Coûts de la seconde expansion européenne (XVIIIe-XXe siècles) : l’Asie et l’Afrique conquises par elles-mêmes

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Nous allons considérer les premières phases de la colonisation européenne en Asie et en Afrique afin d’essayer d’évaluer le coût.

Au fur et à mesure qu’on avance dans la chronologie et qu’on se situe non plus entre le XVIème et XIXème mais plus au XXème siècle, on dispose de plus de documentation et de chiffres qui permettent d’évaluer le coût financier de formation des empires coloniaux.

Le Pacifique ressemble à l’Amérique du Nord, en Australie et en Nouvelle-Zélande on a un même phénomène relevant du coût humain et on voit apparaitre en Océanie un décrochage démographique à hauteur de 80% des effectifs de départ.

Bien entendu, ces dizaines de millions de personnes qui au début payent le prix de la main mise ou de la domination européenne sur ces régions, ces effectifs humains ne sont pas passés au fil de l’épée ou ne disparaissent pas dans le cadre de confrontations armées.

Les Européens n’avaient pas les moyens de faire disparaître des populations numériquement aussi importantes. Il y a l’importance des maladies en parlant par exemple pour l’Amérique de choc microbien.

On aurait pu tout à fait analyser la situation en Océanie en faisant intervenir un tel choc et en retrouvant une même situation qui fut une caractéristique de l’Amérique du Nord.

Ces maladies nous allons les retrouver en Asie et en Afrique, mais cette fois, et cela en complète opposition de ce que nous avons vu jusqu’à maintenant, ces maladies vont constituer un obstacle à la pénétration coloniale européenne.

Ces maladies vont jouer contre le colonisateur.

Les européens surtout en Asie et en Afrique tropicales, vont être confrontés dans ces contrées à des maladies contre lesquels ils n’ont pas développé d’immunités.

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Mortalité et effectif des Européens sous les tropiques : Asie et Afrique tropicale[modifier | modifier le wikicode]

En Asie et en Afrique tropicale, les Européens vont se rendre compte d’emblée qu’ils subissent des taux de mortalité très élevés parce qu’à l’inverse des cas précédents il y a des maladies épidémiques qui les attendent comme les fièvres qui sont la fièvre jaune, d’une variété de malaria ainsi que du choléra.

La question qui se pose est que dans ces deux grandes régions colonisées, au moment où elles le sont, l’agent colonisateur subit des taux de mortalité très élevés qui ne l’empêchent pas de mettre la main sur ces territoires. Se pose la question du coût, il ne faut pas que le coût humain et financier dépasse un certain seuil.

Nous ne sommes pas jusqu’au début du XXème siècle et une bonne partie de l’entre-deux-guerres dans une situation où nous pouvons croire que la médecine occidentale a trouvé des remèdes. Les médecins coloniaux qui sont dans la plupart des cas des militaires ne savent combattre ces maladies. Il n’y a pas de parade médicale. Autrement dit, il faut opter pour d’autres solutions qui font baisser le coût supporté par le colonisateur.

Les deux moyens que nous allons découvrir et détailler sont :

  • on n’y va pas : si l’Européen dans ces régions risque la mort, il y a une parade absolue qui est de ne pas y aller, autrement dit, on trouve dans le domaine colonial européen en Asie et en Afrique tropicales très peu de blancs en nombre. Le fait de baisser le nombre d’Européens présent limite le coût.
  • faire appel à des intermédiaires locaux et recruter sur place : cette situation assez étonnante, au bout du compte, les armées que constituent les européens afin de conquérir ces territoires sont constituées de soldats indigènes recrutés sur place afin de limiter les coûts aussi bien humains que financiers.

Nécropoles d’outre-mer[modifier | modifier le wikicode]

Les tropiques et les maladies qui y sévissent, l’environnement épidémiologique en Asie et en Afrique sont un milieu inconnu pour les Européens.

Les premières tentatives d’établissement de pénétration et d’établissent des européens en Asie et en Afrique sont sur le plan sanitaire désastreuses. Les Européens subissent ce que l’on va appeler le coût de transfert qu’on peut calculer pour les soldats européens qui participent aux conquêtes coloniales ; c’est le rapport entre la mortalité des soldats dans les casernes métropolitaines et la mortalité que subissent les soldats lorsqu’on les déplace pour les faire combattre dans un territoire d’Asie ou d’Afrique. Le coût de transfert est très élevé.

En Asie, à Batavia, qui est l’actuel Jakarta, est probablement la seule ville européenne véritablement fondée, au XVIIème la mortalité des Hollandais y est si élevée que jusqu’au XIXème siècle Batavia passe pour être leur cimetière.

Durant la première moitié du XIXème siècle, ce moment particulier est celui de la conquête coloniale qui se déroule entre la fin du XIXème et le milieu du XXème, on enregistre parce qu’il y a des personnes dans l’armée britannique des indes afin de compter qui sont les équipes dirigées par les médecins militaires qui accompagnent les troupes.

On enregistre dans la phase de conquête de l’Inde le nombre de décès dans l’armée britannique et on remplit des fiches sur les causes : 6 % du total des décès est dû au combat, 94 % des décès dans les rangs de l’armée britannique des indes sont dus aux maladies.

Au Maghreb, on a à peu près au même moment notamment en Algérie une situation similaire, dans les années 1840 un général français relève que le seul domaine dans lequel l’Algérie enregistre une croissance est les cimetières.

Les historiens gardent en réserve l’exemple de l’Afrique occidentale, cette partie du monde est dangereuse et risquée pour les Européens et notamment pour les marins européens qui participent à la traite atlantique. Ce sont sur les sites où se situe le troc que la mort frappe le plus les équipages européens.

L’Afrique occidentale porte un titre dont aucune région ne lui a ravi qui est celui du tombeau de l’homme blanc ; entre la fin du XVIIème et le début du XVIIIème siècle, la mortalité des marins dans les ports négriers des côtes françaises est de 80 à 90 %.

Sur 10 hommes arrivant dans la région 6 meurent durant la première année de résidence, deux autres meurent dans les années suivants, un seul survit et le dixième est perdu par les statistiques.

Pour le moment où la traite atlantique prend sont essor fin XVIIème - début XVIIIème jusqu’aux années 1750, la moitié des marins meurent durant la première année de résidence.

On dispose également de données chiffrées sur les expéditions. Des programmes d’explorations précèdent la colonisation, on a notamment des données chiffrées sur une demi-douzaine d’expéditions d’explorations organisées par les britanniques en Afrique occidentale entre 1816 et 1881 qui considère 281 personnes, le taux de mortalité s’élève à 49 % dû principalement à la malaria et la fièvre jaune.

Les Britanniques au moment où ils se convertissent à l’abolition de la traite puis à l’abolition de l’esclavage mettent en place au large des cotes de l’Afrique occidentale une flotte qui joue le rôle de gendarme à partir du moment où la traite devient notamment clandestine.

De historiens ont fait des études sur cette escadre britannique croisant le long des côtes de Guinée afin de contrôler la loi sur l’abolition de la traite négrière et plus tard pour contrer la traite clandestine ; la mortalité est tellement élevée que la flottille sera connue sur le nom de « escadre cercueil ».

