État, souveraineté, mondialisation, gouvernance multiniveaux

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L'État moderne est un concept central en science politique. Il désigne une entité territoriale qui exerce une autorité souveraine et dont le gouvernement a le pouvoir de prendre et d'appliquer des lois, d'administrer la justice et de contrôler les ressources. Cette entité est caractérisée par sa légitimité, sa souveraineté, son territoire délimité et son peuple.

La science politique, en tant que discipline, se consacre à l'étude de l'État moderne, de ses institutions et des processus qui façonnent les politiques publiques. Cette discipline examine également les structures de pouvoir, les idéologies, les politiques internationales, et les diverses formes de gouvernance. L'État moderne joue un rôle essentiel dans la définition de l'identité politique d'un pays. Il est l'entité qui organise et définit la vie politique, sociale et économique d'une nation. En outre, l'État moderne est également responsable de la protection des droits de l'homme et de la mise en œuvre de la justice sociale. Le concept d'État moderne a évolué au fil du temps. Aujourd'hui, il est souvent associé à des concepts tels que l'État-providence, qui suggère que l'État a une responsabilité envers le bien-être social et économique de ses citoyens. De plus, avec la globalisation et les défis contemporains tels que le changement climatique et la cybersécurité, le rôle et la nature de l'État moderne sont constamment en évolution. La science politique, en analysant ces transformations et en étudiant les différents modèles d'État à travers le monde, joue un rôle crucial dans notre compréhension de l'État moderne.

L'État peut être compris et analysé sous plusieurs angles qui mettent en évidence différentes facettes de son fonctionnement.

  1. L'État comme un ensemble de normes - des théories politiques normatives: Dans cette perspective, l'État est vu comme un ensemble de principes, de règles et de normes qui régissent la façon dont il fonctionne et la façon dont les citoyens sont censés se comporter. C'est l'étude de l'idéal de l'État, des principes éthiques et moraux qui devraient guider ses actions. Les théories politiques normatives cherchent à définir ce que devrait être un bon État, quels devraient être ses objectifs et comment il devrait réaliser ces objectifs.
  2. L'État comme un site de pouvoir et d'autorité: Ici, l'accent est mis sur l'État en tant qu'entité qui détient et exerce le pouvoir. L'État est vu comme l'autorité ultime qui contrôle la société et qui a le pouvoir de faire appliquer ses lois et ses règles. Il s'agit d'explorer comment l'État utilise ce pouvoir, comment il est contesté, négocié et distribué, et comment il influence les relations sociales et politiques.
  3. L'État comme un ensemble d'institutions et leurs effets: Dans cette perspective, l'attention est portée sur l'État en tant qu'ensemble d'institutions - comme le gouvernement, le système judiciaire, l'administration publique, etc. - qui ont des effets concrets sur la société et la vie des citoyens. Cette approche examine comment ces institutions sont structurées, comment elles interagissent, comment elles influencent la politique publique et comment elles affectent le bien-être des citoyens.

Ces trois angles d'approche offrent un cadre analytique utile pour comprendre l'État moderne, ses rôles, ses fonctions et son impact sur la société. Ils permettent également d'appréhender les défis auxquels l'État est confronté et les opportunités qui s'offrent à lui dans le contexte contemporain.

Le Concept de l’État[modifier | modifier le wikicode]

Définition de l'État[modifier | modifier le wikicode]

L'État est un concept complexe qui a évolué au fil du temps et qui varie en fonction des contextes historiques et culturels. Fondamentalement, l'État est une entité politique qui possède une souveraineté sur un territoire défini et une population. Il a le pouvoir de faire et d'appliquer des lois, d'imposer l'ordre, de contrôler et de défendre son territoire, et de conduire des relations avec d'autres États.

Les fondements de l'État peuvent être retracés jusqu'à l'Antiquité, avec des exemples précoces en Égypte, en Grèce et en Chine.

  • En Égypte ancienne, le concept de l'État était lié à la figure du pharaon, qui était considéré comme un dieu vivant et qui détenait le pouvoir absolu sur le territoire et le peuple. La bureaucratie de l'État était organisée pour servir le pharaon et pour administrer le pays.
  • En Grèce antique, on voit émerger l'idée de la cité-État, où un territoire urbain et sa campagne environnante formaient une unité politique indépendante, ou "polis". C'était une communauté de citoyens libres qui participaient directement à la prise de décision politique, un concept qui a jeté les bases de la démocratie.
  • En Chine ancienne, l'État était organisé autour de la notion de "Mandat du Ciel", selon laquelle le dirigeant, ou empereur, avait le droit de gouverner tant qu'il maintenait l'ordre et la prospérité. Le rôle de l'État était d'assurer l'harmonie sociale et de maintenir l'ordre cosmique.

Le concept moderne d'État tel que nous le connaissons aujourd'hui a commencé à prendre forme en Europe occidentale à la fin du Moyen Âge, avec le déclin de la féodalité et l'avènement de la Renaissance. Au cours de la période féodale, le pouvoir était largement décentralisé. Les seigneurs locaux détenaient un pouvoir considérable sur leurs terres et leurs sujets, et l'autorité du roi était souvent limitée. De plus, la papauté et l'empire avaient une influence majeure sur la vie politique et sociale. Cependant, avec le déclin du système féodal et l'essor des villes et du commerce pendant la Renaissance, le pouvoir a commencé à se centraliser. Les rois ont commencé à consolider leur autorité, à établir des administrations centralisées et à asseoir leur contrôle sur leur territoire. C'est à cette époque que l'on voit émerger les premiers États-nations, avec des frontières définies et une autorité centralisée. La baisse de l'influence de la papauté et des institutions impériales a également joué un rôle clé. Avec le déclin de ces autorités supra-nationales, les rois ont été en mesure d'affirmer leur souveraineté et de prendre le contrôle de leur territoire et de leur population. Ces transformations ont posé les bases de l'État moderne. Cependant, il convient de noter que le processus de formation de l'État a été très différent selon les régions et les pays, et que le concept d'État a continué à évoluer et à se développer jusqu'à nos jours.

L'émergence de l'État moderne est un sujet d'étude vaste et complexe, et de nombreux chercheurs ont contribué à notre compréhension de ce processus. L'un des plus importants est sans doute Charles Tilly, sociologue et politologue américain, connu pour son travail sur l'évolution des États européens. Tilly a avancé l'idée que l'émergence de l'État moderne en Europe était étroitement liée à la guerre. Dans son ouvrage "Coercion, Capital, and European States, AD 990-1992", il soutient que les États qui ont réussi à mobiliser des ressources pour la guerre ont réussi à se centraliser et à se développer. En d'autres termes, la nécessité de lever des armées, de collecter des taxes pour financer les guerres, et de maintenir l'ordre interne a conduit à la création d'administrations centralisées et à la consolidation de l'autorité de l'État. Il a également souligné l'importance des conflits sociaux internes dans la formation de l'État, en particulier la manière dont les États ont répondu aux révoltes et aux soulèvements. La théorie de Tilly a eu une influence significative sur notre compréhension de l'évolution de l'État. Cependant, il convient de noter que sa théorie s'applique principalement à l'Europe, et que l'émergence de l'État moderne peut varier considérablement en fonction des contextes historiques, culturels et géographiques.

Pour Charles Tilly, afin de rendre compte de la formation de l’État moderne, il faut prendre en compte trois grandes dynamiques historiques :

  • importance de la guerre et de la tendance croissance de l’État à monopoliser la contrainte qui va donc amener un contraste entre la sphère étatique où règne la violence et la sphère de la vie civile ou est la non-violence. Selon lui, la guerre a joué un rôle central dans l'émergence de l'État moderne en Europe, en raison de son impact sur l'organisation politique et sociale. Selon Tilly, la nécessité pour les souverains d'engager des ressources importantes dans la guerre, notamment en raison de l'évolution des technologies militaires (comme l'introduction de la poudre à canon au XVème siècle), a conduit à une centralisation accrue du pouvoir. Pour financer les guerres de plus en plus coûteuses, les souverains ont dû développer une bureaucratie efficace pour collecter des impôts de manière régulière et systématique. Cela a conduit à la création d'un "budget de l'État", une innovation majeure dans l'organisation de l'État. En outre, la nécessité de recruter des hommes pour la guerre, de fournir du matériel et de l'approvisionnement en nourriture a entraîné la création de services gouvernementaux spécialisés. Cela a également contribué à la croissance de la bureaucratie de l'État. Enfin, la capacité de l'État à prélever des impôts sur ses sujets a été accompagnée d'une demande croissante de la part de ces derniers pour avoir leur mot à dire dans le gouvernement. Cela a conduit à l'émergence d'assemblées publiques et à l'établissement de certaines formes de représentation politique. Les guerres de plus en plus coûteuses ont nécessité des ressources croissantes, ce qui a incité les souverains à développer des systèmes d'imposition plus efficaces et réguliers. La gestion de ces fonds a mené à la conceptualisation du "budget de l'État", une innovation qui reste centrale dans la gestion des États modernes. Afin de soutenir ces efforts de guerre, les souverains ont également dû développer une bureaucratie de plus en plus complexe. Cela a inclus la création de services gouvernementaux dédiés à la mobilisation et à l'entretien des armées, à la fourniture de matériel de guerre et à l'approvisionnement en nourriture. La bureaucratie a également été nécessaire pour administrer le système d'imposition plus robuste. En outre, à mesure que l'État a accru sa capacité à prélever des impôts, les sujets ont commencé à exiger une plus grande représentation et responsabilité de la part de leurs souverains. Cette dynamique a contribué à l'émergence d'assemblées publiques et à l'établissement de certaines formes de représentation politique. En résumé, la thèse de Tilly suggère que la dynamique de la guerre a été un facteur majeur dans l'émergence de l'État moderne et de sa bureaucratie. Cependant, il convient de noter que cette théorie a ses critiques, et que d'autres facteurs peuvent aussi avoir joué un rôle important dans l'évolution de l'État.
  • avènement et développement économique parle capitalisme marchand. À partir du XVème siècle, on constate une transformation économique en profondeur liée à l’essor du commerce et de la finance. À partir du XVème siècle, l'essor du commerce et de la finance a conduit à des transformations économiques profondes. Le développement du capitalisme marchand, avec sa prédominance des activités commerciales et bancaires, a entraîné une urbanisation croissante et une intensification des échanges commerciaux. Ce phénomène a vu l'émergence d'un nouveau groupe social, la bourgeoisie, qui comprenait les marchands et les commerçants profitant de la production et du commerce des biens. À la différence de la paysannerie, la bourgeoisie était un groupe social politiquement libre qui jouait un rôle clé dans le financement des États, car elle accumulait du capital et prêtait de l'argent aux souverains. Charles Tilly a également souligné l'importance de la monétarisation de l'économie dans ce processus. Selon lui, dans les régions où l'économie était fortement monétarisée, les États les plus centralisés et les plus puissants ont tendance à émerger. De plus, la présence de villes commerçantes au sein du territoire d'un État a une influence significative sur sa capacité à mobiliser des ressources pour la guerre.
  • changement au niveau idéologique et au niveau de représentations collectives qui va amener au renforcement de la légitimité de l’État. L'évolution des idéologies et des représentations collectives a aussi joué un rôle important dans le renforcement de la légitimité de l'État moderne. Une transformation majeure a été l'émergence de l'individualisme, qui a marqué une rupture par rapport à la conscience collective de l'époque féodale. Comme l'historien George Duby l'a illustré dans son ouvrage "Les trois ordres", l'idéologie féodale était structurée autour d'un ordre trifonctionnel: ceux qui prient (le clergé), ceux qui combattent (les chevaliers), et ceux qui travaillent (les paysans). Dans ce système, l'appartenance individuelle à un ordre était largement prédéterminée. Avec l'émergence de l'individualisme, cependant, cette conception a commencé à changer. Les individus ont commencé à se voir non plus comme membres d'un ordre prédéterminé, mais comme parties contractantes dans les relations avec le souverain, les dirigeants et le gouvernement. Par exemple, un marchand pourrait se considérer comme un individu capable de négocier sa relation avec différents souverains, et pourrait choisir d'offrir sa loyauté à celui qui prélève le moins d'impôts. Cette évolution a eu un impact significatif sur la légitimité de l'État. Alors que la légitimité de l'État féodal était souvent basée sur le respect des traditions et des hiérarchies établies, la légitimité de l'État moderne est de plus en plus fondée sur sa capacité à respecter et à protéger les droits et les intérêts individuels. Cela a conduit à des changements majeurs dans la manière dont l'État est organisé et gouverné.

La forme d'État qui prédomine actuellement est l'État-nation. En fait, l'idée d'État-nation est intimement liée à l'idée de souveraineté nationale, ce qui signifie qu'un État est gouverné dans l'intérêt de sa propre population nationale. L'idée d'État-nation a commencé à prendre de l'importance en Europe au XIXe siècle, lorsqu'elle a été mise en pratique dans le cadre des mouvements d'unification en Italie et en Allemagne. Ces mouvements ont cherché à rassembler des territoires et des populations linguistiquement et culturellement similaires en une seule entité politique, créant ainsi un "État-nation". Au XXe siècle, ce concept d'État-nation s'est répandu bien au-delà de l'Europe. L'effondrement de l'Empire ottoman à la fin de la Première Guerre mondiale, par exemple, a conduit à la création de la Turquie en tant qu'État-nation. La décolonisation des années 1950 et 1960 a également donné naissance à un grand nombre de nouveaux États-nations. Dans beaucoup de ces cas, les frontières des nouveaux États ont été tracées par les puissances coloniales en retrait, souvent sans tenir compte des réalités ethniques ou culturelles sur le terrain. Cela a souvent conduit à des tensions et des conflits qui perdurent encore aujourd'hui.

Selon Weber, un sociologue allemand influent, l'État est une "communauté humaine qui, dans les limites d'un territoire déterminé... revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime".[1] Cette définition met l'accent sur trois aspects principaux de l'État :

  1. Territorialité : l'État doit contrôler un territoire déterminé. Il s'agit de la dimension spatiale de l'État, qui se réfère à la zone géographique sur laquelle l'État exerce son pouvoir.
  2. Communauté : l'État est une communauté de personnes. Il s'agit de la dimension humaine de l'État, qui renvoie à la population que l'État gouverne.
  3. Monopole de la violence légitime : l'État a le droit exclusif d'utiliser la force pour maintenir l'ordre et faire respecter ses règles. C'est ce qui distingue l'État des autres types d'organisations politiques.

La définition de Weber met en avant l'idée que la légitimité de l'État repose en grande partie sur sa capacité à monopoliser l'usage de la violence physique de manière légitime. Cette capacité est essentielle pour maintenir l'ordre social et pour que l'État soit en mesure d'exercer son autorité de manière efficace. Il est à noter que bien que cette définition soit largement acceptée, elle a aussi été critiquée et débattue. Certains soutiennent, par exemple, que la légitimité de l'État repose non seulement sur son monopole de la violence, mais aussi sur sa capacité à fournir des biens publics, à protéger les droits de l'homme, à promouvoir la justice sociale, etc.

Le Territoire comme élément de l'État[modifier | modifier le wikicode]

Le territoire est un élément essentiel de la définition de l'État, et il le distingue de la notion de "nation". En termes simples, le territoire se réfère à l'espace géographique délimité et contrôlé par un État. Il inclut non seulement les terres, mais aussi les ressources, l'espace aérien, et dans certains cas, les eaux territoriales et les zones économiques exclusives.

D'autre part, la notion de "nation" est souvent définie de manière plus culturelle ou ethnique. Une nation est généralement comprise comme un groupe de personnes qui partagent une identité commune basée sur des caractéristiques comme la langue, la culture, l'ethnie, la religion, les traditions, ou une histoire commune. Une nation peut ou ne peut pas coïncider avec les frontières d'un État. Par exemple, la "nation navajo" aux États-Unis, ou la "nation kurde" au Moyen-Orient, sont des nations qui ne correspondent pas à un État territorial spécifique.

L'idée d'État-nation tente de combiner ces deux concepts, proposant l'idéal d'un État où la population partage une identité nationale commune. Cependant, dans la pratique, de nombreux États sont multinationaux ou multiculturels, et l'alignement parfait de la nation et de l'État est rare.

Les concepts d'État et de nation ne sont pas nécessairement liés de manière stricte. La nation se réfère généralement à un groupe de personnes qui partagent une identité commune basée sur des caractéristiques culturelles, ethniques, linguistiques ou historiques, et cette identité peut exister indépendamment d'un territoire spécifique ou d'un État.

L'exemple de la communauté juive avant la création de l'État d'Israël illustre parfaitement cette idée. Pendant des milliers d'années, les Juifs se sont considérés comme faisant partie d'une nation, malgré le fait qu'ils étaient dispersés dans de nombreux pays et régions différentes. Ce sentiment d'appartenance à une nation juive a persisté malgré l'absence d'un territoire ou d'un État spécifiquement juif.

Il convient également de noter qu'il existe des nations qui n'ont pas leur propre État, parfois appelées "nations sans État". Les Kurdes, par exemple, sont souvent cités comme une nation sans État, car bien qu'ils aient un fort sentiment d'identité nationale, ils n'ont pas leur propre pays indépendant. Inversement, de nombreux États sont multinationaux ou multiethniques, abritant plusieurs groupes qui peuvent se considérer comme des nations distinctes. Par exemple, la Belgique comprend à la fois des Flamands et des Wallons, qui ont chacun leur propre langue et culture distinctes.

En somme, alors que l'État se réfère à une entité politique et territoriale, la nation est un concept plus fluide et subjectif, basé sur le sentiment d'appartenance à une communauté. Les deux ne coïncident pas toujours.

La Population : essentielle à la structure de l'État[modifier | modifier le wikicode]

L'État-nation, comme modèle dominant de l'organisation politique, a renforcé le lien entre la nation et l'État, et par extension, le lien entre la nation et le territoire. L'idée derrière le concept d'État-nation est que chaque "nation", ou peuple ayant une identité culturelle commune, devrait avoir son propre État. Dans un État-nation idéal, les frontières de l'État coïncideraient parfaitement avec l'étendue de la nation.

Cependant, la réalité est souvent plus complexe. Il existe de nombreuses nations qui n'ont pas leur propre État. Les Kurdes en sont un exemple couramment cité. D'autre part, de nombreux États sont multiethniques ou multinationaux et n'ont pas une seule "nation" qui correspond exactement à leurs frontières.

En ce qui concerne les "nations diasporas", c'est un terme qui est généralement utilisé pour désigner des groupes de personnes qui partagent une identité nationale commune mais qui sont dispersés dans différents pays ou régions. Les Tziganes, aussi connus sous le nom de Roms, sont un exemple de cela. Bien qu'ils n'aient pas de territoire ou d'État spécifique qui leur soit associé, ils ont une culture, une langue et une histoire communes qui constituent une identité nationale.

Ces exemples montrent que les relations entre la nation, l'État et le territoire peuvent varier considérablement et sont souvent beaucoup plus complexes qu'il n'y paraît à première vue.

