Coûts de la première expansion européenne (XVIe-XVIIIe siècles)

De Baripedia
Christophe Colomb, de retour en Espagne, est reçu par le roi Ferdinand II d'Aragon.

La première expansion européenne s’étend du XVIème au XVIIIème siècle. Après l’Amérique nous allons aborder la traite négrière.

À chaque étape, une région appartient et est colonisée par l’Europe avec une caractéristique propre. L’expansion coloniale a un coût, en Amérique et particulièrement sur le réseau atlantique. L’Europe comme foyer de la colonisation va s’impliquer dans l’exploitation coloniale de l’Amérique et de l’Afrique dans la traite négrière. Nous allons considérer le prix et qui doit payer la colonisation.

L’Amérique et le Pacifique sont assez semblables. La colonisation va induire aussi bien en Amérique que dans le pacifique un coût humain très important. Dans la littérature spécialisée, à partir des années 1960 on fait intervenir les maladies soit un choc microbien.

L’époque moderne d’avant l’industrialisation, avant que l’Europe ne dispose d’une supériorité sur le plan technique, avant que les européens ne disposent d’un armement efficace et meurtrier, avant que ne soit mis en place des réseaux de transports et de communications rapides, avant qu’en Europe on ne mette au point des parades médicales contre certaines maladies tropicales, nous sommes dans un monde ou l’Europe colonisatrice ne dispose que de très peu de moyens.

Nous avons une disproportion entre les faibles moyens à disposition des européens, leur nombre extrêmement réduit par exemple les espagnols parviennent à mettre la main sur de grand civilisation, sur des zones de l’Amérique qui sont relativement peuplé avec peu d’homme ; et a une disproportion entre le nombre d’acteurs, les moyens à leur disposition et le résultat obtenu, c’est-à-dire que les européens parviennent à mettre la main rapidement sur de vastes entités.

Le choc microbien intervient à ce moment, la maladies qui sont importées par les européens vont faire de tels ravages qui si on n’introduisait pas ce facteur on ne pourrait comprendre cette disproportionnalité.

La première expansion de l’Europe fait disparaître dans les Amériques de 45 à 50 millions de personnes. En un siècle et demi, et si l’on considère la situation qui est identique dans le pacifique, les populations océaniennes, en un siècle chutent de 1,5 – 2 millions au départ à 0,3 millions à l’arrivée du siècle retenue. Dans un cas en Amérique comme de l’autre dans le pacifique, il s’agit d’un écroulement de 80 à 90% des effectifs humains.

La colonisation fait place nette, ces terres, l’Amériques et le pacifique sont connus pour être faiblement peuplés mais les maladies vont offrir aux immigrants européens qui avec le temps augmentent en nombre de très vastes terres débarrassées de leurs effectifs premiers.

Il faut considérer que lorsque les premiers européens arrivent dans les Amériques et en Océanie il n’y a pas d’épidémies meurtrières qui les attend, en revanche, lorsque les premiers colonisateurs se rendent en Asie et en Afrique, ils sont soumis à des maladies contre lesquels les européens n’ont pas de défenses immunitaires.

C’est un coût qui a été évalué, les chiffres évoluent concernant les effectifs humains dans ces deux régions. On peut également évaluer le coût induit par la traite négrière atlantique qui est un sous produit de la colonisation de l’Amérique. Une littérature abondante existe afin d’évaluer le coût c’est-à-dire quels sont les pertes humaines induites par la traite.

Destruction de l’Amérique et invention du « Nouveau Monde »

On dit parfois que l’Amérique est une invention de l’Europe, si l’on considère la conquête de l’Amérique, apparaît un contraste entre les moyens à disposition et le coût exorbitant payé par les populations autochtones.

Nous avons les éléments de réponse qui permettent de tenter de voir quels sont les facteurs ou le facteur qui pèse le plus dans la balance.

Plusieurs générations d’historiens ont été intrigués de savoir comment une poignée d’hommes parviennent à conquérir et a anéantir de grands empires amérindiens dont nous dirons qu’ils sont densément peuplés ; ce sont donc des zones – le plateau mexicain et la région andine – qui se distinguent de l ‘Amérique.

L’Amérique dans son ensemble a une densité de population très faible à l’exception de poches de populations. C’est là qu’on peut s’interroger de savoir comment un petit groupe de soldats disposant d’un armement rudimentaire parvient à mettre à bas de grandes entités étatiques.

Tableau du XVIIe siècle représentant la Noche Triste.

Pour se faire une idée de la modestie des moyens utilisés, l’expédition de Cortès lancée depuis Cuba le 21 avril 1519, seulement 11 vaisseaux débarquent sur les côtes mexicaines, environs 500 soldats une quinzaine de chevaux, 10 canons, une dizaine d’arquebuses et une trentaine d’arbalètes ; le 13 aout 1521 Mexico, deux années plus tard, la capitale de la civilisation aztèque est réduite en un amas de ville fumante.

Au début du XVIème siècle, Mexico est l’une des plus grandes villes du monde.

  • Comment expliquer cet effondrement brutal et rapide ?

Le Clézio habite une partie de l’année au Mexique et a écrit un ouvrage rêve mexicain où cet auteur s’interroge : « les espagnols sont démunis, isolé sur un contient qu’ils ne connaissent pas, marchant vers le danger et les indiens eux sont des millions maitres des terres et de l’eau sûr de leur force […] normalement la disposition des forces et telle que les conquérants ne devraient pas survivre plus de quelques heures sur cette terre »[1].

C’est un monde inconnu par les conquistadors mais qui parviennent très rapidement à leurs fins.

Malheur aux isolés

Carte pole de puissance dans le monde au XVIeme.png

L’explication de l’effacement tragique des civilisations et des populations amérindiennes tient essentiellement à leur longue et quasi complet isolement. L’isolement complet est aussi dans le cas du pacifique. Nous avons là deux régions, deux continents de la planète qui pendant des millénaires ont vécus en état d’isolement.

Concernant l’Amérique, on estime que le peuplement de l’Amérique s’est fait par le détroit de Béring et que les premiers habitants sont venus d’Asie. Il y a trente ou quarante milles ans il n’y avait pas le détroit de Béring qui permettait aux migrants de passer de l’Asie à l’Amérique. Cela était à la faveur de la glaciation qui permet le passage de vagues migratoires.

À partir d’un certain moment les glaces se retirent vers le VIIIème milliaire avant notre ère. Dès lors, à partir du moment où l’Amérique se détache, hormis d’éventuels contacts maritimes antérieur à la fin du XVIème siècle comme l’hypothèse de voyages fait par des viking, l’Amérique se retrouve ainsi isolée du reste du monde et ce pendant 9 à 10 milles ans.