Les Britanniques étaient déçus de ces mesures pour contenir la traite parce que les résultats sont décevants, mais aussi parce que cela coûte cher en vies humaines.

La mortalité est élevée parce qu’on est en mesure de la calculer pour des siècles, mais tous les exemples montrent qu’elle reste à un niveau soutenu au XIXème siècle.

On pourrait croire que ce n’est seulement qu’une catégorie d’européens qui subie la mort sous les tropiques, on n’aurait pas tellement tort, en réalité si l’on renonce à la finesse du tableau, tout le monde est touché, tous les européens quelque soit leur statut, ce n’est pas le simple soldat.

Burton en tenue arabe.

Le premier exemple est donné par un explorateur britannique nommé Richard Burton qui décrit en 1893 la résidence du gouverneur britannique à Lagos qui est au Nigeria actuel comme étant « une morgue faite de planches avec un toit de taule ondulée contenant une fois par an le cadavre d’un haut fonctionnaire de sa gracieuse majesté ».

C’est un témoignage confirmé par d’autres bâtisseurs de l’Empire britannique qui assurent que dans ces minuscules colonies d’Afrique occidentale - les britanniques ont des points d’appui en Sierra Leone, en Gambie et au Ghana actuel - chacune de ces colonies ont besoin d’au moins deux gouverneurs, l’un toujours prêt à se mettre en route afin de remplacer celui qui est en train de mourir sur place.

La question est pourquoi ils partent puisque le risque est connu ? Cinq à six chances sur dix de mourir la première année, pour les européens jouet-ils de leur vie dans une version de la roulette ruse il y a plus de chambres remplies que vides ? Comment expliquer que malgré de tels taux de mortalité il y a quand même des Européens qui se rendent dans ces contrées.

  • pour les hommes de troupe et les sans-grade, c’est la pauvreté et le manque de travail en Europe qui sont des raisons suffisantes de partir ailleurs n’importe où.
  • pour les officiers et les marchands, c’est l’espoir d’être promu ou de faire fortune rapidement, c’est le cycle court qui attire, la rapidité de la réussite qui est un attrait.

Ces premiers Européens exposés aux maladies meurent pour la plupart avant de retourner dans leur patrie, mais le risque encouru laisse penser que le jeu en vaut malgré tout la chandelle.

Il faut retenir que si ce coût est supportable aux yeux de la métropole, est-ce que le nombre d’européens participant à la formation des empires en Asie et en Europe peut être modifié pour que le taux de mortalité subie soit supportable ?

En fin de compte, ceux qui partent sont très peu nombreux, quel que soit leur statut, ce faisant le coût humain est supportable ou du moins parait supportable.

Médecine d’émigration ou comment économiser des vies européennes[modifier | modifier le wikicode]

Y a-t-il un moyen de parade ? Il n’y en a pas, mais on peut entrer en matière et considère les choses de manière approfondie ; y a-t-il un moyen de réduire ces pertes non pas en appliquant des remèdes élaborés par une médecine scientifique ? Y a t-il de pratiques éprouvées par le temps ? Peut-on mettre en place une médecine qui adopterait une approche empirique afin de contribuer à réduire ces pertes européennes par maladie ?

Il y a des efforts très importants consentis pendant longtemps par les Européens pour mettre en place une « médecine coloniale » ou plus précisément une médecine dite « d’émigration », qui est une approche médicale qui prône pour les Européens qui s’aventurent dans les contrées tropicales des techniques éprouvées par le temps.

On va par exemple préconiser que les Européens résident dans des régions qui se situent à une certaine altitude où cela est possible, parce qu’on se rend compte qu’au-delà d’une certaine altitude la malaria sévit moins.

C’est typique de l’approche adoptée de parades préconisées, au bout du compte la médecine d’émigration permet de sauver des vies, mais non pas de diminuer de façon significative le coût de transfert.

Le simple fait pour un Européen de quitter son milieu d’origine pour aller dans un autre fait que son espérance de vie diminue.

Cette médecine permet d’améliorer le sort des expatriés, mais pas suffisamment pour que le taux de mortalité baisse de manière significative d’où l’importance des autres outils qui vont être utilisés.

La médecine d’émigration est présentée afin de faire contraste. La médecine occidentale fait des efforts et engage contre les maladies tropicales une sorte de croisade qui s’étend sur le XIXème siècle et qui se prolonge jusqu’à l’entre-deux-guerres.

La démarche médicale européenne a pour objectif de protéger la santé et par voie de conséquences la vie des Européens expatriés.

Dans un deuxième temps, la médecine d’émigration élargit sa perspective à l’ensemble des populations asiatiques et africaines. C’est dans le cadre de la médecine d’émigration par exemple que l’on va étendre la couverture médicale aux populations dominées parce qu’on entre après la conquête dans une phase d’exploitation économique des territoires qui nécessite une main d’œuvre suffisamment nombreuse.

Afin de considérer si cette médecine d’émigration atteint son objectif d’économiser des vies européennes, on peut retracer au cours du XIXème la mortalité des blancs sous les tropiques par l’utilisation de l’indicateur qui est un coût de transfert soit en anglais relocation costs.

C’est le fait d’augmenter le risque d’un européen en le déplaçant du vieux continent vers une zone insalubre c’est-à-dire ce coût de transfert est un rapport entre le taux de mortalité des européens, sous-entendu des soldats européens en métropole, et ceux dans les colonies.

Les données à disposition révèlent qu’au XIXème siècle le déplacement de troupes européennes en Asie et en Afrique représente un coût humain important et que dans tous les cas - l’Asie et l’Afrique sont ventilées en zones – le simple fait d’y déplacer un soldat revient à diminuer son espérance de vie.

Au début du XIXème siècle, les colonies les plus voraces sont situées en Afrique occidentale, mais aussi dans le sous-continent indien.

Par exemple, dans les années 1830 les taux de mortalité des soldats français sont 8 fois plus élevés en Afrique occidentale que dans l’hexagone ; pour les troupes britanniques les taux de mortalité sont multipliés par près de 5 au Bengale et 30 sur les côtes d’Afrique occidentale.

Au seuil de la Première Guerre mondiale, le taux de mortalité des soldats diminue, mais ne disparaît pas, le taux de mortalité des soldats européens en Asie et Afrique coloniales est encore le double ou le triple de celui enregistré en métropole.

Il y a diminution qui est due à cette médecine d’immigration dont les origines remontent au XVème siècle ; les efforts sont constants, mais ne donnent pas de résultats tels qu’ils feraient disparaître cet écart à savoir ce coût de relocation.

  • Comment les médecins du XIXème siècle et jusqu’à l’entre-deux-guerres s’y prennent pour combattre ces maladies et la mort ?

Cela se fait par tâtonnement et par l’accumulation d’informations réunies sur le terrain et les médecins militaires européens se familiarisent ainsi et réunissent des connaissances sur la pathologie des tropiques, toute une série d’observations, de statistiques donnent lieu à la publication de guides sanitaires, de rapports spécialisés et élaborés selon une approche empirique.

Dans ces guides et manuels comme on en distribue encore aujourd’hui lorsqu’on se rend dans une zone à risque, il y a à l’intention des expatriés aux colonies tout un ensemble de règles et de précautions hygiéniques éprouvées par le temps.

