Welfare State et biopouvoir

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Lorsque l’on parle d’un État, on parle du politique et de conceptualisation de liens entre citoyens et politiques. La grande question du welfare state est le fait qu’il y ait une contractualisation entre citoyens et politiques, la politique étant fondamentale pour contractualiser, l’individu ne peut contractualiser seul, il le fait avec une autorité en lui reconnaissant une légitimité. Appartenir à l’État moderne, c’est accepter d’être lié aux autres individus par un contrat qui est engagé, respecté, développé par l’État moderne et le politique.

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Comment s’est constitué l’État moderne ?

Les premiers auteurs sont grecs et notamment Aristote et Platon s’interrogent sur la « polis », c’est-à-dire à la gestion de la cité (en grec ancien πόλις / pólis ; « cité » dans l’étymologie latine « civitas » ; au pluriel poleis). La « polis » est à la fois le politique à savoir le corps politique, mais aussi le lieu symbolique du politique. Dans la Grèce antique, la république fonctionne par corps politique, mais aussi par un lieu du politique qui est l’agora. Dans la tradition démocratique grecque, ce qui fait sens est le débat à savoir le dialogue qui se fait dans un lieu spécifique qui est l’agora. Ainsi, le débat fonde la démocratie, c’est parce qu’il y a débat qu’il y a démocratie. C’est du politique qui se passe dans le lieu symbolique du politique.

Dans ce questionnement, se trouve aussi la place de la démocratie et comment peut-elle se constituer en tant qu’état naturel.

La politique se fait dans un espace qui se caractérise par une dimension spécifique qui est l’espace public, c’est un lieu de dialogue qui est public, le débat a lieu publiquement. Ainsi, la politique dans un espace public est caractérisée par la parole dont découlent deux notions, c’est-à-dire que c’est le lieu d’un débat et le lieu physique du débat.

Ce qui est important dans la constitution même de la philosophie grecque et de la démocratie grecque est ces deux sphères fondamentalement différentes.

Les deux sphères de la cité grecque sont :

  • la sphère publique : espace de partage ;
  • la sphère privée : domaine du privé.

Une frontière se construit et s’élabore conceptuellement entre les affaires publiques et les affaires privées étant bien entendu que la sphère publique est le lieu du débat démocratique et la sphère privée relève de la famille. Souvent, l’autorité est donnée au chef de famille qui a une autorité dans la sphère privée. Tout individu de tout temps vie dans deux sphères différentes, à savoir la sphère privée et publique.

Ces deux sphères ne sont pas immuables dans leur définition, elles sont évolutives selon la nature des systèmes politiques et des modes de gouvernements. À la différence d’Athènes qui est une démocratie, Sparte est une cité guerrière ; son enjeu militaire stratégique important est de faire la guerre qui se caractérise par une différence du fonctionnement privé – public sur la base qu’un garçon dès l’âge de 12 ans est considéré comme un futur militaire.

La sphère publique renvoie à tout ce qui est de l’ordre de la collectivité et du bien commun à savoir ce qui est de l’ordre de la collectivité et d’un destin commun avec des intérêts communs à partager. Cela peut aller de la gestion pure de la cité à la religion en passant par l’éducation des enfants, elle est de l’ordre de la participation commune qui différencie les statuts. Le citoyen est celui qui peut participer à l’espace public, c’est l’homme libre qui peut maîtriser son sort et construire son historicité s’opposant à l’esclave. Ainsi, dans la cité athénienne, l’esclave est une chose. Dans la cité, la « polis » grecque, puis romaine, prône une distinction de statut, entre citoyens qui est celui qui peut participer au destin collectif de la cité et ceux qui ne sont pas libres qui sont les esclaves qui est reversé vers la sphère privée.

L’hypothèse étant que pour qu’il y ait de la politique il faut un espace public pour échanger. La « polis » est l’entité à gouverner.

Toute démocratie a nécessairement besoin de construire un espace public qui est l’espace de la rencontre du dialogue et de dépassement de l’espace privé. Il y a toujours une articulation entre espace privé et espace public. Dans le cadre d’une dictature, il y a des lieux qui vont s’apparenter à l’espace public qui, en termes de fonctionnalité, sont des espaces de manifestation du régime pour concentrer et contrôler les foules pour l’approbation de son pouvoir. Cependant, au sens philosophique, ce n’est pas un espace public, car il est impossible d’y débattre. Dès lors, la question de l’espace public est fondamentale de la démocratie, ce qui résiste dans les dictatures est l’espace public, mais son usage et sa fonctionnalité en termes d’usage est diffèrent de l’espace public de démocratie.