Il s’est passé à savoir au moment où l’on découvre les civilisations amérindiennes et ou on les découvre très peu de temps ; elles s’estompent en très peu de temps et de là vient probablement la fascination que nous avons pour ces civilisations.

« Elles ont le mystère des civilisations qui dans l’autarcie d’un continent coupé de tous les autres du monde ont éclos à l’abris des regards européens et se sont évanouies à l’instant du contact »[2]. Il a quelque chose de précipité et de dramatique.

L’isolement doit nous intéresser pour une autre chose qui est le niveau de développement économique et technique atteint.

Il est évidement qu’un continent qui de 9 à 10 milles ans fermante en vase clos et sans la possibilité pendant des millénaires, cet isolement va faire que les économies et les sociétés de l’Amérique précolombienne se distinguent par certaines caractéristiques qui s’explique par l’isolement. Ces entités précolombiennes ont la particularité d’avoir des avancées étonnantes dans certains domaines et des lacunes dans d’autres. Il y a une sorte d’imperfection, cela manque de cohérence.

  • Quels sont les pôles d’excellences de ces civilisations ? L’urbanisme et l’agriculture vivrière.

Dans les civilisations précolombiennes notamment aztèques et incas on trouve de grandes villes mieux organisées que la moyenne des villes européennes de l’Europe. Dans les sociétés préindustrielles, lorsqu’on a des grandes villes il faut les approvisionner en denrées alimentaires,.

L’autre pôle d’excellence qui est l’agriculture vivrière est la maitrise de la culture du mais, c’est-à-dire que ces entités dégagent des surplus céréaliers qui permettent de nourrir les populations urbaines numériquement importantes.

Mexico, était à l’aune du monde au début du XVIème siècle, une des grande ville ; en 1500 Mexico et ses quartier insulaires comptent 300000 habitants, c’est un telle concentration de population qui est le reflet de la capacité sur le plan économique de ces civilisations de dégager de larges surplus céréaliers, en l’occurrence de mais, dont les paysans amérindiens, après des millénaires d’expérimentations, font des merveilles agricoles. Le rendement du maïs est supérieur aux céréales cultivées en Europe à la même époque mais toutefois il y a des lacunes.

Les peuples amérindiens excellent sur ces deux registres en recourant a un éventail restreint de techniques, les techniques utilisées apparaissent comme très rudimentaires ce qui est le revers de la médaille : pas de charrues, pas d’utilisation de la roue ni d’animaux de traits ou de bêtes de sommes hormis au Pérou avec le lama, pas d’outils en fer, les autres métaux or, argent etc. sont travaillés pour des arts décoratives, pas d’écriture si ce n’est quelque chose qui s’en rapproche au Mexique, pas de monnaie. Les surplus agricoles sont obtenus par une organisation sociale particulière.

Ce sont aussi les empires aztèque et incas qui sont d’immenses machineries qui entretiennent une politique de grands travaux en imposant la corvée et en faisant travailler obligatoirement des millions de sujets. L’isolement sera fatal à ces sociétés au moment de leur collision avec les européens.

La littérature d’une époque à une autre a voulue faire apparaître un facteur d’explication comme étant plus important par rapport à un autre.

Le premier facteur est que les espagnols dans ce monde inconnu n’auraient jamais pu trouver ni leur chemin ni disposer de ressources nécessaires afin d’arriver à leurs fins s’ils n’avaient réussis à nouer des alliances avec des populations soumissent aux joug aztèques et incas, ce sont des empires qui ont en leur temps, avant l’arrivée des espagnols, conquis et soumis des populations, ces populations vont s’allier avec les espagnols et se retourner contre les dominants.

« Les alliances que les conquistadors nouent avec ces populations, leur apporte, les ressources mais surtout la connaissances du milieu sans lesquels ils ne pourraient vaincre. C’est un premier élément de réponse important » ; Le Clézio.

Le deuxième élément est tombé un peu en désuétude, ce facteur est ringardisé de nos jours mais il garde un pouvoir d’explication. L’isolement des populations amérindiennes fait que pendant un court lapse de temps, elles ont une difficulté afin d’identifier les conquérants.

Par exemple, en Asie, lorsque les européens arrivent comme Vasco de Gama dans le sous-continent indien, on a déjà vu des européens mais surtout les européens rejoignent d’autres marchands qui viennent d’autres parties du monde, les européens au fond sont fondus dans un groupe qu’on appellerait aujourd’hui des « expatriés ».

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Dans Apocalyto, ceux qui poursuivent Mel Gibson et le fuyard sont montré par la caméra sans qu’on voit ce qu’il y a derrière et après c’être retourné ils voient des bateaux avec des espagnols. C’est l’idée de l’hésitation qui est important.

Le troisième facteur est que l’évènement met du temps à être compris et intégré. Selon Octavio Paz, prix noble de littérature en 1980, qui s’est exprimé sur cette épisode, et qui fait la part de chose : « ni le génie politique de Cortès passe, écarte doucement cette explication parce que Cortès a une très grande habilité à nouer des alliances avec les populations, ni les ennemis de Moctezuma, ni la supériorité techniques des espagnols, ni la défection de ses vassaux et alliés de l’empereur et de l’empire aztèque n’aura suffit pour ruiner l’empire si celui-ci avait ressenti une défaillance, une hésitation intérieure qui le fit vaciller et tomber ».

Lieu de rencontre de Moctezuma et Hernán Cortés.

L’empereur Moctezuma que rencontre Cortès hésite, c’est une défaillance qui s’explique par la difficulté d’identification qui elle-même vient de l’isolement. Cette défaillance sera fatale.

Indiens touchés par la variole (Codex de Florence).

Les maladies sont importées par les conquistadors qui ne le savaient évidemment pas ; ce sont des maladies infectieuses en très grand nombre comme la variole, la grippe, la diphtérie, le typhus, la tuberculose, etc.

Ce qui est également considéré est que les maladies facilitent les conquêtes, les maladies tuent beaucoup plus d’amérindiens dans leur lit qu’il n’en meurt sur le champs de batailles, ces germes minent la résistances des indiens en décimant les indigènes et leurs chefs, en sapant le moral des survivants. Après avoir facilité la conquête, ces microbes létaux originaires d’Eurasie élimineront par dizaines de millions les habitants du Nouveau Monde dépourvus de défenses immunitaires en raison de leur long isolement.