L'État, en tant que concept et en tant que réalité tangible, est un construit humain. Il est un produit de l'histoire, des relations de pouvoir, des idéologies et des institutions créées par des êtres humains. L'État est non seulement une entité politique et juridique qui régit un certain territoire, mais il est aussi une communauté de personnes. Sans ses citoyens, un État n'aurait pas de raison d'être. Les personnes qui vivent dans un État sont à la fois les sujets de son pouvoir et les bénéficiaires de ses services. Ils contribuent à sa prospérité par leur travail, paient des impôts pour financer ses activités, obéissent à ses lois et participent (dans la plupart des cas) à son processus politique. De plus, l'État a une responsabilité envers ses citoyens : protéger leurs droits et libertés, fournir des services publics, maintenir l'ordre, et promouvoir le bien-être général. La relation entre un État et ses citoyens est donc fondamentale pour sa légitimité et son fonctionnement.

C'est pourquoi on peut dire qu'un État sans habitants n'est pas concevable. Sans personnes pour le constituer, le gouverner, et être gouverné par lui, un État n'aurait ni substance, ni sens.

Le Monopole de la contrainte physique légitime : un aspect unique de l'État[modifier | modifier le wikicode]

Dans de nombreuses sociétés historiques, le pouvoir, la violence et la contrainte étaient beaucoup plus diffus. Le monopole de la violence légitime par l'État est une caractéristique du système étatique moderne, mais ce n'était pas toujours le cas. Avant l'émergence des États modernes, la capacité d'exercer la violence était souvent distribuée entre différents groupes et institutions. Par exemple, au Moyen Âge en Europe, la violence légitime était partagée entre une variété d'acteurs, comme les seigneurs féodaux, l'Église, les villes autonomes, etc. Chacun de ces acteurs pouvait exercer une forme de violence légitime dans certains contextes. Avec l'émergence de l'État moderne, le processus de centralisation du pouvoir a progressivement conduit à l'établissement du monopole de l'État sur la violence légitime. Cette évolution est souvent liée à la nécessité de maintenir l'ordre, de sécuriser les frontières, et de contrôler les conflits internes. Cependant, même dans les États modernes, la violence et la contrainte peuvent parfois être exercées par d'autres acteurs, comme les groupes criminels ou les organisations paramilitaires. Ces situations sont généralement considérées comme des défis à l'autorité de l'État et à son monopole de la violence.

Selon Tilly, « l’activité de l’État en général, donc son émergence, a créé un contraste accentué entre la violence de la sphère étatique et la non-violence de la vie civile. Les États européens ont provoqué ce contraste, ils le firent en mettant sur pied des moyens de contrainte réservés et en interdisant l’accès de ces moyens aux populations civiles. Il ne faut pas sous-estimer la difficulté ou l’importance du changement ; durant la majeure partie de l’histoire européenne, la plupart des hommes étaient toujours armés. De plus dans tous les États les potentats locaux et régionaux avaient à leur disposition des moyens de contrainte suffisants bien supérieurs à ce de l’État si on les réunissait en coalition. Pendant longtemps dans plusieurs régions de l’Europe, les nobles eurent le droit de déclencher des guerres privées ; les bandits prospéraient un peu partout tout au long du XVIIe siècle. En Sicile, ces professionnelles de la violence patentée et protégée que sont les mafiosi, continue aujourd’hui de terroriser la population. En dehors du contrôle de l’État, les gens profitèrent souvent de façon fructueuse de l’usage raisonné de la violence. Néanmoins, depuis le XVIIe siècle, les dirigeants on réussit à faire pencher la balance en faveur de l’État plutôt qu’envers leurs rivaux ; ils ont rendu le port d’arme personnel illicite, impopulaire, déclaré hors-la-loi les milices privées et réussi à justifier les affrontements entre une police armée et des civiles armées. Dans le même temps, l’expansion des forces armées propre à l’État commença à surpasser l’arsenal dont disposaient les potentiels rivaux intérieurs ».

Ce passage de Charles Tilly souligne un changement clé dans la transition vers les États modernes : le monopole croissant de la violence légitime par l'État. Ce processus n'a pas été facile ni rapide, car dans le passé, de nombreux acteurs pouvaient légitimement utiliser la force. Par exemple, les seigneurs féodaux pouvaient mener des guerres privées, et de nombreux hommes ordinaires étaient armés. Cependant, au fil du temps, les États ont progressivement réussi à restreindre l'accès aux moyens de contrainte et à monopoliser la violence. Ils ont interdit les milices privées, rendu le port d'armes personnel illicite et impopulaire, et établi des forces de police et des armées d'État puissantes. En même temps, ils ont délégitimé l'utilisation de la force par d'autres acteurs, comme les nobles et les bandits. Toutefois, Tilly note que ce processus n'a pas été totalement complet ou uniforme. Par exemple, en Sicile, des organisations comme la mafia ont continué à utiliser la violence de manière efficace, malgré le contrôle de l'État. De plus, dans de nombreuses parties du monde, la violence privée et non étatique reste un défi majeur pour l'ordre public et la légitimité de l'État. La citation de Tilly met donc en évidence l'importance du monopole de la violence légitime pour la constitution des États modernes, mais rappelle également que ce monopole n'est jamais absolu et qu'il est souvent contesté.

L'un des aspects clés de la définition de l'État moderne selon Max Weber est le monopole de la violence légitime. En d'autres termes, dans une société bien organisée et stable, seul l'État a le droit d'utiliser la force pour maintenir l'ordre et faire respecter les lois. Ce monopole est crucial pour le fonctionnement de l'État moderne. Il permet à l'État de maintenir l'ordre public, de protéger les droits et les libertés des citoyens, et d'exécuter les lois de manière efficace. Dans le même temps, il limite la possibilité pour les acteurs non étatiques, tels que les groupes criminels ou les individus, d'utiliser la violence pour parvenir à leurs fins. Cependant, il convient de noter que ce monopole de l'État n'est pas toujours complet ou incontesté. Il existe de nombreux cas où des acteurs non étatiques exercent une violence significative, que ce soit à travers le crime organisé, la violence domestique ou la rébellion armée. De plus, dans certaines circonstances, l'État lui-même peut abuser de son monopole de la violence, ce qui conduit à des violations des droits de l'homme et à la tyrannie. Dans l'ensemble, le monopole de la violence par l'État est une caractéristique clé de l'État moderne, mais il est également une source de nombreux défis et tensions.

Le concept de l'État ayant le monopole de la force légitime est une idéalisation qui ne reflète pas toujours la réalité complexe et nuancée sur le terrain. De nombreux pays à travers le monde ont des groupes armés non étatiques qui contestent le monopole de l'État sur l'usage de la force. En effet, dans de nombreux cas, ces groupes sont capables de contrôler des territoires, d'exercer une autorité substantielle sur les populations locales et de mener des opérations militaires ou paramilitaires contre l'État ou d'autres acteurs. L'Armée Républicaine Irlandaise (IRA) en Irlande du Nord et le Hamas dans les Territoires palestiniens sont des exemples notables de tels groupes. Ces situations soulèvent de nombreuses questions difficiles concernant la légitimité, l'autorité et le contrôle de la violence. Par exemple, quand un groupe non étatique contrôle un territoire et exerce une autorité sur sa population, peut-il être considéré comme un État de facto ? Et si un groupe non étatique a le soutien d'une grande partie de la population locale, est-ce que cela lui donne une certaine légitimité pour utiliser la force ? Ces questions sont très controversées et il n'y a pas de réponses simples. Cependant, elles soulignent le fait que la réalité de la politique, du pouvoir et de la violence est souvent beaucoup plus complexe que les théories simplifiées de l'État et du monopole de la violence peuvent le laisser croire.

La légitimité de l'usage de la force par l'État est un concept qui dépend en grande partie de la perspective et du contexte. L'usage de la force peut être jugé légitime si le gouvernement qui l'exerce est lui-même considéré comme légitime et si l'usage de la force est considéré comme nécessaire et proportionné pour maintenir l'ordre public, la sécurité nationale ou pour faire respecter les lois. Cependant, il est important de souligner que même si un gouvernement est généralement considéré comme légitime, cela ne signifie pas que tous ses usages de la force seront nécessairement vus comme légitimes. Il y a de nombreux exemples dans l'histoire où des gouvernements ont utilisé la force de manière abusive ou oppressive, ce qui a été largement condamné comme étant illégitime. De plus, la question de la légitimité peut être fortement influencée par des facteurs tels que la culture, la religion, l'histoire, les idéologies politiques et les relations de pouvoir. Par exemple, ce qui est considéré comme un usage légitime de la force dans une société peut être considéré comme totalement illégitime dans une autre. Enfin, il faut noter que la notion de légitimité n'est pas toujours clairement définie ou universellement acceptée. Ce qui peut être considéré comme un "freedom fighter" pour certains peut être vu comme un "terroriste" pour d'autres. Cette ambiguïté et cette subjectivité peuvent souvent rendre les discussions sur la légitimité de l'usage de la force très complexes et controversées.

Dans certains cas, des groupes armés peuvent justifier l'utilisation de la force comme une réponse à la répression ou à l'injustice perçue commise par l'État ou d'autres autorités légitimes. Ces groupes peuvent argumenter qu'ils utilisent la violence pour se défendre, pour défendre leur communauté ou pour résister à une autorité oppressive. C'est une raison fréquemment invoquée dans les conflits armés, les guérillas ou les mouvements de résistance. Cependant, il est important de noter que, bien que ces groupes puissent revendiquer la légitimité de leur usage de la violence, cela ne signifie pas nécessairement que cet usage sera reconnu comme légitime par d'autres, y compris la communauté internationale, les autres citoyens ou même d'autres membres de leur propre communauté. De plus, l'utilisation de la violence par ces groupes peut souvent entraîner des violations des droits de l'homme, des dommages collatéraux et d'autres conséquences négatives pour les civils innocents. En fin de compte, la question de savoir si l'usage de la force est légitime ou non peut être très complexe et controversée, et peut dépendre d'une multitude de facteurs, y compris le contexte spécifique, les motivations des acteurs impliqués, et les normes et valeurs de la société.

Définitions contemporaines de l’État[modifier | modifier le wikicode]

L'État, par sa nature complexe et multidimensionnelle, ne peut être réduit à une définition simple ou universelle. Les multiples définitions de l'État sont le reflet de différentes perspectives disciplinaires, approches théoriques, contextes historiques et politiques, ainsi que variations culturelles et régionales.

Dans différentes disciplines comme les sciences politiques, le droit, la sociologie, l'économie ou l'histoire, l'approche pour comprendre l'État varie. Par exemple, un juriste pourrait examiner l'État du point de vue de la structure juridique et des lois, tandis qu'un sociologue pourrait mettre l'accent sur les relations de pouvoir et les institutions sociales. De plus, la conception de l'État a évolué avec le temps et varie en fonction des contextes historiques. Les définitions contemporaines de l'État peuvent donc refléter différentes phases de son développement historique. La nature de l'État peut également varier d'une région ou culture à une autre. Il est donc possible que les définitions occidentales de l'État ne s'appliquent pas de la même manière dans des contextes non-occidentaux. D'autre part, l'interprétation de l'État peut être influencée par les idéologies politiques. Une perspective marxiste, par exemple, pourrait voir l'État comme un instrument de la classe dominante, alors qu'une perspective libérale pourrait le considérer comme un arbitre neutre entre différents intérêts sociaux. Enfin, étant donné la complexité inhérente à l'État, qui comprend une multitude d'acteurs, d'institutions, de règles et de processus, il n'est pas surprenant qu'il existe de nombreuses façons de le définir. Ces diverses définitions aident à saisir les différentes facettes de l'État, et à mieux comprendre son rôle et son fonctionnement dans divers contextes.

Parmi les définigitions les plus courantes on retrouve :

  • Définition juridique: L'État est un sujet de droit international qui possède un territoire déterminé, une population permanente, un gouvernement, et la capacité d'entrer en relation avec d'autres États. Cette définition, largement utilisée en droit international, est souvent associée à la Convention de Montevideo de 1933.
  • Définition de Max Weber: Pour le sociologue Max Weber, un État est une entité qui revendique avec succès le monopole de la violence physique légitime sur un territoire donné. Cette définition met l'accent sur la capacité de l'État à maintenir l'ordre et à appliquer les lois grâce à son monopole de la violence légitime.
  • Définition institutionnelle: Certains théoriciens politiques définissent l'État en termes d'organisations et d'institutions. Selon cette perspective, un État est un ensemble d'institutions politiques (telles que le gouvernement, les bureaucraties, les forces armées, etc.) qui possèdent l'autorité sur un territoire spécifique et sa population.

Selon la définition donnée par Charles Tilly dans son article War Making and State Making as Organized Crime publié en 1985, les États sont « [States are] relatively centralized, differentiated organizations, the officials of which, more or less, successfully claim control over the chief concentrated means of violence within a population inhabiting a large contiguous territory ».[2] La citation de Charles Tilly de son article de 1985, "War Making and State Making as Organized Crime", propose une définition succincte mais profonde de l'État. Selon Tilly, les États sont "relativement centralisés, des organisations différenciées, dont les responsables revendiquent, plus ou moins, le contrôle sur les principaux moyens concentrés de violence au sein d'une population habitant un vaste territoire contigu".

Cela souligne quelques points clés de sa conception de l'État :

  • Centralisation : Les États sont des organisations où le pouvoir est concentré et organisé autour d'une autorité centrale. Cette centralisation permet une meilleure coordination et un contrôle plus efficace sur les diverses fonctions et responsabilités de l'État.
  • Différenciation : Les États sont composés de nombreuses parties différentes, chacune ayant ses propres rôles et responsabilités. Cette différenciation permet à l'État de remplir une multitude de fonctions nécessaires pour sa survie et son fonctionnement efficace.
  • Contrôle de la violence : Un aspect crucial de la définition de Tilly est l'affirmation que les États revendiquent le contrôle sur les principaux moyens de violence. Cela signifie qu'ils ont le monopole de l'utilisation légitime de la force physique dans leur territoire. Ce monopole est essentiel pour maintenir l'ordre et l'autorité de l'État.
  • Population et territoire : L'État est aussi défini par la population qu'il gouverne et le territoire qu'il contrôle. Ces deux aspects sont cruciaux pour l'existence et le fonctionnement d'un État.

La définition de Tilly offre une vision pragmatique et réaliste de l'État, insistant sur ses capacités coercitives et son rôle en tant qu'entité organisée détenant le monopole de la violence.

La définition de l'État proposée par Douglass North dans son ouvrage "Structure and Change in Economic History" publié en 1981 souligne l'importance de la violence et du pouvoir fiscal dans la structuration des frontières de l'État. North définit l'État comme "une organisation avec un avantage comparatif en matière de violence, s'étendant sur une zone géographique dont les frontières sont déterminées par son pouvoir de taxer les constituants".[3]

  • Avantage comparatif en matière de violence : Cette notion renvoie à l'idée que l'État a une capacité supérieure à d'autres entités pour exercer la violence de manière légitime. C'est ce qui lui permet d'imposer son autorité et d'assurer l'ordre au sein de ses frontières.
  • Frontières déterminées par le pouvoir de taxation : North souligne également l'importance du pouvoir fiscal dans la définition des frontières de l'État. En effet, la capacité de l'État à lever des impôts sur ses constituants est un élément essentiel de sa souveraineté et de sa capacité à fonctionner efficacement.
  • Zone géographique : L'État est défini par une certaine zone géographique. Les frontières de cette zone sont déterminées par le pouvoir de l'État à exercer sa violence de manière légitime et à lever des impôts sur ses constituants.

Cette définition souligne l'importance des aspects économiques et coercitifs dans la conception de l'État, tout en reconnaissant que le pouvoir et la portée de l'État peuvent varier en fonction de sa capacité à mobiliser des ressources par le biais de la fiscalité.

La définition de l'État proposée par Clark et Golder dans leur ouvrage "Principles of Comparative Politics" publié en 2009 se concentre sur l'usage de la coercition et de la menace de la force pour régner sur un territoire donné. Selon eux, "Un État est une entité qui utilise la coercition et la menace de la force pour régner sur un territoire donné. Un État défaillant est une entité semblable à un État qui ne peut pas contraindre et est incapable de contrôler efficacement les habitants d'un territoire donné."[4] Cette définition souligne le rôle crucial de la coercition dans l'exercice du pouvoir de l'État. L'utilisation de la force et la menace de la force sont considérées comme des éléments clés de l'autorité de l'État. De plus, Clark et Golder introduisent la notion d'État défaillant. Selon eux, un État défaillant est une entité qui ressemble à un État mais qui est incapable d'exercer efficacement la coercition ou de contrôler les habitants d'un territoire donné. Cette notion est importante car elle permet de comprendre la fragilité de certains États et les problèmes qui peuvent découler de leur incapacité à exercer efficacement leur autorité. En somme, cette définition met l'accent sur la capacité de l'État à contrôler et à régner sur un territoire par l'usage de la coercition et de la menace de la force.

Dans certaines définitions modernes de l'État, la notion de légitimité et de monopole sur l'usage de la violence peut s'atténuer. Cela peut en partie refléter la réalité complexe d'un monde où des acteurs non étatiques peuvent également exercer une forme de contrainte ou de violence, comme c'est le cas avec certains groupes terroristes ou criminels organisés. Pourtant, la notion de territoire demeure un élément central dans la plupart des définitions de l'État. Un État est généralement reconnu comme ayant le contrôle d'un territoire spécifique, même si la réalité de ce contrôle peut varier en pratique. Quant à la capacité coercitive d'un État, elle ne se limite pas à l'usage réel de la force. Parfois, la simple menace de l'exercice de la contrainte peut suffire pour maintenir l'ordre et assurer la conformité. En effet, la coercition fonctionne souvent par la dissuasion: la peur des conséquences potentielles peut empêcher les individus de se comporter de manière indésirable ou illégale. Il est important de noter que ces définitions ne sont pas exhaustives et qu'elles peuvent varier selon les perspectives théoriques et les contextes historiques et géographiques. En définitive, l'étude de l'État nécessite une compréhension nuancée et multidimensionnelle de ses différents aspects et de ses fonctions.

L'État, quel que soit son régime politique, maintient son pouvoir et son ordre en utilisant une certaine forme de contrainte ou la menace de contrainte. Cette coercition peut se manifester de différentes manières, notamment par l'application de lois et de réglementations, par l'administration de la justice, par la collecte d'impôts, et par le maintien de l'ordre public. La coercition fiscale est un bon exemple. Les impôts sont obligatoires, et ceux qui ne les paient pas peuvent faire face à des pénalités, des amendes, voire des peines de prison. C'est par cette menace de contrainte que l'État peut collecter les revenus nécessaires pour fournir des biens et services publics. Cependant, la légitimité de cette contrainte est cruciale. Dans une démocratie, par exemple, la coercition de l'État est généralement perçue comme légitime parce qu'elle est exercée dans le cadre d'un système politique dans lequel les citoyens ont le pouvoir de choisir leurs dirigeants et d'influencer les politiques publiques. En revanche, dans une dictature, la coercition de l'État peut être perçue comme illégitime, en particulier si elle est utilisée pour réprimer la dissidence et violer les droits de l'homme.