Historiquement, il y a l’espace privé qui est l’espace de la famille et l’espace public au sens de la démocratie de la gestion du bien commun et de la mise en commun.

L’hypothèse de philosophie politique dépend de deux sphères. Au XIXe siècle apparaît une troisième sphère, la sphère sociale qui va s’immiscer entre la sphère publique et la sphère privée. À travers la société se constitue un nouveau mode de gouvernementalité.

Comment sommes-nous passés d’une sphère de gouvernementalité classique à un système de gestion sociale ou des normes collectives sont définies afin d’y assurer le bonheur collectif ?

Ce qui va permettre de construire les liens de sphères c’est le contrat social : l’émergence d’une philosophie politique moderne stipulant que les individus doivent être liés par un contrat.

Quelle est la nature de ce contrat social liant les individus ?

Les théories classiques du contrat social

Les théories classiques du contrat social vont s’élaborer entre 1579 et 1762, elles sont fondamentales parce qu’elles vont forger la théorie politique de l’État moderne. Revenir à la question du contrat social est s’interroger sur ce qui est au fondement de nos démocraties à savoir la contractualisation des relations, s’il n’y a pas de contractualisation des relations, il n’y a pas de démocratie.

L’individu contractualise sa relation au sein de la société qui définit des droits, mais aussi des devoirs.

C’est le fondement de la théorie moderne de l’État présupposant un accord avec les individus pour contractualiser quelque chose. En d’autres termes, il doit y avoir un pacte entre les citoyens et ceux qui sont admis à prendre des responsabilités de gestion ; c’est un accord de vivre ensemble c’est-à-dire que c’est un accord nécessaire à trouver entre les individus qui contractualisent leurs relations, leurs droits et leurs devoirs vis-à-vis du politique donnant naissance à l’État moderne.

Il n’y a pas d’État moderne sans accord, sans l’institution d’un contrat d’État souverain. On peut dénombrer trois éléments qui fondent le contrat social :

  • Les théories du droit naturel :

l’ensemble des droits est propre aux hommes indépendamment de leurs appartenances à telle ou telle société politique. C’est une logique de relation état de nature — dieu. C’est la philosophie qui consiste à dire que dans l’état de nature il y a des obligations qui incombent à l’un et à l’autre. L’homme doit avoir une conduite placée sous le poids de la religion.

  • Le contrat social :

un outil technique à portée juridique qui fixe des conditions et des régulations du vivre ensemble. Il est nécessaire de fabriquer un outil qui est juridique et donc normatif qui fixe les conditions de régulation du vivre ensemble. Cet outil technique permet d’expliquer le fonctionnement du vivre ensemble.

  • Le principe de souveraineté :

l’État est une forme et structure, il possède des limites qui fixent le cadre de l’autorité. Il y a l’institution d’une structure qui va fixer le cadre de son autorité et de son unité. Ainsi, quel État de droit construire afin de faciliter le contrat social et quel rapport les individus doivent-ils entretenir avec ?

Le contrat social signifie trois choses :gestion du droit naturel puis un contrat social qui va changer ou faire évoluer le droit naturel dans le cadre d’une contractualisation et enfin une constitution de l’État moderne avec le principe de souveraineté dans le cadre d’un État moderne qui a des responsabilités et des obligations.

Grotius et le contrat social

Selon Grotius, il faut avant tout s’intéresser au droit naturel en posant la question de la nécessité du contrat social. Il faut relier le droit naturel, le droit divin en tant que nous sommes des créatures de dieu nous devons sortir l’animalité et relier le droit naturel afin d’éviter de tomber dans l’animalité par la création d’un contrat social pour la création de l’État moderne.

Pour Grotius, le contrat social doit être appliqué à tous. Il envisage la société comme une totalité. Il doit y avoir une continuité entre droit naturel, contrat social et souveraineté. Le contrat social permet de pérenniser le droit naturel.

Grotius imagine le fait qu’il est possible de transférer le droit naturel vers un droit d’État pour sortir de l’animalité est donner à l’homme les conditions de vivre en paix, en harmonie tout en honorant dieu.