L’une des précautions hygiéniques est de se brosser les dents avec de l’eau minérale, les recommandations dans les guides sanitaires concernent les régimes alimentaires, la façon de se vêtir et de se protéger contre les brusques changements de température, on retrouve l’altitude qui est la plus ancienne mesure de protection des européens dans les tropiques ; les études entreprises dans ce sens s’appelaient des études de géographie médicale qui établissaient une corrélation entre altitude et salubrité.

Au-delà d’une certaine altitude, il a été démontré que la malaria et la fièvre jaune sévissent moins.

Les médecins militaires durant la première moitié du XIXème siècle collectent des données statistiques afin d’allonger la durée de séjour sous les tropiques qui limite le plus la mortalité, c’est ce que l’on appelait l’acclimatement ou la recherche du temps d’exposition idéal.

Toute une série de théories avançait qu’il fallait soit un temps de rotation court - environs trois ans - ou plutôt longe – dix ans et plus -.

Cela caractérise la médecine d’émigration, tous les conseils sont entourés d’une grande marge d’incertitude.

La quinine combat la malaria, à l’origine c’est un agent actif que l’on tire d’une écorce d’un arbre qui est l’arbre de quinine, que l’on broie et suite à une préparation on l’utilise pour combattre le paludisme, cette utilisation date dans le monde colonial des années 1830 – 1840 ; elle est utilisée de façon sporadique et non universelle ce qui fait que son utilisation était très douteuse.

La malaria est le paludisme déciment les européens.

Jusqu’au début du XXème siècle, au moment où les conquêtes coloniales sont en voie d’achèvement, les autorités médicales sont incapables de distinguer la malaria d’autres fièvres ce qui est une première incertitude.

En outre, elles ignorent le juste dosage et la bonne fréquence du remède à administrer ; les autorités médicales européennes recommandent la quinine à titre curatif une fois qu’on a attrapé la malaria.

Dans les zones impaludées, il faut prendre la quinine avant à titre préventif ; de fait, la quinine ne contribue à éviter des pertes humaines considérables et à ne sauver des vies qu’une fois les empires constitués.

Contre la fièvre jaune, la seule parade est de s’éloigner temporairement des zones affectées, c’est la pratique de l’esquive qui n’est pas très efficace.

Il y a jusqu’à la fin du XIXème siècle ce type de stratégies purement empiriques qui sauvent des vies européennes, mais au total, durant les phases de conquête les taux de mortalité restent élevés.

Durant la première moitié du XIXème siècle, les Européens investissent des territoires riches, les maladies n’empêchent pas les Européens de s’en emparer ni de s’installer sur les côtes africaines.

Ce que les maladies empêchent est la création de colonies de peuplement européen en Asie et en Afrique ; ce que les taux de mortalité élevés empêchent est d’avoir recours à une main d’œuvre blanche, mais ces taux de mortalité ne sont pas un obstacle incontournable à la domination coloniale.

Source : D’après B. Etemad, La possession du monde. Poids et mesures de la colonisation (XVIIIe-XXe siècles), Complexe, Bruxelles, 2000, p. 175, 303 et 308.

Nous pouvons voir que la population sous domination coloniale passe de 1760 à 1830 de 25 à plus de 200 millions.

Dans les zones non tempérées, cela est possible pour les raisons annoncées précédemment, c’est-à-dire que l’Européen n’a pas besoin d’attendre l’avènement d’une médecine scientifique afin de réussir à réduire et à mettre sous le joug colonial des populations numériquement importantes en Asie et en Afrique.

Les européens n’attendent pas que le taux de mortalité soit réduit par l’amélioration non plus seulement conditions sanitaires ou de prescription sanitaires, ils n’attendent pas l’entre-deux-guerres afin de dominer des terres lointaines, l’emprise est possible parce qu’ils vont recourir à des populations non européennes systématiquement en Asie et en Afrique tropicales, le colonisateur européen a recours à des intermédiaires locaux s’appuyant sur des populations non européennes.

Au lieu d’amener des administrateurs et des fonctionnaires, de déplacer en nombre des troupes, le colonisateur a recours à des intermédiaires et des auxiliaires indigènes afin de réduire le nombre de soldats et de fonctionnaires européens confrontés à l’insalubrité de milieux hostiles.

C’est cette capacité à dominer les mondes asiatiques et africains à l’aide d’une présence européenne numériquement faible qui limite le coût humain et financier de l’empire. Si les européens font appellent à des auxiliaires autochtones on devrait pouvoir le vérifier en considérant leur nombre durant la période coloniale dans ces zones.

La solitude de l’homme blanc sous les tropiques[modifier | modifier le wikicode]

Les chiffres concernent l’émigration européenne induite par l’expansion de l’Europe dans les contrés d’outre mer, c’est-à-dire du début du XVIème siècle jusqu’en 1940, combien d’européennes partent ?

De 1500 à 1940 c’est quelque 68 millions d’européens qui quittent le continent pour gagner les contrées d’outre-mer où se situe l’expansion de l’Europe.

Les chiffres confirment que sur ces 68 millions d’émigrants 92% se rendent en Amérique et dans le Pacifique soit les colonies de peuplement européen et plus particulièrement aux États-Unis, 7% en Asie, en Afrique principalement au Maghreb et en Afrique australe dans ces territoires où il y a une colonisation où la présence européenne et numériquement non négligeable comme la Tunisie, le Maroc, l’Algérie ou la Lybie.

Si bien que si on considère les zones où l’Européen subit un coût de transfert, sur les 68 millions d’Européens en mouvement, moins de 5% se rendent dans ces zones de 1500 à 1940.

Il y a les flux migratoires, mais aussi la fraction de la population européenne dans la population totale, or en Asie et en Afrique et il faut le souligner de bout en bout, du début de la colonisation jusqu’après la Deuxième Guerre mondiale, les européennes restent très minoritaires, à la veille de la Deuxième Guerre mondiale les européens représentent 0,1% du total des populations colonisées en Asie et 0,4% en Afrique subsaharienne.

C’est un élément de réponse à une question qui peut apparaitre comme paradoxal, les moyens à disposition des Européens d’un côté et les résultats de la conquête européenne de l’autre font apparaitre une disproportion.

En Asie et en Afrique tropicale, les moyens apparaissent limités parce qu’ils le veulent bien sinon le coût serait insupportable aux yeux des contemporains.

Dans certaines situations aujourd’hui on assiste à quelque chose qui ressemble à cela, certaines puissances militaires qui interviennent veulent à tout prix limiter le coût et utilisent certains moyens

Il faut reconnaître à l’Européen une capacité hors du commun pour coloniser à l’économie ; cette capacité au fond est que d’une nécessité on en fait une vertu, les européens ont pu se prévaloir en disant « regardez comment nous faisons bien les choses », mais en réalité c’est une nécessité. Il fallait limiter le coût humain et financier de la domination, le moyen le plus sûr d’échapper à ce qui fait le plus de dégâts, qui provoque le plus de pertes humaines, à savoir échapper aux maladies tropicales, et de ne pas se rendre dans ces contrées à risque d’où ce nombre insignifiant qui explique dès le début de la formation des empires en Afrique et en Asie.