Dans la réalité, le contrôle absolu de la contrainte par l'État est rarement, voire jamais, totalement réalisé. Dans chaque société, il y a une variété d'acteurs non étatiques qui ont une certaine capacité à exercer la contrainte ou à résister à la coercition de l'État. Cela peut prendre la forme d'organisations criminelles, de groupes militants, de sociétés privées de sécurité, de communautés religieuses ou traditionnelles, entre autres. Ces acteurs peuvent parfois contester ou compléter la capacité de l'État à exercer la contrainte, notamment dans les zones où l'État est faible ou absent. Par exemple, dans certaines parties du monde, les groupes criminels organisés ou les milices armées peuvent exercer un contrôle effectif sur des territoires particuliers, en défiant ouvertement le monopole de l'État sur la violence. C'est pourquoi la notion de "comparative advantage" (avantage comparatif) introduite par North est importante. Plutôt que de décrire l'État comme ayant un monopole absolu sur la violence, North suggère que l'État a simplement un avantage comparatif dans l'exercice de la coercition. Cela reconnaît que, bien que l'État soit généralement l'acteur le plus puissant dans une société donnée, il n'est pas le seul acteur capable d'exercer la contrainte.

La notion de différentiation est centrale dans la conception de l'État. Elle fait référence à la distinction entre l'État et la société civile, où l'État maintient une certaine autonomie par rapport aux forces sociales, économiques et politiques qui opèrent dans la société. L'impôt est un bon exemple de cette différentiation. En prélevant des taxes et des impôts, l'État exerce son autorité et son contrôle sur les citoyens et les ressources économiques. Il utilise ces ressources pour financer une variété de fonctions publiques, y compris la défense et la sécurité, mais aussi les services sociaux, l'éducation, l'infrastructure, et d'autres activités. En contrôlant ces ressources et en décidant de leur allocation, l'État se distingue de la société civile et affirme son autorité. Comme Charles Tilly l'a souligné, l'impôt a joué un rôle clé dans le développement historique des États modernes. Il a permis aux États d'accumuler les ressources nécessaires pour financer des armées et des guerres, renforçant leur autorité et leur contrôle sur leurs territoires. De plus, l'impôt a souvent été utilisé comme un outil pour unifier des territoires et des populations diverses sous une seule autorité étatique. Par conséquent, la capacité de lever et de gérer efficacement l'impôt est souvent considérée comme une caractéristique essentielle d'un État fonctionnel.

Le cas des États-faillis[modifier | modifier le wikicode]

Samuel Huntington, dans sa théorie de l'ordre politique, soutient que la forme de gouvernement (par exemple, démocratie, autocratie) est moins importante pour le bien-être d'une société que le degré de gouvernement, c'est-à-dire, la capacité d'un État à administrer efficacement ses politiques et à maintenir l'ordre.[5] Pour Huntington, l'efficacité d'un gouvernement est mesurée par son niveau de bureaucratie, la stabilité de ses institutions et sa capacité à maintenir l'ordre public et à fournir des services publics essentiels à ses citoyens. Dans cette perspective, un État fort est celui qui peut maintenir la stabilité, l'ordre et fournir des services de base à ses citoyens, qu'il soit démocratique ou non. Par conséquent, Huntington soutient que l'ordre politique doit précéder la modernisation et la démocratisation. Autrement dit, avant de tenter d'instaurer une démocratie, il faut d'abord établir un État solide et bien géré.

La définition donnée par Clark, Golder et Golder dans leur ouvrage "Principles of Comparative Politics" de 2009 se concentre sur la capacité d'un État à exercer le pouvoir par la coercition et la menace de la force dans un territoire donné : « A state is an entity that uses coercion and the threat of force to rule in a given territory. A failed state is a state like entity that cannot coerce and is unable to successfully control the inhabitants of a given territory ».[6] Selon eux, un État est une entité qui utilise la coercition et la menace de la force pour régner sur un territoire donné. C'est-à-dire que pour qu'un État soit considéré comme tel, il doit avoir la capacité de maintenir l'ordre, de faire respecter les lois et de contrôler efficacement la population à l'intérieur de ses frontières. Cette capacité est généralement soutenue par l'utilisation de la force, ou la menace de l'utiliser, pour dissuader le non-respect des lois et des règlements. En revanche, un "État défaillant" est un État qui ne peut pas exercer de coercition et qui est incapable de contrôler avec succès les habitants d'un territoire donné. Un État défaillant est un État qui, pour diverses raisons, ne peut plus remplir les fonctions de base d'un État. Ces États sont souvent caractérisés par des conflits internes, un manque de contrôle territorial, une gouvernance inefficace et une incapacité à fournir des services publics de base à la population.

Lorsqu'un État est incapable d'appliquer ou de faire respecter sa volonté, cela peut se manifester de plusieurs façons. Par exemple, il peut y avoir une non-conformité généralisée à la loi, où les citoyens ne respectent pas les lois et les réglementations établies par l'État. Ceci est souvent le résultat d'un manque de confiance dans la légitimité de l'État ou dans son efficacité à faire respecter la loi. En outre, il peut également y avoir des zones du pays où l'État n'a pas de contrôle effectif, ce qui est souvent le cas dans les États défaillants ou en déliquescence. Dans ces zones, d'autres entités, telles que des groupes armés, des milices ou des organisations criminelles, peuvent exercer un contrôle effectif. Enfin, un État peut être incapable d'offrir des services publics de base à ses citoyens, tels que la santé, l'éducation et la sécurité. Cette incapacité peut résulter d'un manque de ressources, d'une mauvaise gestion ou de la corruption.

Un État qui n'a pas les moyens suffisants pour exercer sa contrainte, ou qui n'a pas la capacité d'exercer son autorité efficacement sur son territoire, est souvent qualifié d'État faible ou d'État défaillant. La capacité de prélever des impôts est souvent vue comme une fonction fondamentale de l'État, car elle permet de financer les services publics et d'assurer le fonctionnement de l'appareil gouvernemental. Si un État est incapable de prélever efficacement des impôts, cela peut indiquer un manque d'autorité ou de contrôle sur son territoire. Cela peut également signifier que l'État a des difficultés à fournir des services de base à ses citoyens, ce qui peut à son tour éroder sa légitimité et sa stabilité. Dans les cas extrêmes, l'incapacité d'un État à prélever des impôts peut contribuer à son effondrement ou à sa défaillance, créant ainsi un vide de pouvoir qui peut être exploité par des acteurs non étatiques, tels que des groupes armés ou des organisations criminelles.

Les pays suivant ont été confrontés à des défis importants en matière de gouvernance, d'instabilité politique et de conflits, qui ont sapé la capacité de leurs gouvernements respectifs à exercer pleinement leur autorité et à fournir des services de base à leurs citoyens. Cependant, il convient de noter que la situation peut varier considérablement d'un pays à l'autre, et même d'une région à l'autre à l'intérieur d'un même pays. De plus, ces pays travaillent activement, souvent avec l'aide de la communauté internationale, pour surmonter ces défis et améliorer leurs capacités étatiques. Voici une brève description de la situation dans chacun de ces pays :

  • Afghanistan : Depuis le retrait des forces américaines et de l'OTAN en 2021, le pays est de nouveau sous le contrôle des Talibans. La situation sécuritaire et politique reste volatile, et le gouvernement taliban est confronté à d'énormes défis pour gouverner le pays.
  • Somalie : La Somalie a été en proie à une guerre civile depuis les années 1990. Cependant, depuis 2012, un processus de stabilisation politique a été engagé avec la formation d'un gouvernement fédéral. Cependant, le pays continue d'être confronté à d'importants défis en matière de sécurité, notamment en raison des activités du groupe militant Al-Shabaab.
  • Haïti : Haïti a été confronté à de nombreux défis en matière de gouvernance et de stabilité politique. L'assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021 a exacerbé la crise politique dans le pays. Haïti est également aux prises avec d'importantes difficultés économiques et des problèmes de sécurité, notamment le kidnapping et le banditisme.
  • Sierra Leone : La Sierra Leone a connu une guerre civile dévastatrice de 1991 à 2002. Depuis lors, le pays a réalisé des progrès significatifs en matière de réconciliation et de reconstruction, mais il reste confronté à d'importantes difficultés économiques et sociales.
  • Congo : La République démocratique du Congo (RDC) a été en proie à des conflits et à une instabilité politique pendant des décennies. Bien que la situation se soit améliorée depuis la fin de la guerre du Congo en 2003, le pays est toujours confronté à d'importants défis en matière de gouvernance, de sécurité et de développement.
  • Érythrée : L'Érythrée est un État autoritaire, et son gouvernement a été critiqué pour ses violations des droits de l'homme. Le pays est également confronté à d'importants défis économiques.

Le Fund for Peace est une organisation indépendante de recherche et d'éducation qui travaille pour prévenir la guerre et réduire la violence. Il a créé l'Indice de Fragilité des États (FSI, pour Fragile States Index) pour évaluer la stabilité et la pression sur les États à travers le monde. L'indice se base sur douze indicateurs distincts qui mesurent différents aspects de la fragilité d'un État.

Ces douze indicateurs sont utilisés par le Fund for Peace pour évaluer la fragilité d'un État. Voici une explication de chaque indicateur:

  1. Pression démographique : Cet indicateur évalue les tensions potentielles résultant de facteurs démographiques tels que la surpopulation, la pénurie de ressources alimentaires et d'eau, ou le manque d'infrastructures adéquates.
  2. Situation humanitaire d'urgence liée à des mouvements de populations : Il mesure l'ampleur des crises humanitaires causées par des mouvements de population, tels que le déplacement forcé de populations ou les mouvements de réfugiés.
  3. Mobilisation de groupes sur la base de griefs (vengeance) : Il examine dans quelle mesure des groupes particuliers peuvent se mobiliser sur la base de griefs réels ou perçus, menaçant ainsi la stabilité de l'État.
  4. Émigration : Il mesure le degré d'émigration hors du pays, souvent en raison de conditions politiques, économiques ou sécuritaires précaires.
  5. Développement économique inégal entre groupes : Cet indicateur évalue l'écart de développement économique entre différents groupes au sein de l'État, ce qui peut conduire à des tensions sociales et politiques.
  6. Pauvreté, déclin économique : Il mesure la prévalence de la pauvreté et l'ampleur du déclin économique, qui peuvent tous deux contribuer à la fragilité de l'État.
  7. Criminalisation de l'État (absence de légitimité) : Cet indicateur évalue dans quelle mesure l'État lui-même est impliqué dans des activités illégales ou criminelles, ce qui peut éroder sa légitimité aux yeux de la population.
  8. Détérioration progressive des services publics : Il examine l'efficacité avec laquelle l'État est capable de fournir des services publics essentiels à sa population, comme l'éducation, la santé et l'infrastructure.
  9. Violation des droits humains et de la loi : Cet indicateur mesure l'ampleur des violations des droits humains et de l'état de droit commises par l'État ou avec son consentement.
  10. Appareil de sécurité opérant comme un État à l'intérieur de l'État : Il évalue dans quelle mesure les forces de sécurité de l'État opèrent indépendamment du contrôle civil ou légal, agissant comme un "État dans l'État".
  11. Division des élites : Cet indicateur mesure le degré de division ou de conflit entre différentes élites au sein de l'État, qu'elles soient politiques, économiques, militaires ou autres.
  12. Intervention d'autres États ou autres agents externes : Il évalue le degré d'intervention d'autres États ou acteurs externes dans les affaires de l'État, ce qui peut contribuer à sa fragilité.

Chaque indicateur est évalué sur une échelle de 0 à 10, avec 0 représentant le moins de vulnérabilité et 10 représentant le plus de vulnérabilité. En additionnant les scores de chaque indicateur, on obtient un score total pour chaque pays, qui est ensuite utilisé pour établir un classement global de la fragilité des États. Il est important de noter que l'Indice de Fragilité des États est une mesure relative et non absolue de la vulnérabilité d'un État. Il vise à donner une indication générale de la situation dans un pays, mais ne prétend pas fournir une image complète ou précise de la réalité sur le terrain. De plus, le FSI est sujet à des critiques et des débats parmi les chercheurs et les praticiens en matière de stabilité des États et de prévention des conflits.

Les quatre catégories suivantes définis par le Fund for Peace sont utilisées pour classifier la stabilité des États sur la base de leurs scores totaux sur les douze indicateurs. Chaque catégorie représente un niveau différent de stabilité ou de vulnérabilité :

  1. Alerte : Cette catégorie comprend les États qui ont les scores les plus élevés et qui sont donc les plus vulnérables. Ces États présentent des niveaux extrêmement préoccupants de fragilité et de risque d'instabilité ou de conflit. Ils nécessitent une attention urgente pour éviter une crise majeure ou une déstabilisation. Exemples : Afghanistan, Somalie.
  2. Avertissement : Les États dans cette catégorie ont des scores assez élevés, indiquant un niveau de vulnérabilité important, bien que pas aussi grave que les États en alerte. Ces États ont souvent des problèmes systémiques qui, s'ils ne sont pas résolus, pourraient les conduire à une crise. Exemples : Irak, Nigéria.
  3. Modéré : Les États de cette catégorie ont des scores modérés, ce qui indique une certaine stabilité, mais aussi une présence de défis. Ils sont généralement stables, mais présentent des problèmes dans certains domaines qui nécessitent une attention pour éviter une dégradation future. Exemples : Brésil, Inde.
  4. Soutenable : Ces États ont les scores les plus bas, ce qui indique un niveau de stabilité élevé. Ils ont généralement des institutions fortes et efficaces, des économies robustes et des niveaux élevés de respect des droits humains et de l'État de droit. Cependant, aucun État n'est totalement à l'abri des défis, donc même les États dans cette catégorie doivent maintenir leurs efforts pour maintenir leur stabilité. Exemples : Canada, Norvège.

Ces catégories offrent un moyen d'évaluer rapidement le niveau de stabilité d'un État et d'identifier les domaines qui nécessitent une attention ou une intervention.

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Ces statistiques de 2011 indiquent clairement que la majorité des États à travers le monde étaient confrontés à des défis importants en matière de stabilité et de gouvernance. Avec 73% des États classés en état d'alerte ou d'avertissement, cela souligne le niveau de vulnérabilité global et le besoin de mesures efficaces pour prévenir l'instabilité et la crise. D'autre part, avec seulement 15 sur 127 États (moins de 12%) classés comme stables et soutenables, il est clair que des modèles de gouvernance stable tels que la démocratie et l'État de droit sont loin d'être la norme mondiale. Ces États stables sont principalement concentrés en Amérique du Nord et en Europe de l'Ouest, indiquant une division géographique marquée en termes de stabilité politique et institutionnelle.

L’État, selon Max Weber, dans son ouvrage The Theory of Social and Economic Organization l’État moderne est

Max Weber dans "The Theory of Social and Economic Organization" propose une définition de l'État moderne qui met l'accent sur plusieurs éléments fondamentaux : « the primary formal characteristics of the modern state are as follows: It possesses an administrative and legal order subject to change by legislation, to which the organized corporate activity of the administrative staff, which is also regulated by legislation, is oriented. This system of order claims binding authority, not only over the members of the state, the citizens, most of whom have obtained membership by birth, but also to a very large extent, over all action taking place in the area of its jurisdiction.It is thus a compulsory association with a territorial basis. Furthermore, today, the use of force is regarded as legitimate only so far as it is either permitted by the state or prescribed by it ».[7]

D'abord, l'État possède un ordre administratif et juridique susceptible d'être modifié par la législation. Cela signifie que l'État est doté d'un ensemble de règles et de structures qui régissent son fonctionnement et qui peuvent être modifiées par des actes de législation. Deuxièmement, l'activité organisée du personnel administratif est également réglementée par la législation. Cela indique que non seulement l'ordre administratif et juridique, mais aussi le fonctionnement quotidien de l'administration de l'État, sont réglementés par la loi. Troisièmement, l'État revendique l'autorité contraignante non seulement sur les citoyens, mais aussi sur toutes les actions qui se déroulent sur son territoire. Cela fait de l'État une association obligatoire basée sur le territoire. Enfin, Weber souligne que l'utilisation de la force est considérée comme légitime seulement dans la mesure où elle est autorisée ou prescrite par l'État. Cela signifie que l'État détient le monopole de la violence légitime, et que toute autre utilisation de la force est considérée comme illégitime à moins qu'elle ne soit expressément autorisée par l'État.

L'État moderne se distingue par son autorité souveraine qui s'exerce à travers la législation et le respect de la loi. Les règles et les obligations formulées par l'État s'appliquent à tous ceux qui résident sur son territoire, y compris l'État lui-même. Cela signifie que l'État est tenu de respecter ses propres lois et réglementations. Cette idée est au cœur du concept de l'État de droit, selon lequel toutes les personnes, institutions et entités, y compris l'État lui-même, sont redevables à la loi, qui est appliquée de manière juste et équitable. Dans cette optique, l'usage de la contrainte ou de la violence par l'État n'est pas arbitraire. Au contraire, il est réglementé par des lois ou des dispositions constitutionnelles qui définissent les circonstances et les modalités de son exercice. C'est ce qui fait que l'État détient le monopole de la "violence légitime" - car son utilisation de la force est limitée et encadrée par la loi. Cette capacité d'auto-régulation est fondamentale pour la légitimité de l'État. Sans elle, l'État risquerait de se transformer en une entité oppressive et arbitraire, perdant ainsi sa légitimité aux yeux de ses citoyens.

La loi fournit le cadre structurel au sein duquel l'État fonctionne. Elle définit la forme du gouvernement (par exemple, une république, une monarchie constitutionnelle, etc.), la manière dont le pouvoir est distribué (par exemple, un système unitaire, fédéral, etc.), et les principes fondamentaux de l'organisation politique (par exemple, une démocratie, une autocratie, etc.). Outre ces aspects, la loi établit également le cadre de l'administration publique. Elle définit les responsabilités des différents organes gouvernementaux, les procédures à suivre pour la mise en œuvre des politiques, les droits et les obligations des fonctionnaires, etc. De plus, dans les démocraties, la loi prévoit généralement des mécanismes de contrôle démocratique, tels que des élections, des auditions publiques et d'autres formes de participation citoyenne, pour garantir que l'administration publique reste responsable et transparente. Enfin, la loi joue un rôle crucial dans l'établissement de l'ordre social et économique au sein de l'État. Elle régule une multitude d'aspects de la vie sociale et économique, de la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales à la régulation des marchés et de l'économie. En résumé, la loi est un outil essentiel par lequel l'État structure et organise sa propre activité, ainsi que la vie de ses citoyens. Sans la loi, l'État ne pourrait pas fonctionner de manière efficace ou équitable.

La notion de souveraineté[modifier | modifier le wikicode]

Il faut remonter jusqu'au XVIe siècle pour trouver la première élaboration de cette notion avec Jean Bodin, qui sera par la suite examinée plus en détail par Thomas Hobbes.

Jean Bodin (1530-1596) est souvent considéré comme l'un des premiers penseurs à avoir formulé une notion claire de la souveraineté dans son œuvre "Les Six Livres de la République" (1576). Bodin définissait la souveraineté comme le pouvoir suprême sur les citoyens et les sujets, irresponsable à l'égard de ces derniers. Pour Bodin, la souveraineté était une caractéristique nécessaire de l'État et était perpétuelle, indivisible et absolue.