Dans le contrat, il définit l’idée d’un transfert de gouvernés vers gouvernants. Il faut que chacun se dessaisisse d’une partie de ses responsabilités pour pouvoir accepter la constitution d’un État souverain qui va nous gouverner.

Ce contrat va se mettre en place par deux phases à savoir l’association librement consentie, on se dessaisit d’une partie de nos responsabilités, d’autre part on s’assujettit par le consentement. Cela signifie qu’à partir du moment où l’on a librement consenti d’abandonner une partie de ses responsabilités à l’État on a accepté volontairement l’assujettissement, c’est l’acceptation d’une relation de dépendance ou de relation avec l’État.

Étienne de la Boétie a notamment rédigé un traité sur la servitude volontaire[1] qui est le fait d’accepter de dépendre volontaire, c’est-à-dire abandonner une partie de ses prérogatives a l’État qui donner la capacité de les gérer collectivement pour la société.

Dès lors, pour Grotius, il est possible de transférer du droit individuel vers un droit de gouvernement dans lequel arrive le document du contrat. Dès lors, le contrat signifie l’acceptation et le consentement de l’accord.

Si les individus ont accepté volontairement de se dessaisir de leurs droits, alors la forme de gouvernement qui va en être tiré va conserver en le structurant le droit naturel divin.

Hobbes et le contrat social

Le frontispice du « Leviathan » est l’œuvre du graveur Abraham Bosse.

Thomas Hobbes considère que l’état de nature est un état de conflit et de violence, ainsi il émet l’hypothèse qu’au fond il n’y a pas de volonté positive de se rassembler, ils sont obligés de se rassembler en raison de leur égoïsme et non par volonté de vivre ensemble. C’est un paradoxe, car les individus sont obligés de le faire, au fond s’ils sont obligés de le faire, il y a toujours la possibilité de la poursuite de la guerre et de la conflictualité ainsi ils viennent à la raison à travers un égoïsme latent et non par idéologie démocratique.

L’enjeu fondamental est la définition d’un contrat social, car c’est ce qui va permettre de concevoir la paix et de dépasser le mal. Dans la théorie de Hobbes, il y a une opposition à Grotius, ce n’est pas de dire qu’il a y une transfère du droit naturel à travers le contrat, mais le contrat est le mode de rupture du droit naturel sur la base qu’il faut se dessaisir d’une partie de ses droits naturels vers la collectivité.

Dès lors, il faut transférer les façons d’agir individuelles vers un État en acceptant la limitation de ses droits dans l’État moderne, l’État va être gestionnaire de la sécurité collective afin de lui donner la responsabilité d’assurer la paix collective ce qui implique un abandon d’une partie des droits naturels.

En d’autres termes, en fonction de la position de l’état de nature, le contrat social va se faire non pas par un désir collectif de paix, mais par une gestion égoïste des intérêts.

Ainsi, Hobbes porte une réflexion autour du dessaisissement :

  • le consensus : les individus acceptent collectivement d’abandonner leurs droits naturels afin de concourir à une action unique ;
  • l’union : plusieurs volontés se rassemblent en une seule, c’est le regroupement autour d’un seul qui favorise l’union.

À travers ces modèles se joue la nature du contrat social.

Ce qui est important dans la théorie de Hobbes est le concept de réciprocité, il faut se dessaisir d’une partie des responsabilités au profit de l’État en échange ce dernier doit garantir de gérer ce qui a été abandonné. Ainsi la démocratie est le meilleur régime politique parce qu’elle favorise la contractualisation des relations. Afin de récupérer sous une autre forme les droits abandonnés, la démocratie est la forme politique la plus intéressante parce qu’elle assure que le peuple conserve la question du choix de ce qu’il a concédé.

Hobbes va plus loin que Grotius, car il décrit deux aspects importants du contrat social :

  • la garantie d’une sécurité extérieure dans le cadre de l’État souverain, il doit protéger l’ensemble de ses citoyens en cas de conflit,
  • d’autre part il avance l’idée de la sécurité interne, car l’état doit assurer l’extérieur, mais il doit aussi produire le contrat afin de produire un bien être pour l’ensemble de la population.

Dans la théorie du contrat social, il y a aussi l’idée de la contractualisation de la relation de l’État aux individus pour les garantir des besoins fondamentaux.