De manière systématique et sur de larges échelles, on a recours à des autochtones et plus précisément à des soldats indigènes dans la phase de conquête coloniale ; c’est sur eux que le coût humain et supporté et c’est grâce à eux que le coût financier sera réduit pour le colonisateur.

Recrutement de soldats indigènes[modifier | modifier le wikicode]

Ce que nous allons essayer de voir est l’ampleur de cette pratique, il faudra également expliquer pourquoi les Asiatiques et les Africains consentent si aisément à être recrutés et à être « utilisés » par les colonisateurs européens durant la phase de conquête ainsi nous serons en mesure de déterminer en quoi cette pratique qui consiste à recruter précocement, systématiquement et massivement sur place contribue à réduire le coût de formation des empires, le coût humain ainsi que le coût financier.

Si on s’intéresse à la colonisation de l’Asie et de l’Afrique et qu’on se pose, la question de qui a conquis ? La réponse peut être surprenante, comment étaient composées les armées coloniales qui ont participé aux conquêtes coloniales ?

Les armées coloniales étaient composées majoritairement de soldats asiatiques et africains recrutés par les Européens sur place, il s’agit de soldats réguliers.

Les exceptions sont l’Algérie et la Namibie, hormis ces deux cas, la conquête de l’Afrique et de l’Asie est l’œuvre de soldats non européens.

L’Asie et l’Afrique conquises par elles-mêmes[modifier | modifier le wikicode]

  • Pourquoi acceptent-ils de meurtrir leurs voisins ?

Il faut savoir que cette pratique du recours aux recrus indigènes est une pratique très ancienne, au fond c’est un peu comme la traite atlantique, les européens arrivent et sont face à une situation où des choses ont déjà été misent en place.

Avant la traite atlantique, il y avait la traite musulmane, beaucoup de sociétés africaines étaient aussi esclavagistes. Ce n’est pas pour décharger le fardeau de l’homme blanc, mais c’est pour dire qu’ils n’ont pas fait preuve de beaucoup d’inventivité.

Dans le cadre de l’empire moghol par exemple, les Moghols n’étaient pas des autochtones, mais des envahisseurs du continent sous-musulman, ils recrutent sur place une armée de l’empereur moghole qui est constituée de soldats recrutés en Inde du Nord.

Les Européens reprennent quelque chose toutefois, ce qui change est l’échelle, à très large échelle.

Les premiers européens sont les Portugais qui adoptent la formule dans les premières implantations qui sont les leurs en Asie et en Afrique dans les premières décennies du XVIème siècle, les autres européens vont emboiter le pas aux Portugais, la pratique va s’étendre en Inde et en Indonésie au XVIIIème siècle, elle touche le Maghreb au XIXème puis en Afrique au sud du Sahara.

Il faut le rappeler, nous allons avoir à faire à des soldats recrutés sur place, mais qui font partie des troupes de l’armée régulière ; les européens ont eu recours à une autre pratique qui fut de faire appelle à des auxiliaires comme, par exemple, des combattants auxquels on a recours de manière temporaire qui participent à quelques batailles et campagnes et qui par la suite regagnent leurs territoires et leur activés.

Dans la conquête des empires aztèques et incas on fit appelle à des auxiliaires, Cortès chercha le concours de populations qui furent auparavant soumises par Mexico, il va utiliser ses ressources humaines et des combattants comme auxiliaire qui une fois la conquête achevée regagnent leurs contrées d’origines, ils ne font pas partie de l’armée espagnole et ne font pas partie des conquistadors.

Les troupes régulières sont enrôlées, équipées, armées, ils ont l’uniforme, dans le meilleur des cas ils ont une pension.

Dans le cas de l’exemple de l’Amérique du Nord et du Pacifique, il faut relever que pour ces deux régions se sont des troupes composées essentiellement d’européens.

On voit une différence qui renvoie au type d’implantation, à partir du moment où les européens ont les moyens de faire d’une contrée la terre de l’homme blanc, c’est-à-dire mettre la main sur une terre, refouler une population, s’implanter et ouvrir les vannes à l’émigration, alors ils utilisent des troupes exclusivement européennes.

En revanche, dans les colonies d’exploitation, on va utiliser les ressources humaines que l’on retrouve sur place, on va puiser dans ces ressources, on ne veut pas faire de ces territoires une nouvelle Europe.

On retrouve cette différence dans cette pratique d’enrôlement au moment des conquêtes coloniales.

  • Inde

Avant les Britanniques ce fut un portugais qui débarqua, on a d’abord des points d’appui soit des comptoirs portugais.

Ce sont au XVIème siècle les Portugais qui les premiers vont compenser leur faiblesse numérique sur les troupes de l’Inde par l’engagement de soldats indigènes.

Il y a une rivalité dans cette partie de l’Asie entre les Français et les Britanniques. Les Français donnent à la pratique un caractère plus achevé par rapport aux Portugais, au milieu du XVIIIème, ils enrôlent des troupes indiennes qu’ils équipent et entrainent à la manière européenne utilisant des armes fabriquées en Europe, mais c’est la Grande-Bretagne qui va pousser et appliquer cette formule sur une large échelle, beaucoup plus large évidemment que les premiers prétendants à la main mise sur l’Inde, la Grande-Bretagne peut emprunter ce chemin parce qu’avec le grignotage du sous-continent.

Au fur et à mesure que les Britanniques avancent et mettent la main sur le sous-continent indien, ils vont s’octroyer le droit de prélever des impôts. Les Britanniques ont la puissance financière, ils disposent des moyens financiers afin de recruter sur une large échelle et sur une longue période.

Il existe des indications qui courent entre le début du XVIIIème siècle et le milieu du XIXème sur l’évolution des effectifs de l’armée des indes.

Pendant un certain temps, il y a dans cette partie de l’Asie une armée de l’East Indian Company et une armée royale.

En 1740 au milieu du XVIIIème c’est-à-dire au moment où la Grande-Bretagne est présente, mais où les britanniques n’ont pas encore mis la main sur une portion du sous-continent, à l’aube des premières conquêtes il y a 2000 hommes, en 1850 ce sont 350000 hommes et au début de la période considérée ils ‘agit pour les 2000 militaires uniquement d’européens.

La composition va changer énormément en un siècle, au milieu du XIXème siècle, plus de 310000 soldats sont recrutés sur place, ce qui fait près de 90% du total des effectifs au moment où le sous-continent indien est dans l’ensemble tombé en mains britanniques, plus du 90% des effectifs sont des soldats recrutés sur place.

Ce sont eux qui conquirent le sous-continent, ce sont eux qui paient le prix et qui subissent le coût parce qu’il y a des pertes.

Voici un exemple de comment une politique sur une large échelle de recrutement sur place contribue à diminuer le coût supporté par la métropole.

Carte pole de puissance dans le monde au XVIeme.png

Les britanniques ne se contentent pas de mobiliser les ressources militaires du sous-continent pour conquérir l’Inde et maintenir l’ordre, ils utilisent les soldats recrutés sur place également pour appuyer les troupes britanniques engagées sur d’autres théâtres d’opérations : le sous-continent indien et dans d’autres possessions britanniques en Malaisie, en Birmanie, en Afrique orientale et dans des zones d’influences au Moyen-Orient.