Parmi les explications qui ne sont pas entièrement satisfaisantes, elle se trouverait du coté du nombre des animaux grégaires domestiqués. Ces animaux grégaires domestiqués dans le monde eurasien sont des moutons, chèvres, vaches, cochon qui sont élevés en grands troupeaux au voisinage immédiat des hommes ; nous avons en Europe et en Asie un nombre important de tels animaux, il suffit de penser à la crèche de noël.

Ce sont ces animaux et leur voisinage qui permet, parce que ce sont des sources de microbes pathogène pour l’homme, c’est le voisinage des hommes eurasiens des animaux domestiqués qui permettent de comprendre que ces populations d’Eurasie ont développées des défenses immunitaires, or de tels animaux grégaires domestiques il y en a très peu en Amérique.

Les rares espèces domestiquées dans le Nouveau Monde sont les dindons, chiens, cochon d’inde, mais qui ne deviennent pas des sources de microbes pathogènes pour l’homme parce qu’elles ne sont élevées ni en de grands troupeaux ni au voisinage immédiat des hommes.

  • Quel est l’itinéraire emprunté par les maladies ?

On peut le suivre, d’abord à partir de la première zone de contact soit les Antilles qui sont dévastées, toute la population autochtone des Antilles disparait jusqu’au dernier puis ces maladies passent en Amérique centrale et du sud et touche l’Amérique du nord et s’y propage à la suite d’expéditions militaires et d’expéditions lancées à partir des implantations américaines et espagnoles dans les caraïbes et au Mexique.

Amérique du Nord : la terre de l’homme blanc

Ces maladies font des ravages en Amérique du nord au XVIème siècle auprès des populations indigènes du sud est voire du sud ouest des actuels États-Unis. Il faut se remémorer que la colonisation de l’Amérique du nord est tardive, qu’il y a un siècle de décalage avec le Mexique et les Andes mais les maladies précèdent la colonisation effective dans ce cas.

En Amérique du nord, il semble que ce soit les sociétés indiennes les plus peuplées, les plus urbanisées, les mieux organisées qui sont affectées par les maladies. Ces sociétés sont déstructurées, défragmentées, atteintes dans leurs fondements démographiques et ainsi ces germes pathogènes importés préparent le terrain à la colonisation de peuplement européen du début du XVIIème siècle.

Les autres facteurs comme la faiblesse de densité de peuple se combinent au fait que les maladies font place nette. Les maladies en Amérique du nord touchent une partie du Nouveau Monde caractérisé par une extrême dispersion des hommes sur une immense étendue de terres.

  • Combien sont-ils ? Combien il y a-t-il d’indigènes ? Quelle est l’importance numérique des populations autochtones avant leur rencontre avec les européens ?

Le tableau 4 fait un état de la situation ; aujourd’hui les estimations retenues oscillent dans une fourchette allant de 2 à 7 millions en 1500.

Sources : Voir B. Etemad., Crimes et réparations. L’Occident face à son passé colonial, André Versaille éditeur, Bruxelles, 2008, p. 92.

Le résultats sera toujours le même en fonction des estimations, au bout du compte nous avons à faire dans le continent nord américains à des densités de peuplent très faible inferieur à 1 habitant au kilomètre carré.

Vont suivre des éléments qui vont nous faire comprendre pourquoi et comment en Amérique du nord et du pacifique la colonisation du peuplement européen a été possible.

Les autres éléments qui permettent de comprendre pourquoi ce type d’implantation a été choisi et poussée jusqu’à son extrême logique.

Les tributs indiennes du nord ne forment pas une entité homogène, il n’y a pas d’empire à l’instar de ce que l’on trouve sur la plateau mexicain ou dans les Andes ; une grande partie de ces tributs ne sont pas composées d’agriculteurs, nous avons à faire a des populations qui ne cultivent pas la terre prioritaire, autrement dit il n’y a pas de concurrent au colons qui veut s’établir sur la terre parce qu’il n’a pas en face de lui un rival qui a pendant de siècles et des millénaires mis au point des méthodes culturales.

Ces aspects particuliers combinés à l‘absence de métaux précieux à piller et à l’impossibilité dans cette partie de l’Amérique d’établir un système de plantation esclavagiste fondé sur des cultures tropicales d’exploitation facilitent le peuplement agricole européen.

Le moteur de la colonisation dans ce type d’implantation est la possession et l’appropriation de la terre.

Là où avant même l’arrivée des premiers colons comme les pères pèlerins qui arrivent vers 1620 dans le Massachusetts d’aujourd’hui, là où l’arrivée de ces collons n’a pas été préparée par les maladies qui fait place nette, le préalable à l’installation du peuplement européen est la main mise sur les terres effectuées dans le cadre d’une politique de refoulement et si nécessaire d’extermination des population autochtones.

Ce ne sont pas des agriculteurs, ils sont très peu nombreux, le niveau de développement technique et économiques de ces sociétés est exterminent faible, les maladies les ont décimés et s’il le faut on les refoule et les extermine afin de s’approprier la terre. Les descendants de ces premiers colonats sont toujours là en place. La population européenne des États-Unis augmente très rapidement.

Par les maladies, par les organisations sociales, les activités économiques, la colonisation d’un peuplement est grandement facilitée. Cela ne signifie pas que les populations n’ont pas résistées et qu’il n’y a pas eu de guerre. Lorsqu’il y en a eut ce fut le refoulement, l’extermination ; les amérindiens aujourd’hui ne constituent pas plus de 1% des effectifs humains présents dans cette partie du monde.

Une partie du monde colonisé est le même tableau que dans le pacifique, une partie de ce monde colonie va accueillir une immigration européennes importante surtout à partir du premier tiers du XIXème siècle et on estime le nombre d’européens qui émigrent du vieux contient pour traverser l’atlantique et gagner les Amérique entre le début de la colonisaient les années 1940 – 1950 : sur quatre siècle et demi, nous devrons envisager l’histoire de l’Europe sans la possibilité d’envoyer du début du XVIème, jusqu’au début du XXème siècle 50 à 60 millions de personnes de l’autre côté de l’Atlantique.

Une mesure de l’effacement démographique

Pour en revenir à l‘Amérique du nord et plus particulièrement à la partie des États-Unis, dès les années 1840 il n’y a pratiquement plus d’indiens à l‘est du Mississippi où la population blanche commence à se sentir à l’étroit. À partir de ce moment là commence le refoulement et les guerres.

Les peuples autochtones sont désormais perçus comme un obstacle à l’installation des européens vers l’ouest. Vers 1900 la population indigène d’Amérique du nord atteint son niveau planché avec environ 400000 personnes soit environ 10% des effectifs d’origines.