De son côté, Thomas Hobbes (1588-1679) a également contribué de manière significative à l'idée de la souveraineté. Dans son œuvre "Leviathan" (1651), Hobbes argumente que les hommes, pour éviter l'état de guerre de tous contre tous, s'engagent dans un contrat social et consentent à se soumettre à un souverain. Selon Hobbes, le souverain, qu'il soit une personne (comme dans une monarchie) ou un groupe de personnes (comme dans une république), détient le pouvoir absolu et indéfectible de maintenir l'ordre et la paix.

Durant la période du XVIe au XVIIe siècle, l'Europe a connu une phase de bouleversements significatifs. Cette époque, souvent qualifiée de "temps modernes", a été marquée par des guerres de religion, notamment en France et en Allemagne, où les conflits entre catholiques et protestants ont provoqué des tensions sociopolitiques majeures. La Réforme protestante, initiée par Martin Luther au début du XVIe siècle, a divisé le continent européen, entraînant des troubles politiques, des conflits violents et des guerres. Parallèlement à ces guerres de religion, on assistait à une instabilité politique due à l'émergence d'États modernes souverains. Les monarques cherchaient à centraliser leur pouvoir et à affirmer leur autorité, souvent par le biais de conflits militaires, afin de renforcer leur contrôle sur leurs territoires. Ce processus a conduit à la naissance de l'État-nation moderne, caractérisé par une souveraineté territoriale distincte et une autorité centralisée. La guerre de Trente Ans (1618-1648), qui a dévasté une grande partie de l'Europe, est un exemple marquant de cette période. Elle a commencé comme une guerre de religion dans l'Empire romain germanique, mais s'est transformée en un conflit politique plus large impliquant plusieurs grandes puissances européennes. La guerre a finalement abouti à la paix de Westphalie, qui a redéfini le concept de souveraineté et établi l'idée moderne d'États-nations indépendants.

Jean Bodin, un philosophe politique français du XVIe siècle, avait une préoccupation majeure : instaurer une autorité légitime et durable sur le plan interne. Selon lui, la création et la légitimation d'un ordre interne sont essentielles pour établir la justice et garantir les libertés individuelles. Bodin utilise la notion de souveraineté pour décrire l'autorité suprême exercée par le prince ou le monarque sur ses sujets dans l'ensemble du royaume. Plus tard, au XVIIe siècle, le philosophe anglais Thomas Hobbes reprend cette idée dans son œuvre majeure "Le Léviathan". Pour Hobbes, l'État est une entité puissante, qu'il surnomme le "Léviathan", et qui détient un monopole absolu sur l'usage de la violence. Cette autorité absolue et incontestable du souverain est nécessaire pour maintenir l'ordre et la paix dans la société, évitant ainsi ce qu'il appelle "l'état de nature", où la vie serait "solitaire, pauvre, brutale et brève". Ainsi, la notion de souveraineté, telle qu'elle a été développée par Bodin et Hobbes, renvoie à l'idée d'un pouvoir suprême et absolu, exercé par l'État sur un territoire donné, qui est essentiel pour garantir l'ordre, la justice et les libertés individuelles.

Pour Jean Bodin, l'autorité souveraine est caractérisée par son caractère absolu et perpétuel. Selon lui, la souveraineté représente la plus grande puissance de commandement dans une République, c'est-à-dire, la capacité inégalée de dicter des lois, de réguler la société et de contrôler l'usage de la force. Elle se manifeste à travers l'exercice du pouvoir sans restriction ni contrainte, si ce n'est celles fixées par le droit naturel et divin. Cette puissance absolue est indispensable pour maintenir l'ordre et la paix dans la société. Elle est aussi perpétuelle, car elle ne peut être annulée ou révoquée une fois établie. En d'autres termes, le souverain conserve son autorité jusqu'à ce qu'il décide volontairement de l'abandonner ou jusqu'à ce qu'il soit renversé par un autre pouvoir.

Selon Bodin, le pouvoir souverain est suprême et englobe tous les citoyens de la République. Ce pouvoir a une autorité illimitée pour créer, interpréter et appliquer les lois. C'est lui qui est chargé de la nomination des magistrats et de la résolution des conflits. Par conséquent, le prince, en tant que détenteur de la souveraineté, est considéré comme le gardien de l'ordre politique. C'est sous l'égide de la souveraineté que l'État est capable de maintenir l'ordre social et politique, d'administrer la justice, de protéger les droits des citoyens, et de garantir le bien-être de la société. La souveraineté est ainsi la pierre angulaire de la stabilité de l'État et de la paix sociale. Il est important de noter que cette vision de la souveraineté comme pouvoir absolu et perpétuel n'est pas sans susciter des controverses, notamment en ce qui concerne les limites du pouvoir souverain et le respect des droits et libertés des citoyens.

Dans "Du Contrat Social", Rousseau développe l'idée d'un "état de nature" comme une sorte de condition pré-sociale et pré-politique dans laquelle l'humanité aurait vécu avant l'avènement de la société et de l'État. Il diffère cependant de Hobbes dans sa vision de cet état de nature [8] Alors que pour Hobbes l'état de nature était caractérisé par une "guerre de tous contre tous" où régnait l'insécurité et la peur, pour Rousseau, l'état de nature était une période d'innocence, de paix et d'égalité. Selon lui, les hommes étaient essentiellement bons à l'état de nature, mais la création de la société, avec ses inégalités et ses conflits, avait corrompu cette bonté naturelle. Rousseau propose alors le contrat social comme solution à cette corruption. Les individus acceptent de se soumettre à la volonté générale, qui représente le bien commun, en échange de la protection de leurs droits et libertés. Ainsi, pour Rousseau, la souveraineté appartient au peuple, et non à un monarque ou à une élite. C'est cette vision de la souveraineté qui influencera les théories de la démocratie et de la république.

La notion de souveraineté a été développée pour la première fois de manière significative par Jean Bodin au XVIe siècle. Dans son ouvrage "Les Six livres de la République" (1576), Bodin définit la souveraineté comme "la puissance absolue et perpétuelle d'une République", qui est exercée par l'État sur son territoire et sa population. Selon lui, la souveraineté est indivisible, inaliénable et perpétuelle. Elle se manifeste à travers le pouvoir de faire les lois, de déclarer la guerre et la paix, d'administrer la justice, de contrôler la monnaie, et d'imposer des taxes. La souveraineté interne, en revanche, fait référence à la capacité d'un État de contrôler efficacement son territoire et d'exercer son autorité sur sa population. Cela comprend la capacité d'appliquer et d'appliquer les lois, de maintenir l'ordre public, de protéger les droits et libertés des citoyens, et de fournir des services publics. Un État qui a une forte souveraineté interne est capable de maintenir l'ordre et la stabilité à l'intérieur de ses frontières, sans avoir besoin d'une intervention extérieure.

Il est important de noter que ces deux conceptions de la souveraineté ne sont pas mutuellement exclusives. En fait, elles sont souvent interdépendantes. Un État peut avoir la souveraineté au sens de Bodin (c'est-à-dire la capacité de faire des lois et de prendre des décisions sans ingérence extérieure), mais si elle n'a pas une forte souveraineté interne (c'est-à-dire la capacité d'appliquer ces lois et décisions de manière efficace), sa souveraineté globale peut être compromise. Inversement, un État qui a une forte souveraineté interne mais qui est soumis à une forte pression ou ingérence extérieure peut également voir sa souveraineté globale affaiblie.

Stephen D. Krasner, un spécialiste de la politique internationale, a approfondi la notion de souveraineté en proposant quatre conceptions distinctes de la souveraineté dans son ouvrage "Sovereignty: Organized Hypocrisy" (1999).[9] Ces conceptions sont :

  1. Souveraineté domestique : Cela se réfère à l'organisation de l'autorité publique à l'intérieur d'un État et à la capacité de l'État d'exercer efficacement son autorité et de contrôler son territoire. Elle est liée à la notion de souveraineté interne mentionnée précédemment.
  2. Souveraineté interdépendante : Elle concerne la capacité des États à contrôler les mouvements transfrontaliers de personnes, de biens, d'idées, etc. Avec la mondialisation, cette forme de souveraineté est devenue de plus en plus problématique, car les États ont souvent du mal à contrôler ces flux transfrontaliers.
  3. Souveraineté de Westphalie : Nommée d'après les Traités de Westphalie (1648) qui ont mis fin à la Guerre de Trente Ans en Europe, cette conception se réfère à l'exclusion de l'ingérence extérieure dans les affaires intérieures d'un État. C'est une forme de souveraineté qui est souvent invoquée dans le discours international, bien qu'elle soit souvent violée en pratique.
  4. Souveraineté internationale légale : Cela se réfère à l'égalité formelle de tous les États dans le cadre juridique international. En d'autres termes, tous les États, quelles que soient leur taille, leur puissance ou leur richesse, sont formellement égaux en vertu du droit international.

Ces différentes conceptions de la souveraineté soulignent la complexité de la notion de souveraineté dans la politique internationale contemporaine. Elles montrent que la souveraineté ne se réduit pas simplement à la capacité d'un État à exercer le pouvoir à l'intérieur de ses frontières, mais implique aussi des questions de contrôle des mouvements transfrontaliers, de non-ingérence et d'égalité formelle entre les États.

La Souveraineté légale dans le contexte international[modifier | modifier le wikicode]

La souveraineté légale internationale est un concept central dans le droit international. Elle renvoie à la reconnaissance mutuelle des États en tant qu'entités juridiquement indépendantes au sein de la communauté internationale. En d'autres termes, il s'agit de l'acceptation par les États de la légitimité de tous les autres États en tant qu'acteurs autonomes sur la scène internationale. Cela signifie que chaque État a le droit de gouverner son propre territoire sans ingérence extérieure, et que les autres États doivent respecter ce droit. C'est ce qui est généralement compris lorsque l'on parle de la "souveraineté" d'un État. Les États ont également le droit de participer à la vie internationale, par exemple en signant des traités, en adhérant à des organisations internationales ou en participant à des négociations internationales.

Cependant, la souveraineté légale internationale ne garantit pas nécessairement la capacité réelle d'un État à exercer son autorité ou à contrôler son territoire (ce qu'on appelle la "souveraineté de facto"). Dans de nombreux cas, un État peut être reconnu comme souverain sur le plan juridique, mais manquer de contrôle effectif sur son territoire ou sa population. Par exemple, un gouvernement peut être incapable d'assurer l'ordre public, de fournir des services publics de base ou de défendre ses frontières contre des invasions étrangères. Dans de tels cas, on parle souvent d'"États faibles" ou d'"États défaillants". Dans le même temps, la reconnaissance internationale peut parfois être contestée ou refusée. Par exemple, certains territoires peuvent se déclarer indépendants et établir leur propre gouvernement, mais ne pas être reconnus comme États souverains par la communauté internationale. De tels territoires sont souvent appelés "États non reconnus" ou "États de facto".

La reconnaissance internationale d'un État est souvent le fruit de processus bilatéraux. Par exemple, l'Allemagne a été le premier pays à reconnaître l'indépendance de la Slovénie et de la Croatie en novembre 1991, dans le contexte de la dislocation de l'ex-Yougoslavie. Cette reconnaissance a ensuite été suivie par celle d'autres pays, ce qui a conduit à l'intégration de ces deux nouvelles entités dans la communauté internationale en tant qu'États souverains. La reconnaissance bilatérale est un moyen pour un État d'exprimer formellement son acceptation de la souveraineté et de l'indépendance d'un autre État. Elle implique généralement l'établissement de relations diplomatiques et peut également ouvrir la voie à des accords de coopération bilatéraux dans divers domaines, tels que le commerce, la défense ou la culture.

La reconnaissance bilatérale n'est cependant pas toujours suivie d'une reconnaissance multilatérale. En d'autres termes, le fait qu'un État soit reconnu par un autre État ne signifie pas nécessairement qu'il sera reconnu par l'ensemble de la communauté internationale. Par exemple, certains États peuvent choisir de ne pas reconnaître un nouvel État en raison de désaccords politiques, de conflits territoriaux ou de considérations stratégiques. De plus, la reconnaissance internationale d'un État n'implique pas nécessairement sa reconnaissance par les organisations internationales. Par exemple, un État peut être reconnu par un grand nombre de pays, mais ne pas être admis aux Nations Unies en raison du veto d'un ou plusieurs membres permanents du Conseil de sécurité.

La reconnaissance internationale d'un État a des implications profondes et concrètes. Elle peut ouvrir la porte à une multitude d'opportunités et d'avantages, tant sur le plan politique que financier. Voici quelques exemples :

  1. Accès aux organisations internationales : Une fois reconnu, un État peut demander à adhérer à des organisations internationales telles que les Nations Unies, l'Union Africaine, l'Union européenne, etc. Ces adhésions peuvent lui fournir une plateforme pour collaborer avec d'autres nations, partager ses préoccupations et perspectives, et participer à la prise de décisions au niveau mondial.
  2. Flux de finance et de capitaux : La reconnaissance internationale peut favoriser l'investissement étranger direct, l'accès aux prêts internationaux, l'aide au développement, et d'autres formes de soutien financier. Elle peut également faciliter le commerce international en ouvrant la voie à la conclusion d'accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux.
  3. Statut symbolique et pouvoir pour les leaders : Lorsqu'un État est reconnu internationalement, ses leaders acquièrent une légitimité accrue tant sur la scène intérieure qu'internationale. Ils sont en mesure de participer à des sommets internationaux, de négocier des traités, et de représenter leur nation sur la scène mondiale.

Si ces avantages sont potentiellement importants, la reconnaissance internationale comporte également des responsabilités. Par exemple, un État reconnu est censé respecter les principes du droit international, tels que le respect des droits de l'homme, la non-agression, et la résolution pacifique des conflits.

La Souveraineté Westphalienne : ses origines et implications[modifier | modifier le wikicode]

La souveraineté Westphalienne est un concept issu des Traités de Westphalie de 1648 qui ont mis fin à la Guerre de Trente Ans en Europe. Ce concept se réfère à l'idée selon laquelle chaque État a une autorité absolue et incontestable sur son territoire et sa population, et qu'aucun autre État ne peut interférer dans ses affaires intérieures. Selon cette conception de la souveraineté, chaque État est indépendant et égal aux autres sur la scène internationale, quels que soient sa taille, sa puissance économique ou militaire. C'est cette notion qui a largement structuré le système international moderne. Il est important de noter cependant que la souveraineté Westphalienne a été modifiée et contestée à plusieurs reprises au cours des siècles. Des interventions humanitaires aux organisations internationales, en passant par les normes globales sur des questions telles que les droits de l'homme et l'environnement, diverses forces ont cherché à moduler, restreindre ou transformer la souveraineté Westphalienne.

Le concept de souveraineté Westphalienne met l'accent sur l'indépendance territoriale et l'autorité exclusive de l'État sur son territoire, en rejetant toute ingérence extérieure dans les affaires internes de l'État. C'est un principe fondamental du droit international, comme il est clairement énoncé dans la Charte des Nations Unies. L'article 2 de la Charte des Nations Unies, en particulier, affirme l'égalité souveraine de tous ses États membres. Ce principe signifie que tous les États, indépendamment de leur taille, de leur richesse ou de leur puissance militaire, ont les mêmes droits et obligations selon le droit international. De plus, la Charte des Nations Unies consacre également le principe de non-ingérence, selon lequel aucun État n'a le droit d'intervenir dans les affaires intérieures d'un autre État. Cette interdiction vise à protéger la souveraineté et l'indépendance de tous les États, grands ou petits.

Selon les principes de la souveraineté Westphalienne et de la Charte des Nations Unies, tous les États sont égaux en termes de souveraineté. Cela signifie que, peu importe leur taille, leur puissance économique ou militaire, chaque État a la même autorité et le même contrôle sur son territoire, et aucun État ne peut interférer dans les affaires internes d'un autre. Par conséquent, du point de vue de la souveraineté, les États-Unis ne sont pas plus souverains que le Luxembourg ou Malte. Chaque État a la pleine autorité sur son propre territoire et est libre de mener sa politique interne comme il l'entend, sans interférence extérieure.

La souveraineté Westphalienne établit que chaque État a le droit exclusif d'exercer le pouvoir et l'autorité sur son territoire et sa population, sans ingérence externe. Cela implique que les États sont libres de déterminer leurs propres politiques intérieures, y compris leur système politique, leur économie, leurs lois et réglementations, et qu'aucun autre État n'a le droit de s'ingérer dans ces affaires. En d'autres termes, chaque État est considéré comme une entité indépendante et autonome, libre d'agir comme il le souhaite à l'intérieur de ses frontières, tant qu'il ne viole pas le droit international. Cette conception est un pilier fondamental de l'ordre international actuel et est inscrite dans la Charte des Nations Unies.

Le principe de non-interférence est directement lié à la notion de souveraineté Westphalienne. Selon ce principe, aucun État n'a le droit d'intervenir dans les affaires internes d'un autre État. Cela implique que les décisions politiques, économiques, sociales et culturelles d'un pays sont de sa seule responsabilité et ne peuvent pas être sujettes à l'interférence ou à l'ingérence d'un autre État. Le principe de non-interférence est également consacré par la Charte des Nations Unies. L'article 2(7) de la Charte stipule que : "Aucun disposition de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un État ni n'oblige les Membres à soumettre de telles affaires à une procédure de règlement en vertu de la présente Charte." Cependant, il convient de noter que ce principe connaît certaines exceptions, notamment en cas de violation grave des droits de l'homme ou du droit international humanitaire, où la communauté internationale peut être autorisée à intervenir pour protéger les individus concernés, comme le stipule la doctrine de la "Responsabilité de protéger" adoptée par les Nations Unies en 2005.

La Souveraineté interne : pouvoir et autorité à l'intérieur des frontières[modifier | modifier le wikicode]

La souveraineté interne fait référence à la capacité d'un État à maintenir l'ordre et à exercer son autorité à l'intérieur de ses frontières. Cette notion de souveraineté concerne l'efficacité de la structure de gouvernement, l'étendue du contrôle gouvernemental, le degré de cohésion parmi les élites et les citoyens, et la capacité à administrer efficacement les lois et les politiques.

Cette forme de souveraineté souligne l'autorité de l'État sur ses citoyens, sa capacité à maintenir la sécurité, à faire respecter les lois et à mettre en œuvre des politiques publiques. Dans ce sens, la souveraineté interne est étroitement liée au concept de monopole de l'usage légitime de la force physique par l'État, comme le définissait Max Weber.

Un État est considéré comme pleinement souverain sur le plan interne lorsqu'il est capable d'effectuer ces fonctions de manière efficace et sans entrave. En revanche, si un État est incapable de contrôler son territoire, d'assurer l'ordre public, de fournir des services de base à ses citoyens ou de maintenir l'autorité de son gouvernement, on peut dire que sa souveraineté interne est limitée ou compromise. C'est souvent le cas des États dits "fragiles" ou "en déliquescence".

La Souveraineté d'interdépendance : un nouveau concept dans un monde connecté[modifier | modifier le wikicode]

La souveraineté d'interdépendance traite de la capacité d'un État à contrôler et à réguler les flux transnationaux qui traversent ses frontières. Ces flux peuvent prendre diverses formes, notamment les échanges commerciaux, les mouvements de capitaux, les migrations de population, la propagation d'informations et d'idées, etc.