Il est beaucoup plus facile de faire intervenir des troupes recrutées des indes pour intervenir dans ces zones que plutôt de faire intervenir des troupes britanniques. Cette position géographique de l’Inde bien meilleure que la position géographie britannique qui fait qu’on va puiser dans le sous-continent.


Les troupes indiennes participent au XIXème siècle à toute une série d’opérations à l’expansion britannique, en Birmanie elles interviennent, plusieurs fois en Chine notamment durant la rébellion des Boxers en 1900, en Égypte, en Afghanistan, en Afrique orientale et centrale, en Afrique occidentale.

Nulle part, ce n’est pas tellement un tour de force, la Grande-Bretagne dispose avec l’Inde d’un réservoir humain gigantesque et la mobilisation est tout autant gigantesque.

L’Inde vers le milieu du XVIIIème siècle à partir du moment où les Britanniques vont commencer à recruter dans cette partie du monde colonisé, l’Inde a une population 2,5 fois plus importante que toute la population de l’Afrique au sud du Sahara.

  • Indonésie

En Indonésie, cela commence par Java, mais la conquête de l’archipel indonésien commence dans les années 1830 et s’achève à la veille de la Première Guerre mondiale, c’est une conquête interminable.

Est-il possible de détruire un mythe et notamment dans l’histoire de la colonisation européenne ? Il faut se sortir de la tête que les conquêtes ont été rapides.

Les conquêtes coloniales ont durées longtemps et ont eu un coût élevé, les colonisateurs le savaient c’est pourquoi cette pratique est de limiter le coût.

En Indonésie, le recrutement sur une large échelle de soldats indigènes dans l’armée royale des indes Néerlandaise est tardif, mais à partir du moment où les Hollandais se mettent en tête de conquérir les restes de l’archipel indonésien c’est-à-dire de mettre la main sur des terres au-delà de l’île de Java, ils vont devoir recourir massivement à des soldats recrutés sur place.

La conquête de l’Indonésie s’effectue par une armée qui est composée en terme relatif de plus de soldats européens que la conquête de l‘Inde.

Il n’y a aucune grande conquête coloniale qui ne parvient à tenir la comparaison qui rappellerait cette performance britannique dans le sous-continent où la conquête fut effectuée avec moins de 15% de miliaires européennes et pour l’Indonésie c’est 40%.

L’armée de conquête pour l’Indonésie est constituée de 1830 à 1913 de 40% de soldats bataves. Les Hollandais ne parviennent à étendre leur emprise territoriale au-delà de Java que lorsqu’ils se mettent où ils décident d’accroitre le nombre de soldats enrôlés sur place.

Avec la même pratique, on atteint une échelle qui n’est pas celle de l’Inde britannique, mais le recrutement ici est tardif.

Source: B. Etemad, La possession du monde. Poids et mesures de la colonisation, Bruxelles, Éditions Complexe, 2000, p. 72.
a) Afrique orientale, Sud-Ouest africain, Cameroun.
b) Congo belge.
c) Indes néerlandaises. Les troupes coloniales dans les Indes occidentales (Suriname et Curaçao) s'élèvent en 1913 à 497 hommes.
d) Philippines.
e) Troupes actives coloniales européennes plus troupes indigènes régulières non compris les effectifs des troupes coloniales stationnées en métropole (28.600 en février 1914).
f) non compris les dominions (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud), ni la Chine du Nord.


Ce tableau est une photographie pour la veille de la première guerre mondiale des armées coloniales européennes et leurs compositions. Pour l’Indonésie, l’Armée Royale des Indes néerlandaise, à ce moment-là, à la veille de la Première Guerre mondiale alors que la conquête de l’archipel Indonésie est presque conquise, les troupes autochtones représentent 70% du total des effectifs.

  • Algérie

Apparait l’Algérie en tant que singularité et qui peut étonner. Pourquoi la conquête coloniale en Algérie s’est faite par des troupes constituées quasi exclusivement de soldats français ?

En Namibie qui était une colonie allemande où la conquête a lieu assez tardivement, là également la conquête se fait par des troupes militaires constituées quasi exclusivement de soldats allemands.

Il y a un trait commun entre ces territoires, c’est ce que le colonisateur au départ rêvait ou imaginaient comme type d’implantation. Aussi bien en Namibie qu’en Algérie, la France et l’Allemagne pensaient pouvoir établir une colonie de peuplement.

Aussi bien les Français en Algérie que les Allemands dans l’actuelle Namibie voulaient faire de ces territoires des territoires réservés à l’homme blanc, d’emblée on exclu cette pratique. Dans le cas de l’Afrique du Sud, il n’y a pas recours à des Africains.


Ce sont des colonies qui se situent à la mi-chemin entre la colonie de peuplement et la colonie d’exploitation où les Européens restent de bout en bout très minoritaires.

Les Européens constituent une communauté plus consistante, mais ne parviennent à l’emporter démographiquement sur les autochtones ; c’est ce qu’on appelle des colonies mixtes, il n’y a pas lors des conquêtes coloniales compte tenu du modèle de colonisation projeté de recours à des soldats recrutés sur place, donc les conquêtes s’effectuent par des militaires métropolitains.

  • Pourquoi les pertes militaires françaises sont si lourdes en Algérie ?

Le coût humain est payé par la métropole parce qu’ici elle ne fait pas appel et n’a pas recours à cette pratique que les Britanniques en Inde ont utilisée de manière si efficace et sur une si large échelle.

L’Algérie ne deviendra jamais une colonie de peuplement, même si en 1954 les pieds-noirs sont 1 million cela représente toutefois que 10% de la population.

L’Algérie se situe à portée de main de l’hexagone et, une fois colonisée elle va être intégrée à la France comme un prolongement de la métropole.

La proximité fait que les ennemis très proches se font très mal.

L’un des éléments qui est inscrit dans l’histoire et que nous tentons d’expliquer et qui nous fait comprendre pourquoi aujourd’hui les relations entre la France et l’Algérie sont si compliquées est que la métropole a due et a voulue parce qu’elle avait un projet au cours de la conquête utiliser des troupes militaires exclusivement blanches et a acceptée de payer le prix.

La conquête commence en 1830, mais ce n’est que sur une petite échelle et à la fin des années 1840 que les Français commencent à recruter sur place, ce sont les fameux tirailleurs algériens.

La situation de la France au moment où elle se lance dans la conquête de l’Algérie est qu’elle a perdu un Premier empire, en 1812 quelques années avant la fin de la guerre napoléonienne la France n’a plus une seule colonie, elle a perdu toutes ces colonies et particulièrement Saint-Domingue, l’Algérie est l’occasion de former un nouvel empire colonial non plus centré sur l’Amérique, la France va repartir de zéro et il n’y a pas pour les Français comme ce fut le cas pour les britanniques en Inde et les Hollandais en Indonésie un territoire avec un réservoir humain où ils puissent puiser.

L’Algérie est la construction d’un nouvel empire impérial centré sur le Maghreb, l’Indochine et le sud du Sahara.