Il y a toujours dans l’histoire de la colonisation de peuplement qui implique une immigration européenne importante, un moment que l’on peut aussi déterminer pour l’Australie et la Nouvelle-Zélande ou encore pour l’Argentine, Uruguay ou le Chili, un moment où le rapport de force démographique bascule en faveur des populations européennes et cela est irréversible.

Vers 1900 en Amérique du nord, on atteint un niveau planché et cette population autochtone d’origine est totalement déclassée et marginalisée par la population européenne des États-Unis et du Canada qui vers 1900 comptent quelques 60 millions d’individus. Avant la rencontre, de 2 à 7 millions de personnes représentés, à la fin du XIXème siècle ce sont 60 millions « d’allogènes » c’est-à-dire de populations qui ne sont pas originaires d’Amérique. D’une mesure d’effacement démographique, on peut passer à l’ensemble du continent américain.

Sources : Voir B. Etemad., Crimes et réparations. L’Occident face à son passé colonial, André Versaille éditeur, Bruxelles, 2008, p. 92.

Même si on a de la peine aujourd’hui à déterminer quel est le niveau de départ c’est-à-dire quel est la taille démographique de l’Amérique vers 1500, on est en mesure d’évaluer l’écroulement, c’est-à-dire quel est la perte en 1500 en pourcentage des effectif de départ quelque soit ces effectifs.

Ces effectifs sont de 50 à 60 millions, en l’espace de 150 ans la population du continent américain tombe de 5 à 6 millions soit une chute de l’ordre de 90% en termes relatifs.

Il conviendrait d’affiner un peu le tableau parce qu’il y a certaines régions qui parviennent à se relever mais d’autres pas.

En Amérique centrale, sous entendu le Mexique, le décrochage démographique est suivi assez rapidement de phases de relèvements. En revanche, dans les Andes le processus de dépopulation se prolonge durant toute la période coloniale mais en ménageant les hauts-plateaux soit les régions qui se situent à des altitudes élevées.

En Amérique centrale il y a pour les populations qui sont décimées une capacité de se relever parce que les densités de peuplement sont plus importantes ici que dans d’autres zones, autrement dit, là où nous avons au départ de densités de population faible, l’attaque microbienne ne permet pas de se relever.

Les zones qui sont les plus touchés, c’est-à-dire où la population de départ disparaît, sont les zones tropicales d’Amérique du sud qui se dépeuplent rapidement et entièrement à l’instar des caraïbes avec un siècle cependant de décalage.

En Amérique du Nord la reprise démographique des indiens est très lente et a lieu au XXème siècle. Il faut nuancer le facteur microbien sur lequel nous nous sommes beaucoup attardé ; ces variations régionales nous permettent justement de dire qu’il y a l’impact de la conquête, bien le choc microbien mais il y a aussi les effets induits par la colonisation.

La colonisation bouleverse de font en comble les économies, les sociétés et les cultures amérindiennes ; au fond et au total, l’Amérique est bien remodelée par le colonisateur européen. Dans cette Amérique « inventée », le passé précolombien n’est plus qu’une ombre aujourd’hui.

Il faut aussi retenir le fait que c’est un lieu d’enracinement de la civilisation occidentale, c’est un lieu de renouvellement de cette civilisation.

Autre chose que l’Europe engage pour avoir colonisé cette partie du monde est 26 millions de kilomètres carré, l’Amérique assouvi pendant plus de trois siècle le besoin de terres européens à l’étroit sur le vieux continent ; dans cette première expansion territoriale l’Europe s’agrandie du côté de l’hémisphère occidental d’une superficie équivalent à 5,5 fois celle de l’Europe sans la Russie en faisant disparaitre probablement 45 à 50 millions des premiers habitants du Nouveau Monde et de l’autre côté en y envoyant du début du XXème jusqu’aux années 1950 près de 60 millions d’émigrants.

Après, il n’y aura plus d’occasions de faire cela. C’est une occasion qui a été saisie à un moment donné et qui ne se représente plus. Il faut continuer à relativiser le choc microbien, non pas pour prétendre qu’il n’y a pas eu d’impact qui est le sien mais, pour donner ce que les historiens depuis une vingtaine d’année ajoutent pour compléter l’explication.

Il y a eu destruction parce que il y a eu déstructuration sociale parce qu’il y a eu autres effets induits par la colonisation, une désorganisation de la production vivrière, ce sont les maladies épidémiques qui ont de tels effets déstructurant et désorganisateurs à leur tour cette déstructuration et cet désorganisation provoque une baisse de la fécondité, une hausse de la mortalité auquel s’ajoute des guerres, l’esclavage, l’acculturation, les déplacements forcés, la spoliation foncière, le refoulement vers des terres moins fertiles.

Tout cela a également des effets dévastateurs, il y a les effets dévastateurs exercés directement par les germes pathogènes et il y a les effets induits.

Coût humain induit par la traite négrière

Le « jeu des nombres »

Qui veut évaluer le coût de la traite négrière doit commencer par estimer le nombre des captifs africains embarqués de force à travers l’atlantique. Cela commence à partir du premier tiers du XIVème siècle, la traite négrière commence avant la traite négrière atlantique vers Madère, les îles du Cap-Vert, les Canaries, Sao Tomé-et-Principe mais aussi vers l’Europe et la péninsule ibérique.

À partir des années 1530 et à peu près le dernier tiers du XIXème siècle où une traite clandestine s’organise, il faut être attentif afin d’évaluer le coût humain permettant de déterminer le nombre, l’ampleur du phénomène : c’est ce que les anglo-saxon appellent le « jeu des nombre » c’est-à-dire un exercice d’identification de la traite.

Aujourd’hui, les historiens sont d’accord sur l’ampleur du phénomène.

Sources: Voir B. Etemad, Crimes et réparations. L’Occident face à son passé colonial, André Versaille éditeur, Bruxelles, 2008, p. 136.

Ce tableau met en lumière des chiffres qui évaluent l’ampleur de la traite atlantique.

Il serait possible d’être intéresser de savoir comment et quels sont les sources que les historiens ont utilisés pour aboutir à de tels résultats ; il y a deux types de sources et plutôt que d’introduire des divergences dans les estimations vont que les auteurs qui les ont utilisés se rejoignent, il y a un consensus aujourd’hui sur le phénomène.

Le premier type de sources sont les registres portuaires, archives douanières des recensements, des sources à l‘arrivée. Un autre type de source couvre le départ et la traversée soit les archives des flottes négrières ou sont consignés les « cargaison » et leurs destinations.