Dans un monde de plus en plus interconnecté et globalisé, la notion de souveraineté d'interdépendance est devenue de plus en plus importante. L'intensification des flux transnationaux peut poser des défis significatifs à la souveraineté d'un État, dans la mesure où elle peut limiter sa capacité à contrôler ces flux et, par conséquent, à influencer ou à déterminer les résultats internes. Par exemple, la mondialisation a permis une interdépendance économique croissante entre les États, avec l'augmentation des échanges commerciaux et des flux financiers internationaux. Cependant, cela a également créé des défis pour la souveraineté d'interdépendance des États, car ils peuvent se trouver dans l'incapacité de contrôler ou de réguler efficacement ces flux.

Il en va de même pour les flux d'informations et d'idées, facilités par l'essor des technologies de l'information et de la communication. Si ces flux peuvent stimuler l'échange et le partage d'informations, ils peuvent également poser des défis en termes de régulation, de contrôle et de censure de l'information. Ainsi, la souveraineté d'interdépendance reflète les tensions et les défis que pose la mondialisation à la notion traditionnelle de souveraineté étatique.

Taiwan est un exemple intéressant de l'application des différentes notions de souveraineté. D'un point de vue international légal, Taiwan n'est pas reconnu comme un État souverain par la majorité de la communauté internationale, principalement en raison de la position de la Chine, qui considère Taiwan comme une partie de son territoire et s'oppose fermement à toute reconnaissance officielle de son indépendance. Cependant, du point de vue de la souveraineté Westphalienne, Taiwan fonctionne comme un État indépendant. Il a son propre gouvernement, sa propre constitution, une économie distincte, son propre système juridique, et il contrôle efficacement son territoire et sa population. Il n'est pas sous le contrôle direct de toute autorité externe, ce qui est conforme à la définition de la souveraineté Westphalienne, qui se réfère à l'exclusion d'acteurs externes de l'exercice de l'autorité sur un territoire donné. Cette situation illustre bien la complexité des notions de souveraineté dans le système international actuel, et comment différentes conceptions de la souveraineté peuvent coexister et entrer en conflit.

Un État peut être reconnu comme souverain sur la scène internationale, à savoir la "souveraineté légale internationale", mais avoir une capacité limitée à exercer une autorité effective ou "souveraineté interne" sur son propre territoire et sa population. La Somalie est un exemple de cette situation. Bien qu'elle soit reconnue comme un État souverain par la communauté internationale et soit membre des Nations Unies, elle a du mal à maintenir un contrôle effectif sur l'ensemble de son territoire et à fournir des services de base à sa population, en raison des conflits internes et de la faiblesse de ses institutions gouvernementales. Cela souligne comment la souveraineté, en pratique, est souvent un concept plus nuancé et plus complexe que sa définition théorique pourrait le suggérer. La souveraineté d'un État n'est pas toujours absolue ou incontestée, mais peut varier en fonction de divers facteurs, notamment la stabilité politique interne, la capacité institutionnelle, la reconnaissance internationale, et les réalités géopolitiques.

L'Union européenne (UE) est un exemple unique de structure supranationale où les États membres ont volontairement cédé une partie de leur souveraineté à des institutions communes. Ce système est souvent appelé "souveraineté partagée" ou "intégration supranationale". Dans l'UE, les pays membres ont convenu de respecter les décisions prises par des institutions communes comme la Commission européenne, le Parlement européen, et la Cour de justice de l'Union européenne, même lorsque ces décisions vont à l'encontre de leurs propres politiques nationales. C'est ce qu'on appelle l'acquis communautaire, qui est l'ensemble des droits et obligations qui lient tous les États membres de l'UE. Cependant, il est important de noter que la souveraineté n'est pas complètement éliminée dans ce système. Les États membres de l'UE conservent leur souveraineté dans de nombreux domaines, notamment la défense et la politique étrangère, et ils ont également le droit de se retirer de l'Union, comme l'a fait le Royaume-Uni avec le Brexit. Ainsi, le système de l'UE représente un équilibre complexe entre la souveraineté nationale et la souveraineté supranationale, où les États membres ont accepté de partager une partie de leur autorité pour le bénéfice d'une coopération et d'une intégration plus étroites.

Le trilemme politique de l'économie mondiale de Dani Rodrik est un concept qui met en lumière le conflit inhérent entre la mondialisation économique, l'État-nation (ou la souveraineté nationale) et la démocratie.[10] Selon Rodrik, ces trois forces ne peuvent pas coexister parfaitement. Si nous avons deux d'entre elles, nous ne pouvons pas avoir la troisième. Plus précisément:

  1. Si nous avons la mondialisation économique et l'État-nation, alors nous ne pouvons pas avoir la démocratie car les décisions économiques sont prises à un niveau qui échappe au contrôle démocratique.
  2. Si nous avons la mondialisation économique et la démocratie, alors nous ne pouvons pas avoir l'État-nation car les décisions économiques sont prises au niveau mondial et dépassent les frontières nationales.
  3. Si nous avons l'État-nation et la démocratie, alors nous ne pouvons pas avoir la mondialisation économique car les décisions économiques sont prises au niveau national et reflètent les préférences démocratiques, ce qui peut entraîner des restrictions au commerce et à l'investissement mondial.

En termes de souveraineté d'interdépendance, cela signifie que dans un monde de plus en plus mondialisé, l'État-nation peut avoir du mal à contrôler tous les aspects de son économie et de sa société car il est de plus en plus influencé par des forces extérieures, comme les flux de capitaux, de biens, de services et d'informations. Cela peut limiter sa capacité à mener des politiques publiques indépendantes et à répondre aux préférences de ses citoyens, ce qui peut à son tour avoir un impact sur la légitimité et la stabilité de l'État.

L'impact de la Mondialisation[modifier | modifier le wikicode]

Qu’est-ce que la mondialisation ?[modifier | modifier le wikicode]

Selon Held, McGrew, Goldblatt et Perraton dans leur ouvrage "Global Transformations: Politics, Economics and Culture" publié en 1999, la mondialisation est définie comme "l'élargissement, l'approfondissement et l'accélération de l'interconnexion globale".[11] Dans ce contexte, "l'élargissement" fait référence à l'extension des liens et des connexions à travers le monde, à travers les continents et les pays. C'est une indication de la portée géographique des réseaux et des systèmes de relations et d'interactions mondiales. "L'approfondissement" fait référence à l'intensification des niveaux d'interaction et d'interdépendance entre les acteurs et les systèmes à l'échelle mondiale. Cela se traduit par des liens plus étroits et plus nombreux entre les sociétés, les économies, les cultures et les institutions politiques. Enfin, "l'accélération" fait référence à l'augmentation de la vitesse des interactions et des processus mondiaux. Grâce à l'évolution des technologies de l'information et de la communication, l'information, les idées, le capital, les biens, les services et les personnes se déplacent de plus en plus rapidement à travers les frontières et les régions. En d'autres termes, la mondialisation implique une augmentation et une intensification des liens et des flux entre les pays et les régions du monde. Cela comprend le commerce, l'investissement, la migration, les échanges culturels, l'information et la technologie, ce qui, à son tour, peut avoir des effets profonds sur les économies, les sociétés, les cultures et les politiques.

L'intensification, dans le contexte de la mondialisation, est le processus par lequel les connexions et les interactions entre les pays et les entités à travers le monde se renforcent et se multiplient. Cela se manifeste à travers trois dimensions principales:

  • Élargissement: Cela implique l'extension des liens transnationaux à une échelle géographique toujours plus large, englobant de plus en plus de régions, de pays et de peuples.
  • Approfondissement: Cela fait référence à une interdépendance plus profonde entre les pays et les entités, ce qui signifie que les événements ou les changements dans un pays ou une région ont des effets plus prononcés et plus directs sur les autres. Par exemple, dans une économie mondialisée, une crise économique dans un pays majeur peut avoir des répercussions importantes sur l'économie mondiale.
  • Accélération: Cela se réfère à l'augmentation de la vitesse à laquelle les interactions et les transactions se produisent à l'échelle mondiale. Avec les progrès technologiques, en particulier dans les domaines des transports et des communications, l'information, les biens, les services et même les personnes peuvent se déplacer à travers le monde à une vitesse sans précédent.

En somme, l'intensification de la mondialisation implique une interdépendance croissante entre les pays, ce qui peut avoir des implications significatives pour l'économie, la politique, la culture, et d'autres aspects de la société à l'échelle mondiale.

L'interdépendance mondiale se manifeste de manière complexe et multidimensionnelle. La mondialisation affecte de nombreuses sphères de la vie humaine et de l'activité sociétale, créant des interdépendances à divers niveaux. Voici quelques exemples des domaines où cela se produit :

  • Économie : C'est le domaine le plus souvent associé à la mondialisation. L'interdépendance économique mondiale est mise en évidence par l'intensification du commerce international, l'expansion des multinationales, la mobilité accrue des capitaux et la prolifération des accords commerciaux internationaux.
  • Politique : La mondialisation a également accru l'interdépendance politique entre les États. Cela se manifeste par le rôle croissant des organisations internationales, le développement du droit international et la nécessité pour les pays de coopérer sur des problèmes mondiaux tels que le changement climatique, la sécurité et les droits de l'homme.
  • Sociale : La mondialisation favorise également l'interdépendance sociale à travers les flux de personnes (migration), les réseaux sociaux mondiaux, le partage de cultures et l'échange d'informations.
  • Technologie : Avec la révolution numérique, l'interdépendance technologique est devenue un aspect majeur de la mondialisation. L'internet a transformé la manière dont les informations sont partagées et consommées, et a facilité l'émergence de communautés mondiales en ligne.

Chacune de ces dimensions contribue à un monde de plus en plus interconnecté et interdépendant, où les changements dans une partie du monde peuvent avoir un impact significatif ailleurs. Cependant, il est important de noter que cette interdépendance peut aussi exacerber les inégalités et créer de nouveaux défis.

Keohane et Nye ont joué un rôle clé dans la conceptualisation de la mondialisation en termes d'interdépendance complexe, soulignant l'importance de comprendre ses dimensions multiples.[12] Voici une explication un peu plus détaillée de ces dimensions :

  • Politique : Cette dimension de la mondialisation met en évidence l'interconnexion accrue des politiques et des gouvernements à l'échelle mondiale. Par exemple, les pays coopèrent et coordonnent leurs politiques au sein d'organisations internationales comme les Nations Unies ou l'Organisation mondiale de la santé. De plus, les politiques et les lois d'un pays peuvent être influencées par des pressions internationales ou par l'adoption de normes mondiales.
  • Sociale : La mondialisation sociale met l'accent sur l'interconnexion des sociétés à travers les frontières. Cela comprend la diffusion des idées et des informations à travers les cultures, ainsi que la migration des individus. Par exemple, l'internet a permis une communication et un partage d'informations sans précédent, ce qui a conduit à une convergence culturelle à certains égards. De même, l'immigration et les voyages internationaux ont conduit à une plus grande diversité au sein des sociétés et à un mélange de cultures.
  • Économique : La mondialisation économique se réfère à l'intégration croissante des économies à travers le commerce international et les flux de capitaux. Par exemple, la libéralisation du commerce a conduit à une augmentation spectaculaire du commerce international de biens et de services. De même, la libéralisation financière a facilité les flux internationaux de capitaux, permettant aux investisseurs d'investir facilement dans des pays étrangers. Cela a conduit à une interdépendance accrue des économies, où les événements économiques dans un pays peuvent avoir un impact sur d'autres.

Chaque dimension de la mondialisation a ses propres implications et défis, et elles sont souvent interdépendantes. Par exemple, la mondialisation économique peut influencer la mondialisation sociale (par exemple, à travers les flux migratoires) et vice versa.

Qu’est-ce que la mondialisation économique ?[modifier | modifier le wikicode]

La mondialisation économique fait référence à l'intégration croissante des économies de différents pays à travers le monde, rendue possible par la libéralisation du commerce, les investissements étrangers directs (IED), les flux de capitaux et la migration. Elle se manifeste par une augmentation du commerce international de biens et de services, une augmentation des investissements internationaux, une plus grande interdépendance économique entre pays, et une standardisation et une homogénéisation croissante des produits et des marchés. Selon Schwartz, une caractéristique clé de la mondialisation économique est une "pression globale sur les prix". Cela signifie que, en raison de l'interconnexion accrue des marchés mondiaux, il y a une tendance à l'uniformisation des prix à l'échelle mondiale. Par exemple, si les prix d'un certain bien sont plus bas dans un pays que dans un autre, les consommateurs peuvent choisir d'acheter ce bien dans le pays où il est moins cher, ce qui exercera une pression à la baisse sur les prix dans le pays où le bien est plus cher. Cela peut se produire non seulement pour les biens physiques, mais aussi pour les services et même pour les travailleurs, dans le cas de la migration ou de l'externalisation. C'est un phénomène qui peut avoir des implications importantes pour les entreprises, les consommateurs et les travailleurs.

L'interdépendance économique entre les pays est caractérisée par des flux transnationaux de biens, de services, de capitaux et parfois de travailleurs. L'importance croissante du commerce international et des investissements directs étrangers signifie que les économies des différents pays sont de plus en plus interconnectées. Cependant, les flux économiques transfrontaliers sont également influencés par les politiques publiques mises en place par les gouvernements nationaux. Ces politiques peuvent réguler l'ouverture ou la fermeture de ces flux, par le biais de divers mécanismes tels que les tarifs, les quotas, les restrictions à l'immigration, les contrôles des capitaux, etc. Par exemple, un pays peut décider d'instaurer des tarifs douaniers pour protéger ses industries locales, ce qui pourrait réduire les importations de certains biens. De plus, les gouvernements peuvent également mettre en œuvre des politiques destinées à attirer les investissements étrangers, par exemple en offrant des incitations fiscales ou en créant des zones économiques spéciales. Cela signifie que, bien que l'interdépendance économique soit une caractéristique majeure de la mondialisation, elle est également influencée par les décisions politiques prises au niveau national. Ainsi, la mesure dans laquelle un pays est intégré dans l'économie mondiale dépend à la fois de facteurs économiques et politiques.

L'indice de mondialisation KOF est un indice élaboré par l'Institut fédéral suisse de technologie de Zurich (ETH Zurich) qui mesure le degré de mondialisation de différents pays. Il utilise une vaste gamme de données, couvrant 24 variables individuelles dans trois catégories principales : économique, sociale et politique.

  • La mondialisation économique est mesurée en fonction de la taille des flux commerciaux et financiers d'un pays par rapport à son économie, ainsi que des restrictions à ces flux.
  • La mondialisation sociale est mesurée à partir de données sur les contacts personnels (tels que les appels téléphoniques internationaux et les transferts de fonds), les informations (accès à Internet et à la télévision) et les attitudes culturelles.
  • La mondialisation politique est évaluée en fonction du degré d'implication d'un pays dans les relations internationales, par exemple sa participation aux organisations internationales, aux missions de maintien de la paix de l'ONU et aux traités internationaux.

L'indice KOF est mis à jour annuellement, ce qui permet de suivre les tendances de la mondialisation sur plusieurs décennies. Il fournit un outil utile pour comparer le degré de mondialisation entre différents pays et pour analyser comment la mondialisation change avec le temps.

L'indice de mondialisation politique de l'indice KOF mesure l'intégration d'un pays dans le monde politique international en utilisant plusieurs indicateurs, qui se répartissent comme suit :

  1. Le nombre d'ambassades dans un pays (25%) : cela reflète le degré d'engagement politique international d'un pays, indiquant combien d'autres pays maintiennent des relations diplomatiques officielles avec lui.
  2. L'appartenance à des organisations internationales (28%) : cette mesure donne une idée de l'implication d'un pays dans les affaires mondiales par le biais de son adhésion à diverses organisations internationales. Plus un pays est membre d'organisations, plus il est considéré comme intégré sur le plan politique.
  3. Participation aux missions du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies (22%) : cela montre la volonté et la capacité d'un pays à contribuer à la sécurité internationale, notamment en fournissant des troupes ou du soutien logistique aux missions de maintien de la paix de l'ONU.
  4. Le nombre de traités internationaux signés (25%) : cela reflète le niveau d'engagement d'un pays envers les normes et les règles internationales. Un pays qui a signé un grand nombre de traités est considéré comme plus engagé dans le système international.

Ces quatre dimensions de la mondialisation politique fournissent une vue d'ensemble de la mesure dans laquelle un pays est intégré dans le système politique mondial.

Indice de globalisation politique.png

L'indice KOF de mondialisation sociale se concentre sur l'intégration d'un pays dans le monde social et culturel international. Il utilise divers indicateurs, qui se répartissent comme suit :

  1. Données de contacts personnels (33%) : Il s'agit de mesures telles que le trafic téléphonique international, le tourisme international, la population étrangère et le nombre de lettres internationales par habitant. Ces mesures reflètent le degré de communication et d'interaction entre les personnes de différents pays.
  2. Données de flux d'information (36%) : Cet indicateur mesure le degré d'information internationale qui circule à travers les frontières d'un pays. Il comprend des mesures telles que le nombre d'utilisateurs d'Internet et de télévisions par 1'000 habitants, ainsi que la part du commerce de journaux dans le PIB.
  3. Données de proximité culturelle (31%) : Cette mesure reflète l'adoption de certaines formes de culture de consommation mondialisées. Il s'agit notamment du nombre de restaurants McDonald's et de magasins Ikea par habitant, ainsi que la part du commerce de livres dans le PIB.

En utilisant ces trois groupes d'indicateurs, l'indice KOF de mondialisation sociale donne une image du degré d'intégration d'un pays dans la communauté mondiale au-delà des dimensions purement économiques ou politiques. Il montre comment la mondialisation se manifeste dans la vie quotidienne des personnes, que ce soit par la communication, l'information ou la culture de consommation.

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L'indice KOF de la mondialisation économique se concentre sur la mesure du degré d'intégration économique d'un pays dans l'économie mondiale. Il utilise divers indicateurs, répartis en deux grandes catégories :

  1. Flux (50%) : Cette catégorie comprend des mesures telles que le commerce international en pourcentage du PIB, les flux d'investissements directs étrangers (IDE) en pourcentage du PIB, les stocks d'IDE en pourcentage du PIB, les investissements de portefeuille en pourcentage du PIB et les paiements de revenus aux étrangers en pourcentage du PIB. Ces indicateurs mesurent le degré de connexion et d'interdépendance d'une économie nationale avec le reste du monde.
  2. Restrictions (50%) : Cette catégorie comprend des mesures telles que les tarifs douaniers moyens, les obstacles aux importations, les taxes sur le commerce international en pourcentage du revenu et les restrictions sur les comptes de capital. Ces indicateurs évaluent le niveau de protectionnisme d'une économie, c'est-à-dire le degré de restriction à la libre circulation des biens, des services et des capitaux.

En combinant ces deux types d'indicateurs, l'indice KOF de la mondialisation économique donne une vue d'ensemble du degré d'ouverture et d'interdépendance d'une économie avec le reste du monde. Il permet de comprendre à quel point une économie est intégrée dans l'économie mondiale, tant en termes de flux économiques que de politiques commerciales et financières.

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Le Trilemme de l’économie mondiale : analyse des choix économiques[modifier | modifier le wikicode]

Dani Rodrik.