Pufendorf et le contrat social

Pufendorf fut diplomate est juriste allemand, il va éliminer tout discours théologique en évacuant la religion du contrat social disant « les hommes doivent être gouvernés par des lois positives qui doivent permettre de fabriquer cette nouvelle souveraineté. »

Dès lors nous allons arriver à un double contrat qui est d’abord la convention c’est-à-dire le fait que les individus vont collectivement accepter d’abandonner leurs droits, ensuite c’est l’assemblée de contractant qui porte une réflexion sur la démocratie.

Le premier contrat est un contrat consensualiste de l’abandon de ses libertés, le second contrat est le choix du souverain qui doit se faire par accord contractuel et échange de promesses mutuelles.

Ainsi, Pufendorf ose la question de savoir comment construire un nouveau pouvoir souverain. Il évacue le discours théologique pour distinguer les lois naturelles, révélées (lois de dieu) et les lois positives. Ces dernières permettent à l’espace public de se développer.

Jean-Jacques Rousseau et le contrat social

La théorie de départ est que l’homme naturel n’est ni bon ni mauvais, il est dans un état d’ignorance, sa seule vertu est la pitié ne devant que répondre à des besoins primaires. Ce qui a fait basculer l’homme de l’état de nature est la propriété privée.

Dans la philosophie politique de Rousseau, dans la société civile, le plus grand mal est la propriété privée qui a introduit des différences entre des individus qui a engendré des inégalités. Dès lors, toute l’histoire de la construction de la société moderne set la construction de l’inégalité par la propriété qui a abouti à créer de profonds écarts de richesses.

Les révolutions techniques ont accentué les inégalités. La rupture d’égalité a engagé le désordre, des concurrences, des rivalités, mais aussi un rapport d’exploitation. Dès lors, le despotisme est l’accaparement de certaines richesses par certains.

Il faut se méfier du faux contrat social qui serait que le riche cherche à contractualiser avec les pauvres qu’il cherche à dominer.

Le vrai contrat social est celui qui serait capable de reposer la question de la volonté générale contre les intérêts privés qui sont des intérêts particuliers alors que la volonté générale doit être de l’ordre du collectif. Rousseau repose la question de l’intérêt général et de l’espace public. Ce qui va permettre la régulation et de sortir du faux contrat social est la reconstitution de l’espace public.

Sans la base de l’espace public, il ne peut y avoir retour de la moralité et retour de la loi.

Le contrat social selon Rousseau est la mise en commun des forces autour de deux notions à savoir de liberté et de destin collectif. Le contrat social n’est pas nécessairement du côté de la force, mais du côté de la protection, de la négociation, mais du côté d’un échange aventureux et avantageux. Ce qui est au centre est de conserver la liberté de chacun dans un cadre collectif d’échange.

Le bon gouvernement est celui qui se fait avec le peuple dans le cadre de la contractualisation puisque le peuple est pour le contrat social ; s’en déduit une pensée globale du contrat social.

La constitution de l’État providence

L’avènement du social

Arendt va dire que l’avènement du social coïncide historiquement avec la transformation de l’intérêt public avec ce qui était autrefois une concurrence avec l’intérêt privé.

Pour Arendt, le social est vivre en société, dans la théorie politique classique il n’y a pas de conceptualisation du social, il n’y a pas reconnaissance de vivre social. D’un côté, il y a le « politikos » (Πολιτικός, Politikos), de l’autre il y a la famille « oikos » (du grec ancien οἶκος, « maison », « patrimoine ») qui est une privation et une mise en retrait, c’est un espace en retrait ou l’extérieur ne peut regarder la famille.

Le Moyen-âge va se caractériser par une extension du domaine privé ; le grand tournant est l’époque moderne à savoir le XVIème, le XVIIème et le XVIIIème siècle parce qu’on arrive à l’émergence de la sphère du social qui est le glissement du privé vers le social, de l’intime vers le social. La famille rentre dans une économie productive, elle devient une unité de production, elle n’est plus seulement du domaine privé, mais à avoir avec un enjeu lié la question publique.

Le capitalisme fabrique des nouvelles richesses ; dans la révolution industrielle, les conditions des individus s’appauvrissent marquant un dysfonctionnement de la société avec de nombreux problèmes (grèves, révolutions pandémie, etc.). Les industriels puis l’État s’interrogent sur le social (ex-enfants dans les mines) et les enjeux qu’ils représentent.

Dès lors, la famille devient une unité de production et l’éducation devient un enjeu public. À partir du XVIème et jusqu’au XVIIIème siècle, la sphère privée va diminuer au profit d’une troisième sphère qui est la sphère sociale ou le privé est limité parce qu’il s’oppose au politique et au social.