Ce tableau laisse apparaitre aussi une évaluation de la mortalité des captifs durant la traversé.

De toutes les études dont nous disposons aujourd’hui sur la mortalité quelques soit le siècle concerné de la traversé de personnes qui vont d’un point à l’autre de part les océans, aucune mortalité n’est aussi élevée que la traite atlantique. Dès lors on peut calculer un pourcentage de perte pendant la traversé. C’est un aspect du coût, sur les effectifs embarqués, environs 15% disparaissent.

Avant la traite atlantique il y avait des traites dites « musulmanes », il y avait des réseaux, des captifs acheminés non pas vers l’Amérique à travers l’Atlantique mais vers le « monde musulman », le pourtour méditerranéen, le péninsule indienne et au delà jusqu’aux indes et à l’archipel indonésien. Il y a d’autres traites que la traite atlantique mais la traite atlantique est directement reliée à la colonisation de l’Amérique.

La dernière ligne du tableau montre des chiffres convergents au niveau des départs, c’est le total de l’ensemble de la période début XVIème et jusqu’au dernier tiers du XIXème. Le total des captifs embarqués vivants – il faut souligner que ce sont des captifs embarqués vivants – est de 11,5 millions.

Certains auteurs ont procédés en retenant le nombre de captifs arrivés dans les Amériques vivants, la différence entre le total des départs et des arrivées correspond au taux de mortalité ; il y a une convergence car le taux de mortalité pour les trois siècles que couvre le tableau tourne autour de 13% à 14%.

Ce tableau permet en un simple coup d’oeil de saisir une image très diverse ; sur une page nous avons quelque chose qui a concerné plusieurs continents, des millions d’êtres humains. Ce tableau fait apparaitre que l’apogée de la traite atlantique se situe au XVIIIème siècle.

Toutefois, cela n’est qu’une partie du tableau, ce n’est qu’une partie d’un commerce, celui des esclaves que l’on appelait un commerce « circuiteux ». Au fond le commerce des esclaves est un périple, il y a plusieurs phases en opposition à un commerce de droiture direct. Depuis Bordeaux, on exporte du vin dans les Antilles ce faisant sur des vaisseaux qui vont directement vers les caraïbes en traversant l’atlantique, c’est le commerce de droiture.

Mortalité durant les différentes phases de la traite atlantique

Marchand d'esclave à Gorée.

Le commerce circuiteux se construit selon différences phases. Ce tableau ne fait apparaître qu’une phase qui est celle de la traversée.

Nous voyons à travers ces chiffres le total des captifs embarqués acheminés à travers l’atlantique et le chiffre d’arrivée vivant dans les zones américaines d’importation. Cette phase apparaît dans l’avant dernière ligne, c’est là où il y a de pertes, le taux de mortalité dans l’une des cinq phase du circuit négrier.

À la fin du XVIIIème siècle, l’apogée de la traite négrière voit en même temps apparaître des mouvements abolitionnistes afin de combattre la traite négrière, le commerce des esclaves mais aussi le système esclavagiste.

Ces abolitionnistes vont dénoncer les premiers la traite négrière en ciblant une phase qui est celle de la traversée. Toutefois il y en a quatre autres que nous devons si nous voulons faire une évaluation du coût induit par la traite il faut considérer toutes les phases.

Afin de faciliter les choses, on considère qu’il y a des phases qui précédent l’embarquement et celles qui le suivent.

Il y a trois phases qui précédent l’embarquement, la première phase est la capture qui se fait à travers des expéditions militaires donc une mortalité qui intervient pendant la première phase.

Carte la traite négrière atlantique.png

Cette carte permet de voir quels sont les sites de traites. Au fur et a mesure que se développe la traite on passe d’un nord ouest vers la Gambie à l’Angola ; on a un processus qui descend, on a à chaque fois le nom des sites de traites et on va descendre de plus en plus vers le sud et aussi on pénètre à l’intérieur, on va chercher des captifs de plus ne plus loin à l’intérieur des terres.

La deuxième phase consiste à transporter les captifs de l‘intérieur jusqu’aux ports et la troisième phase est la phase de l’entreposage qui va durer longtemps. Avant l’embarquement il y a des phases durant lesquels la mort phase.

Plan de "stockage" (≈"stowage") type d'un navire négrier anglais.

La quatrième phase est la traversée et la dernière et cinquième sont la phase de l’acclimatation soit l’adaptation des captifs convertis en esclaves au moment de leur arrivée dans le Nouveau Monde, adaptation à un climat et environnement nouveau et bien entendu aux conditions de travaille dans les plantation américaines.

La mortalité induite par la traite atlantique va être très tôt dénoncée en Europe et surtout dans les îles britanniques à partir de la seconde moitié du XVIIIème siècle.

Les abolitionnistes vont braquer les projecteurs sur la phase de la traversée parce qu’ils choisissent de cibler. Lorsqu’on lutte contre quelque chose de considéré comme injuste, la stratégie veut qu’on cible un objectif pour gagner en efficacité et atteindre le résultat. Les abolitionnistes vont braquer le projecteur sur la phase de la traversé parce qu’ils combattent et dénoncent la mortalité dans la traversé ; leurs cibles favorites sont les transports européens qui « traitent sauvagement les nègres durant la traversée ».

C’est donc la traversée qui est stigmatisée mais aussi la phase de l’acclimatation où il y a des pertes importantes. Les premières années en Amérique sont des années où on enregistre un taux de mortalité important. Autrement dit, les premiers abolitionnistes qui sont britanniques vont porter leur attention sur les deux phases pendant lesquelles les captifs africains sont en mains européennes.

Ce faisant, ils laissent par contraste dans l’ombre les trois phase initiales avant l’embarquement : la capture, le transite à l’intérieur de l’Afrique et le transite qui inclut le transport vers les côtes ainsi que l’attente avant d’être échangé et embarqué.

Cette approche permet aux abolitionnistes de mettre en avant la responsabilité des négriers européens contre laquelle les transporteurs sont sommés de combattre. Si on considère l’évolution de la mortalité des captifs durant la traversée de l’Atlantique, on constate qu’elle tend à la baisse.

Entre la fin du XVIème et le début du XVIIème cette mortalité est de 20% environs, cette mortalité descend à moins de 10% à la fin du XVIIIème ; elle va remonter dans le cadre de la traite dite clandestine qui accentue la précarité des expéditions négrières.