Le livre "Le paradoxe de la mondialisation" de Dani Rodrik est une analyse approfondie des dilemmes et des conflits que pose la mondialisation pour les démocraties nationales.[13] Rodrik est un économiste réputé, professeur à l'Université de Harvard, et connu pour ses contributions significatives aux débats sur l'économie internationale, la mondialisation, et le développement.

Dans son ouvrage, Rodrik présente son fameux "trilemme de la mondialisation". Selon lui, la démocratie, la souveraineté nationale et l'intégration économique mondiale sont mutuellement incompatibles : nous ne pouvons combiner les trois simultanément. Nous pouvons avoir au maximum deux des trois à la fois.

Voici comment le trilemme fonctionne :

  1. Si nous voulons avoir à la fois l'intégration économique mondiale et la souveraineté nationale, nous devons abandonner la démocratie.
  2. Si nous voulons avoir à la fois la démocratie et la souveraineté nationale, nous devons renoncer à l'intégration économique mondiale.
  3. Et si nous voulons avoir à la fois l'intégration économique mondiale et la démocratie, nous devons abandonner la souveraineté nationale.

Dans son livre, Rodrik soutient que nous ne pouvons pas avoir à la fois hypermondialisation, souveraineté nationale et démocratie robuste. Nous devons faire un choix parmi ces trois. Selon lui, les tentatives pour pousser la mondialisation à son maximum ont sapé la souveraineté nationale et la démocratie, conduisant à une réaction populiste contre la mondialisation que nous voyons dans de nombreux pays. Il plaide pour une mondialisation plus modérée qui respecte les droits des nations à se protéger contre les forces du marché mondial.

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Le trilemme de l'économie mondiale, tel que présenté par Dani Rodrik dans le chapitre IX de son livre, "Le paradoxe de la mondialisation", repose sur l'idée qu'il est impossible de concilier simultanément l'hyperglobalisation, la démocratie et la souveraineté nationale. Voici comment il développe cette idée :

  1. Hyperglobalisation : c'est le fait de favoriser une intégration économique globale, sans entraves, qui permet la libre circulation des biens, des services et des capitaux à travers les frontières internationales. Cette libre circulation est facilitée par les traités commerciaux internationaux et l'adhésion à des organisations économiques supranationales.
  2. État-nation : c'est le principe selon lequel une entité politique, un pays, a la souveraineté sur son territoire et sa population, et est libre de prendre ses propres décisions politiques et économiques. L'État-nation est responsable du bien-être de ses citoyens et a le pouvoir de réguler son économie comme il le juge approprié.
  3. Politiques démocratiques : ce sont des décisions prises par un gouvernement qui est représentatif de la volonté du peuple, comme c'est le cas dans une démocratie. Dans un tel système, les citoyens ont un droit de vote et de participation directe ou indirecte dans la formulation des politiques publiques.

Rodrik argumente qu'il est impossible de combiner pleinement ces trois éléments. On ne peut avoir une hyperglobalisation (une intégration économique complète) tout en préservant la pleine souveraineté de l'État-nation et en maintenant des politiques démocratiques. Si un pays choisit l'hyperglobalisation, il doit sacrifier soit la souveraineté nationale (en laissant les décisions économiques importantes être dictées par les forces du marché mondial ou par des institutions économiques supranationales), soit la démocratie (en limitant la capacité des citoyens à influencer les politiques économiques par le vote).

Rodrik suggère donc que dans une économie mondiale, nous ne pouvons atteindre simultanément l'hyper-globalisation (c'est-à-dire une intégration économique maximale), la démocratie (la capacité des citoyens de participer à la prise de décisions politiques de leur pays) et l'État-nation (la capacité d'un pays à mettre en œuvre des politiques indépendantes pour le bien de ses citoyens). Selon lui, la poursuite de la mondialisation entraîne une tension entre la démocratie et la souveraineté de l'État-nation. Si un pays veut profiter pleinement des avantages économiques de la mondialisation, il peut devoir renoncer à une certaine souveraineté politique, se pliant à des règles et des normes internationales qui peuvent ne pas correspondre aux préférences de ses citoyens. Inversement, si un pays tient à la démocratie et à la souveraineté de l'État-nation, il peut devoir limiter son intégration dans l'économie mondiale pour maintenir le contrôle sur sa politique économique et sociale. C'est ce que Rodrik appelle le "trilemme" de l'économie mondiale, qui souligne la complexité et les défis auxquels sont confrontés les pays dans la gestion de leur intégration dans une économie mondiale de plus en plus interconnectée.

La politique démocratique est profondément liée à la souveraineté d'interdépendance, comme le suggère Stephen Krasner. La souveraineté d'interdépendance décrit la capacité d'un État à contrôler ou à réguler les flux transnationaux (personnes, biens, capitaux, informations, etc.) à travers ses frontières. En substance, cela signifie qu'un État a le contrôle sur la manière dont il interagit avec les autres États et avec les forces du marché mondial. Dans une démocratie, les citoyens devraient idéalement avoir une voix dans la façon dont leur pays gère ces flux internationaux, que ce soit par le biais d'élections, de la liberté d'expression, ou d'autres moyens de participation politique. Cependant, comme le souligne Rodrik dans son trilemme de l'économie mondiale, cette souveraineté d'interdépendance peut être compromise lorsque les États s'efforcent d'intégrer davantage leurs économies avec celles d'autres pays - une tendance souvent associée à la mondialisation. En d'autres termes, la pression pour s'intégrer plus profondément dans l'économie mondiale - et en particulier à se conformer aux normes et aux règles internationales qui facilitent cette intégration - peut limiter la capacité d'un État à mettre en œuvre des politiques indépendantes qui reflètent les préférences de ses citoyens. Cela peut, à son tour, créer des tensions avec les principes démocratiques.

L'époque de Bretton Woods (des années 1940 aux années 1970) est un exemple parfait de ce que Rodrik décrit comme un équilibre entre l'État-nation et la politique démocratique, avec un contrôle plus limité de l'hypermondialisation. La conférence de Bretton Woods en 1944 a établi les bases d'un nouvel ordre économique mondial après la Seconde Guerre mondiale. Les accords de Bretton Woods ont créé des institutions financières internationales comme le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale pour promouvoir la stabilité monétaire et économique mondiale. De plus, le GATT (Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce) a été établi pour promouvoir le libre-échange à travers la réduction des barrières tarifaires. Cependant, même avec cette intégration économique croissante, les États conservaient encore une grande marge de manœuvre pour mener des politiques économiques nationales. Les contrôles de capitaux, par exemple, étaient largement acceptés. De plus, de nombreux États ont mis en place des politiques de bien-être social, de plein emploi et d'industrialisation qui reflétaient leurs priorités nationales spécifiques. En d'autres termes, pendant la période de Bretton Woods, la mondialisation était souvent vue comme un moyen d'atteindre des objectifs nationaux, plutôt que comme une fin en soi. Cela contraste avec l'époque de la mondialisation qui a suivi, où l'intégration économique internationale est devenue de plus en plus une priorité en soi, souvent au détriment de la politique démocratique et de l'État-nation.

Pendant la période de Bretton Woods, les gouvernements utilisaient fréquemment des politiques de contrôle des capitaux et de tarifs douaniers pour protéger leurs économies nationales. Ces mesures étaient utilisées pour contrôler le mouvement des capitaux à travers les frontières, préserver la stabilité financière, protéger les industries nationales naissantes et maintenir l'emploi. Ces contrôles étaient également utilisés pour éviter les crises économiques qui pourraient découler de mouvements de capitaux spéculatifs ou instables. En contrôlant les flux de capitaux, les pays pouvaient souvent maintenir une plus grande stabilité dans leurs taux de change, ce qui était essentiel pour la gestion de leurs économies. Cependant, à mesure que le monde s'est déplacé vers une mondialisation plus poussée à partir des années 1970 et 1980, de nombreux pays ont commencé à lever ces contrôles et à ouvrir leurs économies aux flux de capitaux internationaux. Cela a conduit à une plus grande intégration économique mondiale, mais a également posé de nouveaux défis en termes de gestion de la stabilité économique et de protection des industries et des travailleurs nationaux.

Selon Dani Rodrik, la fin des années 1970 a marqué un tournant vers la libéralisation des politiques commerciales et financières dans de nombreux pays. Cette période, parfois appelée "l'âge de la mondialisation", a vu un déclin général des barrières tarifaires et non tarifaires, une libéralisation financière accrue et une intensification des échanges commerciaux et des investissements directs étrangers. Cependant, contrairement à certaines attentes, cette mondialisation économique n'a pas conduit à un affaiblissement généralisé de l'État-nation. En effet, malgré l'intégration économique croissante, les États-nations ont continué à jouer un rôle central dans la gouvernance de leurs économies. Ils sont restés des acteurs clés dans la régulation des marchés, la fourniture de biens publics, la protection sociale, la gestion macroéconomique et la mise en œuvre des politiques environnementales, entre autres. Cependant, Rodrik soutient que cette intensification de la mondialisation a créé des tensions entre l'État-nation et les impératifs de l'intégration économique mondiale, donnant lieu à ce qu'il appelle le "trilemme de la mondialisation". Selon lui, il est impossible de concilier pleinement l'hyper-globalisation, la souveraineté de l'État-nation et la démocratie; on ne peut avoir que deux des trois à la fois.

Dani Rodrik souligne dans son travail que l'une des façons de résoudre le trilemme de la mondialisation serait de dépasser le cadre de l'État-nation et de développer des structures supranationales de gouvernance. En d'autres termes, les États-nations pourraient transférer une partie de leur souveraineté à des institutions internationales ou supranationales afin de pouvoir réguler de manière plus efficace l'économie mondiale. Cela pourrait potentiellement permettre de concilier les trois aspects du trilemme : une économie mondialisée, la démocratie et la régulation. En effet, une gouvernance mondiale renforcée pourrait aider à encadrer la mondialisation de manière à ce qu'elle respecte davantage les principes démocratiques et sociaux. Un exemple de ce type de gouvernance supranationale est l'Union européenne, qui exerce certaines compétences auparavant dévolues aux États membres. Cependant, la mise en œuvre de ce type de gouvernance présente des défis majeurs, notamment en termes de légitimité démocratique et d'équité. Il convient également de noter que cette approche ne fait pas l'unanimité et que de nombreux acteurs et analystes sont préoccupés par les implications potentielles d'une telle dévolution de la souveraineté, en particulier en ce qui concerne l'érosion potentielle de la démocratie et de l'autonomie nationale.

L'importance de la Gouvernance en politique[modifier | modifier le wikicode]

La Commission sur la Gouvernance Mondiale a formulé une définition éloquente de la gouvernance. Elle la perçoit comme l'accumulation des différentes méthodes par lesquelles les individus et les institutions, qu'ils soient du domaine public ou privé, administrent leurs affaires collectives. Selon elle, la gouvernance est un processus constant où les divergences ou les conflits d'intérêts peuvent être harmonisés, et où des actions coopératives peuvent être engagées.

C'est une définition de la gouvernance globale proposée par la Commission on Global Governance dans son rapport de 1995, "Our Global Neighborhood". Pour paraphraser, la gouvernance globale est l'ensemble des multiples manières dont les individus et les institutions, qu'elles soient publiques ou privées, gèrent leurs affaires communes. C'est un processus continu qui permet de prendre en compte des intérêts conflictuels ou diversifiés, et d'entreprendre des actions coopératives. En d'autres termes, la gouvernance globale est une sorte de collaboration entre différents acteurs (y compris les États, les organisations internationales, les entreprises, les groupes de la société civile et les individus) pour traiter des problèmes qui dépassent les frontières nationales et qui nécessitent une coopération internationale. Cette définition met en évidence deux caractéristiques essentielles de la gouvernance globale : la diversité des acteurs impliqués et l'importance du consensus et de la coopération. La gouvernance globale n'est pas seulement l'affaire des États ou des organisations internationales officielles, mais implique aussi des acteurs non étatiques. De plus, elle nécessite la recherche d'un consensus et une volonté d'agir de manière coopérative pour résoudre les problèmes communs.

L'une des critiques avancées est que la gouvernance fait intervenir une multitude d'acteurs, y compris des individus et des institutions. En outre, la gouvernance n'est plus uniquement du ressort de l'autorité publique : des acteurs privés s'impliquent également pour résoudre les conflits d'intérêts et trouver des solutions de coopération internationale face à des enjeux majeurs et des divergences d'intérêts variées au niveau des États-nations.

La gouvernance globale fait intervenir une multitude d'acteurs. Cela inclut non seulement les gouvernements nationaux, mais également des individus et des institutions à la fois publiques et privées. Ces acteurs peuvent être des organisations non gouvernementales, des entreprises multinationales, des institutions financières internationales comme le FMI ou la Banque mondiale, et même des individus influents. Chacun de ces acteurs a ses propres intérêts et priorités, ce qui peut entraîner des conflits. Par exemple, une entreprise multinationale peut privilégier la maximisation des profits, ce qui pourrait entrer en conflit avec les objectifs de développement durable d'une organisation non gouvernementale. De même, les priorités d'un gouvernement national pourraient entrer en conflit avec les directives d'une institution financière internationale. Cependant, dans le cadre de la gouvernance globale, ces acteurs variés travaillent ensemble pour gérer leurs affaires communes. Ils doivent négocier, coopérer et parfois faire des compromis pour résoudre les problèmes mondiaux. Cette interaction continue permet d'accommoder les intérêts conflictuels et divers.

Il est important de noter que ce n'est pas seulement le domaine de l'autorité publique. De nombreux acteurs privés ont également un rôle à jouer dans la gouvernance globale. Par exemple, les entreprises multinationales peuvent aider à résoudre les problèmes mondiaux en adoptant des pratiques durables et éthiques. De même, les individus peuvent contribuer en faisant des choix éclairés en matière de consommation et en participant à des mouvements de défense des droits de l'homme ou de l'environnement. Cependant, la participation de ces acteurs privés à la gouvernance globale soulève également des questions de responsabilité et de légitimité. Par exemple, qui tient ces acteurs privés responsables de leurs actions ? Quelle est leur légitimité pour participer à la prise de décision au niveau mondial ? Ces questions sont au cœur des débats sur la gouvernance globale.

La gouvernance et le gouvernement sont deux concepts distincts, bien qu'ils soient parfois utilisés de manière interchangeable.

  • Le gouvernement se réfère généralement à l'ensemble des institutions et des individus officiellement investis de l'autorité politique dans un État. Cela inclut typiquement le chef de l'État, le cabinet, le législatif, le judiciaire et les bureaucraties publiques. Le gouvernement a le pouvoir de faire des lois, de les appliquer et de les interpréter, souvent dans le cadre d'une constitution. C'est l'entité qui exerce le pouvoir souverain au nom du peuple dans une nation.
  • La gouvernance, quant à elle, est un terme plus large qui se réfère à toutes les méthodes, processus et institutions, tant formelles qu'informelles, par lesquelles une société est dirigée. Cela comprend non seulement le gouvernement, mais aussi une variété d'autres acteurs, comme les organisations non gouvernementales, les entreprises privées, et même des individus influents. La gouvernance implique la manière dont le pouvoir est exercé, comment les décisions sont prises et mises en œuvre, comment les conflits sont résolus, et comment les ressources sont gérées dans une société.

De plus, alors que le gouvernement est généralement limité à une juridiction spécifique, comme un pays ou une ville, la gouvernance peut s'appliquer à une multitude d'échelles, de la gouvernance locale à la gouvernance globale. Cela comprend la façon dont les problèmes transnationaux, comme le changement climatique ou la migration, sont gérés au-delà des frontières nationales.

La gouvernance, dans un contexte moderne et surtout global, implique une multitude d'acteurs qui ne sont pas strictement limités à l'État-nation traditionnel. Dans ce contexte, l'État, bien qu'il détienne toujours le monopole de la violence légitime au sein de ses frontières, devient une entité parmi d'autres dans un réseau de pouvoir plus vaste et plus complexe. Ces autres entités peuvent inclure des organisations internationales comme l'ONU ou l'OMC, des organisations non gouvernementales comme Médecins Sans Frontières ou Greenpeace, des multinationales et des grandes entreprises, et même des individus influents et des groupes de réflexion. Ces acteurs peuvent tous exercer un certain degré de pouvoir et d'influence sur la façon dont les affaires mondiales sont gérées.

De plus, dans certains cas, ces acteurs peuvent même exercer un pouvoir similaire à celui de l'État. Par exemple, certaines grandes entreprises peuvent avoir une influence économique considérable, et certaines organisations non gouvernementales peuvent avoir un impact important sur les politiques sociales et environnementales. Cela dit, bien que l'État ne soit plus le seul acteur sur la scène internationale, il reste un acteur majeur et important. Même dans un monde de plus en plus globalisé, les États conservent un pouvoir significatif en matière de politique intérieure, de défense et de politique étrangère, et ils jouent un rôle crucial dans la formation et la mise en œuvre de la gouvernance mondiale.

La gouvernance moderne est beaucoup plus complexe et implique une variété d'acteurs qui dépassent le cadre traditionnel de l'État-nation. Ces acteurs peuvent influencer les politiques à différents niveaux et de différentes manières. Voici une expansion sur les types d'acteurs :

  • Firmes transnationales : Ces entreprises, qui opèrent dans plusieurs pays, jouent un rôle de plus en plus important dans la gouvernance mondiale. En raison de leur taille et de leur influence économique, elles peuvent façonner les politiques par le biais du lobbying ou par des initiatives directes. Par exemple, elles peuvent promouvoir des normes de travail équitables dans leurs chaînes d'approvisionnement ou s'engager à réduire leurs émissions de carbone.
  • Organisations non gouvernementales (ONG) : Les ONG peuvent exercer une influence significative sur la gouvernance à plusieurs niveaux. Elles peuvent faire pression sur les gouvernements pour qu'ils changent leurs politiques, aider à la mise en œuvre de programmes et de services, et apporter une expertise technique et des connaissances locales qui peuvent orienter les décisions politiques.
  • Mouvements sociaux : Les mouvements sociaux peuvent agir comme des moteurs de changement en rassemblant des individus et des groupes autour de causes communes. Ils peuvent influencer la gouvernance en faisant pression pour des changements politiques, en sensibilisant le public à des problèmes spécifiques, et en contribuant à façonner le débat public.
  • Organisations internationales : Ces organisations, telles que l'ONU, le FMI et la Banque mondiale, jouent un rôle clé dans la gouvernance mondiale. Elles aident à coordonner la coopération internationale, à établir des normes et des règles communes, et à fournir des forums pour la résolution des conflits. Même si elles sont souvent guidées par les intérêts des États membres, elles peuvent aussi exercer une influence indépendante et contribuer à la formation des normes et des politiques internationales.

Dans l'ensemble, ces acteurs contribuent à la complexité et à la dynamique de la gouvernance dans le monde contemporain, en témoignant de l'interconnexion croissante des sociétés et des défis mondiaux.