Le social devient au centre de la préoccupation de l’espace public sur la base que si le social n’est pas géré, on court à des catastrophes sociales. La société devient un enjeu stratégique de gouvernement. La question n’est plus d’avoir un espace public du gouvernement, mais sur la nécessité de gérer la société.

C’est une révolution parce que la sphère du social bouleverse le curseur entre espace public et privé.

La famille était par essence du domaine privé. Arendt montre qu’il y a un avènement du social avec un nouveau référent. C’est la réinterprétation de la famille non pas comme un objet privé, mais comme une unité de production. L’éducation devient dès lors un enjeu public renvoyant à la capacité du devenir de la société elle-même. La sphère privée devient la sphère de l’intérêt général.

Arendt postule que ce bouleversement proviendrait de Rousseau, car il serait le premier à avoir assumé le glissement du privé vers le social. La période s’entendant du XVIème au XVIIIème siècle se caractérise par le déclin de la représentation du poids de la famille dans la société.

Apparaît un troisième fait et la société va demander des comptes. On va chercher à fixer des règles publiques ayant pour conséquence de produire des politiques. Des groupes sociaux vont être absorbés dans l’interprétation d’une société unique : c’est la nouvelle sphère de gouvernabilité qui met en jeu l’autorité publique émergeant à travers des tas de dispositifs pour gérer la société.

Dès lors émerge une sphère sociale, une sphère contractuelle sociale qui va exiger des comptes à la famille. Maintenant que la famille n’est plus de l’ordre de la sphère privée, il faut rendre des comptes sur ce qui s’y passe à l’intérieur. Le phénomène de transfert est important parce qu’il y a des règles pour tous qui sont édictées, car les populations sont absorbées par la sphère sociale qui caractérise la naissance de l’État moderne sur la représentation de l’État social en tant que collectivité.

Arendt a permis de poser la structure théorique sur l’avènement du social dans son ouvrage intitulé la condition de l’homme moderne.

Le contrôle social : la folie et le crime

Michel Foucault.

Michel Foucault est un philosophe de la pensée ayant travaillé sur la société moderne. Il étudie la généalogie des savoirs. Il postule que les sociétés sont construites par un ensemble de savoirs et de techniques, afin de comprendre la société il faut l’analyser non pas comme une chose intangible, mais comme des constructions de sociétés.

La société a des savoirs qui détiennent une historicité. Ils permettent de comprendre le fonctionnement de la société actuelle et ce qui a fait changer les registres d’analyse pour analyser la société comme un construit sociétal.

Pour Foucault, les sociétés dans lesquels nous vivons ont élaboré des dispositifs qui sont des modes de gouvernement qui ne sont cependant qu’en réalité la façon dont la société se représente elle-même.

L’intérêt de Foucault est de mettre à distance nos comportements pour les analyser de façon historique et culturelle.

Foucault réalise cette archéologie à partir de deux institutions spécifiques, à savoir l’hôpital et la prison, qui sont deux institutions majeures du XVIIIème et du XIXème siècle. Il rédigea deux ouvrages à ce sujet histoire : De la folie à l’âge classique en 1961, et Surveiller et punir : histoire de la prison en 1964.

C’est une interrogation sur le soubassement des savoirs et des équipements étant entendu que la prison et l’hôpital général sont des équipements qui structurent la ville. Il va notamment le faire autour de la construction des savoirs médicaux autour des XVIème jusqu’au XIXème siècle s’interrogeant sur comment la folie est devenue un concept opérationnel dans la société. Ainsi la folie est située comme une représentation.

Il étudie les dispositifs de pouvoir : le pouvoir fabrique des équipements et en réalité ils ont pour fonction de créer un cadre social dispersé à travers la société.

La folie

C’est une construction sociale et politique. Elle nous situe du côté des représentations et permet de dégager ce qui relève du normatif. Au Moyen-Âge, tant que Dieu existe le fou est un innocent selon la volonté divine, dès lors la folie est une création de Dieu. Le fou porte en lui une simplicité d’esprit qualifié par Dieu et relevant d’un mystère qui soutient qu’il ne doit pas être maltraité. Parce qu’il est innocent, il a un esprit de tolérance. La relation entre hommes raisonnables et la folie relève d’une compassion. La morphologie de la présence de la folie réside dans le village.