L’abolition de la traite date à peu près du premier tiers du XIXème siècle. Au XVIIIème siècle la Grande-Bretagne est la première nation négrière d’Europe, c’est en 1807 que le parlement britannique décide d’abolir la traite négrière. En 1815 au congrès de Vienne l’ensemble des pays européens décident d’abolir la traite qui est inscrit dans l’acte final du congrès de 1815.

La mortalité qu’on la considère au début du processus, au milieu, ou a portiori durant la dernière phase de traite clandestine, les moyennes apparaissent dans le tableau 5, pour des transports océaniques ce sont des taux jamais atteint ni avant ni après quelque soit les effectifs que l’on déplace dans l’espace.

Afin de comprendre pourquoi la mort frappe à ce point ici durant la traversé, il faut dire quelques mots sur ce qui la précède et qui montre ou révèle que la cargaison humaine avant même d’être embarquée est déjà vulnérable.

Nous avons donc la troisième phase à savoir l’attente à proximité des côtes.

Les recherches en occidents surtout en Amérique du nord d’abord et puis en Europe occidentale ont connus un essor extraordinaire à partir des années 1960. Cela fut un phénomène que les universitaires connaissent bien à savoir une multiplication d’ouvrages, des débats très animés, des créations de revus spécialisées mais aussi des chairs universitaires, à un moment donnée sur le plan professionnel cela payait de se lancer dans la rechercher en matière de traite atlantiques.

Aujourd’hui nous disposons d’une littérature sur laquelle on peut disparaître parce que c’est une avalanche qui nous tombe dessus.

En ligne existe aujourd’hui et on peut consulter l’immense base de donnée ou figure chaque expéditions de nations européennes avec tous les détails : d’où est parti le vaisseau, la date de départ, de quoi est constitué la cargaison, la durée de la traversé le nom du capitaine, le nom des investisseurs, le nombre de matelots, combien de matelots décèdent, combine de captifs décède, etc nous avons des dizaines de millions des données que l’on à récolté et c’est à partir de cette base de donnée qu’on est en mesure d’avancer ce qu’on essaie de résumer.

  • Pourquoi cette troisième phase que l’on pourrait appeler de l’entreposage dure si longtemps et dans quelle mesure cette phase contribue à accroitre la vulnérabilité de captifs qui sont ensuite embarqués ?

Cette phase va durer parce que il faut entrer dans des tractations où les captifs, la cargaison humaine, la marchandise humaine est échangée contre des marchandises inertes.

La traite est un troc et les modalités d’échanges mettent en face d’un côté les négriers blancs et de l’autre les courtiers noirs. Les tractations entre ces partenaires commerciaux consistent à établir une valeur de base que l’on appelle l’unité de traite. Cela prend du temps pour fixer cette unité et une fois qu’il y a un accord entre les deux parties alors on sait ce qu’il faut avancer comme produit pour obtenir un captif qui est l’unité de traite. Ce produit s’appel un « assortiment », l’achat d’un captif se fait par une certaine quantité de textile, de métaux, d’armes, d’alcool, de tabac.

Les captifs sont troqués ainsi par petits lots, en moyenne une demi douzaine par jour et en tenant compte du temps de navigation entre chaque site de traite et à chaque fois en tenant compte de la durée de tractation un vaisseau négrier met entre 3 et 7 mois pour accomplir son chargement humain. Durant cette phase qui dure plusieurs mois nous avons les premiers embarqués, cela augmente l’angoisse, la portant à son comble.

  • En quoi se sont intéressés en premiers les historiens et pourquoi va t-on, à partir d’un certain moment, mettre le projecteur sur les phases qui précèdent l’embarquement à l’instar des abolitionnistes britanniques ?

L’enjeu consiste à savoir durant quelle phase la mortalité est la plus importante, or contrairement à ce que pensait les abolitionnistes, ce n’est pas durant les deux dernières phases mais durant les trois phases qui précédent l’embarquement.

Il y a une mortalité, la question est de savoir quels sont les facteurs qui expliquent cette mortalité élevée. Premièrement il y a l’entassement, l’espace est exigu, un esclave dispose en moyenne de 0,4 mètres carré, l’entassent favorise la diffusion des maladies.

Deuxième facteur est la durée de la traversée, plus c’est long plus la mort peu frapper. Au fond, le taux de mortalité varie en fonction de la durée de la traversée. La traversée est environ de un mois d’Afrique au Brésil et de deux mois des côtes occidentales, des caraïbes et en Amérique du nord.

Aujourd’hui les historiens privilégient les explications des épidémies et des maladies induites par le milieu pathologique de départ. Les maladies interviennent mais il y a des conditions qui favorisent au fond la mortalité par maladie : le surentassement d’un côté et la durée de traversé de l’autre.

Les abolitionniste britanniques sont des militants, il y a une part de calcul politique parce qu’il faut pouvoir convaincre avec des arguments percutants les parlementaires parce qu’en fin de compte la loi d’abolition de la traite sera votée par le parlement, les abolitionnistes vont sensibiliser l’opinion publique britannique et le monde politique en s’attachant à dénoncer d’emblée en même temps qu’ils dénoncent la mortalité des captifs noirs, le circuit de traite comme étant le tombeau des européens qui s’y engagent, c’est-à-dire les membres d’équipage.

On voit dès lors les militants aller dans les ports négriers comme Liverpool, Bristol et Londres recueillir des informations auprès de marins lors d’entretiens « sociologiques » menés dans ces ports. La campagne abolitionniste va également consister à dénoncer le taux de mortalité élevé des membres de l’équipage. Au fond, c’est un immense gâchis.

Lorsque l’on fait la comparaison d’un côté mortalité parmi les équipages et de l’autre mortalité parmi les captifs, on se rend compte, si on va vite en besogne que la mortalité de l’équipage durant le périple négrière est supérieur à la mortalité des captifs durant la traversée. Cette comparaison ne tient pas, toutefois, c’est une illustration des indications chiffrées dont-on dispose et qui nous font aboutir à ce résultat apparemment paradoxal.

Ces illustrations sont une série d’expéditions négrières lancées depuis Liverpool. De 1780 à 1807, en 27 années il y a eu 1568 expéditions négrières lancées depuis Liverpool, la mortalité de ces équipage dépassent les 18% contre 13 à 15% pour les esclaves.

Il y a une différences : les marins meurent avant d’arriver sur les côtes africaines, ils meurent sur les côtes, durant la traversée, aux Amériques et même au retour vers le port d’attache.

Pour résumer, les marins meurent surtout sur les côtes. Pour les expéditions lancées depuis Liverpool, la mortalité de l’équipage est 60% plus élevée sur les côtes que durant la traversée de l’Atlantique.