La gouvernance à la fois nationale et internationale est façonnée par une multitude d'acteurs, chacun apportant sa propre perspective et son influence. C'est un processus complexe qui dépasse le cadre traditionnel des frontières nationales et des gouvernements nationaux. Au niveau national, les firmes transnationales, les organisations non gouvernementales et les mouvements sociaux peuvent influencer les politiques et les pratiques. Ils peuvent faire pression sur les gouvernements pour qu'ils adoptent certaines politiques, fournir des services qui complètent ou remplacent ceux de l'État, ou façonner le discours public autour de questions particulières. Au niveau international, ces mêmes acteurs, ainsi que les organisations internationales, jouent un rôle important dans la formation des normes, des politiques et des pratiques mondiales. Ils peuvent aider à coordonner la coopération internationale, établir des normes communes et fournir des forums pour la résolution des conflits. Dans ce contexte, l'État-nation reste un acteur important, mais il n'est plus le seul détenteur de l'autorité. La gouvernance est de plus en plus définie par l'interaction de ces différents acteurs, chacun apportant sa propre contribution au processus de prise de décision.

James Rosenau et Ernst-Otto Czempiel, deux chercheurs reconnus en relations internationales, ont présenté l'idée de la "gouvernance sans gouvernement" pour décrire la nature de la politique mondiale actuelle. Dans ce concept, ils soulignent l'absence d'un gouvernement mondial centralisé, à la différence de ce que l'on observe à l'échelle nationale. Dans ce contexte, aucun acteur unique n'a le pouvoir de faire respecter les lois ou les règles à l'échelle mondiale. La gouvernance mondiale se manifeste plutôt par un réseau complexe d'acteurs et d'institutions - États, organisations internationales, organisations non gouvernementales, entreprises multinationales, etc. - qui travaillent ensemble, souvent de manière informelle, pour gérer les problèmes mondiaux. Cette forme de gouvernance repose sur la coopération, la négociation et le consensus plutôt que sur la contrainte. Elle peut également impliquer des processus d'autorégulation, dans lesquels les acteurs établissent et respectent volontairement certaines normes ou règles. Cependant, la gouvernance sans gouvernement présente aussi des défis, notamment en ce qui concerne la responsabilité et la légitimité. Par exemple, il peut être difficile de tenir les acteurs responsables de leurs actions à l'échelle mondiale, en particulier lorsque les structures de pouvoir sont décentralisées et que les acteurs ont des intérêts divergents.

La structure politique de la Suisse est basée sur un système fédéral. Dans ce système, le pays est divisé en cantons, chacun ayant son propre gouvernement et sa propre constitution. Cependant, les cantons sont soumis à l'autorité du gouvernement fédéral qui siège à Berne. Les cantons suisses ont une certaine autonomie et peuvent légiférer dans certains domaines, tels que l'éducation, la santé, et certaines taxes. Cependant, le gouvernement fédéral a le pouvoir final dans de nombreux domaines clés, tels que la défense, les affaires étrangères, et la politique monétaire. Dans cet arrangement, la Confédération, les cantons et les communes ont chacun des compétences et des responsabilités clairement définies. Ce partage des pouvoirs permet d'assurer un équilibre entre l'autonomie régionale et l'unité nationale, ce qui est une caractéristique clé des systèmes fédéraux. Par conséquent, l'autorité politique du canton de Genève, bien qu'elle soit importante pour la gestion des affaires locales, est soumise à l'autorité du gouvernement fédéral suisse pour les questions qui relèvent de la compétence de ce dernier.

Sur le plan international, la souveraineté des nations est une des pierres angulaires de la politique mondiale. L'absence d'une autorité mondiale suprême signifie que les États sont souverains et sont libres de prendre leurs propres décisions. Cela est fondamentalement ancré dans le système international actuel qui est basé sur le principe de non-ingérence dans les affaires internes d'un État. Toutefois, il existe des organisations internationales, comme les Nations Unies (ONU), qui cherchent à faciliter la coopération et la coordination entre les nations. Ces organisations peuvent émettre des recommandations et définir des normes internationales, mais elles n'ont pas le pouvoir de contraindre les États à suivre ces recommandations ou à respecter ces normes. Le respect de ces normes est généralement basé sur le consentement volontaire des États. Il y a cependant certaines exceptions à ce principe, notamment lorsque la sécurité internationale est en jeu. Par exemple, le Conseil de sécurité de l'ONU a le pouvoir d'autoriser des sanctions ou l'usage de la force contre un État qui viole le droit international. Cependant, même dans ces cas, la mise en œuvre de ces décisions repose sur la volonté des États membres de l'ONU. En somme, bien qu'il existe une certaine forme de gouvernance internationale, l'absence d'un gouvernement mondial signifie que chaque État maintient sa souveraineté sur ses propres affaires.

L'absence de gouvernement mondial est souvent caractérisée comme étant un état d'"anarchie" dans la théorie des relations internationales. Ce terme "anarchie" est utilisé non pas au sens courant de désordre ou de chaos, mais pour décrire un système dans lequel il n'y a pas d'autorité supérieure qui peut imposer ses décisions aux unités constitutives du système. En d'autres termes, chaque État est souverain et libre de poursuivre ses propres intérêts comme il le juge bon, sans avoir à rendre des comptes à une autorité supérieure. Les chercheurs qui adhèrent à l'école de pensée réaliste en relations internationales considèrent l'anarchie comme une caractéristique fondamentale et inévitable du système international. Selon eux, cette anarchie crée un environnement de compétition et de méfiance, dans lequel les États doivent principalement compter sur leur propre pouvoir pour assurer leur sécurité et promouvoir leurs intérêts.

L'avenir de la politique : la Gouvernance multiniveaux[modifier | modifier le wikicode]

La gouvernance multiniveaux se réfère à l'idée que l'autorité et la prise de décision sont réparties à travers plus d'un niveau de gouvernement - local, régional, national et supranational. C'est un concept souvent utilisé dans le contexte de l'Union européenne, où la prise de décision est partagée entre les différents niveaux de gouvernement. Ce concept capture l'idée que la prise de décision politique n'est pas seulement l'apanage du gouvernement national, mais implique aussi des autorités à différents niveaux. Ces niveaux peuvent varier de l'échelle locale à l'échelle globale, et inclure des entités telles que les gouvernements municipaux, les régions, les organisations non gouvernementales, les entreprises et les institutions internationales.

Dans une perspective de gouvernance multiniveaux, les problèmes politiques sont souvent perçus comme nécessitant une approche multi-acteurs et multi-niveaux. Cela peut nécessiter la coordination et la coopération entre différents niveaux de gouvernement, ainsi qu'entre le secteur public et le secteur privé. L'objectif de la gouvernance multiniveaux est de rapprocher les décisions politiques des citoyens, de renforcer la démocratie et d'augmenter l'efficacité des politiques publiques. Cependant, la mise en œuvre de la gouvernance multiniveaux peut également être un défi, car elle nécessite une coordination et une coopération étroites entre différents acteurs et niveaux de gouvernement.

sources : [14]

La souveraineté de l'État-nation est un concept central en politique internationale. Il décrit l'autorité suprême de l'État-nation à l'intérieur de ses frontières territoriales. Cette autorité peut être exercée sans ingérence extérieure, à moins qu'elle ne soit volontairement partagée ou déléguée à travers des accords internationaux ou des organismes supranationaux.

Historiquement, l'État-nation a été l'unité principale de gouvernance et le détenteur du monopole de la violence légitime dans son territoire. Cependant, avec la mondialisation et l'augmentation des interdépendances économiques, sociales et politiques, la souveraineté de l'État-nation est de plus en plus mise en question. Il y a une complexité croissante des relations internationales avec la présence d'acteurs non étatiques tels que les organisations internationales, les organisations non gouvernementales, les entreprises multinationales et même des individus qui peuvent exercer une influence significative sur la scène mondiale.

Dans le contexte de la gouvernance multiniveaux, l'État-nation n'est plus la seule autorité compétente. Il partage désormais cette compétence avec d'autres niveaux de gouvernement, notamment local, régional et supranational. Ainsi, l'autorité politique ne se limite plus aux frontières nationales, mais s'étend à travers les différents niveaux de gouvernement, ce qui soulève de nouvelles questions sur l'exercice de la souveraineté dans l'ère moderne.

La mondialisation a engendré une reconfiguration significative de la souveraineté traditionnellement détenue par l'État-nation. Ce phénomène peut être analysé à travers ces quatre axes de déplacement de l'autorité :

  • Vers le haut : Dans ce processus, l'État-nation cède une partie de son autorité aux organisations internationales. Cela est souvent fait pour atteindre des objectifs communs qui sont plus efficacement gérés à l'échelle mondiale. Par exemple, en rejoignant les Nations Unies, un pays accepte d'adhérer à une série de règles et de normes internationales, ce qui limite sa souveraineté dans certaines matières.
  • Vers le bas : Ici, l'État-nation délègue certaines de ses responsabilités aux gouvernements infranationaux, tels que les régions ou les municipalités. Ce processus peut aider à répondre de manière plus efficace et adaptée aux besoins et particularités locales.
  • Latéralement : Ce mouvement décrit le transfert d'autorité vers des acteurs transnationaux non étatiques, tels que les entreprises multinationales ou les organisations non gouvernementales. Ces entités peuvent exercer un pouvoir important à l'échelle mondiale, influençant les décisions politiques et économiques.
  • Vers la droite : Ce déplacement se réfère à la délégation d'autorité vers des entités régionales intégrées qui transcendent les frontières nationales. On peut penser à des blocs économiques et politiques tels que l'Union européenne ou le Mercosur. Cette intégration régionale permet souvent une coordination plus efficace et un poids accru sur la scène internationale.

Chacun de ces mouvements illustre une transformation significative de la gouvernance à l'ère de la mondialisation, où l'État-nation n'est plus l'unique détenteur de la souveraineté et où une plus grande coopération et coordination sont nécessaires pour répondre aux défis mondiaux.

La notion d'autorité est plus complexe et fragmentée que jamais dans le contexte de la mondialisation. La gouvernance n'est plus uniquement le domaine des acteurs étatiques mais implique désormais une multitude d'acteurs privés qui jouent un rôle crucial dans la conduite des affaires mondiales. Des entreprises multinationales aux organisations non gouvernementales, en passant par des groupes d'intérêt divers, ces acteurs privés sont souvent en mesure d'influencer les politiques et les normes à l'échelle mondiale. Ils peuvent ainsi contribuer à la formation de règles internationales, à la résolution de conflits et à la promotion de divers objectifs globaux, tels que le développement durable, les droits de l'homme, la sécurité, etc. Il est également important de noter que ces acteurs privés ont des intérêts variés et parfois divergents, ce qui peut créer des défis de coordination et de responsabilité. En outre, leur pouvoir croissant soulève également des questions importantes concernant la légitimité et la transparence de leurs actions.

Dans ce contexte, le concept de gouvernance a évolué pour englober ces nouvelles dynamiques. La gouvernance globale est donc de plus en plus comprise comme un processus complexe et multidimensionnel qui implique une diversité d'acteurs et d'institutions, opérant à différents niveaux, du local au global, et dans divers secteurs, du public au privé.

La gouvernance multiniveaux est un phénomène complexe qui est marqué par plusieurs caractéristiques clés :

  1. Prise de décisions partagée : La première caractéristique est que les décisions politiques sont prises par diverses entités situées à différents niveaux politiques. Cela peut comprendre des entités locales, régionales, nationales, supra-nationales et mondiales. Chaque niveau de gouvernance peut avoir son propre ensemble de compétences et de responsabilités, et la prise de décision est souvent le résultat d'un processus de négociation et de coordination entre ces différents niveaux.
  2. Interactions réciproques : Une deuxième caractéristique est que les influences entre les différents niveaux de gouvernance ne sont pas unilatérales, mais réciproques. Autrement dit, les développements à un niveau peuvent avoir un impact significatif sur les autres niveaux, et vice versa. Par exemple, une décision prise au niveau national peut influencer les politiques au niveau local, mais les initiatives locales peuvent également façonner les politiques nationales.
  3. Types divers de régulations et partenariats : Enfin, la gouvernance multiniveaux comprend différents types de régulations et de partenariats. Cela peut inclure des arrangements de coopération formels et informels entre entités publiques et privées, tels que les partenariats public-privé, ainsi que divers mécanismes de régulation qui peuvent aller de la réglementation directe par l'État à la gouvernance par le marché.

En somme, la gouvernance multiniveaux est un processus complexe qui implique une variété d'acteurs opérant à différents niveaux, et qui est marqué par des relations réciproques et des mécanismes de régulation diversifiés.

1) Des entités variées à différents niveaux politiques prennent des décisions politiques.

Dans le cadre de la gouvernance multiniveaux, les décisions politiques sont prises par différentes entités qui opèrent à différents niveaux. Cela peut comprendre diverses échelles de gouvernement - locales, régionales, nationales, et internationales - ainsi que d'autres types d'organisations, comme les organisations non gouvernementales, les institutions supranationales (comme l'Union Européenne ou les Nations Unies), et même les entités du secteur privé dans certains cas.

Chaque entité a sa propre zone d'influence et de compétence, et les décisions sont souvent prises à travers un processus de négociation et de consensus entre ces différentes parties prenantes. Par exemple, une décision de politique environnementale peut nécessiter des discussions entre les gouvernements locaux, régionaux et nationaux, ainsi que des organisations environnementales et des entreprises du secteur privé.

2) Il existe des influences qui ne sont pas unilatérales, mais plutôt réciproques entre ces différents niveaux, où les développements à un certain niveau ont des impacts significatifs sur d'autres niveaux et vice versa.

Dans la gouvernance multiniveaux, il existe des influences réciproques et non unilatérales entre les différents niveaux de prise de décision. Autrement dit, ce qui se passe à un niveau peut avoir un impact significatif sur les autres niveaux, et vice versa.

Pour illustrer, prenons le cas d'une décision politique prise à l'échelle internationale, comme l'adoption d'un accord climatique mondial. Cette décision peut influencer la politique environnementale à l'échelle nationale, qui à son tour peut avoir un impact sur les politiques régionales et locales. Parallèlement, des changements à l'échelle locale, comme l'adoption de technologies d'énergie renouvelable, peuvent également avoir un impact sur les politiques nationales et potentiellement influencer les discussions internationales.

En outre, les acteurs à chaque niveau ne sont pas isolés les uns des autres, mais interagissent et communiquent constamment. Cela peut signifier que les changements à un niveau peuvent être le résultat d'influences venant de plusieurs autres niveaux. Dans cet environnement interconnecté, il est crucial pour les décideurs politiques de comprendre les dynamiques à chaque niveau et d'adopter une approche holistique de la résolution des problèmes.

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Un accord international comme le Protocole de Kyoto a des répercussions sur les États signataires qui s'engagent à respecter certaines conditions. En l'occurrence, le Protocole de Kyoto visait à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Une fois qu'un pays, comme les États-Unis, signe et ratifie un tel accord, il s'engage à modifier ses politiques internes pour atteindre les objectifs fixés.

Cela peut impliquer de mettre en œuvre diverses mesures, comme la révision des réglementations environnementales, l'incitation à l'adoption de technologies plus propres, la création de taxes carbone ou de systèmes d'échange de quotas d'émission, etc. Ces changements peuvent avoir un impact considérable sur différents secteurs de l'économie nationale, des industries lourdes à l'énergie, en passant par les transports et l'agriculture.

C'est un exemple de la manière dont une décision prise au niveau international (l'accord sur le Protocole de Kyoto) peut influencer les politiques nationales (les États-Unis modifiant leurs politiques environnementales), ce qui est caractéristique de la gouvernance multiniveaux. Cependant, il est également important de noter que la mise en œuvre effective de ces accords dépend fortement de la volonté politique et de la capacité des États signataires à agir.

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3) Il existe des interactions mutuelles entre les différents niveaux qui comportent divers types de régulations, notamment divers types de partenariats entre les secteurs privé et public.

La gouvernance multiniveaux implique des interactions réciproques entre différents niveaux, du local à l'international. Chaque niveau peut influencer les autres, et les décisions prises à un niveau peuvent avoir des répercussions sur les autres. Cela peut se traduire par différents types de régulations, adaptées à chaque niveau. L'un des aspects de cette interaction concerne les partenariats public-privé. Ces partenariats sont des accords entre les gouvernements et les entreprises privées pour financer et gérer des projets d'intérêt public. Ils peuvent prendre diverses formes et être utilisés dans de nombreux domaines, comme l'infrastructure, l'éducation, la santé, l'environnement, etc.

Les partenariats public-privé sont un exemple de la façon dont la gouvernance multiniveaux peut fonctionner en pratique. Ils illustrent comment des acteurs de différents niveaux (les gouvernements à différents niveaux, les entreprises privées, parfois aussi des ONG ou d'autres organisations de la société civile) peuvent travailler ensemble pour atteindre des objectifs communs. Dans un monde de plus en plus interconnecté, cette approche de la gouvernance est de plus en plus nécessaire pour faire face aux défis complexes et transnationaux auxquels nous sommes confrontés, comme le changement climatique, la pauvreté et les inégalités, les migrations, la sécurité mondiale, etc.

La gouvernance multiniveaux permet d'envisager un éventail de régulations allant de la régulation purement publique à la régulation purement privée. Cela se traduit par une diversité de types de partenariats public-privé, à savoir :

  • Régulation publique : Dans ce scénario, le gouvernement ou une institution publique prend l'initiative de réguler un secteur ou une industrie. Cela peut se faire par le biais de lois, de réglementations ou de directives. Par exemple, l'État peut décider de réguler les émissions de carbone des industries pour protéger l'environnement.
  • Régulation mixte : C'est un modèle hybride où le public et le privé partagent la responsabilité de la régulation. Un exemple de ce type de partenariat pourrait être la mise en place d'un cadre réglementaire par le gouvernement pour une industrie donnée, mais avec des entreprises qui auto-régulent certains aspects dans le cadre de ce système (par exemple, en créant des normes industrielles).
  • Régulation privée : Dans ce scénario, ce sont les acteurs privés qui prennent l'initiative de réguler. Cela peut être le cas dans certaines industries où les entreprises établissent leurs propres normes et régulations, souvent par le biais de groupes ou d'associations industrielles. Par exemple, l'industrie du logiciel a développé des normes de codage et de sécurité qui sont largement respectées par les entreprises du secteur.

Il est important de noter que la plupart des régulations modernes ne tombent pas strictement dans l'une ou l'autre de ces catégories, mais se situent quelque part entre les deux. La combinaison spécifique de régulation publique et privée peut varier en fonction du secteur, du pays et du contexte politique et économique spécifique.

Une législation publique qui exclurait complètement les acteurs privés sont les décisions par exemple de la FIMNA qui est l’entité en Suisse qui supervise le secteur financier a ordonnée la transmission de données bancaires sur certains clients à des banques américaines. Dans ce cas, nous avons un exemple de régulation publique où l'organe de régulation, la FINMA (Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers) en Suisse, a pris une décision unilatérale. La FINMA a ordonné à certaines banques de transmettre des données bancaires concernant certains clients à des banques américaines. Cette décision pourrait être liée à des obligations réglementaires internationales, à des enquêtes sur des activités financières illégales ou à des efforts pour améliorer la transparence du secteur financier.