À partir du XVIIème siècle, le paradigme de la folie va être placé du côté de la déraison. « La folie est à l’intérieur de la raison » elle ne relève pas de l’ailleurs, mais de notre monde »[2]. Dès lors que Dieu est évacué, la folie est évacuée de la raison devenant une extériorité. La folie relève de la maladie. C’est ainsi que la médecine s’empare de cet objet comme un objet scientifique et trouver des raisons endogènes, c’est une fabrication des institutions de la maladie.

Va notamment émerger une institution de la folie et de l’outil de la séparation (l’hôpital psychiatrique), c’est-à-dire un équipement général qui permet d’exiler le fou de la société des hommes libres mis en place par l’État moderne.

C’est l’invention moderne de l’internement, le fou est interné, ce qui accomplit la rupture de la raison et de la déraison, c’est l’invention moderne de l’isolement. Il décrit un processus de fabrication par les sociétés modernes d’un système de normativité déplaçant les seuils de tolérance.

Foucault montre que lorsque la société introduit des outils spécifiques de lecture, l’État moderne va lui-même instrumentaliser la question en cherchant des outils techniques.

La prison

Dans un premier temps, ce fut une politique de supplice ou l’inculpé doit subir physiquement la pénalité. Elle a pu dans certains cas être un lieu de privilège pour les riches. On va passer d’une punition de pénalisation à une punition de défense ou la prison va être un lieu d’enfermement ou l’enjeu est la mise à distance du corps autrement dit le retrait de la société. Ce n’est plus le châtiment du corps, mais celui de l’âme afin de bloquer un individu dans l’isolement. La prison moderne fonctionne sur : l’isolement individuel, le travail, et la variabilité de la peine. Au fond, la prison est l’inverse de la société, c’est l’obscure. La prison c’est l’invention de l’illégalisme institutionnalisé. Le mot « illégalité » renvoie au concept de normes collectives dont chaque comportement anormal peut être sanctionné. Pour Foucault, les lois ne sont que le produit d’un rapport de force à un instant donné. La population pauvre représente aussi un certain type de menace envers l’ordre social. Pour gérer l’illégalisme populaire, un ensemble de prescriptions vont être remises pour leur permettre de trouver leur place.

La création de l’État social est la création d’une sphère sociale importante qui va s’occuper de la vie des individus, mais ne peut le faire que si on a normalisé leurs comportements et leur morale. Pour Foucault, nous entrons dans un système répressif qui appartient à l’État, il devient le garant de la sécurité collective. L’État devient le garant de la sécurité sociale, va être construit un système où vont être étendues des prérogatives pour la gestion de l’individu.

À partir du XIXème siècle émerge la naissance de la question sociale, c’est-à-dire le fait que l’on doit traiter l’ensemble des éléments de la société pour lui donner une unité et de la convergence dans ses modes de faire et ses obligations.

Dès lors, la question sociale va d’abord être pensée comme étant opposée aux révolutions.

Les théories de la solidarité et le paradigme assurantiel

Chez Durkheim, on voit apparaître l’idée que l’on ne peut penser la société que par la mise en œuvre d’une solidarité collective qui permette à tous les individus de se rassembler autour d’un destin commun. Ce qui n’est pas de l’ordre de la solidarité va être sanctionné au contraire qui est de l’ordre de la solidarité va être approuvé et conforté. Au XIXème siècle, la sphère sociale ne peut que s’agrandir. Elle pose un rapport complexe entre liberté et social, la question de savoir jusqu’où peut-on aller afin de construire la sphère sociale et dans quelle mesure la construction de la sphère sociale comme un champ productif peut aller sans mettre en cause la question de la liberté individuelle.

La solidarité mécanique chez Durkheim est la solidarité dans les sociétés premières, cela signifie que les individus sont mécaniquement solidaires les uns des autres.

Au fond, la société moderne qui est une société faite de spécialisation différentielle fait abandonner la solidarité mécanique pour une solidarité organique, c’est-à-dire le fait que nous sommes obligés d’être solidaires malgré le fait qu’il y ait des spécialisations de fonctions et de tâches dans la société.

La promotion du social pose la représentation de la société comme un ensemble avec la mise en place d’un droit social qui mette en pratique la solidarité.

Dans la sphère sociale, il faut gérer les individus, et l’intérêt pour l’État est de mettre en place des politiques : il faut gérer tout ce qui est de l’ordre de la vie privée.