Nous savons que les marins passent quatre fois plus de temps sur les côtes africaines que durant la traversée. Les quelques mois de leur séjour en Afrique constitue pour eux l’étape la plus meurtrière de la traite négrière parce que les marins sont plongés dans un milieu pathologique parce qu’ils contractent des fièvres qui sont la fièvre jaune et une variété de malaria contre lesquels ces membres d’équipage européens n’ont pas d’immunité acquise. Autrement dit, en tenant compte du temps passé à bord par les hommes d’équipage dans le circuit négrier, une expédition équivaut à peu près un an sur le bateau, et en tenant compte du temps passé par les captifs à bord deux mois en moyenne alors la mortalité des européens devient durant la traversé inférieure à celle des captifs africains.

Nous avons donné à la présentation un caractère vivant et fait de l’histoire de manière évocatrice, ce qui a été dit jusqu’à maintenant et ce sont les abolitionnistes britanniques qui sont concernés, est valable pour les première campagne contre la traite de l’esclavage au début du premier tiers du XIXème siècle. C’est jusqu’aux années 1820 – 1830, il y a eu entre la fin du XVIIIème et début du XIXème des guerres révolutionnaires et napoléonienne. Cette phase relativement longue se termine avec le congrès de Vienne de 1815.

À partir de 1815 jusqu’au déclenchement de la première guerre mondiale en 1914, c’est le XIXème siècle. Les historiens s’intéressent à la situation politique de l’Europe et soulignent un fait qu’il faut évidement retenir et que du congrès de Vienne de 1815 jusqu’au déclenchement de la première guerre mondiale le vieux continent vie dans une situation de paix relative.

D’autres historiens, ceux qui privilégient la dimension économique, vont souligner le fait qu’après le congrès de Vienne de 1815 nous avons une autre situation qui apparait et qui est nouvelle et inédite en Europe, sur la scène européenne et internationale nous avons pour la première fois une entité qui se profile comme la première puissance commerciale, maritime, militaire économique et financière. Aujourd’hui la première puissance sont les États-Unis, c’est à partir des années 1950 où se met en place quelque chose qui permet de faire apparaitre les États-Unis comme première puissance.

Après 1815 la Grande-Bretagne prend conscience de sa puissance. La Grande-Bretagne endosse au début du XIXème siècle les habits de première puissance mondiale parce que c’est la première à faire sa révolution industrielle, à s’industrialiser, à creuser les écarts.

L’Europe continentale va vouloir dans le cadre de la course au développement, la prise de conscience sur le continent européen que par rapport aux iles britanniques on est en retard ; apparait l’idée d’un pays qui est en avance et l’autre en retard donc des écarts de développement. Parce qu’en plus d’être la première puissance économique du monde, la Grande-Bretagne se convertie à partir de 1807 à l’abolitionniste.

Il y a un renversement de situation extraordinaire, après avoir été la première nation négrière d’Europe, la Grande-Bretagne se convertir à l’abolitionnisme et comme c’est une grande puissance elle va vouloir l’imposer aux autres de la même manière que les États-Unis ont durant toute leur histoire des protectionnismes acharnés, après la seconde guerre mondiale ils convertissent au libre-échangisme et vouloir la convertir aux autres.

À partir du moment où la Grande-Bretagne se convertie à l’abolitionnisme, elle organise, met en place un système international de répression de la traite, la Grande-Bretagne, après l’abolition de la traite la Grande-Bretagne va être la première à abolir l’esclavage dans ses colonies en 1833.

C’est quelque chose qui va basculer, autrement dit le projecteur qui a été mis sur les deux dernière phases va à partir du XVIIIème siècle être mis sur les trois premières.

Au moment où la Grande-Bretagne joue au gendarme, au large des côtes africaines il y a des navires de surveillances britanniques qui arraisonnent des vaisseaux négriers. Ce système de répression va se révéler très décevant : il être très inefficace, la traite clandestine continue et puis il est très cher.

L’émergence et la montée de la traite clandestine aggrave les conditions de transport des captifs d’où une montée de la mortalité contre les laquelle les abolitionnistes s’étaient pendant si longtemps battus. C’est face à cette situation que l’attention des abolitionnistes va se déplacer vers les zones d’approvisionnement en Afrique.

Pour les abolitionnistes britanniques, ils vont d’abord se convertir à quelque chose qui peut être s’enclenche à ce moment là et rappel à ce a quoi on pouvait s’engager durant la deuxième guerre mondiale et qu’on appelait le développement.

Au fond, les abolitionnistes britanniques vont dire à partir du XVIIIème qu'il y a une manière bien meilleure de combattre la traite qui est de lancer des programmes de développement. Pour les abolitionnistes la traite réduirait l’Afrique à « une terre de misère, d’anarchie et d’infortune, la solution au problème de la traite et de l’esclavage se trouve sur le continent noir et les abolitionnistes vont préconiser la mise en valeur agricole notamment afin de stopper à la source la production de captifs ». Au lieu d’allé chercher le sucre et le coton dans les Amériques on pourrait les cultiver en Afrique pour le marché européen, cultures dans lesquelles s’engageraient des travailleurs africains libres ce qui contribuerait à détourner les esclavagistes et les courtiers africains de quelque chose que l’on va qualifier comme étant désormais illégitime.

On parle à partir des années 1840 – 1850 de commerce légitime pour souligner qu’il y en a un illégitime. Le commerce d’hommes et illégal, en revanche, se lancer des programmes de reconversion économique est envisagé par les abolitionnistes.

Le champion de l’abolitionnisme est Thomas Boxton. Il a fait aboutir le projet d’abolition de l’esclave au parlement dans les possessions coloniales britanniques. Tout le mouvement abolitionniste britannique est inspiré du mouvement du réveil. Ce qui va se passer, Boxton écrit un ouvrage traduit en français en 1839, est que l’accent est désormais mis sur les phases qui précèdent.

  • Comment se passe les choses avant l’embarquement ?

La première phase est celle de la capture, à partir d’un certain moment c’est le stade de la « production en série », pour atteindre ce stade il faut organiser des expéditions militaires, la capture sont des guerres, plus des trois quarts des captifs vendus aux européens proviennent de razzias et d’expéditions militaires organisées quasi exclusivement par des expédients africains.

Il faut faire la part des choses est essayer de décharger le fardeau de certains en faisant intervenir l’intervention d’autres.

