourd’hui, on considère que c’est un apport parmi d’autres, mais non la condition préalable et privilégiée de la révolution industrielle.

Sans cet apport, il est incontestable que le rythme de la croissance de la Grande-Bretagne aurait été plus grand, mais nous ne pouvons savoir dans quelle mesure. L’apport colonial a soutenu l’industrialisation de la Grande-Bretagne lui donnant un éclat particulier, cet apport a donné un souffle et un élan permettant à l’industrialisation d’aller plus loin que si cet apport n’existe pas.

Annexes

References