Dans la création du welfare state la question la plus importante est le social. Le plus important est que le social donne lieu à des théories politiques : la théorie du solidarisme.

Ainsi, Foucault s’interroge sur la notion de société et la nécessité de fabriquer un ordre politique par la solidarité nécessitant de privilégier certaines théories. Si aucune solidarité n’est assurée, c’est l’échec du politique.

Dès lors, ce qui justifie la création de l’État moderne et la construction de l’équilibre interne c’est-à-dire de social. L’État ne peut pas se contenter d’un côté de la sphère du privé et de l’autre de la sphère privé parce que la famille fait partie du social.

Émerge l’État moderne qui est obligé au XIXème siècle de prendre la solidarité comme un élément d’engagement politique et institutionnel.

L’État va se définir à travers la sphère du social comme un État du service public, il doit protéger ses citoyens et ne peut le faire que par la constitution d’un espace de solidarité sociale, c’est-à-dire un espace de pris en compte des différences pour essayer de les amortir et les réduire.

Les ouvrages qui traitent de la fin de l’État social rappellent qu’à partir du moment où nous entrons dans un monde libéral ou le politique est dépossédé d’une partie de son pouvoir par l’économique, la politique n’a plus le moyen de gérer la sphère sociale, au mieux la donner au privé au pire nous allons rentrer dans de la violence pure au sein de nos sociétés.

Pour Foucault, le social devient un objet de gouvernement, dès lors toute société est obligée de prendre le social comme un objet de gouvernement.

Au XIXème siècle va se développer une économie sociale qui voit apparaître le gonflement de la responsabilité des États dans le champ social. Entre le XVIIIème siècle, les années 1850 et les années 1950, l’État ne va qu’augmenter ses prérogatives ce qui permet d’expliquer le concept d’État providence, c’est-à-dire que l’État s’est engagé sur des champs de plus en plus développés du fonctionnement de la société au nom de l’intérêt général de cette gouvernementalité, la chose technique doit être gouvernée.

La société devient un enjeu découlant de nombreuses lois sociales (ex – loi sur les accidents du travail : loi sur la solidarité entre ceux qui travaillent et ceux qui sont invalides). La solidarité va étendre le champ de la promotion du social et s’interroge sur de nouveaux domaines fondamentaux (ex – lois sur le logement social). L’objet fondamental est de réparer les carences de la société : il faut faire attention à ceux qui ne suivent pas le mouvement.

L’État doit être au cœur de la solidarité en tant que service public, il va créer les liens entre les individus et va gérer la contribution de tous pour l’amélioration de l’ensemble de la société : il doit protéger ses citoyens. Le bien-être de chacun est une condition nécessaire pour le fonctionnement du collectif. C’est penser une efficience de l’État et que le progrès et la richesse nationale sont collectifs et individuels se reversant aussi sur la question du collectif.

La sphère du social ne fait que grandir et cela jusqu’à la remise en question de la sphère sociale à la fin des années 1980.

À la fin du XIXème siècle va être inventé le concept d’assurance donnant lieu de paradigme assurantiel, c’est fabriquer un nouveau système de pensé autour de l’assurance.

François Ewald va travailler du point de vue de la philosophie politique. C’est un concept philosophique qui postule que les individus sont liés les uns aux autres. Dès lors dans le travail il y a des obligations respectives liées aux conditions de travail, ainsi Ewald caractérise l’État providence par la naissance d’un nouveau droit : l’assurance est un système sophistiqué de gouvernabilité des sociétés. Pour qu’elle se réalise, il faut qu’auparavant on ait qualifié juridiquement la question des responsabilités.

Les assurances montrent qu’on rentre dans une société assurantielle qui va être capable d’inventer de nouveaux risques en tant qu’innovation majeure des sociétés contemporaines. Cela signifie que Ewald va étudier un système assurantiel en montrant comment l’invention des assurances se construit par des étapes philosophiques et conceptuelles qui sont un renversement des sociétés. Dès lors, l’accident n’est plus de l’ordre de la fatalité. Le social peut dès lors être catégorisé juridiquement selon des universalités sociales. On normalise les besoins sociaux autour du concept de sécurité et de réparation. Le droit était miroir de la société et produit des normes à l’usage de tous. Ainsi, la responsabilité devient une question de l’État, c’est l’invention du droit social moderne.