La consultation des acteurs privés dans les processus de prise de décision publique est devenue une pratique courante, et elle est considérée comme un moyen précieux d'intégrer des perspectives diverses et souvent expertes dans la formulation des politiques. Ce processus est parfois appelé "co-régulation" car il implique à la fois le gouvernement (l'autorité publique) et les entités privées (entreprises, ONG, etc.). C'est un aspect crucial de la gouvernance multiniveaux. La consultation des acteurs privés peut prendre plusieurs formes, comme des forums de discussion publics, des tables rondes, des groupes de travail et des sondages. Ces consultations permettent aux acteurs privés de donner leur avis sur les propositions de réglementation et d'offrir des solutions alternatives ou des modifications. Cette approche peut aider à créer des réglementations plus efficaces et plus équilibrées, car elle prend en compte les perspectives de ceux qui seront directement affectés par les nouvelles règles. Cependant, il est important que ce processus soit transparent et équitable pour éviter que certains groupes d'intérêts n'aient une influence disproportionnée sur la politique.

Les codes de conduite des entreprises, en particulier ceux des grandes multinationales, sont un exemple important de régulation privée. Ces codes définissent généralement les normes et les attentes de l'entreprise en matière d'éthique, de comportement et de responsabilité sociale. Par exemple, Nike, a adopté des codes de conduite pour réguler le comportement de ses fournisseurs dans les pays en développement. Ces codes peuvent inclure des directives sur le respect des droits de l'homme, des normes de travail justes et sûres, et des pratiques environnementales durables.

Cependant, l'efficacité de ces codes dépend en grande partie de la volonté et de la capacité de l'entreprise à les appliquer et à les faire respecter. Les codes de conduite privés peuvent souvent être mis en place pour améliorer l'image publique de l'entreprise, mais sans un véritable engagement et des mécanismes de contrôle efficaces, ils peuvent ne pas entraîner de changements significatifs sur le terrain. De plus, bien que les codes de conduite privés puissent combler certains vides en matière de réglementation dans les pays où les gouvernements n'ont pas la capacité ou la volonté d'appliquer les lois du travail, ils ne peuvent pas se substituer à une réglementation publique efficace. Ils devraient plutôt être considérés comme un complément à une réglementation publique solide.

Les codes de conduite des entreprises constituent un exemple majeur de régulation privée dans l'économie mondiale. Ils permettent aux entreprises d'établir des normes et des règles de conduite pour leurs opérations, et en particulier pour leurs chaînes d'approvisionnement qui s'étendent souvent sur plusieurs pays. Les codes de conduite peuvent aborder diverses questions, comme le respect des droits de l'homme, les normes de travail, la corruption, l'éthique commerciale, la protection de l'environnement, et bien d'autres. En les mettant en place, les entreprises s'engagent volontairement à respecter certaines normes, souvent au-delà de ce qui est exigé par la loi.

Cependant, ces codes de conduite privés ont aussi fait l'objet de critiques. Certains s'inquiètent du fait qu'ils sont souvent mis en œuvre sans une supervision ou une vérification indépendante suffisante. De plus, ils peuvent parfois servir d'écran de fumée pour détourner l'attention des pratiques commerciales controversées. Néanmoins, dans un monde où les entreprises opèrent de plus en plus à l'échelle mondiale, avec des chaînes d'approvisionnement qui traversent plusieurs juridictions, la régulation privée sous forme de codes de conduite joue un rôle de plus en plus important dans la gouvernance de l'économie mondiale.

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La gouvernance multiniveau est définie par l'existence d'une multitude de relations réciproques entre différents niveaux d'autorité. Le concept illustre la façon dont la prise de décision et l'action publique sont réparties entre différents niveaux de gouvernement (local, régional, national, international) et comment ces niveaux interagissent entre eux.

Dans le système de gouvernance multiniveau, les décisions ne sont pas seulement prises au sommet par un gouvernement central, mais aussi à des niveaux plus bas, par des autorités locales ou régionales, par exemple. De plus, ces niveaux de gouvernement peuvent également interagir entre eux, par exemple, à travers des mécanismes de coordination ou de coopération. Cette forme de gouvernance est de plus en plus courante dans des contextes tels que l'Union européenne, où les décisions sont prises à plusieurs niveaux : local, national et supranational. Elle peut aussi être vue dans le contexte de la gestion des ressources naturelles, où des acteurs locaux, nationaux et internationaux peuvent tous avoir un rôle à jouer.

L'une des clés de la gouvernance multiniveau est que les acteurs à tous les niveaux ont une certaine autonomie et une certaine capacité à influencer les résultats. Cela crée une complexité supplémentaire, car les différents niveaux peuvent avoir des objectifs et des priorités différents, mais cela peut aussi permettre une plus grande flexibilité et une meilleure capacité à répondre aux défis spécifiques à différents niveaux.

Ce graphique démontre l'évolution significative des organisations internationales conventionnelles, passant d'un total de 37 au début du XXème siècle à plus de 246 en 2006. De plus, il illustre l'importance croissante des acteurs transnationaux, notamment des organisations non gouvernementales, dont le nombre a connu une augmentation spectaculaire, en particulier depuis la seconde moitié du XXème siècle.

Ces chiffres illustrent l'expansion significative des organisations internationales et des organisations non gouvernementales (ONG) depuis le début du 20ème siècle. Ces organisations jouent un rôle crucial dans la gouvernance mondiale, en complétant ou en défiant parfois l'autorité des États-nations. Les organisations internationales, comme les Nations Unies, l'Organisation mondiale de la santé ou le Fonds monétaire international, sont des instances qui cherchent à réguler des questions qui transcendent les frontières nationales, comme la santé publique, les questions économiques ou la paix et la sécurité internationales. Parallèlement, le rôle des ONG s'est également développé de manière significative. Elles peuvent intervenir dans un large éventail de domaines, tels que les droits de l'homme, l'environnement, le développement, et bien d'autres. Les ONG peuvent exercer une influence significative, tant au niveau national qu'international, et elles jouent souvent un rôle de médiateur entre la société civile et les structures officielles de prise de décision.

Cette expansion des organisations internationales et des ONG reflète le développement de la gouvernance multiniveau et de la gouvernance globale, qui reconnaissent que les défis mondiaux ne peuvent être résolus par les États-nations agissant seuls. Il s'agit là d'une évolution importante de la manière dont les affaires mondiales sont gérées et régulées.

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L'importance grandissante des entreprises multinationales se fait clairement ressentir, comme le montre l'augmentation du nombre de leurs filiales principales. Dans les années 1980, on en comptait environ 700. Aujourd'hui, ce nombre est passé à plus de 80 000, témoignant de leur expansion et de leur influence croissante dans l'économie mondiale.

Il est indéniable que les entreprises multinationales jouent un rôle de plus en plus prédominant sur la scène mondiale. Elles ont une capacité accrue à influencer les politiques économiques, environnementales et sociales à travers leurs opérations internationales. Une entreprise multinationale mère possède et gère plusieurs filiales dans différents pays. Par exemple, une grande entreprise technologique basée aux États-Unis peut avoir des filiales en Europe, en Asie et en Amérique Latine. Ces filiales sont souvent établies pour profiter de ressources spécifiques ou pour se rapprocher des marchés cibles. L'augmentation du nombre de filiales mères de 700 dans les années 1980 à plus de 80 000 aujourd'hui témoigne de l'extension rapide de la mondialisation et de l'intégration économique mondiale. Cela a des implications importantes pour la gouvernance mondiale, car ces entreprises ont souvent plus de pouvoir économique que certains États et peuvent exercer une influence significative sur les politiques et régulations locales et internationales. De plus, le rôle croissant des multinationales soulève des questions sur la responsabilité sociale des entreprises et sur la façon dont elles peuvent être tenues responsables de leurs actions à l'échelle mondiale. Il met également en évidence le besoin de mécanismes de gouvernance mondiale plus efficaces pour réguler leurs activités et pour garantir qu'elles contribuent de manière positive à la société.

L'internationalisation des entreprises est un phénomène en pleine croissance, encouragé par la mondialisation et le développement des technologies de l'information et de la communication. Elle est visible à travers plusieurs aspects :

  • Création de filiales à l'étranger : De nombreuses entreprises cherchent à étendre leur présence à l'étranger en créant des filiales. Ces dernières leur permettent d'accéder à de nouveaux marchés, d'obtenir des ressources locales, et d'échapper à certaines contraintes domestiques. On a ainsi assisté à une croissance exponentielle du nombre de filiales à l'étranger depuis les années 1980.
  • Délocalisation de la production : Les entreprises cherchent à minimiser leurs coûts de production en délocalisant certaines de leurs opérations dans des pays où la main-d'œuvre est moins chère. Ce phénomène a contribué à la formation de chaînes de valeur globales, où différentes étapes de la production sont effectuées dans divers pays.
  • Collaborations et partenariats internationaux : Les entreprises se tournent de plus en plus vers des collaborations et des partenariats internationaux pour accéder à des compétences et à des technologies spécifiques, ou pour partager les risques associés à des projets coûteux ou incertains.
  • Influence sur les politiques publiques : Avec leur taille et leur poids économique croissants, les entreprises multinationales ont acquis une influence significative sur les politiques publiques, tant au niveau national qu'international. Elles peuvent par exemple faire pression pour obtenir des réglementations favorables ou pour influencer les normes commerciales internationales.

L'internationalisation des entreprises a de profondes implications pour l'économie mondiale, les sociétés, et la gouvernance globale. Elle soulève aussi des défis en matière de régulation, d'équité et de durabilité. Ainsi, la compréhension de cette dynamique et de ses conséquences est essentielle pour les décideurs politiques, les dirigeants d'entreprise, et la société en général.

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Les blocs régionaux, comme l'Union européenne, l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) ou le Mercosur en Amérique du Sud, ont transformé l'équilibre du pouvoir et la nature de la souveraineté.

Pour l'Union européenne en particulier, il est clair que la souveraineté nationale des États membres a été modifiée de manière significative dans certains domaines. En voici quelques-uns :

  • Politique commerciale : L'UE a la compétence exclusive en matière de politique commerciale, ce qui signifie qu'elle négocie et conclut des accords commerciaux au nom de tous ses États membres. Par conséquent, les États membres ont perdu une grande partie de leur pouvoir décisionnel en matière de commerce extérieur.
  • Politique monétaire : Les États membres de la zone euro ont transféré leur pouvoir en matière de politique monétaire à la Banque centrale européenne. Ils ne peuvent plus déterminer leur propre taux d'intérêt ou émettre leur propre monnaie.
  • Règles de concurrence : Les règles de l'UE en matière de concurrence ont une portée très large et peuvent affecter de nombreux aspects de l'économie d'un État membre.
  • Normes environnementales : L'UE a établi un certain nombre de normes environnementales strictes que tous les États membres doivent respecter.

Cependant, le degré d'érosion de la souveraineté nationale varie en fonction des domaines. Par exemple, en matière de défense et de politique étrangère, les États membres de l'UE conservent une grande part de leur souveraineté. De plus, l'érosion de la souveraineté dans certains domaines peut être vue comme un échange pour une plus grande influence collective et une meilleure capacité à relever les défis transnationaux.

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Sur une échelle de 1 à 5, 1 signifie que l'autorité est principalement exercée au niveau des États-nations, tandis que 5 indique une autorité pleinement déployée au niveau de l'Union européenne. Il existe une gradation progressive entre ces deux extrêmes, où une augmentation de l'échelle signifie une réduction des décisions prises au niveau national et une augmentation des décisions prises à l'échelle supranationale. 1 représente une situation dans laquelle l'autorité est principalement exercée par l'État-nation, et 5 une situation dans laquelle l'autorité est entièrement exercée par une entité supranationale, comme l'Union européenne. Les valeurs intermédiaires sur l'échelle représentent un équilibre changeant de pouvoir, avec moins de décisions prises au niveau national et plus de décisions prises au niveau supranational à mesure qu'on monte sur l'échelle. En d'autres termes, cette échelle sest un moyen de mesurer le degré de supranationalité dans la gouvernance - où un score plus élevé indique une plus grande délégation d'autorité à une entité supranationale par rapport à l'autorité nationale.

La Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), créée en 1951, est considérée comme la première étape vers une intégration économique et politique européenne. Elle rassemblait six pays (Allemagne, France, Italie, Belgique, Pays-Bas et Luxembourg) et avait pour objectif de mettre en commun la gestion de la production de charbon et d'acier, deux ressources industrielles cruciales. Cette initiative était en partie une réponse aux deux guerres mondiales dévastatrices du début du 20ème siècle : en plaçant la production de ces ressources stratégiques sous une autorité commune, on cherchait à rendre une nouvelle guerre en Europe impensable et matériellement impossible. En 1957, ces mêmes pays ont signé les Traités de Rome qui ont établi la Communauté économique européenne (CEE) et l'Euratom, étendant ainsi l'intégration à d'autres domaines économiques.

Ce processus d'intégration économique a eu pour conséquence une érosion progressive de la souveraineté nationale dans ce domaine. En effet, les politiques économiques au sein de l'Union européenne sont désormais souvent définies et mises en œuvre à un niveau supranational. Cela signifie que les décisions concernant des questions importantes, telles que les normes commerciales, les politiques monétaires et fiscales, sont prises collectivement par les États membres de l'UE, plutôt que par chaque pays individuellement. C'est dans ce contexte que le concept de gouvernance multiniveaux a émergé, reflétant la complexité croissante de ces arrangements institutionnels et le partage de l'autorité entre les différents niveaux de gouvernement - local, national et supranational.

La politique sociale est un domaine qui est traditionnellement très lié à la souveraineté nationale. Dans ce domaine, les pays ont des histoires, des cultures et des systèmes différents, ce qui rend difficile la création de politiques communes à l'échelle de l'Union européenne. En Europe, la politique sociale comprend un éventail d'activités très large, allant des soins de santé à l'éducation, en passant par l'aide aux personnes âgées, la protection de l'enfance, l'aide au logement, et la régulation du marché du travail, entre autres. Ces politiques sont fortement ancrées dans les traditions nationales et sont souvent le résultat de compromis sociaux spécifiques à chaque pays.

Dans le cadre de l'Union européenne, la politique sociale est principalement du ressort des États membres. L'UE a cependant un rôle de coordination et de soutien, en encourageant la coopération entre les États membres et en fournissant des directives pour les politiques dans certains domaines, comme l'égalité des genres et la non-discrimination. En outre, l'Union européenne a mis en place des règles pour la libre circulation des travailleurs et la coordination des systèmes de sécurité sociale au sein de l'UE, mais la mise en œuvre de ces règles reste largement du ressort des États membres. C'est pour cette raison que l'intégration de la politique sociale au niveau européen est moins avancée que dans d'autres domaines, comme l'économie.

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En ce qui concerne la sécurité interne, l'Union européenne a fait des progrès considérables dans l'intégration des politiques et des pratiques. Par exemple, l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) coordonne et aide les États membres dans la gestion de leurs frontières extérieures. De plus, la coopération policière (via Europol) et judiciaire (via Eurojust) est de plus en plus développée au sein de l'UE. Par contre, en ce qui concerne la sécurité externe et la défense, l'intégration est beaucoup moins avancée. La politique de défense reste largement du ressort des États membres, et il n'existe pas d'armée commune de l'UE. Il y a eu certaines initiatives pour renforcer la coopération en matière de défense, comme la Coopération Structurée Permanente (PESCO) lancée en 2017, mais ces initiatives sont encore en cours de développement et n'ont pas abouti à une intégration complète. La différence entre ces deux domaines reflète à la fois les priorités de l'UE et les limites de l'intégration européenne. Alors que l'Union a toujours été plus orientée vers la gestion des questions internes et la promotion de la coopération économique, la défense et la sécurité externe ont été des domaines où la souveraineté nationale a été plus résistante à l'intégration.

Il est vrai que dans de nombreux pays, il y a eu une tendance croissante à décentraliser certaines compétences et à accorder davantage d'autonomie aux régions. Cette décentralisation, ou dévolution de pouvoir, est souvent motivée par la volonté de rapprocher le gouvernement des citoyens, d'adapter les politiques publiques aux besoins spécifiques de certaines régions, et parfois de répondre à des revendications régionalistes ou nationalistes. L'exemple de la Catalogne en Espagne est particulièrement significatif. Depuis le rétablissement de la démocratie en Espagne à la fin des années 1970, la Catalogne a acquis une grande autonomie, avec son propre gouvernement et son propre parlement, et des compétences importantes dans des domaines comme l'éducation, la santé, et la culture. Cependant, ces dernières années, le désir de certains Catalans d'acquérir une indépendance complète a créé des tensions avec le gouvernement central espagnol. Cependant, il est important de noter que le degré de décentralisation varie grandement d'un pays à l'autre. Certains pays, comme la France, ont une tradition plus centralisée, tandis que d'autres, comme l'Allemagne ou la Belgique, sont des États fédéraux où les régions ou les États fédérés ont des compétences importantes. En résumé, la gouvernance multiniveau est de plus en plus la norme dans beaucoup de pays, avec des décisions politiques prises à plusieurs échelons - local, régional, national, et parfois supranational - et avec une interaction constante entre ces différents niveaux de gouvernement.

L'une des tâches principales de la science politique est d'analyser et de comprendre la complexité des interactions entre les différents niveaux de gouvernance. Ces interactions peuvent être de nature différente : certaines sont plus directes et clairement institutionnalisées, comme dans le cas des compétences officiellement déléguées par un gouvernement national à une autorité régionale, ou des obligations imposées par les traités internationaux. D'autres interactions sont moins formelles, mais pas moins importantes. Par exemple, les décisions prises au niveau international ou supranational peuvent influencer la politique nationale par le biais de "soft power" ou de normes sociales et culturelles. De même, les mouvements sociaux ou les tendances politiques qui émergent au niveau local peuvent finir par influencer la politique nationale, voire internationale. La science politique cherche également à comprendre comment ces interactions peuvent être affectées par divers facteurs, tels que les conditions économiques, les structures sociales, les valeurs culturelles et les idéologies politiques. L'objectif ultime de cette analyse est de fournir des informations précieuses pour la prise de décision politique et pour la conception de politiques publiques efficaces.

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La signature par la Suisse de l'accord de libre-échange avec l'Europe a conduit à une série de réactions en chaîne à différents niveaux de gouvernance. D'une part, l'accord a renforcé la coopération intercantonale en Suisse, les cantons se rendant compte qu'ils devaient travailler ensemble pour naviguer dans le nouveau paysage politique et économique créé par l'accord. Cela a également renforcé la collaboration entre le gouvernement fédéral suisse et les gouvernements cantonaux, car les accords bilatéraux ont eu des implications dans des domaines tels que la sécurité et l'éducation, qui relèvent de la compétence des cantons. D'autre part, l'accord a également renforcé les relations entre l'État fédéral suisse et les autorités européennes à Bruxelles. Les accords de libre-échange sont des instruments complexes qui nécessitent un suivi, une interprétation et une mise en œuvre réguliers, ce qui signifie que les fonctionnaires suisses et européens doivent être en contact régulier et travailler ensemble pour s'assurer que l'accord fonctionne comme prévu. Tout cela illustre comment une seule décision politique, dans ce cas la signature d'un accord de libre-échange, peut avoir des répercussions à plusieurs niveaux de gouvernance et nécessiter une coordination et une coopération accrues entre différents acteurs politiques. Cela souligne également l'importance de la gouvernance multiniveau et de l'interdépendance dans le monde moderne.

Annexes[modifier | modifier le wikicode]

Références[modifier | modifier le wikicode]

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