En Algérie, si on recrute sur place, on doit faire appel à des musulmans, ils pourraient retourner leurs armes contre les envahisseurs.

L’Algérie est une terre d’occupation rêvée, un prolongement possible de la métropole, mais aussi comme le sera l’Inde britannique une tête de pont de la conquête coloniale expliquant l’importance des effectifs militaires français stationnés sur ce territoire de 70000 à 80000 hommes entre 1880 et 1903, c’est plus que la totalité des troupes métropolitaines réparties dans l’empire français. À la fin du XIXème siècle, il y a plus de troupes métropolitaines stationnées en Algérie que dans le reste de l’empire.

À la fin des années 1840 – 1848, on recrute sur place les premiers régiments de tirailleurs algériens et cela plus précisément dès 1842.

C’est la situation inverse de l’Inde, la conquête de l’Algérie est une conquête effectuée par des troupes à plus de 90% métropolitaines.

Le choc microbien intervient également, des données permettent de retracer l’évolution des causes de décès parmi les troupes qui participent à la conquête, on retrouve parmi les troupes françaises, 80% à 90% des décès sont dus aux maladies.

C’est la prise en compte d’éléments non objectifs, les éléments objectifs étant la densité de peuplement, l’environnement épidémiologique, les structures en place au départ ; l’erreur de la France est d’avoir voulu faire de l’Algérie pendant les premières décennies de l’occupation une colonie de peuplement qui devait au bout du compte ressembler aux États-Unis mai cela n’est pas possible compte tenu des dispositions initiales.

L’armée française d’Algérie s’appelle l’armée d’Afrique, cette armée a une taille plus réduite que l’armée britannique des Indes, mais en revanche elle joue le même rôle dans l’extension du Second Empire français.

Après les années 1850 - 1860, ce sont les tirailleurs algériens qui vont intervenir sur d’autres terrains d’opérations notamment au Sénégal, à la Cochinchine qui est le Vietnam actuel, en Tunisie, à la conquête du Gabon, du Soudan français, des oasis sahariennes et enfin du Maroc.

Au total, la conquête du Maghreb se fait avec le concours de contingents autochtones plus limités qu’en Afrique et dans le sud du Sahara.

En Afrique, les armées européennes constituent les trois quarts des armées conquérantes, beaucoup de troupes métropolitaines en terme relatif par rapport aux cas asiatiques.

  • Afrique du sud du Sahara

Comme en Asie, ce sont les Portugais qui s’installent d’abord dans le golf de Guinée et dès le début du XVIème siècle les Portugais recrutent en Angola une « armée noire ». Les Français suivent l’exemple en Afrique occidentale où les africains sont d’abord utilisés comme auxiliaires, à partir de 1857 est créé par un décret impérial le corps de tirailleurs sénégalais faisant des soldats africains des soldats réguliers.

Charles Mangin est un militaire qui a théorisé dans des écrits cette pratique, au début du XXème siècle, il vante les vertus des « troupes noires » : « la conquête de l’Ouest africain est leur œuvre, il faut saluer la contribution de ces troupes noires » à la conquête de l’Afrique noire française « ces troupes ont donné à la France un territoire plus vaste que l’Europe (…) dans toutes les possessions africaines françaises il n’existe comme troupe venant de la métropole qu’un bataillon de 450 hommes en garnison à Dakar ».

450 militaires européens pour 12500 soldats autochtones recrutés sur place, la France a des troupes noires à Madagascar, en Algérie, en Indochine et au Maroc. La France les déploie en métropole en 1839, des tirailleurs interviennent à Marseille contre des grévistes, des soldats indigènes de l‘empire participent à la Deuxième Guerre mondiale, après la guerre les tirailleurs algériens sont envoyés contre des manifestants notamment à Toulouse contre des communistes. Un socialiste accuse Mangin de vouloir créer « une armée prétorienne au service de la bourgeoisie et du capital »[7]

Les Britanniques vont également de leur côté en Afrique noire avoir leur armée coloniale régulière composée à plus de 90% d’autochtones, elles font leur apparition en Afrique occidentale en 1897 et en Afrique orientale et centrale en 1902, les Anglais utilisent des soldats puisés dans d’autres régions de leur empire notamment recrutées dans le sous-continent indien et dans les Antilles.

En Afrique occidentale, ce sont principalement des soldats antillais, en Afrique orientale et centrale ce sont des Indiens du sous-continent.

Dans le tableau 6, on voit que les Allemands et les Belges comptent tout autant sur leurs recrues locales : les Belges forment l’armée coloniale la plus cosmopolite autant du côté européen avec des officiers suisses autant que du côté des troupes africaines, les Belges vont chercher des soldats dans ce qui va devenir le Congo belge, mais aussi en dehors de ce territoire.

Les Italiens et les Portugais ne dérogent pas à la règle, les Portugais soumettent le Mozambique et l’Angola par leur très longue expérience d’incorporation des autochtones, « le Mozambique s’est conquis lui-même, ce sont les Africains eux-mêmes, alliés, mercenaires, collaborateurs forcés des Portugais qui meurtrissent et façonnent la colonie ».

  • Pourquoi acceptent-ils ?

Il faut se rappeler que les Européens appliquent une méthode qui avait déjà cours, en Inde le colonisateur britannique prélève dans le grand réservoir de soldats des États du Nord, ce réservoir dans lequel puisaient déjà les cadres de l’armée moghole.

En Asie il y a des régions spécialisées en approvisionnement, la Suisse a été connue pendant de longs siècles comme pourvoyeuse de mercenaires, il y avait donc aussi et c’est le cas en Asie et plus particulièrement dans le sous-continent des régions qui avaient de tels avantages comparatifs.

En Afrique, les soldats sont soit des esclaves rachetés à leurs maitres, soit des prisonniers de guerre, soit des volontaires.

Lorsque l’Européen recrute sur place, il montre des préférences, ils préfèrent recruter dans les « races guerrières ». Il existe toute une série de communautés comme en Afrique orientale le Yoruba, en Afrique orientale des Massaïs, le colonisateur va recruter dans ces groupes. Il marque aussi une préférence pour les indigènes convertis au christianisme.

Le recrutement est assuré avec le concours des chefs locaux qu’ils soient ralliés ou soumis, ce recrutement s’effectue selon ce que l’on appelait la « politique des races ».

En Afrique au sud du Sahara on va enrôler des fétichistes pour contenir les musulmans, les Britanniques utilisent des pasteurs nomades qu’ils opposent à des agriculteurs sédentaires, à Madagascar les populations des côtes sont utilisées pour faire contre poids aux populations des hauts plateaux.

  • Pourquoi cela est possible ?

Il n’y a pas de nationalismes ni en Asie ni en Afrique, ce que nous appelons le nationalisme émerge pour la première fois à la toute fin du XIXème siècle. En Inde, le nationalisme indien apparait dans les années 1880 – 1890. Concernant le nationalisme en Asie et en Afrique cela survient après la Première Guerre mondiale.

Il n’y a pas d’objections au recrutement d’hommes d’un groupe pour lutter contre les hommes d’un autre groupe.