C’est l’entrée dans des catégories d’analyse sémantique qui définissent l’ensemble de la sphère sociale et notamment le travail. Le meilleur exemple de la création du welfare state au niveau du travail est l’invention de la retraite qui est du point de vue philosophique un apport important. C’est l’invention de la solidarité intergénérationnelle. Les individus sont solidaires de façon générale et si possible dans certains domaines de situation intergénérationnelle.

Vers un nouveau concept : le biopouvoir

Article détaillé : Dominations.

À travers l’analyse de la prison et de l’hospice, Foucault postule que la construction de l’État moderne est des normes de bon comportement sociétal qui sont des constructions de dispositifs qui ont pour objectif de gérer un segment thématique de la société et ainsi l’État moderne construit des dispositifs. Les grands dispositifs inventés par l’État moderne au XIXème siècle sont au début répressifs puis vont devenir des dispositifs liés au welfare state.

Foucault s’interroge sur ce qui se passe dans l’évolution des sphères. Ce qui apparaît aujourd’hui c’est que le politique prend le pouvoir sur la vie de l’homme. À un moment donné, le politique dépasse la gestion des hommes. Il faut étatiser le biologique : l’homme n’est plus pris comme une unité rationnelle, mais comme une entité biologique qu’il faut gérer. C’est le concept de biopolitique.

Les États-providence sont progressivement obligés de s’immerger au nom de la complexité de la technique de nos sociétés dans des gestions de plus en plus poussées de l’homme qui vont atteindre l’humain en tant qu’être. Dans nos sociétés modernes, c’est l’humain en tant que tel qui finit par poser problème.

Foucault définit le terme biopolitique comme « la manière de rationaliser les problèmes posés à la pratique gouvernementale par les phénomènes propres à un ensemble de vivants constitué en populations »[3]. Le biopolitique est des mécanismes qui vont avoir pour objet de fixer dans la population des équilibres et des mécanismes de sécurité afin d’optimaliser l’état de vie.

Il faut considérer que l’une des directions que prend l’État moderne indépendamment de l’évolution de l’État providence est de définir et de s’occuper de la vie en tant que vie, dès lors, la vie appartient à la gestion du politique. Le biopolitique va dégager une politique de la biologie qui serait même une étatisation de la biologie.

On rentre dans une époque où la question fondamentale est la gestion de l’humain. Il y a une nouvelle catégorie de pensée politique qui va se situer à toutes les échelles de la société pour gérer l’homme biologique. Le politique se saisit de l’homme non pas comme un animal qui pense, mais comme un être biologique, dès lors la politique se saisit de notre vie et définit l’homme en terme biologique.

La biopolitique est un système formé autour du biologique (ex- recherche thérapeutique). C’est une diffusion à l’ensemble de la société de microsystème ayant pour objet de fabriquer des mécanismes de régulation dans les populations pour optimiser « l’état de vie ».

Pour Foucault, le biopolitique est le contraire de la démocratie, car la démocratie est une épaissir qui renvoi à la question du débat. Ainsi la démocratie est du côté de la densité et de l’épaisseur, elle n’est pas du côté de la transparence qui nie le débat et la négociation qui est la richesse de la démocratie. Lorsque Foucault condamne au XIXème siècle la prison est que la prison moderne est la construction d’un espace lisible où tout doit être sous contrôle, l’individu ne doit échapper à la surveillance, ce sont des dispositifs physiques. Le concept de visibilité est à verser non pas de la démocratie, mais du contrôle absolu.

Foucault nous interroge sur nos sociétés qui veulent rendre absolument tout visible et lisse. La traçabilité rend la différence comme un problème. Dès lors, l’État moderne est sur la biopolitique, la maîtrise de segment qui permette d’interpréter l’homme en tant que systèmes biologiques. À la différence d’Aristote et Platon qui postulent que l’homme est celui qui a réussi à quitter la biologie pour arriver à penser son animalité et sa différence, la question de la biopolitique devient un concept intéressant pour essayer de relire les nouvelles politiques publiques qui sont bien au-delà de l’homme en tant qu’homme en société.

Annexes

Références

  1. Discours de la servitude volontaire, Paris, Flammarion, 1993
  2. Montaigne
  3. Foucault Michel, « Naissance de la biopolitique », Annuaire du Collège de France, 79e année, Histoire des systèmes de pensée, année 1978-1979, 1979, pp. 367-372