Ces phases qui précédent l’embarquement induisent également des pertes, ces pertes sont importantes parce qu’entre la capture et l’embarquement sur les cargos négriers européens s’écoule plusieurs mois. Il y a les conflits armés est les raides, les longues marches vers le littoral puis l’attente et l’entreposage des captifs. Dans le cadre de la traite atlantique au XVIIIème siècle la plupart des futurs esclaves attendent six à douze mois avant d’être embarqués entre le moment de la capture et le moment où ils montent sur les vaisseaux négriers.

  • Désormais, selon Boxton, la question est pour un captif effectivement embarqué vers les Amériques, combiens de morts en Afrique avant ?

Pour la première fois on va envisager le périple négrier dans son ensemble en embrassant les cinq phases.

Au milieu du XIXème siècle, « les évaluations aboutissent au résultat suivant, la formule lapidaire étant pour un esclave embarqué, « un nègre sacrifié », autrement dit des pertes de 50% entre la capture et la vente aux européens ».

  • C’est une estimation mais y a t-il des évaluations récentes ?

Pas beaucoup mais elles existent, il y eut une tentative d’estimation globale qui date du début des années 1990. Le coût induit par la traite négrière si on considère toute les phases du périples est très important, le nombre de décès durant la capture, le transport vers la côte, l’attente qui est la phase dite d’entreposage dans les ports d’embarquement, la traversé et la phase acclimatation représenterait 70% des effectifs asservis.

Si on s’en tient à la seule phase africaine, elle ferait disparaitre 40% des esclaves entre la capture et la vente aux européens. Il faut retenir une fourchette de 40 à 50% de pertes avant l’embarquement.

Les bases d’une telle évaluation sont fragiles mais c’est ce que retiennent les historiens comme un ordre de grandeur probable.

Aujourd’hui on a une perspective totalement différente de celle des premiers abolitionnistes du XVIIIème siècle. Ces travaux ce sont multipliés à partir des années 1960 révèlent que la mortalité imputable aux opérations de traite à l’intérieur de l’Afrique est largement supérieure à celle durant la traversée.

Essai de bilan

Trois siècles et demi de traite à destination des Amériques durant lesquels la mortalité des captifs à bord serait de 12 à 13%.

Un tel taux signifie que prés de 1,5 millions d’hommes, de femmes et d’enfants noirs sont jetés dans l’océan atlantique.

  • Comment évaluer les pertes parmi les hommes de l’équipage ?

Nous sommes en train dans cette partie récapitulative d’essayer de voir les pertes humaines occasionnées par la traite atlantique. La seule façon est d’une manière indirecte.

Du début du XVIème siècle jusqu’à la fin et au dernier tiers du XIXème, le nombre de captifs embarqués vivants des côtes africaines est 11,5 millions selon le tableau 5. Nous connaissons le nombre approximatif de captifs et de marins par tonneaux qui est une mesure de la taille des vaisseaux ; le rapport est de 1 matelot pour 7,5 captifs embarqués.

En supposant une mortalité moyenne des équipages de 16 à 18% non pas pendant la traversé mais pendant le périple négrier, sur les 1,5 millions de marins européens, de 240000 à 270000 meurent, environs 250000 membres d’équipages européens meurent principalement de maladies et accessoirement de malnutrition.

Les pertes à l‘intérieur de l’Afrique avant l’embarquement sont de 40% à 50% entre la capture et la vente aux négriers européens. Si c’est 40% à 50% alors pour 11 millions de captifs effectivement embarqués il faut compter entre 8 et 11 millions de morts en Afriques. Le tableau 5 donne le nombre de captifs embarqués vivants, si les trois phases qui précèdent l’embarquement sont de l’ordre de 40% à 50% des captifs alors pour 11,5 millions d’embarqués il faut compter entre 8 et 12 millions de morts en Afrique.

La dernière phase dite d’acclimatation, ce que nous savons de la démographie africaine dans les Amériques doit être ici rappelée à savoir la difficulté voire l’incapacité à court terme des populations serviles à se renouveler naturellement. Le non-renouvèlement des populations africaines tient surtout au déséquilibre entre les sexes en leur sein plus qu’à une surmortalité lors de la phase d’acclimatation.

Il va de soit que les planteurs américains privilégient le recrutement d’effectifs neufs masculins pour mettre au travail immédiatement et cela pour des raisons de rentabilité. La règle veut que l’on embarque une femme pour deux hommes dans le cadre de la traite atlantique.

Dans la littérature spéciale on présente les choses avec des chiffres qui révèlent que le taux de survie et de reproduction est très différent que l’on considère la communauté africaine ou européenne dans les Amériques. C’est un manière de souligner le fait que pour les africains le taux de mortalité est très élevé dans le taux d’acclimatation.

Vers 1820, on est à peu près deux siècle après que les européens ont commencés à partir pour les Amériques, c’est pratiquement la même chose pour les africains. Vers 1820, il y a quelques 10 millions d’africains partis de force contre environ 2 millions d’émigrés européens partis volontairement. Comme les taux de migration et de survie sont différents pour ces deux groupes, la population européenne pour les européens est de 12 millions mais compte tenu de leur niveau de survie, ils sont 12 millions alors que les africains qui sont 10 millions à partir sont deux fois moins nombreux que les européens soit 6 millions.

Nous voyons dès lors qui supporte le coût.

Il faut faire trois remarques :

  1. La première est que les européens après les arabo-musulmans ont voulu le commerce des esclaves et l’on imposé à l’Afrique mais ce commerce ne pouvait avoir lieu à grande échelle sans intermédiaires locaux, sans le concours de pouvoirs africains.
  2. La deuxième remarque est que la traite dans l’histoire de l’Afrique subsaharienne n’est qu’un facteur de changement parmi d’autres, l’Afrique à l’ère de la traite n’a que très peu de ressemblances avec l’Amérique anéantie et remodelée par l’Europe. Pourquoi ? Le commence des esclaves agit plus sur les rythmes d’évolution des systèmes africains qu’il ne modifie les structures, le commerce des esclaves organisé par les européens vient se greffer sur des structures qui ne sont pas modifiées.
  3. La troisième remarque est que la traite et le commerce d’esclaves est un crime fondateur, un crime à l’origine de nouvelles sociétés, de nouvelles cultures, de nouvelles identités ce que l’on appelle la diaspora.

Annexes

Références

  1. J. M. G. Le Cltzio, Le Réve mexicain ou la pensée interrompue, Gallimard, Paris, 1988, p. 26.
  2. C. Duverger, La Méso-Amérique. L'art préhistorique du Mexique et de l'Amérique centrale, Paris, Flammarion, 1999, p. 9.