Il y a des pays qui retournent à cette situation, dans la presse on parle parfois de « somalisation », il n’y a plus d’État national, toutes les structures disparaissent, elles n’existaient pas à une certaine époque.

De la bonne gestion des ressources humaines[modifier | modifier le wikicode]

C’est un monde où le nationalisme n’a pas encore émergé et le colonisateur européen accentue ce contexte particulier en adoptant une « politique des races » qui divise, mais la division est déjà présente est de surcroit accentuée par le colonisateur.

Toutefois il y a d’autres ressorts : il y a l’attrait de la solde c’est-à-dire de ce que le soldat reçoit comme argent afin d’être enrôlé, cette solde est relativement élevée dans le sous-continent indien et régulièrement versé, c’est un attrait suffisant pour inciter les « races guerrières » autochtones à se mettre au service de l’East India Company, dans le Sahara la solde est plus modeste, mais à défaut d’attraits financiers, il reste aux soldats africains le produit du pillage et la distribution des « épouses libres ».

L’armée coloniale peut paraitre comme moins injuste que la société coloniale, si le recours aux soldats indigènes et leur engagement peut apparaitre comme une possibilité d’intégration, cet engagement peut également aller dans l’autre sens et se retourner contre le colonisateur c’est-à-dire l’engagement dans l’armée coloniale est une expérience de lutte qui, au moment des guerres d’indépendances, peut se retourner contre le colonisateur par exemple lors de la guerre d’Algérie de 1954 à 1962, les musulmans, les soldats nationalistes qui ont combattu les Français avaient d’abord été engagés pour la plupart dans l’armée française en Indochine.

Beaucoup plus que les Africains ou les Marocains, les Algériens se sont montrés sensibles à la propagande des vietminh, la guerre d’Indochine précède, elle a lieu de 1945 à 1954.

Le tableau 6 montre que la pratique qui consiste à recourir à des soldats indigènes sur place est une pratique partagée par tous les colonisateurs, c’est une pratique précoce et systématique.

Vers 1913, à la veille de la Première Guerre mondiale, 70% des effectifs militaires des armées coloniales européennes sont constitués par des soldats recrutés sur place. En 1913 ce sont environ 500000 hommes stationnés en Asie et en Afrique, les 2/3 de ces 500000 sont concentrés dans le sous-continent indien.

La Grande-Bretagne et la France s’imposent comme les deux grandes puissances colonisatrices, l’Italie apparait à cette date comme une grande puissance colonisatrice qu’elle n’est pas vraiment. En 1913, l’Italie, qui est une puissance colonisatrice tardive, est engagée dans la conquête de la Lybie.

Très peu de soldats et d’officiers européens contrôlent une masse d’individus peuplant les colonies d’Asie et d’Afrique, à la veille de la Première Guerre mondiale c’est moins de 160000 officiers et soldats européens qui tiennent quelque 500000 personnes peuplant les colonies d’Asie et d’Afrique.

Vers 1913 280000 soldats contrôlent l’Inde peuplée de 315 millions d’habitants, dans les indes néerlandaises se sont 10000 soldats européens qui contiennent 50 millions d’Indonésiens, au Congo belge on compte moins de 450 officiers européens pour un territoire peuplé de 11 millions d’individus. Les européens vont recruter massivement sur place parce qu’ils vont se rendre compte que le taux de mortalité des autochtones et plus faible que les soldats venus de la métropole.

Dès le XIXème siècle, on constate qu’un indigène survie mieux qu’un européen non immunisé, non pas que les autochtones ne sont pas soumis aux maladies, mais avec le temps, une fraction de ces populations développe des immunités.

La malaria concerne des régions où le paludisme est endémique, les personnes les plus vulnérables sont les enfants en bas âge seulement ils bénéficient des anticorps fournis par le lait maternel si bien que la malaria frappe après le sevrage.

On oublie souvent de dire qu’il y a une mortalité par la malaria parmi les autochtones, seulement ceux qui survivent fabriquent leurs forces immunitaires, les Européens enrôlent ce qui ont survécus d’où des écarts de mortalités importants entre autochtones et européens.

Dans les années 1920 – 1930, le taux de mortalité enregistré parmi les troupes britanniques stationné en Afrique occidentale sont très élevés : les soldats enregistrent un taux de soldat plus élevé que les officiers, 48,3% de taux de mortalité pour les troupes britanniques en Afrique occidentale pour les soldats et 20,9% pour les officiers contre 2,5% pour les Africains recrutés sur place. Le nombre de décès est 9 fois supérieur pour les soldats européens que chez les militaires africains.

Ces écarts vont se réduite sans disparaître, ils restent prononcés.

Dans la seconde moitié du XIXème siècle, la mortalité du soldat européen stationné en Afrique subsaharienne et en Asie est 2,6 fois supérieure que son homologue indigène enrôlé dans les armées coloniales.

Ces écarts subsistent et reste significatif tout au long du XIXème siècle parce que les puissances européennes n’adoptent pas toutes la même approche, certaines font appellent à des troupes autochtones tardivement tandis que d’autre restent en retrait. Ceux qui font le plus appel aux soldats indigènes sont les Britanniques et les Néerlandais, en revanche, les Français restent en retrait, les conquêtes coloniales donnent lieu à de grands rassemblements de troupes ou les troupes autochtones représentent 20% à 25% des effectifs.

Il y a des pratiques chez les européens qui se ressemblent, mais à un degré qui peu différent, les Français recrutent de manière générale moins que les britanniques et les Néerlandais ce qui contribue à maintenir les écarts durant le XIXème siècle.

Des empires acquis à des prix de solde[modifier | modifier le wikicode]

Plus une puissance colonisatrice et plus dans le cadre d’une conquête coloniale a recours à des soldats autochtones et à des travailleurs indigènes et moins la métropole devra débourser.

Les conquêtes les plus « bon-marchés » sont celles où la puissance colonisatrice fait appelle massivement à des forces et des ressources humaines locales.

Les soldats européens reviennent chers parce qu’ils meurent ; au milieu du XIXème siècle le recrutement et le maintien de troupes européennes en Inde coûtent trois fois plus qu’en métropole, dans le domaine français un tirailleur indochinois ou sénégalais coûte dans les années 1870, 25% moins cher que sont homologue métropolitain, à la fin du XIXème siècle un tirailleur indochinois et sénégalais coûte environ 50% moins qu’un soldat français. À la veille de la Première Guerre mondiale, un tirailleur sénégalais coûte 500 francs, en France un soldat coûte 1137 Français et l’écart serait encore plus élevé si le prix porterait sur le prix de revient d’un soldat français ; l’écart reste de 1 à 2 à la veuille de la Deuxième Guerre mondiale, un soldat français coûte 111 francs contre 37 pour un soldat indigène.

Cela a une incidence sur le coût financier des conquêtes selon qu’on ait recours à une telle pratique ou que l’on donne la priorité à des soldats européens ou qu’on reste en deçà de l’approche britannique et néerlandaise.

Les écarts sont encore plus importants dans les activités où il faut faire appel à des travailleurs de force, le portage est une activité très pénible, les activités de transport de matériel et d’aménagement des routes. Dans de telles activités, le prix de revient d’un Européen sous les tropiques est dissuasif.

Quelle que soit la puissance colonisatrice pour de telles activités, on fait appel à des travailleurs autochtones. Si ce type de travail était confié à un français plutôt qu’à un autochtone cela coûterait énormément.

Non seulement le porteur européen meure plus vite et il coûte très cher, évidemment on ne peut avoir recours à un tel personnel.

Avec de tels écarts, le coût financier des campagnes coloniales va varier en fonction du degré d’utilisation des indigènes, que ces indigènes soient soldats ou travailleurs, porteurs, terrassier, etc.

On dispose de données chiffrées afin d’évaluer le coût financier des conquêtes coloniales, mais qui n’ont lieu que dans la seconde moitié du XIXème siècle, avant on ne dispose pas du matériel statistique nécessaire.

Pour la phase de la deuxième moitié du XIXème siècle, chaque guerre coloniale effectuée par la Grande-Bretagne en Afrique subsaharienne et en Asie coûte en moyenne 20 millions de dollars de l’époque. Si l’on devait calculer le « tarif moyen » des campagnes coloniales menées par la France durant ce demi siècle semble plus élevé de l’ordre de 30 millions de dollars américains courants.

Durant la seconde moitié du XIXème siècle, il y a d’autres campagnes militaires menées non seulement par la Grande-Bretagne et la France, mais aussi les Pays-Bas, la Belgique, le Portugal, l’Italie. Au total c’est 150 campagnes militaires effectuées en Afrique et en Asie.

Ce n’est pas le nombre qui importe, les données chiffrées disponibles permettent d’évaluer pour l’ensemble des guerres de conquête coloniales entreprises dans la seconde moitié du XIXème siècle le montant total déboursé par l’Europe colonisatrice pour ces 150 expéditions, c’est entre 3 à 4 milliards de dollars courants soit de 0,1 à 0,3% du produit national brut des puissances colonisatrices européennes.

Y a-t-il dans les expériences coloniales des conquêtes financées non pas par les populations soumises, mais par le contribuable métropolitain ? Dans les expériences coloniales y a-t-il des conquêtes dont le coût a été supporté par les contribuables métropolitains ?

La réponse est oui, mais dans un seul type de colonie qui est des colonies britanniques appelées les dominions, soit le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande ainsi que l’Afrique du Sud qui est une colonie à hégémonie européenne, mais dont la majorité de la population reste africaine.

Les dominions deviennent les « pays de l’homme blanc » ; qu’est-ce qui fait que dans ces territoires le coût de l’expansion soit supporté par les métropoles ?

Les populations européennes dans ces territoires acquirent précocement dès le milieu du XIXème siècle des droits et des pouvoirs institutionnels qui leur permettent de refuser de porter le fardeau des dépenses militaires assumées par la métropole.

La guerre en Afrique du Sud entre 1899 et 1902 appelée la guerre anglo-boer dont le coût financier est exorbitant, mais à la charge des contribuables britanniques.

Si les colonies d’exploitation comme l’Inde n’ont pas cette possibilité, elles se voient contraintes par le colonisateur de supporter les coûts de conquête ainsi que les dépenses militaires de conquête, d’administration et d’équipement qu’on appellerait aujourd’hui des investissements de développement.

La conquête et la défense de l’Inde ne coûtent pas un sou à la métropole, sa conquête et sa défense sont entièrement financées par des revenus prélevés dans les territoires successivement conquis. Non seulement le coût de maintien des troupes autochtones et à la charge des Indiens tout comme le coût des troupes britanniques stationnées dans le sous-continent, autrement dit, l’Inde est engagée dans des opérations extérieures et supporte la charge des troupes indiennes faisant partie de l’aventure coloniale britannique en Asie et en Afrique.

Les trois plus grandes puissances colonisatrices contrôlent plus de 85% des peuples colonisés, l’image globale valable est pour ces trois grandes puissances.

Dans le cadre de la conquête de l’Indonésie, les dépenses militaires sont financées par des prélèvements effectués sur Java par le colonisateur néerlandais.

Une étude s’intéresse à la proportion du coût de l’expansion coloniale française dans le total des dépenses budgétaires. De 1830 à 1913, la France se taille un second empire colonial en Indochine, dans le nord africain et en Afrique subsaharienne n’excédant pas 6% des dépenses budgétaires de la métropole.

Les conquêtes n’ont coûté pratiquement rien ; l’Afrique-Occidentale française est une fédération qui comprend le Sénégal, l’actuel Mali, la Guinée Conakry, la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Niger et la Haute-Volta, fédération importante par son étendue, sa population et sa richesse, le coût supporté par la France est dérisoire, la conquête de l’Afrique-Occidentale française représente 0,23% du total des dépenses publiques de la France.

La colonisation a été effectuée à des prix de soldes parce que cette étude s’attaque à déterminer le total des dépenses publiques de la France consacrées à l’administration et aux dépenses afin d’équiper les colonies en infrastructures.

La contribution de la métropole afin de conquérir cet ensemble, l’administrer et assurer les investissements dans les infrastructures est en moyenne de 1844 à 1957, de 0,29% du total des dépenses publiques de la France.

L’administration et le développement sont négligeables. En utilisant ces chiffres, on pourrait affirmer que les conquêtes coûtent cher.

Y a-t-il des États européens qui s’en sortent bien moins s’étant mis dans la tête de former un empire colonial, mais qui n’ait pas réussir à faire supporter le coût par les colonisés ?

C’est le cas de l’Italie, les guerres coloniales italiennes sont ruineuses pour l’État transalpin, la campagne d’Éthiopie de 1935 – 1936 par les moyens humains engagés, par le recours à une logistique va causer la banque route de l’État fasciste.

L’Italie reste un cas atypique et marginal si bien qu’on peut conclure qu’en Asie et en Afrique les budgets coloniaux alimentés par les impôts prélevés sur les populations assujetties assurent les frais d’administration générale et le remboursement des emprunts d’équipement.

Les conquêtes ne coûtent pas cher, mais est-ce qu’une fois dans la phase de mise en exploitation qui nécessite des dépenses en infrastructures coûte cher de nouveau ?

Cela est non, se sont les assujetties qui paient : « si la charge coloniale apparait finalement relativement légère pour le contribuable français c’est parce que d’autres paient et peut être plus à savoir les contribuables indigènes »[8]

Les peuples colonisés s’asservissent eux-mêmes et ils paient encore leur propre asservissement, aussi les empires coloniaux d’Asie et d’Afrique ont été acquis à des prix de solde.

Annexes[modifier | modifier le wikicode]

Références[modifier | modifier le wikicode]

  1. Etemad Bouda - SSP UNIL
  2. Bouda Etemad (auteur de Empires illusoires) - Babelio
  3. Publications de Bouda Etemad | Cairn.info
  4. Bouda Etemad | Armand Colin
  5. Bouda Etemad - Data BNF
  6. Bouda Etemad - BiblioMonde
  7. Jean Jaures, Cbambre des députés, C.R. des débats, 18 et 21 février 1910
  8. François Bobrie, Finances publiques et conquête coloniale : le coût budgétaire de l’expansion française entre 1850 et 1913, Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 1976, Volume 31, 6, pp. 1225-1244. (p. 1241)